Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AGYRTAE

AGYRTAE (Aytipruc).Prêtres mendiants, charlatans, di 1. scurs de bonne aventure. Leur nom vient d'«yc(pEty (rassembler), d'après les lexicographes '. Il leur avait été donné soit parce qu'ils rassemblaient la foule, qui faisait cercle autour d'eux pour les voir et les écouter, soit à cause des sommes qu'ils réunissaient en quêtant après l'avoir étonnée ou divertie. «Des sacrificateurs ambulants, des devins, dit Platon', assiégeant les portes des riches, leur persuadent qu'ils ont obtenu des dieux, par certains sacrifices et enchantements, le pouvoir de leur remettre les crimes qu'ils ont pu commettre, eux ou leurs ancêtres, au moyen de jeux et de fêtes. Quelqu'un a-t-il un ennemi auquel il veuille nuire, homme de bien ou méchant, n'importe, il pourra le faire à peu de frais : ils ont certains secrets pour séduire ou forcer les dieux et disposer de leur pouvoir. Et ils appuient toutes leurs prétentions du témoignage des poètes... Et sur ces autorités, ils persuadent non-seulement à de simples particuliers, mais à des États, que certains sacrifices accompagnés de fêtes peuvent expier les crimes des vivants et même des morts ; ils appellent ces cérémonies purifications (TE)ETat), quand elles ont pour but de nous délivrer des maux de l'autre vie; on ne peut les négliger sans s'attendre à de grands supplices. n L'auteur hippocra tique du traité De la maladie sacrée' , achève de nous peindre ces mendiants qui faisaient métier de guérir, de deviner l'avenir et de jeter des sorts : il les appelle «yupr«t, âaaôvES xnlapraf ; il nous les montre ordonnant des sacrifices, prononçant des paroles magiques, prescrivant ou interdisant certains mets et certains vêtements, et prétendant par leurs pratiques secrètes faire descendre la lune, obscurcir le soleil, attirer la tempête ou rasséréner le ciel, rendre la mer fertile ou la terre inféconde. Une anecdote rapportée par Plutarque au sujet de Cléomène I", qui régnait à Sparte vers 520 avant Jésus-Christ, nous prouve que ces charlatans étaient en grand crédit dès cette époque. Les citations qui précèdent montrent quelle influence ils avaient su prendre sur l'esprit du vulgaire, mais le langage dans lequel en parlent Platon et Hippocrate témoigne du mépris qu'ils inspiraient aux hommes éclairés. On ne sait pas précisément dans quel temps ils commencèrent à se montrer dans la Grèce ; ils paraissent s'y être emparés par leurs impostures de la confiance accordée avant eux aux orphéotélestes [ORPREOTELESTAI], avec lesquels ils sont quelquefois confondus Ils se répandirent dans tout le inonde hellénique et pénétrèrent dans le monde romain avec les cultes de Cybèle, d'Isis et des dieux de l'Orient, partout accueillis par la crédulité de la populace et déconsidérés par leurs pratiques et leurs mauvaises moeurs. Les plus connus Sont les METRAGYRTAE, prêtres mendiants de la Mère des dieux. Ce que Lucien e et Apulée ' racontent de ces derniers est également vrai des autres confréries du même genre. Ils promenaient avec eux et faisaient voir l'image de la divinité dont ils s'étaient faits les servants. Une quête suivait cette exhibition. En Italie, où ils étaient rigoureusement surveillés, il ne leur fut permis de faire leurs collectes qu'à certains jours déterminés. Aucun Romain n'eût osé y contribuer, ni paraître dans leurs processions 6. Quelquelois c'étaient des bêtes féroces apprivoisées qui portaient l'idole; ils excitaient ces animaux dressés à cet effet et semblaient AGYRTAE t Hesych. et Suid..o. u. 9 Rep. Il (t. IX, p. 77 de la trad. de 22 AIA 170 1AII ensuite les apaiser ou les dompter par leurs gestes ou par le bruit de leurs instruments'. Eux-mêmes ils dansaient au son des flûtes, des tambours et des cymbales, et ces danses faisaient partie de leurs moyens de guérir u, Ils distribuaient aussi des présages sous forme de sentences écrites sur des tablettes qu'ils faisaient tirer d'une urne par celui qui voulait connaître son sort ou par un jeune garçon i' ; ou bien un certain nombre de vers étaient gravés sur des tablettes semblables ( sprixôs âyupTixh aesiç), et les dés, ou un autremoyen analogue, indiquaient celui qui se rapportait à la personne qui les consultait". Tous les moyens leur étaient bons pour attirer les regards et frapper les esprits; aussi ne les distinguait-on pas (;( ordinairement des bateleurs et des faiseurs de tours (circulatores , i'/) eywyai, OautrxTOITOto(, TE ) eTO7tOto() qui exploitaient la curiosité du public. Dans la gravure qui accompagne cet article, empruntée à une peinture découverte à Rome dans un COLUMBARIUM", on reconnaît des agyrtas. Tandis que les uns dansent ou font résonner Ies cymbales, un autre tend son chapeau à la foule. La petite figure debout au milieu du cercle est peut-être l'image de la divinité pour qui est faite la collecte, et sans doute aussi l'animal que l'on aperçoit à l'extrémité est une de ces bêtes apprivoisées dont les prêtres mendiants se faisaient suivre. E. SAGLIO.