Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article HETAIROI

IIETAIROI [`ETxipot]. L'institution des Ilétaires ou Compagnons se rencontre chez un grand nombre de de peuples. Ces Compagnons sont groupés autour des royautés primitives ou du patriciat; ils forment son cortège et son escorte. Chez les Gaulois, its s'appelaient arabacti, soidurii ; chez les Germains, ils portaient un nom que les Romains ont traduit par comites 3 ; chez les Romains enfin, ils s'appelaient clientes. Chez tous ces peuples, ces divers noms ne désignent, en réalité, qu'une même chose, la clientèle. Dans ses traits généraux, la clientèle est l'état de subordination ou de sujétion dans lequel se met volontairement un homme libre à l'égard d'un autre homme ; c'est presque toujours un homme faible ou pauvre qui a besoin d'un homme fort et riche, qui lui demande sa protection, et qui, pour l'obtenir, se soumet à lui; un engagement se contracte entre les deux hommes, l'un devra protéger, l'autre devra obéir 4. Un trait particulier de la clientèle chez les Germains, et très probablement aussi chez les Gaulois', c'est qu'elle se contracte par un engagement religieux et un serment °; chez les Romains, au contraire, l'engagement, exprimé le plus souvent par le mot /ides, n'est imposé ni par les lois divines, ni par le droit civil ; il est purement moral". Enfin, chez les Germains et chez les Romains, il y a, dans la clientèle, des rangs, une hiérarchie. La masse des clients s'appelle comites ; un petit nombre seulement sont qualifiés d'amici. Cette distinction est attestée pour les Germains'. Elle est très nette dans la langue des Romains ; ils arrivèrent même à répartir les amici en divers rangs. On attribuait cette innovation à Caius Gracchus et à Livius Drusus'. Pour l'époque impériale, on connaît la cohors amicorum de Tibère, de Caligula, de Claude, de Néron; Tibère avait divisé cette cohorte en trois catégories 30. Plus tard, les comites aussi furent divisés en ordresfl. Peu à peu la clientèle impériale s'empara de toutes les fonctions publiques. Pendant que les affranchis remplissent les bureaux qui contrôlent et surveillent les administrateurs, les amici sont chargés de missions de confiance, de fonctions, de commandements; bientôt les AmICI et les COMIITES formeront le CONslsiu I FRINCIFIS, véritable conseil d'État, qui supplante peu à peu le Sénat et le réduit à n'être plus que le conseil municipal de Rome 1Y. Ainsi ces noms d'amicus, de cornes, qui n'étaient que l'expression d'une clientèle domestique, devinrent un titre. Le cornes est primitivement le client, le suivant d'un grand ou d'un riche ; il est ensuite le client, le suivant, le courtisan d'un prince; puis il devient un fonctionnaire de l'ordre le plus élevé ; sous Ies rois francs, il restera fonctionnaire et continuera d'administrer une province; plus tard enfin, souverain de cette province, il deviendra un comte féodal '3. Ces observations étaient nécessaires avant d'aborder l'histoire des Compagnons en Grèce. 1. L'Iliade nous montre les ÉTxipo, auprès des [3xat),atç et desxvxxTSç. Idoménée dit à Agamemnon qu'il sera toujours pour lui un hétaire fidèle comme il l'a promis 1i. Patrocle, qu'Achille appelle le plus cher de ses hétaires ', au moment de marcher contre les Troyens, dit à ses guerriers : « Myrmidons, hétaires d'Achille Péléide, soyez des hommes, ô amis (cst),ot), souvenez-vous de la valeur terrible, afin que nous honorions le Péléide16. » Ce dernier trait, la Ttu.i~ qui rejaillira sur le chef si ses compagnons sont vainqueurs, se trouve plusieurs fois dans l'Iliade'". Ce même sentiment, Tacite le signale aussi chez les comites des Germains : principes pro victoria pugnant, comites pro principe ". Le compagnon homérique est à la fois un ami et un servant, un ETxipoç et un Ospz7;cov"; il remplit l'office que le noble vassal, au moyen âge, remplira auprès de son suzerain. Il prépare le char 20; il soigne les chevaux 21 ; il fait fonction d'échanson 22; les hérauts qu'Agamemnon envoie à Achille pour lui ravir Briséis sont de fidèles hétaires 23, ainsi que les guerriers qui apporteront, de la part du roi des hommes, des présents à Achille pour le fléchir2'. Mais le rôle le plus important de l'hétaire consiste à combattre auprès de son compa HET 160 HET gnon'. La tactique du char de guerre, en usage à l'époque homérique, exigeait sur le char la présence de deux guerriers [EQUITES], l'un qui combat, qui est monté auprès, 7 a; te r-ri;, l'autre qui conduit, rviozoq. C'est 1à le rôle que jouent Patrocle, Automédon auprès d'Achille 2; Thrasymèlos auprès de Sarpédon 2. Si nous comparons la situation de l'hétaire homérique avec celle du cornes germain, du devotus gaulois, ou du client romain, nous trouverons que l'hétaire est dans une situation plus relevée et plus libre devant son chef. Il n'est pas lié par un serment, comme le devotus et le cornes; nous ne connaissons du moins qu'un seul exemple d'un engagement, et encore cet engagement n'est-il qu'une simple promesse `; il n'y a rien de comparable au serment solennel du Germain et à la devotio des Gaulois. L'hétaire n'a pas la situation inférieure d'un client romain : Achille traite Patrocle d'égal à égal, cependant avec une nuance qui marque sa supériorité. Chez les Doriens, nous constatons l'existence des hétaires, non seulement en Macédoine, mais dans les deux pays où l'on reconnaissait le type le plus parfait de la discipline dorienne, la Crète et Sparte. Cette institution,toute militaire, avait survécu à la conquête. En Crète, elle fut employée dans l'organisation de la cité; le corps des citoyens était divisé en iratpoïat A Sparte, les syssities sont un reste des anciennes hétairies °. Peut-être même dans ces trois buoiot qui, en temps de guerre, habitent dans la tente du roi' ; dans ce xp_w8zt'r ç, dont le nom indique un service de domesticité, mais dont les fonctions étaient remplies par les personnages les plus importants, par exemple Lysandre 0, faut-il voir comme un souvenir de la vieille institution des i'caipct. II. C'est en Macédoine que cette institution a duré le plus longtemps. Elle était encore florissante à l'époque historique ; et, quoique très probablement elle ait dû subir des changements dans le cours des temps, ce que nous savons de l'histoire de ce pays tend à montrer que ces changements ont dû être peu considérables. C'est donc, pour ce qui concerne le monde grec, en Macédoine que cette institution nous est le mieux connue; c'est là aussi que nous pouvons apprendre, dans ses traits les plus généraux, ce qu'elle a été dans les autres pays grecs. Les hétaires macédoniens sont les descendants des guerriers doriens qui suivirent les Héraclides de la famille des Téménides d'Argos, quand ils envahirent la Macédoine 9. Autour de Perdiccas et de ses deux frères, chefs des Téménides, se groupaient les guerriers qui furent les chefs des familles nobles de la Macédoine. Mais, dans ce pays, la conquête n'eut point pour conséquence, comme dans la plupart des états doriens, l'asservissement des indigènes ; au contraire, l'élément ancien et l'élément nouveau se mêlèrent assez intimement. La noblesse macédonienne est une classe essentiellement militaire, dispersée sur toute l'étendue du pays, possédant de grands domaines, en contact permanent avec la population. Cet état social s'explique par deux faits. En premier lieu, la royauté subsiste, une royauté qui a été de tout temps agitée, combattue parceque le droit de succession au trône n'était pas bien fixé, mais qui n'en restait pas moins supérieure à tous en richesses et en honneurt0 En second lieu, les grandes villes manquent" ; surtdut il n'y a pas en Macédoine une capitale qui est tout, une isdX;; dans laquelle se concentre tout l'État. Ici donc pas d'hilotes ou de néodamodes comme en Laconie, pas de pénestes comme en Thessalie ; les Macédoniens sont un peuple libre 12, un peuple de paysans et de nobles. Tous doivent le service militaire; l'armée est en somme le peuple entier, et on la convoque pour prendre des décisions et pour rendre la justice. Dans cette armée, on remarque une noblesse nombreuse, celle des hétaires; c'est à peine une aristocratie; ce qui la distingue, c'est la possession de grands domaines territoriaux et le droit d'approcher le roi, qui récompense par des honneurs et des présents la fidélité à son service " Les hétaires sont mentionnés pour la première fois sous le roi Archélaos (13-399) ". Le passage dans lequel se trouve cette mention semble de peu d'importance". Si nous le relevons, c'est parce qu'il se rappporte à ce roi Archélaos qui, au témoignage de Thucydide', fit, pour constituer la puissance militaire de la Macédoine, plus à lui tout seul que les huit rois qui l'avaient précédé. La cavalerie macédonienne était considérée comme la seule partie bonne de l'armée ; elle était tenue en haute estime à cause de son instruction et de son armement; elle portait la cuirasse17 ; c'était donc une grosse cavalerie. Ce fait, étant donnée la constitution sociale et politique de la Macédoine, suffit pour montrer qu'elle devait être constituée presque exclusivement avec la noblesse des hétaires. Avant d'arriver à l'époque pour laquelle nous connaissons le mieux le corps des hétaires, c'est-à-dire les règnes de Philippe et d'Alexandre, nous avons encore à signaler deux textes dans lesquels cette aristocratie est mentionnée. D'après Plutarque 'g, le régent Ptolémée dut livrer à Pélopidas, comme otages, son fils Philoxènos et cinquante des hétaires; parmi ces otages était peut-être Philippe, le futur vainqueur de la Grèce.D'après l'historien Anaximène, c'est Alexandre, le fils d'Amyntas et le frère aîné de Philippe, qui aurait créé le corps de cavalerie des hétaires, en le composant de nobles, et le corps d'infanterie des pezétaires, en le composant de Macédoniens libres, non nobles ; ce dernier corps aurait été divisé en loches, décades, etc. Il est difficile d'admettre que c'est seulement cet Alexandre qui a organisé une part si considérable de l'armée macédonienne ; le corps des hétaires, en tant que cavalerie, est certainement plus ancien ; peut-être cependant ce renseignement indique-t-il que cet Alexandre a opéré dans l'armée macédonienne, dans la cavalerie comme dans l'infanterie, des améliorations. Nous devons d'ailleurs ajouter qu'il y a des savants qui rapportent ce passage d'Anaximène à Alexandre le Grand'9. Enfin il n'est pas inutile, I1ET 161 f-lET à propos de ces questions d'origine, de rappeler qu'il y avait, en Macédoine, une fête appelée 't `hamtEtôntm, qui était célébrée par les rois; malheureusement, nous n'avons aucun renseignement sur cette fête'. On admet généralement aujourd'hui que Philippe est le véritable organisateur de la puissance militaire de la Macédoine. Il est certain, en effet, que l'armée qu'il avait formée était supérieure à toutes les armées de son temps et peut-être à toutes les armées de l'antiquité, par l'instruction, la solidité et surtout la variété de ses moyens d'action. C'était véritablement un organisme souple et varié dans lequel chaque organe était propre à une fonction spéciale. Nous n'avons que très peu de renseignements sur cette partie de l'oeuvre de Philippe. Mais nous savons qu'Alexandre, à peine monté sur le trône, a eu à combattre des ennemis redoutables, qu'il a fait des campagnes difficiles, dans lesquelles nous le voyons employer les diverses armes qui composeront aussi son armée d'Asie, hoplites de la phalange, hypaspistes, hétaires, sarissophores, acontistes, archers, frondeurs 2. Une telle armée, si complexe, si riche en éléments différents, Alexandre n'aurait certes pas eu alors le temps de la créer ; nous pouvons donc affirmer qu'elle existait quand il est monté sur le trône, que l'instrument qui lui a permis de conquérir l'empire de l'Asie avait été forgé par son père. Nous possédons sur les hétaires de Philippe un témoignage important, c'est le passage dans lequel Théopompe décrit en traits si vifs les débauches du roi de Macédoine et les scandales dont sa cour est le théâtre. Les hétaires, en particulier, sont vivement attaqués. Ces amis du roi, dit Théopompe, ne peuvent être comparés qu'aux pires barbares ; leurs moeurs sont infâmes ; ils ne méritent pas d'être appelés des timipot, mais des h,idpmt. Nous avons, pour le sujet qui nous occupe, deux traits à relever dans ce passage. Théopompe dit que Philippe recrutait ses hétaires, non pas seulement en Macédoine, mais dans tous les pays de la Grèce. Ce fut là aussi, nous le verrons, le système pratiqué par son fils. Peutêtre cependant y a-t-il déjà à faire pour les hétaires de Philippe la distinction que nous aurons à établir pour les hétaires d'Alexandre : d'une part, les soldats constituant le corps de cavalerie macédonienne, et, d'autre part, les amis propres du roi, appelés à remplir les fonctions militaires et administratives les plus diverses. Théopompe dit encore que les hétaires de Philippe étaient au nombre de 800, et que ces 800 hétaires possédaient à eux seuls plus de biens territoriaux que 10000 des plus riches Hellènes. Ces grandes richesses ne venaient pas toutes des anciens patrimoines de la noblesse macédonienne ; bien des terres prises aux villes et aux peuples vaincus avaient été abandonnées à ses amis par Philippe, qui faisait de la libéralité un moyen de gouvernement. Abel' croit que ce chiffre de 800 hétaires est trop faible ; Arnold Schaefer ' l'accepte. Nous serions V. de l'avis de ce dernier. Nous ne croyons pas-que la cavalerie ait eu, dans l'armée de Philippe, l'importance qu'elle eut dans l'armée d'Alexandre. Quand Démosthène s raconte aux Athéniens ce qu'il a appris sur les dispositions et le caractère des hommes qui sont autour du roi, il les divise en deux catégories : les étrangers et les pezétaires. Ces derniers forment, pour ainsi dire eux seuls, l'élément national mentionné à côté de l'élément étranger ; ils sont comme le centre même de la puissance militaire de la Macédoine. Dans toutes les guerres de Philippe, c'est la phalange qui a le rôle principal. A Chéronée, d'après Diodore', il n'aurait eu que 2000 cavaliers pour 30000 fantassins. C'est moins que la proportion, en usage avant Alexandre, de un cavalier pour dix fantassins 8. Le chiffre de Diodore est contesté' ; on ne peut cependant en conclure que l'effectif de la cavalerie de Philippe était élevé. De même, dans les campagnes qu'Alexandre fit en Europe, au début de son règne, nous voyons assurément la cavalerie nationale mentionnée plusieurs fois10. Mais, soit qu'il combatte les barbares, soit qu'il combatte les Grecs, c'est à la phalange qu'il réserve l'action principale, et, après elle, aux hypaspistes. Les hétaires sont rarement nommés. Dans la guerre contre Claus et Glancias ", ils reçoivent l'ordre de charger l'ennemi qui est posté sur une hauteur; mais ils ne font pas exclusivement fonction de cavaliers ; ils doivent prendre leurs boucliers ; si l'ennemi résiste, une partit des hétaires sautera de cheval et combattra à pied; ils feront le rôle d'i .u t7;ot, ou fantassins mêlés à la cavalerie 12. Nous croyons donc que Philippe n'avait pas attribué à la cavalerie l'importance que lui accordera plus tard Alexandre. Il disposait cependant, non seulement des Macédoniens, très estimés comme cavaliers, mais des Thessaliens, dont la cavalerie était regardée comme la meilleure de la Grèce. Pourtant il ne paraît pas avoir su tirer, de tous ces éléments de force militaire, les effets redoutables que son fils fut si habile à en tirer 13. Nous ne croyons pas non plus qu'Alexandre ait rien changé à cette armée au début de son règne. Pendant l'année qui s'écoule entre l'automne de 336, date de la mort de son père, et l'automne de 335, date de la chute de Thèbes, il est trop occupé de venir à bout des révoltes dont l'assassinat de Philippe a été le signal. C'est seulement quand la destruction de la ville d'Épaminondas f4 a terrifié la Grèce, qu'il a pu songer à préparer la campagne d'Asie, et qu'il a organisé son armée pour cet objet. C'est donc pendant l'hiver de 335 à 334, croyons-nous, qu'Alexandre a donné à sa cavalerie, et, en particulier, au corps des hétaires, le développement que nous pouvons constater dans la guerre contre les Perses. Quel était l'effectif et la composition de l'armée avec laquelle Alexandre passa l'Hellespont au printemps de l'année 334? Les renseignements qui nous sont parvenus varient dans des proportions notables. Arrien 15 2t HET 162 HET indique 30 000 fantassins et 5000 cavaliers; Anaximène 43000 fantassins et 5500 cavaliers. Entre ces deux chiffres extrêmes on a essayé des combinaisons diverses dont aucune n'a un degré suffisant de certitude 1. Cette armée, sans parler des troupes mercenaires ou barbares combattant avec des armes de jet, comprenait la grosse infanterie de la phalange, l'infanterie légère des hypaspistes, la grosse cavalerie macédonienne et grecque, la cavalerie légère des sarissophores. Dans les trois corps les plus importants de cette armée, dans les trois corps recrutés exclusivement par les Macédoniens, la phalange, la grosse cavalerie, la troupe des hypaspistes, nous trouvons des hétaires. 11s comprennent ainsi deux grandes divisions : ceux qui servent dans l'infanterie et ceux qui servent dans la cavalerie. Dans l'infanterie, les hétaires composent la phalange ; ils portent le nom de -s i mol ou hétaires à pied. Ce nom est important ; il indique que l'infanterie macédonienne fut organisée après la cavalerie, ce qui confirme le témoignage que nous avons cité plus haut de Thucydide Les pezétaires sont des Macédoniens libres, mais qui n'appartiennent pas à la noblesse. ll y avait six régiments ou taxes de pezétaires sous les ordres des stratèges Perdiccas, Coinos, Amyntas, Ptolémée, Méléagre, Cratère. A Arbèles, Polysperchon est le chef de la taxe de Ptolémée qui a été tué à Issus. Plus tard, le nombre des taxes parait avoir été augmenté'. A ces six taxes amenées en Asie, il faut ajouter celles qui se trouvaient dans l'armée laissée en Europe sous les ordres d'Antipater pour contenir la Grèce et les Barbares voisins de la Macédoine. Cette armée s'élevait à 1000 fantassins et 1500 cavaliers'. D'après Diodore à Arbèles, les soldats de Coinos étaient des Llymiotes, ceux de Perdiccas des Orestiens et des Lyncestes, ceux de Polysperchon étaient de Tymphaea. Il y a là l'indication d'un recrutement régional. Mais nous ne pouvons pas affirmer qu'au point de vue militaire la Macédoine ait été divisée en six districts, parce que nous ne savons pas comment ont été recrutés les pezétaires de l'armée d'Antipater. Assurément, ils peuvent avoir été pris dans les mêmes districts que les soldats de l'armée d'Asie, mais il est possible aussi qu'ils aient appartenu à des circonscriptions nouvelles, ce qui porterait à plus de six le nombre des districts militaires. Comme divisions de la taxe nous connaissons le lochos, la axriv fi ; celle-ci paraît identique à la 8sr;, seulement ce n'est pas le nombre 10 qui formerait la ôaxâ;, mais le nombre 1G. Les pezétaires sont les hoplites des anciennes armées grecques; c'est un corps de grosse infanterie destiné à agir par un choc que donne en même temps toute la masse des combattants; mais, plus que les hoplites, les pezétaires présentent dans l'armement, dans la façon dont ils sont disposés sur le champ de bataille, des particularités qui doivent rendre leur choc irrésistible. Ils ont une lance d'une longueur extraordinaire 7, la sarisse ; on la tient avec les deux mains; de là la nécessité d'avoir un bouclier moins lourd que celui de l'hoplite ; ce bouclier avait à l'omphalos une étoile dardant ses rayons de tous côtés'. L'armement était complété par le casque, la cuirasse et les jambières. Les pezétaires étaient généralement rangés sur seize rangs de profondeur, de façon à présenter un front de lances impénétrable'. Les hétaires forment encore dans l'infanterie le corps des hypaspistes. Ce nom d'hypaspiste désigne ordinairement le valet qui porte le bouclier de l'hoplite pendant les marchesl0. On est parti de là pour dire que les hypaspistes étaient les porte-boucliers, les gardes du corps du roi, qu'ils auraient formé ainsi une troupe permanente, tandis que les pezétaires n'étaient levés qu'en temps de guerre 11. Nous ne savons pas si l'on est autorisé à tirer de telles conclusions du sens primitif du mot hypaspiste. Nous voyons bien, à l'assaut de la citadelle des Maliens, un hypaspiste porter un bouclier devant Alexandre; mais c'est le bouclier sacré enlevé à Troie, c'est une sorte d'emblème religieux ou chevaleresque; ce n'est pas l'arme du roi, car Alexandre tient à ce moment son propre bouclier''. Une autre fois, les hypaspistes portent la litière d'Alexandre malade 13. Nous n'en refusons pas moins de croire que les hypaspistes aient fait primitivement fonction de gardes du corps auprès des rois de Macédoine, et cela parce que l'introduction de l'infanterie légère dans les armées grecques date seulement du Ive siècle. Les hypaspistes ne sont pas mentionnés du temps de Philippe; nous croyons cependant qu'ils existaient déjà, car ils sont cités fréquemment dès les premières campagnes d'Alexandre en Europe. Mais jamais, sous sous son règne, nous ne les voyons faire fonction de gardes du corps ; ils sont simplement les pet/cistes ou l'infanterie légère de l'armée macédonienne 1'`. Le corps entier porte le nom d'hypaspistes des hétairesLO. A Issus et à Arbèles, nous trouvons désignés l'agéma et les autres hypaspistes l'; à la bataille de l'Hydaspe, sont nettement distingués l'agéma, les hypaspistes royaux et les autres hypaspistes 17. L'agéma est une troupe d'élite, qui a dû être formé sur le modèle de l'agéma de la cavalerie des hétaires; il est désigné sous ûaxantarr;ty 3 ; cet agéma a pu former la garde du corps du roi quand il combattait à pied. Les hypaspistes royaux ont été assimilés aux =ah; pxecacxol; nous aurons à examiner cette question. Pour les premières années de la campagne d'Asie, Arrien désigne la taxe comme subdivision du corps des hypaspistes'; plus tard, il emploie le terme chiliarchie. Pour l'an 327, nous trouvons la mention de quatre chiliarchies6; ce n'est pas probablement leur nombre total. Nous ne pouvons non plus dire quel a été l'effectif ordinaire de tout le corps 6. Nicanor, fils de Parménion et frère de Philotas, commandait les hypaspistes ; quand il mourut, en 330, nous ignorons par qui il fut remplacé. En ordre de bataille, les hypaspistes sont placés à la droite, entre la phalange à leur gauche, et la cavalerie des hétaires à leur droite'. A cause de la rapidité de leurs mouvements, ils sont employés comme troupe offensive, surtout dans les endroits difficiles, au passage des rivières, à l'assaut des places et des positions fortifiées8. Au siège de Tyr, ils montent sur les vaisseaux et font fonction d'épibates ; ils prennent une galère à l'ennemi'. Ils sont aussi exercés dans l'art de l'équitation; ils peuvent à l'occasion monter à cheval et combattre en tenant leur bouclier de fantassin10. Le bouclier paraît l'arme principale et, en quelque sorte, distinctive de l'hypaspiste, comme il l'était de l'hoplite grec; pour la phalange, au contraire, nous avons vu que l'importance de cette arme défensive était moindre". Nous ne trouvons pas chez les auteurs de renseignement sur l'armement de l'hypaspiste. Une monnaie du roi de Péonie, Patratos, de l'époque d'Alexandre, représente (fig. 3832) un cavalier péonien attaquant un soldat renversé 1z ; ce soldat est un hypaspiste; s s arrnes sont la lance et le bouclier; il est vêtu du iton et porte la coiffure nationale des Macédoniens, la CAUSIA. Les 13xct),txoi 7vaïièç avaient été institués par Philippe 13. C'étaient des enfants des grandes familles macédoniennes qui étaient envoyés à la cour pour y être élevés et y faire un service de pages. Ils veillaient le roi pendant son sommeil, ils le servaient, ils l'aidaient à monter à cheval, à la mode perse, c'est-à-dire en le hissant à bras le corps 1s ; ils le suivaient à la chasse et montaient alors les chevaux du roi. Ce corps était une école 163 IIET d'officiers 1i;. Il paraît avoir été assez nombreux. Lors du premier séjour d'Alexandre à Babylone, des renforts arrivèrent envoyés par Antipater ; il y avait entre autres cinquante fils de Macédoniens, amis du roi, qui devaient servir comme gardes du corps 16. Les pacc)txoé 7:aCÔE seraient donc les cwu.aTopô)aaxèÇ, que nous voyons dans Arrien et Diodore faire fonction de pages et de soldats. Quelques savants sont allés plus loin 17. Ils croient que û-ae orrai Ractatxo( dont nous avons déjà parlé. Contre cette dernière assimilation on peut objecter que les enfants royaux montent à cheval pour suivre le roi, qu'ils chargent même quelquefois avec les hétaires 16. Il est vrai qu'ils combattent généralement à côté des hypaspistes, et, d'autre part, nous avons vu les hypaspistes faire, à l'occasion, fonction de cavaliers. Sur le champ de bataille, nous ne voyons pas quelle peut être la fonction des 7rxiaE; en tant que gardes du corps, car, si le roi combat à pied, sa place est dans l'agéma des hypaspistes ; s'il combat à cheval, sa place est à la tête des hétaires. Nous arrivons maintenant aux hétaires proprement dits, à ces hétaires qui, dans l'armée macédonienne, forment la cavalerie nationale. Dans les trois grandes batailles qui ont donné à Alexandre l'empire de l'Asie, c'est la cavalerie des hétaires qui a le rôle important, c'est elle qui a l'offensive; elle est au poste d'honneur, à l'aile droite; c'est avec elle qu'Alexandre pousse ces charges irrésistibles qui décident de la victoire. Le dispositif de ces trois batailles est à peu près le même. Le plus clair, pour ce qui concerne la cavalerie, est celui d'Arbèles. Il y a huit escadrons d'hétaires 19 : l'agéma ou l'île royale, sous les ordres de Clitus, fils de Dropidas, puis successivement les sept îles de Glaukion, d'Ariston, de Sopolis, fils d'Hermodore, d'Iléraclide, fils d'Antiochos, de Démétrios, fils d'Althamène, de Méléagre et d'Hégélochos, fils d'llippostratos. Le commandement en chef appartient à Philo tas, fils de Parménion. Parmi ces huit officiers, il y en a trois, au moins, qui ont pris part aux campagnes d'Alexandre en Europe. A la bataille contre les Triballes, Philotas commande les cavaliers de la haute Macédoine, Héraclide et Sopolis ceux de Bottiée et d'Amphipolis 20, Mais nous ne trouvons plus mentionnées ni l'île d'Apollonie, dont Socrate, fils de Sathon, était ilarque, et qui, au Granique, avait l'hégémonie sur toute la cavalerie 2t; ni les îles d'Anthémonte et de Leugée, qui, à Issus, étaient sous les ordres de Peroidas et de Pantordanos 22. Il résulte sûrement de ces textes que le recrutement de la cavalerie des hétaires était régional, HET 16!~ HET comme celui de l'infanterie des pezétaires. Les districts que nous avons cités, la haute Macédoine, Bottiaea, Amphipolis, Anthémonte, Leugée, sont au sud et à l'est du royaume ; mais il ne résulte pas de ces données qu'on n'ait pas recruté de la cavalerie dans les autres districts. I1 est probable que dans les quinze cents cavaliers qu'Alexandre avait laissés à Antipater, il y avait des hétaires, mais nous ignorons leur nombre. Quant à ce qui concerne l'organisation du corps, aux divisions qu'il comprenait, aux officiers qui l'encadraient, nous en sommes réduits à des renseignements très vagues. La division en îles paraît ancienne; en tout cas, elle est mentionnée dès le début de la campagne d'Asie', La force de ces îles semble avoir été au moins de cent cinquante hommes 2. Aussitôt après la bataille du Granique, nous trouvons la mention d'une hipparchie. Alexandre va s'enfoncer dans l'intérieur de l'Asie Mineure; il n'amène avec lui qu'une partie de l'armée ; le reste, c'est-à-dire une hipparchie d'hétaires, la cavalerie thessalienne, les alliés, les bagages sont confiés à Parménion 3, qui doit les conduire à Sardes. Le mot hipparchie désigne probablement ici le commandement sur un corps nombreux d'hétaires, sur la moitié peut-être, pendant que l'autre moitié,souslesordres de Philo tas,accompagneAlexandre. L'organisation de cette cavalerie fut à plusieurs reprises remaniée par Alexandre. En décembre 331, deux mois après Arbèles, le statège Amyntas lui amena à Suse des renforts considérables, qui, d'après Diodore et Quinte-Curce comprenaient, en fait de Macédoniens, 6000 fantassins et 500 cavaliers ; en fait de Thraces ou mercenaires, 7500 fantassins et 1600 cavaliers, sans parler de cinquante jeunes Macédoniens, devant servir comme gardes du corps. D'après Arrien il semble qu'Amyntas n'aurait amené d'Europe que des troupes macédoniennes. Alexandre versa les cavaliers dans le corps des hétaires, et il distribua les fantassins dans les taxes d'après leur pays; ce n'étaient donc pas des corps tout formés, mais des recrues qui arrivaient de Macédoine. L'incorporation de ces renforts dans les divers corps de troupe fut le commencement d'une transformation qui devait avoir pour objet, à présent qu'on n'avait plus de grandes armées à combattre, de rendre l'armée macédonienne plus souple, plus agile à se porter sur divers points à la fois. C'est par le corps des hétaires que cette transformation commença. La division en X6zot qui, nous l'avons vu, existait déjà dans les taxes des pezétaires, fut introduite dans les escadrons des hétaires ; chaque île fut divisée en deux compagnies ou loches, à la tête de chacun desquels fut mis un hétaire d'une valeur éprouvée B. Peut-être, à cette occasion, l'effectif de l'île fut-il augmenté. L'infanterie avait au-dessous du loche une autre subdivision, la c.7v-i ; nous ne pouvons pas dire s'il y avait pour la cavalerie une subdivision équivalente. Nous trouvons aussi la mention d'une tétrarchie sans pouvoir indiquer quelle était la valeur de cette division 7. Moins d'un an plus tard, dans l'automne de 330, un nouveau changement fut opéré; il était amené par la catastrophe dans laquelle périt d'une façon si lamentable le chef même de la cavalerie des hétaires, Philotas. Alexandre, devenu soupçonneux, ne voulut plus que le commandement de cette troupe de cavaliers d'élite, recrutée exclusivement dans la noblesse macédonienne, fût entre les mains d'un seul homme. La cavalerie des hétaires fut divisée en deux corps, qui furent placés sous le commandement respectif de deux hipparques : Clitus, qui jusque-là commandait l'agéma, et Iléphestion. A partir de ce moment, l'expression hipparchie devient de plus en plus fréquente chez Arrien et tend à remplacer la désignation en île'. Dans l'expédition contre l'Inde, les forces d'Alexandre furent portées à un effectif considérable; elles auraient atteint le chiffre de 120 000 combattants° ; beaucoup d'Asiatiques, des Phéniciens, des Égyptiens étaient incorporés dans cette armée. La cavalerie des hétaires paraît avoir été composée alors de huit hipparchies, non compris l'agéma. En effet, au début de la campagne, Alexandre partage ses forces en deux armées; l'une de ces armées est confiée à Perdiccas et à Iléphestion ; elle comprend, entre autres troupes, la moitié des hétaires; l'autre armée est sous les ordres du roi et comprend l'agéma et le reste des hétaires, formant àpeu près quatre hipparchies 10. Nous trouvons mentionnées, pendant cette campagne, les hipparchies d'lléphestion ", de Perdiccas12,de Démétrius15, de Coinosl;, de Clitusl3, de Cratère16 Plusieurs des officiers, désignés ici comme hipparques des hétaires, étaient jusque-là commandants d'une taxe ou régiment de pezétaires, par exemple Perdiccas, Coinos, Cratère. Chaque hipparchie comprenait plusieurs îles'"; chaque île, nous l'avons vu, comprenait deux loches ; peut-être le loche est-il analogue à une division que nous trouvons alors indiquée deux fois, l'hécatostie ou centurie". Nous devons ajouter que quelquefois le titre d'hipparque est donné à des officiers qui commandent un corps de cavaliers, sans que ce corps soit ce qu'on entend proprement par hipparchie; c'est le cas des deux officiers Caranos et Callinos 19. Alexandre a dû éprouver de grandes pertes dans l'Inde ; au retour, son armée était considérablement diminuée 20. La cavalerie des hétaires, en particulier, se trouva réduite de huit hipparchies à quatre, et encore ces hipparchies étaient loin d'avoir leur effectif complet. Aussi, lors du second séjour d'Alexandre à Suse, avons-nous à signaler une nouvelle organisation de cette cavalerie. Cette fois, cette réorganisation se combinait avec l'exécution d'une mesure d'une haute portée politique. Un des principes essentiels de la politique d'Alexandre en Asie a été d'amener la fusion des deux races mises en présence sur le même sol ; il voulait faire disparaître tout antagonisme entre vainqueurs et vaincus. Ce plan avait été mis de bonne heure en pratique, Alexandre avait accueilli avec faveur les nobles IIET 165 HET perses qui, après ses premiers succès, s'étaient rangés de son côté et il leur avait confié des emplois élevés. En 331, après Arbèles, fut prise une mesure plus significative. Alexandre donna l'ordre de lever dans toutes les satrapies 30000 jeunes gens, qui devaient être formés au service à la façon macédonienne. Cette éducation dura cinq ans. C'est au moment où Alexandre célébrait son mariage avec la fille de Darius, et le mariage des principaux de ses hétaires avec les filles des premiers des Perses', c'est au milieu des fêtes extraordinaires données à l'occasion de ces unions qui étaient comme le symbole de la fusion de l'Occident et de l'Orient, c'est alors que les satrapes amenèrent ces recrues levées, en 331, et dont l'instruction était terminée. Depuis la mort de Darius, on avait enrôlé dans l'armée des troupes asiatiques; mais jusqu'alors elles avaient combattu avec leurs armes, à la manière de leur pays; elles n'étaient considérées que comme des corps auxiliaires à côté de l'armée macédonienne. Cette fois, Alexandre voulait incorporer des Asiatiques dans les rangs des troupes macédoniennes avec les mêmes armes et les mêmes droits aux grades et aux honneurs 2. II semble que c'est la cavalerie des hétaires qui reçut la proportion la plus considérable de ces recrues asiatiques. On choisit tous ceux qui se distinguaient par leur naissance, leur beauté, leur valeur parmi les cavaliers bactriens, sogdianiens, arachotes, saranges, ariens, parthes; parmi les Perses, on prit les évaques3, et, à l'aide de ces soldats d'élite, on commença d'abord à porter à l'effectif régulier les quatre hipparchies qui restaient du corps des hétaires. On eut même assez d'hommes pour former une cinquième hipparchie, dans laquelle les Asiatiques paraissent même avoir été en majorité. Enfin l'agéma des hétaires fut complété par l'incorporation de seigneurs perses du premier rang : Cophène, fils d'Artabaze; Hydarnès et Artibolès, fils de Mazaios; Sisinès et Phradasménès, fils de Phrataphernès, le satrape de la Parthie et de l'llyrcanie ; Ilistanès, fils d'Oxyarte et frère de Roxane, femme d'Alexandre; Autobarès et son frère Mithrobaios. Alexandre mit à leur tête Hystaspe, le Bac trien Ces Asiatiques étaient armés du javelot macédonien, au lieu du javelot perse, l,.ea 'x'J),ov, qu'on saisissait par le milieu 5. Ces mesures excitèrent parmi les Macédoniens un vif mécontentement, qui, peu de temps après, à Opis, dégénéra en véritable révolte. Durant trois jours, Alexandre cessa tout rapport avec les rebelles. Pendant cette rupture entre lui et les siens, se place une curieuse tentative qu'il fit de constituer une armée exclusivement asiatique sur le modèle de l'armée macédonienne 6. Les grades furent distribués ; l'infanterie fut divisée en loches et comprit les deux grands corps de pezétaires et d'argyraspides7, ceux-ci avec l'agéma royal; la cavalerie des hétaires. fut constituée avec ses îles ou hipparchies et aussi son agéma royal. La réconciliation d'Alexandre avec ses anciens soldats mit fin à cette tentative : le roi revint à son ancien projet d'incorporer dans l'armée les recrues amenées par les satrapes. Un dernier renseignement nous est fourni à propos de la mort d'Héphestion. II était chiliarque de la cavalerie des hétaires. Alexandre ne voulut pas lui donner de successeur: cette chiliarchie garda le nom d'Héphestion ainsi que l'étendard qu'il avait fait faire pour elle. Ce titre de chiliarque prit une grande importance après la mort d'Alexandre et fut donné à celui des généraux qui avait la direction générale des affaires de l'empire. Nous ne pouvons dire à quelle époque iléphestion fut nommé chiliarque, et quelle situation particulière lui donnait ce titre dans la cavalerie des hétaires et dans l'armée 6. Plutarque dit que Perdiccas fut nommé à ce poste à la mort d'Héphestion, et que l'hipparchie d'hétaires, qu'il commandait, fut confiée à Eumène9. Quel était l'effectif du corps des hétaires? Ici encore nous ne pouvons dire rien de certain. Cet effectif a dû nécessairement varier dans le cours des campagnes d'Alexandre. .1. G. Droysen porte à 1800 le nombre des hétaires qui étaient dans l'armée macédonienne quand elle passa l'Hellespont'0. Au Granique, il périt 23 hétaires ; à Arbèles, il en tomba 60 ; mais plus de 1000 chevaux furent tués dans cette dernière bataille; et sur ce nombre près de la moitié appartenait aux hétaires". Voici quelques indications que nous relevons dans Arrien: Coinos est laissé à Maracanda 12 avec /MO hétaires, deux taxes, tous les hippacontistes, et des Bactriens qui étaient avec Amyntas; Cratère est envoyé en Parétacènef3 avec 600 hétaires et quatre taxes; Alexandre marche à l'attaque d'Aornos" avec 200 hétaires, la taxe de Coinos, les plus légers des autres phalangistes, et 100 archers à cheval. Peut-on conclure de ces textes qu'à la taxe de pezétaires correspondait un corps d'hétaires un peu inférieur à 200 hommes? Nous ne le croyons pas; il y a là tout au plus à peine une indication. Nous avons vu que l'armée d'Alexandre, au moment d'entrer dans l'Inde, se montait à 120000, mais qu'elle avait subi des pertes très graves dans cette campagne. Cependant quand Alexandre, à peine rétabli de la blessure qu'il avait reçue à l'assaut de la citadelle des Maliens, s'embarqua sur l'llyphase, il fit monter avec lui, sur la flotte, 1700 hétaires f6. C'est là le chiffre le plus fort qui nous ait été transmis sur l'effectif de ce corps; comme nous l'avons dit, ce chiffre se rapporte à une époque où l'armée, qui avait été considérablement augmentée au moment d'entrer en campagne, se trouvait fort réduite par suite des pertes qu'elle avait subies. A ce moment, le corps des hétaires comprenait des nobles macédoniens et un nombre, qui paraît avoir été assez considérable, de nobles asiatiques. Rappelons aussi, à propos de cette question des effectifs, que les hétaires, comme tous les cavaliers grecs, avaient des écuyers, itraoxcip.ot; d'après une ordonnance de Philippe, ils ne pouvaient en avoir qu'un 16 Pour ce qui concerne la solde, on a cherché, eu IIET 166 III+,T combinant divers renseignements', à montrer que l'hétaire devait avoir une solde mensuelle de 12 1/2 statères, soit 300 drachmes; le cavalier allié une de 10 5/12 statères, soit 250 drachmes; le pezétaire-, une de 4 1/6 statères, soit 100 drachmes. Mais c'est là seulement la solde, le p.taOds 2; si l'on y ajoute ce qui est donné pour les subsistances ou le af o;, on a un prêt franc de 600 drachmes par mois pour l'hétaire, de 500 pour le cavalier allié, de 200 pour le pezétaire, car le aèt a ordinairement la même v tlpur que le p.ta86ç. C'était assurément une solde très élevée; en admettant que les calculs qui ont conduit à ce résultat soient exacts, ce qui est loin d'être prouvé, on doit reconnaître qu'une telle solde n'a pu être donnée aux soldats de l'armée macédonienne, que lorsque Alexandre eut mis la main sur les trésors accumulés pendant des siècles par les rois de Perse. En effet, ces calculs ont été faits pour l'année 323. Près de trente ans auparavant, en 351, quand Démosthène prononçait sa première philippique le cavalier athénien ne touchait pour les subsistances que 30 drachmes par mois, ce qui faisait un prêt franc de 60 drachmes ; c'est dix fois moins que l'hétaire macédonien, au moment du retour d'Alexandre à Babylone. A cette solde il faut joindre, tant pour l'officier que pour le soldat, la part du butin ; très souvent ce butin était donné sous forme de gratification. Nous savons qu'en une seule fois 20000 talents, c'est-à-dire une somme équivalente à 108 millions de francs, furent distribués aux soldats pour payer leurs dettes . L'armement et le costume des hétaires nous est très peu connu. Les auteurs ne mentionnent aucune particularité digne d'être signalée, ce qui peut permettre de supposer qu'il n'y avait pas de différence sensible, sous ce rapport, entre la cavalerie macédonienne et celle des autres peuples grecs. Quant aux monuments figurés, disons d'abord qu'on ne peut guère tirer parti des anciennes monnaies macédoniennes qui représentent un cavalier portant la chlamyde et la causia; le type de ces monnaies a été emprunté aux Bisaltes de Thrace '. Le monument qui peut le mieux nous servir est la statuette en bronze d'Herculanum, qui est une copie de Lysippe fig. 3833), représentant, sinon Alexandre lui-même, au moins un des vingt-cinq hétaires tués à la bataille du Granique °. Le cavalier est représenté cuirassé ; nous avons vu que la cuirasse était en usage, dans l'armée macédonienne, depuis le roi Archélaos 7. Nous ne savons rien de la cuirasse du cheval. L'artiste n'a pas donné de casque à l'hétaire ; c'était cependant une partie essentielle de l'armure'. Le bouclier manque aussi ; il est probable qu'à cheval l'hétaire n'en portait pas° ; il en avait un cependant, dont il pouvait se servir quand il combattait à pied 10. Comme armes offensives, l'hétaire a la lance ôNu, uardv, en bois de cornouiller", et l'épée droite, oc, généralement assez courte '2. C'est surtout de la lance que se sert l'hétaire, comme le cavalier athénien du temps de la guerre du Péloponnèse ; seulement la lance du cavalier athénien était longue et cassante, faite avec une sorte de roseau nommé x4c,13 ; la lance del'hétaire était moins longue 1', plus lourde, plus solide. C'était véritablement l'arme qu'il fallait à la cavalerie pour les charges et les combats corps à corps. III. Nous avons examiné les divers corps de l'armée macédonienne qui sont composés d'hétaires ; nous avons à présent à étudier un groupe beaucoup moins nombreux de personnages qui portent aussi le nom d'hétaires, mais que ce nom désigne plus particulièrement comme les compagnons et les amis du roi". Nous avons là une institution analogue à bien des égards à celle des alrlici des empereurs romains. Comme les amici, les hétaires sont chargés de commandements militaires, de fonctions administratives, de missions de confiance. C'est ainsi que Panégoros, fils de Lycagoras, a l'ordre d'occuper la ville de Priapos dans la Propontide"; Pausanias est nommé épimélète de la citadelle de Sardes" ; Pantaléon de Pydna et Polémon, fils de Mégaclès, sont nommés phrourarques, l'un de Memphis, l'autre de Péluse 18; Mazaros est phrourarque de la citadelle de Suse 19 ; Archélaos, fils d'Androclès, de celle d'Aornos 20 Parmi les hétaires chargés du gouvernement d'une province, nous avons à citer Ménandre, satrape de Lydie 2'; Stasanor, satrape des Ariens 2". Alexandre a souvent suivi, pour le gouvernement des satrapies, la pratique que le créateur de l'administration perse, le roi Darius, fils d'Hystaspe, avait introduite dans l'empire. A côté du satrape, il y avait un officier qui commandait, d'une façon à peu près indépendante, les troupes de la satrapie; le gouverneur civil et le commandant militaire, placés ainsi l'un à côté de l'autre, devaient nécessairement se surveiller et se contenir. C'est par application de ce système qu'Apollodore d'Amphipolis fut nommé stratège de Médie, auprès de Mazaios, satrape de Babylone' ; que Niloxénos, fils de Satyres, fut placé à la tête d'une armée avec le titre d'épiscopos, dans la satrapie du Caucase, à côté du Perse Proexès, nommé satrape; peu de temps après, ils furent destitués l'un et l'autre, et remplacés, Niloxénos par Nicanor, Proexès par Tyriaspe ; Nicanor fut en plus chargé de terminer la construction de la ville d'Alexandrie que le conquérant avait fondée dans cette contrée Anaxippos est laissé, avec un corps d'hippacontistes, auprès du satrape des Ariens, Satibarzane, qui bientôt se révolte, et fait massacrer Anaxippos avec tous ses soldats ; cette révolte est punie par la mort de Salibarzane; sa satrapie est donnée d'abord au Perse Arsamès, puis, comme nous l'avons dit plus haut, à l'hétaire Stasanor 3. Nous trouvons aussi des hétaires dans les diverses branches de l'administration ; ainsi Ilarpale, fils de Machatas, qui était un des plus anciens amis d'Alexandre et que sa santé rendait impropre au service, fut mis à la tête de l'administration des finances, qu'il dirigea d'ailleurs très mal'. Laomédon, de Mitylène, frère d'Érigyos, itt S(y),o~cso; 7iv iç -cet (3z?aF'rx ypip.p.xcu, fut nommé gardien des prisonniers5 ; Eugnostos, fils de Xénophane, eut, en Égypte, la charge de ypxt,tN.«ieu; i=7ci tiav ,zv-av 6. Nous ne parlons pas des hauts commandements confiés à des hétaires comme Iléphestion, Perdiccas, Cratère, etc. Les missions de confiance les plus dangereuses, celles qui demandent un dévouement absolu, sont souvent données à des hétaires. Léodamas est chargé de porter à Ecbatane les ordres qui doivent amener la mort de Parménion, au milieu de l'armée qui lui est dévouée'. Une mission du même genre avait été confiée, au commencement du règne d'Alexandre, à Hécatée de Cardie, qui avait reçu l'ordre de s'emparer d'Attale, l'oncle de Cléopâtre, femme de Philippe 8. Ces hétaires, qui sont particulièrement ses amis, Alexandre les réunit et les consulte dans des circonstances difficiles. Tantôt il les convoque avec les autres officiers des troupes alliées et mercenaires, par exemple pour décider si l'on doit attaquer Tyr °, pour discuter le plan de bataille d'Arbèles10; tantôt c'est avec les hétaires seuls qu'il discute la marche contre Darius à Issus u, ou la réponse à faire aux propositions de paix qui lui sont apportées de la part de ce monarque après la bataillef2. Sur les bords de 1'Hyphase, quand les soldats refusent d'aller pl us loin, c'est dans un conseil où assistent seulement les plus anciens et les plus fidèles des hétaires qu'Alexandre fait connaître sa résolution de céder à son armée 13. Enfin nous voyons une fois les hétaires, réunis en une sorte de tribunal, condamner à mort Alexandre le Lynceste, qui avait conspiré contre le roi''. Ce groupe d'hétaires formait donc, en réalité l'étatmajor général de l'armée macédonienne, étal-major qui fournissait au souverain les grands officiers, les gouverneurs, qui était aussi son conseil de guerre et d'admi HET 167 nistration ; c'était un état-major qui était en même temps un conseil d'État, Cette situation élevée était un des avantages que ce titre de compagnon du roi pouvait valoir à ceux qu'Alexandre jugeait dignes de sa confiance. En vertu de ce même titre et de cette confiance, les hétaires remplissaient auprès d'Alexandre des fonctions qui concernaient proprement la personne du roi, Ils formaient sa suite, on peut même dire sa cour, cour essentiellement militaire, puisque le roi était un chef de guerre. Il est probable qu'ils avaient au palais un service régulier qui se combinait avec les devoirs de leur grade et de leur situation. Certains d'entre eux, comme Iléphestion, semblent avoir été en rapport constant avec Alexandre ; Philotas, le commandant en chef de la cavalerie des hétaires, voyait le roi deux fois par jour''. Dans les fêtes, dans les cérémonies, comme aux heures de deuil et de danger, les hétaires se pressent autour d'Alexandre. C'est un hétaire, Léonnatos, qu'il envoie rassurer l'épouse et la mère de Darius prises à Issus ; bientôt il rend visite lui-même aux deux reines avec son fidèle Iléphestion, qu'elles prennent pour le roi. Dans la guerre de l'Inde, il s'avance entouré de quelques hétaires pour recevoir Porrus vaincu' : c'est devant les hé taires et les ambassadeurs étrangers qu'il proclame ce prince roi de l'Inde 'a. Nous savons qu'Alexandre remplissait avec la plus grande exactitude ses devoirs religieux ; à chaque instant, il prie les dieux, il leur offre des sacrifices; les hétaires assistent à ces cérémonies '9. A Troie, il fait, avec eux, nu et la couronne sur la tête, une course devant le tombeau d'Achille2G. Les hétaires sont autour d'Alexandre et de Thaïs, la courtisane, dans la fête de Persépolis qui se termina par l'incendie du palais des rois de Perse 21. Dans une autre fête, qui eut un dénouement encore plus tragique, les hétaires essayent de calmer et de retenir Alexandre emporté contre Clitus; mais il leur échappe et frappe son ami, un de ses plus fidèles hétaires 22. Dans deux circonstances, nous voyons Alexandre s'enfermer, se dérober aux yeux de tous, tenir même les hétaires éloignés de sa personne, et, les deux fois, c'est à propos de séditions militaires. La première fois, c'est sur les bords de l'llyphase : l'armée refuse d'aller plus loin; Alexandre, irrité, se tient pendant trois jours enfermé, ne laissant pénétrer auprès de lui même aucun de ses hétaires 23. La seconde fois, c'est lors de la révolte d'Opis : Alexandre, après avoir harangué les soldats, se retire suivi seulement des gardes du corps et des hétaires qui étaient présents ; il s'enferme dans son palais et y reste deux jours sans soigner son corps et sans vouloir recevoir ses hétaires24. Sauf ces deux circonstances, chaque fois qu'il est malade ou quand un malheur le frappe, ses hétaires sont près de lui pour le soigner et le consoler. Ils entourent le médecin Philippe au moment où il apporte au roi la potion qui doit le sauver"; ils parviennent, par leurs supplications, à l'arracher au cadavre d'Héphestion 26. Pour les derniers jours de la vie d'Alexandre, les historiens nous ont laissé de nombreux détails sur l'emploi de son temps et sur sa façon de vivre : c'est là que nous voyons le mieux la place que les IIET HET 168 HET hétaires tenaient auprès de lui. Après les funérailles d'Iléphestion, il avait passé plusieurs journées à faire des sacrifices, et aussi à boire avec les hétaires Le 13 du mois Daesios, il donna un grand festin aux hétaires en l'honneur de l'un d'eux, l'amiral Néarque, qui allait partir avec la flotte pour faire le tour de l'Arabie 2. Le festin était fini, et un certain nombre de convives s'était retiré, quand le Thessalien Médios, un des hétaires qui lui étaient le plus cher, vint le prier d'assister à une petite réunion d'amis, qui devait se terminer par un festin. Alexandre accepta: on passa la nuit à boire, et le lendemain on recommença. Ces excès et les émotions des jours précédents amenèrent une fièvre des plus intenses, pendant tout le temps de la maladie, les hétaires ne quittent pas le roi; ils le soignent et le veillent; plusieurs d'entre eux vont consulter l'oracle de Sérapis; c'est aux hétaires que les soldats s'adressent quand ils veulent voir leur roi mourant ; enfin on raconte que c'est à eux qu'il aurait dit qu'il laissait l'empire au plus digne'. Les hétaires devaient nécessairement profiter de l'accroissement extraordinaire qu'avait pris en Europe et en Asie la puissance de la Macédoine. On peut même dire qu'ils en profitèrent plus que personne, car, après la mort d'Alexandre, ils eurent à se partager l'empire du monde. Alexandre était naturellement libéral et prodigue. Ses largesses envers ses hétaires ont souvent été vantées par les historiens'. Déjà, au moment de partir pour l'Asie, il avait donné à ses amis presque tout son patrimoine, ne gardant pour lui que l'espérance Il aimait non seulement à partager à ses hétaires les richesses que lui donnait la victoire, mais aussi à leur faire de ces petits présents qui sont, plus que les grandes libéralités, la marque de l'amitié; il leur envoyait tout ce qu'on lui apportait de beaux poissons, de gibier, et souvent oubliait ce qu'il fallait pour la table royale'. Après Arbèles, ces libéralités envers les hétaires prirent en quelque sorte un caractère politique Il se considère désormais comme le roi de l'Asie ; il veut ne faire qu'une nation de ses anciens et de ses nouveaux sujets il adopte les moeurs et le costume des Perses ; il introduit dans sa cour le luxe et l'étiquette des Achéménides. Les hé [aires lui étaient nécessaires pour opérer cette transformation, car leur exemple devait entraîner toute l'armée. Il les comble donc d'honneurs et de richesses; il veut qu'ils soient vêtus de robe de pourpre, que leurs chevaux soient parés à la mode des Perses; groupés autour de son trône ils doivent en rehausser l'éclat'. Ses libéralités sont si grandes que sa mère, Olympias, s'en effraye ; elle trouve qu'il fait ses hétaires trop grands, qu'il y a là un danger pour l'avenir 9. En effet, si certains des hétaires,comme Peucestas, montraient un grand empressement à obéir au roi, le plus grand nombre, et parmi eux les plus illustres, Parménion, Philotas, Clitus, Cratère ne dissimulaient pas leur mécontentement et leur opposition. Mais le moyen le plus efficace pour amener la fusion des deux races était d'unir les vainqueurs et les vaincus par des mariages. Nous avons déjà parlé de la fête extraordinaire qui fut célébrée à Suse, en 324. Alexandre épousa la fille aînée de Darius, Statira; il fit épouser àIléphestion la soeur de Statirar Drypétis ; il voulait que ses enfants fussent cousins de ceux d'Héph estion. Les premiers des hétaires, Perdiccas, Ptolémée Lagide, Eumène, Néarque, Séleucus épousèrent les filles des plus grands seigneurs perses. Cet exemple fut suivi par toute l'armée. Ce même jour, quatre-vingts hétaires se marièrent avec des filles des plus nobles maisons de la Perse et de la Médie ; dix mille Macédoniens se firent inscrire parmi ceux qui voulaient épouser des Asiatiques. Les dépenses d'Alexandre pour cette fête, ses libéralités furent véritablement extraordinaires 10 Il faut dire aussi que les officiers et les soldats de l'armée macédonienne avaient bien vite perdu, au contact de la civilisation orientale, cette simplicité et ces goûts modestes dont, un siècle auparavant, se moquaient les orateurs attiques quand ils parlaient des Macédoniens. Le luxe de ces hétaires, qui étaient devenus de grands dignitaires, étaient véritablement insensé. On connaît l'histoire d'Harpale, ses rapines, ses débauches avec les deux courtisanes Pythionice et Glycère ". Cratère, un des hétaires les plus opposés à la politique asiatique d'Alexandre, était parmi ceux qui s'étaient laissé gagner par le faste asiatique. Nous avons sur les moeurs et le luxe des hétaires d'Alexandre le témoignage de Phylarchos et d'Agatllarchide 12 : c'est le pendant du morceau de Théopompe sur les hétaires de Philippe. 11 vaut la peine de comparer les deux tableaux : d'un côté, l'affectation de la grossièreté, des moeurs crapuleuses, une vraie débauche de Barbares devenus tout à coup riches et puissants ; de l'autre, l'amour du faste, des raffinements incroyables de luxe et de plaisir; les moeurs cependant sont meilleures. Cc progrès est dû à Alexandre, qui avait, dans sa vie privée, un autre sentiment de dignité que son père. Comment entrait-on dans ce corps d'hétaires qui formait l'entourage d'Alexandre et qui avait dans l'armée macédonienne une situation si élevée? Tous ceux qui en faisaient partie portaient-ils simplement le nom d'hétaires? Quelques-uns d'entre eux avaient-ils le droit de joindre à ce titre celui d'amis du roi ? Sur toutes ces questions les documents nous font défaut, même pour entrevoir seulement la vérité. Sur d'autres, ils nous laissent dans l'embarras. Ainsi il ne semble pas qu'il fût nécessaire, pour faire partie de ce groupe d'héLaires, d'appartenir, comme soldat ou comme officier, aux régiments de cavalerie macédonienne. C'est le cas pour Néarque, le chef de la flotte; pour Iiarpale, qui est chargé d'administrer la caisse royale; pour Alexandre, fils d'Aeropos, qui commande la cavalerie thessalienne 1". Perdiccas, Cratère, Coinos deviennent des chefs de cavalerie pendant la campagne de l'Indef', mais jusque-là ils paraissent n'avoir commandé que des taxes de la phalange. Bien plus, il n'était pas nécessaire d'être Macédonien; cela peut étonner, mais les textes sont ici aussi clairs et aussi probants qu'on puisse le désirer. D'ailleurs, en agissant ainsi, Alexandre en faisait que continuer le système pratiqué déjà par son père Philippe. 1rigyos et son frère Laomédon sont de Mytilène; ils sont des hétaires; Érigyos est un des amis dévoués d'Alexandre, il est banni HET169 IIET par Philippe ; Alexandre le récompense plus tard en lui donnant le commandement de la cavalerie des alliés'. Médios est un des hétaires les plus chers à Alexandre; c'est chez lui que le roi passe les soirées qui ont précédé sa dernière maladie, il est Thessalien, de la ville de Larissa Néoptolène, qui monte le premier à l'assaut de la ville de Gaza, est des hétaires ; il est cependant de la race des Éacides Démarate, le Corinthien, un des hétaires, est à côté du roi à la fête de Persépolis'; il est aussi près du roi au Granique; c'est lui qui donne sa lance à Alexandre qui vient de briser la sienne Démarate combattait donc dans la cavalerie? Dans un escadron des hétaires, dans l'agéma peut-être? Mais les escadrons des hétaires sont exclusivement formés de Macédoniens. La présence de ce Corinthien à côté d'Alexandre à la bataille du Granique complique singulièrement la question. Doit-on supposer que, de ce qu'on appartenait au groupe des hétaires, amis du roi, il en résultait qu'on avait le droit, même si on était étranger, de servir ou de combattre dans un des escadrons de la cavalerie des hétaires? Enfin, au milieu de ce groupe d'hétaires, amis du roi, on distingue un groupe très restreint de personnages qui portent le nom ca,uxtio?û),axmç ou gardes du corps d'Alexandre 0. Il ne faut pas les confondre avec les aal et qui, nous l'avons vu, faisaient fonctions de pages auprès du roi. Arrien nous a donné la liste des gardes du corps pour l'année 325: c'étaient Léonnatos, Iléphestien, Lysimaque, Aristonoüs, tous de Pella; Perdiccas, de l'Orestide; Ptolémée Lagide et Peithon, de l'Héordée. Ils étaient donc sept, tous Macédoniens; ce nombre fut alors porté à huit, par la nomination de Peucestas, qu'Alexandre voulut récompenser de sa valeur à l'assaut de la citadelle des Malliens'. Nous savons très peu de choses sur la situation de ces gardes du corps. Étaientils pris parmi les hétaires? C'est le cas pour Léonnatos, qui était hétaire à Issus, et qui, après la conquête de l'Égypte, est nommé somatophylaque à la place d'Arrybas qui venait de mourir'. Mais ne pouvaient-ils être pris que parmi les hétaires? Les gardes du corps étaientils tout à fait au sommet de la hiérarchie? venaient-ils les premiers après le roi? Le contraire paraît probable, quand on voit qu'un homme comme Cratère n'est pas garde du corps, lui qui était l'égal de Perdiccas et d'Héphestion, et certainement supérieur à Léonnatos, à ArisIonous et à Pei thon. Parménion, Clitus, Coinos, Séleucus0 n'ont pas été non plus gardes du corps. Ces somatophylaques avaient-ils un service particulier qui les obligeait à rester auprès d'Alexandre? C'est possible; quand Balacros fut nommé satrape de Cilicie, il cessa d'être garde du corps, et Ménès fut nommé à sa place10. Mais cette obligation n'avait pas un caractère trop étroit; on voit assez souvent Héphestion, Perdiccas et les autres gardes du corps, chargés d'expéditions, de missions qui les éloignent pendant un certain temps d'Alexandre. Nous pouvons à présent nous rendre compte des différents personnages que peut désigner le titre d'hétaire. Dans cette armée macédonienne, que Philippe a créée et avec laquelle Alexandre fait la conquête de V. l'Asie, armée composée d'éléments divers, de peuples, la veille encore étrangers, hostiles même les uns aux autres, assez semblable sous ce rapport a la Grande Armée avec laquelle Napoléon passait le Niémen, le 214 juin 1812, dans cette armée les Macédoniens forment une sorte d'aristocratie qui domine le reste des troupes par le prestige des nombreuses victoires qui ont soumis à la Macédoine la Grèce et les pays barbares; ces Macédoniens regardent les alliés et les mercenaires grecs ou barbares, qui combattent à leurs côtés, avec une fierté et une hauteur que les victoires d'Asie ne feront qu'augmenter. En vertu d'un usage national, tous ces Macédoniens ont le titre d'hétaires ou de compagnons du roi; tous se regardent comme les descendants de ces guerriers, qui accompagnaient les Héraclides, quand ils firent la conquête de la Macédoine. Les Macédoniens, qui sont libres, mais qui ne sont pas nobles, forment sous le nom de pezétaires, la grosse infanterie ou la phalange; sous le nom d'hypaspis tes des hétaires, ils forment l'infanterie légère ; les Macédoniens nobles constituent seuls le corps de grosse cavalerie des hétaires. Il faut remarquer que ce sont ces cavaliers qu'on désigne particulièrement du nom d'hétaires, ce qui mène à supposer qu'ils ont porté ce nom les premiers, c'est-à-dire que c'est la cavalerie qui a été organisée la première dans l'armée macédonienne et qui en a formé primitivement le noyau. Ceci d'ailleurs concorde avec ce que nous savons de l'histoire de ce pays ; au v° siècle, la cavalerie seule comptait dans cette armée. Au milieu et au-dessus de ces hétaires qui composent les régiments de l'infanterie et de la cavalerie macédonienne, on distingue un groupe de hauts personnages qui portent aussi le nom d'hétaires, mais qui sont plus particulièrement les compagnons du roi. Ils forment son état-major général, son conseil de guerre et son conseil d'État; ils forment aussi sa suite et sa cour; c'est parmi eux que sont pris presque tous les hauts fonctionnaires tant civils que militaires. Dans ce groupe restreint d'hétaires, il y en a qui n'appartiennent pas à la cavalerie; bien plus, il y en a qui ne sont pas Macédoniens; et cependant nous voyons ces étrangers combattre à côté du roi, à cheval, au milieu des escadrons des hétaires. Enfin, tout autour d'Alexandre, sont rangés huit gardes du corps, dont nous ne connaissons qu'en partie les attributions. Eux aussi, ils sont chargés de grands commandements civils et militaires; cependant ils ne comptent pas dans leurs rangs quelques-uns des Macédoniens les plus importants, et ils ne forment pas le degré le plus élevé de la hiérarchie. Parmi eux, on remarque IIéphestion, l'ami le plus cher d'Alexandre. Quand il mourut, il avait le grade de chiliarque des hétaires. Cela veut-il dire seulement chef d'une des deux divisions des hétaires? Ce titre de chiliarque prit, après la mort d'Alexandre, une si grande importance qu'on se demande si déjà, avant cette mort, le chiliarque des hétaires n'avait pas une situation particulière. Telle est cette institution des hétaires de Macédoine, telle du moins que des témoignages trop rares et trop incomplets nous permettent de la connaître. Elle n'est pas particulière à la Macédoine, mais elle présente dans 22 HET -170HET ce pays des caractères qui lui sont propres. Le trait le plus intéressant est de nous montrer les soldats de l'armée macédonienne, qui sont vraiment Macédoniens, constitués en une sorte de corps de noblesse qui est rangé autour du roi. Dans ce corps, il y a assurément une hiérarchie : d'abord le groupe des hétaires qui sont particulièrement les amis du roi, puis toute la troupe des cavaliers, enfin les hétaires des hypaspistes et de la phalange. Nous savons que la vieille noblesse de la Macédoine formait à elle seule la cavalerie nationale, qu'elle fournissait à Alexandre les grands officiers, les principaux dignitaires; mais jamais nous ne voyons cette noblesse agir comme un corps constitué qui puisse, à un moment donné, tenir tête au roi. Le seul corps qui puisse :e faire, c'est l'armée, et seulement l'armée macédonienne, c'est-à-dire l'ensemble des hétaires. C'est elle qui est appelée à juger les crimes de haute trahison, c'est elle qui résiste à Alexandre et qui l'arrête dans ses projets. II semble même, si l'on regarde les choses de près, que la seule hiérarchie qui régisse cette armée et la divise en assises superposées est la hiérarchie militaire des grades et des fonctions. Mais si la situation politique et sociale des hétaires est encore difficile à déterminer, le rôle militaire de ce corps est, au contraire, très clair pour nous ; il y a un fait que cette institution des hétaires nous montre avec une évidence suffisante, c'est l'importance de la cavalerie dans l'organisation sociale et militaire de la Macédoine. La cavalerie formait, nous l'avons dit, l'élément primitif, le noyau de l'armée macédonienne. La création de la phalange, due probablement à Philippe, semblait l'avoir reléguée au second rang ; avec Alexandre, elle reprend l'importance que les traditions du pays lui assignaient. Si les troupes macédoniennes forment l'élite de l'armée d'Alexandre, la cavalerie des hétaires forme l'élite des troupes macédoniennes. La cavalerie thessalienne, réputée jusque-là la meilleure de la Grèce, n'a qu'un rôle secondaire; elle est à l'aile gauche, chargée seulement d'appuyer la manoeuvre exécutée par l'aile droite, par les hétaires. En Grèce, jusqu'à Alexandre, la cavalerie n'a pas d'action contre l'infanterie ; elle ne sert que lorsque l'action a été décidée par le choc de deux infanteries opposées; alors la cavalerie peut être utile, soit en poursuivant l'ennemi, s'il est vaincu, soit en retardant sa poursuite, s'il est vainqueur. Chez les Perses, au contraire, la cavalerie était exercée à. attaquer l'infanterie ; elle ne l'abordait point par des charges à fond; elle voltigeait sur le front des lignes des hoplites, lançait ses javelots et se dérobait. Cette tactique, sans être décisive, était supérieure à celle de la cavalerie grecque ; elle a été en usage constant chez les peuples asiatiques. Les Parthes la reçurent des Perses et lui firent produire des effets formidables. Dans ces mêmes plaines où les Grecs d'Alexandre furent toujours vainqueurs des Perses, deux armées romaines commandées l'une par Crassus, l'autre par Antoine, furent à peu près détruites par les Parthes. Xénophon, qui avait vu en Asie les effets de cette tactique, voulait l'introduire en Grèce, en la combinant avec la tactique grecque. Nous avons vu ailleurs [EQu1TES, p. 765] que l'armement du cavalier athénien différait de l'armement du cavalier macédonien. Xénophon demandait que le cornouiller fût adopté comme bois de l'arme de la cavalerie athénienne ; il voulait substituer à la lance de roseau, Iongue, cassante et toujours un peu incommode, deux javelots en cornouiller, xpxvéenz iéo txaTâ 1; on aurait pu lancer l'un, à la manière des Perses, et se servir de l'autre comme lance, à la manière des Grecs. Ces deux réformes furent appliquées dans l'armée macédonienne, mais d'après le principe qui semble plus que partout ailleurs avoir présidé à l'organisation de l'armée. Ce principe est la division du travail. L'armée macédonienne est un vaste corps qui dispose des organes les plus variés ; chacun de ces organes a une fonction propre; par une longue et savante préparation, il a été dressé à la fonction qu'il doit remplir ; il dispose de moyens parfaitement appropriés à l'action qu'on attend de luit. Il aurait été contraire à ce principe de faire exécuter par le même homme deux manoeuvres aussi différentes que celles de lancer le javelot et de se servir de la lance. Il y eut donc, chez les Macédoniens, un soldat pour chacune de ces deux manoeuvres. L'hippacontiste est un cavalier chargé exclusivement de lancer des javelots; avec les autres troupes légères, les archers, les frondeurs, il commence l'action, il couvre l'ennemi d'une foule de traits qui le fatiguent et le troublent; et c'est quand il est déjà ébranlé que se produit la charge de la cavalerie. C'est l'acte décisif de la bataille et il est réservé aux seuls hétaires. Dans les grandes batailles qu'il a livrées en Asie, Alexandre est à l'aile droite, poste d'honneur des armées grecques, avec les escadrons des hétaires ; en tête de l'agéma, il se précipite dans la masse des lignes ennemies; cette troupe de cavalerie y pénètre comme un coin, comme un éperon, disent les historiens grecs la disloque et la détruit en la rabattant sur son centre et sur son aile gauche; les deux fois qu'il s'est placé en face d'Alexandre, le roi Darius n'a échappé que parce qu'il a pris la fuite dès qu'il a vu son adversaire s'ébranler. La cavalerie macédonienne est la première qui ait osé aborder l'infanterie des hoplites par des charges à fond. Ce résultat, Philippe ou plutôt son fils Alexandre 4 l'a obtenu sans doute parce qu'il disposait des meilleurs cavaliers que la Grèce ait connus, les cavaliers thessaliens et macédoniens. Mais cela ne suffisait pas. La cavalerie, dans l'antiquité, se trouve, vis-à-vis de l'infanterie, dans un état d'infériorité très marqué qui tient à l'état d'imperfection où était encore l'art de l'équitation. On ne connaît ni l'étrier, ni le ferrage des chevaux. Il en résulte d'une part, que l'assiette du cavalier est moins sûre, qu'il ne dispose pas de toute sa force physique, car il ne peut se roidir sur l'étrier au moment de frapper ; d'autre part, comme la corne du cheval, n'étant pas protégée, s'usait très vite ou réclamait des soins minutieux, qui n'étaient pas toujours donnés, il n'était pas rare de voir, après une courte campagne, la cavalerie d'une armée épuisée et démontée. Il fallait donc, si l'on voulait donner à cette arme la supériorité sur les champs de bataille, combiner son action avec l'action des autres armes, phalangites, hypaspistes, archers à cheval, hippacontistes, frondeurs, etc. Il fallait surtout que chacune de ces diverses HIB 171 HIE armes n'eût qu'une fonction bien déterminée. Si les hétaires, par exemple, armés de deux javelots, comme le voulait Xénophon, avaient eu deux manoeuvres à exécuter, lancer le javelot et charger, il est permis de croire que la charge, qui était ici la manoeuvre décisive, aurait été menée avec moins d'ensemble et de vigueur, et que le résultat final n'aurait pas été sensiblement supérieur à celui que la cavalerie grecque obtenait contre l'infanterie, à l'époque où Xénophon déplorait l'infériorité de la cavalerie. Assurément l'emploi juste et habile de chacun de ces moyens d'action si divers exigeait du commandant en chef un sang-froid, un coup d'oeil, une science militaire accomplis. Là était la supériorité d'Alexandre. Taret qu'il vécut, la cavalerie resta maîtresse des champs de bataille; mais il fallut toute la force de son génie pour assurer à cette arme la supériorité. Après sa mort, l'infanterie prend sa revanche ; avec Eumène, surtout avec Pyrrhus', c'est elle qui décide de la victoire ; et, sauf quelques rares exceptions, il en sera ainsi pendant toute l'époque romaine. Les conditions dans lesquelles la cavalerie avait à agir étaient décidément trop défavorables, et cependant il ne faut pas oublier que les deux hommes de guerre qui, dans l'antiquité, ont frappé les coups les plus terribles, Alexandre et Annibal, les ont frappés avec la cavalerie. ALBERT MARTIN. IIEXADRACIIllION Pièce de 6 dra chmes'. Comme toutes les tailles supérieures à quatre unités monétaires, celle de l'hexadrachme était excessivement rare en dehors du domaine de la théorie. Nous n'en connaissons d'exemples bien caractérisés que dans les grandes pièces archaïques d'Alexandre Ier, des Bisaltes et des Oresciens de Macédoine, qui pèsent six fois l'unité des monnaies de poids inférieur de la même contrée et du même temps' [DBACHMA]. F. LENORMANT. IIEXAGRAMI➢ION ('Eci7F!,p,ov). Synonyme du mi liarense sous Héraclius I [MILIARENSE]. F. LENORM ,NT. IIEXAPIIORON [LECTICA].