Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article GALLICA

GALLICA. Sorte de chaussure ainsi appelée parce qu'elle était d'origine gauloise ; l'usage s'en répandit chez les Romains, dit Aulu-Gelle, « peu de temps avant l'époque de Cicéron' », c'est-à-dire, sans aucun doute, au moment où fut conquise la Narbonnaise; en 45 av. J.-C. on la voyait aux pieds de Marc-Antoine, qui se trouvait alors dans cette province'. Elle fut ensuite adoptée dans tout l'empire ; elle reçut, en passant dans les pays grecs, le nom de tipoxciq, qui indique une chaussure légère, propre à la course (Tc yc)) ; on rencontre aussi le diminutif gallicula «T pozeltov °). Voici, d'après les textes, quels étaient les caractères distinctifs de la gallica. 1° Elle rentrait dans la catégorie des sandales et par conséquent laissait à découvert, au moins en grande partie, le dessus du pied ; on l'y;fixait avec des cordons, ou avec des lacets de cuir minces et ronds ; en un mot la gallica est assimilable à la soLEA; le rapport entre ces deux chaussures est tel que les deux mots mêmes sont considérés comme synonymes et s'emploient indifféremment l'un pour l'autre°. Aulu-Gelle explique ainsi pourqu9i on peut, dans l'usage, les confondre sans inexactitude : « Omnia ferme id genus quibus plantarum caltes tantum infimae teguntur, caetera prope nuda et teretibus habenis vincta sunt, soleas dixerunt. » D'autre part gallica est quelquefois traduit par a«v3«atov7. 2° Au début, on'trouvait qu'il n'était pas convenable pour u n citoyen romain de porter la gallica, lorsqu'il sortait de sa demeure revêtu de la toge; elle ne devait pas usurper la place du CALCEUS dansla vestis forensis; Cicéron s'indigne qu'Antoine ait osé paraître en public avec des gallicae aux pieds 8 ; il est vrai qu'il était alors en Gaule, dans la Narbonnaise ; mais il était magister equitum de César, et comme tel obligé, plus encore qu'un simple citoyen, d'observer les convenances. Plusieurs GAL -1454GAL siècles après nous voyons que la gallica est restée la chaussure des pâtres', des paysans 3, des voyageurs et des courriers3; comme le bâton, elle est un des attributs ordinaires des premiers moines, un indice de leur vie simple et rustique". Cependant on s'était beaucoup relâché de la sévérité des premiers temps et peu à peu on s'était habitué à voir des citoyens romains porter la gallica au lieu du calceus ; sous Hadrien, un jour de fête, des sénateurs ne croyaient pas devoir s'interdire cette chaussure en se rendant à une séance de déclamation; il fallut que le professeur, qui connaissait mieux les usages du passé, leur rappelât la diatribe de Cicéron contre Antoine 5. Dans la fête annuelle que célébraient les Arvales, leur magister ou président, qui était quelquefois l'empereur lui-même, échangeait, le second jour, la toge et le calceus contre le ricinium et la solea ou la gallica, lorsque, la couronne en tête, il montait dans sa loge du cirque pour donner le signal des jeux°. La sandale, qui était la chaussure ordinaire des prêtres d'Isis, est mentionnée aussi sous le nom de gallica'. S'il est clair, d'après ce qui précède, que cette chaussure n'était qu'une variété de la solea, il n'est pas moins certain qu'elle devait s'en distinguer par quelque détail, puisque pour la désigner on avait éprouvé le besoin d'introduire un nouveau mot dans la langue. Mais en quoi consistait au juste la différence? Il est possible, que galoche comme on l'a pensé, vienne de gallica$. Le mot français désigne généralement une chaussure sans lacets, à semelles de bois, que l'on peut porter même par-dessus les souliers, et qui est surtout en usage dans les pays où la terre est souvent détrempée par les pluies. Il faut reconnaître que cette définition ne correspond qu'imparfaitement à celle qu'Aulu-Gelle donne de la gallica. Mais la forme de la galoche a pu être modifiée depuis l'antiquité, sans perdre cependant son caractère essentiel ; ce qui la distingue des sandales les plus grossières, c'est qu'elle est garnie au bout du pied, au talon et sur les bords, de morceaux de cuir rigides, qui la maintiennent en place; ils sont plus ou moins larges, mais n'enferment jamais complètement le pied à la façon d'un soulier ou d'un sabot. Tel a dû être aussi le caractère de la gallica. C'est ce qu'Aulu-Gelle semble indiquer, lorsqu'il parlé des chaussures qui laissent le dessus du pied, non point précisément nu, mais « prope nudus 9 ». Hésychius définit les poxci a; des sandales « en peau de chèvre " 0 », et un auteur plus récent parle de galliculae de femme, « entourées de peaux teintes en rouge, quai rubricatis pellibus ambiuntur" ». On peut donc admettre que la gallica était une sandale, qui avait, de plus que la solea romaine, un rebord en peau, plus ou moins étroit ou découpé. Par là elle devait se rapprocher beaucoup du CAMPAGUS. On a essayé de retrouver sur les monuments figurés l'image de cette chaussure; on l'a cherchée notamment sur ceux qui ont été exécutés en Gaule ou qui représentent des Gaulois 13; les identi fications proposées restent en grande majorité problématiques. Cependant les exemples ci-contre paraissent répondre assez bien à la définition que l'on peut tirer des textes anciens. La figure 3479 est prise sur un bas-relief gallo-romain du musée de Bordeaux'3 les figures 348011 et 3481'5 sur des statuettes en bronze représentant le dieu gaulois que les Romains ont identifié avec Dispater. Nous voyons là une chaussure analogue à la sandale, munie aux deux bouts de deux quartiers, qu'une courroie relie l'un à l'autre en passant sur le dessus du pied. Dans la figure 3481 il n'y a point de courroie, mais l'empeigne est découpée de façon à rappeler la forme première. Dans l'Édit de Dioclétien (301 ap. J.-C.) le prix maximum des sandales et gallicae est fixé comme suit pour chaque paire 1° Si l'on compare ces prix à ceux des autres chaussures, dans les paragraphes qui précèdent et qui suivent, on achèvera de se convaincre que la gallica doit différer GAL 1455 GAL sensiblement du brodequin et du soulier et que par conséquent l'empeigne doit y tenir très peu de place 1. Au contraire la gallica ne coûte pas un denier de plus que la simple sandale, qui n'a pas d'empeigne du tout; on aurait lieu de s'en étonner, si cette pièce dans la gallica n'était extrêmement réduite. L'industrie des gallicae était devenue assez florissante sous l'Empire pour occuper des ouvriers et des marchands spéciaux ; on les appelait gallicarii2. G. LAFAYE.