Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article JACULUM

JACULUM. 'AxdvTtov. Javelot, arme de jet. On se servait du javelot à la guerre, à la chasse et dans la palestre. Nous étudierons successivement cette triple destination du trait, tout en ne nous dissimulant pas ce qu'une pareille division peut avoir de factice. La chasse, par exemple, était considérée comme la meilleure préparation à la guerre, et les anciens ne séparaient pas les exercices de pure gymnastique de ceux qui étaient spécialement militaires. Cette réserve faite, à chacun de ces trois emplois de l'arme correspondent en propre un nom différent, une forme particulière, et une manière diverse de projeter le trait. chez Homère et en poésie, quoiqu'on le trouve rarement chez les Tragiques'. Le terme propre est ixdvTtov, inconnu à l'épopée, et qui n'apparaît que dans un hymne homérique 2. De là sont venus tous les mots qui, de près ou de loin, se rapportent au jet du javelot : ixovT(Ety ixovT(atç", ixdvTdgi.x 12, l'art ou le fait de lancer le javelot, ou encore la distance à laquelle on le projette ; en latin, jaculari13, jaculatori4, jaculatorius 12, jaculatus 16, jaculatio 17. A côté d'ixdv'rtov, on rencontre, dans le sens de javelot, le mot sa)er v 18, qui vient de 7«),),Etv, comme Les autres termes ne semblent pas avoir de signi fi cation particulière. L'aiyavfyl homérique (voir plus loin, p. 596) est surtout le javelot de chasse. Quant aux aizl.ri, Ey~oç, p.Eafq ou adpu des poèmes épiques, aux ,utrrbç et xat.J« des lexicographes 14, ce sont des mots de sens très général, qui s'appliquent aux armes de hast comme àcelles de jet : seuls le contexte ou la présence du verbe ixov-C siv 20 montrent qu'il s'agit d'un javelot. Et si Xénophon parle de lancer le adcu 21, c'est qu'en cas de besoin la lance pouvait servir de trait: elle n'en est pas moins essentiellement différente du javelot. Le ,uaTdç 22 n'était en usage que dans le corps à corps, et te raûvtov 23 était des Barbares. Dans la terminologie romaine, le mot jaculum ne paraît pas avoir eu le sens précis qu'a en grec le terme xdvTtov. Tite-Live24 l'emploie quelquefois pour désigner la hasta velitaris mais ce mot, d'ordinaire, n'a pas de signification particulière, et s'applique indifféremment à toutes les armes de jet. Aussi, pour tous les traits romains, nous renverrons aux articles spéciaux [ACLIs, CESTRO 2. On peut définir le javelot, une lance de petite dimension qui servait à frapper de loin et qu'on lançait avec la main. Les auteurs et les lexicographes sont formels sur ce point. Pour Ilesychios, c'est un aopâ-tov 26, une znq )dyn; pour Ammonius 27 une arme plus petite que la lance; pour Su idas un aopû),Xtov, distinct de la lance com Par suite, la forme du javelot est celle de la lance: les deux instruments ne diffèrent l'un de ,l'autre que par la longueur. Le fer se compose d'une douille, ai),d; 29, étranglée à la naissance de la pointe, 6(3E),trxç. La partie offensive est en forme de feuille, avec deux ailes, 7Tlpuymç, dont les parties débordantes sont dites 7tpo(3daat et la pointe même y),wTTa 30. Tel est l'exemplaire classique 3f. Pour toutes les variétés du type, nous renverrons à l'article RASTA, avec cette seule réserve que le javelot est généralement sans talon. Par contre, l',UIENTUII ne manque jamais à l i'xdsrtov 32. On le trouve bien d'ordinaire avec la lance, même quand celle-ci ne servait qu'à frapper de près 33; mais on connaît des hastae sans omnium, au lieu qu'il n'y a guère de javelot qui en manque. Ce qui a pu faire illusion dans certaines peintures, c'est la négligence de l'artisan, c'est aussi que la courroie était souvent peinte en blanc sur le noir du fond, et qu'elle a pu, par suite, disparaître. Aussi bien, l'on disait, pour lancer le trait, ixdvTtov a'r l' at 34, ce qui implique l'usage de l'amentum. Si le javelot est plus petit que l'nAsTA, il se rapproche par là blême d'une flèche de grande dimension [SAGITTA]. Aussi, comme les flèches des Cardouques avaient plus de deux coudées, les Grecs de Xénophon les ramassent, et s'en servent comme de javelots, après y avoir ajouté La forme de l'xdvTtov est donc connue. Sa matière devait beaucoup varier. La pointe était d'ordinaire en bronze, et la haste même en bois dur 36. On sait que Xénophon recommandait aux cavaliers les javelots de cor 3. Il y avait, à faire usage des javelots, des corps de fantassins et de cavaliers. Les premiers faisaient partie des troupes légères et chaque peltaste avait un ixdvTtov. Mais les proprement dits étaient des mercenaires. Ils venaient de Mysie 18, de Lydie"s, d'Arcadie, d'Etolie oà l'on fabriquait les meilleurs javelots 40, d'Acarnanie, de Thessalie, de Thrace. Aussi le Thessalien Jason de Phères est-il le premier à les employer comme partie fixe de l'armée. Plus tard, Alexandre, les Séleucides, Mithridate en feront tous usage (voir t. II, p. 900 et suiv.). 4. Pour les cavaliers attiques, une question préalable se pose. L'organisation de la cavalerie athénienne est, on JAC 595 JAC le sait, contemporaine de Périclès. Or, sur les vases à figures rouges de style sévère' et sur les reliefs2 datant comme les peintures de la première moitié du ve siècle, on rencontre souvent le cavalier à cheval, coiffé du pétase. vêtu de la chlamyde, et portant deux javelots. Sur la coupe d'Orvieto (fig. 24184)3, on a voulu chercher une représentation de la dokimasia des cavaliers, examen qui, suivant Xénophon, aurait été confié au sénat d'Athènes 4. Mais, d'une part, les monuments sont très antérieurs aux textes qui parlent de cette dokimasie ; d'autre part, des cavaliers portent le même costume non seulement sur des scènes de chasse 6, mais dans des processions purement religieuses, comme la pompe du Parthénon. Il ne s'agit donc pas d'exercices militaires, mais de manoeuvres d'apparat, exécutées dans des gymnases et par les fils des premières familles d'Athènes. Il va de soi, d'ailleurs, que, lorsque la cavalerie athénienne fut officiellement organisée, les plus riches et les plus nobles tinrent à en faire partie. Le jeune Alcibiade fut défendu par Lysias pour s'être fait i7r37e11ç contre l'ordre 'les stratèges °, ce qui entraînait comme peine l'atimie. Lui et ses pairs continuèrent, une fois enrôlés, à porter le costume des parades et à faire usage des javelots de chasse, ce qui, dans les monuments de la fin du ve siècle ou du début du iv° rend parfois difficile de reconnaître le sujet figuré. Outre les i7r77oi; proprement dits, les 7eE. 3eo!.tot sont à Athènes armés du javelot De même, plus tard, à partir du ne siècle, les TzElv-rivo 8, qui se servaient il cheval non de l'arc, mais de l'xrôvtitov. 5. Pour la manière de lancer le javelot à pied, je renverrai à l'article AMFATUn9. Il était plus difficile d'éviter le trait, et Krause a relevé dans Homère les différentes manières qu'avaient de le faire ou de le tenter les héros de l'épopée. Ou bien, comme Polydamas devant Ajax, ils bondissaientde côté ", ou, comme llector 72 et Idoménée i3, ils se cachaient sous le bouclier ; ou encore, comme Déiphobos 14, Lnée 10, Ilectorl°, Achille même 17, ils opposaient au trait le 6xxoS qu'ils portaient à bras tendus: le javelot traversait cc premier rempart, mais il s'arrêtait avant l'épiderme 18. 6. Beaucoup plus compliqué était l'art de lancer le javelot à cheval". Les anciens ne connaissaient pas l'étrier, et le mouvement de l'animal était un obstacle, non seulement à la précision, mais à la vigueur même du tir. Aussi devait-on s'y exercer et l'hipparque 2° avait pour tache d'y préparer ses troupes [r:QVITES, t. II, p. 7611-3 ; IIPPARCUOS, t. III, p. 1901. Certains accomplissaient des prouesses en cc genre, comme le fils de Thémistocle, faible d'esprit, mais bon cavalier, qui lan çait le javelot debout sur le dos d'un cheval 2'. Le vulgaire apprenait simplement à prendre la position classique de l'akontiste monté. Les rênes réunies dans la main gauche, le corps dans une assiette oblique et ne pesant pas sur les membres, le cavalier effaçait le flanc droit et lancait le trait en visant au-dessus du but: de cette manière, le javelot frappait et plus juste et plus loin. Le difficile était de suivre le mouvement de l'animal : en profitant de l'instant où l'avant-train s'enlevait, on assurait le départ de l'arme. Il importait aussi d'avoir les jambes souples, et de se dresser le plus possible sur le dos du cheval: on suppléait ainsi, dans une certaine mesure, à l'absence d'étriers22. Dans les manoeuvres, on se servait d'armes préparées spécialement: pour éviter les accidents, les javelots étaient emboulés, ic?atowutEvx23. De la sorte, même si le trait atteignait le corps, la blessure était sans danger, Cuisse-7i 24. IIn exercice de guerre consistait, après avoir attrapé l'adversaire, à le tirer à soi, iÀxurav,ca, Ey"sauTÔV, puis à le relâcher soudain 26. Ces mouvements préparatoires n'appartenaient pas exclusivement aux Grecs : nous savons par plusieurs textes qu'ils étaient connus des Romains 7. Les monuments ont conservé beaucoup d'exemples de javelots lancés à la guerre. Nous ne pouvons penser à les énumérer ici : il suffira de mentionner les principaux emplois de l'arme. D'abord, le guerrier est représenté (fig. 2725) soit à pied'', soit à cheval 28, portant un ou généralement deux javelots. Puis il apparaît dans l'action même du combat dirigeant le javelot suivant la position de l'adversaire. Sur une urne à relief de Volterra, il lance de bas en haut un javelot vers la crête d'un rempart29. Très fréquemment, il projette l'arme horizontalement (fig. 1635, 1644) ou en l'inclinant plus ou moins, en même temps qu'il s'avance rapidement et . se couvre avec le bouclier tenu dans la main gauche. C'est un motif que l'on rencontre sur les vases les plus anciens et sur les plus récents, aussi bien que dans les oeuvres de la sculpture 30. Quelquefois, le javelot est dirigé tout à fait de haut en bas pour frapper un ennemi placé fun plan inférieur 31. 11 est plus difficile d'expliquer l'attitude de l'hoplite figuré au centre d'une coupe atticoionienne 32 (fig. 4112) : le genou gauche levé montre qu'il va projeter l'arme (voir plus loin l'étude des motifs agonistiques), mais le trait, au lieu d'être tendu à hauteur de l'épaule, n'est tenu qu'à la taille, ce qui rendait le coup moins assuré : il est probable que le moment choisi précède celui de l'attaque véritable. De même, sur une amphore de ltuvo n (fig. 4113), un Grec tient l'arme oblique et tout près du flanc droit : la direction des JAC -596JAC jambes et le sens de la tète montrent qu'il est sur le point de lancer le javelot. Les exemples ne sont pas moins nombreux du javelot lancé à cheval, horizontalement' ou de haut en bas. Je citerai les vases peints où sont re présentées Penthésilée, Hippolyte (fig. 217) ou d'autres Amazones 2. rique, était primitivement une arme de chasse : son nom lui venait des chèvres sauvages qu'elle servait à frapper 3. On a donné une autre définition du terme : certains l'expliquaient par la nature de l'amenlum, qui aurait été fait en peau de chèvre 4. Mais il est très peu sûr que les javelots homériques aient été munis d'une âyxt)X En tout cas, l'aiyxvé-ri se rencontre dans les auteurs avec le sens d'une arme de chasses. En dehors de ce trait, il ne semble pas qu'un terme spécial ait désigné les armes de chasse. Les termes d'6, 7tv1; 7, d'r'ixdvrtov s, etc., n'ont rien de spécial, ni de caractéristique. Pour la forme des javelots de chasse, une remarque préalable s'impose. Les auteurs distinguent avec soin les javelots proprement di ts qu'on lançait au moyen de l'amen luira, et les 7rpo(ifata 9, sorte d'épieux, qu'on tenait à deux mains, et dont on se servait pour enferrer les bêtes fauves. Ceux-ci, sur lesquels nous reviendrons [vENABULUM,, étaient généralement munis d'un croisillon, xsn'liuv, à l'attache (le la pointe proprement dite : de la sorte, l'arme arrêtait l'anima] et la violence du coup était par là même augmentée 10. La forme des javelots était très variée. Il fallait seulement que le fer en fût large et la pointe effilée, i?xat;. Les bois devaient être solides 11, le plus souvent de frêne ou d'orme1'. Parfois, pour en augmenter la résistance, on enroulait autour une corde qui prévenait les cassures 13. Peut-être, mais la chose semble douteuse, y avait-il de petits javelots tout en fer" : ceux-ci ne devaient pas se terminer en forme de feuille et finissaient sans doute par une pointe très effilée. 3. Les monuments représentent souvent le chasseur au repos. Il est parfois malaisé de le distinguer du simple voyageur : comme lui, il porte la chlamyde, le pétase, les endromides, et tient à la main deux javelots ". Les héros chasseurs sont rarement figurés sans xdvitov ou sans 7ro36atov. Sur un sarcophage de Tripoli, au musée de Constantinople, Hippolyte au repos tient de la main gauche un javelot 16. Le Méléagre de Berlin s'appuie sur un épieu de chasse''. Endymion, endormi, sur un relief du Capitole, a le 7po3dawv 18 Ganymède (?), figuré sur le fond d'une coupe apulienne, tient deux javelots', de même que sur une amphore de l'Italie méridionale (fig. 2373) Artémis elle-même. 4. D'autres monuments représentent la chasse même, soit au moyen de l'x6vtitov, soit avec le 77oo3datov. Sur les poignards de Mycènes 20, de grandes et longues lances sont tenues à deux mains : ce sont évidemment des armes de hast, qui n'ont rien à faire avec notre javelot. La chasse au sanglier, surtout contre le monstre de Calydon, est l'un des sujets favoris des peintres et des modeleurs. Le r.i4 tov est souvent tenu à deux mains et dirigé contre la bête. Mais, malgré la distinction que nous avons faite plus haut entre l'ât6uuov et le ,aço3datov, des javelots sont aussi lancés contre le monstren : les chasseurs les projettent, soit à pied22, soit à cheval 23. La chasse au cerf est souvent figurée. Tantôt l'animal apparaît seul, le flancpercé d'un javelot, comme sur le fond d'une coupe de Tléson 24; tantôt, comme sur deux peintures ioniennes, de jeunes cavaliers dirigent contre lui l'âxv-u v : l'un d'eux, celui du sarcophage de Vienne, a la position classique de l'akontiste cavalier (voir plus haut, t. I, p. 6) ; son cheval va s'enlever, et le trait, dont la pointe est légèrement relevée, suivra le mouvement de l'animal. Mais, en Grèce JAC 597 JAC même, le cerf, que l'on pourchassait aussi à cheval', était souvent attaqué à pied : c'est le sujet, entre autres, d'une peinture publiée par Gerhardt. On peut citer encore la chasse au lièvre 3, la chasse à l'ours 4, si l'on veut même la chasse au serpent, connue par la coupe de Sotadès, au British Museum 5. L'attitude de Polyeidos est intéressante : agenouillé, le bras droit levé, il baisse la main gauche pour diriger l'arme et mieux assurer le coup. Nous verrons tout à l'heure un motif très semblable à celui de Polyeidos. le terme générique qui désigne toute espèce de javelot, les Grecs appelaient parfois de ce nom' le trait dont ils se servaient dans les jeux. Mais le mot a des synonymes, et il ne semble pas qu'il ait eu d'ordinaire une valeur officielle, pas plus d'ailleurs que l'yxûa;1 7 avec laquelle on projetait l'xdvTtov. On rencontre dans un vers mnémonique s le terme de a(yuvvoç, qui désigne plutôt une arme de guerre ou de chasse 0. Le javelot du pentathle1D s'ap pelait proprement 7ro-op.sç 11 ou a.7to'rop.1ç-'t. Le sens du mot est clair, et le scholiaste de Pindare 13 a vainement tenté de l'obscurcir. C'est une coupure de lance, une haste de dimension réduite. La définition est donc analogue à celle que nous avons nous-même donnée du javelot. 2. Un texte curieux de Platon 11 laisse à entendre qu'il y avait dans les gymnases et les écoles d'akontistes des javelots de toute espèce 13 : les habitués avaient les leurs, oixc(otç, mais on recommandait, semble-t-il, d'en changer au besoin, sans doute pour s'accoutumer à les manier tous. Le javelot des jeux a un manche assez long, dans lequel était emboîtée une pointe mince et très effilée. Tel est le trait que nous trouvons reproduit sur les disques de Berlin (fig. 4114)" et de Londres (voir plus loin, fig. 4192)17, comme sur une coupe à figures rouges du Louvre"On comprend que ce javelot, si d'aventure il atteignait un spectateur, pût causer une blessure mortelle. Aussi était-ce un lieu commun de la sophistique grecque, de savoir en ce cas qui était le coupable, de l'imprudent qui avait traversé le champ de tir, ou du maladroit dont le trait s'était égaré. Au dire de Plutarque, Périclès passait un jour entier à discuter ce grave problèmei°, et toute la deuxième tétralogie d'Antiphon est consacrée à débattre ce cas de conscience20. D'autres fois, l'rdvTiov n'a plus cette fine langue de métal, mais il se termine encore par une pointe préparée : une tache rouge appliquée sur le champ", ou des traits gravés transversaux" montrent qu'une capsule aiguisait à la fois et protégeait le bout du javelot. Dans la grande majorité des cas, deux longues lignes parallèles très rapprochées, ou un simple trait épais, suffisent au peintre pour figurer l'xdvTtov : si la pointe n'est pas marquée, rien ne prouve qu'il faille s'en prendre à la négligence du décorateur. Il faut en conclure que, non seulement dans les gymnases, mais très probablement aussi dans les jeux, les aorOp.Seç étaient des tiges de bois, simples et non préparées. 3. Le tir au javelot est très ancien en Grèce, presque autant que le trait lui-même. Dans les jeux en l'honneur de Patrocle, Agamemnon et Mérionès se disputent la victoire u, et les troupes d'Achille, comme les prétendants de Pénélope, s'amusent à lancer l'aiyxv€-fi sur la grève 24. La légende voulait que Castor, le Dioscure, eût initié Iléraclès à cet art" : aussi, parmi les concours que le héros fonde à Olympie, l'épreuve de l'xdvrtov n'est pas oubliée, et le premier agoniste vainqueur est Phrastor La fable parlait aussi du tireur Méléagre u et de l'apparition du javelot aux jeux de Némée 2a. rl. Dans les temps historiques, il n'y a pas d'épreuve isolée pour l'xvttov : le tir au javelot fait partie du pentathle EQLINQUEHTIUM). C'est à tort qu'Eusèbe mentionne, à la 118e Olympiade, un vainqueur au pentathlon et à l'akontion 29 : les deux exercices rentrent l'un dans l'autre, et se comportent comme le tout et la partie. Pourtant les inscriptions font quelquefois mention d'un concours simple, surtout, à vrai dire, àl'époque hellénistique, et lorsque l'institution de la gymnasiarchie est un fait accompli. Par exemple, àCéos, le gymnasiarque doit trois fois par mois mener s'exercer ses élèves, é xyece ciç ~eÀÉTrly ,..xovrurp.oû : deux prix sont décernés, le vainqueur reçoit trois lances et un casque, le second trois lances seules ; il y a même une récompense pour les aaiôeç, qui consiste en une part de viande 30. A Sestos, le gymnasiarque Ménos organise des âO),a ôtaxov'rtc .ou 31. A Téos, le gymnasiarque nomme le maître de javelot". L'xovrte(a est mentionnée à Tralles", l'xdvnov à Samos u, le cxostbç stW;)v à La rissa u. A Athènes enfin, l'akontiste ou maître de javelot 598 JAC est mentionné au quatrième rang, dans les décrets éphébiques, après l'hégémon, le greffier et l'hoplomaque'. Le concours même, distinct du pentathle, apparaît pour la première fais dans l'inscription d'Anthestêrios, en 161/0 av. J.-C.2 : il était ouvert aux éphèbes et faisait partie des TursErA. Il dut disparaître, comme l'akontiste lui-même, vers la fin du he° siècle avant notre ère A côté de ces jeux, réservés au sexe masculin, on peut mentionner les concours de Sparte, où les jeunes Lacédémoniennes luttaient entre elles 4. Mais ces épreuves n'avaient rien de solennel : c'étaient, semble-t-il, de simples exercices de gymnastique. 5. 11 reste à étudier la manière dont ces divers concours avaient lieu et l'organisation même des jeux. Les auteurs ne nous ont malheureusement transmis à ce sujet que des renseignements très généraux : aussi ne sépareronsnous pas l'examen des textes de l'étude des monuments. En rapprochant ces documents d'espèce différente, l'on peut, je crois, arriver à des solutions précises. Une question discutée est par exemple de savoir combien de javelots avait en main le concurrent, s'il ne lançait qu'un trait ou s'il pouvait en projeter plusieurs. Le problème n'est pas sans importance, car, avec plusieurs javelots, ou bien l'agoniste pouvait rectifier son tir", ou bien les concurrents s'éliminaient par paires dans des épreuves successives. M. haber a précisément soutenu ° que trois âxdvtta étaient donnés à chaque lutteur. La preuve en serait qu'à Olympie trois disques, consacrés dans le trésor de Sicyone, servaient, dit Pausanias, aux épreuves du pentathle : comme, évidemment, il y avait plus de trois concurrents, tous trois devaient appartenir à un seul agoniste, qui, vainqueur, aurait voué son jeu de disques. De plus, nous avons vu plus haut qu'à Céos les deux vainqueurs recevaient chacun trois javelots : ce nombre peut s'expliquer par la nécessité d'avoir, pour ces concours officiels, un triple trait à projeter. Si la thèse était juste, nous devrions retrouver sur les monuments trois javelots tenus en main. Or, les vases peints représentent souvent l'agoniste avant le combat, mais je ne connais qu'un seul cas certain' où les concurrents portent trois âxdvTta. Sur un lécythe publié par Stackelberg 9, Charis à gauche, à droite un autre athlète, ont bien trois tiges dans la main gauche (fig. 599). Mais la liste serait longue des représentations où le nombre des javelots est de deux seulement. Lécythes 10, pélikés ", amphores '2, kélébés ", stamnoi f", coupes cratères 1°, hydries sont décorés de ce motif. Il n'y a pas évidemment à tenir compte des cas, plus nombreux encore, où un seul àxtlvTtov est tenu par l'agoniste : ce dernier est alors représenté au moment même où il va lancer le trait. Mais ce grand nombre d'exemples d'un double javelot est significatif : il ne s'expliquerait pas, semble-t-il, dans la théorie de l'aber. D'autre part, les trois ârdvua de Céos ne sont pas mentionnés ailleurs, et l'argument tiré des trois disques n'est JAC pas décisif : rien ne prouve qu'il en ait été des javelots comme des disques, et l'on peut expliquer de plusieurs manières différentes la triple dédicace d'Olympie : rien d'étonnant à ce qu'un agoniste ait pu avoir des disques de rechange, et que, vainqueur, il les ait tous consacrés. Nous conclurons donc que, très probablement, chaque concurrent disposait, non de trois, mais de deux javelots seulement. Pouvait-il rectifier son tir, lui comptait-on au contraire le plus mauvais des deux coups, ou faisaiton une moyenne entre les deux distances? Autant de questions auxquelles il nous est impossible de répondre. 6. En revanche, nous connaissons par les monuments la manière dont l'agoniste lançait 1"a.xd,mov. Parmi ces documents, il faut d'abord mettre à part ceux qui représentent l'athlète avant le combat. Sur une coupe de Nachrvlion's, le jeune homme est debout sur une base, tenant d'une main le sac, de l'autre le javelot à âyxû),rl. Sur le revers d'une amphore panathénaïque 19, l'agoniste tient des deux mains l' exûv7tov, mais comme un attribut et sans se disposer à le lancer. Enfin, sur un vase de même forme, mais archaïque 20, l'akontiste porte déjà le javelot dans la main droite et est figuré en pleine course, avant le départ. 7. Beaucoup plus intéressantes sont pour nous les représentations où l'athlète se prépare directement au tir. Le javelot n'étant pas un simple bâton droit, il fallait d'abord le munir de l'âyx,l), [A21E11TU31] qui, seule, permettait de le lancer. La courroie est souvent 21 représentée à côté du javelot. Sur une coupe à figures rouges (fig. 11115) de la collection Torlonia 22, l'éphèbe Lient de la main gauche l'xdv T tov et de la droite l'âyxllXqu'il va fixer au trait. D'autres monuments montrent la courroie déjà enroulée '3 et l'athlète en train de l'assujettir. Sur unecoupe(fig. Ji116)24, nous le voyons peser du pied gauche sur la partie libre de la corde : il importait, en effet, que la boucle de l'âyxûl r♦ fût solidement fixée au trait. Ce premier résultat acquis, il fallait, pour avoir bien J AC ;99 -JAC en main l'«xdvrtov, le prendre d'une manière qu'on avait étudiée: non seulement l'index et le médium passaient seuls d'ordinaire dans la courroie de l'AMENTUE, mais aucun des doigts ne s'appliquait au hasard soit le long, soit autour de la hampe. L'akontiste vérifiait avec soin l'assiette du poignet et la prise de l'arme. Pour s'assurer si, le cas échéant, le javelot glisserait et partirait sans encombre, une fois la main droite dans la boucle de l'«yxu),7ï, il appuyait la main gauche sur la pointe du trait, qu'il poussait doucement de manière qu'il fîtt bien dans sa main. Les vases peints vont nous faire assister à toutes les phases de cette préparation au tir. Sur un psykter de la collection Bourguignon, attribué à Phintias 1, Xénon (fig. 11117) tient de la main gauche et par le bout l'âxdvitov : sa main droite s'approche de l' 'pe5 r~ qui n'est pas conservée, mais existait aussi sûrement que, dans le même vase, celle du trait d'Eukratès. Philon (fig. 4118) a déjà la main sur la hampe, et Etéarchos, plus avancé d'un degré, tient les doigts dans la position classique, l'index et le médius allongés, le pouce autour du bois, les autres doigts passés derrière. De la main gauche, il tient à la fois et fait glisser Ixxvttov, de sorte que le trait soit bien dans l'autre main. Etéarchos est encore au repos, il a les jambes écartées, mais sans qu'il les meuve encore et qu'il se dirige vers la borne du départ. D'autres agonistes font ces mêmes gestes, mais cette fois en pleine marche, soit quils commencent, alors seulement, de saisir l'âxvcrtov, soit qu'avant de le projeter ils s'assurent de nouveau qu'ils l'ont bien en main. Sur un cratère de Corneto (fig. 4119), l'athlète tient le bout du javelot entre le pouce et les doigts repliés de sa main gauche : le trait, qu'il assure ainsi dans sa main droite, est presque horizontal 2. Aussi le moment est-il proche où il va le lancer, et, bien que sa tête se tourne à gauche, vers l'yxû),-r, son pied gauche est franchement dirigé vers la droite : le pied droit, qu'on aperçoit en arrière et de face, va se détacher vivement du sol, et le pied gauche se porter rapidement en avant. Même motif sur un fragment de la collection Hauser a, et sur deux vases attribués à Euthymi des 4. Sur le fond d'une coupe de Munich' (fig. 4120), le mouvement est plus prononcé, car le pied droit, de face qu'il était, se montre maintenant de profil. Mais le motif est le même et le javelot se rapproche tout autant de l'horizontale. La seule différence est que le geste de la main gauche est plus raffiné, l'index touchant seul le bout de l'akontion. Il ne peut s'agir de mesurer le traits, et il va sans dire que si on prenait cette mesure, on ne pouvait partir du mamelon droit, car iihe coupe de Corneto, où le javelot est tout à fait horizontal, fait voir le trait prolongé jusqu'au sein gauche'. Une peinture d'Ilischylos 8 et une autre du musée de Chiusi 9 témoignent que le cas n'est pas isolé, et qu'il s'agit bien, dans tous ces exemples, d'un départ réel. Le motif d'Eukratès, sur le psykter Bourguignon i0, est différent et plus difficile à interpréter. 11 tient le javelot à gauche du corps, et penche sa tête du même côté, ce qui prouve qu'il va se retourner vers la droite. D'autre part, son pied droit est tourné vers la JAC 600 JAC gauche, ce qui implique contradiction. Une solution plausible serait de supposer que le pied gauche, non conservé, était de face. Nous assisterions ainsi au premier stade d'une volte-face. L'éphèbe serait en train de pivoter sur le pied gauche et son pied droit, encore à gauche, suivrait, immédiatement après, le mouvement de l'autre. D'autre part, l'évolution du torse et des bras, plus importante que celle des jambes, à cause de la difficulté de fixer l'yxûarl, serait déjà commencée et précéderait celle du bas du corps. Il s'agit, dans tous ces cas, d'un départ vers la droite, et, comme pour tous les exercices agonistiques, c'est celui que les peintres ont le plus fréquemment représenté. Mais le mouvement inverse est aussi connu. Une belle amphore de Vulci montre l'éphèbe la tête tournée vers la droite et le pied gauche encore presque de face, dans la position que nous avons analysée. D'autre part, un stamnos à figures noires 2 fait voir le trait horizontal, la main droite en arrière, en position pour lancer l'rdv-rtov, mais un dernier effort doit être nécessaire pour assujettir le javelot, car la main gauche se porte en avant et les doigts touchent le bout de l'arme. 8. Le javelot une fois bien en main, l'akontiste est désormais prêt à tirer. Avant de le faire, et tout en continuant sa course, il jette un dernier regard sur l'amentum : il a la jambe droite en arrière et tend en avant le bras gauche, dont il se sert instinctivement comme d'un levier pour assurer à la fois la direction et le jet plus rapide de l'xdwrtov. Il n'aura plus ensuite qu'à retourner la tête vers le but et qu'à détendre son bras droit. Nous sommes donc bien au moment qui 'précède immédiatement le tir. Aussi les représentations en sont fréquentes. Je citerai le disque de Berlin (fig. 4114) et deux coupes à figures rouges 3. 9. Le mouvement s'est continué et la jambe droite s'est portée en avant, tandis que le bras gauche et la jambe de même sens restent encore en arrière. Le motif est connu par une peinture d'Epictétos4 et une coupe attribuée à Pamphaios 5. Aussitôt après, la jambe gauche vient succéder à l'autre et le départ du trait a lieu avant que le pied ait touché le sol. Comme la course est rapide, l'art archaïque, suivant sa coutume invariable, la représente par une série de sauts successifs: par suite, le genou gauche, porté en avant, est fortement plié et le pied de même sens est très haut levé. Tel est le motif de deux amphores panathénaïques, l'une à Leyde 0, l'autre au British Museum 7 : dans les deux peintures, l'agoniste court vers la droite et le javelot est brandi à hauteur de l'oreille. Il l'est au-dessus de la tête dans un relief archaïque d'Athènes, peut-être funéraire 8. Enfin l'éphèbe est tourné vers la gauche sur une olpé de la collection Czartorisky (fig. 4121)0 et une amphore panathénaïque du Vatican70. M. Jüthner " distingue ce qu'il appelle le tir en arc, à trajectoire courbe, et le tir horizontal, à trajectoire très tendue. Les amphores panathénaïques, sur lesquelles l'xdvtitov est brandi à hauteur de l'oreille, représenteraient le tir horizontal, au lieu que les monuments, que nous avons précédemment étudiés, seraient, à peu près tous, des exemples de tir en arc (a Bogenwurf n). Je ne crois pas qu'il y ait lieu de faire cette distinction, ou du moins de la faire aussi tranchée. Il est à remarquer que ces amphores panathénaïques, et les monuments que nous en avons rapprochés, sont les seules à représenter le départ du trait, et qu'elles ne représentent que cette dernière phase. Peut-être, si elles figuraient les préparatifs du tir, les montreraient-elles analogues à ceux que nous font connaître les vases à figures rouges. En tout cas, le trait, nous l'avons vu, tendait, à mesure que l'instant du départ était plus voisin, à se rapprocher de l'horizontale. Il ne s'agirait donc, à tout prendre, que de l'élévation plus ou moins grande de l'axdvitov, et d'une trajectoire plus ou moins tendue : dans ces deux cas, les phases préliminaires pouvaient être les mêmes, rien du moins ne démontre qu'elles aient été différentes. 10. Une coupe de Nicosthènes au musée de Berlin i2 montre que les agonistes, bien avant l'époque de Platon, se conformaient au voeu exprimé dans les Lais13 et s'exerçaient avec soin des deux mains. On y voit un akontiste qui tend en avant le bras droit et s'apprête à JAC -f;01J ÀC lancer le javelot de la main gauche. Le mouvement est exactement inverse de celui que nous avons analysé. 11. Les monuments précédents n'ont de sens que si le départ a lieu en pleine course. Tel devait être le cas le plus fréquent et le T€pE,.a 7tpoUç de Pindare' peut très bien se comprendre, comme l'a vu M, Faber, d'un tir irrégulier fait après la borne de départ. Mais il n'est que juste d'accorder à M. Jüthner 2 que parfois le tir a lieu de plain-pied et presque sans élan. Il y en a plusieurs exemples. J'en citerai deux seulement, qui sont caractéristiques. Sur le disque sicilien conservé au British Museum (fig. 4122)', les jambes sont très rapprochées, le pied gauche est d'aplomb et le droit l'est presque aussi. Il semble difficile d'admettre que le graveur ait voulu figurer l'agoniste courant : on croirait plutôt le voir au repos, au moment même où il prend son élan. Dans ce cas, il pourrait faire deux pas en avant, ou plus exactement un et demi : le javelot devrait, cette fois encore, être lancé avant la retombée du pied gauche. La suite serait donc la même que dans la première hypothèse : seuls le point de départ et l'attitude primitive différeraient essentiellement. Moins douteux encore, quoique plus difficile à expliquer, est le motif représenté sur la coupe déjà citée de Munich (fig. 4120) 4. L'éphèbe regarde dans la direction du but, son bras droit est levé au-dessus de la tête et le gauche est en arrière, comme sur le vase d'Epictétos s. La différence est que l'athlète ne court pas : non seulement le pied gauche est à plat, mais le corps se penche en arrière. Visiblement il prend son élan et cherche derrière lui un point d'appui. Il va tout à l'heure bondir en avant, et, après les deux pas réglementaires, lancer enfin le trait qu'il brandissait. Il parait bien certain qu'il n'est pas encore en pleine marche, et que, s'il rejette son corps en arrière, il le fait pour V suppléer à l'élan que la course n'a pu lui donner. Ces deux exemples prouvent que, parfois, nous ne savons quand, ni pourquoi, au lieu de laisser l'agoniste courir avant le départ, on ne lui permettait que de faire deux pas en avant. Ces exemples ne sont pas les seuls, mais les nombreux cas contraires que nous avons rencontrés montrent que ce devait être l'exceptions. 12. D'après cette analyse des allées et venues de l'«xOvr.ov 7roptcrpou«ç Tot; âxovr(ou7, l'athlète n'était jamais immobile au moment où son bras lançait le javelot. Ou bien il pouvait faire deux pas en avant, ou bien, le plus souvent, il projetait le trait en pleine course. Dans les deux cas, un point de départ fixe 8 lui était imposé : il s'élançait de là, ou, dans l'autre hypothèse, il réglait son élan de manière à ne tirer qu'à la hauteur du TipL.«. Par suite, il ne pouvait guère viser un but précis. Sans doute il lui fallait lancer le trait dans une direction données, vrais il s'agissait pour lui, non de frapper le plus juste, mais de projeter le plus loin. La victoire était à celui dont 1'«xOv:tov avait dépassé tous les autres, et peu nous importe ici que chaque concurrent ait eu un, deux ou trois traits à sa disposition : le principe, dans tous les cas, est le même. Aussi bien les textes sont ici d'accord avec les monuments. Ne pouvant ici les passer en revue, nous renverrons à l'étude pénétrante de M. Falier 10. Elle prouve que, seul, l'exercice en distance était pratiqué dans les jeux, et, peut-être, dans les gymnases''. Il est donc inexact12 de distinguer les représentations où l'athlète vise un but précis de celles où il tend simplement à lancer loin le trait. Aucun exemple connu, si on l'examine avec attention, n'autorise à parler d'un tir à la cible. C'est de même une hypothèse toute gratuite 13 de supposer un but tracé où devraient retomber les javelots. Jamais de tels buts n'ont pu exister. Tout au plus y avait-il une distance conventionnelle que parfois on dépassait, irzop«xovr!aaç74. Il va sans dire que, dans tout ce qui précède, il s'agit uniquement du pentathle. Car le tir au visé était aussi connu, et les auteurs en font expressément mention. Le rtolcdçde Pindare '° est certainement un but, et Faber ta a eu tort de le nier. De même Jiithner remarque avec raison que les javelots à pointe acérée ne pouvaient servir qu'à viser un but précis. Enfin, pour l'apprentissage de la guerre, il était indispensable d'habituer les jeunes gens à frapper à coup sûr (d'où la mention fréquente, directe ou indirecte, d'un but à viser, dans les inscriptions éphébiques 17). Mais les bâtons droits du pentathle se prêtaient mal à cette sorte de tir, et les gestes préparatoires des agonistes, que nous avons analysés plus haut, excluent, à n'en pas douter, toute possibilité d'un pareil exercice. 13. Le tir en hauteur était pourtant connu. Nous le voyons représenté sur une coupe à figures rouges du musée du Louvret8 (fig. 4123). L'akontiste, au repos, le visage de profil à droite, tient de la main droite son 7 6 602 JA\ javelot, dont la pointe est tournée vers son épaule gauche: l'avant-bras gauche, parallèle au trait, montre, comme dans les exemples qui précèdent, la direction véritable de l'arme. Évidemment, bien qu'il n'apparaisse. pas sur le vase, le but était au-dessus et à droite de l'éphèbe celui-ci le visait, et la preuve est qu'il est représenté de pied ferme. L'exemple est précis, mais il ne faut y voir qu'un simple exercice d'école, qui habituait l'agoniste à bien manier le javelot. Rien n'autorise à rapporter cette figure au pentathle. 11. Le joueur de flûte, qui apparaît fréquemment sur les vases peints (fig. 3682), montre qu'il s'agit d'une épreuve réelle, non d'une répétition, ou d'un exercice dans le gymnase. Au contraire, le bonnet de peau' paraît n'avoir été porté que dans les gymnases (fig. 4120). 15. A côté du tir à pied, les Grecs connaissaient aussi l'exercice du javelot à cheval. Xénophon en fait l'éloge 2, et Platon veut qu'on donne des prix aux plus habiles à ce jeu3. Le difficile, dans cette épreuve, était moins de lancer loin l'«xdvTtov que de frapper un but précis, car les mouvements du cheval enlevaient leur liberté aux bras de l'agoniste. Aussi était-ce à viser qu'on habituait surtout les éphèbes. Le tir en longueur semble inconnu aux cavaliers, au lieu qu'une inscription de Larissa désigne le jeu par les mots de 6xo7ûu 17rné(ov4. Aussi bien, un aryballe du musée d'Athènes 5 montre un cavalier, coiffé du pétase et vêtu d'une chlamyde brodée, qui s'apprête à frapper un bouclier soutenu par une longue perche. On a comparé' un cratère du Louvre (fig. 3752), oit une scène de carrousel est de même figurée. C'est l'«yily z«Àreioç, mentionné par IIesychios, dont le prix était l'«naç même fixée sur le passalos, et qui faisait partie des IIEIIAIA d'Argos. Mais, malgré la similitude des représentations, il n'est pas sûr que ]'aryballe d'Athènes se rapporte aux jeux d'Argos. Comme les Thessaliens et les Argiens, les Athéniens en effet connaissaient le tir du javelot à cheval. Une inscription d'Athènes, du commencement du ive siècle', le mentionne aux Panathénées : c'était le quatrième exercice, consacré aux seuls citoyens, et les deux vainqueurs recevaient, suivant le cas, comme prix, une ou cinq amphores. Deux amphores panathénaïques sont précisément décorées de ce motif : sur l'une le cavalier est nu, sur l'autres il est vêtu, comme il l'est sur l'aryballe du Musée National. Dans les deux cas, il porte deux javelots. Après les Panathénées, nous retrouvons ce jeu auxTIESEIA, dans les concours ouverts à tous, entre 165 et 150 av..t.-C.16. Les Etrusques, grands amateurs de jeux ]],connaissaient aussi le tir à cheval. Nous le retrouvons dans les fresques qui ornaient, àChiusi la tombe dite du Singe (fig. 2334)12 A côté sont figurés des pugilistes, un apobate, des rhabdophores, etc. La représentation est donc incontestablement d'ordre agonistique. 16. Certaines conditions physiques étaient nécessaires pour devenir un bon akontiste. Il fallait avoir les jambes longues et souples 13, de même qu'une main trop courte était,mal propre à bien saisir l'amentum14. Mais l'exercice, dans certains cas, suppléait à la nature. L'entraînement nécessaire pour subir les épreuves du pentathle avait sauvé Ilysmon d'Elée'', et le tir au javelot est mentionné à côté du jeu du disque comme l'un des exercices les plus propres à fortifier le corps 16. Aussi les médecins grecs, dont l'art n'était pas sans rapport avec la gymnastique 17, avaient noté avec soin la manière dont on lançait le javelot48. Par suite, l'agonistique eut beau disparaître, l'exercice du javelot resta toujours en honneur", et les Romains le pratiquèrent comme les Grecs l'avaient fait avant eux2o IV. Caillou rond, avec lequel les enfants jouaient au ricochet 2'. En grec, 1-noa'ro7xtau.oç 22. V. Filet à poisson23 [FuNoA, HETEI, dont se servaient aussi les gladiateurs24. VI. Lasso à prendre les boeufs 25. A. DE RIDDER. JANITOR. 00 uowodç, T:u)uwodq, osliarius. Portier de la maison. Il est difficile de dire exactement à quelle époque s'établit en Grèce l'usage d'avoir un portier attaché spécialement au service de la maison. On a supposé que le développement de la richesse à Athènes après les guerres médiques et aux environs de la guerre de Péloponnèse avait pu y introduire ce luxe' ; il resta étranger certainement aux bourgeois de condition modeste ; on se contentait de placer près de sa porte un chien de garde 2. Déjà, dans les Choéphores d'Eschyle, Oreste, frappant à la porte du palais d'Égisthe, se fait ouvrir par un esclave qui joue le rôle de portier; mais il n'a pas d'autre nom que celui de Tais, esclave, oix€Tr,s, serviteur de la maison3; ce n'est peut-être pas un portier attitré. L'idée d'une fonction spéciale se trouve dans le mot 7:0woç qu'Euripide met dans la bouche de Ménélas abordant en Égypte 4; mais c'est à une femme, à une vieille esclave que cet office est confié, et un autre passage confirme l'existence de cet usage'. Le messager, dans l'Iphigénie en Tauride, appelle à haute voix « tous ceux qui sont dedans6 n, sans s'adresser particulièrement à un gardien de la porte'. C'est seulement à la fin du ve siècle que nous trouvons mentionné d'une façon précise le Auotoo;. JAN 603 JAN Dans la maison du riche Callias, que fréquente Socrate, le portier est un eunuque, d'humeur assez rébarbative et défiante'. Aristote nomme aussi ce serviteur comme indispensable dans les grandes maisons bien organisées, déchargé de tout autre soin que de surveiller ce qui entre et ce qui sorte. Le chien de garde lui servait de compagnon3. Pollux consacre un chapitre au 7:u),wpdç qui doit, d'après lui, balayer et nettoyer la maison entière; il énumère tous les accessoires, balais et vases à puiser l'eau, dont il a besoin4. La loge qu'il occupe s'appelle 7cuawptov et OupwpoTov 5 [DOMS, p. 344]. Le collège des éphèbes athéniens comptait un Oupwpdç parmi ses serviteurs 6. Dans les mariages grecs, on appelait par plaisanterie « le portier » celui des amis du marié qui, se plaçant devant la porte des époux, empêchait les femmes de se porter au secours de la mariée, dans la scène du rapt simulé'. A Rome, où le luxe des esclaves fut poussé beaucoup plus loin qu'en Grèce, la coutume d'avoir un portier spécial fut très répandue ; pourtant il n'en est pas question avant l'époque de Cicéron'. Sous l'Empire, le janitor ou ostiarius est un esclave soumis à un dur régime : il vit enchaînéi0, à côté du chien de garde" [cANIS, p. 888j, dans sa cella ostiaria'2 [DOnUS, p. 354 Il est armé d'un bidon, virga", pour repousser les mendiants et les importuns. Dans certaines maisons riches, il se fait redouter par son arrogance et ses manières rudes". Il semble qu'à Rome, probablement dans la domesticité impériale, les janitores avaient formé une association qui avait son decurio et son scriba ". Dans une inscription chrétienne 16, un û7oltâxovoç est en même temps Oupwpdç. Mais il ne faut pas confondre le janilor