Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CURSUS

CURSUS, Tpé.o ou po agéi, èpézaç. La course fit de tout temps en Grèce partie des jeux et des luttes de la jeunesse. Elle s'y exerçait dans les gymnases et dans les palestres [GYMNASIUM, PALAESTRA] ; nous parlerons ici de la course telle qu'elle se pratiquait dans les concours publics. D'après le scholiaste de Pindare', le premier concours pour la course aurait en lieu lors de la première célébration des mystères d'Eleusis. Homère mentionne la lutte à la course 2, mais il ne connaît que la course simple ou stade. Dans les temps historiques, on en distingua plusieurs espèces dont les quatre principales formaient dans les grands jeux et dans beaucoup de fêtes encore l'objet d'un concours; ce sont Te stade ou course simple (aèbov, ii'p4ptot), le diaule ou stade double ((au),aç), le dolique ou course longue (é)ayoç) et la course en armes (bit:À isêségo;, ô)(rsç, 6'ràov, dg); à quoi il faut ajouter la course dite équestre (llrtttu;) ou double diaule. La course était aussi un des exercices du pentathie [PENTATu hua]. Moins généralement pratiquées, d'autres courses se rattachaient à un ou plusieurs cuites particuliers; d'autres avaient lieu uniquement dans les gymnases ou les palestres, soit comme préparation aux concours, soit dans des viles d'hygiène ou d'amusement; d'autres enfin se rattachaient à la gymnastique militaire. Dans les jeux olympiques, aux Panathénées et probablement dans les autres jeux publics, la course précédait toutes les autres luttes gymniques . La course la plus simple était celle du stade (èpégoç ('t7duSÎJ, sèO'ç, èxetaitroç); elle consistait àfranchir la longueur du stade [STADIUM] sans revenir sur ses pas. Elle fut d'abord la première et la seule. Pendant longtemps même il n'y eut pas d'autre lutte à Olympie de là vint que les noms oies adultes vainqueurs au stade servirent à dater les Olympiades or.Ysu'IA]. Il y eut d'autres fêtes comme lé spi dytés d'Égine, les IIERMATA de Salamine, où il n'exista jamais d'autres concours. On ne peut attacher aucune valeur à l'opinion de Philostrate4, d'après laquelle le concours du stade aurait pris son origine dans la course aux flambeaux [LAMPADEDROMOA], où les concurrents étaient placés, au départ, à un stade de distance de l'autel sur lequel le feu devait être allumé par le vainqueur. Il y avait dans les grands jeux publics de la Grèce, aux Panathénées, et depuis dans plusieurs autres tètes, des concours de stade spéciaux pour les différentes classes d'âge (è)txCcti [A'rIILETA] . Nous renvoyons pour le détail de ces fêtes aux articles qui les con La course double ou oloouie (èGu)aç, xégtsz èpdsoç) consistait en ce que les concurrents couraient d'abord du commencement de l'arène (eTclètov, aùd1) à la fin, puis revenaient au point de départ en suivant l'autre cédé de l'arène °. D'après Philostrate , le diaule aurait pris naissance à Olympie de la manière suivante : les députés des diverses villes grecques faisaient leur sacrifice quand les Eléens avaient terminé le leur; or, ils y étaient appelés pal' des coureurs qui allaient d'abord de l'autel à l'endroit où étaient placés les députés et revenaient ensuite à l'autel. A Olympie les adultes seuls et, à partir de la trente-septième olympiade, aussi les jeunes garçons (=n'as) eurent leur concours de diaule; dans les jeux pythiques, il yen avait aussi un pour ces derniers. Dans les jeux néméens et isthmiques, il existait probablement trois concours de diaule : pour les adultes, pour les éphèbes (éyivsiot) et pour les sraHi . Aux Panathénées il y avait un diaule pour les hommes faits et un aussi pour les enfants 10 D'après Philostrate la course dolique ou longue (li)tyo;, i .zzpè; épégos) devait son origine à l'institution des messa Les auteurs ne sont pas d'accord sur la longueur du trajet que les dolichodromes avaientà parcourir. Quelquesuns indiquent sept stades, ce qui veut dire que les coureurs de cette espèce partaient quatre fois du commencement de l'arène, et qu'à la quatrième ils terminaient leur course à l'autre bout, sans revenir sur leurs pas. D'autres affirment que les dolichodromes devaient parcourir la longueur de douze, quatorze, vingt ou vingt-quatre stades 11, Lorsqu'elle eut été introduite dans les jeux, cette course précéda toutes les autres Elle ne fut courue d'abord que par les hommes faits (éaèpiç); assez tard seulement il y eut un second dolique pour les sraHtç, qui commençait la seconde série des concours dans la journéet3. Les doliehodromes paraissent avoir été soumis à un régime particulier. Epictête 11 donne quelques rensei gnements sur la nourriture, les promonades, les frictions et les exercices par lesquels ils se préparaient. Tandis que les coureurs du stade imprimaient à leurs bras un mouvement très vif de va-et-vient pour accélérer leur course (fig. 29,291, les dolichodromes, qui avaient besoin de soutenir plus longtemps leur effort, tenaient leurs bras serrés au corps en portant les mains jambières sont absentes, mais les coureurs ont le casque 27. Plus tard on ne conserva que le grand bouclier rond, âattlç [cLIPEUs] 28. La course en armes était pratiquée uniquement par les adultes29. Aucun auteur ancien ne parle CUR 1644 CUR en avant (fig. 2230), et seulement à la fin de leur trajet ils faisaient les mêmes mouvements que les autres coureurs'''. On peut reconnaître à cette attitude les diverses sortes de coureurs sur les monuments figurés. Les figures 2229 et 2230 reproduisent des peintures d'amphores panathénaïques16. D'autres particularités d'où l'on a, avec moins de raisons, tiré des moyens semblables de distinction, sont la direction des coureurs, qui est presque toujours de gauche à droite, très rarement de droite à gauche, et leur nombre qui varie entre deux et cinq 17. Aucune partie de la Grèce n'a fourni un aussi grand nombre de dolichodromes que l'île de Crète, par la raison que ce pays montagneux se prêtait peu à l'emploi des chevaux, et que l'exercice continuel de la marche et le goût de la chasse y formaient d'excellents coureurs 18. Aux fêtes célébrées par Xénophon et les Dix Mille à Trébizonde, plus de soixante Crétois se présentèrent au concours de dolique 19. La remarque que nous avons faite plus haut, relativement aux classes d'âges des athlètes pour le diaule, s'applique également au dolique. A Olympie ce concours n'existait que pour les adultes. Dans les jeux pythiens, il y avait aussi un concours de dolique pour les adolescents" ; on ignore s'il en était de même aux jeux isthmiques et néméens. Mais ce double concours se retrouve à Athènes ; il yen eut même, mais tardivement, pour trois classes d'âge V1. On appelait ipdgoç tri moç, une autre espèce de course à pied" qui, pour la longueur du trajet, tenait le milieu entre les deux dernières; ce trajet était égal à deux fois le diaule. Ce concours, qui existait à Némée et dans l'Isthme, fut ensuite aboli. Hadrien le rétablit pour les jeux néméens d'hiver33.Il ne paraît pas que cette course ait été reçue soit dans les jeux olympiques, soit dans les jeux pythiques. 11 existait plusieurs traditions2'• sur l'origine de la course en armes (da)sav ou éselirriç, èpégos Évsxsnoç) instituée d'abord à Némée, à Olympie seulement en 520, et vingt ans après à Delphes; dans toutes, il s'agit d'une guerre irréconciliable et d'une grande victoire après laquelle un soldat complètement armé serait venu annoncer cette heureuse nouvelle, au moment même où l'on se livrait aux concours. Philostrate, qui rapporte ces explications, ne les admet pas, mais il attribue une signification symbotique à la course en armes. Comme elle était toujours dans les jeux le dernier concours gymniquei6, elle devait indiquer que la trêve imposée aux Grecs pendant les grandes fêtes [oLrnrrA] était finie et qu'il fallait reprendre les armes; c'est pourquoi primitivement les coureurs portaient non seulement le bouclier, mais de plus le casque et les jambières (xvrlµgïcç), comme on le voit dans la figure 22312e; sur quelques vases peints (fig. 2232), les CIJR 1645 -CUpL en termes formels de la course armée de la longueur du stade; mais il est fréquemment question d'un diaule en armes °. Philostratè rapporte 31 qu'à Némée il y avait plusieurs espèces de courses en armes en l'honneur des sept chefs vé?ou7 xs htiouç) ; de ce dernier mot il semble résulter qu'il y existait aussi une course en armes, de la longueur de quatre stades. Avec leur bras droit qui restait libre, les concurrents faisaient le même mouvement que ceux du stade et du diaule comme on le voit dans les figures 229, 2231; d'après Philostrate n, les meilleurs coureurs en armes venaient de Platées, en Béotie. Il ne paraît pas que dans les temps héroïques les coureurs eussent l'habitude de s'oindre d'huile; ils portaient un léger vètement rcINcTus, SUBLIGACLLUM autour des reins; à l'époque historique ils faisaient usage d'huile et, depuis la quinzième olympiade, l'usage s'établit de courir entièrement nu n [Gy3INSTIc s]. Comme les autres athlètes, les coureurs devaient tirer au sort uvtyOvt tairb Tot' x)epou, peur savoir lesquels d'entre eux entreraient simultanément dans l'arène; car ils ne devaient être que quatre ou cinq k la fois". Une épigramme n mentionne cependant six dolichodromes luttant ensemble. Les athlètes qui couraient simultanément constituaient une et quand tous ceux qui avaient été admis au concours avaient couru une fois, les vainqueurs des diverses miç étaient obligés de concourir de nouveau entre eux. Pour remporter le prix, il était donc souvent nécessaire d'entrer deux ou même un plus grand nombre de fois dans l'arène31. La rapidité des pieds était le seul moyen admis par les lois du concours pour disputer la victoire : il était donc interdit d'arrêter ses adversaires avec les bras, de les faire tomber ou de les retarder par quelque autre ruse °. 11 était défendu aussi de céder volontairement la victoire à ses adversaires 38 On veillait k ce qu'aucun athlète ne prit l'avance sur ses rivaux avant que la barrière ou la corde qui séparait les athlètes de l'arène fût tombée n; c'était le seul signal du départ. Auparavant les coureurs exécutaient toutes sortes de mouvements préparatoires, principalement avec les pieds 0. Pendant la course, ils poussaient pour s'exciter des cris auxquels les spectateurs ne manquaient pas de répondre u. La même chose semble avoir eu lieu dans tous les concours de gymnastique. Pour remporter le prix, il suffisait d'avoir devancé ses rivaux (l'un seul pas43. On n'a sur la rapidité des coureurs que des indications vagues [nÉalÉnoDRosios] ou poétiques Pollux" dit que les athlètes portaient comme chaussure l'ENntloans; mais dans les monuments figurés les coureurs ont les pieds nus. Les coureurs croyaient qu'un développement exagéré de la rate était préjudiciable et pratiquaient quelquefois (les cautérisations dans la région de ce viscère, ou avalaient des médicaments qui passaient pour en diminuer le volume u. Certaines courses, qui se pratiquaient exclusi vement dans le gymnase, servaient quelquefois de préparation aux concours de l'agonislique e par exemple, celles qui se faisaient flans une couche épaisse de sable ° 011 sur les genoux ou bien elles étaient un simple exercice des forces ou un divertissement, par exemple la course au cer A Sparte, où les jeunes filles s'exerçaient à la gymnastique, il y avait aussi des concours où elles luttaient ensemble à la course u. Il en était de même à Élis dans les fêtes de Hérat9 et aussi k Cyrène Ceux qui couraient en vue de leur santé étaient souvent vêtus 01 Antyllus 52 parle aussi de la course en arrière ou anatcocfiasnee, et de la course en cercle 011 péi'itrochasitse qui ne sont mentionnées par aucun autre auteur, li en est de même de la course appelée zovéoov, citée par Photius". Nous renvoyons à des articles spéciaux pour les courses usitées dans la célébration de cultes particuliers [LAMPADEOROMIA, OSCIIOPITOBIS, sTAP11vLnnwuuA] et pour la course militaire Les Romains faisaient aussi grand cas de la course; d'après Denys d'Halicarnasse °, il y eut un concours pour la course dans les ludi t.sagni, dès leur première institution [ricin]. Le même auteur nous apprend que de son temps, à Rome, les concurrents n'étaient pas nus, usais pourvus d'un sUBLISACuLuSI. Une des branches de la famille des Papirii portait le sur nom de Cursot', parce que celui qui en avait été la souche était excellent coureur et surpassait tous ses contemporains en vitesse55. Plus d'une fois, par la suite, des jeunes gens des plus nobles familles disputèrent dans les jeux le prix de la course u. Aux jeux Capitolins, qui admettaient toutes les luttes athlétiques de la Grèce, on vit même courir des jeunes filles à l'exemple de celles de Sparte"; mais l'usage ne s'en maintint pas longtemps. C'est, à ce qu'il semble, une de ces jeunes filles plutôt qu'une Spartiate que représente une statue (fig. 2233) du musée (lu Vaticantt. Polir la course aux flambeaux, voy. LAMPADEDROMiS; pour les courses de chars GIRCUS et HIpPODITOMUS.