Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DAMIA

DAMIA, Aaamn. Déesse en l'honneur de laquelle on célébrait des mystères très anciens dans plusieurs villes doriennes, à Trézène, à Épidaure, à Égine, à Tarente, et qu'on retrouve plus tard à Rome, où son nom et son culte, introduits dès les premiers temps de la République, furent assimilés à ceux de BONA DEA. Ce culte uni, en Grèce, à celui d'une autre divinité appelée Auxesia, était, disait-on, venu de Crète â Trézène. Là on expliquait l'origine d'une fête nommée LITnosoL1A (la lapidation), en racontant que deux vierges, Damia et Auxesia, arrivant de Crète, avaient été lapidées au milieu d'un tumulte populaire'. Mais cette légende paraît avoir été inventée tardivement. Damia et Auxesia n'étaient que des noms différents de Déméter et de Coré, et leur forme indique assez clairement des divinités de la terre et de la production. Le nom d'Auxesia dérive certainement d'ai cs; celui de Damia semble n'être qu'une altération de da ma, la terre mère'. A Épidaure, la religion de Damia et Auxesia fut introduite à la suite d'une famine causée par le manque de pluie. La Pythie consultée prescrivit d'ériger aux deux déesses des statues d'olivier, et les Epidauriens, considérant les oliviers de l'Attique comme les plus sacrés, demandèrent aux Athéniens d'en aller chercher chez eux, ce qui leur fut accordé, à la condition de faire chaque année des présents à Athéna Polias et à Érechthée'. Ces statues furent enlevées par les Éginètes, lorsqu'ils s'affranchirent de la domination d'Épidaure, et à leur tour ils rendirent un culte aux divinités dont ils avaient conquis les images. Ce que l'on sait des cérémonies par lesquelles on les honorait à Égine et à Épidaure fait comprendre, mieux encore que leurs noms, qu'elles aient été identifiées à Déméter et à Coré. C'étaient des sacrifices, des choeurs des femmes du pays et des orgies mystiques d'où les hommes étaient exclus. Des disputes burlesques y avaient lieu analogues aux gephyrismi des Éleusinies 4. Pausanias dit aussi' qu'on y sacrifiait avec les rites en usage à Éleusis [ELE0sINIA]. On a supposé que les deux figures de femmes drapées, chacune tenant une fleur, qui étaient placées au sommet du fronton du temple de Jupiter à Égine, représentaient Damia et Auxesia 6. On peut voir (t. I, p. 45, fig. 79) les deux statuettes telles qu'elles étaient au moment de leur découverte. La fête appelée Da asCx par les Tarentins était sans doute célébrée aussi en l'honneur de la Damia dorienne, et celle ci n'était probablement pas séparée d'Auxesia, quoiqu'elle soit nommée seule dans le lexique d'Ilésychius 7. Lorsque le culte de Damia pénétra chez les Romains, il se confondit avec celui de leur BONA DEA, qui était comme elle la déesse des femmes et dont le culte était pareillement interdit aux hommes. La déesse romaine fut elle-même appelée Damia, la victime qu'on lui sacrifiait damnum et sa prêtresse damiatrix8. Les cérémonies de ce culte prirent alors un caractère orgiastique, rappelant les mystères de la Grèce, plutôt qu'elles n'étaient conformes au caractère de l'ancienne religion romaines. E. SaGLIO.