Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FALSUM

FALSUM. GRÈCE. Les Grecs, qui reconnaissaient dans le rusé Ulysse l'idéal du caractère national et donnaient un dieu pour chef aux larrons, n'étaient pas pour éprouver une répulsion instinctive à l'égard du faux. Dans les relations internationales, ils n'hésitaient pas à inventer des traités favorables à leurs intérêts ou à leur vanité. Les Athéniens citaient avec complaisance une convention avec Darius, quand le sens critique de l'historien Théopompe démontra que c'était pure invention'. Dans toute la Grèce, les patriotes se glorifiaient du traité signé avec les Mèdes après la bataille de l'Eurymédon2, et le fameux recueil de Cratéros en donnait les articles tout au long3 : l'implacable sagacité de Théopompe ` observa que l'orthographe ionienne de cette pièce indiquait une date postérieure à l'archontat d'Euclide, et fit rejeter déjà par quelques anciens 5 un texte que les modernes condamnent d'une voix presque unanime °. Sous Tibère, les Messéniens, dans une controverse où ils disputaient aux Lacédémoniens un lambeau de territoire, invoquèrent à l'appui de leurs prétentions un contrat intervenu entre les descendants d'Iléraclès 7. « Les chartes apocryphes, a dit Egger 8, ne sont pas une invention de la mauvaise foi moderne; chez les anciens, comme chez nous, la diplomatie avait ses faussaires ; comme chez nous, l'historien critique avait quelquefois à distinguer entre les documents sincères et les textes fabriqués à plaisir. » De pareils faux ne relevaient évidemment d'aucune loi. Pour les éviter, on faisait graver tout pacte réel sur plusieurs tables de pierre ou de bronze, afin d'avoir toujours le moyen de tes contrôler l'une par l'autre, et l'on déposait ces documents dans les sanctuaires les plus vénérés9. Rien à conclure non plus de la fausse lettre signée d'un cachet faux Valsas lifteras signo adulterino signatas)10 qui perdit le jeune Démétrius dans l'esprit de Philippe V : le droit n'a rien à voir avec les intrigues de cour. Ce qui doit nous préoccuper, c'est le faux en écritures privées et publiques ". Escroquer une fortune, se couvrir dans une reddition de comptes ou une discussion politique à l'aide d'un bon texte bien probant et bien apocryphe, quelle tentation pour l'Athénien madré! Voyons-le à l'oeuvre, quand il se forge des FAL 963 FAL armes déloyales pour les combats de l'héliée ou de l'agora; voyons en même temps de quelles rigueurs il est menacé par le code. Ici 1 un plaideur retors accuse son adversaire d'avoir indûment pris possession d'une banque en se fondant sur un faux acte de location (p,.(cO(s7tç É7xEUwpru1.€vr1). Là 2 un contrat d'arbitrage a disparu: l'une des parties contractantes se demande si l'autre n'a pas voulu faire subir à l'écrit une altération frauduleuse (Eï Tt xaxoupyoiTO 7spi Tk ypâE,.t,.aTa). Démosthène reproche à ses infidèles tuteurs d'avoir réparti entre eux le produit d'une commandite prélevée sur les fonds de la tutelle, détruit les pièces justificatives, aligné des chiffres de fantaisie, falsifié les Ailleurs£ ce sont des comptes de tutelle qui, d'un bout à l'autre, dépenses et recettes, sont irréguliers et faux. Les testaments, comme il est naturel, tentaient particulièrement la cupidité des faussaires [TESTAMENTUIIT]. Les précautions les plus ingénieuses ne les rebutaient pas. Le testateur a beau convoquer des témoins instrumentaires aux fins de constater l'existence du testament'. Il ne leur en communique pas le contenu : voilà qui suffit « pour qu'on opère une substitution de tablette et qu'on dénature les volontés du défunt par d'autres écritures» (ypa.E,. t.t.ET«yp«cprvat 6). Isée, qui était au ive siècle le juriscon sulte attitré et le logographe favori dès Athéniens dans les affaires d'hérédité, nous fait entrevoir ce qu'il lui en passa entre les mains, de ces testaments contre lesquels une des parties s'inscrivait en faux 7. Dans un de ses plaidoyers 8, il raconte à ce sujet une histoire singulièrement édifiante. Après la mort d'un citoyen, deux testaments furent présentés : le premier, apporté par un nommé Proxénos, conférait l'adoption posthume et le tiers de l'héritage au fils de Proxénos, Dicéogénès; le second, mis au jour bien plus tard par Dicéogénès luimême, le constituait légataire universel. Un des deux écrits devait forcément être annulé par le tribunal. Ils le furent tous les deux : le fils démontra le caractère apocryphe de la pièce produite par le père, et les témoins qui eurent l'audace de soutenir l'authenticité de la pièce produite par le fils furent condamnés pour faux témoignage. Les témoins eux-mêmes trahissent donc parfois la confiance dont ils ont été jugés dignes et le mandat moral dont ils sont investis. A en croire Démosthène quand s'ouvrit la succession d'Ilagnias d'OEon, Glaucos et Glaucon se présentèrent avec un testament de leur composition : ils avaient pour complice et eurent pour principal témoin le petit-cousin du testateur, Théopompe. S'ils avaient choisi cet acolyte, c'est qu'ils espéraient que sa déposition aurait quelque autorité, c'est qu'il avait probablement assisté à la confection du testament authentique. Comment donc empêcher les intéressés de falsifier partiellement le testament original ou de fabriquer de toutes pièces un nouvel acte? IV. Le testateur scelle de son sceau f0 le document entièrement écrit de sa main; il le commet à la pieuse vigilance d'un homme star; il en dresse et cachète plusieurs exemplaires, qu'il remet à diverses personnes" : il meurt tranquille. Lui mort, les compétiteurs avides produisent des copies fausses d'un faux testament. Dans les interminables procès qui s'engagent après la mort du banquier Pasion, Apollodore accuse Phormion d'avoir forgé, Stéphanos d'avoir attesté, les prétendues copies («vT(ypacpa) 12 d'un testament « qui n'a jamais existé » ôt«Oryx-117). Apollodore a tort dans l'espèce; mais il use d'une argumentation qui a obtenu gain de cause dans nombre de cas analogues. Le faux en écritures privées était-il qualifié crime par la loi d'Athènes? Deux textes sont parfois invoqués en ce sens; mais ils sont susceptibles d'une interprétation différente et préférable. Tacite18 mentionne, un certain Théophile, qui fut condamné par l'Aréopage pour faux (Theophilum quemdam Areo judicio falsi damnatum). D'où l'on a voulu conclure i9 que le faux a toujours été poursuivi au criminel et qu'avant de tomber sous la juridiction de l'Aréopage, dès l'époque classique, il était actionné devant les héliastes sous l'hégémonie des thesmothètes. Mais Tacite ne parle pas de faux en écritures : il fait allusion à un jugement pour falsification de poids et mesures20, délit dont la connaissance appartenait effectivementauxAréopagites 21.0n aaussi prétendu qu'un passage d'Isée « permet de supposer que la fabrication d'un faux testament était un crime public passible du dernier supplice »22. Il est bien vrai que l'orateur reproche à la partie adverse d'alléguer un faux testament; il est bien vrai encore qu'à la fin de son plaidoyer23 il menace en ces termes : « Si mes clients se mêlaient des affaires d'autrui, comme tant de citoyens, peut-être qu'au lieu de revendiquer un héritage, cet homme aurait à défendre sa tête. » Mais peut-on faire dire à un plaideur qu'il se désintéresse d'un faux qui est le fond même du litige? L'orateur vient de rappeler les tristes antécédents de son adversaire, d'énumérer les méfaits pour lesquels ce vilain personnage a déjà eu maille à partir avec la justice : voilà les griefs que négligent des compétiteurs dans une contestation d'héritage et qui auraient pu entraîner une condamnation capitale. Donc il n'est question nulle part, semble-t-il, d'une action spéciale qui vise le faux. Il serait téméraire de tirer immédiatement de ce silence une conclusion négative. Si pourtant le système des preuves dans la procédure athénienne était conçu de telle façon que la simple production d'une pièce écrite n'eût jamais une importance prépondérante, on serait fondé à expliquer ce silence de nos documents par une autre raison que leur rareté24. Or, « bien que la plupart des conventions fussent rédigées par écrit, l'écriture ne 122 FAL 96 FAL paraît pas avoir été autre chose que le souvenir et le monument d'un témoignage »a Ce n'est pas l'écriture qui créait une obligation, mais l'accord des parties. Ce n'est pas l'écriture qui fournissait une preuve et dictait le jugement à rendre, mais les dépositions des tiers. Malgré toutes les mesures prises par les particuliers, en vue d'assurer la conservation et de garantir l'authenticité des contrats comme des testaments, malgré les cachets apposés 2, malgré les copies distribuées aux ayants droit ou à des gens de confiance, malgré le dépôt des minutes, des expéditions ou d'une contre-empreinte des sceaux dans les archives pùbliques 3, les écrits n'avaient pas de valeur probatoire par eux-mêmes. C'était un élément secondaire de preuve; la preuve essentielle, la seule efficace et suffisante aux yeux des juges, c'était la preuve testimoniale. « C'est la parole des contractants et des dépositaires, a dit Aristote qui fait l'authenticité des contrats. » Le faux en écritures ne pouvait donc être utile au faussaire que confirmé par un faux témoignage : la pièce fausse ne figurait même pas toujours au dossier du procès L'acte matériel de la falsification ne mettait en jeu aucune responsabilité, parce qu'à lui seul il n'avait aucune conséquence. L'auteur principal du préjudice causé, ce n'était pas l'auteur premier du faux, celui qui devait en bénéficier; c'était le complice chargé de se porter garant du faux, le témoin dupe par complaisance ou complaisant par vénalité. Voilà l'agent qui d'un écrit inoffensif faisait un instrument de ruine, qui substituait sa responsabilité à celle du faussaire, qui s'exposait à une demande de dommages-intérêts. A l'action criminelle en faux le droit attique suppléait indirectement par l'action civile en faux témoignage. Il semblerait cependant que le testament dût avoir une place privilégiée parmi les pièces écrites. Si le témoignage est la preuve par excellence, le testament n'est-il pas le témoignage solennel de celui à qui la mort a fermé la bouche? Sans doute le testament faisait foi en justice dans une plus large mesure que les autres documents. Isée 6 remarque avec sa finesse lucide que la prédominance ordinaire de la preuve testimoniale n'a pas sa raison d'être dans les affaires de succession, parce que le contrôle des témoignages, difficile même quand le de cujus est en vie, devient à peu près impossible quand il n'est plus là. Le testament pouvait donc fournir une indication plus ou moins précieuse, un commencement de preuve; mais de valeur absolue, il n'en avait jamais. Immédiatement après la juste distinction qu'il vient d'établir, Isée" se hâte de déclarer qu'un testament ne peut forcer la conviction des juges sans un certificat oral. Qu'une partie accuse l'autre de fonder ses prétentions sur un testament controuvé, le témoin de l'adversaire n'échappe pas plus que l'adversaire lui-même aux traits sanglants d'une indignation feinte 8 ou réelle. Le faussaire dont le faux est dévoilé en est quitte pour voir ses moyens de preuve repoussés par le tribunal. Dans Isée, Proxénos, convaincu de faux par son fils, est tout simplement éconduits ; le frère d'Astyphilos démontre la fausseté du testament invoqué par Cléon, sans déposer d'autres conclusions qu'une demande d'envoi en possession 10. Dans Démosthène, Glaucos et Glaucon, leur faux reconnu, sont déboutés, mais sans que leur réputation nouvelle de fripons entraîne pour eux d'autre effet légal que la perte de leur procès". Quant à celui qui atteste un faux testament, sans cesse il se voit promettre ou intenter des poursuites. Faux testament, faux témoin: ces expressions s'appellent l'une l'autre dans les plaidoyers athéniens et ne sont jamais prononcées que d'un ton menaçant. Les témoins qui se sont portés forts pour la validité du testament fabriqué par Dicéogénès sont condamnés pour faux témoignage12. C'est sous la prévention de faux témoignage qu'Apollodore demande raison à Stéphanos de toutes les manoeuvres dont il prétend que Phormion est l'instigateur13. Somme toute, en matière de faux, qu'il s'agît de testament ou de tout autre écrit, la législation attique partait d'un principe constant pour en arriver à ouvrir dans tous les cas ce même recours, la eulot.i.aptiuptwv ixT1 ou &7acnatç 14. Un doute pourrait encore subsister relativement aux livres de banque (û7ropy'u.a'ra, ypxt.y.a-ra, ipr11.1epiÔE;) 15. Les trapézites, à en croire Isocrate, faisaient leurs transactions sans témoins76. Ils tenaient admirablement leur comptabilité, consacrant à chaque client une page de leurs registres, où ils portaient à la colonne de son crédit les sommes déposées par lui ou recouvrées en son nom, à son débit les versements ou payements effectués par la banque 17. Aussi les plaideurs ne manquaient-ils pas de citer ces livres à l'appui de leurs réclamations : ce sont des titres de ce genre qu'invoque le processif Apollodore, quand il poursuit le règlement des créances trouvées dans la succession paternelle 18. Mais si ces livres servaient à établir plus ou moins fermement une présomption, ils ne suffisaient pas à faire pleine foi. Il y avait à cela une raison de fait : une multitude d'amis et d'associés, l'habitude des grandes affaires donnaient souvent aux affirmations orales ou écrites des banquiers un crédit très sérieux13; mais c'était un crédit personnel, variable, et, comme il exista de tout temps des banquiers capables d'altérer leurs écritures (W toupyoUaly iv' aiç éau'ric'v É 1,1p.e le v) pour forcer le chiffre d'un prêt20, pour supprimer le récépissé d'un dépôt21 ou la preuve d'une spéculation illicite23, voire pour préparer une banqueroute frauduleuse 23, capitalistes et juges éprouvaient parfois à FAL 965 FAL l'endroit des trapézites et de leurs livres une sage défiance 1. Ajoutez une raison de droit : à supposer qu'une page de ces livres eût la valeur d'un contrat passé en due formez, on ne pouvait pourtant pas lui reconnaître plus d'autorité qu'à un acte bilatéral, et la dispenser de la confirmation nécessaire par témoins. I1 ne faut pas prendre à la lettre le mot d'Isocrate : à tout déplacement ou virement de fonds dans une banque assistaient, à défaut d'autres témoins, les employés du banquier. Libres, ils déposaient en cas de litige; esclaves, ils étaient mis à la question : c'est Isocrate lui-même qui le dit'. Comment Apollodore cherche-t-il à établir la dette de Timothée? Par un serment" et par les témoignages du personnel présent à toutes les opérations 5. Les livres lui servent à titre de renseignements, non de pièces justificatives; il y trouve une base pour sa revendication, non pour sa démonstration. La comptabilité la plus exacte du banquier le plus scrupuleux n'est pas capable de fournir un véritable moyen de preuve G. Les papiers contrefaits par le plus véreux des financiers ne suffisent pas à déterminer d'effet frauduleux : ils ont besoin d'être endossés. Là encore un écrit est lettre morte et doit être vivifié par un témoignage. Là encore le témoin est l'auteur responsable du mal fait par l'écrit. Cette action en faux témoignage (Stxr q)eu8o,u,2pruptwv) était purement civile. Elle tendait à une condamnation en dommages-intérêts, dont le montant était indiqué provisoirement par la sommation 7 et fixé par le pouvoir discrétionnaire des juges (ây(lJv ryN.rprd;) 8. Elle n'était donc intentée qu'après un premier procès où le témoin avait fait accepter ou soutenu la validité du faux. Pour réclamer une indemnité, il fallait établir, sinon la réalité, du moins la possibilité d'un préjudice 9, c'est-à-dire, dans l'espèce, prouver qu'on avait été victime d'une manoeuvre ou même d'un jugement antérieur. L'action contre la caution d'un faux n'est ainsi qu'un cas particulier de cette action, vraie curiosité de la procédure attique, qui permettait, soit de se venger d'un guet-apens judiciaire, soit de revenir contre la chose jugée et d'obtenir la rétractation indirecte d'une sentence rendue". Maintenant il est possible de voir comment l'auteur d'un faux est attaquable à son tour. Le faux témoin une fois condamné par la ô:r.11 qdEUou.ap'rupt~ly, mais alors seulement, on se retourne contre le suborneur par l'action de dol ou S(xrl xzxotcyvtûv 11. On atteint celui qui, dans nos idées modernes, est le principal coupable, à condition d'avoir déjà frappé celui qui, pour nous, est seulement un complice en sous-ordre. Ce n'est pas le faussaire qu'on poursuit, c'est l'instigateur du faux témoin. Du moins on peut lui faire payer sa faute très cher. La (xrl xaxarèvtwv, comme la S(X '( veuSop.ao'repawv, a pour effet tantôt la cassation du jugement primitif, tantôt l'allocation de dommages-intérêts à la partie lésée". Le faux en écritures authentiques ou publiques était traité par les Athéniens d'après les mêmes idées : sans voir dans le faux un élément incriminable, ils allaient droit aux conséquences du faux. Or, ici, c'est l'État qui souffrait de la fraude commise. Les actions civiles (l(xca) ne lui offraient aucune garantie : il les laissait aux particuliers. Pour protéger ses intérêts et imposer ses droits, il lui fallait des ypacpa(. Mais par cela même que la jurisprudence d'Athènes ne s'éleva jamais à concevoir le faux comme un crime en soi, indépendant de ses effets, aux différents effets réalisés ou voulus par les faussaires furent appropriées des poursuites différentes. Autant de variétés du faux public, autant de ypacpa(. On pourrait ranger dans une première catégorie les faux en écritures publiques qui, tout en lésant la cité, nuisaient surtout à des intérêts privés. Parmi les faux de cette espèce que fabriquaient volontiersl3 les Athéniens, les documents juridiques citent la fausse sommation. Quand le demandeur citait le défendeur à comparaître, quand l'une des deux parties citait l'autre à faire ou à recevoir telle preuve 1., la procédure obligatoire était une sommation (7c 6tns)r,rtç) que rendait valable la présence d'un ou plusieurs témoins (r.),7(T71pE;). Les noms de ces recors étaient inscrits dans l'acte introductoire d'instance et lui donnaient une telle autorité, que le défendeur qui ne se présentait pas en justice après cette invitation officielle était condamné par contumace (spr v'1 v ôcpXcuv). Il suffisait donc de produire une sommation fausse, c'est-à-dire faussement attestée par des tiers sans avoir été communiquée à qui de droit, pour obtenir condamnation contre un adversaire non prévenu. Mais les coupables, demandeur et recors, n'avaient pas seulement porté un grave préjudice à un particulier; en simulant l'exécution d'une formalité légale, ils avaient encore trompé les juges, tourné en dérision la justice publique. Contre les recors on requérait par la ypap'tj tpEUSoxavE(a;, contre l'auteur de la sommation par la ypacp'1 ruxopav'r(aç La ypapst tpeuox),71tie(a;t6 était intentée par-devant les thesmothètes. La ypacp-;j cuxopav'r(aç17 était généralement introduite par la même voie 18, mais pouvait l'être par FAL -96G--FAL la voie extraordinaire de l'ElaayyE)ja, de la 7rpoeo)À et de la pxct;'. La peine était laissée à l'appréciation du tribunal 2 : c'était quelquefois la mort 3. Une troisième condamnation entraînait de plein droit l'atimiet. La liste des débiteurs publics était fréquemment falsifiée de deux manières : le magistrat y inscrivait les noms des citoyens qui ne devaient plus rien ou n'avaient jamais rien dû; il n'y portait point ou en effaçait des dettes impayées ou acquittées partiellement. Le premier cas ressemblait à celui de la t su8oxari'rE(cc : il y avait coup droit porté à un particulier; mais l'État se sentait indi• rectement atteint dans une de ses fonctions essentieIles. Voilà pourquoi une affaire de RoÛXEunaq ou de nldEUSEyypap7 s'ouvrait encore par une ypacp7l, non par une S(xrî [BOULEUSEôs GRAPHÈ]. Dans le second cas, l'État était directement lésé : rien d'étonnant que les droits du Trésor fussent revendiqués à l'aide d'une ypap-i , la ypay'fi Les falsifications de documents relatifs aux créances de l'État servent ainsi de transition entre les faux en écritures publiques qui portent préjudice surtout aux particuliers et ceux dont l'État a seul à souffrir. Que pensent les Athéniens du faux destiné à dissimuler des délits commis contre les intérêts essentiels et les lois fondamentales de la république? Ils le considèrent comme un échappatoire : ils remontent au crime principal. Les fonctionnaires tourmentés par la conscience de leurs malversations essayent parfois, quand arrive le moment inévitable des comptes à rendre, d'en imposer en présentant des documents falsifiés 5. Si les logistes, sous les yeux de qui passent toutes les pièces comptables, remarquent quelque irrégularité, ils en saisissent les héliastes. Mais ils ne s'arrêtent pas à la question subsidiaire du faux : ils vont au fond des choses. Ils ont arraché le voile dont se couvrait l'auteur du péculat ou de la concussion : ils traînent le coupable dans la pleine lumière de la justice pour lui demander raison de ses abus vainement cachés. « Si les logistes, dit Aristote 6, établissent à la charge d'un fonctionnaire le fait de détournement, les juges prononcent contre lui un verdict de détournement et le condamnent à payer au décuple le total auquel ils évaluent les fonds détournés. Si les logistes le convainquent de corruption et obtiennent un verdict conforme des juges, il est condamné, après évaluation de la somme reçue, à payer encore au décuple. Un verdict affirmatif sur le chef de malversation entraîne l'évaluation d'une somme qui est à payer au simple. » Au delà du faux, on va rechercher les faits pour lesquels se donnent la ypacpfl S-rlp,oa(wv xprl[1,â'rwv, la ypacA pwv 7 et la ypap âôtxiou. Les mêmes idées dominent la législation attique en matière de fausse inscription sur les registres de l'état civil. Le ari;tapztxbv ypal.t.uaTEîov était un tableau (},eéxwµa, 6av(ç8) sur lequel le démarque dressait la liste des citoyens appartenant à son dèmes et qu'il conservait sous scellés". La sincérité de ces registres était du plus grand intérêt pour l'État, puisqu'ils servaient à établir le rôle des contribuables, des éphèbes, des votants. Pourtant on cherchait sans cesse à s'y faire inscrire sans remplir les conditions requises d'âge", de nationalité ou de naissance. Les étrangers achetaient le démarque et quelques comparses de bonne volonté : cinq drachmes par tête, et ils obtenaient tout ce qu'ils voulaient1°. Cléophon pour Eschine13, Agoratos pour Lysias', sont des esclaves qui se sont fait inscrire à prix d'argent. Le dème de Potamos avait la réputation d'être propice à ce genre de trafic15. Les bénéficiaires de ces inscriptions frauduleuses étaient appel ésles7rap€yyoa7t,rot16. Vdilà un faux particulièrement grave : le droit attique ne va-t-il pas se départir de son principe et cette fois faire tomber l'auteur et les complices sous le coup d'une loi spéciale sur le faux? Même le registre de l'état civil n'est pas excepté de la règle universelle. Il ne fait pas preuve. « C'est un procès-verbal ou plutôt une suite de procès-verbaux, mais rien de plus. C'est un livre utile d'où les magistrats de la cité tirent des renseignements précis... ; mais il ne constitue pas par luimême un titre... Un Athénien veut-il prouver qu'il est dûment en possession de la qualité de citoyen, accuset-il un autre de l'avoir usurpée, il ne se reportera pas au registre civique ; il recherchera des témoins, il recueillera des témoignages17 ». Comment alors poursuivre les auteurs et le promoteur d'une fausse inscription? Ce qui peut être incriminé dans la conduite du démarque et des démotes, c'est le vote qui a décidé l'inscription. Le conseil des Cinq-Cents exerce sur ce vote un droit de veto : il passe en revue les inscrits (Soxt,aa[), et, s'il décide que l'un deux n'a pas atteint l'âge légal de dix-huit ans, il inflige une amende aux démotes coupables78. Pour le fait de corruption tout citoyen peut se porter accusateur : il n'a qu'à déposer entre les mains des thesmothètes une ypc«A Sc'ipwv 10 Quant au fait de demander une fausse inscription, il est passible de diverses poursuites. La simple tentative, non suivie de succès, mais avec la circonstance aggravante d'un appel en justice mal fondé, est punie par la vente de la personne du coupable au bénéfice de la cité '0. Si le faux est consommé, il y a lieu à une action d'usurpation du titre de citoyen (ypap' av(a;) 2i. Cette action rentre dans l'hégémonie des thesmothètes2° et entraîne également la peine de la servitude publique23. Mais, dans une ypct(25 celui qui a déjà corrompu une assemblée de démotes est bien capable encore de corrompre un tribunal : si l'accusé est renvoyé des fins de la plainte et que cet acquittement paraisse suspect, une action limitée à ce cas particu FAL 967 --FAL lier (ypacril ôwpo;svlas)' est donnée contre lui à tout Athénien. C'est l'équivalent de notre appel interjeté par le ministère public 2 : même hégémonie que dans la ypapr, Sovfas, même procédure par consignation (7taplaTaatç), probablement même sanction'. On pourrait croire, d'après deux passages d'orateurs que du moins la falsification d'une loi était poursuivie par une action spécifique. Ce serait la seule action en faux. « Quiconque, dit Lycurgue5, va au Métroon effacer une seule de vos lois a beau alléguer qu'il n'en est rien résulté de mal pour l'État : ne l'envoyez-vous pas à la mort? » L'auteur du second discours contre Aristogiton6 â bien l'air de citer un texte formel, quand il rappelle que la peine capitale était prononcée contre quiconque produisait une loi non existante (Od.v erov e4txivcu '-î-iv idv Ttç oür. Svra vdu.ov 7tvp«a;rri'rat). On comprendrait à la rigueur que le cas d'un orateur citant de la Pnyx une loi apocryphe, le cas d'un plaideur faisant enfermer dans l'xivoç parmi les pièces du procès une loi falsifiée en partie ou totalement inventée, fît exception au principe juridique qui guidait généralement les Athéniens en matière de faux. La loi, c'était la cité elle-même. Attenter à la loi, à cette loi qu'on exposait aux yeux de tous en pleine ville' et qu'on gardait comme un trésor au fond d'un temple', qu'on faisait à la fois publique et sacrée pour la couvrir d'une double inviolabilité : le crime était si énorme qu'il pouvait nécessiter une répression à part. Toutefois on est bien obligé de remarquer que le second discours contre Aristogiton, loin d'être l'oeuvre de Démosthène, n'appartient pas sûrement à son temps et a peut-être pour auteur un plagiaire de l'époque alexandrine. Quant aux mots de Lycurgue, ils n'ont plus du tout la même précision : ils définissent le crime, ils indiquent la peine; ils ne disent rien sur la procédure et ne laissent même pas soupçonner qu'elle eût son caractère propre. Les Athéniens avaient plus d'un moyen légal de livrer au bourreau tout homme qui effaçait une des lois conservées au Métroon : on n'avait pas besoin d'une action ad hoc, quand on disposait de l'sicayysa(a Ainsi, en matière de faux, le droit attique reste partout fidèle à la logique la plus absolue. Il ne reconnaît point à l'écriture une valeur intrinsèque. Donc il n'admet pas que le faux en écritures privées soit punissable comme faux; mais il punit le faussaire et ses complices selon l'importance et le genre du préjudice causé. Entraîné par les conséquences de son principe, il étend les mêmes règles au faux en écritures publiques : il poursuit les coupables, il tient suspendues sur leur tête des peines variées; jamais, en les frappant, il ne les appelle faussaires. G. GLOTZ. RouE. Le mot falsum, dans le sens le plus étendu et non juridique, signifiait toute altération de la vérité, faite de mauvaise foi, ce qui comprenait par conséquent le stellionat [STELLIONATUS]; mais, dans le sens strict, cette expression était appliquée à un délit spécial, dont les Romains n'ont pas donné de définition précise, mais qui peut être caractérisé d'après l'ensemble des textes. Il consiste dans la falsification, altération ou imitation des objets servant de base à la [ides publica, par exemple les documents publics, les mesures, les poids, la monnaie [MONETA FALSA], ou les actes qui, à raison de leur grande importance pour les intérêts privés, ont été mis sous la sauvegarde de la foi publique, ainsi les testaments. Différents cas de faux furent prévus et punis par la loi Cornelia De falsis, rendue sous la dictature de Cornelius Sylla qui, entre autres faux°. Nous avons, au Digeste, un titre spécial, intitulé De lege Cornelia de falsisi0; elle s'occupait notamment de ceux qui avaient commis un faux relativement à un testament11. On considérait comme tels ceux qui avaient détourné, télé, enlevé, détruit, substitué, décacheté, fabriqué, cacheté ou dicté de mauvaise foi, ou procuré sciemment un tel résultat. Cette loi, qui quelquefois dans les textes est appelée testamentaria 12, fut portée en 673 de Rome ou 81 avant J.-C., elle paraît avoir contenu plusieurs chefs ou articles, dont l'un était relatif à la fausse monnaie [MONETA FALSA], mais quelques auteurs en font une loi spéciale, appelée nummaria ". Quoi qu'il en soit, la loi De falsis prononçait l'exil, (aquae les auteurs des actes cités plus haut et, s'il s'agissait d'un esclave, la peine de mort En effet, les Romains attachaient un grand respect à la volonté des mourants, et tenaient beaucoup à ne pas mourir intestats, sans doute afin de mieux assurer la perpétuation du culte des sacra familiae 15. On peut voir dans Paul 16 avec quelle solennité se faisait l'ouverture du testament après le décès, afin d'en mieux assurer la conservation et l'exécution. Du reste, le faux en matière de testament était un crime fréquent, dont les auteurs classiques nous ont conservé de nombreux exemples 17. Aussi ne paraît-il pas que Sylla ait introduit en cette matière un droit nouveau; suivant Cicéron, la loi Cornelia aurait eu pour objet plutôt l'organisation de la compétence que la modification de la peine et de la procédure anciennement établiesf8. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas bien fixés sur le nombre des articles de la loi. Les jurisconsultes y rattachent certaines décisions qui, peut-être, se rapportent plus exactement à plusieurs sénatus-consultes postérieurs. Ainsi Paul 19 considère comme tombant sous l'empire de la loi Cornelia quiconque a falsifié tout autre acte qu'un testament: quodve aliud instrumentum. Mais cela tient à l'habitude où l'on était, sous l'Empire, de rapporter aux anciens JUDICIA PUBLICA toutes les décisions même postérieures, qui pouvaient être considérées comme des développements du principe posé dans la loi organique. Au contraire Justinien, dans ses Institutes, FAL 968 FAL ayant la prétention, quelquefois mal justifiée, de rappeler en peu de mots les institutions antérieures, n'attribue pas à la loi Cornelia de falsis l'extension dont il s'agit 1. D'ailleurs, un texte d'Ulpien, conservé dans la Collalio legum illosaïcarum (VIII, 7), mentionne formellement des additions aux règles de la loi Cornelia, par suite de sénatus-consultes rendus ultérieurement. Ainsi, sous le consulat de Statilius Favius et Scribonius Libon, suivant Cujas, ou Lepidus, suivant Otto, le Sénat décida que la peine de la loi Cornelia serait appliquée à ceux qui auraient cacheté ou fait cacheter un testament faux, ou procuré de fausses attestations écrites, ou de faux témoignages dans leur intérêt réciproque. Un autre sénatusconsulte, rendu sous le consulat de Flavius et de Licinius, pour la cinquième fois, étendit la même peine à ceux qui auraient reçu de l'argent pour procurer le secours de défenseurs ou de témoins, ou auraient fait un pacte ou une société, ou contracté quelque obligation dans ce but Un peu auparavant, le Sénat avait statué que la même peine atteindrait ceux qui se coaliseraient pour amener la perte d'un innocent'. Enfin, elle fut étendue en 781 de Rome ou 28 de J.-C., à ceux qui avaient touché des deniers pour ne pas dénoncer ou pour dénoncer à des témoins d'avoir à produire leur témoignage; il y eut encore d'autres sénatus-consultes qui développèrent le principe de la loi Cornelia', ou qui ajoutèrent des précautions nouvelles en ce qui concerne la dresse des actes publics ou privés, et la manière de les clore et sceller'. Du reste, de graves difficultés se sont élevées entre les interprètes modernes sur l'époque véritable du premier des sénatus-consultes cités plus haut, que les uns font remonter à l'année 768 de Rome ou 15 de J.-C., et les autres à l'année 880 de home Quant aux faits qui, sans constituer des faux, y avaient été assimilés au point de vue de la pénalité, on disait qu'il y avait quasi falsum 7. Cependant, la pénalité de la loi Cornelia ne parut pas suffisante, car Paul nous apprend que, de son temps, les coupables honestiores étaient déportés dans une île, ceux de basse condition condamnés aux mines ou mis en croix, et les esclaves, affranchis après leur crime, punis de mort e. Indépendamment des sénatus-consultes cités, nous voyons mentionner dans les textes un édit attribué à Claude. D'après Callistrate, cet empereur soumit aux peines de la loi Cornelia celui qui, en écrivant pour autrui un testament ou un codicille, y aurait inséré un legs à son profit. Mais, suivant P. Faber 9, Callistrate n'aurait entendu parler ici que d'un premier chef du sénatus-consulte Libonien, proposé au Sénat par Tibère, que l'on appelait aussi Claudius. Mais Cujas, dont l'opinion nous semble préférable, admet l'existence de deux, édits ou sénatus-consultes, l'un rendu sous Tibère, Statilius Taurus et Seribonius Libon étant consuls, le second sous l'empereur Claude I. Haubold, dans ses Tables, place le sénatus-consulte Libonien sous Tibère en 769 de Rome ou 16 de J.-C. ; peut-être Claude ne fit-il que le renouveler''. En outre, un grand nombre d'actes analogues au faux, mais non prévus directement par la loi Cornelia ou les sénatusconsultes postérieurs, étaient punis extra-ordinem. Platner en a donné une analyse détaillée, à laquelle nous