Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HELIAEA

IIELIAEA ('ll),ta(«). Le mot ~ac«l«, dans le langage courant des Athéniens, désignait tantôt l'ensemble des juges qui étaient appelés à statuer sur une affaire, tantôt le lieu dans lequel se réunissaient ces juges'. Si l'on connaissait bien l'étymologie de ce mot, on arriverait peut-être à déterminer quelle est la plus ancienne des deux acceptions. Mais les philologues modernes, pas plus que les philologues anciens, n'ont encore réussi à s'entendre2. Les uns font venir le mot de iacoq, soleil: l'héliée est un tribunal qui siège en plein air (iJit ;Opov), dans un lieu éclairé par le soleil. D'autres le rattachent à l'idée d'assemblée ()(a, «),iCsty, xa(~EGOat) 3. Quelques rhéteurs anciens indiquaient déjà les deux étymologies sans oser faire un choix entre elles'. Récemment M. Curt Wachsmuth s'est demandé si la vraie forme du mot ne serait pas ;lac«(« et si elle ne pourrait pas être rattachée à "IDeq et à Eaoq. L'É1iée (et non plus l'Héliée) serait alors le tribunal qui siège dans un bas-fond, Tb Scx«GTrlpcov iv xo(Âtx1 Ttvi Td tc , le tribunal d'en bas, Tb xc rw, par opposition au tribunal qui siège sur une hauteur, Ev ûYTIaU, ),dYGI, l'Aréopage, le tribunal d'en haut, Tb vw, Tb éaxvw OCY.aGTilptOY 5. L'héliée, avons-nous dit, est un tribunal. A première HEL vue, il semblerait plus naturel que l'-rc«la d'Athènes eût été, comme l'ala ou ?,t«(a des cités doriennes, l'assemblée du peuple. Plusieurs conjectures ont été émises pour rattacher le plus important des tribunaux de l'époque classique, l'-;jaca(a du v° et du ive siècle, à une -l),taix plus ancienne, qui aurait été l'assemblée du peuple. Cette dernière, par exemple, aurait donné son nom au lieu où elle siégeait habituellement sur l'ancienne Agora. Lorsqu'elle se déplaça pour aller siéger sur le Pnyx, le lieu par elle abandonné garda son nom et le transmit au tribunal qui vint s'y établir. Il n'y a rien qui confirme ces suppositions; des faits bien observés leur sont même défavorables. Quelque opinion que l'on ait d'ailleurs sur ces questions de nom ou d'étymologie, à l'époque classique, l'héliée était très distincte de l'assemblée ou EKKLESIA. Mais il est bien probable que, à l'origine, la distinction était moins sensible : le tribunal n'était, suivant toute vraisemblance, qu'une délégation de l'assemblée. D'après la constitution de Solon, l'assemblée du. peuple est appelée non seulement à voter les lois organiques et à délibérer sur la paix ou la guerre, mais encore à statuer sur toutes les questions qui se rattachent à la responsabilité des magistrats. A ce point de vue, elle joue le rôle de cour suprême et peut être appelée à reviser les décisions que les intéressés soumettent à son contrôle. Seulement cet office de cour suprême ne sera pas rempli par le peuple tout entier ; il sera confié à une délégation d'hommes mûrs, élus par l'assemblée et assermentés. Ces délégués de l'assemblée, constitués en tribunal, prononceront en son nom le jugement définitif. L'appel étant devenu de plus en plus fréquent, le rôle des magistrats se borna peu à peu à l'instruction des procès; le jugement fut rendu par les citoyens qui avaient prêté serment de bien rendre la justice, les jurés, les (I)p.op.0y.o'rEq G. L'héliée se rattachait par tant de liens à l'assemblée du peuple que, même au Ive siècle, à une époque où toute confusion était impossible entre les deux pouvoirs, il arrivait aux orateurs, devant un tribunal d'héhastes, de parler comme ils auraient pu le faire devant le peuple réuni en EKKLESIA. « Vous m'avez élu, citoyens juges, d'abord phylarque, puis hipparque 7. » Or il est bien évident que ce n'étaient pas les juges qui nommaient aux fonctions militaires; stratèges, taxiarques, hipparques, phylarques,... étaient choisis par le peuple votant à mains levées 3. De même, ce n'est pas aux juges que. Démosthène s'adresse, c'est aux membres de l'assemblée, lorsque, devant des héliastes, il dit : « Les rapports des ambassadeurs sont la base de vos délibérations°.... Eschine, dans son ambassade, ne s'est pas conformé à vos instructions10. » On pourrait multiplier les exemples". L'héliée était de beaucoup le plus important des tribunaux populaires d'Athènes; c'était le tribunal par excellence, x«T' oz.ily, si bien que les deux mots juge et 'f 1C HEL ,9 IIEL héliaste étaient à peu près synonymes. Le vieux Philocléon, que le hasard appelait à siéger aussi bien dans le I:atvdv que dans l'héliée, se qualifiait d'héliaste et portait ce titre dans son entourage 2. Le fait de rendre la justice, en quelque lieu que ce fC1t, était exprimé par ;jaeerOat 3, et le salaire des juges était quelquefois appelé 1'-lacae-rcxbs N.teOiç Cette identification est très ancienne ; car une vieille loi de Solon, dont Lysias nous a conservé le texte original, parle d'un emprisonnement de cinq jours qui peut être prononcé à titre de peine supplémentaire par les juges : v 7rpocTtjarlar Ÿi)Ata(a 5. Mais, en prenant le mot dans un sens strict, par opposition à d'autres tribunaux dans lesquels se réunissaient également les ôtxxrTa(, le IIapk uc'rov, le Trfywvov, le BITp27toûv, le Potvtxtoûv, etc., l'héliée est, comme le dit Pausanias, le plus grand des tribunaux, celui dans lequel on réunit les juges lorsqu'ils doivent être très nombreux 6, grâce à la réunion de plusieurs sections, par exemple au nombre de mille ou de quinze cents 7. Dans quelle partie d'Athènes se trouvait l'héliée, on ne peut pas le dire avec certitude. Il est toutefois probable que, comme presque tous les autres tribunaux, elle était dans le voisinage de l'Agora. C'est par erreur que quelques historiens ont donné aux héliastes comme lieu de réunion le Thesmothesion. On trouve bien, il est vrai, dans un traité conclu, en 4)16-445, avec Chalcis 8, la mention d'une ii),ta(a Twv Ocelt.oOOTwv, devant laquelle devront être portés les appels des jugements rendus à Chalcis. Antiphon parle aussi d'une OerN.oAsTâiv 7ntax;i °. Mais ces textes visent incontestablement le tribunal des héliastes, siégeant sous la présidence des Thesmothètes, sans faire allusion au lieu où il se réunissait 10. On peut en dire autant du itxa errlptov Ttitv OeeµoOé'rwv dont parle Andocide 11. On a dit que l'Aréopage était le seul tribunal dans lequel la justice était rendue en plein air, u,cb T û ~),iw 12 Mais il semble bien que les juges, lorsqu'ils étaient réunis dans l'héliée, siégeaient à ciel ouvert. Ce ne doit pas être sans motifs que les grammairiens anciens ont pu voir une corrélation entre ii),ta(x, et i)Ato;, et qu'ils ont qualifié d'ii7ra:Opov le lieu où siégeaient les héliastes. Aurait-on pu d'ailleurs trouver dans la ville un lieu clos dans lequel place aurait été faite à quinze cents juges siégeant simultanément? C'est parce que les membres de l'héliée, comme les membres de l'assemblée, siégeaient en plein air, que l'on observait, les jours d'audience, si les pronostics célestes, les ôcoe7)lt.e(a, étaient favorables ou défavorables, et que, lorsqu'ils étaient mauvais, on congédiait les juges f3. On a bien cru trouver, dans un discours d'Antiphon, la preuve que les héliastes ne siégeaient pas à l'air libre. L'orateur, qui parle devant des juges, reproche à son adversaire d'avoir commis une grave irrégularité en n'observant pas la loi d'après laquelle, dans les procès d'homicide, l'accusateur ne doit pas se trouver sous le même toit que le meurtrier 14. Mais il n'est pas certain que le discours ait été prononcé dans l'héliée ; il est possible que le procès à l'occasion duquel le discours a été composé ftît jugé dans le IIapeuo-zov, qui existait déjà au temps