Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EIKOSTÈ

EIROSTÈ (Eixoazr,). Nom donné à un impôt du vingtième, c'est-à-dire de 5 p. 100, que les Athéniens substituèrent, en 413-412 (01. 91,4), au tribut (aépcç) précédemment payé par leurs alliés. A cette époque, les dépenses motivées par la guerre dite du Péloponèse devenaient de plus en plus onéreuses pour la République, qui n'avait plus à sa disposition les énormes sommes d'argent accumulées par les administrations précédentes. Ces réserves, déjà entamées pendant la première partie de la guerre, venaient d'être complètement épuisées par les frais de l'expédition de Sicile. I1 fallait nécessairement se procurer de nouvelles ressources. Quelques hommes d'État pensèrent que, si l'on modifiait le principe suivant lequel les alliés avaient été jusque là imposés, on pouvait espérer que le Trésor public toucherait des sommes plus considérables. Sur leur proposition, le peuple décida que, au lieu de continuer à demander aux alliés un chiffre déterminé d'argent comme tribut annuel, on percevrait un droit de douane de 5 p. 100 sur tous les objets importés dans les territoires alliés ou exportés de ces territoires I. Le tribut, de fixe qu'il était, devenait donc proportionnel. M. Ernest Curtius est enclin à voir dans cette transformation de l'ancien tribut en droits de douane une des mesures financières adoptées sur la demande des Tlpdôcu),ot, institués précisément pendant l'hiver de l'année 413-412 3. Suivant la règle admise pour beaucoup d'impôts athéniens, le droit de percevoir l'Elxoa-r; fut donné à bail à des traitants. Les percepteurs étaient appelés sixoa'ro)dyot 3. Quelques historiens ont refusé d'admettre qu'Athènes ait pu songer à imposer à ses alliés un système nouveau, plus onéreux et plus vexatoire que l'ancien, au moment même où ses forces navales étaient anéanties et son autorité très contestée 4. D'autres, tout en reconnaissant que les Athéniens votèrent un nouveau mode de taxation, estiment que, en fait, l'Eixoatir n'a jamais été réellement perçu ; les circonstances, disent-ils, ne permirent pas à la République d'appliquer le nouveau régime 5. Mais ces historiens ne font-ils pas trop bon marché des anciens témoignages relatifs à l'Eixoqa ? Les grammairiens rapprochent constamment cet impôt de la dîme [DÉRATT], qui, à la même époque, pesait très lourdement sur les navires des cités commerçantes de la Grèce'. Ce qui, à première vue, paraît plus vraisemblable, c'est que l'impôt du vingtième ne dura pas longtemps et qu'on revint bientôt au système des tributs fixes. Xénophon nous parle, en effet, d'un traité qui fut conclu dans l'été de 409 (01. 92,3) entre les Athéniens et le satrape Pharnabaze, traité dans lequel les Chalcédoniens s'engagèrent envers les Athéniens à payer le tribut comme ils avaient en 413, l'ebcoa's aurait donc disparu dès l'année 409, peut-être même plus tôt, puisque, dans le même traité, les Chalcédoniens s'obligèrent à payer un arriéré. Mais cette conclusion elle-même est-elle bien légitime? Ne pourrait-on pas objecter que les Athéniens, qui ne prirent pas possession de Chalcédoine, qui se bornèrent à faire reconnaître par cette ville leur suprématie, ne purent pas organiser dans de telles conditions une perception sérieuse de l'tixoar' ? A défaut du nouveau régime reconnu inapplicable, ils auraient placé exceptionnellement Chalcédoine sous l'empire de l'ancien régime des tributs fixes8. Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, qui fut jouée en janvier 405 (01.93,3), parle d'un mauvais diable d'Eixoe,reMyoç, qui envoyait d'Égine à Épidaure des marchandises prohibées, des cuirs, du lin, de la poix, etc. On a beaucoup discuté sur le point de savoir si ce texte autorise à soutenir que la perception du vingtième se prolongea jusqu'à la fin de la guerre du Péloponèse; mais les arguments qu'on en a tirés ne sont pas tous probants. Boeckh s'est certainement trompé si, dans la première édition de son Économie politique des Athéniens, il a voulu conclure du texte d'Aristophane que, en 403, l'Eixo''r' était perçu à Éginefe. L'impôt du vingtième, établi pour remplacer le tribut, ne devait naturellement peser que sur les îles tributaires. Or, depuis l'année 431 (01. 87,2), Égine était occupée par des clérouques athéniens, et Kirchhoff a démontré que les clérouchies ne payaient pas de tribut. L'éminent historien a-t-il été plus heureux en supposant, dans la deuxième édition de son oeuvre capitale, que les Athéniens avaient, par une mesure particulière, soumis les importations à Égine et les exportations d'Égine à une taxe de 5 p. 10011 ? Athènes aurait ainsi grevé les clérouques d'Égine d'une notable surcharge d'impôts. La vérité est que rien ne nous oblige à supposer que le fraudeur dont parle Aristophane fût un percepteur exerçant ses fonctions à Égine et percevant une taxe dans cette île. Le poète accuse un misérable fonctionnaire, un Eixoaro),oyo5, qui trahit son pays en envoyant à Épidaure de la contrebande de guerre, EIE 497 FAR qu'il a réussi à faire entrer dans Égine ou qu'il s'est procurée dans cette île ; mais peu importe en quel lieu ce mauvais citoyen a rempli les fonctions d'slxoa-to),dyoç u. Le passage d'Aristophane a bien toutefois quelque valeur pour la solution de la difficulté ; il autorise à croire que l'sixoani n'avait pas complètement disparu en 405. Car, si, à cette époque, il n'y avait pas eu de percepteurs du vingtième, le poète aurait-il donné le titre plus ou moins oublié d'eixoatoldyoç au citoyen sur lequel il appelait l'animadversion du public? Ce qui est probable, c'est que, à un moment donné, dans la période de 413 à 405, il y eut des cités alliées qu'Athènes avait replacées sous le régime du tribut fixe, tandis que d'autres étaient soumises à l'elxoaTrj. Ces dernières étaient sans doute celles qui étaient demeurées fidèles à Athènes et qui avaient laissé percevoir régulièrement les droits d'importation et d'exportation. Les autres, celles qui avaient fait défection à la République et qui n'avaient été ramenées à l'alliance que par la force, avaient été obligées de payer immédiatement, pour le présent et pour le passé, des sommes fixes, et, par mesure de prudence, on leur avait imposé pour l'avenir le même mode de contribution 13. Au mois d'août 405 (01. 93,4), la bataille d'Aegos-Potames mit fin à toutes ces perceptions. Des inscriptions récemment découvertes nous apprennent que Thrasybule, en même temps qu'il rétablit la dîme sur les navires venant de l'Euxinli, remit en vigueur l'obligation pour les alliés de payer des droits d'importation et d'exportation u. Le rétablissement de ces taxes doit être daté de l'année 390 (01. 97,2). E. i.AiLLEMER.