Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AGNATIO

AGNATIO. On appelait agnatio, en droit romain, la parenté selon la religion primitive, reconnue et constituée par l'ancien droit civil, et y produisant des effets utiles, tandis que la parenté naturelle [COGNATIO], sans y être absolument méconnue, n'y produisait que des effets négatifs ou honorifiques [Jus oscuLI]. Les liens du sang formaient, il est vrai, le fond de l'agnation comme de la cognation, et sauf l'exception des adoptés et de la femme in manu [MANUS], tous les agnats étaient cognats en même temps; mais tous les cognats n'étaient pas agnats, et le droit civil avait posé à la possession de ce dernier titre des conditions particulières. Suivant la définition la plus large, on appelait agnats les cognats parents entre eux par les mâles (per virilein sexum lognati), c'est-à-dire remontant de mâle en male à un auteur commun à qui étaient dus les sacrifices domestiques, pourvu qu'ils n'eussent pas subi de capitis deminutio [CAPOT]. En d'autres termes, l'agnation existait avec la cognation, d'abord et fondamentalement entre les membres de la même famille prise au sens étroit [FAMILIA], c'est-à-dire entre les ingénus sous la puissance du même paterfamilias, savoir : ses enfants non émancipés, les enfants de ses fils, de ses petits-fils, etc. L'agnation, comme la puissance paternelle, suivait toujours la filiation male par mariage, car « ceux qui naissent, dit Gaius 1, suivent la famille de leur père et non de leur mère. » Une fois la puissance paternelle dissoute par la mort du père de famille, ses enfants, ceux au moins de la première génération, devenaient chefs de famille eux-mêmes, singulas familias incipiunt habere, dit Ulpien 2; mais l'agnation n'en subsistait pas moins entre eux, et elle s'étendait indéfiniment à tous les enfants issus de justes noces, par le sexe masculin. Cette réunion des agnats s'appelait aussi famille; Ulpien ajoute : familiam, dicimus omnium agnatorum. Par conséquent, pour savoir si deux parents étaient agnats entre eux, on devait supposer leur auteur commun encore vivant, à quelque degré qu'il fallût remonter pour cela : ils étaient agnats, du moment que dans ce cas ils auraient été ensemble sous sa puissances. L'agnation s'établissait artificiellement et sans cognation : 1° par la MANUS, entre la femme in manu snariti d'un 46 AG° côté, et de l'autre les agnats du mari et ceux qui étaient sous sa puissance; 2° par l'adoption et l'adrogation: ces deux actes, en imitant la nature et en suppléant aux liens du sang, créaient l'agnation par cela même qu'ils donnaient lieu à. la puissance paternelle [ADOPTIq, ADROGATIO]. On appelle d'ordinaire l'agnation une parenté collatérale. En un sens, Pomponius a pu dire que le fils est le plus proche agnat de son père; mais, relativement à l'hérédité, il est vrai que les agnats (sensu stricto) forment un ordre à part 4 et que l'agnation n'existe pas en ligne directe. La loi des Douze Tables en fait foi quand elle n'appelle les agnats à la succession ab intestat qu'à défaut d'héritiers siens, c'est-à-dire d'enfants ayant été sous la puissance du défunt. Pour le père de famille, ses descendants étaient sui, siens; pour les enfants, le père était pater ou paterfamilias; la mère était agnate si elle était in manu, parce qu'alors elle était comme fille de son mari et soeur des enfants; autrement elle n'était que leur cognate. L'agnation ne commençait donc qu'à la ligne collatérale, comme l'indique la composition du mot adgnati (nés à côté). D'ailleurs, pour les fils de famille l'agnation n'existait qu'à l'état latent; elle ne produisait ses effets à leur égard que lorsqu'ils devenaient sui jours. Or, en ligne directe, il y avait toujours entre ascendants et descendants des rapports de puissance exclusifs de tout autre droit, et ces rapports ne pouvaient être rompus que par une capitis deminutio qui rompait en même temps toute espèce d'agnation. Le principal avantage de l'agnation était que les plus proches agnats succédaient ab intestat à celui qui ne laissait pas d'héritiers siens. Ils étaient aussi appelés à la tutelle du fou, et cela malgré l'existence des héritiers siens, qui, étant sous la puissance du père de famille, ne pouvaient devenir ses tuteurs. Parmi les agnats, on distingua plus tard, sous le nom de consanguinei, les frères et soeurs nés du même père de famille 5. L'agnation se dissolvait par toutes les capitis deminutio Le droit prétorien porta les premiers coups à l'agnation, en introduisant dans son système de succession les droits de la parenté naturelle [mutins]. Les empereurs suivirent de plus en plus cette voie, et Justinien fit disparaître les dernières traces de l'agnation par la Novelle 118.