Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article GALLUS

GALLUS (PxA),o;), Galle, prêtre des cultes orgiastiques de la Mère des Dieux et de la Déesse Syrienne. 1. Culte de la Mère des Dieux [CYBELEP. C'est en Phrygie, d'où ce culte tirait son origine, et particulièrement à Pessinonte, que le sacerdoce qui lui était propre avait dû recevoir l'organisation la plus brillante et la plus complète' ; il est probable qu'elle servit de modèle ensuite à tous les pays qui dressèrent des autels à la Mère des Dieux. Mais les Grecs, comme les Romains, virent d'abord avec répugnance s'introduire chez eux les pratiques extravagantes par lesquelles les Asiatiques croyaient honorer cette divinité. Vers 430 av. J.-C. les Athéniens élevèrent dans leurs murs un Métroon, mais ils bannirent du culte officiel le rite phrygien et se refusèrent à adorer Attis, l'amant de Cybèle; aussi jusqu'au temps d'Alexandre n'ont-ils témoigné que de l'horreur aux fanatiques, qui, poussant jusqu'au délire l'enthousiasme religieux, prétendaient imiter la vie merveilleuse d'Attis 3 ; c'est la légende d'Attis qui a inspiré les transports furieux des galles ` ; ils ont été tenus à l'écart aussi longtemps que leur dieu, et sont apparus à sa suite le jour où la victoire lui est restée. Voilà pourquoi le nom même des galles est inconnu à la littérature classique des Grecs; il entre dans l'usage à l'époque macédonienne', au moment où se forment en l'honneur de la Grande Mère des associations privées qui admettent le rite phrygien repoussé par l'ltat6. Les anciens assurent que les galles devaient leur nom à un fleuve de la Phrygie, le Gallos, dont les eaux avaient la pro priété de mettre hors d'eux-mêmes ceux qui en bu_ vaient 7. Mais cette étymologie n'a point paru satisfai_ saute aux modernes 8. Les uns ont essayé d'établir l'existence d'un mot phrygien qui aurait eu le sens de prophète' ; les autres rattachent le nom des galles à une racine sémitique, et croient qu'il désignait des prêtres tourneurs f0. D'autres encore ont supposé qu'il devait signifier par lui-même castrat". Toutes ces opinions sont également douteuses. Lorsque Attis, dans un moment de folie, s'est dépouillé de sa virilité, ses compagnons ont aussitôt suivi son exemple. Les galles, dans les cérémonies du culte, représentent à perpétuité ces compagnons primitifs du jeune dieu, quelquefois identifiés avec les cORYBANTESI' comme eux, comme Attis lui-même, ils se coupent les parties génitales. Ce qui les distingue essentiellement, c'est qu'ils sont eunuques; de là les noms de spadones, semirnares, semiviri que leur donnent les auteurs 13. ils ne doivent pas se mutiler avec un instrument en fer, mais avec une pierre coupante ou un tesson de poterie'. Cette castration volontaire s'accomplit les jours de grandes fêtes, lorsque, après s'être livrés à des danses et à des contorsions frénétiques, ils sont arrivés au paroxysme de l'état d'exaltation qu'on appelle furor Acdestius15. Il ne faut pas croire cependant que ce sacrifice ait jamais été une condition imposée à tous les hommes qui voulaient faire partie du sacerdoce d'Attis ; c'était, comme aujourd'hui encore dans certaines sectes de l'Orient f6, un acte de haute piété, d'autant plus admiré qu'il était plus rare. Il est possible même que la coutume de la castration ne fût pas en Phrygie une coutume nationale, remontant à une antiquité reculée 17 ; elle paraît être plutôt d'origine sémitique f8. A Athènes, lorsqu'on vit pour la première fois (415 av. J.-C.) un galle phrygien se livrer à cet acte de démence, il sembla que ce fût un signe de la colère des dieux, qui présageait à l'État les plus grands malheurs i9. Les Romains éprouvèrent de tout temps le même sentiment; en 102 av. J.-C., un homme s'étant mutilé GAL 1456 GAL en l'honneur de la Mère des Dieux, on rangea cet accès de folie au nombre des présages sinistres ; le malheureux fut déporté au delà des mers avec défense de jamais rentrer dans Rome; c'était cependant un esclave; probablement d'origine étrangère et il y avait plus d'un siècle qu'on avait solennellement introduit dans la ville la divinité qu'il adorait. En '78, un prêtre de Cybèle fut privé d'une succession en bonne et due forme, « attendu, disait l'arrêt, qu'il n'était ni homme, ni femme2 ». Puis vinrent les édits des empereurs, portant la peine de mort non seulement contre ceux qui pratiquaient sur autrui l'excision des parties génitales, mais même contre ceux qui faisaient appel à leur art'. Les sarcasmes que les premiers chrétiens lancèrent contre cet usage abominable' étaient beaucoup mieux d'accord avec le sentiment public que les explications symboliques par lesquelles certains philosophes, défenseurs des cultes étrangers, cherchaient à le justifier'. On peut être certain qu'à Rome et dans tout l'Occident, les eunuques que l'on voyait parmi les fidèles de la Mère des Dieux étaient, sauf exception', Phrygiens, ou en tout cas Orientaux de naissance; nous savons qu'en Asie même, à la fin du 11e siècle, Abgar, souverain chrétien de l'Osrhoène, interdit aux prêtres de Cybèle, dans toute l'étendue de ses États, de suivre cette tradition de leur culte'. Ainsi le nom de galles, d'abord réservé peut-être à des prêtres eunuques, dut s'étendre plus tard à des prêtres de race latine, qui n'avaient point fait le sacrifice de leur virilité. D'après une hypothèse vraisemblable, ce fut sous le principat de Claude que les Romains furent autorisés par la loi à célébrer le rite phrygien ; à partir de ce moment on peut considérer le nom de galles comme s'appliquant d'une façon générale à tous les ministres d'Attis et de Cybèle, eunuques ou non 8, Dans le rite phrygien les galles étaient astreints à une règle commune qui leur interdisait certains aliments, tels que le pain et la viande de porc 9. Ils se donnaient la discipline avec un fouet garni d'osselets, (l.âari; âarEa70,03r1) (fig. 3381)10. Les jours de fête, dans les cérémonies ordinaires de leur culte [CYBELE], on les voyait exécuter des danses ", qui, selon eux, représentaient les mouvements des étoiles 12. Ils avaient des chants spéciaux (tiyr ), composés dans un mètre très savant, appelé de leur nom galliambe, auquel plusieurs poètes connus se sont essayés". Souvent leur dansé n'était qu'un tournoiement frénétique, qu'ils accompagnaient de cris sauvages (ô),dauyi.a il), en frappant des mains" et en agitant la tête en tous sens, tandis qu'autour d'eux résonnaient les flûtes, les cymbales et les tambourinsf°. Parfois aussi ils brandissaient des épées, des couteaux et des haches'. Tous ces exercices violents avaient pour effet de surexciter en eux la passion religieuse et de les plonger dans un état d'extase, où ils devenaient insensibles à la souffrance ; c'est ce qui explique qu'ils aient pu sans faiblesse, comme on le raconte, se châtrer de leurs propres mains, et aussi se mordre les chairs, se taillader les tiras et les épaules sous les yeux de la foule 18 ; on les voyait alors avec une admiration mêlée d'horreur s'avancer « tout sanglants16 » dans le cortège de la déesse. Tel est encore aujourd'hui le spectacle qu'offrent en Asie les derviches tourneurs et hurleurs et les affiliés de diverses sectes musulmanes 20. Il y avait dans l'année un certain nombre de jours, correspondant aux grandes fêtes de leur culte, où les galles avaient la permission de courir par les rues ; ils s'approchaient du seuil des portes en débitant des prophéties: ils indiquaient des formules d'expiation pour les péchés que l'on avait pu commettre, 'et en échange on leur donnait des sous, ou bien des vêtements et des vivres, qu'ils chargeaient sur un âne ; on les désignait alors sous le nom plus précis de Métragyrtes, MrrrPbç âyûorce, mendiants de la Grande Mère [AGYRTAE]21. Les galles, lorsqu'ils étaient eunuques, s'appliquaient à accuser encore par leur costume l'apparence toute féminine de leur personne. Ils laissaient croître leurs cheveux 22 et se fardaient le visage 23; ils avaient des surplis transparents de couleur jaune [cROCOTA] en lin ou en soie; d'autres se couvraient de tuniques blanches, bariolées de petites bandes rouges (lanceolae), et serrées avec des ceintures: ils se chaussaient de souliers jaunes (lutei calcei); enfin ils portaient des mitres, c'est-à-dire de larges bandeaux, qui leur ceignaient le front, suivant la coutume de l'Orient [NITRA] 24. Lorsqu'en l'an 204 av. J. -C. la Grande Mère fut établie à Rome sur le Palatin, l'autorité n'eut plus qu'un souci : empêcher que le nouveau culte, qu'on avait accepté comme une nécessité , ne répandît parmi le peuple la contagion du fanatisme. Les magistrats de la GAL 1457 GAL république célébrèrent suivant les rites romains les jeux et les sacrifices solennels, offerts au nom de l'État à la grande divinité asiatique; mais un sénatus-consulte interdit aux citoyens de remplir auprès de ses autels des fonctions sacerdotales; elles furent confiées à un Phrygien et à une Phrygienne ; ils pouvaient, ainsi que leurs compatriotes établis dans la ville, conserver le rite de leur pays, mais à la condition qu'on ne verrait aucun Romain, revêtu de leur costume, prendre part sur la voie publique à leurs processions, à leurs quêtes et à leurs démonstrations orgiastiques' ; nous savons même que leurs hymnes étaient chantés en grec 2. Il n'est pas douteux qu'au temps d'Auguste ces prescriptions étaient encore en vigueur'. Plus tard, après qu'elles eurent été rapportées, nous voyons les prêtres romains de la Grande Mère placés sous l'autorité du collège des XV viri sacris faciundis [DUUMVIRI]. C'étaient les membres de ce collège qui présidaient en personne au Bain de Cybèle (Lavalio) dans la fête du 27 mars%; ils avaient, même en dehors de Rome, la surveillance des confréries de Dendrophores [DENDROPUORIA], chargées de célébrer la fête du 22 mars (Arbor intrat) A'partir du lie siècle, lorsque l'usage des tauroboles se fut introduit [TAUROBOLIA], le sacrifice s'accomplit souvent sous leur direction 6. Enfin on leur avait attribué une prérogative très importante, celle de donner l'investiture aux archigalles des villes d'Italie. Pline l'Ancien est le premier qui parle d'un archigalle7. Il est probable que ce titre s'introduisit sous Claude, lorsque fut abrogée la loi qui interdisait aux Romains le rite phrygien ; en effet il parait désigner non pas un chef de religieux eunuques et mendiants, formant un ordre distinct, mais un grand prêtre, qui, sans être nécessairement eunuque lui-même, a la haute direction du culte d'Attis et de Cybèle sur tout le territoire de la ville où il habite; tel est un certain C. Camerius Crescens, qui dans une inscription est appelé à la fois archigalles Matris Deum et Attis populi Romani'. On peut donc admettre, à ce qu'il semble', que l'archigallus est identique au sacerdos maximus Matris Deum et prendre ces deux titres comme absolument synonymes. D'ordinaire l'archigalle devait être nommé à viei0. Nous avons dans une inscription, datée de l'an 289 ap. J.-C., un curieux exemple de la procédure que l'on suivait en Italie pour l'installation de ce dignitaire. Le ier juin, l'archigalle de Cumes étant mort, les décurions de la ville ont désigné son successeur par voie d'élection et ont écrit à Rome pour notifier leur choix aux XV viri ; le 17 août, ceux-ci répondent par une lettre que nous avons conservée ; ils déclarent qu'ils accordent au candidat élu le droit de porter la couronne et le collier (oceabus) dans les limites du territoire de la colonie". De là sans doute le titre de sacerdoswllatu•is Deum XVviralis que prennent certains personnages 12. M. Goehler a dressé la liste des archigalles qui nous sont connus 13 ; parmi ceux qui ont exercé leur ministère dans des villes de l'Occident, plusieurs portent des noms romains; cependant en l'an 319 nous rencontrons encore, àRome même, un certain Eustochius, sacerdos Phryx 7naximus, qui peut fort bien, comme le pense M. Rapp, avoir été un Asiatique i4, ce qui indiquerait qu'on continuait par tradition à choisir quelquefois le plus haut dignitaire du culte comme le voulait la loi primitive, longtemps après qu'elle avait cessé d'être obligatoire. Depuis le temps de Claude, étrangers et Romains se mêlent dans les cérémonies orgiastiques de la Grande Mère et sont mis par l'autorité sur le même pied : ainsi à Porto, en face d'Ostie, l'archigalle, quel qu'il soit, prend part, en qualité de devin, au sacrifice que l'on offre pour le salut de l'empereur 15. En l'an 102 av. J.-C., le grand prêtre de Pessinonte, étant venu à Rome, avait produit un grand effet sur la multitude, lorsqu'il avait paru au forum dans son costume sacerdotal, la teinte ceinte d'une couronne d'or, le corps couvert d'une longue robe brodée d'or1E. Juvénal a tracé un portrait saisissant d'un archigalle, un eunuque de haute taille, ingens semivir, qu'il avait vu parcourir les rues, au milieu de son bruyant cortège, coiffé d'une tiare ou bonnet, dont les appendices lui enserraient le menton [DIADEMA, fig. 2337 et TIARA 17]. La figure 3'182 reproduit un bas-relief du musée du Capitole, qui représente un archigalle (1; il n'a point de barbe et porte, comme une femme, des boucles d'oreilles 19 et une robe, dont les manches descendent jusqu'aux poignets; dans la réalité elle devait être de pourpre20. Sa tête est couverte d'un voile et ceint d'une couronne ornée de GAL 4458 GAL trois médaillons, où l'on doit probablement reconnaître la Grande Mère entre deux figures d'Attis' ; de chaque côté pendent des bandelettes [TAENIAS]. Sur sa poitrine est appliqué un pectoral, PECTORALE, rEOG7:7)8iôtov, en forme d'édicule, orné d'un autre Attis', qui, un doigt sur sa bouche, commande le silence aux initiés. Un collier entoure le cou ; sans doute il faut y voir l'occabus, qui était avec la couronne l'insigne propre de la dignité de l'archigalle 3. De la main droite le personnage tient une tête de pavot et trois rameaux de feuillage 4 ; dans sa main gauche est un panier rempli de fruits, parmi lesquels la pomme de pin, chère à Cybèle. Plus haut on voit le fouet garni d'osselets, avec lequel les galles se donnaient la discipline, enfin, tout autour de la niche, les attributs ordinaires de leur culte, les cymbales, le tympanon, les flûtes et la ciste mystique [LISTA]. Montfaucon a reproduit une statue d'archigalle, provenant de Rome qui présente les mêmes détails de costume ; seulement le pectoral est surmonté de deux gros médaillons ornés de figures d'Attis en relief; ce sont là les Té7cot, mentionnés par les auteurs comme un des insignes ordinaires des prêtres de Cybèle s. Sur le pectoral on voit cette déesse entre Jupiter et Mercure, et au-dessus un Attis couché. Le personnage est revêtu d'une longue robe qui tombe jusqu'aux pieds7. Si l'archigalle est bien un grand prêtre, il est naturel de penser que les prêtres placés sous ses ordres doivent porter le nom de galles, qu'ils soient ou non Phrygiens et eunuques. Cependant il est probable que dans le nombreux personnel catalogué par M. Goehler il faut refuser ce titre aux assistants de tout genre, chantres, musiciens, appariteurs, et aux membres des confréries, tels que les Dendrophores et les Cannophores. Il reste encore dans la liste une quarantaine de prêtres proprement dits qui peuvent être qualifiés de galles$. Sur ce nombre on compte quelques affranchis, dont un appartient à la maison d'Auguste', mais aussi un personnage, qui s'intitule fièrement « arrière-petit-fils d'un chevalier romain" ». La durée du sacerdoce n'était probablement pas fixée d'une façon uniforme : en certains cas les prêtres sont nommés à vie ; mais on a soin de l'indiquer, ce qui prouve que ce n'était pas une règle absolue, c'était parfois une faveur que les décurions décernaient en récompense de services exceptionnels". Tel personnage est loué d'avoir exercé ses fonctions pendant douze ans dans le même endroit12; par conséquent d'autres changeaient plus facilement de résidence. Il y a là des 1857, p. 156; Goehler, p. 37, note 1. -2 Polyb. XXI, 4, 6 ; XXII, 18, 5 Dindorf; Dionys. Hal. II, 19 (Euseb. Praep. Ev. II, 8). 3 Corp. inscr. lat. X, 3598 ; Allmer et Dissard, Inscr. de Lyon, no 5 ; identification acceptée par Marquardt, 1. e. p. 395, n. 1. D'une façon générale l'occabus est un anneau, Etym. M. p. 383, 22. On a aussi appliqué ce nom à un bracelet, Hesych. ôazagoç Sà =el es', fieayiova Tertull. Mol. 18. ',Le pavot est un des attributs ordinaires des cultes mystiques ; e. CEREs. Les rameaux (de laurier ou d'olivier) ont pu servir d'aspersoir, comme le pense Foggini, 1. c. 5 Montfaucon, Ant. expl. I, r. tab. 4, p. 14. 6 Polyb. XXI, 4, 6 Din 7 Dans Chabouillet, Catalog. des camées, il est douteux que le n° 123 représente bien un arehigalle. M. Waillé a cru reconnaitre un galle ou un archigalle dans une statue du Musée de Cherchell, que l'on avait prise pour celle d'une femme. `Vaille, De Caesareae monument. quae supersunt, 1891, p. 89, et dans les planches le n° 26. Cf. Archie. des miss. scient. et lite. sér. t. 11(1875), p. 395, et de la Blanchére, De rege Juba, p. 63; mais cette identification me parait douteuse, si j'en juge par une photographie que m'a obligeamment communiquée M. Gauckler. Les insignes des galles questions obscures qu'éluciderait peut-être une étude nouvelle de ce corps sacerdotal. La plupart des témoignages relatifs aux galles de Cybèle, que l'on peut puiser d'ans les ouvrages des écrivains anciens, chrétiens ou profanes, exprim'ent le dédain, le mépris ou l'horreur. Les inscriptions, rapprochées d'autres textes plus rares, nous montrent que, quelle que fût la valeur de leurs doctrines mystiques, ils ont produit sur le peuple, dans toute l'étendue du monde romain, une très forte impression; ils ont fait un nombre considérable de prosélytes, qui, poussés soit par la crainte, soit par un goût réel pour l'étrangeté de leurs rites, les traitaient avec une profonde déférence 13 II. Culte de la Déesse Syrienne [sYRIA DEA]. Le culte de la divinité que les Romains ont désignée sous le nom précis de Dea Syria 1', était originaire d'Hiérapolis, en Syrie. Il nous est connu surtout par un écrit spécial de Lucien 15. La déesse d'Iiérapolis n'était en somme qu'une des formes de l'Astarté sémitique, amante d'ADONIS. Elle n'a pas eu à beaucoup près, dans le monde romain, la même fortune que la Grande Mère de Phrygie; mais il est très probable que pendant longtemps elle lui a été associée par les Grecs, jouant auprès d'elle un rôle secondaire qui la condamnait à un certain effacement15 Au temps de Néron elle apparaît comme une divinité distincte, pour laquelle cet empereur lui-même avait une dévotion tout à fait exclusive ". Depuis on lui éleva un temple à Rome '$ et elle fut portée par les armées romaines jusqu'en Grande-Bretagne ". La Déesse Syrienne d'Hiérapolis avait des galles attachés à son service ; on peut leur appliquer tout ce que nous avons déjà dit de ceux de la Grande Mère; ils ne semblent s'en être distingués en aucune façon. Apulée décrit une troupe de galles mendiants, qui portent la Déesse Syrienne à travers la Grèce de village en village; mais ils invoquent aussi Sabazius, Bellone et la Grande Mère de l'Ida 2e ; ce rapprochement déjà ancien a dû devenir plus étroit que jamais à mesure que le syncrétisme entrait en possession de la faveur publique. Il faut remarquer néanmoins que dans le sanctuaire d'Iliérapolis, décrit par Lucien, le nom de galles désigne exclusivement des eunuques et que cet auteur les distingue avec soin des prêtres de la déesse 21. Il y avait dans l'année un jour de fête où se révélait la vocation des nouveaux galles; il devait correspondre au Dies sanguinis du culte phrygien [CYBELE] : « Bon nombre de gens, dit Lucien, qui n'étaient venus que pour voir, se laissent 3 Un seul est expressément appelé Corp. user. gr. 3668; Dittenberger, Sylloge, 270. Mais l'inscription est de Cyzique et de l'an 45 av. J: C. -9 Corp. inscr. racontée par Pied. XXXVI, 13 (Dindorf) et Juv. VI, 511. 14 Souvent corrompu sous 758, 759;X, 1554; Corp. inscrgr. 5372; Notizie d. Scavi, 1881, 375; Jordan Lucian. Asin. 35-41 ; Apul. Met. V1II, 27. 16 Foucart, Assoc. rel. p. 98 à 100. 758, 759. 20 Apul. Met. VIII, 25. 21 Lucian. De dea 41.. 42, 43. Les galles d'Apulée 1. c. sont aussi sans exception des eunuques. BIBL1oGaxeme. V. celle de l'article cveEes. Ajoutez : Saumaise ad Tertull. De pallio (1656), p. 202; Georgius, Movers, Phoenizier, I (1841), p. 678-690; Baumstark, article Galli, dans Pauly, Magnae apud Romanos cultu, Lipsiae, 1886 ; Rapp. article Kybele (1893) dans GAR 4459 en avoir préparé de véritables boissons en le mélangeant avec de l'eau .(hydrogarum) 12 ou du vinaigre (oxygarum) 13_ L'alet; ou alex ou halex, que nous avons mentionné déjà, était le résidu des ingrédients dont on avait extrait le garum en le passant 1', mais on donnait le même nom à une espèce particulière de garum, faite avec du nonnat, des huîtres, des oursins, des acalèphes, des crevettes et des foies de rouget i5. On vantait partout les propriétés du garum comme excitant l'appétit et comme facilitant la digestion 16. Quelques médecins donnent même des recettes de garum médicinaux S7. C. M. guerre. Elle ne différait de l'arbalète à main [ARCUBALLISTA] que par ses dimensions et par son mécanisme : il était nécessaire pour la bander de l'appuyer fortement au corps (d'où lui venait son nom)1; mais son principe moteur n'était pas la torsion comme pour les grandes GAU aller à ce que je vais dire. Le jeune homme décidé à faire le sacrifice de sa virilité jette bas ses vêtements, s'avance au milieu de l'assemblée en poussant de grands cris, saisit un glaive, réservé, je crois, pour cet usage depuis de longues années, se châtre lui-même et court par toute la ville tenant en main ce qu'il a coupé. La maison, quelle qu'elle soit, où il jette ce qu'il tenait, lui fournit des habits et des vêtements de femme. » Ces Galles avaient aussi un mode de sépulture particulier. Quand l'un d'eux mourait, ses confrères l'enlevaient et le portaient dans un des faubourgs ; là ils le déposaient avec la civière sur laquelle il avait été porté, le couvraient de pierres et s'en allaient. Ils ne pouvaient rentrer dans le temple qu'au bout de sept jours. On ne connaît aucune inscription qui mentionne des galles de la Déesse Syrienne. Peut-être le culte de cette divinité sémitique, moins prêt aux concessions que le culte phrygien, eût-il par là même moins de succès en Occident, lorsqu'il essaya de vivre à part. G. LAFAYE.