Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HERCULES

HERCULES (`Hpitate7;). Comme la plupart des noms de dieux ou de héros, celui d'Héraclès est un problème. Et tout d'abord, c'est une question de savoir s'il faut y reconnaître le nom même du héros, ou un surnom qui recouvre une appellation primitive. S'il faut en croire Diodore de Sicile et Apollodore, le nom véritable serait 'A),xalo;, auquel la Pythie ou les Argiens ont substitué celui d'Héraclès, qui a prévalu'. On peut remarquer qu'Alcée rappelle Alcmène, le nom de la mère du héros, que le père d'Amphitryon s'appelait de même, et qu'enfin Héraclès a continué, dans la littérature, à porter le nom d"A),xaB , qui en est une variante 2. Primitif ou non, que signifie le nom d'Héraclès etd'oil provient-il'? Les anciens l'ont interprété comme l'équivalent de "IIPx; xno;, « la gloire de Iléra ». Dans quel sens entendre cette étymologie? Q-t ii" "Hp et :1cja xÀ.io;, dit Diodore, ce qu'il commente ainsi : le héros, ayant étranglé dès le berceau les serpents que la déesse envoya HER î9 HER pour l'étouffer, c'est à la déesse elle-même, par voie de conséquence, qu'il dut sa gloire '. Les modernes qui sont restés fidèles à cette explication laborieuse, cherchent du moins à donner à l'étymologie un sens plus acceptable. Pour Preller, Féraclès, persécuté par Héra, reste néanmoins respectueux envers elle et fidèle à ses ordres, de telle sorte que ses exploits servent à glorifier la déesse qui, en retour, lui procurera l'apothéose après ses épreuves 2. De. même, pour M. de Wilamowitz, Héraclès est « la gloire d'Héra », en ce sens qu'il a illustré la déesse nationale d'Argos, c'est-à-dire en définitive Argos même : interprétation qui est d'accord avec sa théorie sur l'origine argienne du nom et des légendes principales d'Héraclès 3. D'après une autre théorie, `Hçax),-ric ne serait que la forme masculine d"'Ilea, et cette étymologie est liée à une conception particulière des rapports entre les deux divinités' On a fait remarquer, d'autre part, qu'il n'est point nécessaire d'identifier les deux premières syllabes d'Héraclès avec la déesse Héra ; elles peuvent faire penser aussi au radical de po , 6, qui comporte lui-même diverses dérivations [IiEnosj. Le sanscrit svar signifie « le soleil, le ciel lumineux » ; le zend ilvare, « le soleil » ; de telle sorte que le composé Héraclès pourrait s'entendre : « le glorieux du soleil » ou « du ciel lumineux ». On peut encore rapprocher de -7iac»5 et de la première partie du nom d'Héraclès le sanscrit scira, « force, vigueur ». Et cette dernière hypothèse aurait un caractère d'autant plus spécieux qu'lphiclès, le frère jumeau d'Héraclès, et manifestement son doublet dans la légende, où il s'est effacé devant lui, a sans aucun doute possible le sens de « glorieux par la force, par la vigueur ». Iphiclès et Héraclès seraient donc synonymes et tireraient leur nom de la vigueur qui est leur principal attribut Il est inutile de rappeler ici les essais d'explication qui semblent aujourd'hui abandonnés Mais nous devons encore faire mention de certaines étymologies qu'ont imaginées les partisans de l'origine sémitique, comme celle de Héraclès Ilarokel (le voyageur) ou Arkhal (le fort vainc) Nous ne saurions y voir que de vaines analogies. Quelle que soit la nationalité primitive d'Héraclès, il ne semble guère possible de contester la physionomie franchement grecque de son nom. d'étymologies répond à l'incertitude où l'on est sur le caractère primitif et l'origine du personnage et de la légende d'Héraclès. Il n'entre pas dans le cadre de cette étude d'entreprendre l'exposé des systèmes entre lesquels les savants sont partagés, encore moins d'en faire la critique. Il suffira de quelques indications très sommaires. Nous ne dirons rien du rapprochement qu'llérodote et, beaucoup plus tard, Diodore de Sicile ont fait entre Héraclès et une divinité analogue qu'ils attribuent au panthéon égyptien9. Les modernes ont renoncé à chercher dans cette voie les origines du héros grec. Ses attaches avec Sandon, divinité solaire assyrienne, phénicienne ou plus probablement cilicienne 10, introduite plus tard en Lydie, sont également fort hypothétiques, et, en tous cas, il semble qu'il faille écarter toute idée de filiation de l'un à l'autre". Les analogies avec Melkart, le dieu phénicien, sont beaucoup plus sensibles. Fondateur de Tyr et seigneur de la ville, Melkart est sans doute une des formes du Dieu-Fils des Phéniciens ; c'est « le dieu fort qui parcourt la terre, domptant les fauves et civilisant les hommes, le dieu savant qui découvre et enseigne les arts utiles, le voyageur et le marin qui va fondant les colonies" ». Son culte fut tout naturellement transporté dans les établissements que les Tyriens semèrent dans la Méditerranée et en Grèce même. Les Grecs, en contact avec eux, apprirent par eux à connaître Melkart ; ils remarquèrent les rapports qui l'unissaient à leur Héraclès, ils les identifièrent. Sur un point au moins, cette assimilation nous est attestée par un témoignage formel. Pausanias parle d'un Iléracléion à Erythrae, où l'on aurait adoré une antique idole phénicienne, venue miraculeusement de Tyr par mer13. Le renseignement qu'on trouve dans Hérodote1l et, sans doute d'après lui, dans Pausanias', sur l'existence d'un sanctuaire d'IIéraclès tyrien à Thasos est beaucoup moins concluant, et paraît même prouver que ce n'est pas le Melkart tyrien qui était adoré à Thasos, puisqu'on trouvait à Tyr même un sanctuaire de l'Héraclès thasien, ce qui indique que celui-ci était distinct de la divinité poliade 1f. On peut croire aussi que les Grecs firent passer dans la légende d'Héraclès bien des traits qu'ils empruntèrent à celle de Melkart. Mais sur l'importance de ces emprunts les érudits sont loin de s'accorder : tel mythe qui semble aux uns d'origine authentiquement phénicienne a pour les autres un caractère hellénique indéniable. En tous cas, même si quelques adaptations sont plausibles, il ne s'ensuit nullement que, comme on l'a soutenu1T, la légende tout entière d'Héraclès sur le sol grec soit, dans ses grandes lignes et dans son essence même, un simple ressouvenir de la légende tyrienne. On peut même dire que l'identification faite par les Grecs d'Héraclès et de Melkart ne serait pas, à elle seule, une preuve décisive de la parenté qui unissait les deux divinités. L'histoire est pleine d'identifications semblables imaginées par les anciens entre des dieux nationaux et des dieux étrangers, IIER -80FIER et la science moderne est en mesure de démontrer que beaucoup d'entre elles ne reposent que sur des analogies très superficielles'. L'école de Kuhn et de Max Müller a naturellement cherché des analogies à Iléraclès dans les religions indoeuropéennes; on l'a comparé, par exemple, aux divinités hindoues Indra et Krichna, au ThÔr des Germains, qui sont ses parallèles à bien des égards, qui ont, comme lui, pour qualités distinctives, la force, le courage héroïque; plusieurs de leurs exploits aussi ont une singulière ressemblance'. Héraclès serait un dieu-héros préhellénique, antérieur à la dispersion des peuples de la famille aryenne; son histoire a pris ensuite chez les Grecs une couleur locale et un développement particulier, et s'est mêlée de quelques éléments orientaux. Mais son caractère est essentiellement et originairement naturaliste. Héraclès, le fort, le dompteur des monstres, le pacificateur du monde, c'est le Soleil, qui triomphe des ténèbres sous toutes leurs formes, de l'hiver, de la tempête et des nuages qui troublent le ciel, des rivières grossies et débordantes, des marais qui infectent l'air, etc. Sans vouloir discuter cette théorie, nous rappellerons que l'ensemble du système auquel elle se rattache, après avoir eu depuis le milieu du siècle une vogue extraordinaire, est de nos jours très vivement contesté'. Enfin l'opinion qui voit dans Héraclès un héros purement grec, et particulièrement dorien, a trouvé dans O. Müller et plus récemment dans M. de Wilamowitz des partisans décidés et éloquents'. Pour ce dernier, les mythes fondamentaux ont tous pris naissance parmi les populations qui se rattachent à la souche dorienne, Thessaliens, Béotiens, Argiens. Héraclès a ensuite suivi les émigrants doriens en Asie et en Afrique, à Cos, à Rhodes, à Cyrène, en Sicile et dans la Grande-Grèce, d'où un écho de sa légende est parvenu jusqu'à Rome (épisode de Cacus). Mais même dans ces contrées lointaines, où sa légende continue à se développer, c'est l'élément grec qui est le seul vivace et fécond; l'apport extérieur est insignifiant. Dès le principe, Iléraclès est la personnification de ln race dorienne. C'est le héros national, qui fraye le ~, chemin à son peuple. Il réunit en lui les plus hautes qualités d'endurance, de courage et d'énergie. Ses exploits les plus significatifs n'ont été imaginés que pour le mettre aux prises avec les obstacles les plus redoutables que l'homme puisse rencontrer. L'immortalité qui lui est réservée est la juste récompense de ses efforts. Soumis aux plus rudes épreuves de la vie terrestre, il mérite l'Olympe par son abnégation et sa vertu. Tous ces traits, où se reflète une conception érninemment dorienne, sont pourtant d'une portée assez générale pour qu'IIéraclès ait pu devenir l'idéal de l'hellénisme, puis celui de l'humanité tout entière. Quoi qu'il en soit de cette question relative aux ori Bines et à la signification originelle de la légende, question où, comme on le voit, l'accord est loin d'être fait, ce que l'on constate tout d'abord, quand on aborde l'étude de l'Héraclès hellénique, c'est l'extraordinaire richesse de ses aventures. A cet égard, il n'est point de héros, il n'est pas même de dieu dont l'histoire puisse être comparée à la sienne. Les anciens, frappés comme nous de la multiplicité et de la variété de ses exploits, avaient déjà supposé l'existence de plusieurs héros ou dieux de ce nom, plus tard identifiés en un personnage unique qui a recueilli l'héritage de chacun d'eux. Hérodote distinguait le dieu égyptien du héros grec 5; Diodose compte trois Iléraclès 5 ; Cicéron six' ; Varron quarante-six 8 ; Servius, qui rapporte cette opinion, réduit le nombre à quatre. IL est clair que tous ces chiffres sont arbitraires. Mais il semble que nous puissions distinguer, sur plusieurs points du territoire grec, des groupes de légendes d'un caractère nettement local et qui paraissent, pour une bonne part tout au moins, s'être développés indépendamment les uns des autres. Les Héraclès thébain et argien passaient, chez les anciens, pour les plus anciens A. A Thèbes et en Béotie, on plaçait l'enfance et quelques exploits du héros relatifs soit à sa jeunesse, soit à des événements de l'histoire nationale. En Argolide, il avait servi auprès d'Eurysthée : c'est la contrée d'où il rayonne pour accomplir ceux de ses exploits qui figurèrent plus tard dans le cycle de ses douze travaux. Mais parmi ces travaux, il en est deux seulement, le lion de Némée et l'hydre de Lerne, qui aient pour scène l'Argolide elle-même ; trois autres, les oiseaux de Stymphale, la biche Cérynite et le sanglier d'l rymanthe, se passent en Arcadie : il est difficile de contester qu'ils y aient pris naissance, pour venir plus tardivement grossir le cycle d'Argos 10; un sixième, les écuries d'Augias, se rattache de même à des légendes propres à l'Élide1l. Quant aux six autres, c'est aussi une question de savoir où il faut chercher leur contrée d'origine t'. Dans le Péloponnèse se placent encore quelques expéditions (contre Pylos, contre Lacédémone), qui sont indépendantes de la tradition argienne et se rattachent à la conquête des Doriens. La région qui avoisine l'OEta a été également le théâtre d'un cycle important d'aventures, distinct des précédents, et où O. Müller voyait sans doute à tort le noyau primitif de toute la légende 13; Héraclès y apparaît surtout comme héros guerrier et conquérant (relations avec les rois A gimios et Céyx de Trachis, Cycnos, prise d'OEchalie, etc.) : c'est aussi sur l'OEta qu'était localisée l'unique tradition relative à sa mort'''. L'Attique, où la légende a pénétré par Marathon et la tétrapole dorienne, n'a guère fourni, comme trait original, que l'amitié de Thésée et d'Héraclès. L'Itolie en revanche a donné naissance à une série d'aventures, où figurent Achéloos, Oineus, Déjanire, HER 84 IIER Nessos 1 ; en Thesprotie, les traditions mentionnaient l'expédition contre Ephyra. La Crète, les colonies grecques d'Asie, de la Grande Grèce, de la Sicile et d'ailleurs ont enfin apporté leur contingent propre à ces légendes, soient qu'elles aient développé spontanément chez elles le thème national, soit qu'elles aient surajouté au fonds commun des récits exotiques relatifs à des divinités similaires, asiatiques, africaines, celtiques, scythes. C'est de ces différents éléments que s'est constitué un ensemble très composite, où la critique s'essaye avec bien des difficultés à distinguer ce qui est vraiment primitif et indigène. Dans ce travail de fusion, les relations de peuple à peuple ont été sans aucun doute un facteur très actif ; mais il faut aussi faire la part de la littérature, poésie, histoire et philosophie, et du syncrétisme des époques érudites. Avant d'exposer la suite des aventures que la légende, une fois systématisée par les mythographes, attribue à Héraclès, rappelons encore, en quelques mots, comment elle s'est développée dans la littérature. Chez Homère, quelques traits essentiels apparaissent déjà. L'Iliade connaît l'intimité du héros avec Athéné 2, la haine de Héra qui influe sur toute sa destinée la servitude chez Eurysthée qui lui impose comme épreuve l'enlèvement de Cerbère 4, le combat avec un monstre marin devant Troie', l'expédition contre Ilion', contre Pylos' et contre Ephyra 8 ; l'Odyssée ajoute le meurtre d'Iphitos 9 : on y trouve aussi la première mention de son immortalité et de son union avec Hébé dans l'Olympe1o La Théogonie d'Hésiode reste fidèle à ces données ; elle mentionne en outre le combat contre le lion de Némée et contre l'hydre de Lerne 11, l'expédition contre Géryon 12, les pommes des Hespérides S3, la délivrance de Prométhée 1'. Le Bouclier d'Héraclès est, comme on sait, spécialement consacré au combat du héros contre Cycnos15, épisode qui est un prétexte à la longue description du bouclier; on y trouve aussi la mention incidente de l'expédition contre Pylos". Nous connaissons fort mal les autres poèmes hésiodiques ou ceux du cycle épique : les Noces de Céyx, l'2Egimios, attribué tantôt à Kercops de Milet, tantôt à Hésiode : ce ne sont pour nous que des noms, comme la Prise d'OF]chalia ou Héraclée, qu'on donnait sous le nom de Créophyle de Samos" : on entrevoit seulement que ces poèmes s'inspiraient de légende oetéenne, et on a fait la même conjecture pour une autre Héraclée du Spartiate Kinaethon'o. Nous avons un peu plus de renseignements sur l'11éra V. clée de Pisandre, composée soit dans la seconde moitié du yua siècle 20, soit plutôt au vie 21. Pisandre était Rhodien. Les traditions qui rattachaient Héraclès à Rhodes, la patrie du poète, expliquent peut-être le choix de son sujet. Un des premiers, le premier sans doute, Pisandre entreprit de raconter, non plus un seul des épisodes de la vie d Héraclès, comme avaient fait les petits poèmes hésiodiques, mais la série complète de ses exploits". Mais c'est par une conjecture absolument gratuite que Welelcer lui attribue la première idée du cycle des douze travaux 23. C'est lui, dit-on, qui imagina aussi de représenter le héros, non plus sous l'équipement ordinaire des guerriers, mais avec un des insignes qui sont devenus traditionnels, la massue 21. Mais on attribue d'autre part cette innovation à d'autres, par exemple à Stésichore", qui, dans plusieurs de ses grands hymnes mythologiques, retraça quelques épisodes détachés de la légende 26 [section VIII]. Le poète Panyasis, un Ionien d'Halicarnasse, qui vivait au ve siècle, reprit, dans un long poème qui ne comptait pas moins de quatorze livres et de neuf mille vers, le récit de la vie complète du héros : vaste composition, intitulée Héraclée elle aussi, qui devait réunir à peu près toutes les aventures importantes ainsi que d'autres jusqu'alors moins célèbres 27. Vers le même temps, la légende héracléenne prenait une place considérable dans les écrits des premiers logographes, surtout, paraît-il, dans l'ouvrage de Phérécyde de Léros23, ainsi que dans une Iléracléide d'llérodore 2s On peut considérer qu'à partir de ce moment la légende est constituée dans la littérature, et nous n'avons pas à. suivre, dans les auteurs postérieurs, tous les récits ni surtout les innombrables allusions qui s'y rattachent". Les oeuvres littéraires, comme les monuments figurés, nous montrent qu'Ilèraclès est resté un des types les plus populaires de la mythologie. La tragédie, la comédie, le drame satyrique le mettent constamment en scène31 ; les philosophes cherchent dans sa légende une thèse morale32. A l'époque alexandrine, elle est chez les poètes un des thèmes préférés 33 Nous devons une mention spéciale au mythographe Apollodore 36 et à Diodore de Sicile 35, qui restent pour nous les sources les plus complètes. L'ordre que nous adopterons, comme la plupart des mythologues modernes, est emprunté, pour l'essentiel, à ces deux auteurs. Ce n'est pas qu'il ne soit artificiel au premier chef; mais c'est une classification commode et claire, qui ne présup 11 IIER 82 IIER pose aucune thèse sur la genèse des différents mythes. II. LÉGENDE THÉBAINE. Naissance. Héraclès est né des amours de Zeus et d'Alcmène, femme d'Amphitryon : fable célèbre (lue connaissent déjà les poèmes homériques'. Alcmène, comme Amphitryon, descend de Persée , le fils de Zeus et de Danaé, devenu roi de Tirynthe et de Mycènes, et ainsi c'est à Zeus encore qu'Iléraclès se rattachait par sa mère2. L'a-t-on considéré quelquefois comme fils d'Amphitryon lui-même ? Cela n'est pas certain, car les désignations d'Anlphitryoniadès, de « fils d'Amphitryon » lui sont appliquées même parles auteurs qui admettent d'ailleurs l'union de Zeus et d'Alcmène3. En tous les cas, c'est cette dernière tradition qui a prévalu. On a précisé les circonstances 4. Amphitryon, exilé de l'Argolide à la suite du meurtre involontaire de son beau-frère Électryon, se réfugie à Thèbes avec Alcmène. C'est pendant une expédition d'Amphitryon contre les Taphiens ou Téléboens que Zeus se présente auprès d'elle sous les traits de son époux 5, lui offrant un collier qui est censé provenir de son butin et qui est un gage de sa victoire 6. Il prolonge son séjour auprès d'elle pendant une nuit dont il triple la durée'. Après son départ, et pendant la même nuit, Amphitryon en personne revient auprès d'Alcmène et s'unit à son tour à elle. Des premiers embrassements devait naître Héraclès, des seconds Iphiclès. Cette légende donne lieu à différentes remarques. Les noms d'Alcmène, d'Amphitryon, qui est lui-même fils d'Alcaeos, d'Iphiclès, impliquent tous l'idée de force, de vigueur ; ils traduisent donc une des qualités essentielles d'Héraclès, dont le nom même a peut-être le même sens'. D'autre part, Persée est considéré quelquefois comme un héros solaire; le père d'Alcmène s'appelle aussi lslectryon, le brillant. On trouverait donc déjà dans cette généalogie les éléments qui sont, d'après la plupart des critiques, constitutifs du personnage d'Héraclès. En second lieu, il semble qu'il y ait là trace d'une fusion entre une version argienne et une version thébaine. Amphitryon paraît être un héros originairement béotiens ; il est le père d'Iphiclès, qui est sans doute lHéraclès béotien et qui s'est effacé plus tard devant celui de Tirynthe, fils de Zeus et d'Alcmène. Les Doriens d'Argos avaient rattaché Héraclès au sang de Persée pour justifier leurs prétentions à la possession de l'Argolide: ils ne peuvent le faire descendre de Persée que par sa mère Alcmène, puisqu'il a Zeus pour père. C'est ce héros tirynthien que les Béotiens, peut-être par un emprunt de poème à poème, transportent chez eux ils le substituent à leur Héraclès national, qui était chez eux fils d'Amphitryon, héros indigène. Cette combinaison des deux légendes se trahit, dans la nouvelle version, par deux traits: la généalogie nouvelle imposée à Amphitryon, qu'on supposa originaire d'Argolide, mais exilé à Thèbes, et la fable immorale de la double union, presque simultanée, d'Alcmène avec Zeus et avec Amphitryon10. Quant à l'Iléraclès béotien lui-même, il n'a pas disparu; il survit en Iphiclès, le fils d'Amphitryon, personnage éclipsé par son glorieux doublet, Héraclès. En effet, non seulement on retrouve peut-être les mêmes éléments dans les deux noms" ; mais d'autres traits montrent en eux des figures parallèles: ils sont braves tous deux ; on voit Iphiclès associé à quelques-uns des exploits de son frère divin, il épouse la plus jeune fille du roi Créon, et Héraclès l'aînée ; il est, comme lui, pendant un temps, au service d'Eurysthée ; enfin il est le père d'Iolaos, le fidèle compagnon du héros". Au surplus, la naissance d'Héraclès, fixée par la grande généralité des témoignages, à Thèbes, est supposée, par d'autres traditions, avoir eu lieu à Tirynthe même '3 : c'est une survivance de cette autre tradition, sans doute plus ancienne, qu'on trouve dans l'épithète de 1 irynthüls donnée quelquefois à Hercule parles poètes latins'". Les circonstances de la naissance du héros indiquent aussi une influence de la tradition argienne. Nous y voyons en effet intervenir Héra, dont la haine envers lui paraît d'un caractère nettement argien [section III]. Cette haine se manifeste dès avant la naissance. D'après le récit de l'Iliade, au moment où Alcmène va être prise des douleurs de l'accouchement, Zens annonce à l'assemblée des dieux qu'il va naître de lui, en ce jour même, un rejeton qui sera le maître de tous les Argiens et de tous les descendants de Persée. Héra, qui a son plan de vengeance, lui fait confirmer cette prophétie par un serment solennel; puis elle vole en Argolide, où elle hàte l'accouchement de la femme de Sthénélos, un descendant, lui aussi, de Persée à la troisième génération et par conséquent de Zeus : celle-ci met au monde un fils qu'elle portait depuis sept mois. Puis Aéra retarde les couches d'Alcmène. Zeus est lié par son serment : c'est Eurysthée qui en bénéficiera, et Héraclès, pour remplir la prophétie, servira auprès de lui '5. IIER -g3HER Enfance et jeunesse. C'est encore Véra qui envoie deux serpents pour étouffer lléraclès dans son berceau', mythe où l'on a pu reconnaître une variante thébaine de l'hydre de Lerne et l'image du premier triomphe du soleil, à son lever, sur les ténèbres de la nuite, ou qui est peut-être né, plus simplement, comme on l'a expliqué avec ingéniosité, d'une interprétation de certaines images égyptiennes 3. On sait comment Pindare et Théocrite ont illustré cette fable dans de très beaux vers 4. Le devin Tirésias, appelé en consultation après l'exploit du jeune enfant, prédit ses destinées glorieuses. L'art à son tour s'est emparé de ce motif, mais seulement à partir du ve siècle et l'a fréquemment représenté sous diverses formes. On le trouve par exemple sur un beau vase attique de style sévère, où Alcmène emporte Iphiclès dans ses bras. Ce même motif avait inspiré le peintre Zeuxis dans un tableau dont Pline nous a conservé la description 6 ; d'après ces indications, on a pensé reconnaître une imitation du tableau de Zeuxis sur une hydrie de beau style, qui a appartenu à la collection Castellani; Alcmène effrayée s'enfuit; Iphiclès tend les bras; lléraclès, couché à côté de lui sur une klinè, étouffe un des monstres dans chaque main ; Athéna assiste à la scène 7. Sur les monnaies de Thèbes du ve et du ive siècle, Héraclès est seul, soit accroupi, soit agenouillé, étouffant de même les serpents dans ses mains (fig. 3753)8; un motif semblable se retrouve sur des monnaies de différentes villes, surtout dans les îles de l'Asie Mineure C'est aussi celui d'un joli bronze d'Herculanum, conçu dans l'esprit des sujets de genre de l'époque alexandrine, comme l'Enfant à l'oie : Héraclès enfant, dans la posture agenouillée, étrangle les serpents : il repose sur une base où sont représentés huit de ses travaux u. Citons encore un miroir corinthien du ive siècle 11 ; enfin, à l'époque romaine, une peinture d'llerculanum 12 et une patère du trésor d'Hildesheim (t. IeL, fig. 974). On imagina, mais à une époque relativement récente, qu'Héraclès avait été allaité, mais seulement pendant quelques instants, par Héra elle-même, abusée par un complot de Zeus et d'Athéna. La scène se serait passée soit dans le voisinage de Thèbes13, soit près d'Argosf8, soit dans l'Olympe, ou hermès aurait porté le nourrisson à Héra pendant son sommeil ; mais la déesse, à son réveil, aurait brusquement rejeté l'enfant, et du lait qui jaillit alors de son sein se serait formée la Voie Lactée'. Il semble que ce récit ait été forgé pour expliquer l'apothéose finale du héros, quelques gouttes du lait divin ayant suffi pour lui assurer l'immortalité. Et en effet, un miroirétrus que (fig. 3754) fait de l'Héraclès nourrisson un homme adulte et le suppose peut-être au terme de sa carrière terrestre 16. Homère ne sait encore rien de cette légende. C'est à Thèbes même que, d'après la grande généralité des légendes connues, se passent l'enfance et la jeunesse du héros. Comme Achille, qui fut confié aux leçons du centaure Chiron 17, Héraclès fut instruit dans la sagesse et la vertu par le pieux Rhadamanthe, et reçut des leçons de musique de Linos. Une coupe de Pistoxénos le représente se rendant à l'école du chantre, sous la conduite d'un pédagogue'. II est clair que cette tradition est d'origine très récente ; elle doit peut-être sa naissance à la comédie et au drame satyrique d'Athènes 19. Cette provenance s'accuse surtout dans le trait de brutalité attribué à Héraclès, qui assomme son maître d'un coup de cithare, de plectron, ou de chaise 20. Après ce meurtre, Amphitryon l'envoie sur le Cithéron. Il y vit parmi les bergers, comme Apollon chez Admète, et y développe ses forces au grand air. A dix-huit ans, il tue à la chasse un lion qui dévorait les troupeaux d'Amphitryon et de Thespios ou Thestios, le roi de Thes 'HER pies: aventure qui semble calquée sur celle du lion de Némée'. Tandis qu'il était l'hôte de Thespios, occupé à guetter le lion, il s'unit en une seule nuit aux cinquante filles du roi 2. On a interprété cet épisode d'une manière symbolique: les Thespiades, comme les cinquante filles d'Endymion et de Séléné à Élis, seraient une personnification des cinquante mois lunaires du cycle pentétérique des Erotidia àThespies, fêtes dont Héraclès fut considéré comme fondateur, et son union avec elles correspondrait à la division du temps, marquée à la fois par les révolutions de la lune et du soleil'. Nous croyons plutôt que cette fable est le souvenir, traduit en un langage populaire et grossier, d'une fusion entre deux nationalités à Thespies, où les familles nobles, les ôalt.oûzot, pré tendaient remonter à l'union des Thespiades et d'Héraclès'. Un autre exploit de l'Héraclès thébain est associé à des souvenirs historiques. Il s'agit de l'ancienne lutte de Thèbes contre lesMinyensd'Orchomène.Depuis une vingtaine d'années, Thèbes payait à Orchomène, en expiation d'un attentat commis aux jeux de Poseidon à Onchestos, un tribut annuel de cent boeufs. Héraclès retournait à Thèbes, paré de la dépouille du lion qu'il venait d'abattre, quand il rencontra le héraut du roi Erginos qui venait réclamer le tribut. Il lui coupa le nez et les oreilles5, et le renvoya les mains liées derrière le dos. Une guerre éclate: Amphitryon s'y distingue avec ses deux fils ; Héraclès, équipé par les mains d'Athéna, défait les Minyens et les soumet à un tribut double de celui qu'ils exigeaient '..D'après une autre version, il détruit la ville et brûle le palais d'Orchomène soit après une victoire, soit en provoquant une inondation du Copaïs, dont il bouche les dégagements 8, Amphitryon périt dans la guerre. Le roi de Thèbes Créon récompense les deux fils de son allié en leur donnant en mariage ses deux filles, l'aînée, Mégara, à Héraclès, la cadette, Pyrrha, à Iphiclès. HER Démence. La légende de lHéraclès thébain se termine par un accès de folie, qui lui est inspiré par Iléra et qui lui fait massacrer ses enfants à coups de flèches et de massue. Cet épisode a inspiré, comme on sait, la tragédie d'Héraclès furieux d'Euripide, qui d'ailleurs le place à une époque beaucoup plus avancée de la vie du héros, et qui tempère l'horreur du dénouement par l'intervention bienfaisante de Thésée. Les détails diffèrent suivant les versions 2. Dans Euripide, Amphitryon, dont la vie est prolongée jusqu'ici, échappe à la fureur d'Héraclès par la protection d'Athéna, qui arrête le héros en lui lançant une pierre en pleine poitrine 12 ; Mégara succombe avec ses trois fils. Dans tous les autres récits, la fureur d'Iéraclès n'atteint que ses enfants 11. Les représentations de cette scène ne semblent pas avoir été fréquentes : nous n'en connaissons qu'un exemple, celle du vase d'Astéas au 1v° siècle (fig. 3755), qui est conforme à une autre variante, rapportée parApollodorel2: Héraclès y brûle le mobilier de sa maison et va jeter dans les flammes un de ses fils ; Alc mène, Iolaos, Mania (la Folie) assistent à la scène ; Mégara s'échappe épouvantée. Faut-il voir dans cette fable, comme on l'a voulu, une image de l'action pernicieuse du soleil,qui brûle en été la végétation qu'il a fait éclore au printemps 13 ? Nous pensons que, loin de traduire une des idées fondamentales du mythe d'Iéraclès, cette légende, qui est d'un caractère particulier et qui détonne plutôt avec l'ensemble de ses aventures, est d'une invention assez tardive et n'a été imaginée que pour relier la jeunesse du héros à sa servitude auprès d'Eurysthée 1'. C'est en effet, à la suite de ce massacre, qu'Héraclès se rend auprès de la Pythie, qui, en manière d'expiation, l'envoie se mettre au service du roi de Tirynthe. Ici s'arrête le cycle thébain. Si l'on défalque les traits qui manifestement sont empruntés à Argos, ou ceux qui HER -85HER sont imaginés pour souder les deux récits, on voit que les aventures dont le siège est à Thèbes se réduisent à fort peu de chose, à quelques scènes d'enfance et de jeunesse, et à une expédition guerrière. Héraclès n'est pas à Thèbes un héros d'antique souche indigène; son culte semble y avoir été importé après celui des héros vraiment nationaux, Cadmos, Sémélé, Harmonia i. Son souvenir pourtant y était très honoré et très vivant : Pindare y revient sans cesse. Devant la porte Islectrae, et en face du sanctuaire d'Apollon Isménien, on montrait à Thèbes les ruines de la maison d'Amphitryon, le monument dédié aux fils de Mégara, enfin l'Héracléion, qui renfermait deux statues du héros, un antique xoanon, oeuvre de Dédale, et une autre plus récente, en marbre blanc, des Thébains Xénocritos et Eubios, connue sous le nom d'Héraclès Promachos. La décoration sculpturale du temple était de la main de Praxitèle 2. A ce temple attenaient un gymnase et un stade auxquels Héraclès avait également donné son nom 3. Enfin c'est également de la légende thébaine que provient le personnage d'Iolaos, le neveu et le fidèle compagnon du héros, qui avait à Thèbes son héroon et y avait également donné son nom à un gymnase et à un stade `. Fils d'Iphiclès et d'une fille d'Alcathoos, Tolaos suit IIéraclès dans un grand nombre de ses expéditions guerrières; il conduit son char et combat à ses côtés. Il joue notamment un rôle important dans la lutte contre Cycnos, célébrée par le poème thébain du Bouclier d'Iéraclès Les légendes l'ont ensuite associé aux autres aventures du héros. Héraclès lui céda sa femme Mégara, et c'est lui qui fut, après sa mort, le protecteur des Héraclides'. III. LÉGENDE ARGIENNE. -La servitude chez Eurysthée. Héraclès, souillé du meurtre de ses enfants, dut aller, sur l'ordre de la Pythie, se mettre au service d'Eurysthée ; l'oracle de Delphes assure ainsi les engagements pris par Zeus avant la naissance du héros. La haine d'Héra suit son cours ; c'est elle qui suscite les monstres qu'il ira combattre; elle le harcèlera ainsi pendant sa vie tout entière, jusqu'au jour où aura lieu sa réconciliation avec lui et l'admission d'Héraclès dans l'Olympe. Quel est le sens primitif de cette donnée ? Les partisans d'une explication naturaliste y voient la traduction évidente de l'antagonisme entre Héra, la déesse jalouse et querelleuse, qui trouble le ciel, la mère de Typhaon, et le héros solaire qui doit dans sa course vaincre les nuages et les tempêtes D'après une théorie récente 8, il y a là une déformation, faite par les Grecs, d'un mythe préhellénique, qui admettait la subordination du dieu solaire à une déesse de même essence que lui. Ne faudrait-il pas voir plutôt, dans cet antagonisme, qui a, semble-t-il, son expression la plus nette à Argos, la traduction d'un conflit de deux cultes et de deux races? Les envahisseurs doriens, adorateurs d'Héraclès, se sont introduits par la conquête au milieu des populations indigènes, dont Héra était la divinité nationale : l'hostilité des deux divinités se sera fixée dans la légende avant la fusion des peuples9. Pour légitimer leur conquête, les Doriens, maîtres d'Argos, ont rattaché leur IIéraclès, par sa mère Alcmène, à l'antique dynastie des Perséides; puis il a fallu expliquer comment il a été dépossédé de son patrimoine, et soumis, pendant son existence terrestre, à un homme inférieur à lui. La raison qu'on aura alléguée, c'est la jalousie furieuse de la déesse qu'adoraient les Argiens. Puis la littérature s'est emparée de ce thème fertile de la marâtre vindicative et en a tiré de riches développements. Ce qui paraîtrait donner quelque vraisemblance à cette dernière hypothèse, c'est le caractère sacrifié du personnage d'Eurysthée, traité de bonne heure dans la légende dorienne d'Argos comme un être aussi lâche que faible. Il tremble devant le héros redoutable qui subit sa tyrannie; il évite son contact; il se cache dans une cuve, quand celui-ci lui rapporte, vivants, le lion et le sanglier; il a un serviteur aussi grotesque que lui, Copreus, c'est-à-dire « l'ordurier », qui sert d'intermédiaire entre eux i0. Cette caractéristique semble trahir une origine dorienne : on a ridiculisé l'homme auquel est asservi, par la fatalité, le héros de la race conquérante. En tous les cas, ce qu'il faut renoncer à retrouver dans cette donnée, c'est l'idée d'une purification imposée à IIéraclès. Cette dernière conception, associée à l'histoire du meurtre des enfants de Mégara, ne doit être qu'une interprétation postérieure de la servitude". Le cycle des douze travaux. De très bonne heure, parmi les exploits accomplis par IIéraclès, la légende en a spécifié quelques-uns comme ayant été entrepris sur l'ordre d'Eurysthée. Parmi ces derniers, l'Odyssée ne cite encore que l'aventure de Cerbère 12 ; d'autres, comme le lion de Némée et l'hydre de Lerne, y ont été joints très anciennementf3. Mais il n'est pas vraisemblable que le cycle complet des douze travaux, tel qu'il nous est donné par les mythographes, ait pris naissance primitivement à Argos, comme on l'a prétendu 1t. Tout au contraire, on est frappé du lien très lâche qui rattache beaucoup de ces exploits à la légende argienne; la haine d'Héra et les ordres d'Eurystée n'interviennent d'ordinaire que comme causes déterminantes ; il est tout naturel de supposer que la légende de chacun de ces travaux s'est formée dans la contrée même qui en est le théâtre, et que les différents récits sont venus peu à peu se rattacher à la donnée qui leur offrait à tous un prétexte et une explication commune, la servitude auprès d'Eurystée. A quel moment ce cycle des douze travaux, désignés spécialement sous le nom d'81ot", a-t-il été constitué? -86 HEIN Nous l'ignorons'. Il n'est nullement prouvé, nous l'avons dite, qu'il faille l'attribuer à l'Héi'aclée de Pisandre. D'après la description de Pausanias, les travaux restent encore confondus avec beaucoup d'autres aventures du héros ou d'autres sujets dans les motifs qui décoraient le trône d'Amyclées 3; de même ils ne sont pas distingués dans la série des reliefs de bronze au temps d'Athéna Chalcioecos à Sparte 4. Ces deux ensembles décoratifs, ouvres de Rathyclès et de Gitiadas, datent du vie siècle '. Il est assurément très digne de remarque que, dès la première moitié du. siècle suivant, les douze travaux forment, à l'exclusion des autres aventures, le sujet des métopes du temple de/_eus à Olympie, sur les faces antérieure et postérieure des murs de la cella. Toutefois ce nombre de douze a pu être déterminé par la place dont disposait le sculpteur. Quant au choix des motifs, s'il est d'accord avec celui que nous trouvons dans les mythographes postérieurs, rien n'indique qu'une tradition ferme se soit déjà formée à cette époque; s'il n'y a pas là une simple coïncidence, tout au plus peuton conjecturer que les métopes d'Olympie ont contribué à fixer la tradition. L'ordre de ces travaux n'est pas conforme d'ailleurs à celui qui a prévalu 6. Au reste, ce qui prouve qu'au ve siècle ni le nombre ni la classification des travaux entrepris sur l'ordre d'Eurysthée ne répondent à une sorte de canon officiel, c'est qu'au Théséion dix exploits seulement sont représentés sur les métopes, et parmi eux deux ou trois qui ne font pas partie des .Olof 7. On en voit six réunis sur un vase à reliefs du même temps8, et il est certain que de bonne heure on trouve groupés deux par deux quelques-uns de ces travaux qui ont paru présenter quelque affinité entre eux9. Dans les 1'rachiniennes, Sophocle en a mentionné six ensemble10 et Euripide onze dansl'Héraclès furieux" mais sans suivre l'ordre des mythographes, et en intercalant le combat contre Cycnos, qui est étranger au cycle. A l'Héracléion de Thèbes, Praxitèle, en représentant les mêmes travaux, en avait éliminé deux, qu'il avait remplacés par la lutte contre Antée ". Nous ne connaissons que par une courte mention de Strabon 13 l'ensemble décoratif exécuté par Lysippe pour l'Héracléion d'Alyzia en Acarnanie, et nous ne savons par conséquent ni si la série des douze travaux y était complète ni quels motifs il avait choisis. Ce qui résulte de ces indications c'est qu'au ve et au ive siècle, le cycle est en voie d'élaboration; il tend à se fixer, et vers l'époque d'Alexandre il paraît constitué, puisque Théocrite et Apollonius de Rhodes y font des allusions précises". Dans la Bibliothèque d'Apollodore, HER au ue siècle avant notre ère, nous trouvons pour la première fois une distinction explicite entre les exploits qu'Héraclèsentreprend spontanément et les épreuves qu'il affronte sur l'injonction d'Eurystée, celles-ci au nombre de douze, classées chronologiquement, accomplies en huit ans et un mois, occupant enfin une place déterminée dans sa biographie '°. Plus tard, le besoin croissant de systématisation amena àfaire des distinctions nouvelles. Pour classer plus méthodiquement toutes les légendes de la vie d'lléraclès, non seulement on surchargea, comme l'avait fait déjà Apollodore, plusieurs des travaux du cycle (.O),ot) d'épisodes qui ne faisaient pas partie d.e la tradition primitive, mais on donna à ces épisodes un nom particulier, celui de 7rc epya, quelques-uns d'entre eux étant d'ailleurs aussi importants que les travaux proprement dits ; enfintous les exploits qui n'avaient pas trouvé place dans cette classification reçurent le nom commun de ntpâ;stç 16. Le nombre de douze n'ayant été arrêté qu'assez récemment, il va de soi qu'il n'a aucune signification mythologique. Il a été suggéré peut-être par celui des douze grands dieux ; ce n'est qu'à l'époque érudite qu'il a faitpenser aux signes du zodiaque '7. Quant au choix des travaux qui y ont été compris, il n'y faut voir non plus aucune idée systématique; ils ne comportent pas tous la même interprétation, et chacun d'entre eux, comme aussi tous les autres hauts faits qui n'y sont pas entrés, doit être expliqué en lui-même. Dans l'exposé qui va suivre nous resterons fidèle à l'énumération d'Apollodore, en intervertissant seulemen le cinquième et le sixième travail, afin de grouper les trois aventures qui sont localisées en Arcadie. A chacun de ces travaux, nous joindrons aussi les épisodes (7AEepyx) que les Alexandrins y ont surajoutés. 1° Lion de Némée. Cette aventure a sans doute été classée la première dans le cycle parce qu'on a supposé qu'elle procura à Héraclès l'insigne sous lequel on le représente d'ordinaire, la peau du lion qu'il venait d'étouffer: hypothèse d'ailleurs inexacte, nous le verrons plus loin, sur l'origine de cet attribut. Le lion a été expliqué, soit comme symbole de la chaleur solaire, ce qui semble d'ailleurs contradictoire avec le caractère solaire qu'on attribue à Héraclès lui-même'', soit comme un torrent qui ravage la vallée de Némée 19, soit comme le tonnerre qui gronde dans l'orage 20, et l'on cite à l'appui de cette dernière hypothèse la généalogie qu'on trouve dans Hésiode : le lion serait né de l'union de Chimaera (l'orage) et d'Orthros (la demi-obscurité) 21 -; suivant Apollodore, il est engendré par Typhon (la tempête)". 11ER -S7HER Ce lion, le seul dont l'histoire légendaire mentionne l'existence en Grèce, est évidemment une importation de l'Orient', ce qui n'implique pas d'ailleurs que l'aventure d'Héraclès n'ait pas été imaginée par les Grecs euxmêmes. Élevé et lâché dans les prairies par Héra2, d'autres disent tombé de la lune3, le fauve résidait dans les gorges de Némée; il était la terreur de la région. lléraclès reçoit d'Eurystliée l'ordre de lui en rapporter la dépouille à Tirynthe. Le héros essaye contre lui les flèches de son carquois; elle s'émoussent sur la peau de l'animal, qui est invulnérable IIéraclès pénètre alors dans son antre, l'étouffe dans ses bras, le dépèce et se revêt de sa dépouille. Tel est le récit sous sa forme la plus simple : il a été surtout illustré par la Xxve Idylle de Théocrite. Les poètes alexandrins et romains y ont ajouté l'épisode de Molorchos. Ce personnage, dont le nom signifie jardinier, est un pauvre homme de la vallée, qui reçoit le héros avant et après son exploit. Molorchos était sur le point de sacrifier un bouc, le seul qu'il possédât, quand son hôte lui conseilla d'attendre trente jours, puis d'offrir un sacrifice soit à Zeus Soter, soit à lui-même s'il venait à succomber. Le délai écoulé, Molorchos allait immoler la victime à IIéraclès, quand celui-ci revint victorieux''. De bonne heure, le combat contre le lion est devenu un des sujets les plus populaires de l'art grec 6. Faut-il voir le prototype de ce motif dans les nombreuses représentations de l'art oriental qui montrent la lutte d'un homme armé contre un lion 7, soit avec un sens symbolique, soit comme simple sujet d'ornementation? Contre cette hypothèse, on peut alléguer que dans les plus anciens monuments de la céramique archaïque, Héraclès est représenté brandissant sa massue contre l'animal, motif qui est différent des sujets orientaux, comme il s'écarte de la tradition littéraire qui nous est connue R. Tout d'abord le groupe formé par Iléraclès et le lion est assez lâche 0, puis il prend plus de cohésion, comme sur un relief de bronze d'origine péloponnésienne qui a été trouvé à Athènes 10. Sur des monuments qui sont aussi très anciens, le héros, au lieu de la massue, est armé de l'épée, qu'il plonge dans la poitrine du lion". Sur les plus anciens vases attiques à figures noires, on voit encore quelquefois Héraclès combattant avec l'épée' 2 ; mais le plus souvent IIéraclès, se dirigeant vers la droite, étouffe du bras gauche le lion dressé devant lui ; le bras droit, quand il ne tient pas l'épée, s'associe au mouvement du bras gauche. C'est le motif d'un bronze d'Arolsen publié par M. Furtwaenglerf3, et d'un groupe de bronze archaïque d'Étrurie qui ornait un candélabre, et qui est au Cabinet des médailles" ; c'est ainsi encore qu'il faut sans doute se représenter le même épisode sur le trône d'Amyclées15 Dès la fin du vie siècle, la scène devient à la fois plus naturelle et plus vive. Héraclès se jette sur le lion et l'étouffe dans ses bras; il est debout ou agenouillé; d'ordinaire l'animal pose sa patte sur la tête du héros. C'est le motif qu'on voit traité sur les vases à figures noires les plus récents et sur les plus anciens vases à figures rouges". On le retrouve sur un beau relief de marbre attique17. Une amphore non signée d'Andocidès présente la variante que voici: lléraclès est agenouillé, il a jeté l'animal sur son épaule ; de son bras gauche il lui enlace le cou, et de la droite lui saisit une patte". L'art grec, à la belle époque et jusqu'à la fin de la période gréco-romaine, reste fidèle au thème qui avait déjà prévalu dans l'archaïsme : lléraclès s'est jeté sur le lion et l'étouffe. Il faut noter toutefois que les vases attiques abandonnent ce motif. Les autres monuments continuent à le reproduire, en variant quelquefois les attitudes. Au Théséion, c'est la lutte du héros et du lion debout qu'on trouve encore figurée ". La métope mutilée d'Olympie a très heureusement innové en représentant la lutte achevée, le héros appuyant le pied sur la bête qu'il vient de terrasser, et posant sa tète lasse dans sa main, comme par un sentiment de découragement à la pensée des épreuves qui l'attendent encore. Parmi les nombreux monu ments qui subsistent nous citerons encore un relief de bronze de l'ancienne collection Sabouroff 20, les belles monnaies d'Iléraclée en Lucanie (fig. 3716) 21, les dioboles de Tarente et de Syracuse22, enfin un certain nombre de statues ou statuettes d'époque romaine23. Hydre de Lerne. Dans la généalogie hésiodique 2'", l'Hydre est fille d'Échidna et de Typhon. Elle semble personnifier un marais, dont les exhalaisons pestilentielles empoisonnaient la contrée de Lerne, sur les bords du golfe d'Argos; à moins qu'il ne faille reconnaître dans la lutte d'Héraclès contre elle une légende plus générale, ici localisée à Lerne, le triomphe du soleil sur les nuages, qui se retrouve dans celui d'Apollon sur Python, d'Indra sur le serpent Ahi 25. En tout cas, un sens naturaliste paraît ici clairement indiqué. On faisait de l'hydre un monstre à neuf tètes, dont huit étaient HER 88 IIER mortelles, une immortelle. Elle habitait le marais de Lerne, d'où elle s'élançait pour ravager les troupeaux de la plaine ; son souffle était mortel. Héraclès, envoyé par Eurysthée pour en débarrasser le pays, arrive sur un char accompagné d'lolaos. Il s'arrête au pied d'une colline, où l'hydre a son repaire, non loin de la source d'Amymone. Il descend de char et lui décoche des flèches enflammées pour la déloger de sa retraite. Une lutte corps à corps s'engage ; armé d'une massue ou d'une serpe, Héraclès abat successivement les têtes de l'hydre, mais à chaque fois deux têtes renaissent au lieu d'une. En même temps, un crabe sort de la mer voisine et attaque le héros aux jambes'. Héraclès l'abat, puis appelle Iolaos à l'aide. Celui-ci met le feu à une forêt voisine, et avec les brandons enflammés, brûle les têtes à mesure qu'elles tombent sous les coups d'Héraclès. Enfin la dernière est coupée. Héraclès l'ensevelit sous un rocher, il plonge ses flèches dans le venin de l'hydre et les rend ainsi mortelles'. Les plus anciens monuments ont représenté tantôt la lutte d'Héraclès seul contre l'hydre, tantôt la seconde phase du combat, celle où il est secouru par Iolaos. Le premier motif est celui qu'on voyait sur le coffre de Cypsélos3, sur plusieurs vases à figures noires` et que présente aussi un fronton en tuf de l'Acropole 5; dans ces monuments on voit Héraclès commencer le combat, soit avec l'arc, soit avec la massue, soit avec l'épée. Le crabe est figuré. Athéna assiste le héros; Iolaos est resté sur son char. D'autres monuments (fig. 3757) montrent Iolaos aux côtés d'Héraclès, tenant un tison et brûlant les blessures que vient de faire le héros; celui-ci, armé d'une faux ou d'une serpe, tranche les têtes'. C'est ce motif qui a été choisi pour la métope du Théséion, et aussi au temple de Delphes, s'il faut en croire la description d'Euripide'. Au temple de Zeus Olympien, Héraclès combattait avec l'arc ; sur les monnaies de Phaestos du ve et du ive siècle, avec la massue 3. C'est aussi de la massue qu'il semble armé dans le motif d'un sarcophage trouvé à Tltespies 9. La période hellénistique et romaine a reproduit les mêmes motifs " è ; elle n'a innové que sur la forme attribuée à l'hydre, qui est parfois figurée soit comme une femme dont les jambes sont des serpents ", soit comme un dragon à tête de femme'". 3°Biche Cévynite. Cette aventure, comme les deux suivantes, est localisée en Arcadie, où le souvenir d'IIéraclès est resté très vivant. La biche fabuleuse, aux cornes d'or et aux pieds d'airain13 que le héros eut pour mission de rapporter vivante à Eurysthée, avait été consacrée à Artémis par la Pléiade Taygété. Elle habitait soit surie mont Cérynée aux confins de l'Arcadie et de l'Achaïe, soit à l'Artémision d'OEnoé, non loin du territoire d'Argos et de Mantinée. Héraclès la poursuit une année entière, à travers monts et vaux ; d'après Pindare, cette chasse l'entraîne jusqu'au pays des hyperboréens''', puis l'animal revient en Arcadie, jusqu'au sanctuaire d'Artémis. Héraclès le surprend sur les bords du Ladon ; il va l'égorger, quand Apollon et Artémis interviennent et le décident à ramener la biche vivante à Tirynthe'. On a souvent interprété ce mythe comme une image de la poursuite de la lune par le soleil "c Sur les vases attiques à figures noires, Héraclès a atteint la biche et la maintient par les cornes ; Artémis accourt pour la protéger ". Une amphore du même style présente un motif particulier : la biche s'est réfugiée sous un arbre, auprès duquel se tiennent deux jeunes filles: Héraclès paraît vouloir l'attirer 18 : peut-être ce motif s'inspire-t-il de la légende qui fait parvenir la biche jusque clez les Hyperboréens, et faut-il voir dans les jeunes tilles desIlespérides15. L'intervention d'Apollon V. IRER 89 HER a inspiré un certain nombre de monuments archaïques : des vases attiques à figures noires traitent ce thème à peu près comme la dispute d'Apollon et d'Héraclès au sujet du trépied Sur un casque de bronze étrusque, Héraclès, tenant l'animal garrotté à terre, brandit sa massue contre le dieu, qui lui décoche des flèches 2. Sur les métopes d'Olympie et du Théséion, le héros maintient l'animal par terre, le genou posé sur son dos, et de ses mains saisit fortement la ramure C'est là le motif qui prévaut fi partir de cette époque, et qu'on retrouve dans un beau groupe de bronze de Pompéi conservé à Palerme (fig. 3758)4. Il faut remarquer que les monuments ont substitué souvent un cerf à la biche dont parlait la légende primitive 5. 40 Sanglier d'Érymanthe; Centaures du Pholoé. Ces deux mythes sont certainement distincts; mais, comme ils ont pour théâtre la même région, les mythographes les ont associés dans un seul travail. L'Éryrnanthe est un affluent de droite de l'Alphée, qui descend d'une montagne du même nom; en hiver et au printemps, grossi par les neiges et les pluies, ce torrent ravage l'étroite vallée de Psophis : le sanglier n'est peutêtre pas autre chose que le torrent lui même 6. On a pourtant rappelé que d'autres mythologies font du sanglier le monstre de l'orage, et qu'en Grèce il a quelquefois ce sens' : de sorte que la victoire d'Héraclès sur le sanglier d'Érymanthe pourrait être, ici encore, le triomphe du soleil sur la tempête. Enfin on a rapproché aussi du mythe grec celui d'Adonis chassant le sanglier d'Arès, près de Byblos, et tué par lui'. En Grèce, la chasse du sanglier de Calydon par Méléagre est évidemment une légende analogue. Héraclès poursuit l'animal dans un précipice rempli de neige, l'attrape dans son filet et le rapporte vivant à Mycènes°. Les représentations figurées de cet épisode offrent peu de variantes. L'art n'a guère essayé de reproduire la capture même de l'animal10. Assez souvent, dans les monuments les plus anciens, surtout sur les vases à figures noires, Héraclèsporte le sanglier sur une épaule 11 ; il faut aussi citer, du même motif, un joli bas-relief archaïque du Musée national d'Athènes12. Mais, dès l'archaïsme, c'est un autre motif qui s'annonce et finit par prévaloir : le héros tient le monstre, au bout de ses bras tendus, au-dessus d'une grande citerne ou d'un pithos fiché en terre où il va le précipiter. Très souvent aussi, de ce pithos émergent la tête et les bras d'Eurysthée, qui s'y est blotti plein d'épouvante 13. Ce motif, qui s'est perpétué jusqu'à l'époque hellénistique et romaine, est celui des métopes d'Olympie et du Théséion. Voici sans doute comment il faut interpréter le sens de ces différentes scènes. A l'arrivée du héros, portant le sanglier, Eurysthée s'est caché de peur au fond d'une citerne. Héraclès, ayant cherché inutilement le roi dans son palais pour lui montrer sa proie, se dispose, pour se débarrasser de l'animal, à le jeter précisément dans le même puits, et c'est alors qu'Eurysthée se dresse effaré à l'orifice. Voilà pourquoi, sur quelques-uns des vases peints, le roi de Mycènes ne s'est pas encore montré ; il est censé blotti tout au fond. Ou bien l'on peut supposer qu'Iléraclès a été averti, sans doute par Athéna, de la cachette où s'est réfugié Eurysthée 14. Athéna est souvent représentée auprès du héros, et quelquefois Hermès; souvent aussi apparaît Iolaos, comme dans d'autres aventures, portant les armes d'Héraclès 15. La belle coupe d'Euphronios qui reproduit cet épisode (fig. 3759) mérite une mention spéciale. C'est le même motif, mais l'artiste y aintroduit deux personnages, le père et la mère d'Eurysthée, qui accourent auprès du pithos où leur fils fait des gestes désespérés, et partagent son épouvante t6. C'est pendant la poursuite du sanglier, d'après les mythographes, qu'Héraclès traverse le mont Pholoé, entre l'Arcadie et l'Élide. Il y reçoit l'hospitalité du Centaure Pholos. A la prière de son hôte, Pholos ouvre un pithos de vin, présent de Dionysos. Attirés par l'odeur, les Centaures du voisinage accourent, armés de rochers et de troncs d'arbres, et réclament leur part du régal. Une lutte s'engage entre eux et le héros. Celui-ci les couvre de traits, de tisons enflammés, en tue quelquesuns, poursuit les autres jusqu'au cap Malée. Quant à Pholos lui-même, il périt d'accident : une des flèches d'Héraclès, qu'il examinait, s'échappa de ses mains; elle lui blessa le pied: la plaie était mortelle. Héraclès lui rendit les derniers devoirs sur la montagne qui prit de lui le nom de Pholoé 17. Ce mythe, dont l'interprétation est subordonnée à celle qu'on donne des Centaures eux-mêmes (divinités des fleuves, des vents, des nuages ou des tempêtes 18), semble avoir été très populaire dès la plus haute antiquité, si l'on en juge par les nombreuses représentations qu'on les assommant à coups de bâton, ou les perçant d'un dard, assisté par Iolaos t . Sur une pierre gravée du Cabinet de France (fig. 3761), sur un vase à reliefs de l'ancienne collection Sabouroff, il est représenté tirant de l'arc, agenouillé 16. La métope d'Olympie consacrée à ce travail suppose la chasse terminée : Héraclès rapporte à la déesse Athéna, assise sur un rocher, HER 90 -HER en trouve dans l'art le plus archaïque. Les plus anciens monuments figurent la lutte d'Héraclès contre un ou plusieurs Centaures. C'est à ce mythe que se rapportent déjà les motifs des vases à reliefs d'Italie'. Il se rencontre aussi sur un relief archaïque en bronze d'Olympie qui a été souvent reproduite : le héros, dans l'attitude de la course agenouillée, poursuit un Centaure qui s'enfuit en tour nant la tête. Ce même motif se retrouvait sur le coffre de Cypsélos , sur le trône d'Amyclées 4 ; on le voit aussi (fig. 3760) sur la frise d'Assos Parmi lespeinturesde vases, la plus ancienne est sans doute celle d'un lécythe « protocorinthien » de Berlin °. Les Centaures sont représentés, à la mode archaïque, avec les jambes antérieures à forme humaine. Ils sont plus ou moins nombreux suivant la place dont dispose l'artiste; Héraclès d'ordinaire est armé de l'arc. Plus tard, et déjà sur les vases à figures noires, ce motif devient rare; le combat des Centaures et des Lapithes l'a supplanté'. C'est un second motif de la même aventure qu'on trouve représenté de préférence, l'accueil fait par Photos à Héraclès : tantôt celui-ci persuade à son hôte d'ouvrir le pithos qui contient la précieuse liqueur tantôt il y puise lui-même le vin ; tantôt on les voit tous deux, couchés côte à côte, dégustant le vin qu'ils ont tiré'°. 5° Oiseaux de Stymphale. Ces oiseaux monstrueux, qui se repaissent de chair humaine", rappellent les IIarpyes, personnifications de la tempêtef2. 11s résident dans la profonde vallée de Stymphale, où les eaux n'ont pas, au printemps, un écoulement suffisant et inondent le sol. lIéraclès, pour les déloger des forêts impénétrables où ils se sont réfugiés, agite des castagnettes d'airain que lui a données Athéna, et dont le bruit les effraye; puis il les pourchasse à coup de flèches13. Les'représentations de cet exploit ne sont pas très nombreuses. Des vases à figures noires montrent le héros se servant de la fronde pour abattre les oiseaux, qui voltigent en troupes serrées autour de lui11, ou bien un des oiseaux qu'il vient d'abattre 17 6° Écuries d'Augias. Augias, le « brillant », est fils d'Hélios'a; dans l'Iliade1e, c'est le roi des Épéens d'Élis. Il a une fille, Agamédé, qui, comme Circé et comme Médée, connaît les vertus des plantes magiques, et paraît une personnification de la lune 2°. Augias, et c'est là un trait qui lui est commun avec tous les hérossolaires et avec Hélios lui-même, possède d'innombrables troupeaux, dont douze taureaux blancs comme des cygnes et consacrés à son père, et où il faudrait reconnaître les nuages ou les astres l'un d'eux porte le nom de Phaéton et brille comme une étoile 21. Héraclès reçoit l'ordre de balayer en un jour, et sans aide, les étables du roi qui sont encombrées de fumier. Pour y parvenir, il ouvre une brèche dans les murs, et y lance le cours d'un fleuve qu'il a détourné, le Ménios, l'Alphée ou le Pénée, suivant les différentes versions 2e. lIéraclès jouerait donc ici encore le rôle du soleil purificateur. On ajoutait qu'Augias, après avoir promis au héros le dixième de ses richesses, refusa de tenir ses engagements, quand il sut qu'Héraclès avait agi sur l'ordre d'Eurysthée 23 : circonstance qui se retrouve dans l'histoire d'Apollon au service de Laomédon, et qui ici semble avoir été imaginée après coup pour motiver l'expédition d'Héraclès contre Élis. La première représentation connue de cette aventure, et la seule aussi de l'époque classique, est celle que présente la belle métope d'Olympie, d'un réalisme si hardi: Héraclès, armé d'un balai ou d'une pelle, refoule les immondices, en présence d'Athéna qui semble encourager son protégé26. Quelques monuments, d'époque tardive, s'inspirent du même thème 2J, ou encore le montrent prenant et vidant l'ordure avec un vase2G 7° Taureau de Crète. Héraclès reçoit la mission de HER 91 HER capturer le taureau donné à Minos par Poseidon, et que le dieu avait rendu furieux pour punir Minos de ne lui avoir pas sacrifié l'animal, suivant sa promesse. Héraclès attrape le taureau dans un filet, puis, le chargeant sur ses épaules, traverse la mer'. A Tirynthe, il le remet en liberté ; l'animal furieux ravage le Péloponnèse, et va à Marathon, où Thésée le dompte à son tour' : exploit que la légende athénienne a emprunté à celle d'Héraclès3. Ce taureau désigne-t-il l'orage né de la mer, d'oie le soleil (Iléraclès) le chasse vers le Nord'? Faut-il voir en lui le symbole de quelque torrent déchaîné qui ravageait la Crète et qu'endigue le héros 5? Nous signalons ces explications sans les discuter. Les représentations de la lutte entre Héraclès et le taureau sont fréquentes et apparaissent déjà sur les vases attiques à figures noires. Le motif en est assez varié, Tantôt Héraclès a saisi par une corne le taureau qui s'enfuit vers la droite 6 ; c'est un motif qui est répété sur des monnaies de Sélinonte qui datent du ve siècle' : ici Iléraclès brandit la massue et appuie un genou sur le dos de l'animal. Tantôt le héros a enveloppé le taureau d'un lacet; il le maintient agenouillé 6. La métope d'Olympie, qui est au musée du Louvre, s'est peut-être inspirée de ce dernier thème, mais en changeant la situation respective des adversaires 0. On retrouve un motif analogue dans un relief en bronze de Dodone, qui paraît d'une époque voisine 10, ainsi que dans d'autres oeuvres postérieurest'. Les peintres des vases à figures noires ont encore imaginé une autre attitude : Héraclès, faisant face au taureau, lutte corps à corps avec lui, sans armes12. On peut se demander quelquefois, quand aucun attribut ne vient renseigner, si l'artiste a voulu représenter Héraclès ou Thésée 13. Et enfin il faut ajouter qu'à Tarente, les peintres céramistes ont confondu le taureau de Crète avec Achéloos, et nous ne sommes avertis de leur méprise que par la présence de Déjaniret''. Après la période classique, outre les réminiscences que nous avons signalées de la métope d'Olympie, quelques pierres gravées (fig. 3762) et des terres cuites romaines représentent Héraclès chargeant le taureau sur ses épaules15. 8° Cavales de Diomède. Fils d'Arès, Diomède est roi des Histones, la plus sauvage des peuplades thraces 16 ; ses cavales, animaux féroces et si indomptables qu'il faut les attacher avec des chaînes de fer à leurs mangeoires d'airain, déchirent les naufragés que la tempête a jetés sur la côte, et se nourrissent de leur chair. Héraclès, débarqué dans le pays, les dompte, les conduit au rivage, où il livre encore bataille aux Bistonesaccourus de l'intérieur; il massacre leur roi et le livre en pâture à ses propres cavales ". On a pensé que ces cavales sanguinaires représentaient les vagues qui brisent sur la côte thrace les vaisseaux et les marins, et qu'Iléraclès est le Soleil qui apaise leur fureur 16 Cet exploit n'a pas laissé dans l'art archaïque de monuments certains; quelques mots de Pausanias donnent à croire qu'il était au nombre des sujets du trône d'Amyclées 19. Il figure sur une métope du Théséion où Héraclès saisit un cheval à la bride et va peut-être lui asséner un coup de massue 20; c'est sans doute ainsi qu'il faut restituer aussi la métope très mutilée d'Olympie. Des monuments d'époque romaine présentent assez souvent ce motif, qui est encore reproduit dans un petit groupe en marbre du Vatican21. J° Ceinture d'Hippolyte. Ce travail, où l'on a cherché aussi un sens naturaliste, les Amazones étant une forme féminine des Centaures et la ceinture de leur reine l'arcen-ciel qui suit la pluie", est devenu, chez les mythographes, un des épisodes de l'expédition d'Héraclès en Asie. De nombreux guerriers y prennent part, Télamon, Pélée, Thésée et d'autres. C'est sur les bords du Thermodon, près de Thémiscyra, que résidaient les Amazones. Héraclès reçut l'ordre d'aller conquérir pour Admète, la fille d'Eurysthée, la ceinture qu'Arès avait donnée à leur reine, Hippolyte ou Mélanippé. Après diverses aventures, l'expédition arriva au terme de son voyage. Hippolyte se disposait à céder volontairement la précieuse ceinture, quand Héra, se déguisant en Amazone, répandit le bruit que des étrangers venaient enlever la reine. Les Amazones, accourues pour la défendre, sont mises en déroute par les Grecs ; Hippolyte succombe sous les coups d'Héraclès, qui la croit coupable de duplicité 23 Les vases attiques à figures noires et à figures rouges jusqu'à la fin du vie siècle n'ont représenté que le combat des héros grecs contre les Amazones; Héraclès apparaît dans la mêlée, saisissant une des Amazones en fuite ou tombée à terre 2'. Tel on le voit encore sur un vase de Douris, au musée de Bruxelles 25 ; mais en général, à partir du ve siècle, c'est Thésée qui le remplace sur les vases attiques dans le même motif 26. Héraclès intervient, dans le combat contre les Amazones, sur les grandes frises monumentales de Phigalie et du Mausolée d'Halicarnasse; il est reconnaissable à la massue qu'il lève de la main droite et à l'arc qu'il tient de la gauche; c'est à tort que certains archéologues, sans doute par inadvertance, nomment à sa place Thésée 2'. Pausanias nous apprend aussi que le même sujet figurait sur le trône du Zeus HER 92 IIER d'Olympie'. Le combat singulier contre Hippolyte se voit pour la première fois sur une des métopes mutilées d'Olympie, où l'Amazone blessée gît à terre, Héraclès la saisissant aux cheveux. Une métope de Sélinonte 2 et une du Théséion ont aussi choisi le motif du combat singulier 3. On voit enfin apparaître à l'époque romaine le motif de l'Amazone tombée et dépouillée par Héraclès de sa ceinture'. HQ° Géryon. Cet exploit, qui a reçu dans la légende, soit populaire, soit poétique, les plus riches développements, est déjà rapporté, dans ses données essentielles, par la Théogonie d'Hésiode 5. Géryon, monstre à triple tête, fils de Chrysaor et de l'Océanide Callirrhoé, habite l'île d'Érythie, « au delà du fleuve Océan » ; il y possède de grands troupeaux de boeufs. Héraclès enlève les troupeaux et les ramène à Tirynthe, après avoir tué Géryon, son chien Orthros ou Orthos et le berger Eurytion. On a, dans ces quelques mots, tous les linéaments du mythe, un de ceux qui ont paru les plus susceptibles d'une interprétation naturaliste. Dans Géryon ou Géryoneus, dont le nom rappelle le verbe yrfpiiw, et signifie sans doute « le hurleur » 6, on a vu la personnification de l'orage ; dans Chrysaor, son père, celle de l'éclair, dans l'Océanide Callirrhoé, celle des eaux fluviales. La généalogie hésiodique fait précisément de Géryon un petit-fils de la Gorgone [GORGONES], et par conséquent il semble qu'il y ait parenté de sens entre les deux mythes. Les vaches seraient, soit les eaux enfermées dans le nuage, soit les nuées elles-mêmes, et la victoire d'Héraclès représenterait ou bien le triomphe du Soleil sur les nuées, ou bien celui du printemps sur l'hiver, qui détient les beaux jours; peut-être aussi y aurait-il combinaison de deux mythes, à l'origine distincts, qui répondaient chacun à l'un de ces deux sens'. Comme le séjour des Gorgones, celui de Géryon est localisé à l'Orient; le nom d'Érythie signifie l'île «rouge» : c'est le nom que porte aussi l'une des Hespérides qui résident également au delà de l'Océan. Ce nom et la couleur éclatante des génisses9 semblent rappeler les feux du couchant. D'autres traditions, sans doute d'origine locale, situaient l'île ou le territoire d'Érythie à l'ouest de la Grèce proprement dite, sur les bords de la mer Ionienne, près d'Ambracie 10 ou d'Apollonie en Épire", ou encore dans la région des iEnianes 12 : mais de toute façon, comme on le voit, c'est l'Occident qui est le théàtre de l'exploit d'Héraclès. A mesure que s'étendait l'horizon géographique des Hellènes, la situation de l'Océan, fleuve à demi mythique dans Homère, se déplaçait avec lui, de telle sorte qu'en fin de compte il se trouva reporté dans la région des côtes ibériques, au delà du détroit de Gadès i3. C'est probablement le poème de Stésichore, la Géryonide, qui fixa décidément l'emplacement désormais traditionnel de l'île d'Érythie, en face des bouches du Tartessos ou Guadalquivir. D'après Stésichore, le géant lui-même, originaire de l'île, résidait sur le continent, dans la Bétique". La raison qui provoqua cette localisation se trouve très vraisemblablement dans l'existence du célèbre culte de Melkart, le dieu tyrien, à Gadès15. Le contact établi dès lors par la tradition entre l'Héraclès tyrien et l'Héraclès grec a fait penser que le mythe de Géryon, comme celui des Hespérides, était tout entier d'origine phénicienne10. L'induction n'est ni prouvée ni même vraisemblable, puisque la légende grecque primitive, celle d'Hésiode, est antérieure à cette localisation du mythe". Mais on doit accorder que certains traits, introduits dans le mythe grec, ont été empruntés à la légende du Melkart tyrien. Géryon est, dans Hésiode, un monstre à trois têtes 18; mais d'ordinaire on le représente comme un géant à trois corps, qui se soudent à un seul tronc (fig. 3'764) 1A ou qui, plus fréquemment, sont tous complets et tiennent ensemble à la hauteur des hanches 20. C'est ainsi qu'il faut entendre l'épithète de tiptaw42tic que lui donne Eschyle". L'évhélnérisme expliquait cette conformation monstrueuse en supposant qu'Héraclès avait eu à combattre successivement trois frères Y2; il est infiniment probable qu'on n'a voulu exprimer par là que l'idée d'une vigueur prodigieuse, qui se multiplie, et dont la défaite exigeait des efforts répétés23. Stésichore lui donnait six mains et dix pieds et lui attribuait des ailes 2a : caractéristique qu'on retrouve sur des vases chalcidiens archaïques 2J. Il faut citer aussi, parmi les représentations très curieuses du monstre dans l'archaïsme, des statues trigéminées trouvées à Cypre, qui présentent trois paires de jambes, les trois bras gauches armés de boucliers ornés de reliefs; dans l'une d'elles, les trois têtes sont barbues et casquées°° A mesure que la légende éloignait l'île ou la contrée habitée par Géryon, l'itinéraire suivi par Héraclès s'allongea et fut varié au gré des mythographes, de manière à passer par différents endroits qui sont le siège de légendes locales. Nous aurons à noter quelques-uns de ces épisodes tant à l'aller qu'au retour. Un trait commun aux anciennes versions, c'est qu'Héraclès, pour traverser HER 93 LIER l'Océan, emprunte au Soleil la coupe sur laquelle celuici revient, toutes les nuits, d'Occident en Orient'. Pour l'obtenir, Héraclès a recours à la violence : il menace de ses flèches le Soleil, qui lui cède sa coupez. Un lécythe attique à figures noires se rapporte probablement à cet épisode 3 : on y voit le héros menacer Hélios de sa massue et de son arc. L'intérieur d'une coupe à figures rouges du ve siècle représente (fig. 3763) Héraclès voguant sur l'Océan dans la coupe du Soleil Pendant la traversée, l'Océan devient houleux ; le héros l'apaise aussi en ban dant son arc contre luis. Quelques scarabées étrusques et un manche de miroir le montrent voguant sur un radeau, que soutiennent des amphores 6 : c'est sans doute une variante de la même légende et qui a trait au même voyage. Les légendes de formation postérieure ont supposé qu'Héraclès passait d'abord par la Crète, où il purgea le pays des animaux féroces qui l'infestaient, et rassembla une armée7; puis par la Libye, qu'il colonisa et où il fonda la ville d'Ilécatompyle 8. Il se présente, dans pes traditions, sous les traits du héros colonisateur et chef d'armée de la Phénicie. Au détroit de Gadès, il établit les colonnes d'Hercule 9, colonnes qui ne sont pas autre chose sans doute que les simulacres de la divinité chez les Phéniciens ]°, et dont les Grecs firent le terme extrême jusqu'où il était possible de s'aventurer ". La lutte même contre Géryon est exposée d'une façon succincte et pourtant complète dans le récit d'Apollodore. Héraclès, parvenu dans l'île d'l:rythie, passe la nuit sur le mont Abas. Le chien du géant l'aperçoit, Iéraclès l'assomme d'un coup de massue, et après lui le berger Eurytion, qui veut le défendre. Héraclès emmène le troupeau le long du fleuve de l'île. Averti par Ménoetios, qui paît dans la même contrée les troupeaux d'Hadès, Géryon accourt : le héros l'abat à coups de flèches. Les représentations figurées concordent le plus souvent avec ce récit. On trouvait le motif du combat parmi les reliefs du coffre de Cypsélos1z, et d'assez nombreux vases archaïques le reproduisent, surtout des vases chai cidiens 19 (fig. 3764) et des vases attiques à figures noires, parmi lesquels il faut citer une amphore d'Exékias qui es t au Louvre": Héraclès combat avec l'arc ou la massue, ou bien encore il saisit Géryon par le casque t6. Héraclès, vêtu de la peau de lion, dirige ses flèches contre Géryon qui est ailé ; entre les deux combattants, le cadavre du chien Orthros '9. Derrière Géryon, Eury fion, étendu à terre, derrière Héraclès, Athéna plus loin. Sur l'autre côté de la coupe, le troupeau ". Parmi les vases à figures rouges, il faut surtout citer une belle coupe d'Euphronios, qui présente à l'extérieur le double motif du combat et de l'enlèvement des troupeaux". Un relief archaïque de Cypre présente une variante à la scène traditionnelle (fig. 3765) : Eurytion, armé d'un tronc de palmier et d'une pierre, pousse devant lui les troupeaux pour les soustraire à Héraclès, qui vient de décocher une flèche au chien, représenté avec trois têtes 19. La lutte contre Géryon est aussi le motif d'une des métopes du temple d'Olympie : Héra IIER -94IIER dès se sert de la massue. Le même sujet était réparti sur deux métopes au Théséion 1, sur deux ou trois métopes au Trésor des Athéniens à Delphes'. Pour quitter l'île d'Érythie, Héraclès s'embarque de nouveau, avec les boeufs qu'il a conquis, sur la coupe du Soleil, puis la rend après avoir abordé le continent. Il continue sa route à travers le continent européen, poussant devant lui le troupeau ; il traverse d'abord l'Ibérie, puis la Celtique, où Alésia est une fondation du héros3; dans la région déserte de la Crau, à l'est des bouches du Rhône, il a à subir une lutte terrible contre les Ligyens ; ses flèches étant épuisées et lui-même sur le point de défaillir de fatigue, Zeus fait tomber une pluie de pierres qui lui servent à achever la victoire . I1 franchit les Alpes, repousse en Ligurie l'attaque de deux fils de Poseidon, Alébion et Derkymos, qui veulent lui ravir ses vaches, traverse la Tyrrhénie, arrive à Rome, où il triomphe de Cacus, parvient dans la région de Cumes, où il soutient une lutte contre les Géants dans les champs Phlégréens, construit la chaussée qui séparait autrefois de la mer le lac des Avernes et des Lucrins 5. Aux environs de Rhégium, un de ses taureaux s'échappe et l'entraîne à sa poursuite en Sicile 9, qui est pleine de ses exploits et des souvenirs qu'y laissa son passage. C'est en Sicile qu'il défit au pugilat le géant Éryx, fils de Poseidon ou de Boutès et d'Aphrodite puis Lakimios, tous deux pour lui avoir soustrait une partie de ses troupeaux. Il endigue, au Nord, le fleuve Tymbris, qui inondait les environs de Képhaloidion, dote les villes d'Himère et d'Égeste de sources chaudes, que les Nymphes font jaillir pour lui 3, fonde à Syracuse le culte des Deux Déesses auprès de la fontaine Kyané, à Agyrion des sanctuaires et des jeux en mémoire de Géryon et d'Iolaos, tandis qu'il y reçoit luimême les honneurs divins 9, etc. Puis il retourne en Italie, contourne l'Adriatique, revient en Illyrie et en Épire; auprès du golfe d'Ambracie, Iléra envoie un taon à ses troupeaux, qui prennent leur fuite jusqu'en Thrace, où il les rassemble, puis il les conduit vers l'Hellespont, comblant en route au moyen de grosses pierres le Stry mon qui barrait le passage 10. Des légendes locales le font parvenir jusqu'en Scythie, où il s'unit à ECIIIDNA, la vierge moitié femme moitié serpent, dont il a trois fils, Agathyrsos, Gélonos et Scythès, éponymes de la nation scythe'( Enfin il ramène à Mycènes les vaches qu'il a conquises, et qu'Eurysthée sacrifie à Héra. 1l° Pommes des Hespérides; Triton ou Nérée; Antée ; Busiris; Prométhée; At las. La conquête des pommes d'or des Hespérides offre avec le mythe précédent une première analogie: c'est qu'il est localisé à peu près dans la même région. Comme dans le précédent encore, l'éloignement a permis de situer sur la route du héros un certain nombre d'aventures, qui n'ont avec la légende principale aucune relation, et que les mythographes alexandrins ont groupées avec elle pour introduire un peu d'ordre dans la liste si extraordinairement riche des exploits d'Héraclès. Par suite de cet apport successif de légendes de toutes provenances, dont quelques-unes même ne sont pas d'origine hellénique, la conquête des pommes d'or a fini par ne plus occuper qu'une place épisodique dans ce très long voyage, chargé d'aventures. Quelques versions situent le jardin des Hespérides à l'extrême Nord, au delà de l'Océan qui baigne les monts Rhipées ; c'est la contrée des IIyperboréens 12. Mais la tradition qui a prévalu le localise à l'Occident, dans la région où le jour s'achève 13, par conséquent dans le voisinage de l'île habitée par Géryon. On a même pu supposer que ce nouveau mythe serait né du précédent, par suite d'une confusion entre les deux sens du mot t.-na«, qui signifie « pommes n ou « troupeaux »; les pommes d'or ne seraient pas autre chose que les brillantes génisses de Géryon, et le dragon Ladon, qui les garde, rappellerait le chien Orthros'2 : hypothèse très contestable, car l'existence des Hespérides n'est liée qu'accidentellement à l'exploit d'Héraclès. Plus généralement, on admet que les pommes d'or du jardin merveilleux sont les symboles de l'immortalité et qu'il faut voir dans le travail d'Héraclès les préliminaires de son admission dans l'Olympe 15. Ce dernier sens est con IIER -95FIER forme, en effet, à ce que nous savons du mythe des Hespérides lui-même'. Une ancienne tradition, que nous trouvons dans Phérécyde2, voulait que les pommes d'or eussent été un présent fait par la Terre à Véra lors de son union avec Zeus [HIEROGAM!A], la déesse les aurait plantées dans le jardin des dieux, supposé dans le ciel 3. Puis on imagina que ce jardin céleste se trouvait aux extrémités occidentales de la terre, où l'on situait également l'île des Bienheureux". Les pommes d'or furent considérées comme les symboles de la fécondité, de l'amour et de la félicité, et, en raison de la région où la légende les avait localisées, on leur donna pour gardiennes les Hespérides, qui sont filles de la Nuit' ou de Zeus et de Thémis' ou encore de Phorlcys et de Kéto', enfin d'Atlas'. Ces nymphes à la voix harmonieuse' sont au nombre de deux1", trois'', quatre" ou cingi3; les représentations figurées en montrent même souvent un plus grand nombre, jusqu'à sept"' ou même onze i5. Les auteurs et les vases peints leur donnent des noms : ceux qui reviennent le plus sont ceux d'iEglè, d'Aréthuse, d'Hespéris, d'hrytheia ; les peintres de vases en ajoutent de fantaisie t0 Le héros, parti de Tirynthe, traverse la Macédoine et l'Illyrie, et parvient sur les bords de l'Éridan. Il y rencontre les Nymphes, qui lui conseillent de s'adresser à Nérée pour apprendre de lui quelle est la contrée où il trouvera les pommes merveilleuses. Iléraclès se saisit du dieu prophétique de la mer, et, le maintenant malgré ses nombreuses métamorphoses, lui arrache le secret qui lui importe''. A ce premier épisode de la légende se rapportent un certain nombre de monuments très anciens, qui montrent Héraclès aux prises avec un monstre marin, atog rpwv, comme il est appelé sur un relief d'Olympie où l'on voit précisément cette lutte 96 : la partie supérieure de son corps est humaine; elle s'achève par une queue de poisson ; on reconnaît là un de ces monstres composites si familiers à l'art oriental, ce qui n'implique pas, du reste, que la légende elle-même soit de provenance asiatique 19. Le motif de la lutte se trouve encore, au vue et au vie siècle, sur une pierre des îles 20, dans la frise d'Assos (fig. 3766) 21, dans le fragment d'un curieux fronton en tuf de l'Acropole d'Athènes 22 : Héraclès a saisi le monstre par derrière et le maintient. Les vases attiques à figures noires montrent fréquemment ce sujet; les inscriptions donnent au. monstre le nom de Triton; Héra clés est en croupe sur lui et l'étreint de ses deux bras 23. 11 faut citer, parmi les monuments les plus remarquables de cette espèce, deux hydries très semblables, l'une du musée de Berlin, l'autre du Louvre, signée Timagora, toutes deux d'un style large et puissant". Plus tard, dans l'art attique, c'est Nérée, un dieu à forme tout humaine, qui se substitue à cette ancienne représentation : Héraclès le poursuit en levant sa massue contre lui ou bien il l'étreint (fig. 3767) n. M. Furtwaengler signale aussi, comme se rattachant sans doute au même épisode, le motif très particulier que présente un vase attique du ve siècle : Héraclès exhalant sa fureur dans la retraite d'un dieu marin 2G. A la suite de cette entrevue, Iléraclès gagne la Libye 21. Il y rencontre le géant Antée [ANTAEUS], fils de Poseidon et de la Terre, qui forçait tous les étrangers à se mesurer avec lui, et dont la vigueur se renouvelait à chaque fois qu'il touchait le sol. Pour le dompter, Héraclès le soulève au-dessus de terre et l'étouffe dans ses bras. On a vu souvent dans cette lutte un mythe naturaliste, Antée personnifiant les tourbillons impétueux du vent qui s'élèvent des déserts de la Libye et qui semblent, en se dressant vers le ciel, avoir leur point d'appui sur terre, tandis qu'ils s'apaisent quand ce contact cesse 28. D'après une autre interprétation, il faudrait reconnaître à la légende un fondement historique : ce serait un symbole de la résistance opposée aux colons grecs par les populations indigènes, résistance qui reprend force en faisant appel aux inépuisables hordes de l'intérieur des terres 29. Quoi qu'il en soit, c'est une légende où les Grecs ont vu de bonne heure le prototype et le modèle de la lutte athlé toire, Héraclès (vainqueur à la lutte) ou de Holip.wv (le guerrier) ; suivant d'autres, Palémon est un fils qu'il aurait eu de la femme d'Antée, après son triomphe 4. Un autre épisode est venu se greffer sur celui d'Antée. liéraclés, pendant le sommeil qui suivit lIER tique. On trouvera à l'article ANTAEUS l'indication des principaux monuments figurés et des textes relatifs à cette lutte Pindare place la patrie d'Antée à Irasa en Cyrénaïque 2; la tradition courante le fait résider soit dans le désert de Libye, soit près de Tingis (Tanger) en Maurétanie, dont sa femme Tingé est éponyme'. On montrait là le tombeau du géant. A la suite de sa vieaurait reçu le surnom de Ilaaa(p.viv la défaite du géant, est assailli par une multitude de Pygmées, nains minuscules, qui habitent des fourmilières dans le sable. Le héros, s'éveillant, capture leur troupe et la retient prisonnière dans sa peau de lion'. Le chemin suivi par Héraclès le conduit ensuite en Égypte, où il rencontre le roi Busiris, au sujet duquel on racontait la fable suivante : l'Égypte souffrait d'une disette depuis neuf ans, lorsque le devin Phrasios, venu de Cypre, annonça au roi que, pour rendre la fertilité au sol, il fallait sacrifier chaque année un étranger à Zeus. Busiris, pour suivre ce conseil, fit de Phrasios la première victime. Depuis lors, tous les étrangers qui abordaient en Égypte subirent le même sort'. Que signifie cette légende? Il n'y a jamais eu, en Égypte, de roi portant le nom de Busiris : il faut voir, suivant Preller 7, dans ce nom celui d'Osiris précédé de l'article, et dans la légende le souvenir des sacrifices humains offerts sur son tombeau, sacrifices dont les étrangers faisaient surtout les frais. Cependant Hérodote nie que cette coutume barbare ait jamais existé en Égypte Peut-être n'y a-t-il dans cette fable qu'un récit dramatisé des dangers que couraient autrefois les Grecs jetés sur cette côte inhospitalière 9. Héraclès, à son arrivée dans le pays, est saisi, chargé de liens, et, la tête couronnée, va être offert en sacrifice, quand il se dégage de ses entraves, 9G FIER massacre Busiris, son fils et sa suite. Busiris est devenu une figure très populaire dans les traditions grecques, ainsi que la fable d'Héraclès. Euripide l'a mise à la scène dans un drame satyriquef0 et Épicharme l'a également introduite dans une de ses pièces". Le sujet n'est pas moins fréquent sur les vases peints à partir de la fin du vie siècle. Un vase lucanien du Ive siècle représente Héra clès se débarrassant de ses liens et menaçant Busiris12 Sur les vases attiques à figuresrouges il est quelquefois conduit au sacrifice"; le plus souvent, on représente la lutte qui s'engage : il se précipite dans des attitudes diverses, sur la garde du roi, composée d'Éthiopiens, qui sont char gés d'objets pour le sacrifice; il les frappe de sa massue, les perce de son épée, les étrangle, les assaille à coups de poing, etc. (fig. 3768)1`. Après cette aventure, il remonte le Nil, tue Émathion, fils de Tithon, et rétablit sur le trône son frère Memnon '° pénètre dans les déserts de la Libye qu'il purge de ses bêtes féroces 1e, parvient à l'Océan où il emprunte de nouveau la coupe du Soleil. De là il gagne l'Asie où il rencontre Prométhée enchaîné sur le Caucase. I1 le délivre, en perçant d'une flèche l'aigle qui rongeait le foie du Titan 17. Celui-ci, en reconnaissance, lui enseigne la route à suivre pour parvenir jusqu'aux Hespérides : c'était le sujet du Prométhée délivré d'Eschyle 16. Cette rencontre avec Prométhée a également inspiré un certain nombre de monuments figurés dès l'époque la plus ancienne. Sur un fragment de vase très ancien de Phalère 19 et sur deux autres vases20, Prométhée est représenté empalé sur un pieu : Héraclès, arrivant dans l'attitude de la course agenouillée, perce l'aigle d'une flèche. Un peu plus tard, on voit Prométhée attaché à son rocher, et racontant ses souffrances au héros, qui se tient debout devant lui 2f. Plus tard encore, l'art représente de nouveau la délivrance du Titan, mais traite ce motif avec plus de pathétique, en rendant visibles, par l'attitude de Prométhée, les souffrances qu'il endure 22; quelquefois d'autres personnages sont présents 23 [PROMETHEUS]. Fig. 3769. Héraclès et les Hespérides. HER 97 HER A cette traversée de l'Asie, les mythographes ont également rattaché l'expédition d'lléraclès en Inde, qui a pris, surtout après Alexandre, un développement analogue à celle de Bacchus 1. Enfin, traversant encore le pays des Hyperboréens, le héros parvient au terme de son voyage, auprès des Hespérides. L'extraordinaire incohérence de tout cet itinéraire prouve assez qu'il a été, par une série de remaniements et d'additions successives, compliqué et allongé à plaisir; la forme la plus ancienne de la légende ne connaissait aucun de ces détours. Nous en sommes venus à l'aventure elle-même, pour laquelle nous trouvons aussi plusieurs versions parallèles. Dans la plus simple, c'est le héros qui va cueillir lui-même les pommes. Il pénètre dans le jardin sacré, tue le dragon Ladon qui en garde l'entrée ou qui défend l'approche de l'arbre, et détache les fruits d'or 2 Cette forme de la légende est-elle la forme primitive? Nous ne savons, mais nous la trouvons déjà sur deux lécythes à figures noires qui représentent Héraclès cueillant les fruits à l'arbre'. Souvent il est entouré des Hespérides`, qui ne jouent pas le rôle de gardiennes, mais deviennent ses complices : elles versent à boire, pour l'endormir, au serpent pré posé par Héra à la garde de l'arbre sacré, ou encore elles cueillent les po min e s pour les remettre au héros, comme on le voit sur un vase de Midias (fig. 3769) 6. C'est aussi, semble-t-il, la version suivie sur la métope du Théséion 6. La lutte du héros contre le serpent estaussi figurée sur des monuments d'époque postérieure 7. De bonne heure, cependant, on voit intervenir dans cette légende le personnage d'ATLAS, dont quelques légendes font le père, le grand-père ou l'oncle des Hespérides, et qui, en tous les cas, supporte le ciel auprès de la région merveilleuse où se trouve le jardin sacré. lléraclés ne va plus lui-même cueillir les pommes, mais persuade Atlas d'aller les chercher pour lui. Pendant que celui-ci s'acquitte de cette mission, c'est le héros qui soutient la voûte du ciel 8. Sur le coffre de Cypsélos, on voyait Héraclès marchant contre Atlas l'épée nue'. Une des métopes les plus connues d'Olympie montre Héraclès soutenant le ciel; à côté de lui, une femme, où il faut reconnaître soit une Hespéride, soit plutôt Athéna, l'aide à porter ce lourd fardeau; Atlas revient présenter les trois pommes qu'il est allé chercher 10. On contait la suite de l'aventure de façon plaisante. Atlas, heureux d'être débarrassé du poids que la destinée lui imposait à toujours, offre à Héraclès d'aller jusqu'à Mycènes rapporter les pommes à Eurysthée. Le héros feint d'entrer dans cette combinaison, mais demande à mettre un coussin sur ses épaules pour les soulager. Atlas se laisse prendre à la ruse, décharge Héraclès, qui se hâte de gagner le largeit. De retour à Mycènes, il remet lespommes à Eurysthée, qui les lui rend, et Athéna les reporte dans le jardin des Hespérides, car elles ne doivent point rester ailleurs 12. Une variante, très remarquable, de cette conclusion de la légende, se trouve sur deux vases attiques du ve siècle : Héraclès apporte les pommes dans l'assemblée des dieux de l'Olympe 13. Cette version témoigne, plus clairement peut-être que les autres, du vrai sens de la fable : l'immortalité du héros est liée à la conquête des pommes d'or, qui lui ouvre directement l'accès dans l'Olympe, d'où il est évident que le héros ne doit plus sortir. Aussi cet exploit estil, dans quelques cycles, le dernier des douze travaux ; il clôt sa carrière terrestre 16 douzième et dernier travail d'Héra clès nous transporte dans la région mystérieuse des Enfers. Le chien Cerbère, fils de Typhon et d'Echidna, le redoutable gardien des Enfers, est-il, comme on l'a cru16, une personnification du crépuscule, et faut-il voir dans la légende d'Héraclès qui le ramène enchaîné sur terre, l'image du Soleil qui sort le matin des ombres de la nuit? On a donné aussi à ce mythe une portée plus haute : on y a vu le plus grand et le plus difficile des exploits d'Héraclès, de l'homme-dieu, qui, ayant accompli toute sa tâche terrestre, ayant purgé le monde de tous ses monstres, n'a plus qu'un ennemi à dompter, la Mort, pour gagner l'immortalité : en ce sens, ce mythe précéderait logiquement et préparerait celui des Hespérides 16. Il est déjà connu par les poèmes homériques 17, qui Rhod. IV, 1396 sqq. ; Diod. IV, 26 ; c'est aussi une des versions d'Apollodore, 1. c. Le dragon (voy. dans ce Dictionnaire, t. 1l, fig. 2594, et nRACO, p. 407) est ici considéré comme le gardien d'un lieu sacré. Son nom Ladon, qui rappelle celui de la rivière d'Arcadie, est une des preuves qu'on a alléguées pour l'origine arca dienne du mythe; Roscher, Lex. 1, p. 2598. 3 Benndorf, Griech. und Sicil. Vasenb. pl. Lu, 1; Braun, Zwôl f Basrel. vign. de la pl. xr (cité par Furtwaengler). s Ainsi sur le vase d'Archémoros, Gerhard, Gesa,smr. Abhandl. pl. u Baumeister, Denkmaeler, I, fig. 745 ; Roscber, Lexikon, I, p. 2599. Voy. sur les représentations figurées d'Iléraclès avec les Hespérides, Gerhard, O. e. I, p. 50 sqq.; 219 sqq.; Heydemann, Humorist. Vasenb. ('Winch elm. Frege., Berlin, 1870); IIelbig, Pom Gerhard, Ibid. pl. xx,1; Millin, Galerie mythol. C XIV, 444 (vase d'Astéas) Decharme, Op. cil. fig. 141 ; Zoega, Bassiril. II, 64. 6 1l semble qu'une Hespéride tende à Héraclès un rameau, ilfonumenti, X, 59, 5. 7 Déjà sur un vase àrelief du v siècle, V. par Furtwaengler, Lexikon, p. 2228, 2244. 8 Apollod. 1. c. 9 Pausan. V, 18, 4. Cf. l'art. ATLAS, p. 526-7: peinture de Panaenos, Paus. V, 11, 5. Ajouter les autres références dans Furtwaengler, Lexikoa, I, p. 2227, et ibid. p. 2599-2601. 10 Collignon, Hist. de la seulpt. gr. I, p. 430, fig. 221. 11 Voy. l'inscription du coffre de Cypsélos, citée par Pans. V, 18, 4, et le miroir étrusque publié par Gerhard, pl. cxxxvu et reproduit t. I, fig. 612. -12 Apollod. 1. c. 13 Noël des Vergers, CÉtrurie et les Étrusques, pl. iv, et Annali, 1859, tav. G H (aujourd'hui au Musée de l'Ermitage; charme, Op. cit. p. 500 et les références. 16 Wilamowitz, Op. cit. 1, p. 301. Sur les différentes interprétations proposées de Cerbère, voy. Immisch, dans le Lexikon de Roscher, t. II, p. 1127-1134; pour l'auteur de cet article, Cerbère est analogue au serpent qu'on voit représenté sur les tombes. 17 I1. VIII, 367 ; Od. XI, 623. Le nom même de Cerbère ne se trouve pas dans Homère. 13 HER 98 HER y font allusion à plusieurs reprises : Hermès et Athéna guident le héros jusqu'aux Enfers, il en revient traînant Cerbère enchaîné. La tradition la plus répandue fait descendre Héraclès dans le monde souterrain par un gouffre près du cap Ténare' ; d'après quelques auteurs, c'est au même endroit qu'il en ressort', mais d'autres versions ont localisé la légende en divers endroits, à Hermione', à Trézène 4, à Laphystion en Béotie 5, dans la Thesprotide6, à Héraclée du Pont7. Très sommaire dans le récit d'Homère,l'aventure s'est enrichie plus tard de quelques épisodes. C'est sans doute à tort qu'on y a rattaché la mention, faite par l'Iliade, d'une blessure infligée par Iléraclès à Hadès'. Une tradition, qui acquit à partir du ve siècle une certaine notoriété, c'est qu'avant de descendre aux Enfers, le héros se serait fait initier aux mystères des f leusinies, afin de se purifier du sang qu'il avait répandu, particulièrement du meurtre des Centaures, et de recevoir des divinités infernales un accueil favorable °. Mais il y a là sans doute une interprétationpostérieure de l'initiation d'Héraclès, les rapports du héros avec les divinités chthoniennes étant attestées d'ailleurs par certains traits, et ne paraissant pas liées nécessairement avec la descente aux Enfers". Quand il pénètre dans le monde souterrain, la terreur que cause son apparition disperse les ombres; la Gorgone seule ne fuit pas ; il veut la percer de son épée, mais son conducteur l'avertit qu'elle n'est plus qu'un vain fantôme. Méléagre s'approche de lui et lui recommande d'épouser sa soeur Déjanire, restée seule depuis qu'il est mort. Près des portes d'Hadès, il rencontre Thésée et Pirithoüs, enchaînés à un rocher et qui tendent vers lui des mains suppliantes. Il délivreThésée't, mais un tremblement de terre l'empêche de rendre le même service à Pirithoüs. Il dégage aussi Ascalaphos du rocher qui pèse sur lui. Pour donner à boire aux âmes des morts, il immole une des génisses d'Hadès. Ménoitès, le bouvier du troupeau, l'ayant provoqué à la lutte, il le saisit par le milieu du corps et lui brise les côtes. Enfin il demande Cerbère à Pluton, qui le lui accorde à condition que le héros s'emparera de lui sans faire usage de ses armes. Héraclès ne garde que sa cuirasse et sa peau de lion, saisit le monstre par le cou, et le traîne à la lumière malgré les morsures que lui fait Cerbère avec la queue de serpent dont il est muni. Il va le présenter à Eurysthée, puis le renvoie aux Enfers 12. Une des plus anciennes peintures de vase qui s'inspirent de cette légende est celle d'un scyphos' provenant d'Argos et de fabrication corinthienne". Le motif n'a d'analogie avec aucune autre représentation connue : Hadès s'enfuit, Perséphone s'est levée de son siège ; Héraclès se présente devant elle, armé et menaçant, derrière lui est Hermès; sur la droite est représenté Cerbère avec une tête unique et des serpents qui se détachent de son corps. L'enlèvement de Cerbère était figuré sur le trône d'Amycléesi', sans doute conformément au motif qui se trouve d'ordinaire sur les vases à figures noires et aussi sur des vases à figures rouges: Héraclès sortant du palais infernal, qui est indiqué par des colonnes doriques, brandissant la massue de la main droite, et traînant avec la main gauche, au moyen d'une corde ou d'une chaîne, Cerbère qui a communément deux têtes et une queue terminée en tête de serpent (fig. 3770)''. Il en a trois, avec une queue de chien, sur une hydrie ionienne, au Musée du Louvre, des serpents se déroulent autour de sa tête et même de ses pattes « (fig. 3 î 7 1). Cerbère suit le héros avec plus ou moins de docilité, et parfois résiste énergiquement". D'autres motifs se rencontrent encore : Iléraclès parlant au chien, ou cherchant à l'attireri8; sur une amphore, au Louvre, il lui présente la chaîne f3. Les métopes d'Olympie 20 et du Théséion 21 qui représentent cet épisode sont très mutilées ; il semble que Cerbère n'y soit figuré qu'avec une seule tête ; de même sur une coupe à figures rouges du musée d'Altenbourg 22. A partir de la fin du ve siècle, il a presque toujours trois têtes, et HER -99LIER ce détail est d'accord avec l'épithète qu'il porte dans Sophocle et dans Euripide'. Nous signalerons, comme assez particulière, la conformation de ces têtes sur un sarcophage de Thespies2. L'enlèvement de Cerbère se voit assez souvent sur les vases de l'Italie méridionale de la fin du Ive siècle : il y fait partie de la représentation générale du monde infernal ' [INFERI]. Parmi Ies monuments postérieurs, nous citerons encore le camée de Dioscouridès, qui se trouve à Berlin et dont il existe plusieurs répliques : Héraclès y enchaîne Cerbère 4. Si, comme on I'a quelquefois interprété, cet épisode de la légende d'Héraclès doit s'expliquer comme son triomphe sur la Mort, on peut en rapprocher d'autres traits de son histoire qui ne nous sont guère connus que par des monuments, sa victoire sur Géras, c'est-à-dire sur laVieiltosse et sur la Mort. Il en sera question plus loin [sect. VI]. Il y a là une conception qui est évidemment de même nature que l'union du héros, reçu parmi les immortels, avec Hébé, personnification de la jeunesse [sect. V. IV. EXPÉDITIONS GUERRIÈRES ET LÉGENDES DIVERSES. Même en faisant entrer arbitrairement dans le cycle des douze travaux un très grand nombre d'épisodes de la légende d'Héraclès, les mythographes ont laissé hors de cc cadre une multitude d'aventures d'origine très diverse, dont beaucoup sont des traditions locales ou nationales, etd'autres des inventions postérieures de lapoésie épique. Elles se distinguent des précédentes par deux traits : elles ne sont plus provoquées par les ordres d'Eurysthée; ce sont des exploits qu'Héraclès s'impose, soit pour venger desinjures personnelles, soit pour défendre des opprimés. De plus, il y apparaît, à quelques exceptions près, non plus comme le dompteur de monstres que nous a surtout représenté le cycle argien, niais comme un guerrier qui combat, soit seul, soit à la tête de troupes armées, ses nouveauxadversaires, des hommes pour la plupart. Entre toutes ces aventures on n'a pu établir d'autre suite rationnelle qu'un ordre factice de chronologie. Comme précédemment, nous suivons dans ses grandes lignes celui que donne Apollodore. Eurytos d'OEchalia, Iphilos, Iole. Trois villes légendaires portaient le nom d'OEchalia : une en Thessalie, dans la région de Tricca et d'Ithome5, une autre sur les frontières de la Messénie et de l'Arcadie, à peu près à l'emplacement où se trouva plus tard Andanie 6, la troisième en Eubée, non loin d'1rétrie '. Toutes trois revendiquaient l'honneur d'avoir été la ville d'Eurytos 8 ; il est difficile de dire où la légende était localisée primitivement. D'après Preller, c'est dans celle du Péloponnèse qu'il faut en chercher l'origine 9, puis l'action a été transportée dans celle d'Eubée par le poète Créophylos. Eurytos, roi d'OEchalia10, est un habile archer; il a reçu les leçons d'Apollon lui-même. Fier de son talent, il aurait, suivant le récit de l'Odyssée'', provoqué le dieu à se mesurer avec lui, et Apollon irrité le frappa de mort dans sa propre maison. La version homérique ne met pas Héraclès en contact avec Eurytos lui-même, mais avec son fils Iphitos : le héros l'assassine traîtreusement dans sa maison 12, c'est-à-dire à Tirynthe où il lui donnait l'hospitalité et parcequ'Iphitos lui réclamait des juments ou des bœufs qu'Héraclès lui avait volés avec la complicité d'Autolycos, fils d'Hermès13. D'après Phérécyde, Iphitos fut précipité du haut d'une tour 14. Héraclès, pour se purifier de ce meurtre, se rendit auprès du dieu de Delphes, qui le condamna à se mettre en captivité pour un an 7° ; Hermès se charge de le vendre à Omphale ts Suivant la tradition que mit en honneur Créophylos 1-' et que suit Sophocle, Eurytos, roi d'OEchalia, est père de quatre fils, Iphitos, Déion, Klytios et Toxeus, qu'il a instruits dans son art. Il promet la main de sa fille, la blonde Iole 18, à qui le surpassera, lui et son fils, au maniement de l'arc. Héraclès, qui se pose en prétendant, triomphe à ce concours et réclame le prix de sa victoire. On le lui refuse; il entreprend alors, avec l'aide d'une armée, le siège d'OEchalia, prend la ville et la détruit, massacre Eurytos et ses fils, emmène Iole captive 19. Une variante de cette même version, c'est qu'Héraclès réclame Iole, non pour lui, mais pour Hyllos, le fils qu'il a eu de Déjanire 20. Hyllos du moins l'épouse après la mort d'Héraclès, survenue peu de temps après 21. Comme on le voit, le premier de ces épisodes, le meurtre d'Iphitos, a servi aux mythographes à justifier l'introduction dans la légende d'Héraclès, de la servitude auprès d'Omphale; la prise d'OEchalia nous ramène au contraire aux dernières circonstances de la vie du héros". Les représentations figurées qui ont trait à la légende d'Eurytos sont assez rares. Un cratère corinthien du Louvre, qui parait remonter à la première moitié du vie siècle, montre Héraclès attablé avec Eurytos et ses fils ; la jeune Iole se tient debout auprès du héros : les personnages sont désignés par des inscriptions23. La scène paraît être celle du banquet qui aura précédé le concours de l'arc. Le concours lui-même se voit peut-être sur une amphore attique à figures noires. Quant à la prise d'OEchalia, on ne la voit guère que sur un vase attique du style de Brygos ou de Douris, dont les fragments ont été retrouvés à l'Acropole d'Athènes 25 et sans doute aussi sur un scyphos de Locride récemment publié 25. Omphale, Syleus, Lityersès, Cercopes. Dans la lé HER 100 HER gende telle que nous la trouvons constituée à partir du ve siècle, Omphale est une reine de Lydie, fille de Iardanos, femme de Tmolos, dont elle hérita la royauté; puis elle eut d'Héraclès, quand il vint se mettre à son service, un ou plusieurs fils, et c'est à cette descendance que se rattache la famille royale de Sardes'. La littérature, surtout à l'époque romaine, a souvent parlé de la vie molle et efféminée que mena Héraclès à la cour de Lydie 2. Il emprunte les habits de femme d'Omphale, qui se revêt de la peau de lion ; il file de la laine à ses pieds : légende qui s'établit avec d'autant plus de facilité, que l'art grec représente de bonne heure le héros se délassant après ses fatigues et faisant bonne chère, aussi intrépide à l'orgie qu'à la lutte. Les monuments figurés de l'époque alexandrine et romaine confirment et complètent ce tableau. C'est un des sujets préférés des peintures murales (fig. 3772) : Héraclèsy est vêtu en femme, quelquefois ivre, portant le rouet ou filant auprès d'Omphale qui lui a emprunté ses armes et la peau de lion 2. Cependant, même au milieu de ces délices, Héraclès ne reste pas inactif, et la légende lui attribuait plusieurs exploits, qu'il entreprit pour le service d'Omphale. C'est ainsi qu'il combat la peuplade des Itoniens, qui pillaient les frontières du pays 4, les Trémiles de Lycie les Amazones, sur lesquelles il conquiert la double hache qui devint l'insigne des rois lydiens 6. D'autres contes, que l'on rattachait également au séjour auprès d'Omphale, ont acquis plus de notoriété. D'abord celui qui est relatif à Syleus. Syleus, propriétaire de vignobles, oblige les étrangers qui passent à sa portée à bêcher la terre pour son compte : Héraclès survient, saccage ses domaines et le tue ainsi que sa fille Xénodiké 7. Euripide, qui a pris cette aventure pour sujet d'un drame satyrique, lui donne un tour quelque peu différent : Héraclès est vendu par Hermès à Syleus, comme dans la tradition ordinaire il est vendu à Omphale. Syleus l'envoie travailler à sa vigne; le héros arrache les plants et se goberge aux dépens de son maître ; par raillerie, il l'invite à faire bombance avec lui ; Syleus se fâchant, il détourne une rivière qui inonde tout le domaine'. Le sujet est représenté sur des vases du ve siècle (fig. 3773)'. L'épisode de Lityersès offre avec le précédent des analogies frappantes : il est devenu le thème d'une chanson de moissonneurs. Lityersès possède10 dans les environs de Célènes de riches champs de blé. C'est un grand mangeur et un grand buveur. Comme Syleus, il fait main basse sur les passants et les enrôle comme moissonneurs; puis, leur tâche finie, il les décapite et les jette dans le Méandre. Héraclès survient et lui fait subir le même sort ". De toutes ces fables, la plus populaire dans l'art comme dans la littérature est celle des Cercopes, deux nains fripons et voleurs, qui cherchent à dérober à Héraclès ses armes pendant son sommeil, mais que le héros attrape et qu'il suspend, pour les punir, à. une branche en les pendant la tête en bas; il les porte ainsi quelque temps sur ses épaules, puis, amusé par leur gaminerie, il les lâche en liberté 12. Ce conte est fort ancien ; on donnait sous le nom d'Homère un petit poème plaisant qui portait le titre de Cercopes f3. Plus tard la comédie grecque s'en est fréquemment inspirée''. On le trouve aussi représenté sur les monuments dès les origines de l'art archaïque. Il fait le sujet d'une des oeuvres les plus anciennes de la plastique grecque, une métope de Sélinonte" : Héraclès tient sur ses épaules les deux nains suspendus, la tête en bas, aux deux bouts d'une HER 101 ÏIER perche. Ce même motif se retrouve sur plusieurs vases attiques à figures noires et à figures rouges (fig. 3774) '. Ces diverses aventures ont été groupées par les mythographes en un petit cycle qu'ils rattachent au séjour d'Omphale en Lydie. D'après Diodore, c'est seulement après les services qu'Héraclès lui a rendus que la reine apprend son nom et lui accorde son amour: elle a de lui un fils, Lamos On est généralement d'accord pour admettre que la tradition relative Fig. 3774. Héraclès et les Cercopes. à la servitude chez Om phale est d'origine asia tique. On retrouve dans l'Héraclès lydien le dieu assyrien ou cilicien Sandon; dans Omphale, une de ces déesses de la génération et de la volupté qui, sous diverses formes, se rencontrent dans tout l'Orient, enfin dans l'asservissement du héros à la reine de Lydie une fable analogue à celle de Samson et Dalila M. de Wilamowitz a combattu cette interprétation par de très ingénieux arguments 4. Plusieurs indices donnent à penser, en effet, que différents épisodes de cette légende n'ont été localisés que tardivement en Asie Mineure, et qu'ils sont nés en Grèce même, dans cette région de l'OEta qui a fourni tant de traits à la légende héracléenne. Les Itoniens que le héros est censé combattre en Lydie n'ont jamais existé dans cette contrée ; il faut les chercher sur les bords du golfe Malien, où Héraclès a défait Cycnos Les Cercopes habitaient près des Thermopyles, et c'est là que les mentionne Hérodote 6; ils apparaissent d'ailleurs dans l'art et la littérature hellénique avant qu'il soit question du séjour d'Héraclès en Lydie 7. Syleus réside auprès du Pélion 8 ; Lamos, le fils qu'Omphale eut d'Héraclès d'après Diodore, est manifestement l'éponyme de la ville de Lamia 3; et quant à Omphale elle-même, c'est l'éponyme de la ville thessalienne ou épirote d'Omphalion 1° Expédition contre Ilion, Hésione. C'est après la servitude chez Omphale qu'Héraclès, de retour en Grèce, entreprend sa campagne contre Ilion". M. de Wilamowitz a encore expliqué, d'une manière très plausible, comment elle a été introduite dans la légende d'Héraclès 12. L'épopée primitive avait fait de la conquête de Troie une entreprise éolienne et ionienne. Les Doriens de Cos et de Rhodes n'ont pu admettre que la défaite de l'Asie eût été consommée s.ns l'intervention de leur héros national. Ne pouvant le faire participer à la campagne d'Agamemnon, à cause de la présence de Tlépolémos qu'ils avaient déjà introduit dans la légende, ils lui ont attribué une expédition antérieure, contre Laomédon, le père de Priam. Cette origine dorienne se reconnaît à la délivrance d'Hésione, qui est une forme nouvelle de l'aventure de Persée et d'Andromède, mythe argien. Puis ils ont relié l'expédition d'Héraclès contre Troie à des légendes nationales qui signalaient ses exploits à Cos et à Lindos. Enfin, quand l'épopée, ainsi augmentée, passa en Grèce, on associa à l'expédition d'Héraclès d'autres héros, les Éacides. Le récit de la légende est déjà très circonstancié dans l'Iliade13; Pindare et les écrivains postérieurs mentionnent la présence de Télamon et ont rattaché à ce récit, outre différents épisodes, la conquête de la ceinture d'Hippolyte, et la Gigantomàchie". Laomédon, pour expier un parjure, a dû exposer sur un rocher sa fille Ilésione en proie à un monstre marin, envoyé par Poseidon, et qui ravageait le pays. Héraclès survient et s'offre à délivrer Hésione. Laomédon lui promet, comme récompense, les chevaux divins que Zeus lui a donnés pour le dédommager de l'enlèvement de Ganymède. Héraclès combat le dragon, protégé par un mur qu'Athéna et les Troyens construisent pour lui servir d'abri. D'après des récits postérieurs, il pénètre dans la gueule du monstre et lui déchire les entrailles'° La délivrance d'Ilésione est le sujet de quelques monuments figurés. On voit sur une peinture de vase le héros pénétrant, en tirant son épée, dans la gueule ouverte du dragon f6. Plus souvent, c'est la lutte ordinaire qui est représentée : ainsi sur quelques peintures murales de Pompéi 17 ; sur une mosaïque de la villa Albani, le monstre a été abattu par les flèches d'Héraclès, qui regarde tranquillement Télamon occupé à détacher les liens d'Hésione 18. Laomédon est infidèle à sa promesse. Héraclès, plein de fureur, retourne en Grèce rassembler une armée, met le siège devant Troie, saccage la ville, égorge le roi et ses fils, à l'exception de Priam qui avait plaidé sa cause, donne Hésione à Télamon. C'est après la destruction de Troie que se place le retour accidenté raconté dans l'Iliade13. Héra, détournant l'attention de Zeus par ses embrassements 2D, déchaîne une tempête qui pousse le héros et ses compagnons dans l'île de Cos, où ils ont de nouveaux combats à soutenir 21. Enfin c'est à Cos qu'Athéna vient le chercher pour lui demander son concours dans la Gigantomachie 22. Gigantomachie.Héraclès, comme Dionysos [BAccnus, p. 610], fut appelé à prendre part à la guerre des dieux contre les Géants [GIGANTES] : on motiva leur intervention par un oracle de Gaia, qui aurait déclaré que les dieux ne viendraient pas à bout de leurs adversaires sans IIER '102 BER le secours des deux demi-dieux'. Toutefois l'intervention d'Héraclès a été imaginée la première, et son rôle est demeuré le plus important. C'est dans Pindare2 que nous en trouvons la première mention : Sophocle° et Euripide s y font également allusion. Cet exploit a été placé soit après l'expédition du héros contre Troie', soit à son retour de l'île d'Érythie 0. Le combat contre les Géants est localisé d'ordinaire à Phlégra, dons la presqu'île de Pallène quelquefois dans la Campanie, où l'on montrait aussi des champs Phlégréens 3, ailleurs encore9. Athéna va chercher le héros ; il perce de ses flèches les géants déjàabattus par les dieux. On lui donne quelquefois pour adversaire particulier Alcyoneus: et. il aide aussi Héra à repousser l'attaque de Porphyrionf0. Les monuments figurés ont représenté de bonne heure Iléraclès au milieu des dieux et des géants en lutte ". Il faut l'y reconnaître déjà sans doute sur le fronton du trésor des Mégariens, dont on a trouvé d'importants fragments, à Olympie 12. Sur les vases attiques à figures noires, on trouve presque toujours le même type : Héraclès combat sur le char même de Zeus, tirant de l'arc; à côté du char se tient Athéna 13. Par exception, il est à pied, auprès du char de Zeus 14. Sur une belle amphore attique de la fin du ve siècle' Zeus est descendu de sols char; au-dessous de lui, et à côté d'Athéna, Héraclès dirige une flèche contre un Géant déjà frappé du foudre " Plus tard, il combat aussi avec l'épée ou avec la massue. Sur un cratère du ve siècle il est seul au milieu des Géants, armé de la massue, tandis que les dieux combattent du haut de l'Olympe ". Sur la grande frise de Pergame, il combat de même, assez loin de Zeus et d'Athéna ta. Alcyoneus. La lutte d'Héraclès contre le Géant Alcyoneus est considérée soit comme un épisode de la Gigantomachie1°, soit comme une aventure indépendante où Télamon est associé, et qui se place après l'expédition contre Troie20. Alcyoneus à plusieurs égards rappelle Géryon : il a enlevé à l rythie les boeufs du soleil"; d'autre part, comme Antée, il reprend ses forces à chaque fois qu'il touche le sol natal : c'est pour cela que, dans la Gigantomachie, Athéna le traîne hors de la presqu'île de Pallène pour permettre à Iléraclès de l'achever. Ces analogies avec Géryon l'ont fait quelquefois considérer comme le géant de l'hiver, réduit à l'impuissance, puis vaincu par le dieu solaire". Les monuments figurés s'inspirent souvent de ce mythe, à l'époque archaïque. Alcyoneus, sur les vases à figures noires, est représenté à peu près comme Antée, avec la barbe et les cheveux longs. Héraclès dans la lutte, est assisté quelquefois par Athéna et par Hermès, souvent aussi par Hypnos, sous la forme d'un petit génie ailé, qui maintient Alcyoneus endormi, tandis que le héros s'approche, armé de l'arc, de l'épée ou de la massue 23 Expéditions contre l'Elide, Pylos, Lacédémone. Nous retrouvons ensuite Iléraclès dans le Péloponnèse, où les légendes Iui attribuaient un certain nombre d'expéditions guerrières, qui ont laissé quelques souvenirs dans la littérature, mais aucun dans l'art. Augias, le roi d'Élide, ayant refusé à Iléraclès le salaire qui lui était dû pour le nettoyage des écuries, celui-ci entreprend une expédition pour le châtier. Il rencontre comme adversaires les deux Actorions ou 11lolionides2Y, deux géants jumeaux, que l'on se représentait soit comme deux personnes indépendantes, soit comme un monstre au corps unique, avec deux têtes, quatre mains et quatre pieds 2s. On leur donne les noms de Ktéatos et d'Eurytos2G ; ils sont fils d'Actor, frère d'Augias, et de Molioné 2", ou encore de Poseidon et de 1lolioné 28. On les a rapprochés des Aloades [ALOADAE], dont le nom peut avoir la même signification que celui de 1lolionides2°; mais une tradition, qu'on trouve dans Ibycos, fait d'eux des héros cavaliers comme les Dioscures montés sur des coursiers blancs [nioscurtl], et les fait naître, comme ceux-ci, d'un veuf d'argent 3°. Nestor raconte, dans l'Iliade, qu'il s'est mesuré contre eux à la guerre31, et dans une course de char où ils ont remporté le prix 32. Héraclès leur livre bataille, mais il est vaincu. Quelques années après, il les surprend dans une embuscade sur la route de Cléones, tandis qu'ils conduisent une procession d'Élis aux jeux Isthmiques; les Molionides y trouvent la mort 33. IIéraclès engagea alors une nouvelle campagne contre Augias, qu'il perça de ses flèches ; puis il épousa la fille du roi, qui lui donna un fils, Thestalos3i. Les mythographes placent après ces événements l'expédition d'Héraclès contre Pylos3", à laquelle on donna pour prétexte le refus de Nélée de purifier le héros du meurtre d'Iphitos 30 IIéraclès a pour principal adversaire le fils de Nélée, Périclyménos, un descendant de Poscidon, qui avait la possibilité, comme beaucoup de dieux marins, de se métamorphoser àson gré : prenant la forme d'une abeille, il se pose sur le char d'Héraclès pour l'attaquer à l'improviste; averti par Athéna, celui-ci transperce d'une flèche Périclyménos et remporte ensuite la victoire37. Une tradition groupe un certain nombre de grandes divinités dans cette rencontre auprès de Pylos : IIRR 103 HEft du côté des Pyliens, Poseidon, Apollon, Arès, Héra, Hadès, du côté d'Héraclès Zeus et Athéna'. Nélée succomba avec onze fils; Nestor, le douzième, survécut seul, étant absent au moment du combat'. Puis Héraclès fait campagne contre Ilippocoon et ses fils, qui règnent à Lacédémone, soit parce qu'ils ont secouru les Pyliens dansla dernière guerre, soi tparce qu'ils ont fait périr le fils de Licymnios, son oncle3. IIéraclès est vainqueur, massacre Hippocoon et les Ilippocoontides et rétablit sur le trône Tyndare, qu'ils en avaient chassé. Augé, T élèphe. Dans cette dernière guerre, Héraclès a l'appui des Tégéates. C'est également à Tégée que se place une aventure qui a eu quelque fortune dans la tradition littéraire. Dans un moment d'ivresse, le héros déshonore Augé, fille du roi Aléos, et prêtresse du temple d'Athéna. Par crainte de son père, elle dissimule sa grossesse, puis cache l'enfant auquel elle donne le jour, Télèphe, dans le sanctuaire de la déesse. Ce sacrilège provoque une peste qui désolé le pays : le roi découvre la cause du fléau et fait exposer l'enfant sur le mont Parthénios, où une biche l'allaite; sa mère est confiée à Nauplios, qui doit la précipiter dans la mer, mais qui, touché de compassion, la sauve et lui fait gagner la Mysie, où elle épouse le roi Teuthras 4. Le hasard fait que Télèphe, parvenu à l'âge d'homme, arrive en Mysie où il délivre d'une guerre dangereuse Teuthras, qui, par reconnaissance, veut lui céder sa femme Augé, L'inceste va se commettre quand, après bien des péripéties, Héraclès survient, révèle à Télèphe le secret de sa naissance ; après la mort de Teuthras, celui-ci hérite de la royauté' , Les trois grands tragiques ont mis cette fable à la scène et l'ont enrichie et popularisée'. C'est peut-être par leur influence', mais surtout à cause des traditions sur la généalogie des rois de Pergame, dont Télèphe était l'ancêtre mythique, que cette même légende fit son apparition dans l'art. L'histoire de Télèphe est, en effet, le sujet de la petite frise qui décorait l'autel de Pergame et dont les fragments sont aujourd'hui à Berlin 8, Le rôle d'Héraclès y était représenté dans deux épisodes : sa rencontre avec Augé et la découverte qu'il fait du jeune Télèphe allaité par la biche'. Ce sont là aussi les deux motifs qui ont inspiré les monuments d'époque romaine. Des peintures de Pompéi nous montrent Héraclès surprenant la prêtresse d'Athéna, occupée à laver son linge sur le mont Parthénios et cherchant à la saisir pour lui faire violence1°. Le second motif, que l'on rencontre déjà sur des monnaies de Tégée au Iv° siècle", se voit sur des monnaies impériales de Pergame, de Tarse, deCotiaeum, de Midaeum 12 et sur une peinture d'Herculanum f 3. Des terres cuites reproduisent la même scène". Enfin l'on sait qu'une des belles statues du musée Chiaramonti a pour sujet IIéraclès tenant dans ses bras le petit Télèphe (fig. 3775) ". Légendes Chiliennes: Achéloos, Oineus, Déjanire, Nessos. Nous arrivons au récit des aventures qui ont préparé et précédé sa mort. Elles sont localisées en Étolie. Achéloos, la personnification du plus grand fleuve de Grèce, qui sépare l'Étolie de l'Acarnanie, prétend à l'hymen de Déjanire, la fille du roi Oineus, qui règne sur les Étoliens de Calydon et qui est père aussi des héros Méléagre et Tydée. Fils de l'Océan, Achéloos a, comme les divinités marines, la faculté de se métamorphoser. Pour soutenir ses prétentions, il aborde Oineus tantôt sous la forme d'un taureau, tantôt sous celle d'un serpent, tantôt sous celle d'un homme à figure de taureau, qui vomit à travers une barbe épaisse des torrents d'eau 1e. Héraclès, qui survient, délivre la jeune fille d'une union odieuse. Il engage une lutte terrible avec le monstre, qui use de ses artifices ordinaires ", et il finit par briser une de ses cornes. Pour la recouvrer, Achéloos lui donne en échange la corne qu'il avait reçue d'Amalthée, et dont Héraclès à son tour fait présent à Oineus pour obtenir de lui la main de sa fille 13, D'après d'autres traditions, c'est à Zeus, aux nymphes ou à d'autres dieux que le héros remet cette corne merveilleuse, qui est devenue le symbole de l'abondance et de la fécondité f2. On trouvera d'autres détails sur cette légende et sur ce symbole aux articles On a déjà cité, à l'article ACHELOOS, plusieurs des représentations figurées de ce combat : nous n'ajouterons que quelques indications complémentaires. Sur un seul vase archaïque, signé de Pamphaios, qui est au British Museum, la lutte rappelle celte d'Héraclès avec Triton: Achéloos a un corps de serpent ; mais une corne le distingue du dieu marin [I, fig. 51]. D'ordinaire, il est représenténvec le corps d'un taureau et le torse, les bras, la tête d'un homme. IIéraclès cherche à lui arracher sa cornet" ou bien, l'attaquant par devant, l'abat sur les genoux". Plus tard, le dieu-fleuve n'a plus que la tête humaine, et Héraclès fond sur lui armé de la massue 23 IIER 101 IIER Iiéraclès séjourne ensuite quelque temps auprès de son beau-père, qui lui offre une large hospitalité : on a voulu voir dans le nom même d'Oivséç une allusion aux fréquentes libations (oivo, vin) qui fêtent ce séjour. Il est possible aussi que Dexaménos', un nouvel hôte qui accueille Iiéraclès, et dont on fait un roi d'Olénos, ne soit qu'un doublet d'Oineus; on le donne en effet quelquefois pour le père de Déjanire2, et les entreprises du Centaure Eurytion sur celle-ci, qu'on a localisées dans l'Olénos d'Achaïe et qui coûtent la vie au monstrerappellent l'aventure d'Achéloos 1. C'est également avec le concours des Étoliens qu'Iléraclés entreprit l'expédition contré les Thesprotes d'Ephyra 5. On rattache au retour de cette campagne une scène qui se trouve sur un vase peint' : Héraclès, accompagné par Athéna est accueillie par sa femme Déjanire, portant le petit Hyllos, qu'elle a eu de lui. Enfin le séjour auprès d'Oineus prit fin à la suite d'un meurtre commis par Héraclès dans un accès de vivacité sur un jeune garçon, parent d'Oineus 7. Il dut s'exiler et partit emmenant Déjanire et son fils. C'est au passage du fleuve Euénos que se place l'aventure de Nessos 8. Le Centaure habitait sur les bords du fleuve et avait un droit de passage sur les voyageurs. Héraclès franchit le premier les eaux, confiant sa femme au Centaure. Au milieu du trajet, celui-ci tente de faire violence à la jeune femme; Héraclès, qui aperçoit l'attentat, perce d'une flèche le Centaure. Avant d'expirer, Nessos engage Déjanire à recueillir le sang qui s'échappait de sa blessure et que la flèche du héros avait empoisonné, et à s'en composer un philtre qui lui permettrait de ramener à elle Héraclès s'il était détourné par l'amour d'une autre femme 9 : présent funeste, dont Déjanire ne tarda pas à essayer l'effet. Une amphore de Milo, récemment publiée 10, a été interprétée par M. Pottier 1' comme représentant probablement Déjanire à côté d'Iéraclès, sur un char attelé de quatre chevaux ailés. La lutte même entre Héraclès et le Centaure n'est pas rare sur les monuments. Elle figurait sur le trône d'Amyclées 12. Sur les vases les plus anciens, le motif qu'on rencontre est celui du héros menaçant de l'épée ou de la massue Nessos, qui porte Déjanire en croupe i3. Quelquefois, mais surtout dans les vases à figures noires les plus récents, la jeune femme est descendue à terre, attendant l'issue du combat'A l'époque classique, ce motif disparaît de la céramique. On le retrouve dans une belle peinture murale de Pompéif5, mais la scène est prise à un moment différent, sans doute celui qui précède immédiatement l'aventure : Déjanire, debout sur un char attelé de deux chevaux, va prendre le petit Hyllos qui joue sur l'épaule de son père; celui-ci, appuyé sur la massue, écoute Nessos, qui s'est agenouillé et propose sans doute de transporter les voyageurs (fig. 3776). Légendes thessaliennes et cetéennes. Le nord de la Grèce, la Thessalie et les régions qui avoisinent l'OEta, sont le siège ou l'origine d'un très grand nombre d'aventures d'Héraclès, dont quelques-unes seulement sont liées au drame final. Alceste. Dans la ville thessalienne de Phères, Héraclès rappelle à la vie Alceste, femme d'Admète [ADMETUS]: c'est le sujet, comme on sait, de l'Alceste d'Euripide, qui fut précédée d'une pièce de Phrynichos 16. L'épisode est lié par Euripide à l'expédition du héros contre Diomède 17 ; Héraclès lutte, pour reconquérir Alceste, auprès de son tombeau, contre Thanatos 18. D'après d'autres, il va la chercher jusque dans les Enfers 10. Des bas-reliefs de sarcophages romains représentent Alceste ramenée à la lumière par Héraclès 20. On a cru reconnaître, mais sans certitude, Alceste et Héraclès dans le monde souterrain sur un tambour de colonne d'lphèse 21 Argonautes, IIylas. Héraclès a pris part à l'expédition des Argonautes, légende originaire de Thessalie [ARGONAUTAE] ; mais il est probable que le héros n'y fut adjoint qu'après coup, une fois la légende constituée, et parce qu'il parut impossible d'admettre que cet important événement se fût accompli sans le concours du plus grand des héros". On lui attribue la construction du vaisseau Argo 23. Tandis que certains, réagissant contre son intrusion dans la fable des Argonautes, niaient qu'il HER 105 HER eût été au nombre des héros', d'autres font de lui le chef de l'entreprise Il est naturel que Pindare ait mentionné la présence du fils d'Alcmène 3. II occupe la place d'honneur au milieu des héros sur un magnifique cratère d'Orviéto du beau style ancien, qui s'inspire sans doute d'une peinture de Micon 4. D'autre part on lui fait quitter définitivement le navire à différents endroits : tout d'abord presque au point de départ, sur la côte de Thessalie, au port d'Aphébe, parce que le navire ne peut supporter son poids; puis à Cyzique, à Rios, à Héraclée du Pont; ou bien il parvient jusqu'en Colchide 5. A Cyzique, il combat les Géants, suscités par Héra, et contribue à la victoire remportée par les Argonautes sur les Dolions ° : dans cet engagement, c'est lui qui tue Cyzicos', sujet qui est représenté sur un vase peint'. C'est encore à Cyzique, ou un peu plus loin, à Rios, que se passe l'épisode d'Hylas : légende qui est probablement d'origine locale, mais qui a été développée sous l'influence grecque 9. Fils de Théiodamas, le roi des Dryopes qui succomba sous les coups d'Héraclès, aimé du héros, Hylas l'avait accompagné sur le vaisseau Argo. Descendu à terre, il s'en va puiser de l'eau à une source dans la forêt : la nymphe de la fontaine s'empare de lui et l'attire dans les eaux. Héraclès le réclame en vain, puis il se décide à retourner à Trachis; mais, en s'éloignant, il obtient la promesse que les habitants du pays continueront à rechercher son compagnon. Et c'est pourquoi chaque année ils se rendent en procession à la fontaine où il a disparu, lui offrent un sacrifice et crient par trois fois le nom d'Hylas '0. La littérature et l'art ont souvent traité le thème de l'enlèvement d'Hylas, surtout depuis la période alexandrine : on le voit notamment sur des peintures de Pompéi ". Après le retour des Argonautes, nous rencontrons encore Héraclès assistant, en qualité de juge, aux jeux funèbres institués en l'honneur de Pélias par son fils et successeur Acaste : c'était un des motifs qui décoraient le coffre de Cypsélos 12. Céyx, Aigimios. De nombreuses traditions, dont la région de l'OEta est le centre, font d'Héraclès le champion du culte apollinien et des populations doriennes et maliennes qui occupaient les contrées avoisinantes. C'est dans le poème hésiodique des Noces de Céyx13 et dans une vieille épopée dorienne, Aigimios", que ces traditions semblent avoir pris corps. Héraclès, fuyant l'l tolie avec Déjanire et le petit Ilyllos, fait route à travers le pays des Dryopes, le peuple ennemi d'Apollon et hostile aux Doriens, établi dans les montagnes qui séparent le Parnasse et l'OEta. Le héros rencontre sur son chemin le roi Théiodamas, conduit par un attelage de boeufs : ayant faim, il demande à manger, et comme sa prière est repoussée, il abat l'un des boeufs et le dévore entier : ce V. qui lui vaut le surnom de (3oupciyos16. Les Dryopes l'assaillent; il les repousse avec l'aide de Déjanire, qui s'arme pour le combat, tue le roi et emmène avec lui son fils Hylas 16. Il arrive ensuite chez Céyx, le roi des Maliens de Trachis, juste au moment où celui-ci célèbre le mariage d'un de ses enfants. Il reçoit de lui le meilleur accueil et séjourne longtemps à Trachis, où Déjanire lui donne deux autres fils, Gléneus et Hoditès ". Il aide les Maliens à soumettre les Dryopes, dont il annexe le territoire à leur pays 18, et ceux-ci l'accompagneront plus tard dans son expédition contre OEchalia en Eubée. Héraclès prête aussi son concours aux Doriens à l'époque où ceux-ci occupaient le nord de la Thessalie, aux environs de l'Olympe, ou le pays qui prit d'eux le nom de Doride, près du Parnasse 19. Il combat et tue le roi Amyntor d'Orménion, qui interceptait la route de Delphes20. Il secourt le roi des Doriens, Aigimios 21, dans la guerre contre les Lapithes, dont le chef, Coronos, tombe sous ses coups, et assure la conquête de leur territoire. Aigimios, pour reconnaître ses services, lui donne le tiers de son royaume, et après la mort du héros, adopte son fils aîné Hyllos, qui fut l'ancêtre de la dynastie royale des Doriens et l'éponyme d'une des trois tribus que l'on retrouve dans toutes les contrées où les Doriens se sont établis plus tard". Cycnos. Dans la même région Héraclès combat et défait Cycnos, fils d'Arès22, le guerrier insolent et cruel, qui se poste sur le passage des pèlerins de Delphes entre la vallée de Tempé et les Thermopyles 26, pour les massacrer, les dépouiller et édifier à son père Arès un temple avec leurs crânes 25. Le Bouclier d'Héraclès, qui figure dans les oeuvres d'Hésiode, est consacré en grande partie au récit de cette lutte 26 : Cycnos est le gendre de Céyx, dont il a épousé la fille Thémistonoé ; assisté de son père Arès, il surprend et attaque le héros, dont le char est conduit par Iolaos. Iléraclès revêt les armes qui lui ont été données par les dieux, descend à terre avec Iolaos et engage le combat. Cycnos est tué, Arès blessé ne doit son salut qu'à la fuite, qui est favorisée par Phobos et Deimos. Céyx rend à son gendre les honneurs funèbres, mais Apollon fait disparaître le tombeau de l'impie. Dans son poème Cycnos, Stésichore adopte une version un peu différente 2i, suivie aussi de Pindare28 : Héraclès recule d'abord devant Arès et ne triomphe de Cycnos qu'après l'éloignement du dieu29. L'épisode de Cycnos est, dès l'époque la plus ancienne, un des plus célèbres de la légende héracléenne. Il ne figure pas, il est vrai, parmi les métopesd'Olympie; mais au Trésor des Athéniens, à Delphes, et au Théséion d'Athènes, il est intercalé dans la série des travaux imposés par Eurysthée ; il figure également dans l'énumération d'Euripide 30. Sur le trône d'Amyclées, ce motif 14 IIER -406 HER était représenté 1 et nous le rencontrons très fréquemment dans les peintures de vases de l'archaïsme et de la belle époque Hésiode avait prêté à Iléraclès, dans ce combat, l'armure complète de l'hoplite et l'engagement qu'il décrit est conforme aux règles traditionnelles du duel entre deux guerriers 3. Pourtant Hésiode luimême n'oublie pas de mentionner qu'en s'équipant Héraclès jette sur ses épaules le carquois garni de flèches'. C'est avec l'arc qu'il combat dans Euripide 6. Les peintures de vases lui attribuent le plus souvent, comme Hésiode, l'armure de l'hoplite, l'épée ou la lance et le bouclier 6; quelquefois il est armé de la massue', ou encore il lance une pierre, comme il arrive aussi dans les combats homériques 8. Iléraclès et Cycnos sont quelquefois représentés luttant seul à seul, comme sur un scarabée étrusque du British Museum' : c'est le motif le plus simple (fig. 3'i'77). Le plus sou vent d'autres personnages inter viennent, Arès du côté de Cycnos, Athéna pour protéger son héros _~`'~ favori : dans ce cas, il n'est pas rare qu'Iléraclès lutte directement contre le dieu, tandis que Cycnos s'affaisse ou prend la fuite 10. Souvent aussi, à côté des combattants, sont figurés les chars qui les ont conduits et sur lesquels on voit Iolaos et Phobos, ou encore les dieux qui assistent les héros. Une forme de la légende voulait que Zeus eût séparé Iléraclès et Arès après la mort de Cycnos" : ce motif se retrouve aussi dans quelques représentations 12. On voit encore sur certains vases, parmi lesquels un de Nicosthènes, la lutte engagée du haut des chars entre Héraclès et Cycnos, les dieux servant de conducteurs La scène la plus développée est celle d'un vase de Colchos au musée de Berlin 1',' où les personnages, fort nombreux, sont désignés par des inscriptions. Sur un vase provenant de l'Italie méridionale, que M. Furtwaengler croit inspiré par un modèle attique du ve siècle 16, nous trouvons, non plus le combat lui-même, mais ses préparatifs, suivant une habitude familière à Polygnote 16 Signalons enfin un médaillon en terre cuite d'époque romaine, trouvé à Orange, où Arès arrive en provocateur pour venger la mort de son fils; trois divinités, Zeus, Athéna, Niké, assistent à ce colloque ". Tunique empoisonnée, bûcher. C'est également dans la région de Trachis et de l'OEta qu'est localisée la tradition relative aux derniers moments de la vie terrestre d'Héraclès. Exposée sans doute dans le poème de Créophylos, cette légende nous est surtout connue par les Trachiniennes de Sophocle, dont le récit a été suivi par Apollodoret8; Diodore de Sicile présente quelques va riantes 13. La prise d'OEchalia, le massacre d'Eurytos et de ses fils, l'enlèvement d'Iole, ne se placent, dans le' récit des mythographes, comme dans Sophocle, qu'après le séjour auprès d'Omphale et les autres aventures, et ont précédé immédiatement sa mort. Avant de rentrer à Trachis, Héraclès veut offrir, sur le promontoire de Cénaeon en Eubée, un sacrifice d'actions de grâces à Zeus son père, et il dépêche à Déjanire son fidèle Lichas qu'il charge de lui rapporter un vêtement de fête pour cette solennité. Par Lichas, Déjanire apprend l'amour qu'Iole a inspiré à son époux, et se souvenant alors des recommandations de Nessos, elle remet au messager la tunique empoisonnée du Centaure. Dès qu'il l'a revêtue, Héraclès sent l'effet du poison qui ronge et consume ses chairs. Déchiré par la souffrance, il saisit Lichas et le précipite dans la mer. Il tente de se dépouiller de sa tunique et arrache en même temps des lambeaux de son corps. On le transporte à Trachis, où Déjanire se donne la mort, et, sentant sa fin venir, il confie Iole à Ilyllos, qui doit l'épouser un peu plus tard. Sur l'ordre d'Apollon, il gravit les pentes de l'OEta et, avec les pins et les chênes de la montagne, se construit un bûcher. Poeas, le père de Philoctète, lui rend le service d'y mettre le feu. La flamme consume le bûcher ; quant à Héraclès, une nuée vient le recueillir au milieu des éclairs et du tonnerre et le transporter dans l'Olyympe 20. On a depuis longtemps conjecturé que cette légende du bûcher d'Héraclès est d'origine orientale 21. Dion Chrysostome rappelle, en effet, qu'à Tarse on célébrait, en l'honneur d'Iéraclès-Sandon, la fête du bûcher dont le souvenir s'est perpétué sur les monnaies de la ville 2z. D'autre part, cet embrasement du bûcher, qui couronne la carrière d'Héraclès, est un des traits qui ont paru trahir avec le plus d'évidence le caractère solaire du héros : c'est, dit-on, une image magnifique du Soleil qui se couche au milieu des nuages". Ce qui paraît certain, toutefois, c'est que cette fable n'est pas liée nécessairement à la légende la plus ancienne et la plus générale. C'est une fable essentiellement locale, particulière à la région de l'OEta. Les monuments archaïques ne s'en sont point inspirés. L'Odyssée et la Théogonie, qui parlent de la félicité du héros dans l'Olympe, semblent ignorer le bûcher'. L'apothéose d'Héraclès, comme nous allons le voir, est conçue d'ordinaire comme indépendante de cette fin tragique, et se rattache soit à la conquête des pommes d'or des Hespérides, soit à l'enlèvement de Cerbère, soit encore à la Gigantomachie 25. Un vase attique du beau style 26 représente le dernier sacrifice qu'offrit Héraclès sur le mont Cénaeon. Quant à la scène du bûcher elle-même, la plus ancienne représentation qu'on en signale est celle d'un scarabée grec du style sévère 27 : assis sur les troncs d'arbres qu'il a lIER 107 FIER entassés, le héros semble attendre avec résignation que associé à l'apothéose du héros qu'une divinité amie, le feu vienne le consumer. Au reste, à aucune époque ce 1 Athéna ou Niké, enlève dans un quadrige; au-dessous, motif ne semble avoir été fréquent, et toujours il est Poeas qui a allumé le feu s'enfuit, des Nymphes sont occupées à éteindre le bûcher'. Tel est le sujet de plusieurs vases du Ive siècle ou du vc (fig. 3778)'. V. HÉRACLÈS DANS L'OLYMPE ; SES RAPPORTS AVEC LES indiqué et nous n'avons plus à y revenir, les circonstances, diverses selon les traditions, à la suite desquelles Héraclès fut admis parmi les dieux. Sa réception dans l'Olympe est un des sujets de prédilection des peintures de vases et d'autres monuments dès la période archaïque : c'était un des motifs de décoration exécuté par Bathyclès au trône d'Amyclées; Athéna servait d'introductrice au héros'. Elle joue le même rôle sur une coupe attique signée de Phrixos : le héros est guidé par elle devant le trône de Zeus 4. On voit assez souvent sur les vases archaïques, un défilé de divinités devant Zeus assis sur son trône : Hermès précède le cortège, Athéna vient ensuite, suivie d'Héraclès et d'autres dieux'. C'est la même scène que présentent les vases du beau style, parmi lesquels un magnifique vase de Bologne (fig. 3779), et elle se perpétue jusqu'à l'époque hellénistique, avec quelques variantes de détail'. Ladéification d'Héraclès est figurée encore d'autre façon dans les monuments, surtout par sa présence sur un char à côté d'autres divinités. L'art archaïque a un goût très vif pour les parades de chars portant des divinités, et, comme le remarque M. Furtwaengler, il n'y faut pas toujours chercher de signification mythologique précise 7. Athéna, par exemple, est une de celles qu'on voit le plus fréquemment guidant un attelage; à ses côtés', ou à pied auprès du HER 108 LIER char, figurent d'autres dieux, parmi lesquels Héraclès. D'autres fois, c'est Héraclès qui conduit le char, ou qui y monte, tandis qu'Iolaos tient les rênes; Athéna ou d'autres dieux, se tiennent auprès'. Il ne faut reconnaître l'apothéose que dans ceux de ces motifs où Athéna est la conductrice du char sur lequel est monté Iléraclès2. Sur un vase à figures noires Héraclès, tenant une couronne à la main, vient de descendre d'un quadrige conduit par Iolaos; Athéna, Hébé et Héra accueillent le nouvel immortel en lui présentant des couronnes 3. C'est aussi probablement l'apothéose d'Héraclès que représente la frise ouest du trésor de Siphnos à Delphes Sur un cratère à figures rouges trouvé en Béotie, la déification est représentée avec plus de simplicité IIéraclès est assis, ceint d'une couronne et tenant en main les pommes des Hespérides ; derrière lui s'avance Niké apportant une bandelette 5. Sur plusieurs miroirs étrusques d'époque postérieure, on voit également Niké couronnant le héros 6. Les poètes ont chanté à l'envi la béatitude du héros divinisé, qui se repose après ses fatigues, se réconcilie avec Véra dont il épouse la fille unique Bébé, la personnification de la jeunesse éternelle 7. Ce mariage est célébré par les immortels dans un joyeux festin, où pour la première fois Héraclès goûte à l'ambroisie 8. De cette union avec Hébé naissent deux fils, Alexiarès et Anikétos, en qui revit l'Héraclès aaE;CxaxG, et xciXatvtr•.oç 9. La céré monie nuptiale ou ses préparatifs sont les motifs de plusieurs monuments figurés : de deux beaux reliefs votifs de la fin du ve siècle 10, d'une grande amphore apulienne du musée de Berlin (fig. 3780)11, d'autres encore 12. Rappelons enfin qu'au Cynosarges d'Athènes le culte d'Héraclès et celui d'Hébé étaient associés 13 Le héros divinisé figure sur un grand nombre de monuments, dans les scènes qui comportent une réunion de divinités et dont quelques-unes ne représentent pas d'action déterminée. On le rencontre surtout à proximité d'Athéna et d'Hermès, souvent aussi de Dionysos, d'Apollon, quelquefois de Poseidon et d'Arès. Parmi ces associations certaines, sur lesquelles nous reviendrons [sect. VI], s'expliquent par des affinités de nature et d'attributions : ainsi celle d'Hermès et d'Héraclès, considérés tous deux comme dieux de la palestre. Ajoutons qu'hermès, messager et orateur des dieux, est tout na turellement désigné, comme cela arrive si souvent, pour précéder Héraclès conduit par Athéna dans l'Olympe. Il a déjà été question, à l'article BACCHUS (p. 632), de l'intimité qui unit ce dieu à Héraclès, et dont on peut trouver la raison dans la conformité de leurs destinées''. L'exposé de la légende d'Héraclès nous a donné l'occasion de revenir, à différentes reprises [sect. II et IV, début], sur la nature des rapports qui existent entre Héra et Héraclès. Sa haine, dès avant sa naissance, a fixé son sort; elle l'a poursuivi durant toute sa carrière, l'a asservi à Eurysthée, a suscité la plupart des épreuves dont il a eu à triompher. L'entrée du héros dans l'Olympe a mis fin à cette inimitié15 HER 109 HER Iléraclés et Athéna. Il convient d'insister, d'une manière plus spéciale, sur les rapprochements entre Héraclès et deux autres divinités, Athéna et Apollon, qui occupent une place importante dans la légende. Ces deux divinités sont étroitement mêlées à son existence terrestre ; dans d'autres cas, les circonstances et le lieu de la scène ne sont pas déterminés, et l'on peut douter si Héraclès est conçu, dans certaines représentations, comme dieu ou comme héros ; et, à vrai dire, les anciens n'ont pas distingué nettement ces deux aspects. Les liens d'étroite amitié qui unissent Athéna et Héraclès s'expliquent peut-être, tout d'abord, par la conformité originelle de leur nature, si Athéna est bien une déesse de la clarté lumineuse ou de l'éclair, et Héraclès un héros solaire. On a aussi cherché des causes historiques à ce rapprochement : ce serait le résultat « d'une conciliation entre le culte ionien, personnifié par Poseidon et Athéna, et le culte dorien représenté par Héraclès, le héros légendaire du Péloponnèse. L'influence de Pisistrate ne fut pas étrangère à ce concept où la politique avait sa part, en faisant d'Athènes un centre religieux où s'unissaient et se fondaient les deux cultes principaux des races helléniques t n. L'Iliade et l'Odyssée connaissent pourtant cette protection exercée par Athéna sur Héraclès ; mais, comme les poèmes homériques ont été rédigés au temps de Pisistrate, on peut supposer là précisément la même influence. Quant à la présence d'Athéna sur les métopes d'Olympie, oeuvre péloponnésienne, rien n'empêche d'y voir une donnée fixée dans la tradition depuis de longues années par les artistes athéniens. Au reste, le développement pris à Athènes par le culte d'Héraclès dans le cours du vie siècle est attesté par les fragments de sculpture en tuf de l'Acropole [sect. VIII]. Telle est la raison qui explique que les céramistes d'Athènes ont très souvent fait figurer Athéna aux côtés d'Héraclès; il n'est pour ainsi dire aucun des épisodes de sa légende où elle n'intervienne: tantôt elle assiste simplement à l'action, sans y prendre part, tantôt elle joue un rôle actif et combat avec la lance. D'autres monuments, qui dérivent de la même inspiration, ont été interprétés comme exprimant des liens amoureux ou un mariage mystique entre la déesse et le héros : il faut y voir tout simplement la traduction des sentiments affectueux qui les unissent'. Parfois, sur des vases à figures noires, c'est un dialogue amical que l'auteur a voulu représenter; ; d'autres fois, Athéna offre à Héraclès une fleur, une couronne, un rameau 5, ou, inversement, le héros présente une fleur à la déesse 6. Successivement, d'autres motifs, de sens analogue, apparaissent : tous deux échangent une poignée de main', ou encore Athéna ranime le héros en lui versant à boire dans une coupes ; ce dernier motif se voit assez fréquemment sur des vases de la belle époque9; il se retrouve dans un groupe architectonique en terre cuite peinte, précieux monument de l'art étrusque, au musée du Louvre 10; lolaos est quelquefois associé à la scène". Ailleurs Héraclès est entre Athéna et Hermès 12. Des vases du ive siècle nous montrent aussi Héraclès au repos dans la société d'Athéna, de Niké, de Hébé 1'. Un vase archaïque offre un autre sujet encore : Iéraclès conduisant à la déesse une victime pour le sacrifice 1i. Enfin sur deux vases attiques anciens, Héraclès et Arès assis tent côte à côte, dans la société des autres dieux, à la Héraclès et Apollon; la dispute du trépied. Héraclès a également avec Apollon des rapports très intimes et auxquels bien des traits font allusion dans la légende. Les monuments figurés ont surtout représenté la dispute du trépied de Delphes, qui, fait singulier, n'est guère mentionnée dans nos textes : nous savons cependant, d'après Pausanias", qu'elle avait été chantée par les poètes 17. Ces monuments sont particulièrement fréquents à l'époque archaïque. Le motif varie. Tantôt, comme c'est le cas pour un vase à figures noires de Naples que M. Furtwaengler croit de fabrication chalcidienne, le tré HER HO HER pied est dressé debout au milieu de la scène ; Apollon et Héraclès s'avancent pour le saisir chacun de leur côté, et Athéna intervient pour séparer les deux rivaux et empêcher la querelle' ; ce même motif se retrouve sur quelques vases attiques 2 et sur des bronzes archaïques grecs (fig. 3783) ou étrusques 3. Dans ces représentations, les deux divinités sont probablement considérées comme ayant des droits égaux sur le trépied. Tantôt, et c'est là la scène la plus fréquente, Héraclès est considéré comme ravisseur; il est poursuivi par Apollon, et une lutte est engagée ; d'ordinaire Athéna est aux côtés du premier et joue un rôle de conciliatrice, Artémis ou Latone accompagne Apollon ; Hermès intervient également. On voit ce motif sur le fronton du Trésor de Siphnos à Delphes 4, sur un bronze archaïque d'Olympie', enfin sur de nombreux vases attiques à figures noires du style postérieur et à figures rouges du plus ancien style 6. Quelques monuments archaïques représentent aussi Héraclès seul, emportant le trépied et fuyant à grands pas 7. La dispute apparaît encore souvent sur les vases attiques du beau style sévère', et sur des monnaies', puis on ne la trouve plus que dans quelques monuments de style archaïsant, par exemple sur la base d'un trépied choragique de Dresde, fréquemment reproduite". Quelle est la signification originelle d'un épisode qui a joui d'une telle vogue dans l'archaïsme ? Il a sans doute été imaginé pour rendre raison de certaines attributions d'Héraclès qui rappellent d'une manière frappante celles d'Apollon. Sans parler de quelques analogies secondaires sur lesquelles nous aurons à revenir", Héraclès est comme Apollon un dieu solaire"; tous deux combattent avec l'arc sur les plus anciens monuments; Apollon est le dieu-prophète, et le don prophétique est aussi attribué à Héraclès, au moins dans certaines traditions locales 13. Que le trépied soit simplement le symbole de la prophétie, ou, comme on l'a supposé, le récipient du feu ", à ces deux titres cet attribut peut lui convenir. Dans la suite, c'est le culte d'Apollon qui accapara cet attribut, et, pour expliquer qu'Héraclès avait fondé certains cultes analogues, on imagina, à une époque où le souvenir de cet ancien caractère s'était affaibli, qu'il avait dérobé cet attribut à son légitime possesseur. Depuis lors, il devint le serviteur fidèle et le défenseur d'Apollon dans la légende. A Thèbes, on racontait qu'il avait été, dans son enfance, daphnéphore dans le temple d'Apollon Isménien, et que, suivant l'usage, son père avait consacré au dieu un trépied commémoratif is. De très nombreuses légendes historiques ont fait du héros le propagateur et le champion du culte d'Apollon. Il fonde pour lui un sanctuaire à Phénéos f 6, à Gythion", (amphore d'Andocidès, à Berlin) ; 3 (cyliz de Deiniadés et de Phintias à Munich), 4-7, etc. 7 Arch. Zeit. 1867, pl. ccxxvn; scarabée reproduit par rurtwaengler, Baumeister, Denkmael. I, fig. 511. 11 IIéraclès jouant de la lyre, associé aux Muses, etc. voy. sect. VI. 12 Outre certains exploits qui semblent dénoter ce caractère, rappelons la légende d'Héraclès voguant sur l'Océan dans la coupe du Soleil. Furtwaengler rapproche un vase attique du v• siècle, où Apollon, assis sur le trépied, traverse la mer : lemme, fig. 370. 13 A Dura, en Achaïe, Paus . VII, 25, 10. à Ambracie f8, ailleurs encore t9. Les traditions doriennes du nord de la Grèce nous l'ont montré subjuguant ou exterminant les ennemis du sanctuaire de Delphes, les Dryopes, les Lapithes, Cycnos. Nous l'avons vu, en deux circonstances, se soumettre à l'expiation et à la purification que lui impose l'oracle de Delphes, d'abord après sa démence, puis après le meurtre d'Iphitos. Bref la légende, en se fixant, a fait de lui le subordonné du dieu, alors qu'à l'origine il était son pair et lui disputait certaines attributions essentielles 20 VI. CONCEPTION RELIGIEUSE ET MORALE D'HÉRACLÈS. Héraclès est considéré à la fois comme un héros et comme un dieu, Cette distinction, qui a tendu à s'effacer avec le temps, semble avoir été plus nette à l'origine. Hérodote donne à entendre qu'en plusieurs villes coexistaient deux sanctuaires, l'un consacré à l'Héraclès Olympien, l'autre au héros 21. D'après Diodore, c'est à Oponte qu'on l'a honoré tout d'abord comme héros, immédiatement après l'apothéose : cet exemple fut suivi par Thèbes ; puis Léontini en Sicile, ou, d'après une autre tradition, Marathon en Attique lui aurait rendu pour la première fois les honneurs divins : c'est de l'Attique enfin que ce culte divin se serait propagé par tout le monde hellénique". A Sicyone, nous voyons s'opérer la transition de la première forme de ce culte à la seconde : l'Héraclide Phaestos, venu de Grèce 23, persuada aux habitants d'adorer comme dieu le héros qui était déjà l'objet de leur vénération". Quelle que soit, à l'origine, la signification mythologique d'lléraclès, ce qu'il est devenu surtout aux yeux des Grecs, c'est la personnification de la force physique. La vigueur surhumaine qu'il déploie dans ses innombrables travaux constitue le trait le plus saillant, le plus caractéristique de sa nature : c'est celui que son nom évoquait tout d'abord, et qui le distinguait même des héros similaires. Les représentations de certains de ses combats, comme celui d'Antée, où il acquit le surnom de Hcû (cov, sont conçues comme des modèles de la lutte athlétique". Aussi est-il, avec Hermès et Apollon, un des dieux de la palestre et du gymnase. A Thèbes, un gymnase et un stade, qui portaient son nom, étaient annexés à L'Héracléion 26 A Athènes, un des grands gymnases, celui du Cynosarges, lui est consacré"; un autel s'y dresse en son honneur auprès de celui d'Hébé 28; à côté se trouve un Héracléion 2'. II a également son autel dans le gymnase d'Élis 30. C'est sans doute en raison de ces attributions agonistiques que les jeunes Athéniens, à leur entrée dans l'âge éphébique, lui offrent une libation de vin"; de même à Sparte, les adolescents qui parviennent à l'âge viril lui font un sacrifice 32. De nom bablement dans les villes qui prétendaient avoir eu Héraclès pour fondateur, et qui ont un trépied sur leurs monnaies, comme Crotone. 20 Sur ces rapports entre Héraclès et Apollon, cf., outre Stéphani, loc. cit., 0. Müller, Die Dorier, I, p. 418 Ailleurs, II, 145, Hérodote dit encore qu'lléraclès, Dionysos et Pan sont les dieux les plus récents des Grecs. La conception d'un Héraclès mortel est très nette dans Il. XVIII, 117. 22 Diod. IV, 39 ; cf. 24 (pour Léontini). Sur ce processus, voy. Wilamowils, Eurip. Ilerakles, I, p. 282 sq. Sur le culte d'Iléraclès à Athènes, cf. sect. IV, les notes à l'épisode d'Antée; cf. Plat. Leg. VO, p. 796 et aussi, sur le combat au ceste avec Eryx, Virg. Aen. V, 392 sqq. 26 Paus. IX, 11, 7. 27 Paus. 1,19, 3. Il était dans le quartier suburbain de Diomeia, ainsi nommé, disait-on, d'après Diomos, qui fut aimé du héros [umasiA]. 28 Paus. 1. cit. 29 Outre les textes HER 111 HER breux textes épigraphiques, de toutes provenances, attestent sa popularité dans les gymnases; c'est à ce titre, en particulier, que tant de dédicaces, auxquellessouvent est associé Hermès, quelquefois Apollon, lui sont consacrées par des éphèbes, des gymnasiarques ou d'autres personnages, à Athènes et sur tous les points du monde grec'. On cite également des bas-reliefs votifs, qui, sont des hommages de sophronistes pour des victoires d'éphèbes 2. A Messène, un temple lui est dédié en commun avec Hermès et Thésée, tous trois y étant adorés comme patrons des exercices physiques3. Parmi les différentes traditions sur l'origine des jeux Olympiques, l'une des plus anciennes et des plus accréditées en faisait une création d'Héraclès'. I1 les aurait célébrés pour la première fois après sa victoire sur Augias, dont ils devaient perpétuer le souvenir. C'est lui, dit Pindare, qui institua les concours, en régla l'ordre, en fixa le retour périodique tous les cinq ans, fit de la couronne d'olivier la récompense du vainqueur, qui enfin, après son admission dans l'Olympe, confia aux Dioscures la direction des jeux'. Il a fondé aussi quelques-uns des édifices sacrés de l'Attis, les six autels des douze dieux 6, il a inauguré le culte de Pélops 7, mesuré de son pied la longueur du stade', rapporté de la Thesprotie le peuplier blanc 9 et du pays des llyperboréens l'olivier sauvage, l'arbre dont le feuillage servait à composer la couronne des triomphateurs j0. Enfin il fut aussi le premier athlète victorieux'', et son fidèle Iolaos remporta la première victoire à la course des chars" : tous deux étaient célébrés dans l'hymne composé par Archiloque et qu'on redisait fréquemment à Olympie 13. On faisait également honneur à Héraclès de l'institution de la trêve sacrée (tex zEto(x) qui était proclamée par toute la Grèce au retour des fêtes quinquennales 1'. Héraclès, le patron des luttes athlétiques, le héros au coeur de lion 1 ", est aussi le dieu de la guerre, que l'on invoque en allant au combat. C'est en rappelant son nom que Tyrtée enflamme les Spartiates 10; à Sparte même, une statue le réprésentait sous l'équipement complet de l'hoplite 17. Xénophon rapporte qu'au moment où les Thébains vont engager la bataille de Leuctres, ils s'aperçoivent que les armes d'Héraclès ont disparu de son temple : c'est une preuve que le héros s'est équipé et un présage qu'il va combattre pour eux 18. Il est l'Héraclès ijycp.,ne, celui qui guide les armées dans les passages difficiles, qui mène à la victoire, et qu'on remercie après le succès par des sacrifices de reconnaissance, 'iye i .cuva 19. Polyclète avait fait une statue d'Héraclès âyri.r/p, qui, du temps de Pline, se trouvait à Rome 20 Ce n'est pas seulement à la guerre qu'il exerce sa puissance et sa protection : il est devenu, dans un sens plus général, le dieu sauveur, cto'r-rja 21, le dieu secourable, qui écarte les dangers, conjure les mauvais destins, délivre l'homme des maux qui peuvent l'atteindre, Àe (xyxo, 7r2aÂa(xaxoç22. A cet égard, son rôle peut encore être comparé à celui d'Apollon, le dieu de la lumière, qui dissipe les ténèbres et le mal. Telle a été sa mission déjà pendant son existence terrestre ; il est né, dit Hésiode, pour devenir un protecteur puissant tant des dieux que des hommes 23. De fait, c'est en cette qualité qu'il a combattu, exterminant les monstres, purgeant la terre de ses tyrans, des brigands et des impies, et c'est bien là le sens que les poètes attribuent à ses travaux 2i. Il a prêté son appui aux dieux mêmes, dans leur lutte contre les Géants, qui symbolisent les forces indisciplinées de la nature. Aussi est-il toujours adoré comme une divinité bienfaisante. Quand il apparaît, c'est pour présager quelque bonheur 26. L'exclamation `IIPâx)■Et, (â, `IIFx),Etç, qui est si familière aux Athéniens 26, exprime souvent un simple étonnement; mais c'est surtout le cri qu'arrache une situation embarrassée, difficile, périlleuse?'. Cicéron cite une statue de bronze d'Héraclès à Agrigente qui s'était usée au contact et aux baisers des suppliants23. On s'explique qu'il soit quelquefois associé au culte des divinités guérisseuses, ainsi à l'Asclépiéion de Trézène 29, à l'Amphiaraion d'Oropos 30. Il est médecin lui-même : à Ilyettos les malades vont chercher la guérison dans son temple"' ; le rhéteur iElius Aristide lui donne nettement le caractère de divinité médicale32. A la même conception se rattachent certaines données de la légende auxquelles les textes ne font que des allusions, mais que nous entrevoyons par les monuments figurés ; nous voulons parler de la victoire du héros sur les génies de la vieillesse et de la mort. Le premier de ces HER 112 HER deux motifs, qu'on a pensé retrouver dans un bas-relief archaïque d'Olympie', ne nous est connu avec certitude que par deux vases attiques à figures rouges du ve siècle : l'un, au Louvre, qui montre Héraclès saisissant I'i~paç (la Vieillesse) 2 par la nuque et prêt à lui asséner un coup de massue 3; sur l'autre, au musée Britannique, Géras s'enfuit poursuivi par le héros (fig. 3783) 4. Dans le dénouement de l'Alceste d'Euripide, IIéraclès triomphe de la Mort, Thanatos 5 ; tel est peut-être aussi le vrai sens de l'enlèvement de Cerbère. On trouve, dans un vers de Lycophron l'épithète der-qa.uvT-ilçappliquée au héros G. Or on a sans doute le commentaire de cette expression dans quelques monuments, où l'on a cru reconnaître le combat d'Héraclès contre la Parque ou la I~rio, figurée sous la forme d'un petit génie ailé (fig. 3784). C'est l'interprétation que donne aujourd'hui M. Furtwaengler du bas-relief d'Olympie que nous venons de citer, et qu'il rapproche d'une pélikè du musée de Berlin provenant de Thisbé Non seulement il préserve du mal et délivre l'homme des périls qui l'enveloppent, mais sa bienfaisance est féconde. Plusieurs des épisodes de sa légende expriment sa mission civilisatrice : ainsi les combats contre l'hydre de Lerne, le sanglier d'Érymanthe, les oiseaux de Stymphale, Achéloos, semblent signifier l'assainissement du sol et le dessèchement des marais. En Thessalie, de même, il creuse un canal pour drainer les eaux stagnantes qui recouvrent le sol'. A Céphaloïdium en Sicile, il endigue le fleuve Tymbris°. Il est encore le dieu des sources et des bains, et c'est pourquoi on le représente en compagnie des Nymphes 1° : en maintes contrées, il a fait jaillir du sol les eaux rafraîchissantes ou thermales, légendes qui d'ailleurs se rattachent aussi à une autre conception, comme nous le verrons. On lui donne aussi la corne d'abondance, qui est le symbole de la richesse et de la prospérité qu'il répand [COnNUCOPIA]. Par suite, il est devenu, tout comme l'Athéna guerrière, un dieu de la paix qui favorise la richesse; comme tel, on l'invoque sous le nom de Gaaaotpdoo;, qui est l'équivalent de celui de paciler". Particulièrement, il est le dieu des laboureurs et des paysans, et sa lutte contre Géryon est quelquefois motivée par l'intérêt qu'il porte aux troupeaux 12. Les légendes de Syleus et de Lityersès font de lui le patron des vignerons et des moissonneurs [sect. IV]. Un récit qui a cours en Asie Mineure lui attribue, sous l'épithète d'i7.oxTdvoç, la destruction d'un insecte nuisible à la vigne ; dans l'OEta, on honorait Héraclès xoovo7sfwv, l'exterminateur des sauterelles 1°. Dieu de la victoire, héros invincible 14, qui a triomphé des plus rudes épreuves, admis dans l'Olympe où il jouit de la jeunesse et de la félicité éternelles, il mérite par excellence le surnom de xg)3 btxoç, qui lui est fréquemment attribué par les poètes ou dans le culte 15. Considéré quelquefois comme un équivalent de l'épithète â)E,(xaxo;10, ce surnom exprime aussi, avec son triomphe, les fêtes par lesquelles on l'accueille à son arrivée dans l'Olympe. C'est par un grand banquet, auquel participe IIéraclès Kallinikos, que les dieux célèbrent la défaite des Géants 17. C'est aussi Héraclès victorieux que représentent les monuments où on le voit couronné par Niké [sect. V]. Telle est aussi l'origine, semble-t-il, des représentations où Héraclès est attablé à côté des divinités, Hermès, Athéna, Dionysos, Apollon, Silène : d'ordinaire, il est couronné, tenant une coupe à boire et quelquefois aussi la massue18 : c'est le héros goûtant, dans les demeures célestes, la paix bienheureuse qui est la récompense de ses rudes fatigues 10 Il est naturel que cette donnée d'Héraclès au repos, fêté, traité plantureusement par ses hôtes, soit devenu le point de départ d'une conception toute nouvelle, celle d'Héraclès jouisseur, adonné aux plaisirs de la table, du vin, de l'amour. Il y a là, d'ailleurs, dans cette détente après l'effort, comme un complément et une contre-partie très humaine aux récits de sa vie militante et laborieuse. Aussi la littérature et l'art ont-ils exploité avec une extrême complaisance ces différents thèmes, qui prêtaient à la grosse bouffonnerie ; la comédie et les vases peints ont représenté bien des scènes qui montrent le héros sous ce nouvel aspect, intempérant, brutal, excessif, « joignant des vices de satyre à ses vertus surhumaines » 20. HER -113IIER Plusieurs traits de la légende accusent la voracité du héros : nous avons vu [section IV] qu'en traversant le pays des Dryopes il dévore en entier un des boeufs de l'attelage du roi Théiodamas. Cet épisode n'est pas le seul qui lui valut le surnom de [iou?1yoç; à Lindos, il se retrouve à peu près identique t; dans la Triphylie, il engage avec Lépréos un singulier concours de gloutonnerie, où les deux adversaires luttent à qui le premier viendra à bout d'un boeuf entier 2. Il n'est pas nécessaire de chercher à ces fables une origine allégorique, ou d'y voir une allusion aux sacrifices de taureaux ou de boeufs qu'on offrait dans certaines contrées à Héraclès : il était trop indiqué d'attribuer au héros, comme cela s'est fait pour d'autres', un appétit qui fût en rapport avec sa vigueur musculaire. C'est ainsi qu'il est devenu, dans le drame satyrique et dans la comédie, une manière d'ogre'. On se rappelle, dans l'Alceste d'Euripide, son arrivée à la cour d'Admète G et la parodie des Grenouilles d'Aristophane 6. Quelques vers conservés du Busiris d'Tpicharme décrivent avec une verve amusante l'attitude du héros à table'. C'est encore la caricature de l'Héraclès glouton que présente un cratère du musée de l'Ermitage, qui provient de la Grande-Grèce °. Le sujet est probablement tiré d'un phlyaque, comme beaucoup d'autres qui proviennent de l'Italie méridionale, et dont quelquesuns s'inspirent aussi de la gourmandise d'Héraclès Plus souvent encore, on représente Iléraclès comme un buveur intrépide. Son goût pour le vin se trahit déjà dans l'aventure du Centaure Pholos 10 [sect. IH], et dans son séjour auprès d'Oineus [sect. IV], dont le nom est significatif. Ce faible du héros, qui a fourni aussi de nombreux traits au théâtre 11 est évidemment une des raisons qui l'ont rapproché de Dionysos et l'ont introduit dans le cortège bachique, dont il est un des adeptes les plus familiers. D'autres causes, d'ordre religieux ou mythologique, ont facilité aussi cette association, par exemple l'analogie de leurs destinées f 2 [BAccaus, p. 632]. Dans le groupement d'Héraclès avec d'autres dieux, on le trouve très souvent associé avec Dionysos sur des vases archaïques 13. Un vase de Brygos au musée Britannique le représente attablé à côté du dieu et entouré de Silènes 14. Mais c'est surtout à l'époque alexandrine et romaine que la fusion se fait entre quelques-unes de leurs légendes et les rapproche. Les deux dieux combattent les Amazones et les Indiens 16, et c'est en s'autorisant de cette tradition nouvelle que les monarques orientaux depuis Alexandre et les empereurs romains se sont fait souvent représenter sous les traits d'Héraclès [sect. VII et IX]. Il figure quelquefois sur le char triomphal de Bacchus", ou bien conduit un autre char V. derrière celui-ci17, ou encore se mêle au cortège bachique qui accompagne à pied le triomphateur, reconnaissable au milieu des Satyres et des Silènes soit parce qu'il occupe le centre de la scène, soit parce qu'il est seul ivre parmi ses compagnons '8. L'intimité qui s'est établie entre Iléraclès et Dio nysos est encore nettement marquée dans la réunion de leurs attributs sur quelques-unes des monnaies d'Asie Mi phores [clsroPHOnI] et qui présentent(fig. 3785) d'un côté 1amassue et 1a dépouille du lion, entourées de pampres, de l'autre une grappe de raisins sur une feuille de vigne 19. Dans la plupart des scènes où Héraclès figure à côté de personnages bachiques, il est ivre. Comme Dionysos lui-même, il appuie sa démarche chancelante sur quelque membre du thiase, satyre, nymphe, Pan, Éros : c'est un motif qu'on voit en statuaire 20, sur les sarcophages 21, sur une mosaïque 22, sur des miroirs étrusques 23, sur des monnaies La célèbre patère d'or du musée de Rennes (fig. 972) le montre à côté de Dionysos, tous deux se portant un défi à qui boira le plus. Sur un vase de marbre à reliefs, il participe à un plantureux festin bachique 25 ; sur un vase campanien Héraclès ivre, accompagné par des Satyres et des Ménades, a roulé devant sa porte, et une vieille femme répand sur lui une cruche d'eau 2G. A l'époque romaine, l'Hercule bibax est devenu un des types préférés de la statuaire et surtout des oeuvres de genre, gemmes ou petits bronzes, dont on a de très nombreux exemplaires. Le motif varie: tantôt le héros est debout et lève le scyphos, aussi fréquent chez lui que le canthare chez Dionysos 27, quelquefois avec la démarche tibulante d'un buveur pris de vin; tantôt il est mollement assis ou couché, quelquefois la tête couronnée, tenant en main la coupe (fig. 3786) 28. C'est à ce dernier type que devait se rattacher le petit chef-d'oeuvre de Lysippe, l'llé raclès épitrapézios, dont nous connais sons l'histoire et l'attitude par Stace et Martial : c'était une statuette de bronze, faite pour Alexandre, qui passa plus tard à Hannibal, puis aux mains de Sylla et devint enfin la propriété d'un riche Romain, Nonius ou Novius Vindex. Elle n'avait pas un 15 I3ER 114 IIER pied de haut ; le dieu était assis sur un rocher couvert de la peau du lion; son regard était dirigé en haut; son expression douce et aimable semblait engager aux plaisirs de la table; de la main droite il levait la coupe et de la gauche tenait la massue'. D'après ce signalement, on a pensé retrouver une réplique de ce bronze dans une statuette dont l'original n'existe plus, mais dont un moulage est conservé à l'École des Beaux-Arts (fig. 3787) 2, et dans quelques autres oeuvres qui ont justement le mouvement attribué à l'original de Lysippe 3. L'IIéraclès amoureux n'est pas moins souvent représenté par l'art et dans la littérature'. Aphrodite, tout autant que Bacchus, le récrée et le repose de ses travaux 3. Sur un miroir étrusque, on la voit figurer entre le héros et la Victoire 6. Les scènes dionysiaques sont quelquefois aussi bien des scènes de libertinage que des scènes d'ivresse'. Sur les sarcophages, on voit fréquemment le héros lutinant une jeune femme, tandis qu'un petit Satyre ou un Éros lui porte sa massue. La belle gemme qui porte la fausse signature de Teucros (fig. 3788) le représente attirant à lui la jeune femme 8; sur un relief d'argent qui se trouve à Cracovie, c'est elle au contraire qui cherche à l'attirer 9. La vie molle et efféminée qu'il mène auprès d'Omphale n'est en somme qu'une variante à ce même thème et un prétexte à des scènes analogues [sect. IV] : le hérosrevêt des habits de femme, tan dis que la reine lui emprunte ses armes et son accoutrement. De même, il n'est pas rare que les Silènes ou les Satyres s'emparent de ses attributs, la massue et la peau de lion f0. On sait combien sont nombreuses, dans le même art alexandrin, les représentations d'Éros avec les armes et les insignes du héros (fig. 2183, 2192, 2194) : dans certains cas, elles semblent avoir un caractère funéraire [CUPn0o, sect. X]. Mais on ne peut en revanche reconnaître qu'un pur badinage ou une allégorie facile à saisir dans les scènes oit le héros est taquiné par les Amours qui lui enlèvent sa massue [CUPIDO, sect. VII] : c'est le motif de peintures murales", d'un médaillon en terre cuite du musée de Nîmes qui a été souvent cité" (fig.2184), d'un disque en bronze du musée Britannique'`. Ce même motif est fréquent sur les gemmes : tantôt Héraclès est endormi, sa coupe auprès de lui, tandis qu'Éros s'envole avec sa massue; tantôt il est enchaîné par Éros ou par une troupe d'Amours; d'autres fois un Amour est monté sur son épaule ou sur son dos ". Sur le registre supérieur d'un miroir étrusque, dont le champ est divisé en deux bandes, on voit (fig. 3789) Héraclès présentant haros à Zeus". Les bains offrent à Héraclès un autre genre de délassement : il est naturel qu'il y préside et comme dieu bienfaisant et comme protecteur des palestres. Plusieurs légendes l'associent, dans différentes régions, à la découverte de fontaines ou de sources thermales : Athéna fait jaillir pour lui une source d'eau chaude auprès des Thermopyles'' ; les Nymphes lui rendent le même service à Himéra et à Égeste en Sicile ". En beaucoup d'en droits, des bains, `IIP lx),sa ~ou~pâ lui sont consacrés 78 [AQUAE, p. 334], ou bien son culte y est célébré. Le motif d'Héraclès au bain se voit déjà sur une amphore à figures noires 19 ;' on le retrouve fréquemment avec diverses variantes sur les vases peints de la belle époque , sur des miroirs étrusques, des scarabées italiens.Tantôt il va puiser lui même de l'eau dans une amphore 20; tantôt il converse avec Hermès ou d'autres, le pied posé sur l'amphore 21; on voit, au bas d'une ciste, un Silène et une HER 115 11E11. femme ailée répandre de l'eau sur ses membres fatigués'. Quant à certains scarabées de l'Italie méridionale oit Héraclès se repose sur une rangée d'amphores, on n'est pas d'accord sur le sens qu'il faut leur attribuer 2. On pourrait citer d'autres circonstances encore où Héraclès est représenté dans ses heures de loisir et de récréation : ainsi un curieux vase archaïque le montre en compagnie d'Hermès et de Poseidon, assis sur un rocher et pêchant à la ligne Et enfin nous devons une mention particulière à l'Héraclès jouant de la flûte, de la lyre, ou de la cithare, qu'on voit sur un certain nombre de vases peints 4 et qu'on a voulu reconnaître aussi dans le fameux torse du Belvédère C'est encore là un des délassements du héros, et, avec Preller, nous ne pensons pas qu'il faille chercher l'origine de ce motif dans l'association qui est faite quelquefois d'Héraclès et des Muses comme présidant aux palestres : l'Hercule Musagète ne se voit qu'à l'époque romaine. Héraclès est quelquefois associé aux divinités chthoniennes, Déméter et Coré. En Sicile, il aurait fondé leur culte à Syracuse, auprès de la fontaine Cyané'; en Béotie, à Mycalessos, celui de Déméter 8; à Mégalopolis en Arcadie, son image se trouve à côté de celle de la déesse 2. C'est dans son intimité avec les deux déesses qu'il faut chercher l'origine de la tradition qui a fait de lui, comme des Dioscures, un initié aux mystères, bien que les mythographes aient rattaché son initiation accidentellement à la descente aux Enfers f0. D'après une tradition, il se présenta un jour à Athènes pour être initié aux Éleusinies, mais la règle étant de ne pas y admettre d'étrangers, les Athéniens instituèrent les petits Mystères à Agrae, où tout le monde pouvait être admis". Une autre légende place la même scène à Méljté 12. Un vase attique du ive siècle [ELEUSINIA, fig. 2630] s'inspire de ce motif" : Héraclès, outre la massue, tient la branche [Buenos] que portent les initiés. D'autres vases semblent placer cette scène à Éleusis même, comme le prouve la présence de Triptolème". Une tradition nous apprend en effet que les étrangers, une fois initiés aux petits mystères, étaient ensuite admis à participer aux grands mystères d'Éleusis16 Différentes représentations figurées mettent aussi Héraclès en présence de Pluton. M. Furtwaengler, en les groupant, a essayé, avec son ingéniosité ordinaire, de reconstituer une légende dont il n'y a plus aujourd'hui trace dans nos textes, et d'après laquelle Héraclès aurait reçu du dieu souterrain la corne (l'abondance qui est l'attribut des divinités chthoniennes"'. La corne serait le prix d'un service rendu par le héros qui transporta le dieu à travers l'eau, l'Achéron ou l'Océan, jusqu'au monde supérieur. Cette scène se voit sur quelques vases attiques''. La remise de la corne est le sujet d'un bas-relief votif qui a été trouvé aux environs de Thèbes" (fig. 3790). Enfin un vase lacanien de Ruvo nous montre Héraclès en possession de cet attribut au milieu des immortels (fig. 1958], tandis que Pluton est à sa gauche avec le sceptre surmonté de p. 1515] 19 Ces relations avec les divinités chthoniennes sont attribuées par Pausanias à l'Héraclès idéen20 II nous est difficile aujourd'hui de discerner ce qu'il peut y avoir de fondé dans cette assertion qui, dans un cas tout au moins provient d'une impression personnelle de Pausanias 21 . Quoi qu'il en soit, l'Héraclès idéen est distingué, dans certaines traditions, du fils d'Alcmène; on faisait de lui un des cinq Dactyles pour lesquels on revendiquait quelquefois la fondation des jeux Olympiques [DACTYLI] : à ce titre on donnait aussi à Héraclès, à Olympie même, le surnom de Ilaox6-âti-r(;, c'est-à-dire assistant, parce que les lutteurs invoquaient son aide pour obtenir la victoire 22. Il est probable, sans qu'on soit encore fixé sur ce point, qu'il y a eu là une assimilation entre un héros d'origine étrangère, asiatique ou crétoise (car les Dactyles vinrent soit de la Troade, soit de la Crète), et le héros de la tradition argienne et thébaine, dont la popularité n'a cessé de grandir en Grèce, et qui finit par absorber d'autres personnes légendaires. L'étude des conceptions philosophiques n'appartient pas au cadre de cet article ; mais il est impossible de ne pas rappeler d'un mot la place considérable qu'Iléraclès a fini par tenir comme exemple de moralité dans certains systèmes. Par une interprétation arbitraire et rationaliste du mythe, quelques écoles se sont habituées à voir dans les exploits du héros des épreuves librement consenties, vaillamment soutenues, inspirées par un haut idéal. Héraclès est donc devenu le héros du devoir, de la force morale; du dévouement à l'humanité 23 Tel est déjà le sens de la fameuse allégorie qu'imagina Prodicos de Céos et que Xénophon nous a transmise dans ses Mémorables 24 : placé au début de sa carrière en présence de la Vertu et de la Volupté, Héraclès résiste aux séductions de cette dernière et choisit celle-là pour guide dans le chemin plus âpre et plus long qui conduit IIER 416 --IIER au vrai bonheur par la lutte et la souffrance. C'est là comme la première esquisse de l'Héraclès qu'Antisthènes, le fondateur de la secte cynique, proposait comme exemple à ses adeptes, qui se réunissaient précisément dans le Cynosargest. Et c'est aussi sous le même aspect et avec le même caractère qu'il apparaissait aux yeux des stoïciens, pour lesquels il est devenu le type de l'homme vivant conformément à la raison 2, tendu vers le bien, sacrifiant les voluptés pasagères au culte de l'honnête, « expiateur du mal et de l'injustice, initiateur errant, introducteur de la justice et de la sainteté 3 ». Attributs, victimes. Les armes ordinaires d'Héraclès sont, à l'époque archaïque, l'arc, les flèches, le carquois, quelquefois l'épée; de bonne heure la massue s'y ajoute. Plus tard, l'arc et les flèches disparaissent; la massue, d7caaov [CLAVA], reste toujours son armé caractéristique et son symbole. Cette massue n'est primitivement qu'un bâton noueux, celui dont les pâtres se servent pour se défendre et que les Grecs employaient à la chasse. Dans la grande généralité des monuments, elle est renflée à l'extrémité et garnie d'aspérités sur tout le pourtour. La peau de lion fait partie de son accoutrement caractéristique. Elle manque encore dans beaucoup de monuments archaïques; plus tard, elle est presque de rigueur dans les représentations figurées. Nous reviendrons sur l'origine et la combinaison de ces attributs [sect. VII]. D'autres attributs, sans être d'un usage aussi universel, se trouvent fréquemment à certaines époques. Telle est la corne d'abondance, symbole des bienfaits que répand le héros [COaNUCOPIA ; cf. sect. IV et supra, sect. VI] : elle appas raitpour la première fois aux° siècle; tout d'abord elle est vide" ou bien on peut la supposer remplie de liquide 3, puis elle est communément remplie de fruits et de feuillages 6 (fig.3791) par exception, elle contient des phallus, qui symbolisent encore plus explicitement la fécondité à laquelle présidait IIéraclès 7. On a soutenu aussi 8 que la corne d'abondance n'est que la transformation de la coupe à boire, scyphos, rhyton ou canthare que tient le héros dans beaucoup de représentations (fig. 3786) et qui, à l'époque romaine surtout, est un de ses insignes de prédilection (4.3 '792) e. A la même époque, on lui met aussi fréquemment dans une main les pommes des Ilespérides : on en peut citer comme exemples un des jolis bronzes de la Bibliothèque nationale lo et une statue colossale de bronze doré trouvée près du théâtre de Pompée (voy. plus loin fig. 3806) ". D'autres attributs, comme la lyre 12 et la flûte 13, sont plus rares ou accidentels. Il faut enfin rappeler que de très nombreux monuments, dès une époque ancienne, mais surtout à l'époque romaine, représentent Héraclès la teinte ceinte soit du bandeau, soit de la couronne de pampre, de lierre, d'olivier, ou de peuplierl" : nous n'insisterons pas sur ces insignes, qui se rattachent aux différents aspects sous lesquels on envisageait le héros, Héraclès divinisé ", Héraclès victorieux, Héraclès athlète, et à ses relations avec Athéna, Dionysos, etc. Parmi les victimes consacrées à Héraclès, les plus fréquentes sont le boeuf, le bélier et le porc". L'usage de lui immoler un boeuf ou un taureau nous est signalé en diverses régions, par exemple à Athènes 17, à Thermydres, le port de Lindos 13. Sur un relief votif probablement attique, qui représente une offrande à Héraclès, IILR 117 IIER caractérisé par la peau de lion, c'est un boeuf qu'on lui amène, et il saisit l'animal par une corne'. Les victimes sont un bélier et un boeuf sur un beau bas-relief d'Ithome (fig. 3793) 2. A Thèbes et à Sicyone on lui sacrifie d'ordinaire un bélier3, à Oponte une trittye composée d'un taureau, d'un sanglier et d'un bouc. Enfin le porc est une des victimes qu'on voit le plus fréquemment conduites au héros sur des monuments votifs d'époque romaine5. chaïsme. Qu'Iléraclès soit ou non un dieu de provenance asiatique, il semble acquis tout au moins que ses représentations figurées en Grèce n'ont pas eu leur prototype immédiat en Orient. Pour Aphrodite, on a pu suivre depuis la Chaldée jusqu'à l'archaïsme grec un type d'idole qui se transmet et évolue 6; pour Héraclès il est impossible de retrouver un processus analogue. Le Melkart phénicien n'était représenté à Tyr que sous le symbole de deux piliers ; dans les plus anciennes monnaies de la même ville où l'on est autorisé à reconnaître son image, c'est un dieu armé de l'arc qui chevauche sur un hippocampe s. Dans certaines contrées, comme Cypre, on voit des représentations de Melkart très semblables à celles de l'Héraclès grec; mais elles sont d'une époque où prédominent l'influence et le style helléniques; il est donc de bonne méthode d'en conclure que le type phénicien s'est modelé sur le type grec déjà formé Même chose est vraie du Sandon de Tarse, qui, sur des monnaies du ve siècle, reproduit les traits de l'Héraclès hellénique 10. Il reste possible et vraisemblable, comme nous allons le voir, que certains des attributs caractéristiques du héros soient des emprunts à l'Orient. Pausanias mentionne à Érvthrées une ancienne statue d'Héraclès, à laquelle il attribue un caractère égyptien 11, c'est-à-dire que probablement c'était une oeuvre phénicienne de style égyptisant t'. On a pensé retrouver le souvenir de cette idole sur des monnaies impériales d'1 rythrées 13. Ce n'est qu'une hypothèse, et fort contestable14. Nous savons encore par Pausanias qu'à llyettos on adorait le héros sous le symbole d'un â.pyi; a18o;15; qu'à Thèbes et à Corinthe on conservait des d2vx représentant son image et qu'on attribuait à Dédale"; celle de Corinthe est désignée par le périégète comme un ;davov yui.vdv, ce qui semble indiquer que le héros y était figuré non seulement sans vêtement, mais sans peau de lion. D'où lui sont venues les différentes pièces de son cacoutrement? L'épopée homérique ne lui attribue que l'arc et les flèches, armes qui lui sont communes avec Apollon. C'est avec l'arc qu'il blesse Héra et Hadès dans l'Iliade 17; l'Odyssçe fait de lui et d'Eurytos les plus.éminents archers de l'époque héroïque 18; la Nékyia mentionne aussi l'épée qu'il porte avec l'équipement de l'archerf9. Le Bouclier d'Héraclès le revêt de l'armure complète de l'hoplite 20, mais cette innovation reste isolée et nous ne savons si elle a eu des imitateurs : ce qui est \sôr, c'est que les peintures de vases s'en sont inspirées seulement dans le combat contre Cycnos [sect. IV]. Beaucoup de monuments archaïques restent fidèles au contraire à la donnée homérique qui semble la plus ancienne. Il apparaît souvent sans peau de lion et sans massue, simplement avec l'arc et le carquois, auxquels s'ajoute aussi l'épée. Sur une gemme « des îles », qui n'est pas postérieure au vue siècle, il ne porte que le carquois 2t. La frise d'Assos le représente deux fois (plus haut, fig. 3760), dans sa lutte avec le monstre marin et avec les Centaures, armé de l'arc seul 22. Des vases peints de la période la plus ancienne lui donnent le même équipement : nous citerons, par exemple, un lécythe « protocorinthien » où, dans une Centauromachie, il est agenouillé, tirant de l'arc, vêtu du chiton 23. Dans le même motif, sur un relief archaïque en bronze d'Olympie, il conserve cet armement avec cette attitude, et de plus il a l'épée au côté n. Un vase de Corinthe lui donne aussi le carquois, l'épée et le chiton 25. C'est avec l'épée qu'il combat, le carquois et l'arc au côté, et en ce cas sans massue, dans un grand nombre de scènes, particulièrement contre le lion, contre l'hydre, contre l'Amazone, contre Géryon, contre Alcyoneus, contre Nessos, etc.20 D'après des écrivains anciens, c'est Pisandre qui lui attribua le premier la massue 27; d'autres font remonter à Stésichore l'invention de la massue et de la peau de lion, qui s'ajoutèrent à l'arc sans le supplanter 28. Ces assertions sont sans doute exactes, en ce sens que Pisandre et Stésichore popularisèrent les premiers dans la littérature ces nouveaux attributs; mais l'art les avait antérieurement prêtés au héros. La massue apparaît la première, ce qui prouve que les deux insignes ne sont pas nécessairement inséparables. Elle est aussi l'insigne ordinaire, en Égypte, du roi qui marche en la brandissant : c'est une analogie à signaler, sans qu'on puisse établir un emprunt à l'art égyptien. Sur un vase à parfums de très ancien style, trouvé à Corinthe, le héros, complètement nu, lève la massue 29 ; c'est aussi son arme dans le combat contre le lion que représente un relief péloponnésien en bronze du vie siècle, trouvé à Athènes30 Dans le combat contre l'hydre qui décore un des fron LIER 148 I1ER tons en tuf de l'Acropole d'Athènes, il est armé de la massue et revêtu de la cuirasse, mais n'a point la peau de lion 1. Enfin il se sert de la massue, portant l'arc et le carquois, toujours sans peau de lion, sur un vase probablement cyrénéen La peau de lion est si bien une invention indépendante, qu'elle a mis un certain temps à se généraliser dans les représentations figurées. L'art du Péloponnèse notamment a longtemps hésité à l'admettre; et même dans certaines oeuvres de l'archaïsme avancé, comme le bronze Oppermann et jusque dans les métopes d'Olympie, elle n'apparaît pas encore. Cet art a pourtant connu le motif du combat contre le lion. Si donc il n'a pas revêtu Héraclès de la dépouille de sa victime, c'est que cet attribut a une autre origine 3. Cette origine, où la chercher? La peau de lion est déjà fréquente dans l'archaïsme attique à partir du vie siècle; elle se trouve aussi, depuis la même époque, et presque sans exception, dans l'art cypriote ; et c'est là sans doute, dans certaines compositions qui sont intermédiaires entre l'Héraclès grec et une divinité phénicienne, que s'est constitué le type d'Héraclès porteur de cet insigne. Sans admettre que l'Iéraclès grec est une invention orientale, rien n'empêche de supposer qu'une fois formé, il s'est enrichi et complété avec des éléments fournis par un art étranger. MM. Ileuzey, I'errot et Furtwaengler, ont admis, après Raoul Rochette, que c'est au dieu égytien Bès, reproduit, transformé et popularisé par l'art phénicien, qu'lléraclès a fait cet emprunt'. A ce contact entre l'art grec et l'art oriental, Bès, le dieu grotesque et caricatural', s'est humanisé ; Héraclès a pris quelques particularités de sa physionomie et de sa légende. Tous deux sont en lutte avec des animaux, les prennent corps à corps, les maintiennent, les étouffent. Telle représentation, comme la statue colossale d'Amathonte qui est à Constantinople 6 pourrait presque indifféremment passer pour Bès, IIéraclès ou Silène'. Mais ce sont des artistes grecs, et non des phéniciens, qui ont emprunté à Bès, pour en revêtir Héraclès, cette peau de lion devenue depuis son insigne spécial : elle lui convenait en raison même des combats contre les animaux dont sa légende, dès ce moment, était si riche. Après tout, dans cet accoutrement il n'y avait rien que de conforme aux habitudes guerrières qu'on trouve signalées dans Homère. La peau de bête est le premier vêtement et la première défense des populations primitives. Les gens du peuple vont au combat couverts de peaux de bêtes en guise de boucliers 8; Pâris s'enveloppe d'une peau de panthère, et Dolon de la dépouille d'un vieux loup 9 quand ils combattent comme archers1°. Cette habitude a pu frayer la voie à une invention qui aura pris corps quand les Grecs se sont trouvés en contact avec les représentations du Bès phénicien. Telles sont les différentes pièces dont se compose l'accoutrement du héros dans l'archaïsme. Comment se sont-elles combinées? Des monuments très anciens représentent le héros complètement nu"; mais on n'a pas tardé à lui donner le court chiton et la cuirasse". La peau de lion, quand elle a été adoptée par l'art, ne s'est pas substituée à ce premier costume : elle l'a complété en s'y surajoutant. 11 est très fréquent, dans les vases attiques à figures noires et rouges ainsi que dans la plastique, de la voir recouvrir le chiton et la cuirasse 13. Le plus souvent, le mufle de l'animal s'adapte sur la tête d'Héraclès et lui sert de coiffure'`. Nous avons dit que l'épée est restée une des armes de prédilection dans un grand nombre de représentations, mais elle cède souvent la place à la massue, qui d'ordinaire ne coexiste pas avec elle. Au contraire, la massue n'exclut pas nécessairement l'arc, et il est très habituel de voir le héros, même dans le feu de l'action, brandir de la main droite la première de ces deux armes, tandis que la gauche élève ou tend la seconde : dans ce cas, qui est celui d'une statuette (fig. 3794) de l'ancienne collection Oppermann, à la Bibliothèque nationale", et de beaucoup de vases peints ou de monnaies t°, l'arc n'a gardé qu'une signification attributive 17. On sait que, dans l'archaïsme, les dieux, les héros et les guerriers portent communément la chevelure longue : elle est courte chez Héraclès. Cette particularité s'explique sans doute, comme le remarque M. Furwaengler, par l'idée de force que le héros a incarnée : on l'a représenté comme un athlète que de longs cheveux eussent gêné' '. Pourtant, dans quelques très anciens monuments, il porte par exception une chevelure plus longue qui lui IIER 119 -IIER couvre la nuque : c'est ainsi qu'il apparaît dans la frise d'Assos, sur le grand relief de bronze d'Olympie' et sur le lécythe u protocorinthien n que nous avons cités'. Un second caractère qui se retrouve dans la grande généralité des représentations archaïques, c'est qu'il est barbu, portant la barbe courte comme les cheveux. Les exemples sont trop nombreux sur les vases peints pour qu'il soit nécessaire d'en rappeler ici. C'est aussi l'Héraclès barbu qu'ont figuré d'autres monuments archaïques comme une grande statue cypriote d'Athiénau plus loin figurée, quelques têtes archaïques, en terre cuite, en porcelaine égyptienne ou en pierre, qui ont ététrouvées à Naucratis et à Cypre 3, un relief de Thasos 4, des bronzes un fronton en tuf de l'Acropole nombre de monnaies'. A cette règle générale il y a cependant de notables exceptions. L'archaïsme a représenté quelquefois Héraclès imberbe, concurremment avec le type barbu, et sans qu'il faille chercher une filiation ou une simple succession de l'un à, l'autre. M. Furtwaengler remarque que ce type imberbe s'est développé surtout dans les régions ioniennes ou qui ont subi l'influence ionienne, conformément à la prédilection que les artistes de ces contrées ont manifestée pour le même type juvénile quand ils ont représenté leurs autres dieux ou héros'. Ce type imberbe se voit assez rarement sur les vases archaïques de l'Attique plus fréquemment dans des têtes du héros qui proviennent de Cypre ou de l'Égypte 10, peut-être dans la frise d'Assos; on le retrouve dans la métope de Sélinonte qui a pour motif l'aventure des Cercopes 11. Enfin dans l'ancien art étrusque, si fortement imprégné d'ionisme, Héraclès est presque toujours imberbe. Héraclès est certainement, parmi les dieux ou les héros, un de ceux qui ont été le plus souvent figurés, dès l'époque la plus ancienne, dans les peintures de la céramique. Dans la statuaire archaïque, nous n'en avons qu'un nombre beaucoup moindre de représentations. Nous venons d'énumérer, en étudiant diverses particularités, plusieurs de ces monuments, têtes, reliefs, bronzes, sur lesquels il est inutile de revenir 12. Rappelons seulement quelques-uns des types qui présentent le plus d'intérêt. Un des plus remarquables et des plus anciens est une grande statue trouvée dans l'île de Cypre, à Athiénau ; on peut l'attribuer à la seconde moitié du vie siècle. Héraclès y est pourvu de son équipement complet (fig. 3795)16. C'esst aussi à la fin du vie siècle ou au commencement du siècle suivant qu'appartient un bas-relief trouvé à Thasos 14, et qui mérite d'être signalé, parce qu'il rappelle le type des belles monnaies de cette île qui sont d'une date voisine (fig. 3-796),, , néraclès barbu, la tête et le dos couverts de la peau du lion, tire de l'are dans la posture agenouillée, Les Thasiens avaient également consacré dans l'Altis une grande statue d'Onatas 16 qu'on a voulu retrouver dans le bronie Oppermann déjà cité 17 : la statuette re_ présente le héros barbu, complètement nu, les jambes largement écartées, brandissant la massue de la main droite, élevant l'arc de la gauche; l'oeuvre est certainement d'origine péloponnésienne, mais il semble difficile d'y chercher un souvenir de l'oeuvre d'Onatas, ce mouvement animé convenant mal à une statue de dimensions colossales, qui mesurait dix coudées de haut 18. On s'accorde généralement à reconnaître un Iléraclès dans l'archer agenouillé du fronton oriental d'Égine, 1s. L'identification se fonde sur la coiffure du héros, ois l'on reconnaît le mufle du lion. C'est une erreur : cette coiffure est un casque, conçu comme étant en métal et dont la partie antérieure affecte seule la forme du mufle [GALEA, fig. 3394] : l'Athéna Albani en porte un analogue 20 Vu siècle. Les deux types. de l'Héraclès barbu et de l'Héraclès imberbe se retrouvent au ve siècle comme aux époques suivantes, mais le second tend à prédominer depuis les environs de 450. Les métopes d'Olympie, à l'exception de celle qui est consacrée au lion de Némée 2i, présentent une série d'Héraclès barbus du plus beau caractère : la barbe y est courte et serrée. On peut citer, comme se rattachant à ce type, la tête d'une coupe attique du beau style sévère 22, et de nombreuses monnaies de toutes provenances, de Thèbes de Perdiccas II (fig. 3797) et d'Archélaos I de Macédoine Cl, d'Euagoras I de Cypre 25, de Lycie 26, de Cyzique 2', d'Il éraclée en Bithynie 28, de Camarina 29. Le type jeune ou imberbe est représenté par une belle tête du musée de Berlin, qui est coiffée de la peau de lion et qui paraît être une réplique d'un original attique du style sévère 30, par la métope de Sélinonte qui représente le combat contre l'Amazone 3t, On le retrouve, vers la fin du ve siècle, HER -• 120 11E11 dans la frise de Phigalie. Les vases attiques commencent à adopter ce type imberbe dans l'époque de transition qui précède le beau style 1, et finalement le choisissent de préférence. De même, à côté des monnaies qui sont restées fidèles au premier type, on en peut citer, de plus nombreuses encore, et en général de date un peu plus récente, qui ont reproduit le second : ainsi des monnaies de Stym phale de Cléones 3, de Thèbes ", d'Euagoras I de Cypre de Camarina «fig. 3798), d'Héraclée en Lucanie', de Syracuse 8. A l'exception des métopes d'Olympie, où, conformément à l'ancienne tradition péloponnésienne, Héraclès n'a pas reçu la peau de lion, il a cet insigne dans tous les monuments du ve siècle Il le porte encore souvent à la mode archaïque, comme une sorte de cape étroitement adaptée au corps, et la tête recouverte du mufle. Mais de plus en plus l'agencement en devient libre, la peau flotte plus dégagée sur les membres, suspendue aux épaules, ou enfin n'étant plus soutenue qu'au bras gauche. Le carquois, au lieu d'être fixé sur le dos, est porté au côté, et affecte souvent la forme du corytus scythe, qui contient l'arc en même temps que les flèches 16, L'attitude que l'art de cette période prête à Héraclès est encore conforme, dans quelques monuments, au motif de l'archaïsme où le héros, les jambes largement écartées, tend d'une main son arc devant lui, de l'autre élève la massue", type qui, en Italie, est devenu très populaire et qu'on retrouve jusqu'à l'époque romaine. Au lieu de tenir son arc comme un symbole, il le manie aussi pour s'en servir, le bande ou tire une flèche : c'est le motif, en particulier, de différentes monnaies 12. Plus souvent encore, le ve siècle a représenté un Héraclès jeune, aux formes élégantes, debout et immobile, comme sur le beau vase où il apparaît, couronné, au milieu des Argonautes, et où l'on a signalé l'inspiration de Polygnote 13 : quelquefois il est accoudé ou s'appuie sur sa massue posée à terre, dans un maintien tranquille, la taille légèrement cambrée : c'est le motif précurseur de l'Héraclès Farnèse 1i. C'est également le Ni' siècle qui a imaginé l'Iléraclès assis, fatigué et songeur : type dont la statuaire n'offre pas encore d'exemple, mais qu'on trouve sur des gemmes et sur des monnaies" un peu plus tard on l'y voit de même assis, non lassé, mais dispos, tenant dans sa main un rameau ou une coupe (fig. 3792, 3799) 16 Plusieurs des grands maîtres du même siècle ont entrepris de rendre, en statuaire, le type d'Héraclès; on nous cite notamment deux statues d'Hagéladas : l'une, en bronze, représentant Héraclès imberbe à 1Lgion17; l'autre, un Héraclès Alexikakos, qui avait été consacré dans le Cynosarges d'Athènes 18. Myron avait exécuté, pour l'Héraion de Samos, trois statues colossales, réunies sur la même base, un Zeus, une Athéna et un Héraclès ". Cicéron mentionne, parmi les oeuvres d'art volées par Verrès au Mamertin Relus et transportées à Rome, un Iléraclès de bronze qu'on disait être de Myron 20. Enfin Pline nomme, parmi les oeuvres du même sculpteur, un Hercule qui se trouvait auprès du Circus Maximus, dans le temple construit par Pompée 21. Stephani a soutenu, par des arguments assez plausibles, que ces deux dernières statues n'en font qu'une22. Quant à celle de l'Héraion, elle en est manifestement distincte, puisque, enlevée par Antoine, elle avait été restituée à Samos par Auguste et que la seconde était à Rome du temps de Pline. L'antiquité avait donc au moins deux Iléraclès de Myron23. Il semble ressortir d'un texte de Cicéron, que Polyclète avait représenté un Héraclès luttant contre l'hydre2'. D'autre part Pline mentionne expressément, du même sculpteur, un Héraclès Hagétèr23, « prenant ses armes », c'est-à-dire, selon toute apparence, portant son arme traditionnelle, la massue. M. Furtwaengler a signalé une gemme qui semble nous avoir conservé le mouvement de cette dernière oeuvreae. Le héros, jeune et imberbe, épaulant sa massue, s'y présente dans l'attitude du Doryphore. Nous citerons aussi une statuette de la Bibliothèque nationale, de bon style hellénistique, où Héraclès tient les pommes des Hespérides, dans une pose visiblement inspirée de la même oeuvre de Polyclète 21. Enfin, et toujours d'après le même archéologue, une tête imberbe d'Herculanum, ceinte d'un bandeau, et rappelant de très près celle du Doryphore, serait directement imitée de l'Héraclès cité par Pline Il en existe un certain nombre de répliques, toutes en buste22. Rappelons enfin qu'une des plus admirables statues du fronton oriental du Parthénon a souvent été désignée comme un Héraclès : c'est la figure assise et accoudée de l'angle gauche. Mais cette dénomination ne s'appuie sur aucun indice probant". HER 121 HER IV'' siècle. De plus en plus, à mesure qu'on avance dans l'histoire de l'art grec, il semble qu'Héraclès devienne unmotifde prédilection. On en trouve sur les vases peints, sur les monnaies, en statuaire, des représentations presque innombrables jusqu'à la période romaine, où, du reste, une quantité d'oeuvres sont certainement des reproductions ou imitations d'originaux plus anciens. Nous avons vu, au siècle précédent, le type d'Héraclès constitué dans ses caractères essentiels et avec la plupart de ses attributs. Nous n'avons plus à noter que quelques particularités secondaires. Comme à l'époque antérieure, le type jeune et imberbe s'est perpétué concurremment avec le type barbu. La peau de lion n'est plus guère qu'un accessoire : elle flotte sur le bras gauche ou est posée à côté du héros, qui d'ordinaire est complètement nu : seules, les têtes du héros sur les monnaies restent généralement recouvertes du mufle de l'animal, emblème qui permettait de le désigner aisément'. L'armement se simplifie aussi : l'épée a disparu, l'arc et le carquois deviennent rares ; la massue est restée l'arme caractéristique 2. On peut citer, tout à la fin du ve siècle ou au début du Ive, un groupe d'Athéna et d'Héraclès, oeuvre d'Alcamène, consacré dans l'Héracleion de Thèbes par Thrasybule après son retour à Athènes Pausanias signale, au gymnase de Sicyone, un Iléraclès en marbre de Scopas'. Faut-il le reconnaître, avec M. Furtwaengler, dans la belle statue de la collection Lansdowne °? L'attitude est, dans l'ensemble, assez voisine de celle que Polyclète donne à ses athlètes °, mais la tête rappelle d'assez près celle de 1'IIermès de Praxitèle. A Praxitèle même on attribuait la décoration sculpturale de l'lléracléion de Thèbes, qui avait pour sujet les douze travaux? ; mais aucun témoignage ancien ne cite de ce maître une statue isolée du héros. C'est néanmoins à lui que l'on a pensé pouvoir rattacher un motif qui paraît remonter au Ive siècle, celui d'un Héraclès qui se trouve à la villa Albani'. Du bras gauche il soutient la massue, tandis que la main droite élève une coupe. Une statue du musée Chiaramonti' reproduit le même mouvement ; mais cette fois la massue est posée à terre et maintenue par la main droite, tandis que sur le bras gauche est assis le petit Télèphe (Voy. p. 103, fig. 3775). Le sujet d'lléraclès est un de ceux auxquels s'est complu le talent de Lysippe. Outre l'rpitrapézios, [sect. VII], outre les douze travaux que Lysippe avait exécutés pour la ville d'Alyzia en Acarnanie 1D, les anciens citent de lui plusieurs statues du héros : un Iléraclès de bronze qui était consacré dans l'agora de Sicyone ", un autre dépouillé de ses armes par les V. Amours ", un Héraclès colossal de bronze, érigé à Tarente, d'où il passa à Rome, puis à Constantinople : le héros était représenté triste et fatigué, assis sur une corbeille renversée, recouverte de la peau de lion13. On n'est autorisé à retrouver aucune de ces oeuvres dans les statues qui nous sont parvenues. En revanche, c'est l'opinion générale que l'on doit à Lysippe le type célèbre, déjà ébauché au siècle précédent, de l'Héraclès debout, dans l'attitude de la fatigue, et appuyé sur sa massue, qui s'engage sous l'aisselle gauche, tandis que la main droite est rejetée sur le dos". L'Héraclès Farnèse, à Naples (fig. 3800), qui est la statue la plus connue de ce type, porte la signature de Glycon; mais l'attribution de ce motif à Lysippe se fonde sur l'inscription d'une réplique qui se trouve au palais Pitti, à Florence1S. C'est une question très controversée cependant, de savoir dans quelle mesure ces répliques reproduisent l'original. Il semble difficile d'attribuer à l'auteur de l'Apoxyoménos une oeuvre d'une inspiration aussi réaliste; tout au moins le copiste en a-t-il dù alourdir et matérialiser l'effet. Aussi se pourraitil que d'autres exemplaires, qui reproduisent le même motif avec des variantes, nous rendissent plus exactement, sinon l'attitude, du moins le sentiment et le style de l'original : ainsi une belle statuette en bronze du Louvre, qui provient de Phocide 16. Il y faut noter spécialement le caractère de la tête qui se retrouve dans de nombreuses statues postérieures et paraît remonter précisément à cette seconde moitié du Ive siècle. A. défaut de données précises, on a cru reconnaître, d'après le style ou l'attitude, la manière de Lysippe dans différents bronzes qui paraissent bien dater de la fin du Ive siècle : ils représentent le héros debout, dans une attitude alerte t7. Un bronze remarquable, qui pro 1G HER 122 IIER vient de Macédoine et se trouve à Constantinople, offre une variante : le héros marche à grande enjambées (fig. 3801), la massue épaulée de la main droite; la tête est ceinte d'une couronne de vainqueur'. Il est probable que le Ive siècle a imaginé également les Héraclès en forme d'hermès, ces hermeraclae [IIERMAE] que signale Cicéron à Athènes 2 et qu'on exposait dans les palestres et gymnases. On en possède à Sparte un bel exemplaire en marbre rouge (fig. 3802), qui paraît dater des environs de l'année 3003. Sur les monnaies du Ive siècle, nous avons eu l'occasion de noter quelques-unes des représentations complètes du héros en différentes attitudes. Les têtes d'Iléraclès y sont fort nombreuses aussi, assez rarement barbues", beaucoup plus souvent imberbes Nous mention nerons, entre de nombreux exemplaires, celles de Philippe lI de Macédoine «fig. 3803, 3804). On sait qu'Alexandre a choisi ce dernier type comme emblème sur le revers de sa monnaie d'or et d'argent : on en a vu reproduits plusieurs spécimens à l'article DRAC11MA7 (fig. 2560-2566). On a cru que ces têtes d'Héraclès nous représentaient les traits mêmes du monarque 8 : c'est une opinion contestable, attendu qu'elles perpétuent, avec un caractère un peu plus accentué, le type qu'on trouve àla période précédente Ce même type est ensuite reproduit à profusion, quelquefois avec de légères variantes, dans la numismatique des successeurs immédiats d'Alexandre, des Épigones et de nombreux États grecs, à la fin du Ive siècle et aux siècles suivants 1e. Il faut rappeler encore que c'est du Ive siècle surtout" que datent les peintures de vases représentant les travestissements du héros, sa caricature, ses aventures bouffonnes, surtout sa gloutonnerie et sa lubricité, sujets inspirés en grande partie, semble-t-il, par des scènes de théâtre, comédies, draines satyriques, phlyaques, et qui attestent la popularité dont il jouit, notamment dans l'Italie méridionale 12 Période hellénistique et romaine. L'immense majorité des représentations qui nous sont parvenues d'lié raclès, en statuaire, est de la période hellénistique ou romaine : c'est par conjecture qu'on a pu voir, dans quelques-unes de ces oeu vres, des répliques plus ou moins fidèles de l'art grec classique. Cette dernière période a conservé, parmi les anciens insignes, la massue et la peau, celle-ci n'étant plus qu'un accessoire (fig. 3803 )13 ; elle ajoute aussi fréquemment, dans les mains du héros, les pommes des llespérides, la couronne, la coupe à boire , quelquefois la corne d'abondance. C'est dans l'attitude debout et tranquille qu'il apparaît le plus souvent. 1.l épaule sa massue de la main droite ou de la main gauche"; d'autres fois, la massue est appuyée à terre et il y pose la main droite, tandis que la gauche tient les pommes, comme dans la statue colossale de bronze doré (fig. 380G) trouvée à Home au champ de Flore 1;. Souvent aussi la main gauche est. posée sur la hanche, tenant la massue levée, et la droite est tendue ouverte, en signe d'accueil 1G, ou bien elle présente quelque attribut, une coupe ou une couronne: c'est le type de quelques monnaies d'Asie 17. L'Héraclès au repos et assis se trouve aussi quelquefois, comme dans le célèbre torse du Belvédère [sect. VI] et sur quelques monnaies 18. Enfin nous avons dit que le motif de l'Héraclès bibax ou ivre est un motif fréquent à l'époque romaine". VIII. CULTE D'HÉRACLÈS. On trouvera citées, à l'ar ticle BERMUDA, les différentes villes où l'on célébrait, en l'honneur d'Héraclès, des fêtes et des jeux. Sans nous HER -423HER astreindre à donner ici la liste complète de toutes celles où nous savons qu'il était l'objet d'un culte public, ou qui l'ont pris pour emblème sur leurs monnaies, nous devons quelques indications rapides à ce sujet. Héraclès est le héros dont le calte, sans doute dorien à l'origine, a été le plus généralement répandu dans toutes les parties du monde grec. Tout naturellement c'est auprès du théâtre même de ses exploits que son souvenir est resté le plus vivant, par la raison toute simple qu'en thèse générale ses aventures sont imaginées par les populations qui habitent les régions où elles s'accomplissent, et qu'elles y présupposent son culte. Par une anomalie qui pourra sembler bizarre, à Argos même, dont les environs sont remplis de sa trace, nous ne sachons pas qu'il ait eu dans la religion officielle la même place que dans la légende, soit que Héra lui ait fait tort, soit que le hasard nous ait privés de renseignements sur ce point : ce n'est qu'à l'époque romaine que le motif d'Héraclès apparaît sur les monnaies de cette ville'. Nous ne connaissons d'Héracleion qu'à l;gine 2 et à Cléones, où sont aussi les tombeaux des Actorions3. A Sicyone, il a un sanctuaire; son culte y était ancien ; Phaestos, venu de Crète, engagea les habitants à lui rendre les honneurs divins, mais il y était déjà honoré comme héros : à l'agora se dressait sa statue, oeuvre de Scopas ". En Arcadie, il est un héros national son empreinte est marquée, pour ainsi dire, sur tous les points de cette région. Stymphale avait perpétué, sur ses monnaies, le souvenir de la chasse livrée par lui aux oiseaux monstrueux dont il avait débarrassé le pays 0. Il y a un Héracleion à Mantinée 7. Les Mégalopolitains consacrèrent à Héraclès et à Hermès un temple commun 3 et des thermes voisins, au lieu dit Ilermaion 9 ; les Tégéates les adorent avec Poseidoni0 A Psophis, son image figure aussi sur des monnaies". En Laconie, il faut signaler tout d'abord le sanctuaire du héros à Sparte 12 et une ancienne idole, près du tombeau des Agiades, devant laquelle venaient sacrifier les E:?atpeiç 13 Ses exploits étaient représentés dans le temple d'Athéna Chalcioecos14 et décoraient le trône d'Amycleesf5. Sur la frontière de l'Argolide, on voyait, non loin du sanctuaire de Zeus Scotitas, sa statue et un trophée qu'il avait dressé après sa victoire sur les Hippocrontides 16. A Gythion, sa statue était consacrée sur l'agora, et la ville l'adorait comme elxtaxiç en même temps qu'Apollon 17 ; il figure quelquefois sur les monnaies de l'époque impériale 1R. La Messénie, comme l'Argolide et la Laconie, rattachait l'origine de sa maison royale à un Héraclide 19. Pausanias y signale un très ancien culte d'Héraclès qui avait un sanctuaire illustre dans la forteresse d'Ira20, et ce même culte s'est perpétué à Messène à l'époque historique 21. Sur les frontières de la Messénie, en Triphylie, Héraclès avait un sanctuaire près de Macistos 22. A Olympie, il a un rôle important dans la légende sur la fondation des jeux et son souvenir continue d'y être honoré [sect. VI]. Pausanias mentionne encore un sanctuaire qui lui était autrefois consacré dans la Pisatide 23. En Achaïe, près de Bura, il préside à un oracle, que l'on consulte par l'astragalomancie 2i, et on a supposé que l'Héraclès qui figure sur des monnaies de la ville est la copie de la statue qui se trouvait dans la caverne prophétique23. A Thèbes, Héraclès est l'objet d'un des cultes les plus importants qu'il reçût en Grèce, comme l'attestent les divers édifices auxquels son nom et les souvenirs de sa légende sont attachés [sect. II et passim], les fêtes qui le célèbrent [UERAKLEIA], ainsi que les nombreuses monnaies, d'époques et de motifs différents, qui reproduisent son image 26. La Béotie accepta ce culte 27, qui lui venait sans doute de Thèbes 2$, et dont nous trouvons la trace en de nombreuses villes, à Orchomène, où il y a un IIéracleion 29, à Thisbé et à Tipha30, à Thespies, où la légende des Thespiades indique qu'il est considéré comme l'ancêtre des plus anciennes familles31, à Coronée32, à Acraephiae33, à Ilyettos, où on l'adora comme guérisseur 34, à Oropos'5, puis en Mégaride, à 1Egosthènes, qui a également son Iléracleion 36, à Pagae, où nous connaissons l'existence d'un collège d'Héracléistes 37 En Attique, ce même culte n'est pas indigène. Il y fut introduit sans doute par la Tétrapole : nous savons en effet qu'il existait fort anciennement à Marathon", et c'est dans cette même région que les Héraclides, d'après la tradition qui a prévalu, reçurent accueil et protection de la part des Athéniens39. A Athènes, il s'acclimata rapidement, probablement dans le cours du VIe siècle, et par l'influence des Pisistratides, comme en témoignent les nombreux vases peints de cette époque qui mettent le héros en rapports constants avec Athéna [sect. V]". L'amitié qui l'unit à Thésée devient un des lieux communs de la tragédie et des orateurs. La découverte, à l'Acropole, des frontons en tuf dont les motifs sont empruntés à sa légende, paraît indiquer l'existence d'un temple qui lui était dédié. On a aussi plusieurs fois exprimé l'hypothèse que le temple communément appelé Théseion était en réalité consacré à Héraclès41. Au Cynosarges, le héros est honoré d'un culte officiel [sect. VI], et sur différents points de l'Attique nous connaissons l'existence de sanctuaires qui lui sont affectés s2 IIER 12 HER Nous avons exposé les légendes qui ont pour siège la région voisine de l'OEta, et attestent la haute antiquité du culte d'Héraclès dans ces parages. La ville de Trachis fut appelée, en mémoire du héros, Héraclée Trachinia' ; elle inscrit son nom en légende sur ses monnaies'. Celles des OEtéens portent aussi son image '. Les Aleuades de Larissa prétendaient descendre de Thessalos, qui est un Héraclide ", et qui fut l'éponyme de la Thessalie5. En Locride, Héraclès avait aussi un culte très anciens; on le retrouve en Phocide', et à Delphes il a sa statue sous le nom de E `rtaat'r ç8. Le port d'Alyzia, en Acarnanie, est appelé de son nom et l'on y cite une autre ville d'Héracléef0. En Macédoine, il est probable que le culte d'Héraclès est d'origine relativement récente 1f, et que la dynastie royale d'1Egae et de Pella ne s'est forgée une généalogie héracléenne que du jour où elle a prétendu entrer dans le concert hellénique : l'importance que Philippe et Alexandre ont attachée à cette descendance se trahit dans l'habitude qu'ils ont prise de faire figurer la tête d'Héraclès sur leurs monnaies12. Quant aux souvenirs de la légende héracléenne qu'on rencontre sur différents points de la côte thrace, ce sont évidemment des importations de la colonisation hellénique f'. Thasos est le siège d'un important culte d'Héraclès, dont il a été question plus haut". Ce culte existe aussi dans plusieurs des Cyclades, indépendamment de celui qui l'associe à Hermès : ainsi à Myconos", à Délos", à Ténos ", à Paros". Mais c'est surtout le long du littoral de l'Asie Mineure que nous le trouvons répandu : un très grand nombre de villes ont fondé des jeux en son honneur". A Héraclée du Pont, colonie de Béotiens et de Mégariens, s'est élaborée une partie de sa légende 2°. A Cos, où les traditions doriennes font parvenir le héros2t, il a laissé un souvenir très vivant : une antique famille y portait le nom d'Héraclides ; dans l'île, il est adoré sous le nom d"'A),e;t; 22; les monnaies portent son effigie"; le culte qu'on lui rend'" s'y distingue par une particularité dont on n'a pas l'explication : les prêtres, à l'imitation d'Héraclès lui-même, y revêtaient des habits de femme 25. A Rhodes, le culte du héros est introduit par Tlépolémos son fils 26; on le constate notamment à Lindos 2'. La dynastie royale de Sardes prétendait descendre d'Héraclès 23. En Crète, plu sieurs indices nous révèlent l'ancienneté de son culte 29. A l'Occident, il fut importé par les colons grecs en Sicile et dans la Grande-Grèce, qui sont peuplées de ses légendes et où nombre de villes, Camarina, Héraclée Minos, Himéra, Héraclée de Lucanie, Métaponte, Crotone, Sybaris, Tarente, le font fréquemment figurer sur leurs monnaies 30. Enfin tout le monde ancien, depuis l'Égypte jusqu'au détroit de Gadès et jusqu'en Grande-Bretagne, est parsemé de villes, de territoires, caps, îles, ports, auxquels il a donné son nom, et oit l'influence phénicienne a dû jouer son rôle à côté de la colonisation hellénique ". IX. HERCULE A RouE. Nous avons eu maintes fois l'occasion de suivre jusque pendant la période romaine les représentations d'Héraclès et de ses différentes aventures : c'est le type grec qui évolue jusqu'aux derniers temps de l'Empire ; ce sont les mêmes motifs qui se perpétuent. L'assimilation s'est opérée complète entre l'lléraclès des Grecs et l'Hercule romain; ils répondent à la même conception et sont l'objet d'un culte semblable : on n'a plus distingué entre eux. On est aujourd'hui à peu près d'accord pour admettre que le nom même d'Hercules est identique à celui d' `HpxxX7,,;. La forme du nom en Italie est primitivement très flottante. Les inscriptions étrusques, surtout celles des miroirs, orthographient d'ordinaire Ilercle, mais on trouve aussi diverses variantes 32. Les Osques prononçaient Hereclus et Herchas 33, les Latins et les Romains Hercles, Hercoles 34 ; ce n'est qu'à partir du n° siècle avant notre ère qu'on rencontre la forme Hercules 35. On a aujourd'hui abandonné l'idée, qui avait été proposée, de rattacher ce nom latin à un ancien verbe hercere de même sens que le grec spxEr~ 36. Comment s'est faite l'importation de lHéraclès grec dans le Latium? Par la double influence des colonies grecques de l'Italie méridionale et de la Sicile, d'une part, de l'Étrurie d'autre part. Le retour du héros après son expédition contre Géryon nous a déjà signalé toute une série de légendes où il joue un rôle civilisateur en Italie et en Sicile; autour de Cumes, en particulier, sa trace est marquée par plusieurs épisodes [sect. III]. Or toutes ces légendes n'ont pu entrer dans ce récit, que si elles préexistaient au travail de systématisation qui a été opéré par les écrivains. Parmi ces écrivains, on doit IIER -425LIER songer surtout au poêle Stésichore, qui était d'Himéra en Sicile et vivait à peu près au temps de Servius Tullius ; sa Géryonide a dû faire mention de plusieurs des épisodes qui ont l'Occident et la Grande-Grèce pour théâtre. Au Ive siècle, l'historien Timée de Tauroménium groupa tous les traits relatifs à la même légende. Il faut rappeler aussi que c'est de Cumes que provenaient les livres sibyllins sur l'ordre desquels on offrit à Rome, en l'an 399 av. J.-C., un LECTISTERNIUM solennel à six divinités helléniques : au nombre de ces divinités se trouvait précisément Hercule C'est dans cette circonstance qu'il y reçut pour la première fois un culte officiel. L'influence étrusque, dans cette oeuvre de diffusion, n'est pas moins importante. Elle s'exerce à la fois par le Nord et par le Sud Par l'Étrurie, c'est encore la Grèce qui agit. Le culte d'Héraclès y semble une importation hellénique; on a pensé qu'il y avait remplacé une ancienne divinité indigène C'est probablement une combinaison érudite qui donna pour ancêtre aux Étrusques Tyrrhénos, fils d'Hétaclès et d'Omphale Néanmoins la propagation de ce culte en Étrurie est très ancienne et y eut un rapide succès : témoins les nombreux monuments de tout genre, statuettes de bronze, miroirs, coupes, appliques qui reproduisent l'image du héros ou ses aventures ; témoins aussi les sanctuaires qui lui sont consacrés dans tout le pays. On signale un isEbv `Hrx xMoug sur la côte entre Luna et les bouches de l'Arno, une statio ad Herculem sur la voie Aurélienne au sud de Pise, un portos Ilerculis à Cosa; près de Caeré, une source lui est consacrée; à Surrina, un temple et une forteresse portent son nom ; à Arrétium, à Viterbe et ailleurs, il a des sanctuaires ; sur les monnaies de différentes villes, on voit son image ou ses emblèmes 5. Nous devons ici noter en passant quelques particularités des représentations d'Hercule qui sont propres à l'Étrurie et qui n'ont pas encore été suffisamment expliquées. Très souvent on trouve, surtout sur les antéfixes ou dans les petits bronzes qui servent, d'appliques, Hercule associé avec Junon ou avec une autre divinité : tantôt les deux personnages sont dans une attitude amicale, marchant côte à côte, la déesse entraînant le héros ou conduite par lui ° ; tantôt ils combattent de concert, ou bien encore ils luttent l'un contre l'autre'. En particulier, on voit souvent Junon participant à un des exploits du héros, à sa lutte contre la biche, contre le sanglier, contre Achéloos 8. Faut-il chercher un sens particulier à ces motifs, une forme originale de la légende? Nous pensons qu'ils sont purement décoratifs, qu'il n'y a là que des applications du motif général, cher à l'art étrusque, d'un groupe composé d'un homme et d'une femme, et se présentant dans diverses attitudes 9. Au reste c'est là un thème que l'Étrurie n'a pas inventé et qu'elle a emprunté à l'art ionien, avec lequel elle a tant d'aFfinités : il se trouve en effet sur des monnaies de Thasos par exemple 10, et dans la frise d'Assos C'est par cette double voie qu'Hercule a pénétré à Rome. Néanmoins si l'on s'accorde aujourd'hui à dire que son culte y est bien d'origine hellénique et que son nom même n'est que le vocable grec à peine modifié, on pense aussi généralement qu'il a absorbé à son profit un ou plusieurs personnages de la mythologie italique, dont les traits se retrouvent encore dans la physionomie de l'Hercule romain. Pour Preller, cette divinité italique indigène, ce génie ou ce héros auquel on l'a assimilé, était analogue d'une part au SEMO SANCUS des Sabins, au DIUS FIDlus latin, d'autre part à SILVANUS : c'était un génie tutélaire de la bonne foi et de la vérité ; c'était aussi un génie bienfaisant qui répand l'abondance et qui protège le foyer domestique tz. Pour Reifferscheid f3, dont Peter a accepté les conclusions 14, cet Hercule latin primitif est aussi le GENIUS qui est préposé à l'existence de tout homme, qui est pour lui ce qu'est la Juxo pour les femmes. Ceci expliquerait que les hommes seuls jurent par Hercule'", comme aussi ils ont seuls accès aux cérémonies de l'Ara Maxima ; dans cette hypothèse, on comprend aussi qu'Hercule et Junon soient souvent associés comme divinités conjugales, particularité qui est exclusivement propre à l'art italien, et dont on chercherait vainement les antécédents dans le mythe grec 16 Deux textes anciens nous apprennent aussi que, dans la légende de Cacus, Hercule a pris la place d'un personnage nommé Garanus ou Recaranus ", noms qu'on a rapprochés du mot kerus ou cerus, qui a la même signification que geaius 28, Enfin on a voulu voir les vestiges d'une ancienne divinité indigène dans l'Hercule que les traditions mettent en contact avec quelques personnages de la mythologie latine, avec ACCA LARENTIA, par exemple ; avec une fille d'Évandre qui lui donna un fils, Palas ou Pallas, d'où le Palatin tira son nom '° ; avec Fauna, qui donne naissance à Latinus, l'éponyme des Latins 20; de même, c'est d'une Nymphe indigène et d'Hercule qu'est né Fabius, l'ancêtre des Fabii 21 ; et Aventinus est le fruit de ses amours avec Rhéa22; d'après Properce 23, c'est encore un fils d'Hercule que cet Acron qui est roi de Caecina. Ces dernières légendes nous paraissent remonter à une époque où l'Hercule grec est déjà implanté sur le sol italique 2'. I)e même, comme on l'a dit [cocos], le mythe d'Hercule et de Cacus, qui a pris place dans la Géryonide, est, sinon dans son fonds et dans sa première origine, du moins dans sa forme postérieure où Hercule joue un HER 126 HER rôle, un produit manifeste de l'imagination hellénique i. Si l'on défalque ces derniers épisodes, on voit qu'en somme l'apport latin se réduit à des éléments assez minces et dont plusieurs, au surplus, sont quelque peu hypothétiques. Nous avons dû nous borner à les exposer sommairement et sans entrer dans les controverses qui se sont élevées sur différents points. Il nous reste maintenant à esquisser ce qu'est devenu à Rome le culte d'Hercule une fois qu'il y fut introduit avec tous ses caractères helléniques et qu'il y eut conquis, sous sa forme complète, une place officielle et définitive. Le plus important et en même temps le plus ancien culte d'Hercule à Rome est celui d'Hercules Victor ou Invictus 2 qu'on célébrait à l'Ara Maxima. La tradition le rattachait à l'épisode de Cacus; Hercule vainqueur l'aurait fondé lui-même et y aurait initié deux anciennes familles du pays, les Potitii et les Pinarii, qu'il chargea d'en perpétuer les rites'. Dans la suite les Potitii, qui avaient dans ce sacerdoce le rôle prépondérant, se démirent de leurs fonctions au profit de l'État; depuis Appius Claudius Caecus, c'est le préteur urbain qui accomplit le sacrifice, assisté d'esclaves publics. Une légende voulait que les Potitii eussent expié l'abandon de leur mission religieuse par l'extermination totale de leur gens, et qu'Appius Claudius, qui avait provoqué et sollicité ce sacrilège, eût été, pour ce fait, frappé de cécité pendant la guerre contre Pyrrhus'. L'Ara Maxima s'élevait sur les bords du Tibre, entre le Palatin et l'Aventin, à l'endroit même où avaient séjourné les troupeaux conquis par Hercule et qui prit pour cette raison le nom de Forum boarium. Le sacrifice ordinaire et annuel qu'on y offrait avait lieu le 12 août'. Le préteur urbain immolait, au nom de l'État, un jeune taureau qui n'avait pas encore porté le jougs. Pour cette solennité, il avait la tête découverte, et ceinte d'une couronne de laurier qu'on allait couper dans un bosquet voisin sur l'Aventin 7. Ii répandait aussi une libation de vin avec une grande coupe de bois qui avait appartenu au héros lui-même 3. Il était défendu, pendant le sacrifice, d'invoquer un autre dieu qu'Hercules. La cérémonie, commencée le matin, était reprise et achevée le soir10, La portion de la victime qui n'avait pas été consumée pour le sacrifice, était vendue et le prix servait à acheter le taureau sacrifié l'année suivante"; elle était ensuite consommée, dans un repas qui suivait, par les assistants, qui s'attablaient non pas couchés, mais assis, suivant l'ancienne coutume romaine; on participait à ce repas la tête couronnée de laurier ; les femmes en étaient rigoureusement exclues 12. On voit, sur un médaillon d'Antonin le Pieux (fig. 3807), le repas d'Hercule et d'Évandre et au fond la coupe gigan_ tesque du dieu placée sur un piédestal ". Un autre médail ton (fig. 3808) porte l'image d'Hercule Victor, assis entouré d'un trophée d'armes, tenant d'une main sa massue, de l'autre, un aplustre ou un autre insigne de victoire'. Outre cette fête régulière et officielle, d'autres sacrifices extraordinaires et privés sont offerts à l'Ara Maxima. Les particuliers et les généraux victorieux y consacrent la dîme de leurs biens, de leurs bénéfices ou de leur butin, decima, Herculanea pars. Cet usage remontait, disait-on, à Hercule lui-même qui avait réparti entre les habitants la dixième partie des troupeaux de Cacusl5 et qui avait promis, à qui l'imiterait, sa faveur et ses bienfaits 's. Aussi cherchait-on, au cours d'une entreprise commerciale ou privée, d'une expédition militaire, à intéresser au succès, par la promesse de la dîme, le héros victorieux par excellence, considéré aussi comme le dispensateur de tous biens. La consécration de la dîme était naturellement accompagnée du sacrifice à l'Ara Maxima, où l'auteur du voeu officiait lui-même, suivant le même rite que le préteur urbain 11. La part de la victime qui n'était pas consacrée à hercule était distribuée au public, polluctum f8, C'était l'occasion de plantureux repas et de larges libations : on cite les fastueuses prodigalités de Sy11a10, de Lucullus 20, de Crassus 21, où le peuple trouvait à se goberger pendant des jours et des mois entiers aux frais du donateur. Ces largesses accompagnent tout naturellement la célébration du triomphe [TRIUMPHUS) ; dans cette dernière circonstance, l'ancienne statue d'Hercule, qui était censée avoir été consacrée par Évandre, était revêtue des insignes triomphaux, d'où lui vint l'appellation d'Hercules triumpltalis 2'. Ajoutons que cet usage de consacrer la dîme à Hercule Victor n'est pas exclusivement propre au culte de l'Ara Maxima; on le trouve encore à Sora 13, à Réate2`' et ailleurs 26. L'Ara Maxima n'est pas le seul monument qui rappelât, au Forum boarium, le souvenir d'Hercule; on y HER 427 HEP, voyait encore un certain nombre d'édifices ou de temples qui sont souvent mentionnés par les textes : ainsi un sanctuaire, atrium ou fanant, qui contenait, outre la statue d'lvandre, la massue et la coupe de bois du héros 1; un temple d'Hercule Victor, qui était rond', et qui s'est conservé intact jusqu'à l'époque de Sixte IV où il fut démoli; on y a retrouvé, outre de nombreuses inscriptions, une statue du héros en bronze doré'. Il faut probablement distinguer de ce temple un autre consacré aussi à Hercule Victor, et qui se trouvait près de l'endroit où le héros avait dédié un autel à son père Jupiter Inventor, sur la pente de l'Aventin 4. L'identification et la situation de ces différents édifices a donné lieu à de longues controverses qu'il est impossible de résumer ici 5. Les auteurs nous signalent encore à Rome même un grand nombre de temples ou de statues, fondations dues à la piété des Romains vainqueurs et consacrées d'ordinaire à l'occasion d'un triomphe La plus ancienne de ces offrandes paraît avoir été l'Hercules fictilis, statue de terre cuite que consacra un Véien, Vulca 7. Nous citerons, entre autres, le temple que fonda L. Mummius après sa victoire sur l'Achaïe et la destruction de Corinthe', un Hercules tunicatus dédié par Lucullus sur le Forum', une aedesAelniliana d'Hercule sur le Forum boarium, qui fut probablement élevée à la suite du triomphe de Paul Émile'', un Hercules Sullanus 1l, un temple d'Hercule édifié par Pompée près du Circus Maximus et contenant aussi une statue du héros 12, etc. Cette conception d'Hercule comme présidant aux succès des armes explique qu'il soit souvent invoqué par les Romains en même temps que Mars et la Victoire13. Elle est loin d'épuiser d'ailleurs tous les aspects sous lesquels le héros était envisagé à Rome. Il procure la prospérité et donne la fécondité aux campagnes : caractère que nous avons déjà signalé dans l'Héraclès grec, mais qui en Italie a peut-être ses racines dans un culte indigène. On trouve en effet souvent le héros associé à Silvanus dans les inscriptions 1i et des monuments d'un sens religieux les montrent aussi réunis 15. Il préside aux bains, et les sources thermales lui sont consacrées1°. C'est un dieu guérisseur, qu'on honore sous les épithètes de Salutaris" et de Salutifer ". Il veille sur la famille, et un très grand nombre de gentes lui vouaient pour cette raison un culte spécial 19 ; c'est en ce sens qu'il est appelé tulor, defensor, conservator 20; l'épithète anteportanus qu'on rencontre aussi 21 indique qu'il veille au seuil de la demeure. On comprend que, par une extension de ce rôle, il soit devenu le gardien du patrimoine et de la propriété, que les profits et les bénéfices fussent considérés comme des faveurs qu'il accordait22. En ce sens, il est une manière de dieu du commerce ; une inscription nomme un Hercules ponderum 23, et c'est pourquoi encore on l'associe it Mercure24. Il protège les voyageurs25. Il est le garant de la bonne foi et des serments2G. Certains indices ont aussi donné à penser qu'il présidait aux unions conjugales 27. On trouve enfin, appliquées à Hercule, 1m certain nombre d'épithètes dont le sens est parfois obscur 28. Quelques autres dérivent des représentations figurées du héros, comme celles de pusillus ou de puerinus 29 : on trouve en effet dans l'art romain un très grand nombre d'Hercules enfants, et certaines d'entre elles ont un sens funéraire 30 Nous devons enfin une mention spéciale à deux cultes officiels, celui d'Hercules Magnus Custos et celui de l'Hercules Musarum, tous deux d'origine hellénique et célébrés au cirque Flaminius. Quant au premier, qui est attesté par plusieurs inscriptions 31, on le célébrait le 1. juin; Sylla avait consacré le temple qui en était le siège et qui fut construit sur l'ordre des livres sibyllins32. On ignore quelle en est la signification exacte; mais on a conjecturé qu'Hercule était adoré sous ce surnom comme patron des jeux célébrés au Cirque 33, comme aussi il préside aux ludi de Venus Genitrix ou Victoria Caesar's 31. Nous savons d'ailleurs qu'Hercule est le patron des gladiateurs à Rome, comme il est en Grèce celui des athlètes 35. Le temple d'Hercules Musarum fut édifié par M. Fulvius Nobilior lors de son triomphe après la guerre contre Pyrrllus; on le décora de statues conquises sur la ville d'Ambracie36. Plus tard le beau-père d'Auguste, L. Martius Phi lippus, le reconstruisit". La Grèce avait associé déjà le héros aux Muses dans les palestres [sect. VI]; mais un Hercule Musagète, c'est-à-dire protecteur des Muses et mu sicien lui-même paraît une interprétation romaine. Des monnaies de Q. Pomponius Musa (fig. 3809) présentent au IIRR 128 HER revers, un Hercule jeune, jouant de la lyre, avec l'inscription Hercules Illusarum'. Malgré tout, ce sont les représentations d'Hercule relatives à la victoire et au triomphe qui restèrent à Rome les plus populaires et les plus nombreuses, surtout sous l'Empire, ois Hercule, fils de Jupiter, vainqueur et souverain du monde qu'il a subjugué, devint tout naturellement le symbole de la puissance impériale 2. Sous le titre d'Hercules Augustus ou Augusti, il prend place parmi les divinités gentilices des Césars ; il figure aussi, avec diverses épithètes, celles de Cornes, Conservator, Custos, Defensor, Pacifer, Victor, Invictus, sur les monnaies de beaucoup d'entre eux 4. Il serait trop long d'énumérer ici la liste de tous ceux qui prétendirent à une assimilation plus ou moins complète avec le héros divinisé ou qui lui vouèrent un culte particulier : cette liste comprendrait à peu près la série entière des empereurs depuis Auguste Plusieurs, comme Hadrien, se firent représenter sous les traits du héros; sous le règne de ce dernier, qui était originaire d'Espagne, on honora en particulier l'Hercule de Gadès, dont le nom apparaît sur une monnaie ". Commode personnifie l'Hercule-dieu et se fait appeler Hercules Romanes, nom qui figure dans la liste officielle de ses titres'; dans les combats sanglants de l'amphithéâtre il luttait contre les bêtes avec le costume traditionnel du héros s et c'est avec les mêmes attributs qu'il se fit représenter sur ses monnaies" et dans des bustes, parmi lesquels il faut citer le remarquable exemplaire du Musée du Capitole (fig. 3810)10 Septime Sévère et Caracalla adorèrent avec une ferveur particulière comme di palrii Hercule et Bacchus, vainqueurs de l'Orient ". De très nombreuses monnaies de Postumus attestent aussi qu'Hercule est le dieu de prédilection de cet empereur 72. Dioclétien prend officiellement le titre de Jovius, et Maximien celui d'Herculius 13. La même vénération pour le héros se perpétue dans la maison impériale jusqu'au triomphe complet du chris IIEREDIU31. Lot de terre cultivable d'une étendue de deux jugères (bina jugera, 50x,57°}. Suivant la tradition commune, Romulus, après avoir divisé le territoire de Rome en trois parts', dont la première destinée à l'entretien du roi et du culte 2, la seconde à la pâture commune [PASCUA], partagea la troisième en dix lots attribués aux dix curies de la tribu primitive des /lampes [CutuA, TRIBUS]. Chaque lot de deux cents jugera (50",56",79°) devait appartenir à cent fatnilles et prit le nom de cenluria 3. Le lot de chaque famille était donc de deux jugères et fut appelé heredium4. Peut-on conclure de là à l'existence de la propriété individuelle chez les Romains dès l'origine? C'est l'opinion la plus générale 3. On peut argumenter en ce sens du développement spécial qu'a reçu en droit romain l'idée de propriété privée, et du sens même du plot heredium, qui implique la notion de patrimoine héréditaire ; d'ailleurs rIBRES, chez les anciens, désignait le propriétaire ". Cependant d'autres auteurs admettent que la propriété foncière n'appartenait primitivement qu'à l'État, les particuliers ayant seulement la jouissance'. Cicéron dit lui-même a que l'avoir privé ne se composait, au temps de Romulus, que de bestiaux et de simple possession, locorum possessionibus, et que la terre ne fut assignée en propriété que par Numa Mais il est plus conforme au génie des institutions romaines d'admettre que la propriété fut établie d'abord par gens, et plus tard par familia, et affectée au culte des ancêtres 10. Sous Servius Tullius, elle devint individuelle, et la toute-puissance du père de famille, avec le droit de tester, fut confirmée parla loi des Douze Tables [TESTASIENTUu].