Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AEQUITAS

AEQUITAS. I. On entendait par aequitas, en droit privé romain, les règles de droit considérées comme conformes aux principes de justice naturelle', dont la raison humaine fournit la base, et, par son développement, les conséquences ultérieures. Le droit primitif romain, fondé sur la religion, était singulièrement rigoureux et formaliste; à part les cas de contrats consensuels, en général il attachait l'acquisition des facultés légales, comme leur modification ou leur extinction, à certains faits matériels, restes des rites anciens, appelés causa civilis, modus adquirendi, leyis actiones, actes legitimi, etc. Mais lorsqu'on eut perdu de vue les croyances qui rendaient sacrées toutes les formes, toutes les prescriptions de la loi, le progrès de la civilisation à Rome et l'influence des lumières de la Grèce firent prévaloir peu à peu l'idée d'un droit plus humain'. Les préteurs, dans leurs édits, essayèrent, par des voies détournées de procédure, en créant des exceptions 3 ou des actions nouvelles, de rapprocher le strident jus de l'équité 4; de leur côté, les jurisconsultes [JuBlscoNsurvI] préparèrent ou secondèrent ce mouvements par l'invention de fictions ou d'actions, bientôt consacrées par le droit coutumier ou par l'édit prétorien [Jus CIVILE, LUX, Mos]. Plus tard, les constitutions impériales tendirent à fondre le droit prétorien avec le droit civil, et cette fusion fut réalisée définitivement par les compilations de Justinien. G. HUMBERT. II. L'Équité, comme un grand nombre d'autres conceptions abstraites, a été personnifiée par la religion des peuples de l'Italie'. Sur une coupe trouvée dans la nécropole de Vulci, on lit ces mots : AECETIAI roCOLOM, qui paraissent être une forme ancienne ou provinciale pour aequitiae ou aequitatis poculum' : formule de dédicace analogue à celles qui accompagnent sur des vases semblables les noms d'autres divinités. La statue de l'Équité avait été placée dans le temple de la Fortune, à Préneste 3. Tandis que laJustice n'est représentée que sur des monnaies de Tibère par une tête fort belle de femme, avec le nom JUSTITIA, le nom et les images de l'Équité ne sont pas rares. Sur les monnaies impériales', on voit souvent, avec les mots AEQUI ous les traits d'une femme tenant une balance de la main droite et de la gauche un long bâton qui n'est sans doute pas un sceptre, mais une mesure, la perche (pertica). La figure 157 reproduit une monnaie d'ar gent d'Antonin, d'après un exemplaire du Cabinet des médailles à Paris. La main gauche ouverte est aussi un symbole de l'Équité, peut-être parce que, moins habile que la droite, elle passait pour moins capable de fraude. Ces attri buts et le nom de l'Équité sur les monnaies ont manifeste AER -109AER meut trait à l'intégrité qui devait présider à leur fabricaLion; aussi ont-ils passé à la personnification de la monnaie AERARII. On appelait ainsi, à Rome, pendant la république, une classe de citoyens exclus des comices centuries, mais soumis au payement d'une capitation spéciale. Cette classe de contribuables était formée par les censeurs, qui, à l'époque du cens [cENsus], inscrivaient, à titre de peine, certains citoyens (aerarios faciebant) sur une liste particulière et distincte des tables du cens', en les excluant ordinairement de la classification des tribus. Cette liste se nommait Caeritum tabulae 1, par des motifs que nous indiquerons bientôt. I1 est facile de comprendre les désavantages qu'entraînait l'inscription d'un citoyen parmi les aerarii : 4° Ceux• ci devenaient des cives sine suffragio, c'est-à-dire qu'ils perdaient le suffrage, non-seulement dans les comices centuries 8 [corITIA], mais encore ordinairement dans les comices par tribus; car l'expression tribu rnovere était em ployée comme synonyme, en pareil cas, de aerarios facere ou in tabulas Caeritum referre'; cependant cela ne paraît pas avoir été une conséquence nécessaire, comme on peut l'inférer d'un passage curieux de Tite -Live, où l'on voit deux censeurs se placer l'un l'autre parmi les aerarii, et M. Livius y inscrire trente-quatre tribus, dans l'une desquelles se trouvait son collègue C. Claudiuss. La qualité d'aerarius n'entraînait pas l'exclusion des honneurs 8, ni à plus forte raison l'incapacité de servir dans l'armée, car t'eût été procurer au coupable une exemption favorable'; d'ailleurs une pareille peine n'eût pas été applicable à des tribus entières. `.° L'aerarius ne figurait plus sur la liste proprement dite du cens, pour un impôt proportionnel à sa fortune; il était taxé arbitrairement par le censeur et ordinairement d'une manière plus lourde qu'auparavant. Ainsi Mamercus Aemilins, chassé de sa tribu, et déclaré aerarius pour avoir fait, par une loi proposée pendant sa dictature, réduire à dixhuit mois la durée de la censure, fut imposé à une somme huit fois plus forte que celle qu'il payait antérieurement 8. Le rôle de ces contribuables était déposé à l'AERABIUM 8 et sans doute annexé aux tables du cens proprement dit, comme formant une partie des ressources du trésor public. On donnait ordinairement à cette liste le nom de l'abulae Caeritum10. Quant à l'origine de cette dénomination, nous adoptons l'avis de Walter ", dont voici le résumé. Il paraît avoir existé à Rome, dès les premiers temps, une classe de citoyens sine suffragio soumis à des impôts spéciaux, et par conséquent inscrits sur un rôle à part "1 : ce fut peut-être la situation primitive des plébéiens. Tels furent probablement les artisans qui, dans la classification de Servius Tullius, n'étaient pas inscrits au cens avec les fabri aerarii dont nous parlerons plus loin, et qui cependant devaient supporter un impôt et former un rôle particulier. D'un autre côté, l'espèce d'isopolitie accordée plus tard (en 389 av. J.-C.) à Caere " permit aux habitants de cette ville de s'établir sur le territoire romain avec tous les avantages du droit de cité, moins le droit de suffrage. Ils devaient donc supporter aussi les charges, comme municipes, mais sans être inscrits au cens, et former une liste spéciale. Telle est l'origine des tabulae Caeritum. Ce rôle dut se confondre avec le précédent, parce que les Céritains, sans être citoyens, se trouvaient dans une position identique à celle des cives romani sine suffragio. Cette dénomination fut conservée pour le rôle de ces derniers, même après l'époque où les Caerites eurent obtenu le droit de cité sans restriction. L'on dut inscrire sur ces tables les membres d'autres villes jouissant de l'isopolitie, établis sur le territoire romain, mais non pas sans doute, comme l'a cru M. Mommsen'", tous les cives sine suffragio dépendants de Rome. Ceux-ci, en effet, étaient portés au cens dans leurs municipes'". Il importe de ne pas confondre les aerarii avec les proletarü de la classification instituée par Servius Tullius. En effet, les premiers se distinguaient précisément par la nécessité de payer un tribut (aes) d'où ils tiraient leur nom; et ensuite parce qu'ils n'obtinrent pas le droit de suffrage, même après son extension aux prolétaires 18. Il est probable, en outre, que ceux des citoyens qui exerçaient un métier réputé honteux se trouvaient, dès le temps de Servius, et quelle que fût leur fortune, rangés parmi les aerarii, par une sorte de dégradation (infarnia facti, minuta existimatio) ". Plus tard l'autorité, en ce qui touche à la confection de la liste des aerarii, passa, comme on l'a vu, des rois et des consuls aux censeurs 18. Quant à la quotité de cet impôt, voyez l'article TRI II. Les fabri aerarii mentionnés dans la classification de Servius Tullius [dEssus, CENTURIA] formaient, suivant Cicéron ", une centurie avec les charpentiers, et deux centuries, sans doute distinguées à raison de l'âge, d'après les autres auteurs 20; ces artisans entraient dans la composition de l'armée, comme les centuries de cornicines et tubicines. Suivant Denys d'Halicarnasse, les armuriers et charpentiers votaient avec la deuxième classe; suivant Tite-Live et Cicéron, avec la première. AERARIU1U trésor public des Romains. 1. L'AERARIUM SOUS LES ROIS. Dès le temps des rois, il y eut un trésor affecté aux besoins de l'État, mais ce trésor paraît avoir été placé entièrement sous la dépendance de son chef. En effet, le principal emploi de ces ressources devait consister dans le paiement des frais de la guerre dont le roi avait la haute direction'. Il ne semble pas que les fonds fussent déposés dans un édifice public particulièrement affecté à cette destination ; ils restaient entre les mains des questeurs, dont nous parlerons bientôt; en outre, la plupart des revenus devaient être perçus en nature (pecus nia, de pecus). Il y avait d'ailleurs, à côté du trésor public proprement dit, une sorte de domaine de la couronne, composé de biens mobiliers et immobiliers 1 [F iscus]. AER 110 AER A l'origine, le territoire de Rome [.AGER PUBLICUS, AGER ROMANDS] était partagé en trois parts : l'une affectée à l'entretien du roi et au service du culte 3; la seconde au pâturage en commun; la troisième seule divisée entre les curies. Le prix du butin fait à la guerre devait recevoir également une destination publique, car nous le voyons employé par le roi à célébrer des jeux 4. Mais la principale recette du trésor semble avoir consisté dans un vectigal ou droit de pâturage [scRIPTURA], sans doute imposé par tête de bétail envoyée sur les prairies communales (pascua publica) 5. En outre, tous les citoyens étaient soumis à un impôt direct ou capitation, peut-être non permanent°. Ces ressources diverses étaient employées aux dépenses de la paix, des travaux publics7, des jeux, et surtout à celles de la guerre. Servius Tullius donna pour base à sa constitution une nouvelle division du peuple en classes et centuries, d'après le cens [cENsus]. Un impôt proportionnel [TRIBUTUM] fut établi sur le capital de toute nature, d'après les déclarations faites par le chef de chaque famille de citoyens. En établissant l'égalité proportionnelle par le tributum ex censu, en raison de la fortune, le système de Servius eut le mérite de rendre justice aux plébéiens 3, et de créer une source toujours prête de revenus pour l'État dont les besoins s'accroissaient. En général, le montant du tributum simplex devait être d'un as par 1,000 du capital recensé, comme plus tard, sous la république 9; les veuves et les filles sui juris payaient un impôt spécial de 2,000 as pour l'entretien de la cavalerie [AES aoRDEARIUM]. Les AERA RII, et probablement avec eux les ouvriers non compris dans les classes, supportaient une capitation (tributum pro cepile)10 Outre ces impôts, l'accroissement de rager publicus par la conquête fit ajouter au vectigal dont nous avons parlé plus haut 11 le produit de la mise en ferme d'une partie des biens mesurés et mis en culture 11 [AGER VECTIGALIS], celui de la dîme des terres vaines et landes concédées à des particuliers, et du cinquième sur le produit des arbres à fruits des mêmes terres, enfin la valeur de certaines amendes ". Les documents nous manquent pour évaluer, même approximativement, l'ensemble de ces recettes ordinaires, auxquelles on doit joindre, à titre de recettes extraordinaires, le prix de la vente du butin fait sur les ennemis [PRAEDA] ", et le prix de la vente des agri quaestorii, portions de terrains limitées de rager publicus. Il est encore plus difficile de déterminer le montant des dépenses annuelles; on peut seulement remarquer que la plus grande partie des frais d'armement de l'armée était alors supportée par les censitaires u, et en l'absence d'une armée permanente et soldée, les dépenses de guerre devaient être essentiellement variables. D'un autre côté, ni le sénat ni les magistrats, en général, ne recevaient de traitement. Enfin, on ne peut guère admettre plus de régularité dans les dépenses relatives aux travaux publics. Un passage de Plutarque '6 semble indiquer que le roi réglait à sa volonté les dépenses. En effet, Tite-Live 17 nous montre Numa affectant des fonds à des fondations religieuses ou au traitement de certains prêtres; Ancus et Tarquin l'Ancien ordonnant la construction de divers édifices"; Servius faisant consacrer 10,000 as, ex publico, à l'achat de chevaux, et reculant l'enceinte de Rome; enfin Tarquin le Superbe présidant à des ouvrages dignes de la Rome future. Non-seulement il employait la pecunia publica, mais il contraignait les plébéiens '9 d'y travailler de leurs bras. La garde du trésor et le recouvrement des deniers publics étaient remis à deux quaestores aerarii, qui conservaient chez eux les fonds à eux confiés 20. De grandes controverses ont été soulevées à ce sujet. La ressemblance des noms explique la confusion faite par plusieurs historiens modernes entre ces questeurs et les QUAESTORES PARRICIIIII, qui existaient dès lors ; cette confusion ne peut résister au témoignage formel de deux auteurs anciens" qui ont écrit sur l'histoire des magistratures ". Les questeurs du trésor étaient choisis par le roi ; c'est ce qu'on peut conjecturer d'après les passages de Tacite et de Plutarque cités plus haut; et, en effet, leur élection fut ensuite confiée d'abord aux consuls, qui succédèrent à la plupart des attributions de la royauté, puis bientôt, par une loi, aux comices 23. Les questeurs étaient secondés dans la levée du tributum résultant du cens par les curatores des tribus"; chacun de ceux-ci présidait une des tribus locales instituées par Servius Tullius. M. Mommsen 26 a fort ingénieusement établi que ces curatores correspondaient aux TRIBUNr AERARII, dont l'institution apparaît sous la république. Les curatores, enfin, devaient être assistés des magistri pagorum également établis par Servius" pour les tribus de la campagne, et qui avaient entre les mains les états des propriétaires censitaires, comme les curatores avaient les rôles des contribuables de la ville. LA MACÉDOINE (509-468 av. J.-C.). Sous la république, le trésor fut considéré comme la propriété exclusive de l'État; et, bien que les consuls eussent recueilli la plupart des prérogatives de la royauté, ils n'eurent plus l'autorité suprême en matière de finances; la direction appartint désormais au sénat; un édifice public et sacré, le temple de Saturne, reçut le dépôt de l'aerarium, placé sous la surveillance des consuls et plus spécialement de deux questeurs nommés par les curies, comme nous le verrons bientôt 2i. Dans ce temple, qui contenait aussi les archives de l'État [TABULARIUM], était placé le registre où l'on consignait l'état des recettes et des dépenses, celui des créances et des dettes du trésor 13. A côté de l'aerarium Saturni, trésor ordinaire de la république, il y eut un aerarium sanctius S9, réserve sacrée, où l'on mettait en dépôt, pour les cas de nécessité extraordinaire, l'or des affranchissements, que les consuls ne pouvaient employer sans l'ordre du sénat [AURUM V1CESIMARIUM]. On distingue aussi un trésor de Cérès, aerarium Cereris, où les édiles déposaient le produit de leurs amendes et la caisse spéciale confiée aux questeurs militaires. Recettes et dépenses de l'aerarium.La source principale de revenus pour le trésor fut rouverte sous la république AER -1 par le rétablissement du cens et du tributum ex censu [cENSUS, TRIBUTUM] 90, à la place de la capitation qui n'exista plus que pour certaines classes de contribuables non inscrits au cens. Le tributum ex censu n'était pas, à proprement parler, un impôt foncier, puisqu'il portait sur l'ensemble de la fortune; néanmoins, les immeubles étaient désignés par région et estimés dans le registre du cens et dans les livres censiers ou du cadastre, tenus par les curatores des tribus urbaines, et les magistri pagorum, pour le territoire romain [ABER ROMANES] seulement 31. Mais les étrangers qui, ayant obtenu le jus commercii [CUITAS] 32, possédaient une propriété immobilière dans ce territoire, devaient payer un impôt direct et foncier, à raison de cet immeuble compris au cadastre; peut-être figuraient-ils pour cet impôt dans la liste des AERARII33. Le tributum in capita comptait donc parmi les ressources du trésor, d'après la détermination faite par les censeurs, mais exceptionnellement, pour les contribuables en dehors du cens; les veuves et les orphelins supportaient l'AES BORDEARIUM 94, et les célibataires depuis Camille payèrent un impôt spécial,l'AEs uxoRIUM. A ces ressources ordinaires il faut ajouter celles qu'on tirait de rager publicus. A cette époque, la république donnait à bail, aux enchères, à des fermiers ou adjudicataires (agrum fruendum locare), ou, ce qui revient au même, vendait (vendere jus vectigalis) pour un temps déterminé (c'était ordinairement cent ans) le droit aux redevances ou à la dîme due par les possesseurs des diverses classes de terres publiques dont nous avons parlé au commencement de cet article 96. Ces entrepreneurs se chargeaient, à leurs risques, du recouvrement de ces revenus. Il en était de même pour le droit de SCRIPTURA sur le bétail envoyé dans les pâturages publics (pascua publics( ou ager seriptuarius), autrefois la principale ressource de R.ome96. Ces divers revenus devinrent fort considérables après l'occupation d'une partie du Samnium, de l'Apulie, de la Lucanie et du territoire de Tarente n. La république tirait encore des sommes importantes de l'adjudication du droit d'exploiter les produits des mines et des pêcheries, des taxes de douane et port et de péage 38, taxes dont la quotité varia suivant les époques et du droit d'exploitation des salines n. Le prix de ces adjudications était versé à l'aerarium, d'après les clauses d'une sorte de cahier des charges [CENSORIA LOCATIO] L0. Parmi les ressources extraordinaires venaient en première ligne les amendes [MULCTAE] u, qui étaient perçues par le trésor public, et surtout le tribut payé par les peuples soumis, en vertu de la loi spéciale de leur dédition, in arbitratu populi romani", ou même par les peuples in fidem recepti 43. Ajoutons encore le butin [PRAEDA] fait à la guerre, lequel, en principe, appartenait à l'État", sauf la part abandonnée aux soldats par les généraux. Le surplus était vendu et le prix versé à l'aerarium", comme l'était aussi celui des captifs ; si on laissait des terres aux vaincus, elles devenaient AOER vECTIGALIS, et payaient, en con censendo; Cie. Pro Flacco, 32.32Ulpian. Reg. XIX, 4.-33 Niebuhr, Rdm. Gesch. p. 116; Festus, s. v. Veudlioues reciditiones; Tit. Liv. XXVII, 3, 11 ; XLII, 19; XXXII, séquence, une redevance au trésor, comme on l'a vu plus haut. La loi Manlia créa, en 357 av. J.-C., un impôt indirect du vingtième sur le prix des esclaves affranchis appelé vicesima manumissionum ou AURUM VICESIMARIUM 46. Enfin, il faut ajouter le produit de la vente des agri quaestorii"7et celui des emprunts confiés aux TRIuMVIRI MENSABII46, Les dépenses à la charge du trésor, sous la république, peuvent aussi se diviser en dépenses ordinaires et extraordinaires. Les dépenses ordinaires étaient relatives à l'intérieur ou à la guerre. Les dépenses de l'intérieur comprenaient les fournitures à faire pour le service des magistrats (curules equi, etc.) M, le matériel des bureaux (supellex), la vaisselle pour recevoir les hôtes publics, les frais d'équipement, de transport [EVECTIONES], etc. S0, mais point de salaires, si ce n'est pour les employés d'un ordre inférieur, Comme SCRIBA, LICTOR, VIATOR, PRAECO. Le Service dit Culte était assuré en partie par des fondations ou propriétés concédées par les rois; cependant l'État fournissait des animaux pour les sacrifices, et, dans certains cas, affectait un impôt spécial à des temples : ainsi un droit sur les décès était attribué au temple de Libitina, un autre sur les naissances au temple de Lutina, un droit sur la prise de la robe virile au temple de Juventas; de même certaines confiscations étaient attribuées au temple de Cérès". Enfin, les censeurs pourvoyaient à l'entretien des oies du Capitole 52. Les frais de conservation des rues, places, murailles, édifices publics et aqueducs étaient supportés par l'aerarium 93, aussi bien que ceux des agents salariés employés par les censeurs et surtout par les édiles : par exemple, pour les travaux publics et pour la police municipale 9". Les dépenses de la guerre s'accrurent sans cesse avec les progrès de la domination romaine. Elles ne comprenaient d'abord que les frais des munitions, des machines, enfin ceux des vivres (annona), seulement lorsque la campagne, en se prolongeant, ne permettait pas aux citoyens de vivre à leurs dépens; un peu plus tard, enfin, la marine; cependant certaines villes alliées paraissent en avoir eu d'ordinaire toute la charge. Puis, en 405 av. J.-C., fut instituée une solde pour les légionnaires n. Cette charge nouvelle, concourant avec la diminution de rager pubh'cus par des assignations, des fondations de colonies ou des usurpations multipliées, allait grossir démesurément le chiffre des dépenses de l'aerarium. La solde (Lies militare ou sTIPENmuM) était fournie, en général, par l'aerarium, et non pas directement par chaque tribu 56. Il dut arriver souvent depuis, que le sénat doublât ou triplât la proportion du tribut à prendre par 1,000 as, d'après le cens de chaque particulier. Une caisse militaire accompagna dès lors l'armée, confiée d'abord aux tribuni aerarii, puis à des questeurs spéciaux dont nous parlerons bientôt". Les dépenses extraordinaires avaient pour objet : 4° les travaux de construction nouvelle 50 ordonnés par les un § 146 et 184. [voolsxaorns, L,0av1O LInnRA]. 01 Dion. Hal. IV, 15.52 Cic. Pro AER 112 AER seurs dans les limites des fonds fixés par le sénat, et les ouvrages moins importants entrepris par les édiles au moyen des caisses spéciales déposées au temple de Cérès, et remplies par le produit des amendesprononcées ou obtenues par chacune des deux classes d'édiles [AEDILES]; 2° l'aerarium supportait les frais de séjour et' de réception dans la villa publica, des ambassadeurs étrangers, qui devaient lui notifier leur présence u ; quelquefois ce trésor se chargeait des funérailles et des monuments funèbres de citoyens qui avaient bien mérité de la patrie 60; 3° l'approvisionnement de Rome [ANNONA]), dans les cas de disette surtout, imposa souvent de lourds sacrifices : on achetait le blé au loin et on le transportait à Rome pour le vendre à prix réduit 61, ou même le distribuer gratuitement aux indigents; 4° enfin les dépenses de la guerre en cas de revers imprévus ou de dangers imminents furent souvent momentanément accrues. De là la nécessité d'un impôt extraordinaire, temerarium tributum 68, quelquefois remboursé après la victoire. Administration de l'aerarium.-Personnel. La garde et l'administration de l'aerarium furent spécialement confiées à deux quaestores aerarü, appelés aussi urbani.De graves discussions se sont élevées sur l'origine et le mode de nomination de ces questeurs 63. Nous voyons qu'ils étaient nommés par les comices curies, en vertu d'une loi de Valerius Publicola, qui ne voulut pas conserver aux consuls la charge et la responsabilité de ce choix, jadis attribué à la royauté 84. En 421 av. J.-C., le nombre des questeurs fut doublé, c'est-à-dire porté à quatre, dont deux furent désignés pour suivre les consuls à la guerre, avec le soin de la caisse militaire ; les deux autres conservèrent le nom de quaestores A partir de la même époque, les questeurs purent être choisis parmi les plébéiens. A leur entrée en fonction, les questeurs urbains devaient prêter serment, dans le temple de Saturne 85, de remplir fidèlement leurs devoirs de trésorier. Ces magistrats étaient placés sous la dépendance des consuls et du sénat, comme on le verra bientôt, soit au point de vue de l'ordonnancement des payements, soit à celui de la détermination des crédits affectés aux différents services, soit enfin en ce qui concerne la fixation du montant des recettes à opérer. Au contraire, les questeurs provinciaux ou classici, qui devaient accompagner en province les généraux ou les gouverneurs, ou gouverner euxmêmes des provinces pro praetore, d'après le rôle qui leur était assigné par le sort (sortitio provinciae) 66, recevaient de l'aerarium et des questeurs urbains les sommes destinées au service militaire, et leur rendaient compte à l'expiration de leurs fonctions. Au moins déposaient-ils leurs registres à l'aerarium, sous la surveillance du sénat n. Il est à remarquer que les étendards [SIGNA] étaient aussi déposés à l'aerarium, d'où ils sortaient pour être remis aux troupes par les questeurs, au moment du départ pour une expédition militaire fié. Rappelons encore que l'aerarium, au moins à partir du vie siècle de Rome, devint le dépôt des archives [TABULARIUM] 69; enfin c'est aussi, à ce qu'il semble, au temple de Saturne 70, que les nouveaux magistrats prêtaient serment entre les mains des questeurs [JURARE IN LEGES, A côté des questeurs se trouvaient des employés appelés scribae ah aerario, formant un collége ou corporation avec un rang honorable 70; ils étaient chargés non-seulement de la tenue des registres et des archives73, mais des diverses opérations de détail de la questure. L'inexpérience des questeurs, entretenue par leur renouvellement annuel, l'insuffisance de ces magistrats, presque toujours jeunes et souvent absents à raison même de leur emploi, ou peu disposés au travail 7', rendaient le personnel instruit des scribes, indispensable à l'expédition des affaires financières de la république. Ces scribae se divisaient en trois décuries 7' assez nombreuses apparemment, à la tête desquelles se trouvaient des chefs nommés sex primi76, entre qui se partageaient la direction et le travail des bureaux. Ces divers employés étaient nommés par le questeur et soumis à sa surveillance disciplinaire. On peut admettre qu'en principe ils étaient choisis pour trois ans, mais qu'en fait ils se perpétuaient dans leur emploi, où ils étaient les véritables guides des questeurs77. Il est permis de conjecturer qu'ils étaient logés à l'aerarium, demeure officielle du magistrat dont ils dépendaient7s; on est autorisé à croire aussi que des servi publici étaient chargés de certains services de détail, et peut-être, comme notarii, de certaines copies ou expéditions. La loi sur les appariteurs (De scribis et viatoribus), dont un fragment est parvenu jusqu'à nous79, mentionne des viatores aux ordres des quaestores ad aerarium, simples messagers d ans le sens vulgaire et non technique du nom qui les désignait [vIATOR], et n'ayant rien de commun avec l'exercice du jus prensionis, qui n'appartenait pas aux questeurs, puis Il est certain qu'en outre les questeurs employaient des hérauts ou praecones, notamment dans les adjudications. La loi De scrible et viatoribus porta à quatre le nombre des membres de la décurie de praecones attachés à leur service 80. Mode d'administration. Les questeurs et les divers agents sous leurs ordres n'étaient pas seulement chargés du recouvrement des recettes et du payement des dépenses, ils devaient encore procéder à des actes de gestion du patrimoine de l'État, ou de celui de certaines personnes placées sous sa tutelle. Recettes. Le montant en était déterminé par le sénat pour les impôts directs, et notamment pour le tributum ex censu, à tant par 1000 as du census; et par les censeurs, pour les fermes des revenus de l'État [VECTIGAL]. Les questeurs avaient entre les mains des codices ou tabulae, à l'aide desquels ils opéraient les recouvrements, par l'intermédiaire des scribae. Pour le tributum, ceux-ci s'adressaient AER 113 AER aux curatores tribuum et aux magistri pagorum 81, qui opéraient d'après la teneur des rôles des citoyens, établis par les censeurs tous les cinq ans (tabulae censoriae). Plus tard, cette levée de deniers se fit par l'intermédiaire des tribuni aerarii, choisis parmi les citoyens opulents, qui ne pouvaient se dérober à cette charge [TBrBUTUM] 88. Les questeurs pourvoyaient au recouvrement par les scribes, des vectigalia dus en vertu des baux administratifs dressés par les censeurs, et dont les titres (instrumenta) étaient déposés à l'aerariue 83. Ils avaient affaire pour cela avec les sociétés de fermiers ordinaires des revenus du trésor [PUBLICANI]. Mais le sénat se réservait d'accorder des remises, des délais, ou même de prononcer la résiliation de ces marchés administratifs 84. En outre, les questeurs touchaient 85 les redevances (stipendia) des provinces, directement ou par l'intermédiaire des questeurs des généraux envoyés sur les lieux; ils recevaient les valeurs apportées par les triomphateurs, les produits extraordinaires des emprunts ou de la vente de partie des terres publiques, ceux des amendes prononcées ou obtenues par d'autres magistrats que les édiles et les tribuns (celles-ci étaient déposées à l'aerarium plébéien du temple de Cérès), et enfin le prix de la en outre qu'à leur retour les caissiers des généraux (quaestores provinciarum ou classici) déposaient leurs comptes avec le reliquat à l'aerarium 87. Une bonne partie de ces différentes recettes était placée en réserve dans l'aerarium sanetius; une portion moins considérable et déterminée par le sénat restait à la disposition des questeurs dans le trésor ordinaire, pour être affectée aux dépenses courantes. Dépenses. Il semble qu'en fait les Romains aient pratiqué B8 le grand principe de la comptabilité moderne, la séparation entre des mains différentes des pouvoirs d'ordonnateur et de comptable. En règle, le sénat pouvait seul ouvrir des crédits aux différents magistrats, aux officiers publics, ou, pour être plus exact, donner l'ordre de leur fournir des fonds. Du moins, les questeurs ne pouvaient délivrer aucuns deniers sans l'avis du sénat; s'agît-il même d'un dictateur P9, le fonctionnaire devait justifier de cette espèce d'ordonnance de payement. Cependant, il en était autrement des consuls, sans doute parce qu'on les regardait comme les chefs du pouvoir exécutif; ils avaient le droit, sous leur responsabilité, de faire délivrer des deniers par les questeurs. Walter et Lange admettent que ce droit leur appartenait sans restriction 90; Becker pense que lorsque les consuls étaient éloignés par les guerres, ils ordonnaient encore des payements, mais seulement par l'intermédiaire du sénat 91. A cet égard, nous ferons d'abord observer que le consul lui-même n'était pas maître de disposer de l'aerariunz sanctius sans une autorisation spéciale du sénat98, bien que la clef lui en fût confiée. Dès lors on comprend qu'une sorte de crédit illimité ait pu être ouvert à ceux-ci sur les fonds de l'aerarium ordinaire, dont ils disposaient comme ministres de la république, au moyen d'ordonnances adres sées aux questeurs, à charge de rendre compte au sénat I. ou devant le tribunal populaire de l'emploi de ces fonds, au cas d'accusation publique. Rien n'établit que le consul eût, comme on l'a cru 93, un crédit limité qu'il ne pouvait dépasser sans une nouvelle ouverture de crédit. Cependant les censeurs ne devaient pas dépasser dans les dépenses qu'ils accomplissaient en matière de travaux publics une somme fixée par le sénat 94. Il y a là quelque chose de semblable à un crédit ouvert par ce conseil tous les cinq ans pour l'exercice de la censure, qui durait en général dix-huit mois. Le sénat décrétait les fournitures à l'armée et en faisait adjuger l'entreprise. Il n'est pas moins difficile de savoir si le consul, qui avait le droit d'émettre des ordonnances de payement, pouvait toucher lui-même les deniers. La négative paraît certaine en ce qui concerne les consuls employés à la guerre, car c'était le quaestor clossicus qui avait la garde et le maniement de la caisse militaire 94. D'un autre côté, depuis l'institution des censeurs et des édiles, c'est à ces magistrats qu'appartenait en général le droit de diriger les travaux publics et la police municipale, et par conséquent d'ordonner les dépenses. Ils auraient pu délivrer les mandats de payement y relatifs avec l'autorisation du sénat 96 ; peut-être le consul le faisait-il directement au profit des ayants droit, tels que fournisseurs, ouvriers, que payait le questeur 87. Après l'institution des tribuni aerarii 98, chargés du recouvrement du tributum ex censu, le produit de cet impôt, spécialement destiné aux dépenses de l'armée, dut être versé directement par les questeurs à la caisse militaire, peut-être sur l'ordre du consul, lors de l'institution des questeurs militaires; car auparavant ces tribuns payaient eux-mêmes la solde aux troupes, qui avaient contre eux un droit de gage [PIuNOals cAPIO] 89. Plug tard, au contraire, il fut uniquemen t acquitté par les quaestores classici 10°.Les questeurs du trésor remboursaient parfois aux contribuables un impôt extraordinaire. On les voit encore chargés de déléguer à un créancier de l'État un débiteur de l'État qui est tenu de payer sous peine de poursuites judiciaires et d'un accroissement de la dette 101 Actes de gestion. Nous rassemblerons sous ce titre diverses attributions des questeurs relatives au domaine de l'État, et analogues à celles de notre administration des domaines (bien que celle-ci, en général, appartînt plus spécialement aux censeurs) 108. Ainsi c'étaient les questeurs qui, sur l'ordre des consuls ou des juges compétents, procédaient à la vente aux enchères publiques des biens vacants acquis en nature à l'État 103, du butin fait à la guerre, et des objets conquis et employés à la pompe d'un triomphe, quelquefois aussi, suivant les circonstances, d'une partie de rager publicus, qui prenait le nom d'alter quaestorius, et des biens des condamnés, après confiscation. On a vu qu'ils étaient chargés d'ailleurs de recouvrer le prix d'adjudication constaté par leurs registres. Pendant la guerre d'Annibal, le trésor reçut en dépôt les deniers des veuves et des pupilles, pour lesquels les questeurs ouvrirent des comptes spéciaux 104. Enfin ils pour !5 AER voyaient directement au logement et à l'entretien des rois et des ambassadeurs alliés, ainsi qu'aux présents à leur remettre au nom de l'État f06 Responsabilité. La comptabilité des questeurs était tenue par les scribae aerarii, par doit et avoir, au moyen des codices accepti et depensi 106; on y joignait ceux des questeurs militaires sortant de fonctions. Les payements (lu trésor pouvaient d'ailleurs être contrôlés par les ordres de payement donnés par les consuls ou les magistrats autorisés par le sénat, ordres dont les registres de ces magistrats devaient faire foi; de même à l'armée le consul et son questeur tenaient chacun un compte séparé de la caisse militaire 107, Le sénat avait la haute surveillance sur l'administration des questeurs; ensuite, à l'expiration de leurs fonctions, ils pouvaient être poursuivis comme les autres magistrats romains, pour péculat ou pecunia residua [PECULATUS], On vit aussi des généraux attaqués devant les comices-tribus pour ne pas avoir fait verser à l'aerarium la totalité du butin 109, ou pour avoir détourné des fonds qui devaient y entrer 109, JUSQU'A L'EMPIRE. Pendant cette période l'aerarium demeura placé dans le temple de Saturne et confié à la direction des questeurs; mais la défaite de Persée et la conquête de la Macédoine par Paul-Émile, en 168 av. J.-C., avaient inauguré une ère nouvelle pour le trésor public; 45 millions versés en une seule fois dans sa caisse, et le tribut de la Macédoine bientôt réduite en province, après une troisième guerre, en 142 av. J.-C., dispensèrent désormais le sénat d'imposer au peuple le fardeau du tributum e,c censu. Désormais les Romains ne supportèrent plus en principe d'impôt direct sur le capital jusqu'en 43 av. J.-C., où il reparut sous le consulat d'Hirtius et de Pansa. Du reste, on continue à distinguer l'aerarium sanctius, et les caisses spéciales des généraux, et celles des édiles. Recettes. Le trésor s'était enrichi de capitaux monnayés provenant du butin fait sur Carthage, Antiochus et Persée, et bientôt de nouvelles conquêtes. D'autre part, l'AGER PURLICUS avait été amoindri parles usurpations, les assignations et les colonies. L'abolition du tributum ex censu'" laissa subsister divers impôts perçus d'après un rôle nominatif : telles sont les redevances payées par les détenteurs de rager pubücus, colons ou fermiers, celles qui étaient imposées extraordinairement aux colonies ou municipes avant l'acquisition de la cité romaine 111, aux DEDITICII et même aux peuples alliés [soeur] pour l'entretien de leurs troupes 14. Lorsque l'Italie eut acquis le droit de cité romaine, après la guerre sociale, elle fut traitée comme Rome elle-même et exemptée du tributum ex censu. Dans les provinces, Rome trouva, sous diverses formes, d'abondantes sources que acquit encore en province un domaine public considérable aux dépens de celui des rois ou des villes détruites ou prises d'assaut; cette nouvelle partie de rager publices fut en général traitée comme celle de l'Italie in, c'est à-dire louée à des particuliers ou laissée à d'anciens possesseurs, moyennant un vectigal dont les censeurs louaient l'exploitation aux publicains [CENSORTA LOCATIO]. Le trésor continua de percevoir à Rome l'aurum vicesimarium manumissionum, la scriptura, sur le bétail mis en pàture dans les pascua publica; le monopole du sel était exploité hors de l'Italie par l'intermédiaire des publicains 116 L'aerarium profitait du produit des mines et carrières exploitées toujours en province, les unes en régie, les autres en ferme 11", ou concédées à des particuliers moyennant une redevance. Enfin l'État, qui se croyait le pouvoir de fixer la valeur et non pas seulement le poids et le titre de la monnaie, essaya de bénéficier dans la fonte des monnaies aux dépens de la prospérité générale 117. Les droits de péage, de douane et d'octroi [PORTORIUM] sur le transport des marchandises, furent supprimés 116 sur le territoire romain, en 60 av. J.-C., et même dans toute l'Italie; toutefois, ils furent rétablis ensuite par Jules César et par les triumvirs 119. Mais dans les provinces, et particulièrement en Asie, le produit des douanes était très-considérable. Comme ressources extraordinaires, le trésor conservait la vicesima manumissionum, les legs des rois alliés en faveur du peuple, puis le produit considérable des conquêtes ou des tributs acquittés en une fois par les vaincus, etc. Pompée versa dans l'aerarium 20,000 talents, soit cent vingt millions de francs, et doubla presque le revenu public en le portant à s1 millions cinq cent mille drachmes, c'est-à-dire plus de 80 millions de francs 140, Mais il est impossible de donner une appréciation approximative des ressources moyennes du trésor pendant cette période 1zt, Suivant Pline ',la troisième guerre punique avait mis dans l'aerarium 726,000 livres d'or et 867,000 d'argent, au total environ 756,600,000 fr. ; avant la guerre sociale, il contenait 1,620,829 livres d'or ou 1,512,783,405 fr. Suivant Bureau de la Malle, Marius rapporta de la guerre contre Jugurtha plus de 33,600,000 fr.; César, lors de son triomphe, déposa au trésor des vases d'or et d'argent estimés 371,000,000 fr.', etc.; il avait trouvé 2,000,000,000 dans l'aerarium de la république en 49 av. J.-C. Dépenses. Les progrès de la domination romaine tendirent à diminuer les dépenses de la guerre. Mais le trésor se trouva chargé, par suite de la décadence de l'agriculture et de la classe moyenne en Italie, d'un surcroît de fardeau analogue à celui de la taxe des pauvres dans les temps modernes. Les dépenses ordinaires ne diffèrent à peu près en rien de celles de la période précédente. Cependant les fournitures faites à l'armée s'accrurent depuis C.Gracchusf4S. La solde fut doublée par Jules César. Les frais de la marine paraissent avoir été supportés par certaines villes alliées, sauf les cas extraordinaires. Les provinces payaient ellesmêmes leurs dépenses locales et les charges de guerre, outre leurs impôts. Leur administration n'imposait guère à l'État directement que certaines fournitures faites au gouverneur, et le VASAIlIUM de ses agents 146, Pour les travaux publics, les règles étaient les mêmes que précédem AER 11.3 AER ment. En revanche, les distributions à prix réduit et souvent gratuites de blé et même de viande (viscerationes) à la multitude des prolétaires ou des affranchis oisifs,sans cesse croissante à Rome, devinrent pour le trésor une charge de plus en plus lourde. C'était le symptôme de la décadence d'un état social fondé sur le mépris du travail et de l'industrie, et sur la glorification de la spoliation [FRUMENTARTAE LEGES]. Une loi de Caius Gracchus ordonna de distribuer au peuple du blé à des prix extrêmement réduits1'. En 58 av. J.-C., en vertu de la loi Clodia, les distributions devinrent tout à fait gratuites, ce qui attirait à Rome les indigents de toute l'Italie 17. Jules César se vit forcé de réduire le nombre des copartageants de 320,000 à 150,00018. La remise faite par la loi Clodia des 5/6 d'as par modius de blé enleva d'ailleurs au trésor, d'après Cicéron', la cinquième partie des vectigalia, c'est-à-dire la valeur de 1,250 talents ou '7,000,000, suivant bureau de la Malle 130 D'un autre côté, le trésor supportait l'achat par réquisition de tous ces blés, lorsque l'impôt en nature pesant sur les provinces ne suffisait pas. Administration de l'aerarium. Sylla éleva le nombre des questeurs à vingt 13'. Il n'y eut toujours que deux questeurs de l'aerarium, mais le nombre de leurs employés fut accru. Jules César porta le nombre total des questeurs à quarante 133 En '77 av. J.-C., un sénatus-consulte décida que les provinces seraient tirées au sort entre les questeurs élus, ce qui s'appliquait notamment à la mission spéciale de la garde de l'aerarium 133. Les règles relatives à l'ordonnancement des paiements, à leur exécution et au recouvrement des recettes, furent maintenues. Dans la loi De repetundis, que Jules César fit rendre pendant son premier consulat, en 695 de Rome ou 59 av. J.-C., il introduisit quelques règles relatives à la comptabilité des gouverneurs provinciaux. Ceuxci devaient, avant de quitter leur gouvernement, déposer leurs comptes de dépense en double exemplaire dans deux cités du pays, indépendamment du troisième qu'ils remettaient à l'aerarium-, entre les mains des questeurs 134. U devait en être de même sans doute du compte des quaestores classici, qui avaient le maniement des fonds; car ils pouvaient être accusés de péculat soit pour détournement de la caisse militaire, soit pour s'être fait payer par des prête-noms des sommes indûment réclamées au trésor public 136; ou être contraints par l'action de residuis à verser leur reliquat à l'aerarlum 138. Du reste, le sénat conserva la haute surveillance de la comptabilité de l'aerarium 137 et se trouva ainsi appelé à juger des membres ou des alliés des familles patriciennes, et parfois des collègues 198. Quant aux questeurs urbains, placés dans la même ville, sous les yeux de leurs concitoyens aussi bien que du sénat, et assujettis à la comptabilité rigoureuse des codices accepti et depensi, on ne peut citer presque aucun exemple de prévarication de leur part 139 César avait projeté une réforme administrative qui fut accomplie par Auguste et s'étendit aux finances en particu lier140. L'empereur, qui avait décrété et fait exécuter la levée géométrique du plan de l'empire "' et le recensement général des habitants et des fortunes [CENSUS], avait à coeur d'introduire l'unité 143 d'impôts et la régularité dans la perception aussi bien que l'ordre dans les dépenses. L'aerarium demeura au temple de Saturne, et continua d'être considéré comme la propriété de l'État, confiée, pour la forme du moins, à la haute surveillance du sénat; mais l'administration en fut modifiée quant à son personnel. Un trésor spécial de l'armée fut créé [AERARIUM MILITARE, ARCA PRAEFECTURAE], et enfin un trésor particulier de l'empereur ['usais]. Recettes. Le tributum ex censu, rétabli pour Rome et l'Italie depuis l'an 711 de Rome, 43 av. J.-C., fut maintenu sous Auguste [TRIBUTUM]. L'impôt direct se perçut en province pendant un certain temps sous forme de capitation (tributum in capita) et d'impôt direct foncier, payable en nature ou en argent suivant les localités 143. Cette redevance était le signe de la souveraineté romaine, qui ne laissait subsister qu'une propriété imparfaite sur les immeubles de province, nommés agri vectigales [AUER vECTIGALIS]. On les appelait aussi st ipendiariapraedia dans les provinces du sénat, et tributaria dans celles de l'empereur [AGBARIAE LEGES] 144 L'impôt en argent était le plus fréquent, et dans quelques provinces il présentait de l'analogie avec le tributum ex censu des citoyens romains en Italie. Ce tribut finit même par se généraliser, et se paya dans toutes les provinces, indépendamment de la capitation qui survécut à la transformation de l'impôt foncier. Tous ces divers produits, même dans les provinces de l'empereur, appartenaient au trésor public. L'aerarium populi percevait en outre les droits sur l'usage des aqueducs et des égouts, les contributions imposées aux marchands, aux artisans, aux portefaix et aux filles publiques. Divers impôts indirects alimentaient encore le trésor public : ainsi le produit des droits de péage et de douane [PORTOBIA] était affermé comme précédemment. Caligula imposa encore sur les denrées alimentaires introduites à Rome un macelli vectigal, aboli plus tard 14' ; il imagina aussi un droit du quarantième sur la valeur des procès dans tout l'empire. Galba en accorda la remise, comme l'attestent, au revers de plusieurs monnaies à son effigie "6, ces mots : QUADRAGENSUMA REMISSA, ou simplement : R. xxxx. Le grand bronze reproduit fig. 158 ap partient au Cabinet de France. Le trésor percevait un impôt sur les locateurs de latrines publiques (foricarii) 147. AER 46 AEI Vespasien en établit en outre sur les urines et le fumier 148 Enfin les célèbres lois Julia et Pappia Pop paea, rendues sous Auguste pour encourager le mariage, et frapper de diverses incapacités les coelihes et les orbi, attribuaient au trésor du peuple les institutions d'hérédités et les legs frappés de caducité en vertu de ces lois 148. Si certains textes parlent du fisc, c'est peut-être par une impropriété de langage devenue commune au temps d'Ulpien 160. Il en est de même pour les successions en déshérence, les biens vacants Ssl, au moins en Italie et dans les provinces du peuple. La guerre ne se faisant plus que contre les barbares riverains de l'empire, n'enrichissait plus le trésor, si ce n'est en donnant quelques terres à l'ager publicus; la PRAEDA fut attribuée par Auguste à l'AERARIUM MILITARE 152 Quelquefois l'empereur abandonnait à l'aerarium le produit de la confiscation des biens des condamnés'''. Le trésor public continua de percevoir la vicesima manumissionum. Doublé par Caracalla, cet impôt indirect fut rétabli par Macrin sur son ancien pied 166; mais il produisait peu depuis les restrictions apportées par Auguste aux affranchissements. Les autres droits non mentionnés ci-dessus appartenaient soit à l'oerarium militare, soit au fisc. Il est difficile d'évaluer les ressources du trésor sous l'empire. Antonin laissa en mourant 745 millions de francs 1''. Gibbon évalue le revenu général de l'empire de 350 à 450 millions de francs. Tibère laissa 2,700 millions de sesterces''' Dépenses. Les dépenses relatives à l'armée 167 et concernant la maison impériale 7tl8 incombaient désormais à des caisses particulières. Le trésor public continua de supporter les autres dépenses relatives à la police, à l'approvisionnement de Rome, à la voirie159, du moins jusqu'à l'établissement postérieur d'une arca publica de Romel5o les frais de l'administration de l'Italie et des provinces. Ces frais s'étaient beaucoup accrus depuis l'organisation administrative inaugurée par Auguste ; il avait en effet multiplié les ressorts et établi le principe de la rétribution des fonctionnaires impériaux 161. Vespasien évaluait à 40 milliards de francs le capital nécessaire pour réparer les désastres de l'empire 162. En outre, l'État établit un grand nombre de routes nouvelles et les pourvut de stations de poste [vIAE, STATIONES] entretenues, il est vrai, en partie aux frais des propriétaires voisins. Enfin, le développement de la richesse et des lumières multiplia la création de monuments artistiques ou d'utilité publique; le gouvernement créa des bibliothèques, organisa des écoles publiques et institua un grand nombre de traitements 163 de professeurs, littérateurs, savants et artistes. L'aerarium supportait encore les frais des jeux et des fêtes publiques 164. Mais sa plus lourde charge était toujours dans les distributions gratuites de blé et quelquefois d'argent faites à la plèbe de Rome (largitio frumentaria), réparties pour cela en trente-cinq tribus [ANNONA, FRUMENTA RIAE LEGES], et enfin les congiaires [coNGIARIuS], si souvent offerts par les empereurs. Les fournitures en nature faites par les provinces fertiles, comme l'Égypte et l'Afrique 1Gu, étaient employées partie à l'entretien de l'armée, partie à la largitio frumentaria. Celle-ci est évaluée par bureau de la Malle '66 à une dépense annuelle de 24,300,000 fr. Si on observe que, suivant le même auteur, le revenu annuel en argent ne dépassait pas 40,697,000 fr., on voit, en doublant ou quadruplant même ce revenu, à l'époque d'Auguste, quel fardeau cette taxe des pauvres imposait au trésor. Administration de l'aerarium. En principe, la surveillance de l'aerarium Saturni et l'ordonnancement des payements à faire par ce trésor demeurèrent confiés au sénat 167; il était de plus appelé à donner, sur les questions contentieuses en matière financière, des avis que l'usage ou l'autorité de l'empereur paraît avoir transformés en décisions souveraines 18'. La direction de la caisse fut enlevée par Auguste aux questeurs et confiée à deux prae fecti aerarii, que le sénat dut choisir parmi les préteurs sortant de charge. Plus tard même, mais pendant un court espace de temps, il voulut que cette mission échût par le sort à deux des préteurs en exercice 169, nommés praetores aerarii ou ad aerarium dans certaines inscriptions 170. L'empereur Claude rendit à deux questeurs la garde de l'aerarium Saturni 171, en fixant à trois ans la durée de leur charge. Mais comme on pouvait alors être questeur à l'âge de vingt-cinq ans 172, on reconnut que l'inexpérience de plusieurs questeurs les rendait impropres à ces fonctions délicates, qui furent restituées, sous Néron, d'abord aux anciens préteurs173, puis, sous Vespasien, à deux des préteurs en charge 174, sous Trajan à deux préfets. Cependant on trouve encore, sous Adrien et Sévère 176, d'après les inscriptions, des quaestores ou viri quaestorii ab aerario Saturnii6; il en exista même jusqu'au quatrième siècle. On peut supposer que les questeurs avaient conservé quelque autorité en ce qui concerne la garde des archives, et en même temps celle des registres de la comptabilité, et peut-être la rédaction des procès-verbaux d'adjudication publique 177. Sous ces fonctionnaires il y eut toujours des scribae, praecones et viatores 178 En outre, dans les provinces du sénat, dont la distinction subsista jusqu'au troisième siècle, des questeurs étaient envoyés auprès des proconsuls 179 ; et dans les provinces de César, un PROCURATOR CAESARIS ou RATIONALIS, pour remplir les fonctions financières auprès des praesides ou legati Caesaris [rROVINcIA]. Les procuratores n'eurent d'abord aucune juridiction contentieuse en matière de finances 180 ; elle ne leur fut concédée que sous Claude 181. Ces divers employés avaient à leur service des scribae, viatores et praecones, comme les préteurs ou préfets de l'aerarium. Au troisième siècle, le sénat perdit en droit la direction A ER et la surveillance de l'aerarium, qu'il n'avait plus depuis longtemps que nominalement 1". Un procurator fut chargé de cette administration en premier ordre, ayant comme principaux subordonnés les praefecti aerarii 183. L'empereur délivra dès lors directement les ordonnances de payement, sans doute par l'intermédiaire de sa chancellerie. Les quaestores, autrefois employés dans les provinces du sénat, furent remplacés partout par des procuratoresCaesaris ou rationales, comme il y en avait déjà dans les provinces de l'empereur 184. En même temps disparut l'ceravium mititare , mentionné pour la dernière fois sous Héliogabale 186. Les mots fiscus et aerarium sont désormais employés l'un pour l'autre 186. Les deux trésors étaient encore administrés séparément, mais l'aerarium comme le fiscus dépendaient absolument du prince. Beaucoup plus tard, en 435, on trouve l'expression aerarium employée pour des biens vacants 187 Mode d'administration. --Le droit de déterminer le montant des recettes et le chiffre des dépenses de l'aerarium fut d'abord maintenu en apparence au profit du sénat 188; mais, en réalité, ce corps était dans la main de l'empereur et ne décidait aucune affaire grave que d'après son initiative, ordinairement sur une proposition (oratio) transmise par les quaestores candidati 189 ou principis [QUAESTOR, ORATIO PRINCIPIS]. Le Consul, qui avait la présidence du sénat, était dépouillé de ses prérogatives antérieures en matière financière 190. Le sénat n'osait décider seul les questions un peu importantes, lors même que l'état du trésor lui était soumis par les préfets de l'oerarilsns19t, Elles étaient examinées d'ordinaire avec l'agrément du prince, en sa présence ou devant son délégué. D'un autre côté, l'empereur pouvait user de l'ancien pouvoir consulaire qui lui avait été transmis pour ordonner à sa volonté des dépenses et les faire payer par laerarium 192. Enfin, le titre d'IMPERAToR lui permettait d'établir de nouveaux impôts et de modifier l'organisation financière 193. Tous ces pouvoirs transmis par la loi De irnperio 194 aux successeurs d'Auguste ne tirent que se développer dans leurs mains. Lorsqu'ils n'exercèrent pas eux-mêmes ou ne confièrent pas à d'autres la censure, ils concédèrent aux consuls le soin de préparer et de passer les anciens baux à ferme des impôts indirects, etc., de Viager publicus 19g. On a vu qu'au troisième siècle le procurator mis à la tête de Yaerarium reçut, en règle générale.les ordres de l'empereur pour les payements à effectuer. Les recouvrements étaient opérés à home par les praefectiaerarii, et en province, sur l'ordre des gouverneurs, par les questeurs ou par leurs successeurs, les rationales ou procuratores Caesaris. I,e plus souvent les impôts indirects étaient payés au trésor par les sociétés de publicains sous la forme d'un prix de bail, suivant les clauses du cahier des charges. Mais il en était autrement du tributum ex censu, de la capitation et de l'impôt foncier. Le produit de ces recettes devait être versé dans la caisse de la province, entre les mains des questeurs, plus tard des rationales ou de leurs employés196 et mis à la disposition des gouverneurs, ou en Égypte du préfet 187, sans doute dans R7 AER les limites déterminées par l'empereur, pour les besoins de leur administration, le surplus devant faire retour au trésor central. Les bureaux des questeurs ou des procureurs, sous le contrôle du bureau central ou tabutarium provinciae, exigeaient aussi en province le service de nombreux employés, si l'on en juge par ce que nous disent les textes ou inscriptions des diverses stationes fisci 198, peuplées d'agents dont la dénomination était tirée du chiffre de leurs appointements et de l'objet de leurs fonctions (tabularius, arcarius, commentariensis, dispensator, exactor, procurator ducenarius, centenarius, sexegenarius) 799. Il y avait des administrations spéciales sous un procurator publicorum pour les vicesima hereditatum et xxv venalium et pour le patrimoine de César. La défiance du gouvernement impérial avait dû maintenir la tenue exacte et régulière des codices arcepti et depensi ou tabulae publicae, destinés à constater les recettes et les payements effectués par le trésor. Quant aux rapports des délateurs avec Yaerarium, voyez DELAToREs. Les lois Julia de peculatu et De resideis atteignaient ceux qui se rendaient coupables de malversations dans la gestion des deniers du trésor; nous renvoyons, pour ce qui les concerne, aux articles PECULATUS et RESIDUAE, et pour les concussions des gouverneurs de province à REPETONDAE. V. L'AERARIUBI SOUS LE BAS-EMPIRE. L'empire se divise pour mieux résister à ses ennemis, et l'administration, dans chacun des deux empires, se centralise de plus en plus, en multipliant ses ressorts. L'aerarium n'échappe point à cette nouvelle tendance. On lui donne indifféremment ce nom ou celui de fiscus; mais néanmoins on distingue encore l'aerarium sacrum, ou sacrae largitiones, l'aerarium privatum, et une ar'Ca praefecturae [MICA]. NOUS nous occuperons exclusivement ici du trésor public proprement dit, qui se trouve réglementé dans les plus grands détails par les lois des nouveaux empereurs. Mais cette régularité apparente et la savante hiérarchie des fonctionnaires financiers et autres entraînent des frais énormes, et l'histoire de la décadence du bas-empire consiste autant dans les vicissitudes des luttes du fisc avec les contribuables que dans celles des combats avec les barbares. Recettes et dépenses de l'aerariurn sacrum. -Le principal revenu 200 du trésor consistait dans le tributum ex censu, appelé aussi CAPITATIO ou jugatio, alors applicable dans tout l'empire, à part les villes gratifiées de l'immunité [IMMUNITAS] . C'était un impôt sur le capital, puisque la déclaration du cens embrassait non-seulement les immeubles, mais encore les bestiaux, les esclaves, et indiquait les revenus provenant de locations de toute sorte, et les capitaux mobiliers des rentiers Y01; mais il comprenait par cela même un impôt foncier (jugatio terrena) qui suivait le bien grevé entre les mains de tout possesseur. Le montant de l'impôt était fixé par le décret annuel de l'empereur [INDICTIO]. Nous ne parlons pas ici de l'impôt en nature (annona), parce qu'il se payait à I'arca praefeeturae. Les commerçants étaient en outre immatriculés et payaient un impôt à raison de leur commerce [LUSTRALIS COLLA no] 202. La capitatio humana ou plebeia pesait seulement sur les classes inférieures, notamment sur les individus non inscrits au cens, comme les artisans et ouvriers des villes, les colons, etc. 2U3, même les femmes, mais pour une quotité moins forte; à part cette exception, elle consistait dans une somme fixe payable par chaque tête de contribuable d'un àge déterminé. De plus, les propriétés des sénateurs furent grevées jusqu'à Justinien d'un impôt spécial appelé GLEBA ou fouis; les plus pauvres devaient une capitation de sept solidi [soLIDUS] 294. L'aerarium percevait un droit sur les lenones et les meretrices, supprimé par Théodose le Jeune et par Anastase. Parmi les impôts indirects, nous retrouvons les anciens PORTORiA sous le nom de vectigalia : l'exploitation en était encore affermée à des publicains205; et un droit de 4 1/6 p. 100 [sILIQUATICUM] sur toutes les marchandises mises en vente (vectigal rerum venalium), aboli également dans la suite 208. Ajoutons les redevances des maisons, des mines ou carrières concédées par l'État, ou les produits de celles qu'il exploitait, des manufactures impériales de vêtements et le fermage des salines impériales'''. A côté de ces ressources normales, il faut placer des recettes extraordinaires, comme l'AURUM cORONAIIUM, payé par les décurions des villes208, et l'AURUM OBLATICIUM, offert dans les grandes occasions par le sénat de la capitale 209. Enfin, dans les cas de nécessité, le trésor avait recours à des impôts extraordinaires, tels qu'une SUPERINDICTIO générale, ou bien une charge spéciale imposée à ceux qui tenaient une terre ou une maison de la munificence impériale 410. Enfin le trésor avait dans sa dépendance les ateliers monétaires, et parfois il bénéficia sur la fabrication de la monnaie d'argent 211. Le trésor public demeurait en général étranger à toutes les dépenses de la guerre, mises à la charge de farce praefecturae, comme à l'entretien des palais, biens et employés de la couronne, dont les frais étaient supportés par l'aerarimn privatum. En revanche, l'aerarium sacrum avait à pourvoir aux traitements des nombreux employés 212 de l'administration civile. II supportait les frais d'entretien des grandes routes et du service des postes213; il en était de même pour les monuments et, en partie du moins, pour les établissements publics d'instruction organisés à Rome, à Constantinople et dans plusieurs cités de l'empire 4f4. En outre, les empereurs contribuèrent aux frais du culte de la religion catholique, conjointement avec le patrimoine des municipes 218. Ajoutons qu'on retrouve en général dans cette période les dépenses ordinaires de la période précédente. La principale des dépenses extraordinaires consiste toujours dans les distributions à bas prix ou même gratuites de blé et quelquefois de pain 218 (panis gradilis) aux plébéiens de Rome et de Constantinople. En outre, les empereurs donnaient au peuple des jeux dont les frais étaient or dinairement supportés par le sénat ou par certains magistrats, mais aussi quelquefois par le trésor public. Enfin il payait une partie des dépenses des bains publics. Administration de l'aerarium sacrum. Nous nous bornerons à une indication rapide. Le droit de déterminer le montant général des recettes 217 et des dépenses appartient à l'empereur seul, investi du pouvoir souverain et ayant sous les yeux le tableau général des provinces de l'empire, le résumé du census et le catalogue (laterculum) 213 de tous les fonctionnaires, c'est-à-dire de tous les services publics. L'administration de l'aerarium sacrum est déléguée à un ministre des finances, appelé cornes sacrarum largitionum219 [cosies]. Sous lui sont répartis2E0 dans les divers diocèses des comtes d'un ordre inférieur, nommés comices Italicianorum, Gallicianorum, etc. Viennent ensuite comme autrefois des procuratores ou nationales surnnzarum pour les différentes espèces de revenus, avec leurs bureaux (statlones) 221 comprenant les librarü, commentarienses, tabularü, arcarii, dispensatores, exactores aerarii; on trouve encore des employés nommés praepositi tleesaurorum222; le gouvernement de chaque province avait aussi des receveurs ou susceptores immédiats, qui versaient aux receveurs du trésor, praepositi thesauri. Le ministre des finances avait d'ailleurs près de lui une grande quantité de palatini, ou officiers mis à sa disposition pour des missions temporaires ou pour exécuter ses ordres. Ces agents étaient divisés en plusieurs bureaux ou scrinia correspondant en partie aux diverses natures de recettes 223 (scrinium exceptoris, tabulariorum, canonum, mittendariorum, etc.). Pour le recouvrement de l'impôt principal (tributum ex censu, capitatio terrena, jugatio, largitionales tituli), l'État employait aussi le concours des magistrats et fonctionnaires municipaux (PRINCIPALES, tabularü, logographae, et même des curiales [GURU], des DECAPROTI et protostasiae 824, etc.), suivant le mode que nous allons indiquer bientôt. En outre, le cornes largitionum avait sous ses ordres, pour la direction des fabriques impériales , divers procuratores (gynaeceorum, baphiorum, linificorum) 225, et pour le transport de leurs produits des corporations de BASTAGARII 220, Plusieurs agents spéciaux (cornes vestis, magisiri lineae vestis, scrinium vestiarii sacri) 227 étaient chargés de recevoir, emmagasiner et conserver les objets fabriqués. Enfin, sous l'autorité du cornes largitionum, des procuratores dirigeaient les ateliers monétaires 228. Le montant des recettes étant fixé par une constitution impériale pour les impôts directs ou indirects, et par le prix de bail pour ceux qui étaient affermés d'après des tarifs fixes, le ministre des finances pourvoyait à l'encaissement de ces revenus. Voici en résumé le mode suivi pour l'impôt fondamental, l'INDICTIO ou ancien TRIBUTUM. Quand l'empereur avait écrit de sa main l'édit d'indictio, fixant le taux de l'impôt pour l'année financière commençant au 1" septembre, cet édit était transmis par le préfet aux recteurs des provinces [reoviNCrA] pour le publier et en ordonner la mise en recouvrement. Le gouverneur avait pour cela dans son officiant un bureau spécial d'agents appelés NUMERARII ou tabularii, chartularii ou tractatores. Le principnlis229 de chaque cité procédait à la répartition de l'impôt avec l'aide des tabularii et logographae locaux, qui dressaient les rôles, et, après leur approbation par le rector, les transmettaient aux exactores pris soit dans l'officium du gouverneur, soit parmi les curiales. C'est à cette organisation que se rattache aussi l'emploi onéreux des magistrats locaux appelésDECAPROTI et l'office de PROTOSTASIA290, et, depuis Anastase, des agents fiscaux nomrnés t'indices 231. Le tribut, payé en trois termes annuels contre quittance, était versé au receveur particulier (susceptor) du gouverneur; celui-ci transmettait l'état des recettes pour quatre mois à l'officium palatinum, et les sommes encaissées par le praepositus tllesaurorum le plus voisin (sub obsigatione tabularii) ; de là elles étaient envoyées au cornes largitionum, dans un délai fixé d'après l'itinéraire. Du reste, les listes devaient être communiquées aux tabularii, afin de leur faire connaître les restesà recouvrer 232. Une somme additionnelle de 2 1/2 par 1,000 solidi, ou par tête, était perçue en outre à titre de frais de recouvrement, et partageable entre les employés 233 Le contrôle des comptes appartenait à des discussores; et l'activité des gouverneurs et de leur office était pressée par des inspecteurs tirés du corps des palatini et nommés MITTENDARII, canonicarii, compulsores. L'empereur seul pouvait accorder des remises ou modérations (indulgent iae reliquorum) 234. On suivait des règles analogues pour le payement et la centralisation des autres revenus par les nationales ou procura tores spéciaux. Le droit d'ordonner les dépenses et d'ordonnancer les payements par les caissiers de l'aerarium sacrum ou arca largitionum, appartenait en principe à l'empereur. Mais cette prérogative était exercée en fait par ses délégués: d'une part, le cornes largitionum autorisait les cornites inférieurs et les caissiers à faire les payements, suivant certaines règles et justifications; d'autre part, les préfets du prétoire, qui, chacun dans sa circonscription administrative, étaient à la tête de l'administration civile et judiciaire de l'empire, devaient pourvoir aux besoins des différents services publics. La composition de l'officium de ces grands fonctionnaires nous le prouve, car nous y rencontrons, entre autres praefectiani, un bureau de numerarii tas chargés du règlement de compte des finances, et un bureau de correspondance (cura epistolarum), pour ce qui concernait les matières financières. D'un autre côté, les vicarii et les simples gouverneurs de province, rectores ou praesides [rRovINcIA], avaient une série d'o f/ciales et apparitores organisés de la même manière 238, et qu'on nommait en général cohortales. Les présidents jouaient naturelle ment le rôle d'ordonnateurs secondaires pour les dépenses locales afférentes au service de l'aerarium. La comptabilité (ratiocinia) était établie au moyen des registres des préposés du trésor et de ceux de l'office des préfets et gouverneurs. Quant aux règles sur la responsabilité, nous renvoyons aux articles PECULATUS et RESIDUAE. Les questions contentieuses en matières fiscales étaient résolues par le rationalis sacrarum largitionum, avec appel au coures 237. G. HUMBERT. VI. Le local qui contenait le trésor prenait aussi, comme on l'a vu, chez les Romains le nom d'aerarium. Voyez pour les Grecs ARCIIEION. C'est dans un temple que fut établi, depuis l'expulsion des rois, l'aerarium romain. Le temple de Saturne et d'Ops, construit sur les pentes du mont Capitolin par Tarquin le Superbe ou Tullus Hostilius 233 et donnant sur le Forum 239, fut désigné pour cet usage par Valerius Publicola 240. Le trésor, déposé dans les souterrains du temple 94t, était ainsi protégé par le respect que l'on portait au sanctuaire même, un des plus sacrés chez les Romains. Il ne reste aujourd'hui du temple de SaturneP42 que les six colonnes de la façade, et encore appartiennent-elles à la dernière reconstruction qui fut faite sous Septime Sévère. Canina en a tenté une restauration dans son travail sur le Forum '43 L'aerarium contenait aussi, comme on l'a vu, les archives du sénat, et on y déposait les étendards des légions 2bb. Dans les autres villes romaines, il est probable que l'aerarium fut de même placé dans le temple le plus sacré ou dans ses dépendances immédiates. Dans plusieurs temples encore existants nous trouvons une ou plusieurs salles à la partie postérieure qui ont pu servir d'aerarium. Tels sont les temples de Sélinonte 2d5, celui de Jupiter à Pompéi 246, etc. Au temple de Jupiter, à Aezani, dans l'Asie Mineure, une seule et grande salle voûtée existe sous la cella 247. D'après Vitruve 248, l'aerarium, les prisons et la curie devaient être réunis sur le forum et leur grandeur proportionnée àson importance; l'aerarium pouvait être une construction distincte. On a cru en trouver une de ce genre parmi les trois édifices à peu près semblables qui occupent le côté opposé du temple de Jupiter, dans le forum de Pompéi. Ce qui est certain, c'est qu'on y a recueilli une grande quantité de monnaies d'or et d'argent 249, E. GUILLAUME.