Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EISPHORA

EISPHORA (Einpopcl). Impôt extraordinaire, levé sur le capital, qui a été en usage dans un grand nombre d'États grecs et en particulier à. Athènes. Il était surtout destiné à subvenir aux frais de guerre et ne s'est jamais transformé en impôt régulier. On n'a de renseignements étendus que pour Athènes, et encore sont-ils fort insuffisants; on ne peut arriver sur la plupart des points qu'à de simples conjectures. L'airpop A ATHÈNES. I. Y a-t-il eu, aux premiers siècles d'Athènes, un impôt sur le capital, soit ordinaire, soit extraordinaire ? Boeckh', interprétant et corrigeant le texte de Pollux 2, a cru que Solon, en divisant les citoyens en quatre classes (pentacosiomédimnes, chevaliers, zeugites, thètes) avait eu pour but de déterminer EIS 505 EtS ainsi non seulement leurs droits politiques et leurs obligations (service militaire, liturgies) mais encore leur part respective dans le payement de l'impôt sur le capital; il est arrivé au système suivant : une mesure de vin ou de grain valant à l'époque de Solon environ 1 drachme 3, le taux de capitalisation de la rente foncière pouvant être fixé à 8,33 p.100 ', la fortune moyenne des trois premières classes est de 6000, 3600 et 1800 drachmes , c'est là le capital réel, ou du moins le capital estimé; mais l'eisphora est une taxe progressive en ce sens qu'elle ne pèse que sur une portion du capital de la deuxième et de la troisième classe, sur la portion que Boeckh appelle capital imposable (Ti[J-1 (Lz) ; d'autre part les thètes échappent complètement à l'impôt; on a donc le tableau suivant pour la levée de l'eisphora. Malheureusement il n'y a aucun texte à l'appui de ce système. C'est une hypothèse beaucoup trop compliquée. Le vIe siècle n'a guère pu connaître l'impôt progressif. Le texte de Pollux ne donne pas de date précise et n'établit aucun lien entre les classes du cens et le mode de répartition de l'impôt; les quatre classes de Solon constituent simplement des divisions politiques, établies d'après la propriété foncière dont la valeur est calculée d'après le revenu. Le seul impôt du vie siècle qui ait quelque analogie avec l'eisphora est la dîme du vingtième levée par Pisistrate sur les produits du sol 6. Cette taxe foncière était-elle un impôt absolument nouveau? Étaitce la transformation en un impôt annuel d'un ancien impôt extraordinaire ? Était-ce la réduction d'une dîme plus lourde qui aurait déjà existé à l'époque de Solon? Autant de questions auxquelles nous ne pouvons répondre. On peut seulement regarder comme probable que, s'il y a eu, avant Pisistrate, un impôt sur le capital, il a dû. prendre à Athènes, comme dans presque toutes les sociétés primitives, la forme d'une dîme foncière ? Les redevances en nature sont en effet les plus faciles à percevoir aux époques où il y a peu de numéraire. Après la chute des Pisistratides, pendant soixantequinze ans, il n'est plus question de contribution foncière. On ne peut se fier aux textes des lexicographes 8 qui mettent parmi les attributions des naucrares la levée de l'eisphora. Ils confondent sans doute le rôle des naucrares avec celui de leurs successeurs les démarques et le produit de l'eisphora avec les revenus des domaines publics. Le produit des mines du Laurium, augmenté plus tard des tributs des alliés, suffisait probablement à III: couvrir les dépenses extraordinaires. Mais la guerre avec Sparte exige de nouvelles ressources et c'est alors qu'apparaît l'eisphora. On peut distinguer deux périodes séparées par le recensement qui eut lieu sous l'archontat de Nausinicos (378-7). :1'2. Première période jusqu'à 378-7. L'eisphora est déjà mentionnée dans une inscription mutilée 6 qui ne parait pas postérieure à 435; en. 428-7, pore' subvenir aux frais du siège de Mitylène, on en lève une de 200 talents, la première, d'après Thucydidef0, depuis (e commencement de la guerre du Péloponnèse; dès lors la levée de cet impôt est assez fréquente; dès 421 Aristophane en parle comme d'Une chose habituelle ", i1 y a au moins deux levées et peut-être davantage pendant les dix années de la tutelle de Démosthène 12; tous les orateurs, Antiphon, Isée, Lysias, Démosthènei3 font de fréquentes allusions à l'eisphora. Cet impôt a déjà les caractères qu'il conservera jusqu'à la fin, il n'est jamais ni régulier, ni permanent, ni annuel. Cela ressort d'un certain nombre de faits : les baux de terres ne prévoient l'eisphora que comme une contribution extraordinaire''" ; il en est de même dans les décrets qui accordent à des métèques le privilège de contribuer au même taux que les Athéniens i5 ; les textes où des citoyens se vantent d'avoir souvent payé l'eisphora ne se comprendraient pas si elle eût été annuellef0; enfin, au moins au ve siècle, pour en proposer la levée, il faut obtenir du peuple une autorisation spéciale 17 (Aâelal. Cette formalité a peut-ètre disparu plus tard; mais elle indique bien le caractère de l'impôt pour la levée duquel il faut en outre un vote de l'assemblée du peuple"L'eisphora n'est pas non plus une liturgie; presque tous les textes sont d'accord sur ce point12 ; en outre, tandis qu'on ne doit pas s'acquitter de deux liturgies à la fois la même année", l'eisphora n'est incompatible ni avec la triérarchie ni avec une liturgie quelconque 21, C'est essentiellement un impôt de guerre"; le payement en est obligatoire et il ne faut pas confondre sur ce point l'eisphora avec les contributions volontaires (i7ciSooetç) pour lesquelles on emploie quelquefois abusivement le mot elaq€pmly "Al n'y a pas de concessions spéciales d'immunités ; la loi, dit Démosthène, n'en exempte mémo pas les descendants d'Harmodius et d'Aristogiton 24. On y soumet même les mineurs qui échappent aux autres liturgies et à la triérarchie n et très probablement aussi les filles épicières pour la fortune qu'elles détiennent. Les triérarques ne sont dispensés que de la 7tpoetapopof qui, ainsi qu'on le verra, peut être considérée comme une liturgie t6. Les propriétés de l'État ainsi que les exploitations minières et le capital qu'elles représentent sont exemptes de l'eisphora 87, mais elle frappe les biens 64 506 ES des dèmes, (les phratries et des autres corporations 29. (ruelle est, dans cette première période, la base de l'impôt? Quel rst son rapport avec les quatre classes de Solon dont on c, nslate encore l'existence au moins jusque vers le coi ue n , n ~t du u siècle °°, jusqu'après l'archentat u 'hti 1,,.,t li faut remarquer d'abord qu'un changement consid e'ile s'est produit dans la manière d'estimer les fortunes. Dans le Trapezitique d'Isocrate, qui n'est pas postérieur à 332", on voit que les esclaves sont recensés ; par conséquent, l'estimation qui n'avait d'abord. compris que la terre s'étend maintenant à tous les biens, meubles et immeubles. Cette innovation, dont nous ne connaissons pas la date exacte, qui a peut-être eu lieu immédiatement après les guerres médiques, a été amenée naturellement par l'afflux de l'or et de l'argent, par le développement de la richesse mobilière. Tout Athénien aisé a maintenant des fonds de terre et des valeurs mobilières 31, Il est donc probable que les anciennes dénominations soloniennes de pentacosiomédimnes, de chevaliers, de zeugites se sont accommodées â, ce nouvel état de choses et ont pris un autre sens qu'aupa ravant. C'est peut-être à ce nouveau régime que s'appliquent les chiffres donnés par Pollux 32, un talent pour les pentacosioinédimnes, un demi-talent pans les chevaliers et 1000 drachmes pour les zeugites; l'abaissement du revenu moyen des zeugites aurait pu avoir pour but, selon l'hypothèse de Belochn, d'assujettir le piu.s grand nombre possible de citoyens au service militaire dans les hoplites. Mais, pas plus qu'à l'époque de Solon, on ne saisit maintenant de rapport entre cette division en quatre classes et le payement de l'impôt. On ne voit pas de progression établie d'après les classes. Tout ce qu'on doit accorder, c'est que la même estimation sert de base à la détermination des quatre classes politiques et à la fixation de l'impôt. Les fortunes au-dessous de 1.000 drachmes sont-elles exemptes de l'eisphora? On t'admet généralement, mais sans preuve à l'appui. L'estimation des fortunes est sans douté renouvelée de temps en temps; les contribuables font eux-mêmes leur déclaration, sous le contrôle d'une commission d'iatypu r h C'est l'Étal, qui lève directement l'impôt par ses agents"'; ce système de perception va encore durer jusqu'au commencement de la période suivante, 3 3, Deuxième période depuis 318-7. L'archontat de ausinicos fut marqué à la fois par la reconstitution de la ligue maritime et la réorganisation des Finances ; les classes soloniennes disparaissent sans doute alors définitivement, eu moins dans leur ancienne acception; à la suite d'une nouvelle estimation des fortunes on répartit les contribuables en un certain nombre de groupes appelés symmories (eule.prip(rxe), dont chacun représente à peu près la même portion de la fortune publique 36. Les symmories comprennent tous les contribuables qui sont susceptibles de payer l'eisphora et non pas seulement, comme on pourraitle croire, las douze cents citoyens chargés de la, liturgie trierarebique. Cela est prouvé par de nombreux arguments : il n'y a pas trace de l'existence des Douze Cents avant l'application des symmories àla trii'.rarchie ; Philochore parlait des symmories de Nausinicos dans le cinquième livre de son Atthis et des Douze Gents dans le sixième n; le langage de Démosthène, ses exhortations au peuple athénien seraient inintelligibles si les douze cents plus riches citoyens eussent été seuls à payer l'eisphora3°; Démosthène lui-même a été d'une symmorie pendant sa minorité, époque où il échappait légalement à la triérarchie 60; enfin l'exiguïté des taxes recueillies dans une circonstance spéciale par un collecteur de I'sisphora prouve aussi qu'il y a de petits contribuables "1 ; par conséquent c'est à tort que le commentateur de Démosthène l'lpien fait jouer un rôle spécial dans l'eisp.hora aux douze cents triérarques 2 ; ils sont, il est vrai, soumis i I'eisphora en même temps qu'à la triérarchie f3, mais ne sont pas les seuls à payer cet impôt. Il n'y a donc aucun rapport entre les douze cents triérarques qui sont de création postérieure et les symmories de Nausinicos. Combien y a-t-il de symmories pour Peisphora? Nous l'ignorons, On prétend ordinairement, d'après un texte de Démosthène'", qu'il y en a vingt, mais ce texte ne s'applique qu'aux vingt symmories triérarehiques. Il est mpossible d'admettre avec Beloch qu'il y en ait eu cent; le texte de Kleidemes, conservé dans Photius, est évidemment altéré et le nombre cent qui s'y trouve se, rapporte sans aucun doute aux dénies'". La répartition des contribuables dans les symmories est l'affaire des stratèges, qui ont en cette matière un pouvoir considérable, président les tribunaux pour toutes les affaires relatives à l'eisphora, et peuvent aisément commettre beaucoup d'injustices "G. Il est probable que dès l'archontat de Nausinicos les sénateurs jouent aussi un. certain rôle dans ce classement, car c'est vraisemblablement comme sénateur que, dans les Chevaliers d'Aristophane, Cléon menace son adversaire politique de le mettre parmi les riches pour l'écraser sous le poids de 1 eisphora 47. Les variations de la fortune publique exigent naturellement qu'on rétablisse de temps en temps l'égalité entre les symmories ; tel est le but de l'opération dite avaeuvtiarçtç, espèce de revision confiée à une cornmission élective qui, selon le besoin, ajoute ou retranche des membres aux symmories. Dans chaque symrnorie les contribuables, soit les individus i°, soit les collèges, font eux-mêmes l'estimation de leurs biens. II y a naturellement beaucoup de déclarations mensongères, de dissimulations o0, mais qui sont corrigées dans une certaine mesure par la crainte de l'opinion publique ; les Athéniens s'imposent souvent d'énormes sacrifices par vanité, par goût de la popularité; ainsi Démosthène, une fois majeur, reste pendant dix ans chef d'une symmorie, malgré la perte d'une grande partie de sa fortune GI EIS 307 EIS D'autre part, il faut établir une distinction entre les terres situées dans les dèmes et la propriété mobilière. Quoique la valeur et le revenu des terres n'aient jamais été parfaitement déterminés, comme le montre toute la procédure de I'antidose, on pouvait cependant arriver à une évaluation assez précise ; mais il n'en est pas de même de 1a propriété mobilière, variable, soumise à toutes sortes d'accidents, facile à cacher. C'est pourquoi, clans les discours des orateurs attiques, le payement de l'eisphora, quoique obligatoire, parait souvent facultatif; on se fait un mérite de s'en être acquitté 52; on accuse l'adversaire de s'y être soustrait. C'est pourquoi aussi beaucoup de fortunes, qu'on croyait énormes, se réduisent à fort peu de chose quand elles sont confisquées et vendues ; Lysias cite de nombreux exemples de ce fait 53 et cette dépréciation ne tient pas seulement aux mauvaises conditions de la vente, niais aussi et surtout aux erreurs commises dans l'évaluation primitive. C'est sans doute d'après les estimations individuelles, vérifiées et contrôlées que les Staypar,Eïç, iniYpa'eïs établissent le iypazgoi de chaque symmorie, c'est-à-dire une liste où sont inscrits les membres avec leur cens et leur part d'impôt ; les différentes définitions que nous avons du Stypap.p.a permettent d'y reconnaître ces deux éléments'°. Cette liste est sans doute conservée par le chef de la symmorie, èyey.6,v 55, dont nous ignorons d'ailleurs les attributions et qui est peut-être identique au cupp,opi«py mentionné dans un fragment d'Hypéride "6 Les contribuables peuvent sans doute faire reviser leur estimation, pour obtenir un dégrèvement, soit par les commissaires chargés de l'rzva7uvraliç, soit parles iatypae?Eïç. On peut se demander si les symmories comprennent toute la fortune de l'Attique, à la fois les biens-fonds et la propriété mobilière. Il y a là matière à controverse, D'une part, en effet, on voit 57 que Démosthène est inscrit dans une symmorie pour une fortune qui comprend à la fois des meubles et des immeubles, et plus tard les symmories triérarchiques, dont il propose l'établissement sur le modèle des symmories de l'eisphora, doivent comprendre les 6000 talents, c'est-à-dire toute la fortune du pays5". Mais d'autre part certains textes paraissent indiquer que l'impôt des biens-fonds n'est pas levé par symmories, mais par dèmes : ainsi dans les lexicographes, le démarque est chargé de tenir au courant le cadastre du dème (ünoyparj) et de lever l'eisphora, en sa qualité de successeur des naucrareso9; ces renseignements, il est vrai, n'ont pas une grande valeur et on peut à la rigueur regarder l'«aoypapoj comme l'inventaire des biens que le démarque est chargé de confisquer dans le territoire du dème, au profit de l'État G0 ; mais ailleurs, dans un discours de Démosthène 6f, un contribuable est chargé de la proeisphora dans trois dèmes différents pour les terres qu'il y possède : or on ne peut appartenir à plus d'une symmorie; enfin, dans les baux de terres qui appartiennent à des dèmes ou à des phratries, chaque propriété a son estimation particulière 6'. Le problème est donc insoluble avec les données actuelles. En tout cas l'Attique n'a pas eu pour la levée de 'eïsphora de cadastre complet, comme celui de l'Égypte n, indiquant la superficie des terres et les cultures ; Athènes ne possède mente pas de registre de transcription clos ventes foncières, et on a sans doute jusqu'à la fin évalué la valeur des terres d'après le produit moyen; mais il a dû, y avoir un cadastre rudimentaire tenu art courant dans chaque dème. Après l'archontat de Nausinicos, l'État a sans doute continué encore pendant quelques années à lever directement l'impôt, car le système des symmories n'est pas incompatible avec la perception directe. H y a des collecteurs, ixaoyEïç 64, sans doute tirés au sort": ils sont accompagnés d'esclaves publics, chargés, à titre il 'snm?pa'oEïç d'inscrire les payements"; il arrive g1uelgt que l'assemblée du peuple nomme des comma, sain extraordinaires pour faire rentrer des arriérés 67 retard ou le refus do payement peut entraîner la vente des biens avec les conséquences habituelles 6". D'après Pollux, les iatypaGEïç auraient etc chargés de traduire devant le tribunal les débiteurs de l'eisphora; c'est peu vraisemblable"; ce soin devait plutôt appartenir aux ix),o?Eïç. II n'y a aucune raison de croire avec Boeckh que les débiteurs de l'eisphora fussent traités moins durement que les autres débiteurs de l'État. Démosthène reproche seulement au commissaire extraordinaire Androtion d'avoir usé de rigueurs inusitées, d'avoir employé le ministère des Onze, d'avoir mis des citoyens et des métèques en prison avant d'avoir lait vendre leurs biens 10. Mais le système des symmories ne tarde pas à amener sa conséquence naturelle, la 7cpoot7aopd, c'està-dire l'obligation imposée à un certain nombre de contribuables de faire l'avance et la levée de l'eisphora pour l'État sous leur propre responsabilité. Nous ignorons la date précise de cette innovation. Dans un discours d'lsee, prononcé entre 364 et 311071, il est question, comme d'une institution déjà vieille de quelques années, d'une classe spéciale de trois cents contribuables qui paraissen t é€re les plus riches et payer «..e part ennsiciérable de l'eis771zcra. Quel est le rôle de ces trois cents? Sont-ils déjà chargés de la proeisphora et par conséquent identiques aux trois cents que nous allons voir tout à l'heure? Cette hypothèse, qui serait la plus satisfaisante, a contre elle un texte de Démosthène nous apprenant qu'en 36`2-1 un décret du peuple chargea les sénateurs cle choisir parmi les démocrates et les autres citoyens propriétaires de bien s fonciers dans le dème (iyxex'crluovot) ceux qui devraient faire l'avance de l'impôt 72. Mais il y a en outre dans le texte les mots ûndp 'côly è zorctro, qui sont susceptibles de deux sens : ou bien c'était dans l'intérêt des démotes, pour les démotes que devait se, faire l'avance; ou bien c'était à la place des démotes que les sénateurs devaient dresser la liste. Avec le premier sens on peut dater la proeisphora, EIS 508 MIS de 362-1" ; avec le second il faut lui assigner une date antérieure. En tout cas dès 3197 on a régularisé ce procédé ; ce sont les trois cents plus riches que nous voyons dès lors chargés de la proeisphora, et ce système parait encore fonctionner vers 229 7". La proeisphora est une liturgie, car elle est incompatible avec une autre liturgie et elle admet la procédure de l'antidose, dirigée par les stratèges 76. Le contribuable qui en est chargé a un recours contre ceux pour qui il a avancé de l'argent ; mais nous connaissons mal cette opération ; il est probable que plusieurs collecteurs étaient responsables conjointement pour un groupe de contribuables, car, dans un discours de Démosthène, un collecteur se plaint qu'on ne lui ait laissé que les mauvaises créances". La proeisphora ne supprime pas d'ailleurs absolument les arriérés car le mandat extraordinaire donné à Androtion est de 355-478. Y a-t-il un minimum de fortune au-dessous duquel on ne paye pas l'eisphora ? Ce point est controversé. Boeckh établit comme minimum légat la somme de 2500 drachmes, d'après un texte de Démosthène B0 ; mais cette opinion est subordonnée à toute sa théorie sur le Tim'que. On donne d'autres chiffres : les 2000 drachmes qu'Antipater exige en 322 pour la jouissance des droits politiques et que ne possèdent que 9000 citoyens sur 21000 81 ; les 1000 drachmes qui représentent, un peu plus tard, sous Cassandre, le cens politique": mais rien ne prouve que ces différents cens aient été applicables à l'impôt et on admettra difficilement que la moitié et plus de la population, les possesseurs de 2500, de 2000 et même de 1000 drachmes, c'est-à-dire d'une somme assez considérable pour l'Attique, aient échappé entièrement à l'eisphora. Nous connaissons des parts d'eisphora très minimes 83. D'un autre côté on aurait tort de conclure de quelques passages ambigus de Démosthène 86, que tous sans exception dussent contribuer selon leurs ressources; les fortunes extrêmement petites étaient certainement dispensées de l'impôt 86. Mais nous ignorons la limite exacte : peut-être variait-elle selon l'importance de l'eisphora. § 4. Quels sont les caractères de l'eisphora?1° C'est un impôt de répartition ; sur ce point il n'y a pas de doute. Il est toujours donné en chiffres ronds; c'est une quote-part d'une somme déterminée à l'avance. 2° Est-il proportionnel ou progressif? Frappe-t-il le capital ou le revenu? On ne peut guère affirmer qu'une chose, que c'est un impôt sur le capital. Presque tous les auteurs ont accepté, sauf quelques légères modifications, la théorie de Boeckh qui fait de l'eisphora un impôt progressif sur le capital. Rodbertus 80 et Beloch S7 ont seuls soutenu des théories différentes. Boeckh est arrivé à son système par la combinaison d'un texte de Polybe avec deux passages de Démosthène. Polybe B8, refusant de croire que la prise de Mégalopolis par Cléomène eût pu rapporter 6000 talents, déclare que toute la fortune mobilière du Péloponnèse n'atteindrait pas ce chiffre et rappelle que l'estimation du sol, des maisons et du reste de la fortune de l'Attique, faite pour établir l'eisphora, n'avait donné en tout que 5750 talents. Boeckh a rapporté avec raison au cens de Nausinicos cette somme qu'on retrouve en chiffres ronds (6000 talents) dans Démosthène et Philochore 88. Mais convaincu que le capital de l'Attique dépassait de beaucoup 6000 talents, il a cru qu'alors, comme à l'époque de Solon, cette somme ne représentait qu'une portion du capital estimé, le capital imposable, le timelna. D'autre part, interprétant les deux passages de Démosthène 30 en ce sens que Démosthène, possesseur présumé de 15 talents, devait déclarer comme capital imposable 3 talents (ou 500 drachmes par 25 mines) et regardant la somme de 2500 drachmes comme le minimum légal, il a dressé le tableau suivant: Rodbertus accepte aussi une progression, encore plus favorable aux trois dernières classes, mais regardant les 6000 talents comme le revenu annuel de l'Attique, il fait de l'eesphora un impôt sur le revenu. Ce second système est inadmissible ; il ne repose sur aucun texte ; les 15 talents de Démosthène ne peuvent en rapporter trois par an; les mots x (a et Tip.iw.a n'ont jamais eu le sens de revenu"; enfin 6000 talents de revenu supposeraient à l'Attique une fortune beaucoup trop considérable. L'eisphora est donc bien un impôt sur le capital; c'est ce qu'il fautreconnaître avec Boeckh, mais les autres parties de son système, qui paraissent au premier abord se concilier avec tous les textes, provoquent de graves objections. 1° La théorie de l'impôt progressif est beaucoup trop compliquée pour une ville comme Athènes, dont le système financier a toujours été assez rudimentaire. Aristote n'aurait pas manqué de la signaler. 2° La distinction des quatre classes et la détermination du capital imposable des trois dernières sont de pures hypothèses qui ne reposent sur aucun texte. 3° C'est arbitrairement qu'on donne au mot 'njz ea le sens de capital imposable9"; dans Polybe il signifie évidemment estimation, valeur totale, et c'est le sens qu'il a partout". 4° L'interprétation adoptée par ickh ne EIS 509 EIS s'accorde pas avec les textes de Démosthène dans les plaidoyers contre Aphobos; les tuteurs de Démosthène ne pouvaient l'inscrire pour une fortune de 15 talents; car son père n'avait laissé qu'environ 14 talents; sur cette somme il en avait légue aux tuteurs directement ou indirectement 4 1/2 '1; les tuteurs avouent même avoir reçu pour eux 5 talents et 15 mines 99; Démosthène, comme il le reconnaît lui-même 96 ne pouvait être inscrit au maximum que pour 8 talents ; si les tuteurs lui en avaient attribué 15, ils se seraient condamnés d'avance ; au contraire, ils prétendent n'avoir eu entre les n ains que 5 talents de la fortune personnelle de Démosthène" ; ils ont donc dû déclarer un chiffre moins élevé, sans doute 3 talents. Voici donc l'explication la plus probable : Démosthène a payé dans sa symmorie 5 mines sur les 25 qu'elle avait à payer 98 ; ce n'est pas trop, puisque pendant les dix années de sa minorité il a payé en tout 18 mines 90 ; il a payé autant que les plus riches citoyens, autant que des propriétaires de 15 talents 1"; ce qui paraît prouver que l'impôt était égal pour tous au-dessus d'un certain maximum qui était sans doute de 3 talents. Cette explication, sans être entièrement satisfaisante, rend mieux compte du texte de Démosthène que celle de Boeckh. 5° La théorie de Boeckh sur le capital imposable exagère outre mesure la fortune de l'Attique. En admettant que chacune de ses quatre classes représente une part égale de la fortune totale, les 5750 talents de capital imposable donneraient un capital réel de plus de 41000 talents sans compter ni les biens de la cinquième classe qui, par hypothèse, ne payent rien, ni la fortune des métèques ni le domaine de l'État (biens-fonds, mines, monuments publies); les évaluations étant très basses et les fraudes nombreuses, on arriverait au moins à 60000 talents pour la fortune réelle et cela en 378, quand Athènes commence à peine à se relever; d'autre part, si on admet que la répartition de la fortune est à peu près alors celle qu'on trouvera sous Démétrius de Phalère, où sur 21 000 citoyens, 9000 seulement ont le cens de 2000 drachmes t0f, on doit attribuer en moyenne à chacun de ces 9000 citoyens une fortune de 6 talents (pour 60 000) ou au moins de 4 (pour 41000) : ce qui est un résultat inacceptable. On ne peut non plus, en étudiant les différentes branches de la fortune de l'Attique, arriver au chiffre de Boeckh. Il ne réussit lui-même à trouver que 20 000 talents pour la fortune des quatre premières classes et 30 000 à 40 000 en y joignant les fortunes non recensées. Il exagère considérablement la valeur de la terre et des esclaves : par exemple, il évalue la production de l'Attique en céréales à 2800000 médimnesf02; à ce compte l'Attique aurait pu en exporter, tandis qu'elle est constamment obligée d'en importer '", nous savons, par le chiffre des prémices de la récolte de l'orge et du froment donnés au temple d'Éleusis, prémices qui étaient de soo pour l'orge et de sôo pour le froment, que la récolte totale de l'année 329-8 a été d'environ 360000 médimnes d'orge et 33 600 de froment1U'`. En supposant que cette année ait été particulièrement mauvaise, on ne peut admettre qu'une récolte moyenne de 600 000, au plus de 1 million de médimnes de céréales. Pour les esclaves Boeckh admet les chiffres exorbitants fournis par Athénée; à l'époque de Démétrius de Phalère Athènes aurait eu 400 000 esclaves Egine 470000, Corinthe 460000t0'; personne aujourd'hui n'accepte ces chiffres; Athènes n'a pas dû avoir plus de 100 000 esclaves100, 11 faut donc réduire considérablement l'estimation donnée par Boeckh de la fortune de l'Attique et du même coup sa théorie du tinzenla et de la progression qui reposait sur cette évaluation s'écroule. Les 5750 talents de Polybe ne représentent pas le capital imposable, mais le capital estimé. Cette estimation, il est vrai, devait être fort au-dessous de la haleur réelle, nous avons vu les principales causes d'erreur, les fraudes, les dissimulations. Il n'y a pas à Athènes d'enregistrement obligatoire pour les mutations de propriété, les contrats; les négociants et les industriels n'ont qu'une comptabilité rudimentaire. Il se peut que la fortune de l'Attique ait été en réalité du double ou du triple du chiffre indiqué; les 6000 talents ne représentent évidemment qu'une approximation très superficielle qui sert seulement à déterminer la quotité de l'impôt 10° (60 talents), 50 (120)107 ou même une fraction plus petite (dans un cas particulier 14 talents) 708. C'est ce qui explique le maintien de ce chiffre malgré les variations de la fortune publique et la décroissance constante du pouvoir de l'argent. L'hypothèse de Boeckh une fois écartée, tout ce qu'on peut affirmer avec certitude, c'est que l'eisphora est un impôt sur le capital. Quelle est sa place et son importance dans le système financier d'Athènes? Au commencement de la guerre du Péloponnèse les revenus ordinaires d'Athènes s'élèvent à environ 1000 talents, dont 600 pour les tributs 109 ; en 422, d'après Aristophane 1", à 2000 talents, dont 1200 ou 1300 pour les tributs; à l'époque de Lycurgue on peut encore admettre une moyenne de 1200 talents 11f ; mais dans ces chiffres ne figure pas la valeur des liturgies. Or nous trouvons en 428 une eisphora de 200 talents, somme considérable par rapport aux autres revenus172; le texte de Démosthène 113 d'après lequel on n'aurait levé pendant vingt-quatre ans, de 3178-7 à 353-4, que 300 talents parait mal établi, car, précisément pendant cette période, se placent les dix années de la minorité de Démosthène pendant lesquelles on a dû lever 600 talents 1i4, puis la guerre de Thrace et la guerre sociale qui ont sans doute exigé d'autres levées d'argent. Aristophane parle vers 391-90 d'un impôt du â0 qui aurait dû rapporter 500 talents, mais il s'agissait sans doute d'un projet d'impôt indirect et le chiffre est sûrement exagéré à dessein'''. Démosthène regarde comme monstrueuse une levée de 500 talents et indique comme raisonnables des levées EIS de 60, 120 talents 10. fiers 388-7 un contribuable déclare avoir déboursé en plusieurs années 10 talents dont 40 mines polo' I r'ispllora ?e ; un autre, vers 402, a, versé pendant dix ans 8 talents pour les autres liturgies et seulement 70 mines pour I eisphora L'eispào,'a, en soi, n'edt clone las été trop lourde si elle ne s'était ajouté aux autres liturgies et s'il n'y avait eu de nombrmtses injustices dans la perception. C'est ce qui explique les plaintes de taus les auteur., contre cet impôt "3 3. Cas particuliers. 1° Les biens de toutes les e.ommunau tés autres que l'États en particulier des dèmes et des phratries, sont soumis à l'eisphora; quand ils sont loues e sait ordinaire, c'est la communauté qui la pays" mais dans le baux emphytéotiques, c'est le fermier, parce qu'il est considéré connue un véritable pro'priétaire1''2° Les métèques payent l'eisphora comme les cit, tir-ii', aussi souvent qu euxS3' sans pouvoir obtenir d'immunité; les Sidoniens qui, dans une inscription' obtiennent l'immunité de l'eisphora sont considérés non comme des métèques ruais comme des étrangers; les métèques font aussi eux-mentes leur estimation ; ils ont une ou plusieurs symmories spéciales avec un ou plusieurs trésoriers"; le taux de leur contribution est plus élevé que celui des citoyens puisqu'on Ieur accorde quelquefois comme privilège de contribuer au même taux que les Atlhéniens 325. iloeekli, d'accord avec son système, croit d'après un texte de Démosthène 123 que le capital imposable des métépues est le de leur estimation ; mais alors pourquoi les métèques désireraient-ils être assirn,lés aux. Athéniens puisqu'ils seraient exposés à payer pour le ' On peut répondre, il est vrai, que ce sacrifice était compensé pal' d'autres avantages. Mais peut-on croire que les métèques, riches ou pauvres, aient tous contribué au taux unique du ? ll est plus probable que les métèques devaient fournir en tout la sixième partie de l'eispliora. 3° Les isotèles payent sans doute l'eisphora au même taux que les citoyens 12', 4° Les étrangers peuvent aussi être astreints à la payer, selon les circonstances et les besoins. Il s'agit bien d'étrangers dans un texte d'lsocrate.'e3 Ce sont sans doute aussi des étrangers et non dl métèques (pli payent pendant vingt-quatre ans de 3U-6 323-2 un impôt annuel de 10 talents, qualifié d'eisphora, pour la construction des loges des vaisseaux et de la sheuodhëque ll. L'eisphora dans les autres pays grecs. -Nous avons fort peu de renseignements. Sparte a connu l'eisphora, naturellement sous la forme d'un impôt foncier ; tore inscription y parait mentionner des contributions de particuliers pour la guerrei50. Isocrate parle de l'eisphora de Siphnus S21, A Potidée, les colons athéniens la lèvent comme à Athènes, en imposant même les indigents estimés 2 mines par tête 112 ; à Mendae il y a une estimation régulière des terres et des maisons, mais on ne rêve l'eisphora qu'en cas de besoin 133. Antipater et Cassandre en lèvent plusieurs sur les Mityléniens et peutêtre utilisent-ils le cadastre foncier qu'une inscription mentionne vers la même époque13i. Nous trouvons encore l'eisphora â Égine en 83-82 av. J.-C. 735, à Mylasa (après la conquête d'Alexandre) oh, comme à Athènes elle est à la charge du fermier des terres d'une tribu locale, d'après la clause générale des baux emphytéotiques13G. L'impôt payé par chacune des villes de la ligue achéenne à la confédération s'appelle aussi eisp/tora mais nous ignorons le mode de lesee101. L'eisphora est donc sans doute un impôt commun à tous les pays grecs 518, destiné surtout à subvenir aux frais des guerres, mais parfois aussi, s'il faut en croire Aristote, à payer des trioboles 339. Aussi les Romains trouvent dans la plupart des villes grecques des cens, des cadastres tout établis, et en généralisent l'emploi soit pour l'établissement des constitutions municipales timocratiques soit pour la levée des impôts ordinaires et extraordinaires; le tributltm romain, exigé soit comme contribution de guerre soit, en paix, pour compléter l'impôt ordinaire ou satisfaire à quelque besoin imprévu, correspond exactement 'e l'eisphora grecque et est levé d'après le même principe. Tels sont les tributs dont parle Cicéron pour les villes de Sicile 1i2, de Cilicie d'Asie iii, de Phrygie'''3, C'est avec raison qu'Appien appelle eiscgopai les contributions de guerre levées en Asie par Sylla, puis par Dolabella et Cassius, enfin par Antoine 144. ce terme a varié suivant les époques : il désigne tantôt di ... j.:,;, t inycstis de fonctions temporaires dans des cireuasi'aces exceptionnelles, tantôt des personnages chargés de représenter et de défendre les intérêts d'une 'aille auprès des juges ou des magistrats romains, tantôt EKt) 511 EIi i enfin des fonctionnaires permanents, élus d'abord par le peuple des cités, puis nominés par le pouvoir central, en apparence pour protéger les petites gens contre les autorités locales, en réalité pour absorber à leur profil toutes les attributions judiciaires des magistrats muni L'existence des juges appelés ÉxStxot en Asie Mineure est attestée par deux inscriptions de Mylasa en Carie. 11 s'agit de deux cas extraordinaires : dans l'un, le peuple constitue un tribunal d'cxStxot, pour juger les procès intentés à des citoyens coupables de détenir indûment un territoire consacré à Aphrodite et considéré comme bien de l'État' ; dans l'autre, les ÉxStxot ont pour mission de juger des citoyens accusés d'avoir corrompu les tri On sait que ces mots s'appliquent à des tribunaux d'exception, composés d'arbitres que l'on allait chercher dans les villes étrangères' : une tentative de corruption commise envers des juges que leur origine même devait mettre à l'abri de tout soupçon réclamait une juridiction spéciale. L'inscription ne dit pas combien d'axôtxot avaient été nominés par le peuple de Mylasa; elle atteste seulement le zèle déployé par l'un d'eux dans l'accomplissement de ces délicates fonctions. Cicérone et Pline le Jeune' nous font connaître une autre sorte d'1xStxot : ce sont des commissaires investis de pleins pouvoirs par une ville pour régler à Rome, ou auprès de magistrats romains, certaines affaires litigieuses, particulièrement en matière de finances. Deux inscriptions confirment cet emploi du mot : l'une, publiée par Boeckh , date du temps de l'empereur Hadrien; on y voit la ville de Daulis en Phocide représentée par deux ÉxStxot dans une affaire soumise par le proconsul de la province au jugement d'un personnage nommé T. Flavius Euhulus 7 ; l'autre a été récemment découverte à Triccala en Thessalie : la ville de Tricea, représentée par ses 'xôtxot, conteste à un particulier la propriété d'un terrain : les Éx3tx9t plaident la cause de leur ville devant le juge romain e. On conçoit que les services rendus par les ixhtxot aient été un titre à la reconnaissance publique : aussi plusieurs décrets honorifiques du temps de l'empire mentionnent-ils ces fonctions à côté des ambassades dont le personnage avait été chargé'. C'est cette institution ancienne des i"ehxot que l'empereur Valentinien transforma, en 361, lorsqu'il établit dans les villes un DEFENSOB cavITATIS permanent et attitré. Les attributions de ce magistrat allèrent toujours en grandissant : on voit que finalement Justinien lui accorda une juridiction qui le mettait hors de pairf0. il faut noter aussi le titre d'i'z txot, dans la hiérarchie de l'église byzantine tf. Am. HAUVETTE.