Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CRUX

CEUX, TslpO;, ax0aXo40. Le supplice de la croix, fréquent en Orient', ne se rencontre qu'exceptionnellement dans la Grèce. Il est mentionné par ljéinosthène et par Platon . Denys de Syracuse, après la prise de Motve, l'infligea aux Grecs auxiliaires des Carthaginois'. Une sorte de déshonneur était attachée à ce genre de mort, qui le plus habituellement était réservé aux esclaves et aux voleurs de grand chemin1. E. CAILLPMER, 1. A home ce supplice regardé comme le mode le plus cruel d'application de la peine de mort POENA] était habituellement réservé aux esclaves (servile supp licium) . Peut-être l'origine de cette peine remonte-t-elle à l'ancienne suspension k l'at'bor infelix7, ou pendaison infamante, que les anciens semblent mettre sur la même ligne que la croix, et nomment aussi infeti.c /ignum5. En effet, Juste Lipse a fait remarquer9 que plus tard encore on employa des arbres au crucifiement et que la pendaison à un arbre fut également parfois qualifiée de crus. Sous la République, on n'appliqua le supplice de la croix qu'aux esclaves", aux transfuges et aux provinciaux, coupables de piraterie ou d'assassinat, de brigandage 12, d'excitation à la révolte ou d'insurrection, les principes constitutionnels défendaient de mettre en croix un citoyen43 romnam, fût-ce en province; c'eût été doublement violer les leges sur eatae que de lui infliger le supplice des esclaves". Pendant l'empire où les cogo itioues extra ordinariae sucré, dèrent bientôt aux judicia pub lice, réglementés par tes lois de la République, il s'introduisit un grand arbitraire dans l'appellation des pénalités. Cependant l'usage se maintint de ne pas crucifier un citoyen romain, à moins qu'il ne fût de la classe des /tuniiliores43 La jurisprudence réservait d'ailleurs cette peine pour des crimes graves comme le brigandage (latrocinium) et la piraterie u, l'assassinat et le faux témoignage, auxquels cas on livrait quelquefois les coupables aux bêtes 47; pour la trahison des transfuges, que ion brûlait parfois vivants surtout pour les méfaits des esclaves comme la delafio dornteti, ou pour avoir consulté les devins sur le soit de leur tnadi'e (de saltete i!oteuinorum 19) ; enfin 13012F le crime de sédition et de tumulte dont les auteurs, même libres, etaient, suivant leur quahttl, mis en croix, livrés aux bof es ou déportés. C'est notamment cous catie inculpation que la peine de la croix fut appliquée k jésus-Chrirt3m et à plusieurs apôtres de la religion chretienne52, Quant aux esclaves, le droit de vie et de mort des maîtres à leur égard fut restreint sous l'empire par la loi Petrouia23, et par Hadrien, qui défendit d'exécuter un esclave sans une sentence du magistrat ".; Antonin le Pieux punit, comme homicide34, le meurtre arbitraire d'un aervus par son maitre ° [POTESTAS]. Ordinairement, les condamnés devaient être préalablement battus de 't erges°7 sub furca [FURCA], puis ils devaient porter la croix ou du moins la traverse4t jusqu'au lieu de l'exécution, exposés ainsi aux injures et aux coups ClO la populace 49.La croix était dressée30, et le patient y était hissé à l'aide de courroies35 ou de cordes (ce qui s'appelait. ugsP'e, date, ferre, teiNte in ct'aci'ttt(, puis 11 était fixé sur la croix asse de longs clous qui lui traversaient les pieds et le,, mains . Une tablette (/i/taIts indiquant la nature de son crime était placée à la partie ruperieure de la croix . les esclaves étaient en général crucifiés hors de la 'tille, et, à home, sur la place Sestei'tuuoa3', hors de la porte die' tia ou Esuilitla, parle cAuorStFEx ou bourreau des servi. Là s'élevait comme une forêt de croix3't, d'où partaient (leu gémissements; car on laissait mourir de faim et de soif les malheureux crucifies, qui servaient tic pâture aux chiens et aux vautours ". Quelquefois le supplicié vivait ainsi plusieurs jours à moins que par un adoucissement do la peine il ne hit prescrit rie lui friser les membres " ct't4ra tracta). Chez les Jtttf't, l'usage l'ordonnait ainsi u afin que le cadavre pût être enlevé le soir même. C' et ainsi qu'après la mort de Jésus-Christ, le corps lut livré à. l'inliumatioisb (,lsez le,, Romains au contraire'', le cadavre du condamné devait demeurer sans sépulture, et un soldat 'teillait k ce qu'il ne fut point enlevé, à m 'ma CRU -1574 CRS d e le sentence n'eût ex.p sèment permis l'enterrement. ! a commencement de son règne, Constantin maintint encore le supplice de la croix, et ordonna." d'a,ffigere patibute les esclaves ou affranchis qui dénonçaient leur maître ou patron; mais plus tard, en honneur de la passion de 3e-sus-Christ, ii abolit ce suppliceb3 qui ne fut plus pratiqué que très exeeptic nnellement °4. Aussi, dans les compilations de Justinien 40, le nom de furca a été mis partout à a pntoe du :pot caue, G. lTLxtera. Ii. Le mot ceux, dont la signification première (de crucial" n'est autre que instrument de supplice, n'a pas été d'about: un none réservé exclusivement à la croix formée de deux bois, hca vertical et l'autre transversal, SemI bla hie à celle€•qui est devenue le symbole de la foi chrétienne. il s'est appliqué, dans l'antiquité, au gibet, quelle qu'en fut la forme, auquel un condamné était attaché pour subi sa peine. L, x4ien même, en parlant de Prométhée"' cloué sur le Caucase, se sert des mots eiruudn, vuirnn'péro, oser :,%os etw, comme d'expressions générales qui con viennent à son supplice, et un poète latin 48 appelle crux le rocher auquel Andromède est attachée. Il existe aussi des monuments représentant Andromède et Prométhée ou, suivant une marche inverse, les artistes ont ramené les récits fabuleux à la réa lité qu'ils pouvaient connaître, Dans des peintures de vase d'ancien style, Prométhée parait lié par le milieu du corps à un poteau (fig. 2081) °s; et sur un ciste gravée de Préneste, Andromède est ex nue, debout entre deux pieux reliés par une barre horizontale aux extrémités de laquelle sont attachés ses bras étendus (fig. 2082) "o Ces représenta tions répondent aux idées diffé rentes que, en Grèce et en Italie, sien pouvait se faire de l'nstrument du supplice. ZTetupét et 5nv'r4û' en grec signifient a proprement parler un poteau, un pieu pointu, tel qu'on en plante peur faire une palissade " , palus a la même u + ept on r,latin. (Rand fi s'agit d'une peine infligée, ces mots doivent donc s'entendre d'un poteau semblable auquel le condamné est attaché soit avec des cordes soit avec des clous", et c'est ainsi, sembie-t-il, que l'on doit se figurer chez les Grecs, au moins pour Ies temps anciens, la mise en croix, qui au surplus est nommée par les auteurs moins comme un supplice usité en Grèce, que comme une mutation de ce qui se pratiquait en Asie dès une haute antiquité ", Chez les Romains ce supplice fut connu de bonne heure et constamment employé. Les criminels, surtout les esclaves, étaient attachés à un poteau pour y ètre fustigés, exposés et mis à mort, et ce poteau (palus, stipes), quelquefois un arbre (arbor sn felix) est désigné sous le nom de ceux " Cette manière de faire subir leur peine aux condamnés s'est conservée jusqu'à la fin de l'antiquité. car une lampe " qui peut avoir été fabriquée au ne siècle après J.-C., on voit (fig. 2083) un homme livré aux bêtes ainsi lié à un pieu; il est debout sur l'estrade (pulpilunt, ratasta) que l'on dressait quelquefois au milieu de l'amphithéâtre pour donner ce spectacle à la multitude. Mais Sénèque comprend parmi les tourments qu'il appelle tous également crames" le pieu aiguisé sur lequel des malheureux sont em palés ; d'autres, ajoute-t-il, sont suspendais la tete en bas, d'autres ont !es bras étendus sur le gibet (pi.itibeilo). Le *net patibulum signifie proprement une barre, et plats précisément celle qui assujettit une porte etquil faut retirer quand on veut l'ouvrir". Une barre semblable était placée derrière le cou du condamné et ses mains étaient attachées aux deux extrémités", souvent aussi c'étaient deux barres or; deux fourchons" réunis par un de Ieurs bouts, antre lesquels sa tête tilt enserrée, ses mains étant fiées aux deux aires ''omis c'est ce qu'on appelait. furca, mais les mots atibuiurlt et fuma étaient pris communément l'an pour l'autre 70, Le patient dans cette attitude était promené et fouetté par les rues. Ce n'était là, s'il devait mourir sur la croie. que 1a, première partie de sa peine. Dans ee cas il portait jusqu'au lieu de l'exécution le pattbulum E1, qui, poséhorizontalement au haut du poteau (palus, stipes) déjà planté en terre, complétait l'instrument du supplice. La ,inntre tra_svet rare pou ait s'appuyer sur deux --J'ril Li .__. CC autres verticales, comme on le voit darrs la figure tut de J la ciste de Préne r }duite plus haut. Cet1 ; us "e de soutenir le pat bul,r; dut être très aneienni ployée, puisqu'elle est la plus simple, et il est pa nséquent naturel qu'un a tisle latin se, soit représente de cette façon le gibet sur lequel un condamné attend :a mort. Mais la croix ordinairement employée éiait celle dont l'image nous est familière, formée par l'entrecroisement de deux bois, et que les auteurs tant profanes que chrétiens comparent à la lettre T 63. Les tettes ou la croise est décrite, tantôt comme avant exactement cette forme, tantôt comme ayant une hampe qui dépasse un peu la traverse la, ces textes également affirmatifs ont fourni matière à d'abondantes discussions au sujet de la croix de Jésus-Christ ; en tout cas ils tén nent que ces différentes formes de croix étalent usi' itiquifé. Les repré sentations font défaut dans o neufs antiqu.cOn sait que l'image de Jésus-Chri ' ,r° la croix, ou on aurait pu chercher des exemples, à peine dans l'iconographie chrétienne au ou' s. . • Lue seule fois un cru cifix a été tracé au 1110 siècle pi une main profane : nous voulons parler de la célèbre caricature découverte par le P. Garrucci dans les ruines du palais des Césars, au Palatin 6v, et qui représente un crucifié avec, une tète d'âne ou de cheval, et près de lui un personnage qui fait le geste de l'adoration, avec cette inscription 'iULU0.evoc a€fdrr (pour auie,at) tleriv, Alexarnvne adore son dieu (fig. 2084). La croix a la forme du T; nue cheville implantée dans la traverse soutient l'écriteau (t fu'us, o.'-tK) 6s qui faisait ordinairement ,,t raite le motifs de l'exécution; tan `rait sous les pieds du supplicié rie présente peut-être la tablette (suppedaneu,m) qui devait, d'après les archéologues, servir au patient de soutien p est aussi question, dai sort, passages Ï d'un ehevaiut sur lequel ii aurait été, assis, de telle sorte que son ne put s'affaisser quand les bourreaux l'attachaient sur la croix 66. On ne voit pas dans la grossière image du Palatin si le crucifie est attaché avec des cordes ou avec des clous La croix ne parait pas très haute, elle l'était quelquefois", Le crucifié est vêtu dune ciiurte tunique, contrairement à l'usage de dépouiller entièrement les ucndamnés 69. Il n'est r' ;c fa i.e que les expressions fair. ace su 3 toile-ne, ad f atn, ils Ri se rem i te\fC o dCS [0 i ,,.,,_a ., .5:2. geste s'entendre du supplice de le itsoix, n'est purs heu autrement dans la compilation de Justinien, Matis lorsqu'on cessa d'élever des eroix, sous les empereurs chrétiens, par respect pour ..elle de 601, Christ, on n'en continua pas groins d'en. lès i nids à peu près de la même manière. Nous 'pouvons nous faire une idée exacte de ce qu'était alors leur supplice par une miniature du Livre de Josué 73 conservé à le bibliothèque du Vatican, oeuvre du commencement 'i: moyen âge, mais qui, reproduit un original plus ancien. :Dans une de ces miniatures on voit (fg. 2085) les cinq rois mis à mort par Josué' ils ne sont pas cloués sur une croix, ruais suspendus par le cous une véritable fourche; les jambes et les bras sont pendants, la tète est prise dans l'écartement des deux branches de la t°ourehe et une barre transversale (le putibufuin) passée entre la tète et les branches est appuyée sur le cou et l'étrangle. 11f. On appelait aussi C7'ux ou stipes (ycivafot)1 tes bat ns dont un sculplesr se sert pour soutenir l'argile ou la cire dans laquelle il modèle une figure. On en trouve un exemple dans une pierre graine (fig. 2086) qui représente Prométhée modelant un homme i3. F saur. €t1 PUA Kru7t'r.l. -Pr.ssage souterrain,. allée couvert', caveau, apte. Ce nom dérivé du grec, mais qu'on are houx;', guère employé qu'en latins, s apinique soit à un lieu entière:ment souterrain cicutine rait (fig. 2087) la voie creusée dans le. rocher qui conduit es à l auzzoles , l r,ne,pt %1'ecr, poiitana qui s'appell.. la grotte de 1'111 jupe; ou comme le i ai •tai principal des eaux qui passait à Ru0';e sous le qua' ade Su: erra 3 et communiquait avec la C'le, -e saisie I • i ît, plus ordinairement, à une construction élev au-dessus du sol, rouverte et fermée de deux côtés par nies muas, de manière à former un corridor toujours sombre, quelquefois entièrement obscur. Tel ite t dans un thelire. le couloir pratiqué dan, [épaisseur du CRY 1576 CRY bâtiment tout autour de la cavea, sous les gradins où s'asseyaient les spectateurs [THEATRUM] : c'est un couloir semblable que mentionne une inscription' trouvée au grand théâtre de Pompéi et qui fait honneur à deuxpersonnages de cette ville de l'avoir fait construire ; les écuries du cirque nommées cryptae par Sidoine Apollinaire étaient construites de la mèrne manière. Tel était aussi le passage s qui mettait en communication au Palatin les maisons de Tibère et de Caligula où étaient les appartements privés des empereurs et le palais des Flaviens, qui paraît avoir été destiné aux réceptions publiques. Ce passage, qui a conservé sa voûte encore ornée de quelques restes de mosaïques, n'est pas même éclairé par des soupiraux. Il est précédé, quand on vient des constructions de Caligula, par une galerie plus longue et plus large, éclairée par une série d'ouvertures pratiquées dans la voûte 7. C'est dans cette galerie que Caligula fut assassiné. Il y était entré pour voir des jeunes gens venus d'Asie qui devaient chanter sur le théâtre et exécuter des danses sacrées ; ils profitaient pour s'y préparer de la tranquillité de cet endroit obscur s. Suétone l'appelle crypta °. On comprend que des galeries faiblement éclairées, ou dont les jours peuvent être fermés de manière à procurer un abri toujours frais dans les heures les plus chaudes du jour, soient très appréciées des populations des pays méridionaux ; elles peuvent aussi offrir un abri pendant le mauvais temps : aussi ne s'étonnera-t-on pas de trouver fréquemment dans les inscriptions i° la mention de cryptae, bâties comme édifices publics aux frais de riches personnages, et ordinairement annexées à un portique ouvert dans le voisinage d'un temple, d'un théâtre, d'une basilique ou de la place publique. Il y avait une crypta auprès du camp des prétoriens à Rome, qui fut démolie par ordre d'Hadrien 19. Une crypta et un porticus réunis autour d'une place découverte existent encore à Pompéi, et une inscription12 fait connaître que l'un et l'autre furent construits et dédiés par la prêtresse Eumachia avec le chalcidique [CHALCIDICUM] qui précède l'entrée du côté du nord13. On voit dans le plan ci-joint (fig. 2088) que l'area centrale est entourée premièrement d'une allée couverte dont la voûte s'appuyait d'un côté sur des colonnes, de l'autre sur un mur plein percé de fenêtres : c'est le porticus; puis d'une deuxième allée entre deux murs, éclairée seulement par les fenêtres ouvertes sur le porticus : c'est la crypta. Les riches habitations avaient aussi des cryptes et des cryptoportiques (cryptoporticus); la différence indiquée par les deux noms devait consister vraisemblablement dans la manière dont les allées étaient fermées, les unes par des murs percés de larges baies, qui les faisaient ressembler à des portiques, les autres par des murs ne recevant le jour que d'un seul côté et par d'étroites ouvertures : à celles-ci convient mieux le nom de crypta, aux premières celui de cryptoporticus. Dans la description que Pline le Jeune a faite de ses deux maisons de campagne 14, il vante l'agrément et la fraîcheur des cryptoportiques qui prenaient jour des deux côtés, laissant voir, dans la villa du Laurentum, à la fois la mer et les jardins, dans celle de Toscane les Apennins et les vignes attenantes à l'habitation. De pareilles galeries couvertes étaient construites aussi pour servir de caveaux aérés où l'on conservait les denrées. Vitruve t5 recommande d'en avoir de pareilles dans les villas. La maison connue sous le nom de villa de Diomède, dans le faubourg de Pompéi, offre l'exemple de quelque chose de semblable". Un jardin placé en contre CUB 1577 cuc bas de l'habitation est entouré d'un portique formé par des piliers carrés et de deux côtés, comme on le voit par le plan (fig. 2089), le portique est longé par un passage 1 .e couvert qui ne reçoit d'autre jour que celui qui vient du portique; il en est de même des chambres situées sur le troisième côté vers l'habitation, les unes assez élégamment décorées, les autres qui n'ont pu servir que de greniers ou de magasins. Le nom de crypta convient également aux chambres et aux corridors de certains tombeaux romains. On le trouve employé par les auteurs chrétiens pour les chambres souterraines des catacombes. Nous renvoyons pour cette partie du sujet aux ouvrages sur les antiquités chré