Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DAPHNEPHORIA

DAPHNEPIIORIA. Fêtes célébrées dans quelques sanctuaires de la Grèce en l'honneur d'Apollon Daphnéphore, ou porteur de laurier. C'est à Delphes qu'avait lieu la plus importante Daphnéphorie. Suivant Plutarque' et Élien 2, elle fut instituée en souvenir du voyage qu'Apollon fit à Tempé, par ordre de Zeus, pour se purifier d'avoir tué le serpent Python, gardien de Delphes. Le dieu, ayant sur la tête une couronne, à la main droite un rameau du laurier sacré de Tempé, revint à Delphes pour prendre possession de l'oracle et du sanctuaire. De là l'épithète de Daphnéphoros ou Daphnéphorios qui lui est souvent donnée. A Tempé, au lieu même où Apollon s'était couronné et avait coupé la branche de laurier, il y avait un autel. Tous les neuf ans, les Delphiens envoyaient à Tempé une théorie d'enfants nobles, dont l'un, l'Archidaphnéphore, conduisait les autres. Après avoir accompli sur l'autel un pompeux sacrifice, ils tressaient des couronnes, coupaient des rameaux du laurier sacré et revenaient à Delphes en grande pompe. La voie qu'ils suivaient, et dont les étapes étaient régulièrement fixées, était la même qu'avait suivie Apollon Daphnéphoros, la voie Pythias, à travers les pays des Thessaliens, des Pélagoniens, des OEtéens, des OEnianes, des Méliens, des Doriens, des Locriens-Hespériens. Sur leur passage, les populations leur faisaient cortège avec une grande vénération. La Daphnéphorie delphique n'était qu'un épisode de la fête appelée SEPTÉRION, et que Plutarque nous explique 3 comme a une représentation du combat d'Apollon avec Python, et de la fuite à Tempé du dieu exilé après ce combat ». La daphnéphorie delphique se rattache donc au mythe d'Apollon dieu solaire. On sait, en effet, que c'est par les phénomènes solaires du jour, de la nuit et des saisons que s'expliquent la mort du serpent Python et l'exil d'Apollon en Thessalie. La période de neuf ans qui sépa DAP 25 DAP rait deux célébrations consécutives de la Daphnéphorie a même porté O. Müller` à croire que la fête avait un caractère plus précis et un véritable sens chronologique. Cette interprétation semble confirmée par l'histoire et les rites de la Daphnéphorie thébaine. Apollon avait, près de Thèbes, un temple où il était honoré sous le nom d'Isménios ". Ce nom, d'après Pausanias, venait du fleuve 'Iaµr,vtoç, qui coulait près du sanctuaire. Peut-être faut-il croire au contraire que l'épithète est passée du dieu au fleuve, et attribuer quelque importance au radical µŸ,v, mois. Quoi qu'il en soit, voici le récit de la fête, appelée Daphnéphorie, qu'on célébrait en ce lieu 6 : « En Béotie, tous les neuf ans, à l'époque où ils vont couper les lauriers d'Apollon, ses pi-êtres honorent le dieu d'un choeur de jeunes filles. En voici le motif. Les OEtiens qui habitaient Arné et les environs, ayant émigré, sur l'ordre d'un oracle, assiégèrent Thèbes. Comme les deux partis avaient à célébrer une fête d'Apollon qui leur était commune, ils conclurent un armistice, et, ayant coupé des lauriers, les uns sur l'Hélicon, les autres près du fleuve Mélas, ils les offrirent à Apollon. Or, Polématas, le chef des Béotiens, eut un songe, où il lui sembla qu'une jeune fille lui donnait une panoplie et lui ordonnait de célébrer tous les neuf ans une Daphnéphorie en l'honneur d'Apollon. Trois jours après il était vainqueur des ennemis. Il célébra lui-même une Daphnéphorie, et depuis lors la coutume s'en est perpétuée. Voici en quoi consiste cette Daphnéphorie. On couronne une branche d'olivier avec du laurier et des fleurs, et à la pointe on fixe une boule de cuivre d'où pendent d'autres boules plus petites. Au milieu de la branche on a enfilé une boule plus petite que celle de la pointe, à laquelle on adapte des bandelettes de pourpre; l'autre extrémité de la branche est enveloppée d'étoffe légère couleur de safran (xpnxmréç). Un enfant, ayant encore son père et sa mère, conduit la Daphnéphorie, et celui qui est son plus proche parent porte la branche couronnée qu'on appelle xmrô,; le Daphnéphore le suit, en touchant le laurier, les cheveux dénoués, ceint d'une couronne d'or, vêtu jusqu'aux pieds d'une riche tunique. chaussé de bottines (ittxpâtiS_ç). Le choeur de vierges suit, élevant des rameaux et chantant des hymnes. » Pausanias 7 donne quelques détails de plus sur cette fête qui était encore célébrée de son temps. Il fallait que le jeune Daphnéphore fût noble, beau et fort; il consacrait à Apollon un trépied de bronze. Le plus ancien de ces ex-voto vu par Pausanias est celui qu'Amphitryon, suivant la légende, consacra en souvenir de la Daphnéphorie d'Héraclès. D'après Proclus, la Daphnéphorie était célébrée en l'honneur d'Apollon Xx)dl oç ou l'uXdrçtoç, en mème temps qu'en l'honneur d'Apollon lagjvtoç. Apollon Chalaxios avait un temple sur l'Hélicon. Le même auteur nous explique ce que signifiait la xwrd,; « la sphère supérieure est le soleil, par lequel on représente Apollon ; celle du dessous est la lune ; les autres sont les planètes et les étoiles; les bandelettes représentent la course annuelle du soleil (c'est-à-dire les jours); il y en a 365 ». D'après cette explication, il n'y aurait pas à hésiter sur le sens de laDaphnéphorie thébaine. Ses rites, non moins que la période de neuf ans qui en séparait les retours, rattachent cette fête à celle de Delphes. III. On sait, toujours par Proclus, que les hymnes chantés par les choeurs de jeunes filles avaient un caractère très particulier et portaient le nom de Daphnéphorika. Trois des six livres d'odes de Pindare, connus sous le nom de IlapOevtxâ se composaient de Sar,vr,yootril 8. Alcman, Alcée, Simonide, en écrivirent comme Pindare. On dit que Pindare composa un chant Daphnéphorique pour son fils Deïphantès, ce qui tendrait à prouver que Proclus a trop restreint le sens du mot. Les inscriptions de Chéronée mentionnent le culte d'Apollon Daxv-r,tpépoç associé à celui d'Artémis IomSiva 9; mais on ne connaît aucun détail de Daphnéphorie locale. Une inscription de Thessalie mentionne un personnage portant le titre de p.z;Sxu-apopcieuç, c'est-à-dire d'«ptSgp-1 p4sç t0. Enfin, Athénée 1° nous a conservé un passage de Théophraste (repu MÉO11ç), où il est question d'un DaLvm?ôptos, ou temple d'Apollon Daphnéphoros au dème de Phlyeis. Un tableau y était conservé, représentant des danses autour du temple d'Apollon Délien. Il est probable, d'après quelques mots de ce passage, qu'un épisode de la fête des Thargélies était une vraie Daphnéphorie. Nous savons d'ailleurs d'une facon certaine que pendant la semaine qui était tout entière consacrée à Apollon (mois Pyanepsion et Thargelion), les Athéniens, à côte d'autres cérémonies, célébraient une Daphnéphorie ; c'était, comme celles de Delphes et de Thèbes, une fête purificatoiref2. On peut considérer aussi comme une Daphnéphorie la Tete que célébraient les Magnètes à llylce, sur les bords du fleuve Léthaios ; des « hommes sacrés » àvèpeç iloo(, allaient dans la montagne arracher de jeunes arbres, très probablement des lauriers, et les rapportaient en grande pompe pour les planter devant une grotte où se trouvait une idole d'Apollon 13. Strabon mentionne des Dendrop%ories en l'honneur d'Apollon, c'est-à-dire des processions où l'on portait des arbres, qui sans nul doute étaient des lauriers. Ainsi est attesté qu'il y avait des rapports étroits entre les Daphnéphonies d'Apollon et les Dendrophories en l'honneur d'autres divinités helléniques, Dionysos, Ilécate, les Muses et surtout Déméter f4 [DENDBOPIIORIA[. La légende célèbre de l'amour d'Apollon pour la jeune Daphné, qui, déjà saisie entre les bras du dieu qu'elle fuyait, lui échappe grâce à sa subite et gracieuse métamorphose en laurier, ne semble pas avoir de rapport direct avec les Daphnéphories. Cependant ce mythe se rapporte bien à la conception et au culte d'Apollon dieu solaire, si l'on accepte, avec Max Müller, que Daphné soit la personnification de l'aurore fuyant le soleil levant et mourant des premières atteintes de ses rayons 16. Les représentations d'Apollon Daphnéphoros sont très fréquentes10, mais dans la plupart d'entre elles la couronne ou la branche de lauriers servent seulement à désigner le dieu, sans qu'il soit fait allusion à une Daphnéphorie proprement dite. Il est d'ailleurs difficile d'établir que telle ou telle cérémonie soit vraiment une Daphnéphorie, car dans la plupart des représentations figurées, c'est Apollon lui-même qui porte le laurier 17, 4 DAR .26 DAR tandis que dans les Daphnéphories, l'arbre sacré était porté par des dévots ou par des prêtres. P. Palus,