Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CURIA

CUJUA. Le mot curie était employé, en droit public romain, dans plusieurs acceptions différentes : il désignait d'abord une division des tribus primitives [TRIBUS], puis le sénat de Rome et quelquefois le lieu où il s'assemblait; enfin le sénat des villes municipales. On renverra, quant à ces deux dernières acceptions, aux articles SENATIJS, MUNICITIUM, PROvINCIA, pour ne traiter ici que de la première signification, c'est-à-dire des antiques curies. Si la légende relative aux rois (le Rome offre un grand nombre de fables, elle repose du moins, en ce qui concerne les institutions qu'elle fait remonter à cette période, sur des fondements plus solides; celles-ci, en effet, ne sont pas seulement énoncées par la tradition, mais encore confirmées par les faits postérieurs, et d'ailleurs conformes aux usages constants de la plupart des populations italiques primitives. Aussi les critiques modernes3 admettent-ils l'existence à Rome, dès le principe, (les tribus, des curies, du sénat, de la clientèle, etc., en un mot, de toutes les institutions dont l'histoire romaine offre ensuite le développement naturel. La tribu primitive des Rames ou Raninenses, à laquelle la tradition donne Romulus pour premier chef [RostuLi CONSTITUTIONES], en s'établissant sur le territoire de Septimontium, ou de l'ancienne ville Saturnia, dont elle s'assujettit la population, s'organisa d'une manière précise, régulière au moyen de divisions exactes et mathématiques, empruntées peut-être aux livres rituels des Étrusques et consacrées par des cérémonies ou rites religieux observés longtemps encore après lors de la fondation des colonies [COLONIA]. Les divisions de la tribu furent essentiellement personnelles plutôt que locales; elles reposaient sur des relations entre personnes unies par les devoirs d'un culte commun, et semblaient avoir pour type l'organisation mente de la famille : d'après la tradition, les Ramnes qui ne comptaient que mille familles ou feux6, les répartirent d'abord en dia catégories de cent familles; chacune de ces catégories se nomma curia . C'est seulement à l'époque postérieure de la réunion des deux autres tribus, savoir les Tities et les Luceres, qu'il faudrait rapporter le nombre de trente curies indiqué par quelques auteurst. Chacune des curies était désignée par un nom spécial. Suivant certains historiens, ces dénominations auraient été empruntées aux noms des Sabines enlevées par les Ramnes °, et qui amenèrent l'annexion, par un traité, de la race des Sabins ou Titienses, Tatienses, Tities; mais s'il est possible que certaines curies aient pris le nom des gentes les plus distinguées qui en faisaient partie, il est certain que d'autres empruntèrent leur déno mination à la portion du territoire 50 de rager remontes qui leur fut assignée; ce qui fait rejeter cette tradition par Plutarque Cl et par Varron. Quelques-uns seulement des noms de ces curies sont parvenus jusqu'à nous: Foriensis, Acculeiata; il y a plus de doute pour la prétendue curia Tifata, mentionnée par Festus, parce qu'on peut prendre le dernier mot pour un substantif dont curia ne serait que l'adjectif t5 Les quatre premières sont connues sous la dénomination de veteres curiae, qui s'appliquait spécialement aux édifices consacrés au culte des anciennes curies et à leurs réunions sur le mont Palatin. Plus tard, on construisit de nouveaux temples plus vastes, au compitus ou carrefour Fabs'ic jus ; mais quatre des anciens furent conservés, parce que l'évocation n'avait pu se faire, . raison de scrupules religieux (per religiottes), pour faire passer les Les membres d'une curie s'appelaient curiales f7, et ils avaient à leur tète un curio, ou cusionus qui en était le président, et en même temps le prêtre chargé des sacrifices de la curie, indépendamment du Flanten curt'atis 19. En effet, chacune d'elles avait ses sacra particuliers à célébrer dans des édifices spéciaux ou saceila, et auprès de ces temples se trouvait une salle ou caria qui servait soit aux réunions politiques des curiales, soit k des repas communs, mensae ennoies, fixés k certains jours de fête religieuse 255, Du reste, le cutel de Junon Curites était commun à toutes les curies, où cette déesse avait son autel Les trente curions ou prêtres des curies formaient un collège sacerdotal présidé par un curio tnaximus°°. Dans l'agen Ramnium,, chaque curie des Ramnes eut son canton particulier03 de terre labourable affecté à. ses membres. Ajoutons que chaque curie fut divisée, suivant Denys d'Halicarnasse, en dix décades ou décuries u, qui peuvent être identiques avec les gentes" (voyez sur ce. point très controversé l'article GENS). Dans ce système, chaque gens aurait contenu dix familiae. Après la réunion des trois tribus, l'ensemble des curies, au nombre de trente, forma le mullas ratstanuo Quinitiuin°6; et, comme des divisions identiques furent observées dans chaque tribu, il y eut en tout 300 décuries ou gentes antiques, et 3000 familles de de la gens dont elles faisaient partie. Quant aux clients, s'ils participaient aux gentes 27, ce ne pouvait être d'abord qu'au point de vue passif" [clams], et notamment de la charge des sacra. Les plébéiens, d'après l'opinion la plus commune 29, demeuraient en dehors des curies. Celles-ci ne renfermaient que les familles de la race conquérante des Ratnnes, puis celles des tribus annexées, des Tities et Lucenes. Ainsi la population primitivement assujettie 30, les CUR 1628 CUR affranchis et les peuples vaincus plus tard par les rois de Rome formèrent le noyau de la plèbe, les plébéiens exclus de tout droit politique, bien distincts des clients, et privés du connubium avec les patriciens 31 [PLEBS, PATRICn]. Cependant Denys d'Halicarnasse, qui admet l'existence de la plèbe à Rome dès le temps de Romulus 32, considère les curies comme renfermant tous les Romains patriciens ou plébéiens, et semble regarder dès lors les comices par curies [COMMA CURIATA] comme un mode d'assemblée démocratique, par opposition aux comices centuries institués par Servius Tullius. Ainsi, dans cette opinion", les comices curies n'auraient été que la forme primitive qui engendra plus tard les comices tribus, où les plébéiens et les patriciens votaient également. Un illustre historien moderne, changeant lui-même d'avis u, a essayé de justifier le système de Denys. Mais il nous paraît incompatible avec l'ensemble des institutions primitives de Rome; il semble ne reposer que sur l'erreur de fait d'un historien grec, qui peut avoir confondu le caractère des comices curies avec celui des comices tribus de son temps. Il est plus probable que les curies primitives de Rome présentaient un caractère religieux et aristocratique analogue à celui des gentes qui en constituaient les éléments. En effet, dans les comices curies on votait ex gener'ibus 35, par ordre de gens; or, les plébéiens n'avaient point de généalogie. De plus, les curies qui accordaient au roi la lex curiata de imperio sont les mèmes que les patres35 qui approuvaient sa nomination présentée par l'interrex, de l'aveu du sénat [AUCTORITAS PATRUM]; or ces patres ne sont et ne peuvent être que la réunion des curies, les chefs de familles patriciennes, et des gentes. Alors le mot populus 31 ne désignait que l'assemblée des trente curies patriciennes, précisément parce que les plébéiens n'ayant pas de droits politiques ne comptaient point encore parmi les citoyens comme un ordre distinct. Plus tard seulement, populus indiqua tous les citoyens patriciens et plébéiens, par opposition àplebs, qui ne comptait que les plébéiens38. Il résulte clairement d'un passage de Gains que jadis l'auctoritas des patricii était jugée nécessaire pour la validité d'une loi, et fut encore considérée comme telle par les patriciens après l'établissement des plébiscites ; or auctoritas patriciorum ne peut être que le vote des curies patriciennes39. Ce texte seul paraît suffire pour ébranler le système de Mommsen. Il est évident d'ailleurs que le jus auspiciorum ne pouvait appartenir qu'aux curies, corporations religieuses et aristocratiques 40 qui reprenaient l'imperium, au défaut de tout magistrat patricien4', et le conféraient de nouveau par une loi curiate proposée par un magistrat du même ordre de imperio suo [IMPERIUM, INTERREGNUM]. Cette transmission exclusive des auspices et de la souveraineté est incompatible avec la participation des plébéiens aux curies Quoi qu'il en soit, en 502 de Rome ou 252 av. J.-C., un plébéien étant devenu souverain pontife, en 545 de Rome ou 209 av. J.-C., la dignité de curio maximus fut ellemême ouverte aux non patriciens 42, ce qui tend à prouver que la plèbe elle-méme était dès lors admise è. participer aux sacra des curies, ceux-ci se continuèrent jusque sous l'empire 43; alors tous les citoyens réunis par curies se rendaient aux FORNACALIAd4. Il paraîtrait, en outre, que l'admission des plébéiens dans les curies conduisit à établir un certain rapport d'organisation entre elles et les tribus 45; en effet, les premières furent également élevées de 30 à 35, et l'on peut rattacher à ce changement l'établissement des nouveaux édifices dans lesquels on évoqua les sacra des anciennes curies46. Au point de vue politique, les comices curies avaient perdu toute importance dès la loi Hortensia en 467 de Rome ou 287 av. J.-C.; le sénat seul donna l'auctoritas patrum aux lois des comices centuriates47. Relativement aux élections, les comices curies furent remplacés, pour recevoir le résultat des auspices 4" et pour rendre la loi curiate de imperio 49, par les prêtres appartenant aux comices curies 50, les pontifes, les augures et trente licteurs représentant les trente anciennes curies''. Quant aux comitia calata pour des affaires de droit privé, les plébéiens avaient été admis 72 à venir dans les curies, pour les testaments, les adrogations, etc. Nous avons exposé les systèmes antérieurs sur les curies; mais M. Otto Gilbert, dans son récent et ingénieux ouvrage sur l'histoire et la topographie de Rome ancienne, rattache l'origine, les dénominations et la formation des curies à la topographie, à l'occupation et au culte des sept collines de Rome primitive, du Septimontium, par les habitants de souche diverse, appelés ensuite Montani; ils auraient été reliés successivement ensemble par une confédération et des cérémonies religieuses qui rappellent ces antiques souvenirs. L'auteur 53 place au mont Palatin, pris dans son acception la plus générale, et suivant la légende, le séjour des premiers Ramnes. Or, ce mont se divisait en trois collines : le Palatium, le Cermalus et Velia, dont les habitants fédérés ensemble s'unirent ensuite aux habitants des trois collines de l'Esquilin pour former une confédération, celle des Montani. Les fouilles entreprises en 1861 sur le mont Palatin par P. Rosa paraissent avoir démontré que cette montagne (sensu lato) était divisée en deux moitiés principales par une dépression, Intermontium; la moitié orientale se serait appelée Velia, et la moitié de l'ouest aurait contenu les collines nommées Cermalus et le Palatium proprement dits; le premier était situé vers le nord-ouest de cette moitié, audessus du clivus Victoriae, qui conduisait à la plaine ; au contraire, le nom de Palatium serait demeuré à la partie sud-ouest de cette moitié du mont Palatin. où avaient subsisté le Tugurium Faustuli ou Romuli et la Rama quadrata; cette moitié est remarquable encore par les grands débris de constructions qui se trouvent autour de cette partie, et où les légendes placent l'aventure de Cacus et le sacellum de Cacia, la chapelle de la vestale Cacia, prétendue soeur de Cacus '''«, tandis qu'au Cermalus se rattachentla légende de la Louve et du figuier ruminai, d'Acca Larentia, avec son sépulcre, et la caria Acculeia, enfin les aedes Romuli qu'il ne faut pas confondre avec la casa CUR 1629 CUIt Ilu;nuli du Palalium . Notre auteur admet que les deux colonies du Cermalus et du Palatium appartenant à la même race des Ramnes s'attribuèrent le même fondateur /?omusou Romulus,double dénomination qui aurait donné lieu plus tard k la légende des deux jumeaux (p. 60, etc.) et de la disparition de Remus; ce qui rappelle d'abord la lutte et l'unité ou union postérieure des deux colonies. Du reste M. Gilbert pense, contrairement k l'avis de M. Mommsen , mais avec Pohlmann °, que ces tribus anciennes occupèrent réellement les hauteurs qui leur servaient de pâturages, et que leur influence et leur colonisation s'étendirent seulement ensuite aux plaines correspondantes k chacune de ces collines, comme au Velabrum, au Tuscets vices, au Forum boarium et k la Velus Munda; aussi le Velabruno fut l'accessoire de l'ouest du Palatin, et le Clivas Victoriac y conduisait directement du Cermalus; de même la pente qui menait du Palatin k la vallée du Cirque mit en relation constante cette colline avec la Valus Munda et avec la partie adjacente de la plaine appelée depuis Forum boarium, qui formait originairement la cour extérieure ou marché de la colonie établie sur la hauteur méridionale du Palatin et dans la Valus Murcia, et pour les rapports avec les étrangers. Mais, en outre, la double cité du Palatin s'unit par les mêmes liens de fédération la cité de Velia, située sur la partie orientale de la colline °. M. Gilbert rapporte k ce point un célèbre passage de Festus °. Cet auteur nous apprend, en substance, qu'il existait un ancien local pour les curies, point central pour les trente curiae de l'ancienne cité, qui serait devenu insuffisant; de 1k naquit la nécessité d'en construire un nouveau, novae curiae. Lorsqu'on voulut évoquer les sacra de quelques-unes d'entre elles, sept, dit-on, s'y refusèrent; mais ce texte de Festus n'en nomme ici que quatre: Fori envie, Raptae, Vellensis (ou Veliensis) et Velitiae °; k raison de quoi, pour celles-ci, les sacrifices ont lieu dans les anciennes curies. Or trois de ces noms présentent, suivant M. Gilbert 6', un rapport direct avec les trois collines et cités du mont Palatin (sensu lolo), le Cermaius, le Palatium et Velia. En effet, le nom de caria Velieusis a trait directement k Velia, et celui de cutia Foriensis au Forum boariunt, dépendance du Palatitun, et la curia Velitia avec le Pelabrum, dépendance du Velitia; enfin les recherches de P. Rosa ont fait reconnaître dans Velia la partie orientale du mont Palatin, appartenant àla curia Veliensis qui, elle, avait sa résidence dans la plaine correspondante; cela fit que la colline elle-même finit par perdre le nom de Veliae; circonstance au moyen de laquelle M. Gilbert explique très bien les contradictions apparentes des textes anciens sur le siège de cette curie et la situation de la Valus Egcriae, rattachée au même district. Trois tribus fédérées auraientbâti la Rama quadrala, comme citadelle, et comme place pour les édifices et temples du t'occlus, d'où trois portes conduisaient aux hameaux construits pour chacune d'elles dans la plaine au-dessous. Ainsi se serait formé le populus romanos Qetiritium par excellence, comme union des trois curiae vetei'es Foriensis, Velitia et Veliensis, contrairement kJ.iopinion commune qui rattache le mot Quirites k l'union prétendue des Ramnes et des Sabins ou Tities originaires de Cures ta: suivant M. Gilbert s, Quintes vient de curies et désigne les membres confédérés des trois antiques curiac ou districts dont Mars ou Quiniuns était le dieu tutélaire, auquel se rattachaient la corporation et les rites des Salti palatitoi, ayant son centre dans la chapelle ou sacrasium Martis ou curia 5S'aliorutn. D'autre part, le mont Esquilin se dressait en face du mont Palatin ; or le premier eut aussi ses trois collines, le Faqulal, l'Oppius et le Cispius, qui, suivant M. Gilbert 64, auraient aussi servi de lieu de séjour et de défense à trois colonies ou communautés, réunies plus tard sous le nom d'Ji'squiliae, appliqué également à l'ensemble du mont Esquilin. Au Fagutal se rattachent le Lunes faguta lis et le sacellum de Jupiter Pagutalis, et M. Gilbert place cette colline au sud de l'Esquilin : elle s'étendit par la suite vers la vallée et vers le Caelius; il place le mont Oppius au nord, s'étendant du côté de l'orient; enfin la troisième communauté occupait la colline Cipius, située également vers le nord de l'Esquilin Quoi qu'il en soit, les trois communautés fédérées de l'Esquilin firent que le mont Esquilin fut plus tard considéré comme un pagus et un pagus montanus de la cité, protégé par un terreus murus (]arinerwsttt. Ultérieurement elles entrèrent en relation avec les trois communautés fédérées du Palatin, pour former la fédération du Septimontiusn. En effet, le clivus urbius conduisait de L'Esquilin dans la plaine et notamment au vallon nommé Suburra, ou s'était formée une septième communauté, qui plaça son asyle et sa forteresse sur les premières hauteurs du Viminalis et du Quirinalis, qui prirent ensuite le nom de mous, et fut admise à son tour dans l'union du Septimontiurn . En effet, limitée d'un côté par l'Esquilin et de l'autre par la Vefla ou cité du mont Palatin, la communauté de Subu rra pouvait être attribuée k l'une ou à l'autre de ces deux cités et servir d'intermédiaire pour la création de l'union des sept monts. Eut-elle un district particulier, représenté plus tard par le pagus succusanus? Dans le doute, M. Gilbert penche k croire qu'on u dû la rattacher aux trois collines du Palatin, et qu'elle forma le quatrième membre de la cité du Palatin, ayant peut-être pour culte spécial celui de Tellus, et le quatrième district des antiques curies, cuniae velues. C'est ainsi que les trois collines de l'Esquilin formèrent, avec les quatre du Palatin, la cité des sept anciens montes, c'est-à-dire des sept cnriae veteres, qui avaient deux citadelles pour point central. I.e local des reterce curiae servait aux assemblées et au culte de la confédération; en effet, le nom de trois des montes du Palatin concorde très bien avec trois des veteres copine, sur quatre indiqués par Festus. Cependant cet auteur semble dire que le local servait aux trente curies de Rome entre lesquelles se distribua plus lard son territoire, mais que l'exiguité du local força de construire les novae curiae, où cu R 1630 CUR les interprètes modernes voient une seule salle, divisée en trente compartiments comme précédemment, mais plus vastes qu'autrefois c, pour le culte de chaque curie. M. Gilbert repousse avec raison cette explication. Le mot curia est pris dans deux sens on l'emploie pour désigner le lieu ou l'édifice propre à une réunion et notamment au culte, mais aussi pour le district et les habitants qui usent de ce local, les curiales, Or le lieu de réunion devait être placé dans le district lui-méme de chaque curie et non dans un ou deux édifices communs, avec des salles spéciales pour chaque curie u• Le sens originaire et essentiel du terme curie indique donc le lieu d'exercice d'un culte, où l'on accomplissait les ptthlicae curae et notamment les sacra publica 70; il y avait pluralité de localités distinctes par leur situation, où chacune des curies, prise comme fraction de la confédération, se réunissait et qui avait son nom propre. C'était aussi la pensée de Varron u quand il dit curies duorusn generum, nam et ubi curarent sacerdotes res aussi sur les différents sens du mot curie, Denys d'Halicarnasse, qui lui-méme, s'il applique souvent ce mot à la division administrative du peuple, mentionne aussi le sens local et géographique 72 de chaque curia où se réunissaient les curiales. Indépendamment de ce qu'il emprunte à la légende suivie par Varron et les anciens auteurs romains sur la prétendue division du peuple, opérée, dit-on, en une seule fois par Romulus, en trente curies, Denys distingue très bien le local et les sacrifices distincts de chaque curie u, ses dieux particuliers 7; en outre, ce local renfermait un lieu assez étendu pour abriter le troupeau et pour permettre de prendre des repas en commun, en un mot pour toutes les fêtes publiques des curiales. Rien n'indique chez lui la pensée d'un seul édifice commun à toutes les curies. Suivant M. Gi1bert°, l'idée légendaire d'une création unitaire et constitutionnelle par Romulus de la division en curies, a été suivie aveuglément par les antiquaires romains. Il faut s'attacher à un développement historique et successif de cette institution par voie de fédération et d'annexion, dont on trouve la trace dans les vieux monuments du culte, des processions et de la topographie antique de la Rome des Montani et du Septirnontium, et dont la division présentée d'abord par les historiens n'a été que la conclusion définitive opérée probablement sous les Tarquins '°. Dans les sacra communs aux veteres cursae trouva son expression la fédération d'un petit nombre de communautés, à une période antique de Rome primitive; dans les novae curiae apparaît ensuite, en opposition à celui de l'ancienne fédération, le caractère des curiae de la période postérieure de la cité, avec leurs sacra communs. Mais ni le local ni le culte des veteres comme des novas curiae n'excluait l'idée des cultes spéciaux à chaque curie il y avait un local pour les sacrifices communs aux veteres 05 V. eu sens contraire, Gilbert, I, p. 185 et s. 00 Voyez l'interprétation du passage de Paul, p. 49, dans Gilbert, p. tOC caria locus est ubi public*, 70 I, Gilbert, p. 210, note t, combat l'opinion commune qui croit à la réunion de tous les raciales des sept su des vingt-sept ou trente curies soit doua les anrennes, sait dans isa jouas sorbe. C'est anse erreur les canotes seuls exercent curiac, et plus lardon autre pour ceux communs aux force curiae, indépendamment de leurs locaux particuliers surOsant pour chacune, dans son district. Ainsi, d'après M. Gilbert u, les trois curiae P'os'iensis, Velitia et Velieatsie, correspondant aux habitants des monts Palatiuto, Cers malus et Velia, auraient été accrues par l'annexion de la colonie du Suhut'ra, sous le nom de Rapta ou lla.ptae; elles auraient en le local commun aux sacrifices de leur fédération et de celle même du Septisnontium, sur les limites de la cité Palatine et de l'Esquiline 78. Là se seraient réunies pour ce culte les trois communautés de l'Esquilin aux quatre du Palatin, en la fédération du Septimontium; elles auraient construit à cet effet une voie commune, la via Sacra, placée sous la protection des dieux, et elles auraient institué la fète appelée septisstontiale sacrtttes, célébrée le H décembre jusqu'au temps de l'empire, et à laquelle les habitants des anciens montes, les sttontanoa, prenaient une part toute spéciale Cette fête reçut le nom de AG07SIA ou AGONALIA, et t'appelait l'antique fédération conclue entre les gens du Palatin et ceux de l'Esquilin, comme la procession qui, ce jour-là, faisait le tour du territoire des deux montagnes °, et avait pour divinités spéciales Jupiter et Junon, avec leurs prêtres, le flatcsen dialis et la flamittia dialis 81 [FLAMEN]. M. Gilbert conjecture même que le compagnon attribué à Romulus, Ilostus Hostilius fut le chef des habitants de l'Esquiltn, le même qu'une autre légende appelle Lucutno et place à la tête des Luceres La fédération du Septimontium serait donc la ligue des Ramnes et des Luceres. Quoi qu'il en soit, la cité palatine s'accrut de nouveau par des annexions successives; c'est ce que nous montre encore M. Gilbert u, En l'ace de l'ouest du Palatin s'élevait la colline du Capitole, séparée du premier par un bois et un marais, occupée plus tard par le vices Tuscus. Le mont Capitole se divisait lui-même en trois parties. Au milieu une area, plus tard appelée asylum, bornée au nord par une colline où fut construite ensuite la citadelle, et au sud, une autre où l'on bâtit le temple de Jupiter Capitolin. La première colline paraît avoir été occupée de bonne heure par une population antérieure méme à la ligue du Septisootetium. La colline du sud était habitée, sur la hauteur, sur la pente et au bas, par une colonie qui y célébrait le culte de Saturne et de Ops, et nommée pour cela Saturnia; elle pratiquait aussi le cuite de Vulcain et de Maia; elle se composait d'éléments étrangers et peut-être venus de la mer. Cette colonie entra en relation avec les Ramnes du Palatin et dut s'annexer à leur cité, comme le prouvent le premier temple attribué à Romulus, celui de Jupiter Feretrius, et la légende de Tarquin et du saxutn Tas'peium. La colonie capitoline s'etendit plus tard jusqu'au 'libre et au delà. Les rapports entre le Palatin et la colonie sud du Capitolin s'établirent par levicum Jugariust4; cette colonie combina ses cultes et ses divinités spéciales tes osera communs dans nue sotte commune. Mots les citrialee se réagissaient dons les salles spéciales b leur curie et dans leurs districts. II interprète en ce sens Ovide, Fast. 4, 529, et Moceohe, I, 12, 6. 77 1, p. 213 et s. 73 Gilbert u établi, 1, p. 130, que te local des curule scIence était déterminé par ta procession des Lsperci qui prenaient aux conne selence leur direction vers le aacellsns Larsin, suivaient ici lu nia sacra, ce qui lui fait placer les curiae eelereo'à l'est de la nia suera, près de la sortes ssdane, 70 Pestas, p. 340: Vetiee) cul item, saro'ificiuoa Fagusli (t. Fagotai:), Subo:'ae, Ceresalo, Oppio, z._81fb.p.23iels._t21b.p.24tett._t3t,ch.v,p.244elO.tbIl.l, CUR 1631 CUR avec celles du mont Palatin, peut-être sous la forme d'addition d'une ou deux curies aux anciennes u. Quant à la partie nord du mont Capitolin, elle paraît, avant les transformations ultérieures opérées notamment sous Trajan, avoir été unie au sud du mont Quirinal (occupé par les Tities ou Sabini) par une colline intermédiaire. Les Tities étaient-ils maîtres de cette partie septentrionale du mont Capitolin avant ou après la bataille indécise de Romulus et la paix avec foedus qui la termina? Peu importe, la légende leur accorde cette partie nord, outre le Quirinal; le roi sabin eut sa demeure derrière sa citadelle sur la première partie, et une ville ouverte sur la seconde. Tel fut le nouvel État, accru par la tribu des Tities annexés au Ramnes 86, et qui habitaient surtout les colles appelés Quirinalis et Viminalis. Mais la cité romaine (levait encore s'annexer un nouvel élément, la tribu étrusque. Déjà l'on a vu que M. Gilbert croyait trouver des Etrusques, venus de Gabies, dans une des colonies de l'Esquilin 87 ; mais il tient pour certain qu'une autre colonie latino-étrusque plus importante, sortie de Falérie et de Tusculum, occupa, sous son chef Tullus Hostilius, le mont Caelius u, et dut exercer une influence notable sur la cité déjà formée des Ramnes et des Tities, surtout au point de vue des cérémonies et des arts, et enfin de la religion ou de l'art augural. Les colons étrusques qui occupèrent les collines du Caelius y exercèrent le culte de Dea Carna, de Diana et de Minerva, pour chacune des trois parties du mont où s'étaient déposées des couches successives de colons, dans des hameaux unis plus tard sous Tullus Hostilius, personnification de l'élément étrusque 89. Or ceux-là mêmes s'unirent, par une nouvelle fédération 90, aux Ramnes et aux Tities pour former la cité romaine. Cela n'empêcha pas que la nouvelle tribu eîlt sa citadelle sur le mont Caelius, vis-à-vis le Palatin, pour la tribu que personnifie soit Tullus Hostilius, soit le légendaire Celes Vibenna, que M. Gilbert identifie avec Tullus 91 et qui avait ses divinités propres 92 Le même auteur croit que la nouvelle tribu se soumit d'abord le mont Esquilin ou Oppius, la Suburra et ses communautés primitives, qui furent subordonnées, comme une annexe, à la nouvelle confédération étrusque 93. Celles-ci n'auraient repris leur indépendance que sous Servius Tullius ". Mais le traité passé avec Tullus Hostilius avait créé l'unité de la cité romaine avec la fédération des trois tribus et des trois monts Palatin, Quirinal et Caelius, dont les sénateurs se réunirent désormais dans la curia Rostilia, dont on lui attribue la construction, aussi bien que l'établissement du cornitium comme centre politique du nouvel État 95, au lieu des trois anciens senacula mentionnés par Festus 9o (avec leurs curies ou lieux de réunions spéciales,) et, non loin du comitium, sur la limite orientale, l'antique prison ou carter appelée le Tullianunt D7. L'organisation des curies, commencée par des Ramnes (et non achevée d'un seul coup par Romulus, selon la légende), suivit, sur les mêmes bases, l'union des trois tribus u. 11 est probable que le mont Caelius aussi dut se diviser en trois districts auxquels se rattachèrent les lieux sacrés de cette montagne. Le vices Jugarius et l'Argileturn auraient été ainsi organisés, ensuite le Quirinalis et le Vimina.lis avec leur territoire limitrophe. Mais il y eut environ quinze districts de curies ou de hameaux successivement rattachés à l'État même hors de l'enceinte de la cité. Ainsi l'on trouve des traces de colonisations étrusques au delà du Tibre u. C'est ainsi qu'on peut considérer les territoires nommés par Caton Agri Turax, Semurius, Lutirius, Solinius, comme d'anciens hameaux étrusques au delà du Tibre, successivement tombés au pouvoir des Ramnes100. Il est permis aussi de regarder les sept pagi enlevés à la cité au delà du Tibre comme des districts de curies rattachés antérieurement soit aux Ramnes, soit aux Tities 101; c'est là précisément que s'étendit plus tard la tribu Romilia. On est porté à admettre de même une extension du territoire des Sabins du Quirinal jusqu'au fleuve et au delà, et en général vers le nord, et du territoire des Étrusques du Caelius et de l'Esquilin, vers l'ouest 102. Il faut donc chercher une partie de trente districts des curies dont se compose ultérieurement le territoire de la cité au delà de ses anciennes limites. C'est ce qu'annonce bien un groupe de feriae publicae, dans le calendrier de Numa, qui indiquait clairement des lieux de culte en dehors de la cité proprement dite. Le chiffre de trente curies fut le dernier terme d'un développement historique, consacré par un acte ultérieur de l'autorité, pour la fédération de la cité des trois tribus, et sous l'influence des idées et de la domination étrusques. C'est ce qu'indique aussi le lieu du culte commun choisi pour les novae curiae sur le territoire de la cité du Caelius 103; il parait être le seul édifice de ce mont; on conservera néanmoins à chacune des anciennes curies son local pour son culte particulier sur son territoire. De plus les anciennes curies du mont Palatin obtinrent, sous des prétextes religieux, le droit de garder leur vieille ligue spéciale avec d'autres communautés, et leur salle pour le culte commun, curiae veteres. Néanmoins, dans la nouvelle organisation des curies, le culte de Juno Quiris paraît avoir été admis par les Tusci au nombre des sacra communs à toute la cité 1Q'". Le territoire de chacune des trois cités unies fut divisé en dix curies, et cette organisation a eu aussi pour conséquence ultérieure, la création de trois augures et la fondation du collège des augures f0'. Enfin on y rattacha la réglementation définitive des fêtes des curies 100 et le culte de leurs protecteurs communs, Juno Quiris et Mars Quirinus 107. L'organisation des curies dut exercer aussi sors influence sur la constitution de l'État, ou plutôt elle en forma une des bases. Sans adopter le système de Niebuhr et de Walter, appuyés sur Denys d'Halicarnasse 108 quant au caractère fictif et civil de la gens ou décade, M. Gilbert croit que la gens était la famille étendue, ayant un pater familias ou chef unique, et que dix gentes formèrent une curia, et dix curiae ou cent gentes, une tribu primitive; en outre les cent patres les plus âgés furent admis à représenter une tribu au sénat 109, ce qui le porta à trois cents CUR 1632 CUR membres par l'union des trois tribus. Quant aux clients, l'auteur les admet à faire partie de la gens, et ne voit dans les plébéiens proprement dits qu'un résultat de circonstances ultérieures 110 Ces clients servaient comme fermiers ou ouvriers, et vivaient sur le territoire de la curie et de la gens, dont ils dépendaient. Lors de l'établissement des tribus locales par Servius Tullius, la curie fut souvent considérée comme un simple quartier du territoire de chaque tribu; et les liens des curiales se relâchèrent, quand ils purent résider dans n'importe quelle portion du domaine de la cité; ainsi la curia, comme population, cessa peu à peu de répondre exactement à la curia, dans le sens db quartier'''. Le lien des gentes d'une curie ancienne ne ronsista plus guère que dans les sacra, communs aux curiales. En ce qui concerne la question si controversée des rapports des plébéiens avec les curies M. Gilbert admet, avec raison, que les seuls clients faisaient partie des curies ou réunions de caractère purement aristocratique, et cela peut-être avec droits actifs. Mais la masse des plébéiens, formée ensuite d'éléments accidentels, dut rester en principe en dehors de l'organisation des curies et des comices par curies 113. Ces plébéiens, étrangers ou affranchis, admis par Servius Tullius et par Ancus Martius dans la cité, étaient répandus sur tout le territoire, mais surtout sur l'Esquilin ou sur 1'Aventin, qui fut plus tard annexé à la cité par une sorte de traité. Rappelons, pour terminer, que la construction du mur d'enceinte de Servius Tullius avait laissé en dehors une parue des anciennes curies de là vient la distinction des curiae oo'banae et des curiae rusticae, celles-ci en dehors de l'enceinte mais cette opposition perdit de son importance, à raison de ce que les anciens curiales habitaient souvent hors du district de leur curie; et la curie comme groupe de gentes unis par un culte se sépara de plus en plus de l'idée de curia considérée comme district. La plupart des familles patriciennes préféraient s'installer à l'abri des murailles, alors même qu'elles appartenaient d'origine à des hameaux suburbains 114 Enfin Tarquin l'Ancien acheva l'organisation unitaire de la cité et du sénat, la construction des cloaques'", et celle du temple de Jupiter Capitolin Le mot curie désigna aussi un lieu d'assemblée des collèges ou des corporations (curia Saliorurntt1, curia at/tletarutn 518, etc.) G. HUMBERT.