Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AGRIONIA

AGRIONIA (Agpiiéita). Fête bachique dont le nom indique le caractère sauvage. Elle paraît, en effet, avoir été célébrée dans tous les pays où était établi le culte de Dionysos surnommé ypiévioç (le cruel, le féroce) ou GourlQ2rç, ùJ.Iuéyo;, rép. ôto; (le mangeur de chair), et principalement en Béotie, d'où son usage se répandit dans les îles, dans le Péloponèse et dans le reste de la Grèce'. Les transports furieux des bacchantes courant dans les montagnes, déchirant et dévorant les bêtes des forêts, et le sacrifice réel ou simulé d'un jeune garçon, sont partout les traits saillants de cette fête. Ces rites sanglants devaient rappeler le mythe de Dionysos mis en pièces par les Titans, et ce mythe n'était lui-même que le symbole de la mort apparente de la nature pendant les mois de l'hiver. Les pratiques de ce culte ne s'adoucirent que tard. Longtemps on sacrifia à Dionysos Agrionios des victimes humaines 2 ; à Chios 3, à Lesbos un homme ou un enfant était en réalité mis à mort et déchiré ; ailleurs on substitua des animaux aux victimes plus nobles qui étaient précédemment dévouées à la mort, comme à Potniae, en Béotie', à Ténédos a, en Crète' et dans d'autres villes ou pays où l'on devine facilement que les mêmes pratiques avaient eu cours, à travers les légendes qui voilèrent, lorsque la religion fut devenue moins barbare, ce qu'elles offraient de repoussant. Ainsi, à Orchomène, en Béotie, où le culte de Dionysos Agrionios sen dite avoir eu dans une antiquité reculée son principal foyer, on racontait que les filles de Minyas, ancien roi de la contrée, ayant refusé de se joindre aux autres femmes qui célébraient dans les montagnes les orgies du dieu, avaient été jetées par lui dans un délire furieux et avaient dévoré le fils de l'une d'entre elles a. Les descendants de la race de Minyas expiaient chaque année ce crime, le jour de l'Agrionie. Les hommes ne prenaient aucune part à la fête ; mais le nom qu'on leur donnait (iVondetç, couverts de suie) prouve qu'ils portaient les signes extérieurs d'un deuil profond. Les femmes étaient appetées'Oreèat ou'Oàoai (les malfaisantes), ou peut-être AL. àr7at (les Éoliennes) Plutarque rapporte " 0 qu'elles se rassemblaient, le jour de la fête, auprès du temple, d'où le prêtre de Dionysos sortait une épée nue à la main et se mettait à les poursuivre, ayant le droit de tuer celle quit pouvait atteindre. Cette partie de la fête est représentée sur un vase peint (fig.l89) où, après une discussion approfondie, de savants antiquaires se sont accordés à la reconnaître ".Au temps de Plutarque ", il arriva qu'un prêtre nommé Zoïtos tua effectivement une femme qu'il avait saisie ; sa rnort, qui suivit de près, et des adversités de toute espèce qui accablèrent la ville, avertirent le peuple que cet acte barbare n'avait pas été agréable au dieu. L'hérédité du sacerdoce fut abolie et un nouveau prêtre fut nommé par élection. Le même historien complète13 les notions que nous possédons sur la manière de célébrer l'Agrionia à Orchomène, en nous apprenant que les femmes faisaient semblant de chercher Dionysos, puis revenaient en disant qu'il s'était enfui et caché parmi les Muses. Elles prenaient ensuite en commun un repas, à la fin duquel elles se proposaient l'une à l'autre à résoudre des énigmes et des graphes Humus]. Nous retrouvons une fête du même nom, avec des traditions analogues, à Thèbes, où Hésychius 16 nous apprend qu'elle était l'occasion d'un concours ('r 'iv), et à Argos, où on la célébrait par des cérémonies funèbres (vExill ta). On peut, d'après les récits qui se rapportent aux fêtes de Dionysos à Sicyone et dans d'autres villes, rattacher ces t'êtes à celle qui portait le nom d'Agrionia. E. SAGLIO.