Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article JUDEX

JUDEX, JUDICIUM. On n'étudiera dans cet article que l'organisation judiciaire à Rome, en matière civile'. Distinguons d'abord les différentes et nombreuses acceptions des mots judex et judicium. Au sens le plus ancien, qui reparaît ensuite au Bas-Empire, judex (de jus dicere 2) désigne toute autorité chargée de statuer (judicare) sur un litige, par un jugement (judicium, ou, plus exactement, pronunlialio judicis, sententia). On appelle par etiemple de ce nom le roi juge suprême sous la royauté ;, le consul de la République t, au Bas-Empire le gouverneur qui statue le plus souvent par lui-même 3. En second lieu, le juge privé, à qui le magistrat supérieur. qui jus dieu, délègue l'examen et la solution de l'affaire, se nomme, selon les cas, judex, ou judex privatus ou sclectus, ou arbiter, et depuis Dioclétien judex pedaneus 6. Dans l'acception la plus large, le mot judicium indiquait une décision quelconque, prise par un magistrat', même en matière politique ou administrative, ou de simple instruction 6, ou même l'ordre qu'il donnait d'appliquer la loi pénale à un individu ayant avoué ou pris en flagrant délit, quelquefois la résolution prise par un accusateur d'intenter une accusation souvent le jugement du peuple 10. Il signifiait aussi l'ensemble d'un procès civil ou criminel, et c'est en ce sens qu'on distinguait des judicia privata et des judicia publica ", ces derniers jugés par le peuple, puis par les jurys permanents. Le procès lui-même se partageait jusqu'à Dioclétien en deux instances, l'une devant le magistrat (jus, in jure)'", l'autre appelée judicium devant le juge privé ou devant un des tribunaux permanents spéciaux. Cette seconde instance commentait après l'organisation du litige par le magistrat, tenue extrême de la procédure in jure luis contcstatio) et finissait d'ordinaire par le prononcé du jugement (sente(tia, pronuntiatio judicis) ou par la Péremption"; les parties étaient là in judicio14, Dans la procédure formulaire, judicium désignait très fréquemment l'action ou la formule d'action [ACT1o]; judicium acceptum devenait alors synonyme de luis contestatio'~. Judicium signifiait quelquefois improprement la sentence qui formait chose jugée (judicatum ou res judicata11), On appelait aussi judicium" ou judicatio 18 le pouvoir de juger, nommé plus tard juris dictio. Quelquefois le mot judicium s'appliquait, par opposition au mot arbitrium, à une classe d'actions renvoyées par le préteur devant un judex au lieu d'un arbiter1°; le judicium tendait à la condamnation à une certaine somme d'argent, déterminée par la formule ; dans l'arbitriuln, l'arbitre avait à évaluer la somme 2° ; mais l'arbilrium s'appliquait encore à d'autres actions que les actions bonae Pei; il comprit plus tard aussi les actions arbitrariae, notamment les actions in rem, et en général toutes celles où le juge avait un certain pouvoir d'appréciation"'; on nommait au contraire judicium toute action où le pouvoir du juge était plus restreint par la nature du droit civil invoqué et par la simplicité même (les faits à établir 22. 1. Période royale. [En l'absence de tradition authentique sur la royauté, on peut seulement conjecturer, avec les historiens anciens", que le roi, réunissant sans aucune limitation tous les pouvoirs partagés plus tard entre les différents magistrats, exerçait, avec son conseil, la juridiction civile, partie essentielle de l'imperium. Nous ignorons s'il avait des délégués, si la distinction du jus et du judicium, existait déjà 11 est probable que le collège des pontifes avait déjà les attributions qu'il a sous la République. H. Période républicaine. Les consuls (et exceptionnellement les magistrats consulaires, tels que les tribuni inilitum consulari potestate, les décemvirs de 431119, les dictateurs) ont hérité des pouvoirs judiciaires du roi, comme l'indique leur ancienne dénomination de judicis 23 _consUL). Après la création de la préture en 367 av. J.-C., ils n'en gardent que quelques débris, le droit d'intercéder contre le décret d'un préteur au civil'', la juridiction gracieuse qu'ils conserveront jusqu'au v° siècle ap. J.-C. 27, la juridiction militaire, Ils acquerront quelques nouvelles attributions sous l'Empire; en outre, pendant les intervalles des censures, ils exercent la juridiction administrative, en prenant des sénateurs JUD 633 JUD comme conseillers'. Dans cette période primitive, les pontifes continuent à jouer un grand rôle comme interprètes et par suite comme créateurs du droit' ; ils donnent probablement en outre des consultations sur des cas isolés et jugent certaines affaires où se trouve engagé un intérêt religieux3 ; mais c'est évidemment â tort que beaucoup d'auteurs leur ont attribué une véritable juridiction d'après le texte complètement dépourvu de valeur du jurisconsulte Pomponius 4. A partir de 367 av. J.-C., c'est le préteur urbain qui exerce presque exclusivement à Rome le pouvoir judiciaire sur les citoyens romains [PRAETOn] ; c'est à partir de ce moment que les jurisconsultes 6 distinguent arbitrairement l'imperitun de la jurisdictio, l'office propre du juge ; ils mettent d'un côté l'imperium merum, qui est essentiellement la juridiction criminelle, de l'autre l'imperium mixti nt, qui comprend la jurisdictio proprement dite, le droit d'ordonner toutes les mesures provisoires ou définitives, nécessaires à l'exercice de la justice, par exemple un INTEIIDICTUM, une nosonUM Possusslo, une demande de garanties (prae diction gracieuse ou LEGIS ACT10. Celte classification est absolument artificielle ; il y a même des attributs qu'elle laisse en dehors, par exemple la dation d'un tuteur 6. Vers 242 fut créé le second préteur chargé de rendre la justice aux étrangers, le praetor qui inter cives et peregt°inos jus dicit -HRAE.TOR PE1IEGnlxus . La juridiction administrative appartient essentiellement aux censeurs, qui, dans les procès entre l'État et les particuliers, emploient généralement la cognitio7, mais qui, dans les autres catégories de procès, par exemple entre des fermiers et des débiteurs des dimes, peuvent employer, à l'imitation de la procédure prétorienne, un judex ou des récupérateurs 8 [cEnsonl. Les édiles curules ont aussi une juridiction qu'ils exercent en donnant tantôt un judex, tantôt des récupérateurs, pour les procès issus de ventes d'esclaves et de bétail qui ont été faites au marché, de préjudices causés par des animaux dangereux dans le voisinage de la voie publique, et peut-Ore pour d'autres procès dont le jugement leur est concédé par une loi spéciale Les Ires viri capitales jugent les contestations sur l'obligation de remplir les fonctions de juré et recouvrent les sacrantenta perdus dans les procès civils qu'organisent les préteurs 10. Les magistrats préposés aux assignations de terres et aux fondations de colonies ont généralement le jugement des litiges qui se rattachent à cette mission : cette juridiction fut donnée par exemple aux triumvirs créés par la loi agraire de Tiberius Gracchus jusqu'en 12,9 ", au collège auquel appartenait Caesar Strabo12, aux quinquevirs de la loi agraire de César 13. Les décemvirs dont Rullus proposait la création devaient également l'avoir i4 ; ces magistrats s'appellent alors agris gudicandis adsignandis' ; la loi qui les a créés décide s'ils doivent juger eux-mêmes, comme l'ont sans doute fait les triumvirs de l'époque de Tiberius Gracchus, ou renvoyer l'affaire à des juges jurés isolés ou à un conseil de jurés présidé par eux-mêmes ou par un quaesitor 1G. Quant aux tribuns, les textes qui leur attribuent une juridiction civile propre n'ont aucune valeur ". En Italie, en dehors de Rome, les villes de demi-cité, celles qui n'ont que la civilas sine su/fragio sont administrées, les plus voisines directement par le préteur, les autres par des délégués du préteur, institués par des lois expresses, des PRAEFECTI Jutu nICUNDO ; Ce sont d'abord des mandataires du préteur, nommés par lui ; c'est seulement après 121 que les quatre délégués, préposés aux dix villes de Campanie (Capua, Cumae, Casilinum, Volturnum, Liternum, Puteoli, Acerrae, Suessula, Mella, Calatia), et appelés, du nom des deux plus importantes, praefecli Capuam Cumas , ont été nominés par le peuple. Ces villes s'appelaient pour cette raison praefecturae. Le préteur s'y réservait sans doute toujours les procès les plus importants et les parties pouvaient d'ailleurs par suite d'un accord lui soumettre tous leurs litiges 18. 11 est probable que toutes les colonies romaines, à leurs débuts, ont été administrées de la même manière et ont été à ce titre des praefeclurae. Ces praefecli ont disparu peu à peu au courant du dernier siècle de la République, devant les progrès du régime municipal. Quant aux villes de droit latin, aux colonies latines et aux villes des alliés, des socii, elles gardent leur juridiction civile indépendante, sauf les empiètements arbitraires des magistrats romains jusqu'à l'époque de l'organisation du régime municipal. Les litiges entre deux villes sont généralement soumis au sénat romain qui délègue des arbitres ". Les origines de la juridiction municipale sont très obscures; une chose cependant parait certaine, c'est que ce n'est pas par le système de l'appel, mais par la division des compétences entre le préteur de Rome et les magistrats locaux que Rome a maintenu ses droits de souveraineté sur les municipes italiens. Les premières lois municipales paraissent avoir été promulguées peu après la guerre sociale, comme le montre le fragment récemment découvert de la loi municipale de Tarente 20. Les morceaux que nous avons des lois données par César vers 19 aux municipes de la Gaule cisalpine, la lex Ilubria et le fragment dit d'Ateste 91, fournissent les renseignements suivants : les magistrats municipaux peuvent nommer un judex, délivrer une formule ; leur juridiction est illimitée dans certaines affaires 22 ; pour les prèts d'argent condictio cieditae pecuniae et quelques autres litiges, ils ne connaissent, dans la lex Rubria, qu'au-dessous de i:i 000 sesterces; dans le fragment d'Ateste, le maximum V. 80 JUD G3 JUD est de 10 000 sesterces' ; ils peuvent appliquer tous les modes d'exécution contre le débiteur, sauf la missio in possessionem, exiger la cautio damni in fecti, prononcer dans un judicium falniliae ercirscundae ; quand ils sont compétents, le litige ne peut être évoqué à Rome; quand ils ne le sont pas, ils peuvent cependant obliger le défendeur à donner caution (vadimonium) de sa comparution à Rome. Cette réglementation était-elle générale ou particulière à cette région de la Gaule cisalpine encore à demi blrbare? Il est difficile de se prononcer sur ce point; cependant il est probable qu'il n'y avait pas encore une législation uniforme; la tex Julia municipalis de 4 i paraît reconnaître aux magistrats municipaux la missio in possessionem 2 ; la lex coloniae Juliae Genetivae de !iii reconnaît aux magistrats municipaux l'imperium, la poteslas, la jurisdictio, le droit d'instituer des récupérateurs 3 [DuuMVIR1 ,iciu ummuNDU]. Mommsen conjecture que l'intervention du préteur contre les magistrats municipaux qui excédaient leur compétence avait été réglée par une loi Aelia4. Dans les provinces, il faut distinguer les différentes catégories de villes et d'États. En principe, les villes libres gardent au civil, et en matière administrative, leur propre juridiction et les procès sont régis par le droit du lieu ; les Itolnains eux-mêmes vont devant les tribunaux indigènes 0; mais Rome peut accorder à qui il lui plaît une juridiction privilégiée devant le gouverneur de la province 6, de même que les parties peuvent s'accorder pour le prendre comme juge. Les litiges entre deux villes sont généralement portés devant le sénat romain, qui renvoie la décision à une ville tierce 7. Dans les villes stipendiaires, l'édit du gouverneur, fait surtout pour les Romains, s'étend aussi aux sujets ; et il peut en théorie attirer à lui tout procès, à moins qu'il n'y ait des traités spéciaux, des statuts locaux, comme en Sicile, à Chypre Mais en fait, sauf pour quelques affaires importantes, telles que la protection des biens des villes, la lonorum possessio, la vente des biens du débiteur insolvable, le gouvernement laisse le jugement de la plupart des litiges qui intéressent des provinciaux de même droit aux tribunaux indigènes qui appliquent le droit local 10; pour les litiges entre villes, il laisse souvent, surtout dans les pays grecs, fonctionner l'arbitrage d'une ville tierce 1l; mais il peut les juger lui-même ou en donnant des judices Il juge les procès entre deux Romains ou deux Italiens, à moins qu'il ne les renvoie à Rome 13 ; il juge également les litiges où les parties sont de nationalité différente; il tient ses audiences dans les chefslieux des districts [coxvEl\TUS] à des jours fixés et annoncés d'avance; la tenue du conventus est en même temps souvent une espèce de foire dont nous avons un tableau très vivant dans un discours de Dion Chrysostome 14. Le gouverneur détermine l'ordre des causes par le tirage au sort, emploie, selon les cas, comme on le verra pour le préteur, soit la cognitio, soit plus généralement les juges jurés ou les récupérateurs f6. On voit par les Verrines de Cicéron qu'il publiait à son entrée en charge une liste de jurés pris parmi les Romains de la province (selecti judices ex conventu civiuoi Ilomanoi'um), mais il n'était pas lié absolument par cette publication et il pouvait nommer les jurés pour chaque procès, en les prenant dans son entourage, dans son conseil16. En Sicile, d'après la lex Ilupilia, quand les deux parties étaient un Sicilien et un Romain (ou un Italien), si le Romain était demandeur, le juré devait être Sicilien ; dans le cas inverse, le juré devait être Romain; les autres procès, c'est-à-dire sans doute surtout les procès entre habitants de villes différentes, étaient confiés à des jurés romains; les litiges entre un particulier et une ville étrangère devaient être confiés à l'arbitrage du sénat d'une ville tierce, si la ville étrangère et la ville patrie du particulier étaient récusées 17. En matière civile, le questeur exerce, à côté du gouverneur, une juridiction analogue à celle des édiles 18; en outre, en l'absence de ce dernier, ou sur son mandat, il rend la justice pro practore 12 ; et c'est pour cette raison qu'on voit le gouverneur de Sicile, Verrès, annuler, comme mandant, la procédure renvoyée (levant des récupérateurs par le questeur, son mandataire 20 Examinons maintenant la marche d'un procès devant le préteur. Les jurisconsultes distinguent d'abord les instances dites légitimes, judicia legitima, de celles qui dérivent de l'imperium du préteur, quae imperio continentur ou improprement imperio continentia L1 Une instance est légitime quand le procès est intenté à Rome ou dans le rayon du premier mille de Rome, entre plaideurs tous citoyens romains et devant un juge unique 22. En l'absence d'une seule de ces conditions, l'instance imperio continetur et sa durée est limitée à celle de l'imperium du magistrat qui a délivré la formule d'action 23 L'intérêt de cette distinction était considérable En effet, l'adjudication (adjudicatio) .prononcée par le juge ne transporte la propriété civile que dans l'instance légitime ; de plus, dans ce cas, la délivrance de la formule (titis conlestatio) éteint, d'après le droit civil, l'obligation lorsque t'action était d'ailleurs civile, in personam et in jus 24. Au contraire, lorsque l'action n'avait pas ces caractères ou que le judicium était imperio continens, le droit du demandeur ne s'éteignait pas ipso jure, mais l'action intentée ultérieurement pouvait seulement être écartée en recourant à l'exception de chose déduite en instance (exceptio rei in judicium deductae), ou, s'il y avait eu jugement, par l'exception de chose jugée 2â. Cette dernière distinction est d'ailleurs postérieure à l'établissement de la procédure formulaire. Enfin, la durée de l'instance légitime était indéfinie, tandis que dans l'autre cas elle s'éteignait avec l'imperium du magistrat qui avait donné le judex 26. Il est probable que cette distinction des deux genres d'instances remonte à la période primitive, où la juridiction des legis acliones ne JUD CM JUD s'exerçait qu'à Rome ou dans sa banlieue, entre citoyens romains, et aboutissait au renvoi du procès par le magistrat devant un seul juge. Toute instance organisée en dehors de la forme primitive a dû reposer sur l'imperium, c'est-à-dire sur le pouvoir discrétionnaire du magistrat. Le principe fondamental de la procédure civile est la distinction du jus et du judicium ; pratiquée déjà pendant la période de la procédure des logis actiones, sous la République, elle s'est développée encore dans le système de la Voyons sommairement ces deux phases successives: 1° In jure. Nous laissons de côté les cas où le magistrat renvoie le procès à un des deux tribunaux permanents de Borne, soit aux CENTUM\IRI, soit aux decemviri slitibus judicandis fnECEMVIRI et les ras très peu connus' où, après avoir instruit certains procès, civils en la forme et criminels au fond, il les fait tran L'office du magistrat in jure lui permettait de terminer à lui seul, après la legis actio, l'affaire dans certains cas; ainsi il refusait l'action quand la demande était contraire à la loi, contra jus, ou à l'édit du préteur, ou que les faits constitutifs du droit invoqué par le demandeur étaient démontrés ou avoués ne pas exister, ou que les lins de non-recevoir ou les moyens de défense, directs ou indirects, allégués par le défendeur, étaient manifestement établis ou avoués par son adversaire 2. Réciproquement, si le défendeur avouait devant le magistrat le bien fondé de la demande (confessio in jure), ou refusait de prêter le serment à lui déféré ou référé in jure, le magistrat autorisait les voies d'exécution, comme s'il y avait eu judicatum 3 ; liais si l'aveu ne portait pas sur une somme déterminée (cerla pecunia), il restait à nommer un juge lilis aeslimandae causa". Tout se terminait ainsi in jure. En outre, il y avait certaines hypothèses oit le magistrat supérieur était autorisé à statuer seul, notamment en matière d'honoraires, et plus tard de fidéicommis; alors il y avait procédure extraordinaire, cognitio extraordinaria Celle dénomination fut appliquée aussi, improprement, aux ces urgents où le magistrat était appelé à prendre soit une mesure de protection dans l'intérêt de la paix publique (interdictum), soit une mesure d'exécution ou de coercition, comme un envoi en possession (missio in possessionem), une restitutio in integrum 6. Ces ordres pouvaient être considérés du reste comme se rattachant à l'imperium, et nous avons vu qu'on les réserva aux magistrats du peuple romain. La sphère des cogniliones extraordinariae va s'élargir sous l'Empire. 2° In judicio. Le magistrat renvoyait l'affaire soit devant un judex, soit devant un arbitre, soit devant des recuperatores [71ECUrERATOnEB] ; l'arbitre était choisi par les parties, ou, si elles ne s'entendaient pas, par le magistrat, sauf récusation (rejicere, ejurare)7; on l'employait dans les procès nommés arbitria où le munus judicandi offrait une étendue particulière et une certaine latitude d'appréciation 8 . L'arbitre , comme le juge, pouvait appeler à son aide un conseil d'hommes instruits en droit (prudentes, jurisconsulti ou des experts 9; il n'est pas prouvé que les arbitres aient pu être pris en dehors de la liste des jurés, comme l'a pensé de Savigny10 Le judex unique, choisi par les parties sur la liste des jugesest en règle générale accompagné d'un conseil. Le magistral peut le révoquer, surveille l'exercice de son mandat, peut résoudre sur sa demande les questions de droit que le procès soulève 12.] Le juge et l'arbitre prêtent serment, avant de procéder à leur office ; de là le nom de judex juralus qu'ils portent souventf3. Il y a de nombreux exemples de l'intercession INTERCESSIO , soit des consuls, soit surtout des tribuns contre les actes du préteur dans la procédure civile ; on la trouve ainsi au sujet d'un ajournement demandé par le défendeur, de la rédaction de la formule, de l'attribution de la bonorum possessio i4. Mais on ne la trouve jamais contre les sentences ni contre les actes des juges jurés. En dehors de l'intercession, les seules voies de recours contre les sentences des magistrats ou des juges jurés étaient la revocatio in duplum [man) JUDICIORUM et la ncsTIrLTIO IN INTECHÜDI. En particulier contre les sentences des juges jurés, il n'y avait ni droit de cassation (lu magistrat 13, ni appel légal". Quant à la compétence, en principe c'était la nationalité du justiciable qui déterminait la juridiction. En particulier dans les villes municipales d'Italie, le ntuniceps pouvait, s'il était appelé in jus à Rome, demander son renvoi devant le forum de ses magistrats municipaux (domtus revocatio, ad suas leges rejicere) ; et réciproquement le Romain avait le même droit dans cette cité. C'était alors plus qu'un privilegium Pori, puisque c'était le maintien du statut national; plus lard, après l'acquisition du droit de cité, il resta toujours au municeps le droit de ne plaider, s'il le voulait, que suo foro. Ce droit se perdait quand on s'était soumis tacitement, par exemple en contractant dans un lieu, ou par convention expresse, à la juridiction d'un magistrat " ; les députés des villes (legali) pouvaient être appelés à Rome à raison des obligations contractées ou des délits commis pendant leur legalio13. La comparution volontaire devant un juge incompétent suffisait naturellement pour étendre sa compétence 19. Le forum originis était seul compétent pour les actes de juridiction gracieuse, pour la dation d'un tuteur 20. Mais les individus, simplement domiciliés dans une cité sans en être membres, les alienigenae, les inculae, ont été reconnus sujets à la juridiction contentieuse des magistrats de leur domicile, du forum domicilii, en concouru avec la juridiction de leur patrie, forum originis 21. La simple possession d'un immeuble ne suffit pas jusqu'au Bas-Empire pour donner compétence, en matière réelle, à la juridiction territoriale, dans le ressort JUD 63G JUD de laquelle l'immeuble était situé Enfin, lorsque le forum des deux parties était différent, on devait suivre celui du défendeur; d'où la maxime: actor sequitur forum rd'. III. [Période du haut-Empire. A côté des anciennes juridictions qui subsistent plus ou moins modifiées, apparaissent les nouvelles juridictions des magistrats impériaux et de l'empereur. P Outre les débris de leur ancienne juridiction qu'ils gardent, les consuls acquièrent de nouvelles attributions. Cette compétence nouvelle, qui appartient soit aux consuls ordinaires soit aux empereurs durant leurs consulats et qu'ils exercent soit personnellement, soit quelquefois par un délégué spécial, par un judex extra ordinem dahus 5, est difficile à préciser; c'est surtout une compétence d'appel, résultat du partage théorique des appels civils entre l'empereur et le sénat ; théoriquement, au moins sous les premiers empereurs, les appels des provinces sénatoriales et de l'Italie vont devant le sénat 6 qui, au lieu de les juger sous la présidence des consuls, les renvoie à ces derniers. A la rigueur, il peut y avoir appel du consul au sénat ; il y a naturellement appel du délégué du consul au consul ; l'empereur doit régulièrement repousser les appels formés contre le sénat et renvoyer au sénat ceux qui lui sont adressés contre un consul'. En outre, les consuls ont la nomination des tuteurs à Rome, depuis Claude jusqu'à Marc-Aurèle 9. Auguste leur donne la mission de faire respecter les fidéicommis et Claude leur laisse les fidéicommis les plus importantsl0 ; ils ont peut-être en outre jusqu'au m° siècle certains procès sur des questions d'ltat". Dans tous les cas ils jugent extra ordinem, par COGyITIO avec leur conseil. 2° Les préteurs urbain et pérégrin gardent leurs attributions, mais les autres préteurs sont pourvus de diverses compétences nouvelles ou enlevées à d'autres fonctionnaires ; le praetor Itaslarius préside le tribunal des centumvirs CE'TUMVHII ; aU commencement du m° siècle, mais peut-être d'origine antérieure, nous trouvons un praetor de liberalibus cousis pour les procès relatifs à la condition des personnes 12. Claude crée deux praetores deicommissarii pour les fidéicommis d'importance secondaire; Titus n'en laisse qu'un seul ; Marc-Aurèle établit le praetor tutel'tris pour les tutelles 14 ; Nerva le praetor fiscalis 15. 3° Il n'y a rien de changé à la juridiction commerciale des édiles 1 G AEDILIS , A défaut d'édiles, le droit édilice est appliqué par les préteurs 17. 4° L'empereur exerce une juridiction qui repose, au civil comme au criminel, sur son imperium qui remonte probablement à l'an 30 avant J.-C. et qui fut comprise Caligula a souleut violé cette règle Dio Cass. 59, 16).Voir sur la juridiction du cou 12 Eph. ep gr. I, p. 133. I1 date peut être d'Hadrien conjecture de Mommsen . ensuite dans la lex regia 18. Il exerce d'abord la juridiction gracieuse ou volontaire, peut affranchir sans aucune formalité, donner des tuteurs 19. En second lieu, il s'immisce dans la juridiction civile, sur une consultation du magistrat (relatio, consultatio) 20 et c'est là une procédure qui se développera surtout au Ras-Empire; il peut donner sur la demande des parties un rescrit qui lie le juge [IIESCRIPTUM] ; il peut inviter, pour une raison quelconque, le magistrat compétent à se choisir un délégué et même le désigner nommément 2'. En troisième lieu, il peut évoquer directement tout procès civil, soit de sa propre initiative, soit sur la demande des parties (supplicatio) 22 ; mais aux premiers siècles de l'Empire, il use de ce droit avec discrétion, sauf pour les procès dont la solution équitable eût excédé les pouvoirs du magistrat compétent 23. En quatrième lieu, et c'est là le principal emploi de cette juridiction, l'empereur est juge d'appel; l'appel ou la provocation à l'empereur 24 n'aurait dit régulièrement, dans la dyarchie établie par Auguste, s'exercer que dans les circonscriptions territoriales réservées à l'empereur ; mais en fait les empereurs, dès Auguste, ont revu les appels non seulement contre les décrets des magistrats impériaux, mais contre les décrets de tous les magistrats et gouverneurs en général. Cet appel a lieu. non seulement contre les sentences propres, mais contre tous les décrets, par exemple contre la collation d'une tutelle ou d'une magistrature municipale et dans toutes les matières, soit civiles, soit administratives et fiscales 2'. On verra tout à l'heure quelles sont les limites et les formes de cet appel et s'il s'étend aux juges jurés. Les différents empereurs ont plus ou moins usé dei leur juridiction selon leur caractère26. Le prince juge toujours extra ordinem, par cognitio, mais avec l'assistance de conseillers qu'il choisit à sa guise 27 jusqu'à l'époque de l'organisation définitive du consilium principis sous _Hadrien [coNsuluM] ; dans la première période, il siège généralement sur le forum ou dans un lieu public, rarement chez lui" ; mais depuis SeptimeSévère, surtout dans le palais impérial où il y a un local spécial, l'auditorium 2°. Le prince ne juge pas toujours lui-même ; de bonne heure il a pris l'habitude de déléguer sa juridiction, soit à des mandataires spéciaux pour une seule affaire ou une catégorie d'affaires 30, soit à des mandataires permanents : c'est ainsi qu'Auguste renvoyait chaque année les appels des magistrats de Rome au préteur urbain et ceux des magistrats provinciaux à des personnages consulaires ". Ce système se régularisa petit à petit; au m° siècle, nous trouvons des juges d'appel dans certains districts, sans doute assez étendus; ils portent, différents titres: judex ex delegatione (ou delegatu) cognitionum Caesarianarum (quelquefois avec l'in Claude d'enlever des procès aux. jurés (Suet. Claud. 15). 24 On emploie indiffé Vespasien (Suet. 25t. 7); pour Trajan (Plin. Ep. 4, 22 ; 6, 22, 31) ; pour Sévère 4, 4, 18, 4. Vespasien tire au sort des délégués pour juger « extra ordinem u les procès qui étaient eu retard auprès des centumr ifs (Suet. Vesp. 10). Tibère renvoie une affaire au même magistrat pour nous et examen (Dio Cass. 59, 8). 31 Suet. Aug. 33. JUD dication du ressort)', judex sacrarum cognitionum tolius Orientis 2, cognoscens ad sacras appellationes, electus ad cognoscendas vice Caesaris cognitiones 3 ; on en appelle de leurs sentences aux préfets (ln prétoire qui constituent dès le règne de Septime Sévère la principale juridiction d'appel au civil comme au criminel 4; les appels des magistrats urbains vont au préfet de la ville [PRAEFLCTUS URBI On peut encore appeler théoriquement de ces deux instances suprêmes à l'empereur, contre la sentence duquel il n'y a plus de recours, à moins qu'il n'accorde une in integrum restitutio. Le prince peut interdire d'avance l'appel à son tribunal quand iL nomme un délégué spécial 6. Les nouveaux magistrats impériaux, les préfets du prétoire et le préfet de la ville, le préfet de l'annone ont une juridiction pour laquelle nous renvoyons aux articles NAE. Ils jugent tous extra ordinem, par cognitio, avec un conseil composé d'assesseurs [COxsu,IIJM, ASSESSOR 1. Aux nouveaux magistrats impériaux de Rome, il faut ajouter les gouverneurs impériaux qui apparaissent en Italie à partir d'Hadrien. Il y eut d'abord les quatre consulares créés par cet empereur [CONSULARIS. Marc-Aurèle les remplaça entre 161 et 163 par les juridici, dont on ignore le nombre et les circonscriptions. Home et la région urbaine [DIORCESISJ étaient toujours réservées aux préteurs. On trouve dans la compétence des juridici les fidéicommis, la dation de tuteurs, le règlement de questions sur le recrutement des curies municipales'. Ils ont donc déjà presque les attributions des gouverneurs [JUnnncis[ 3. 6° La justice administrative prend sous l'Empire une grande extension. D'abord la juridiction de la censure passe, après la décadence et la disparition de cette magistrature, aux consuls, aux préteurs, aux préfets de la ville, aux préfets des vigiles ° et aux différents curatores operum publicorum, aquarumt, viaruni, alvei Tiberis 10 Quant aux affaires fiscales, sous Auguste et ses successeurs immédiats, les procès entre les particuliers et les publicains continuent à être jugés en Italie par le préteur, dans les provinces par les gouverneurs, mais, au moins depuis Néron, extra ordinem" ; pour les revenus de l'AURARIUII, ce sont les directeurs de ce trésor, les praefecti aerarii Saturni qui jugent, par cognitio, sauf sous Néron qui leur ordonne de donner des récupérateurs 12; pour les procès que provoquent les impôts levés par les agents impériaux, les juges sont en Italie le préteur, ailleurs les gouverneurs 13. Mais Claude établit une innovation importante en faisant donner par un sénatus-consulte la juridiction financière à ses différents procurateurs"; cette réforme est maintenue par ses successeurs; dès lors, dans les provinces sénatoriales, les procurateurs ont la juri 637 JUD diction, mais concurremment, pour certaines branches de revenus, avec les gouverneurs"; dans les provinces impériales, ils ont la juridiction, concurremment avec les gouverneurs, pour les impôts affermés à des publicains, et seuls, surtout après la création des avocats du fisc sous Hadrien, pour les revenus qui provoquent le plus de procès et de controverses juridiques, à savoir les héritages laissés au prince, les produits des confiscations, les bona caduca, les bona vacantia 16. Dans l'Italie, la juridiction fiscale appartient au préteur ", mais surtout pour la plupart desimpôts aupraefecti aerarzi 18; sous Nerva et Trajan, nous trouvons un praetor fiscalis, chargé surtout des procès relatifs à la vicesima hereditatum 19 ; après la disparition rapide de ce magistrat, sa juridiction passe aux procuratores vicesimae ; dès le tue siècle, il est probable que la juridiction du préfet de la ville s'étend dans son domaine aux matières fiscales. Les procurateurs emploient la procédure erra ordinem, n'ont pas la judicis datio pour les affaires purement fiscales, ne peuvent trancher euxmêmes les questions d'État soulevées par un procès fiscal, ni infliger d'amende, mais, sauf ces restrictions souvent violées dans la pratique, exercent la juridiction la plus large et mettent la main sur une partie essentielle de la justice 20 7° La juridiction municipale a été réduite, probablement par des lois d'Auguste 21, aux limites que nous trouvons dans les lois de Salpensa et de Malaga et dans les textes de l'époque classique (legis municipales). hn règle générale, les magistrats municipaux, compétents seulement dans le territoire de la cité, n'ont plus ni l'imperium ni la potestas ; ils n'ont que par concession spéciale la legis actio 22 ; la loi de Salpensa leur donne la lutons datio à l'époque de Domitien 27 et Ulpien l'accorde aussi de son temps à tous les magistrats municipaux; mais les textes renferment des contradictions sur ce point" ; on devait sans doute tenir compte de l'importance du patrimoine des pupilles et, dans les cas principaux, ne laisser aux autorités locales que le droit de présenter les tuteurs sous leur propre responsabilité. Les magistrats municipaux ont gardé de la jurisdictio le droit de donner des juges, le droit de coercition par amende et saisie de gage26, mais en s'exposant à l'action pénale privée de la loi Aquilia s'il en résulte un préjudice; ils n'ont ni l'in integrum restitulio, ni l'exécution par saisie du patrimoine, ni le droit d'exiger la caulio danini in fecti 26 ; leur compétence civile est limitée à une somme que les textes n'indiquent pas 27, qui est peut-être la même que précédemment, mais que les parties peuvent élever par accord mutuel"; pour tout le reste, ils n'agissent que par délégation des magistrats romains qui se réservent en outre les causae famosae, les causae liberales et les litiges relatifs à certains services JUD 638 JU1) publics'. Nous ne savons pas exactement où les magistrats municipaux prennent les juges jurés qu'ils peuvent donner. On a conjecturé que c'était sur la liste des décurions2. On discute encore sur le sens de l'inscription de Narbonne qui dit qu'en 11 ap. J.-C. Auguste « judicia plebis decurionibus conjunxit3 » ; peut-être s'agit-il simplement, d'après la conjecture de Mommsen, du droit de choisir les magistrats municipaux, qu'Auguste aurait donné à la plèbe. Ajoutons que la fonction des juges jurés est un munus publicum; le magistrat peut les contraindre par une amende à remplir leurs fonctions ; il y a les mêmes excuses que pour les musera en général [3luxu;s]; la lex Julia privatorum judiciorum accordait, en outre, l'exemption de ce service aux pères de famille qui avaient un certain nombre d'enfants; elle avait fixé à vingt-cinq ans l'àge nécessaire 4; du reste, on peut appliquer aux juges jurés municipaux les mêmes règles qu'aux juges jurés de Rome. 8° Dans les provinces, les villes libres conservent en principe leur juridiction jusqu'à l'époque où elles sont soumises au droit commun ; mais de bonne heure, leurs habitants, surtout dans les pays grecs, portent leurs procès plutôt devant le gouverneur que devant leurs tribunaux' le gouverneur peut empiéter sur les tribunaux locaux, surtout en matière de justice administrative, à l'égard des associations °; il faut tenir compte aussi des rescrits impériaux' et de l'établissement de l'appel des sentences des magistrats locaux à l'empereur ou au gouverneur 8. Abstraction faite de cette juridiction des villes libres, de la juridiction municipale dans les autres villes, et de la juridiction fiscale des procurateurs, le gouverneur de la pros Ince exerce la juridiction de la manière la plus complète et la plus large, quel que soit son titre, qu'il soit proconsul ou propréteur dans les provinces sénatoriales, legatus Augusti pro praelore dans les provinces impériales ou simplement procurateur avec les fonctions de gouverneur dans les petites provinces équestres. Il porte le nom générique de PRACSES9; il a dans sa province l'iinperium au civil et au criminel; il réunit toutes les branches de juridiction qui sont partagées à Rome entre les différents magistrats f0; à partir de Claude, il a même le jugement des fidéicommis". Il peut déléguer passagèrement sa juridiction soit à un particulier, soit plus généralement à son questeur et à ses légats12, mais avec des pouvoirs limités; ces délégués ne peuvent déléguer leur juridiction ; il n'y a pas, en ce cas, d'appel de leurs sentences au gomerneur, puisqu'ils sont ses représentants 13; cependant il faut mettre à part les légats des proconsuls sénatoriaux qui ont chacun des districts déterminés (dioeceses), à qui le gouverneur ne peut reprendre sa délégation qu'avec l'assentiment de l'empereur, qui ont presque tous les pouvoirs, même la tutoris datio, et qui foraient une véritable instance avec appel au gouverneur 14. En outre, depuis Iladrien, et surtout depuis les Auto nins, certaines provinces impériales ont, outre le gouverneur, des legati Augusti juridici, qui ont la juridiction, chacun dans un district, et de la sentence desquels on appelle non à leur chef immédiat, mais à l'empereur luimême [Junmoicus] 1°. La province est toujours divisée en conventus; le gouverneur juge, comme on va le voir, soit extra ordinem, par cognitio, soit en donnant des juges jurés qu'il choisit, comme précédemment, parmi les principaux citoyens romains du conventus.] La distinctiôn du procès en deux instances, l'une préparatoire, in jure, devant le magistrat, et l'autre in judicio devant le juge, est en pleine vigueur à l'époque classique et subsiste au moins jusqu'à l'époque des Sévères [3umCIARIAE LECES] 1'. Ajoutons ici quelques renseignements sur les juges jurés. Étaient incapables pour raisons naturelles les sourds, les muets, les personnes atteintes de démence permanente, mais non les aveugles, les mineurs non acceptés des parties et du magistrat, et les mineurs qui n'ont pas la puberté pleine, c'est-à-dire dix-huit ans accomplis ; en vertu de la coutume (moribus), les femmes et les esclaves l' ; enfin, en vertu des lois, les infâmes et ceux qui étaient exclus du sénat ou de la curie13. Ces prescriptions s'appliquaient même au choix d'un juge extraordinaire. Un juge pouvait alléguer, comme excuse, son amitié ou son inimitié avec l'une des parties13. Dans cette période, le magistrat pouvait donner des recuperatores, aussi bien que des arbitri, même pour les causes entre citoyens romains, quand elles exigeaient une certaine célérité 20. On conservait toutefois de préférence le nom de recuperalores aux juges inscrits en province sur les listes des juges par le gouverneur [nacut'ERATORES]. Quand il n'y avait pas judicium recuperalorium, mais simple judicium, les parties pouvaient se mettre d'accord sur le choix d'un juge (sumere judccem, arbitrum) ; sinon, le demandeur proposait un juge ( judicem ferre adversario), le défendeur pouvait le récuser sous la foi du serment (sibi iniquum ejurare) ou motiver sa récusation 21. [Le demandeur en présentait alors un autre : le défendeur pouvait-il le récuser de nouveau? jusqu'à quel nombre de juges s'exerçait son droit de récusation? nous ne savons pas exactement ; peut-être passait-on outre à son opposition et s'exposait-il à être condamné comme indefensus22. Si le demandeur ne proposait pas de juge, le magistrat avait peut-être le droit d'en tirer un au sort, en laissant les deux parties exercer leur droit de récusation23. Les parties pouvaient-elles prendre an juge en dehors des listes officielles? On l'a quelquefois soutenu, mais sans preuves suffisantes 24.] Le juge n'avait pas besoin d'être présent, comme les récupérateurs, au moment de sa nomination (addictio), ni de consentir à son élection, comme l'arbitre volontaire choisi par compromis 26; il devait prêter serment d'observer la loi et de remplir fidèlement son devoir de juge21; il était tenu de ne pas JUD 639 JUD s'écarter des termes de la formule, de respecter les règles du droit civil' ; un jugement qui les violait ouvertement était nul de plein droit, comme un jugement vénal" ; le juge était alors responsable pécuniairement de son délit ou quasi-délit (litem suant facit), si le demandeur avait éprouvé quelque dommage et ne se trouvait plus à temps de renouveler sa demande 3 La durée de l'instance avait été limitée à dix-huit mois par la loi Julia de judiciis privatis, si le judiciu7n était, legitimum ; dans le cas contraire, elle était périmée par la cessation de l'imperium du magistrat qui avait délivré la formule ; le pouvoir du juge finissait dans les cas habituels par la prononciation de la sentence, autrement par sa mort, sa révocation ou son remplacement. Pendant le haut-Empire, le nombre des affaires résolues extra ordinem, c'est-à-dire par les magistrats supérieurs, sans renvoi devant un juge, sans délivrance de formule, se multiplia considérablement. On accrut de différentes manières le domaine de la cognitio extraordinaria, qui comprenait déjà, comme on l'a vu, au sens large, certaines procédures spéciales, telles que les interdits, les stipulations prétoriennes, les envois en possession, l'in integrum restilutio. Ainsi, rlon seulement la matière des fidéicommis appartint aux consuls, puis à un préteur spécial, mais le magistrat statua sur les questions d'honoraires, là oit il n'y avait pas louage de services (locatio operarum), notamment pour les avocats, les médecins, les professeurs', sur les questions d'État, comme la liberalis causa 3. En principe, d'ailleurs, aucune loi n'obligeait absolument le magistrat à nommer un juge, plutôt qu'à juger lui-même'. 11 pouvait donc, quand il ne s'agissait pas d'une dette d'argent, mais d'une voie de droit immédiate, dans les cas analogues à ceux où il s'agit chez nous de référés, prendre des décisions par voie de cognitio, par exemple en matière de puissance paternelle, ou de tutelle, ou de lésion de mineurs, ou d'excès, ou d'injures' (car dans les affaires correctionnelles il n'était même pas nécessaire de procéder en forme, pro tribunali)', de même en matière provisoire et d'urgence'. Dans les questions préparatoires oit préalables, un examen sommaire (sumntatim cognoscere) était même suffisant ". Dans les provinces, le gouverneur obtint de bonne heure le pouvoir discrétionnaire de décider lui-même d'une affaire ou d'en renvoyer la connaissance à un juge ou à des récupérateurs. C'est admis en particulier sous Iladrien pour les affaires renvoyées au gouverneur par l'empereur ". On a vu que l'empereur et les magistrats impériaux employaient tous la cognitio extraordinaria. Elle était également la seule usitée dans la procédure d'appel1". Elle fut favorisée d'autre part par la disparition du jury en matière criminelle dans le courant du 111e siècle. Elle fit passer quelque chose de son caractère et de ses allures, soit dans le fond du droit", soit surtout dans la procédure ordinaire, comme par exemple pour l'exécution forcée en nature, dans les actions arbitraires oit il y a jussion du juge, admise à la fin de la période classique, contrairement à l'esprit de la procédure formulaire ". Remarquons bien que la procédure extraordinaire n'excluait nullement pour le magistrat le droit de nommer des arbitres pour régler quelques points particuliers avant de rendre sa sentence, soit même après la décision principale pour procéder à une liquidation '3. Dans ce système, la Ulis contestalio proprement (lite a disparu ; l'exposé de l'affaire en tient lieu; le magistrat entend les preuves et les débats, et prononce la sentence sans être assujetti aux restrictions de temps établies pour les judicia ordinaria 10 On a un exemple de cette procédure dans l'affaire dite des foulons (lis fullonum) de ap. J.-C. i7. [Il nefaut confondre ni avec les juges jurés proprement dits (judex, arbiter), ni avec les arbitres par compromis, une troisième classe d'arbitres '$ que le magistrat pouvait choisir, pour éclaircir certains points du procès, à sa guise, en dehors des listes officielles des juges et sans leur donner de formule. On les trouve par exemple dans les stipulations prétoriennes pour vittrifier les cautions, dans la tnissio in botta pour vendre les objets susceptibles de détérioration 13. Le magistrat pouvait les utiliser aussi bien dans les instances ordinaires que dans les instances extraordinaires20. Il pouvait même donner un arbitre de ce genre sur la demande des parties, pour remplacer la procédure ordinaire 21 ; l'appel de ces arbitres était de droit, puisque c'étaient de simples commissaires 72. D'autre part, dans la procédure extraordinaire, le magistrat pouvait, au lieu de juger lui-même, nommer un commissaire délégué, qui portait souvent, comme le vrai juge juré, dont il n'est pas toujours facile de le distinguer, le titre de judex datas. On a vu l'empereur et le consul se nommer de ces délégués ; les autres magistrats et les fonctionnaires impériaux pouvaient également leur confier des jugements". Dans quelques textes interpolés à l'époque de Justinien, les mots judex pedaneus paraissent aussi désigner des juges de cette catégorie", ainsi que les mots judex specialis n. On pouvait évidemment en appeler de ces délégués aux magistrats 2G. lls n'avaient pas le droit de se donner eux-mêmes de délégués, sauf peut-être quand ils représentaient l'empereur". Pour le lieu et le temps de la juridiction, indiquons simplement les traits principaux, en rem oyant, l'étude des détails de la procédure à l'article onno JumcioxuM. A Rome, la justice se rendit d'abord sur le forum, au lieu appelé comitium78. Les magistrats supérieurs siégeaient sur une chaise curule (sella candis , placée sur une plate-forme (tribunal) et pliante et transportable; ils étaient entourés d'abord de leur conseil, plus tard des assesseurs; au contraire, les judices siégeaient sur de simples escabeaux s (subseltia) ; l'usage s'établit sous Auguste de rendre la justice dans les bâtiments appelés basiliques BASILICA 30; plus tard, on créa de véritables salles d'audience (auditoria, tabularia)31. Le magistrat exerçait sa juridiction contentieuse in jure en prenant l'avis de son conseil ASSESSOIIES, coxsmLluu] ; mais dans les cas où il pouvait statuer sans JUD .IUD causee cognitio, sans véritable décret, il faisait certains actes, par exemple des interlocztliones, en dehors de son tribunal, de plana', mais toujours en public; il agissait de même pour les actes de juridiction gracieuse 2. Les magistrats municipaux avaient aussi un tribunal sur le forum ou dans une basilique, et même leur chaise curule 3. Les gouverneurs de provinces siégeaient également sur un tribunal au forum, sauf quand ils parcouraient les districts d'assises, les conventus4. A Rome, le temps de l'année ouvert aux débats judiciaires se nommait actus renon (cun m'es aguntur)3. Nous renvoyons pour les détails aux mots FASTI et mus. On affectait spécialement à la juridiction, dans l'origine, les jours fastes, au nombre de 10 environ 6 ; les actes de juridiction étaient interdits pendant les jours néfastes ; il y avait en outre des dies intercisi et des dies nefasti priores, de nature mixte, pendant une partie desquels on pouvait agir 7 ; enfin on comptait environ cent quatre-vingt-dix jours comitiales, où, à défaut de comices, il était permis de faire des actes de juridiction S. Ils étaient interdits pendant les jours festi qui excluaient mème la procédure in judicio 3. Les fêtes des moissons et des vendanges, avec les jeux qu'elles comportaient au printemps et en automne, divisaient le rerum actus en un semestre d'été et un semestre d'hiver '9. Sous l'Empire, Auguste rendit trente jours à la juridiction"; Claude réunit en un seul temps les deux fractions du rerum actus, d'une manière qu'on ne peut préciser 12. Marc Aurèle fit assigner aux affaires par un sénatus-consulte deux cent trente jours, dits dies judiciarii" : pendant les feriae ou dies feriati, on ne pouvait, sauf les cas d'urgence, procéder sans l'assentiment des parties à aucun acte judiciaire et cela sous peine de nullité et non plus seulement d'une expiation à faire comme autrefois''. Du reste, une partie des jours judiciaires était réservée par l'usage ou les règlements à certaines classes d'affaires ; dans d'autres, chacun avait libre accès auprès du magistrat in jure (libere adeundi facultas ' D'après la loi des Douze Tables, les débats devaient commencer avant midi et finir avant le coucher du soleil". La loi Plaetoria avait permis au préteur de fixer une heure plus rapprochée pour la clôture " ; plus tard, on prit le temps compris entre la deuxième et la dixième heure du jour, c'est-à-dire entre huit heures du matin et quatre heures du soir". Au début de chaque actus rerum ou du conventus, le magistrat convoquait les juges jurés et leur assignait probablement les causes, par la voie du sort ( judices sortiri), de façon à répartir celles qui étaient annoncées jusqu'au trentième jour auparavant entre les juges capables 19, à moins qu'il n'y eùt, comme on l'a vu, accord entre les parties pour le choix des juges. Ensuite on tirait au sort l'ordre de priorité entre les diverses demandes (ordo dierum) ; mais on pou vaut donner des récupérateurs pour affaire urgente à n'importe quel jour 29. Cet ordre de classement ne s'appliquait pas à la juridiction gracieuse; ainsi à Rome le conseil du préteur, pour les affranchissements, formé de cinq sénateurs et de cinq chevaliers, siégeait en tout temps, et les vingt récupérateurs romains, conseillers du gouverneur de province, le dernier jour du conrentus 2'. [Le magistrat fixait également à sa guise la date des cognitiones extraordinariae 22]; étant jugées hors série (extra ordineln), elles constituaient les judicia extraordinoria, par opposition aux judicia ordinaria qui comprenaient les foreuses actiones, les forensia negolia 23 [La principale innovation introduite dans la procédure civile par l'Empire fut, comme on l'a déjà vu, l'appel. C'était un principe nouveau qui découlait de la nouvelle hiérarchie des pouvoirs publics et qui fut établi par Auguste. Il y eut une échelle d'appels depuis le magistrat municipal jusqu'à l'empereur Nous en avons déjà vu les différents degrés. Il ne nous reste qu'à exposer les principales règles de l'appel. On peut toujours en appeler du mandataire au mandant. L'appel peut être opposé aux décrets des sénats municipaux 2à tous les actes de juridiction en matière civile ou administrative à la multae dictio des magistrats, à la dation de tuteurs 26, à toute décision prise au cours d'un procès, à la sentence défini tiveV7. I1 est interdit contre certaines dispositions prises en vertu de l'édit, ou qui ne souffrent pas de délai 98, à la partie qui y a renoncé d'avance 22, aux contumaces 30, quand il n'y a pas la somme nécessaire pour l'appel (summa appellabilis) 31 ; il peut être interjeté mème par des tiers intéressés à l'affaire, par des mandataires et en général par tous les représentants, alieno nomine 32. Il n'est pas nécessaire contre les sentences nulles, mais cependant il peut être admis 33. Nous renvoyons à l'article APPELLATIO pour la procédure de l'appel. Il y a un point très controversé: y avait-il appel de la sentence des juges jurés? Les auteurs qui le nient 3' croient que les textes oit on voit généralement la possibilité de cet appel s'appliquent non pas aux vrais juges jurés, mais aux juges délégués que nous avons vus, aux judices dati de la deuxième catégorie. Mommsen s'appuie surtout, pour le nier 3S, sur un texte du jurisconsulte Paul qui admet l'appel contre la mulla des magistrats, mais pas contre la poena prononcée par le juré ; on a proposé beaucoup d'interprétations de ce texte obscur ; en tout cas, il ne saurait prévaloir contre les nombreux textes qui proclament la possibilité de l'appel" et dont le plus probant est un texte de Gaius qui permet l'appel à la fois des juges délégués (arbitri) et des juges jurés (judices) 37 Rien n'a plus contribué que cet appel à ruiner le jury civil, en supprimant ainsi la différence qu'il y avait entre le vrai judex et le juge délégué.] JUD G1 JUD IV. Période du Bas-Empire. Au début de cette période, la distinction entre l'instance in jure devant le magistrat et l'instance in judicio devant le juge juré disparaît et la procédure formulaire fait place définitivement à la procédure extraordinaire (judicia extraordinaiia). C'est en 29l que Dioclétien et Maximien rendirent la célèbre constitution qui supprimait en principe dans les provinces la datio judicis, qui était d'ailleurs tombée presque entièrement en désuétude dans la pratique'. Les gouverneurs devaient continuer à juger seuls les affaires qu'ils avaient coutume de juger auparavant de cette manière (ex o fficio cognoscere), en particulier les questions d'ingénuité et celles concernant l'état des affranchis; ils ne devaient renvoyer les autres affaires, moins importantes, aux juges pédanés (judices pedanei) que quand la nécessité de leurs fonctions ou le nombre des affaires les y contraindraient Ces juges pédanés étaient les juges délégués qu'on a déjà vus 2. D'abord simples particuliers, ils finirent par devenir des personnages officiels 3 ; on les choisit parmi les membres du collège des avocats d'une cité'; Zénon en attacha un certain nombre à chaque prétoire 3. Justinien créa un collège permanent de judices de ce genre à Constantinople et fixa leur compétence à 300 solidi Sous ce nouveau régime, l'instance ne comprend qu'une partie, aussi bien devant le délégué du magistrat que devant le magistrat; les effets attachés autrefois à la litis contestatio sont rapportés à l'exposition de l'affaire devant le magistrat; c'est (levant lui que va l'appel contre la sentence du juge pédané Les magistrats supérieurs s'appellent ordinairement judices, judices ordinarii, par opposition soit avec les fonctionnaires militaires ou fiscaux, soit avec les magistrats inférieurs ou municipaux qui prennent le titre de magistratus ou magistratus minores ou humiliores 8. Le pouvoir militaire des commandants, daces, est en général séparé du pouvoir civil et judiciaire. L'empereur reste le chef souverain de la justice et le juge suprême. Un particulier peut s'adresser directement à lui par requête (supplicatio) ° ; un magistrat a aussi la faculté de le consulter avant de rendre son jugement (relatio, consultatio ante sententiam)10. Enfin il est permis d'en appeler au prince contre le jugement d'un magistrat (appellatio, consultatio post sentenliam). Dans le premier cas, l'empereur renvoie l'affaire au gouverneur par un rescrit qui doit être signifié au défendeur ; mais la demande présentée à l'empereur vaut litis contestatio et les actions temporaires sont ainsi perpétuées 11 ; quelquefois, cependant, l'empereur statue directement lui-même sur l'affaire par un décret (decreto) ; parfois il donne un juge délégué". Dans le second cas, il répond à la demande du magistrat par un rescrit qui résout la question de droit, en supposant exacts les faits énoncés dans la relatio. Enfin, dans le troisième cas, l'empereur décide, rarement lui-même [coxslsTOluuu PRDCUPls], généralement par V le moyen des juges d'appel, institués à sa place, vice sacra, pour:statuer en dernier ressort". [Les illustres viri, les préfets du prétoire, reçoivent les appels des gouverneurs de leurs ressorts ; il en est de même des spectabiles viri, qui sont les vicaires et les comtes des provinces, desquels il ne subsiste plus après Constantin que le cornes Orientis. Les trois proconsuls d'Afrique, d'Achaïe et d'Asie jugent aussi les appels chacun dans leur province, et, en outre, le premier dans toutes lesprovinces d'Afrique ; mais Valentinien III délègue en 4391es appels de l'Afrique au préfet de Rome". Le préfet de Roule reçoit les appels des magistrats urbains, préteur, préfet de l'annone, préfet des vigiles, rationalis urbis et quelquefois du vicariusurbis 16 ; le préfet de Constantinople, dès son institution en 353, exerce une juridiction analogue en Orient 16 ; le vicaire du préfet de Rome, le vicarius urbis, est aussi juge d'appel 14. Mais la circonscription d'appel du préfet de ]tome a beaucoup varié; c'est tantôt toute l'Italie et même quelques provinces extérieures, tantôt seulement Rome et le territoire environnant jusqu'à cent milles de Rome 18. Il y a appel à l'empereur des vicàires, des comtes, des proconsuls, en un mot des judices spectabiles 19, des ducs et des magistri minium, et aussi en règle générale des préfets de Rome et de Constantinople 20. En Orient, Théodose II délégua les appels des judices spectabiles au préfet du prétoire d'Orient et au quaestor sacri palalii et cela fut maintenu par Justinien 21 ; le préfet du prétoire juge seul en dernier ressort depuis Constantin22 ; mais on peut demander à l'empereur, une seule fois, la rétractation de sa sentence par la voie de la supplicatio 23 ; Théodose Il décida que cette sorte d'appel ne serait permise que dans les deux ans qui suivraient le départ du préfet du prétoire dont la sentence était attaquée; dans tous les cas l'instance d'appel a lieu devant le nouveau préfet du prétoire 21; cependant, sous Justinien elle put avoir lieu devant le même personnage, redevenu préfet, mais il devait alors s'adjoindre le quaestor sacri palatii 23]. Les magistrats de Rome sont le préfet de la ville [PRAli1'ECIUS URBI], le viCABlus uums, le préfet des vigiles ASNONAE]. Les préteurs n'ont guère gardé, outre leur juridiction gracieuse en matière d'affranchissement, d'émancipation et de tutelle, que la connaissance des procès de liberté et la restitutio in integrum 26 [A Constantinople, Constantin avait créé deux préteurs, l'un le praetor Constantinianus, qui était sans doute le juge des tutelles, l'autre qui avait peut-être surtout la juridiction gracieuse 27 ; plus tard, il y eut un nombre variable de préteurs qui paraissent avoir à peu près les mêmes attributions qu'à Rome 28 ; jusqu'à la création du préfet de Constantinople en 359, la juridiction civile appartint peut-être à ces magistrats municipaux qui portent le titre de proconsules 29] Dans les provinces, le gouverneur est le judex ordi 81 JUD 612 JUD narius ; il juge même les sénateurs qui résident sur son territoire ; il n'y a plus de conventus, quoique le gouverneur doive parcourir sa province pour la police ; il tient des audiences régulières dans le prétoire de sa métro pole 1. A côté des juridictions de droit commun, il y a des juridictions spéciales; pour les litiges fiscaux, il y a le tribunal du rationalis rei privatae avec appel au cornes rei privatae HES PRIVATA] et celui du rationalis sacrarum largitionum avec appel au cornes sacrarum largitionum Les chefs militaires judices niilitares), dux, cornes, magister minium, sont juges des affaires civiles des militaires, avec appel à l'empereur ou à ses délégués. Le magister officiorum a la juridiction sur presque tout le personnel de la cour3. Les évêques peuvent juger aussi d'abord comme arbitres volontaires des particuliers en vertu d'un compromis et sans appel, plus tard comme juges ordinaires des ecclésiastiques en matière civile 4 [EPIS [Enfin, dans la décadence du Bas-Empire, les grands propriétaires commencent à exercer illégalement sur les cultivateurs de leurs domaines, colons et autres, une véritable juridiction, tant au civil qu'au criminel et Justinien la reconnaît presque formellement 6]. Les juridictions municipales sont celles des anciens magistrats municipaux et des nouveaux defensores civilatum. Les magistrats municipaux continuent à constater les actes juridiques [ACTA], jugent les affaires de minime importance 7 jusqu'à une certaine somme que nous ne connaissons pas, mais qui peut être élevée par accord des parties"; ils n'ont la legis actio que dans certaines villes, ne donnent de tuteurs que pour les fortunes de peu d'importance, et encore jusqu'à Justinien, par délégation du gouverneur ° ; ils n'ont ni la missio in possessionem, ni l'in integrum restitutio10 . Pour les defensores civitatum, nous renvoyons à l'article DEFENSOR CIVITATIS. A côté des juges permanents, il y a les juges délégués chargés d'examiner et de trancher un seul procès. On peut les ranger en deux groupes principaux ; il y a d'une part les commissaires nommés par l'empereur ex praerogativa rescripti, ex delegato, à sa guise et qui peuvent déléguer leurs pouvoirs il D'autre part, il y a les délégués des magistrats, choisis soit parmi d'autres magistrats inférieurs, soit parmi les simples particuliers, soit parmi les magistrats municipaux ; on peut faire rentrer dans ce groupe les juges pédanés; ils n'ont (m'un mandat spécial qu'ils ne peuvent déléguer 12. Il n'y a donc plus rien d'analogue à la jurisdictio mandata de la période précédente ; les empereurs défendent expressément aux magis trats de déléguer leurs pouvoirs entiers, surtout de se créer des représentants, des vicarii dans les différentes cités 13. Enfin, en Orient, il y a toujours les arbitres par compromis et les arbitres choisis par les parties et confirmés par le magistrats Pour l'appel, indiquons simplement, en renvoyant à l'article APPELLATIO, quelques changements importants : il comporte dans le droit de Justinien un délai de dix jours 15, il a un effet suspensif ", il est interdit en général contre les simples décisions prises au cours du procès; il ne doit pas y avoir plus de deux appels 17]. En principe, la compétence relative reste déterminée par le forum originis ou domicilii 18, ou par le forum contractus ou solutionis 19, sauf pour quelques personnes privilégiées comme les sénateurs, les soldats, les o fficiales des différents magistrats, les fonctionnaires de la cour, les clercs, et les corporati des deux capitales. En règle générale, le demandeur suit le forum du défendeur 20 ; mais en 38b Valentinien, Théodose II et Arcadius prescrivirent de poursuivre en matière réelle, devant le tribunal de la situation de l'objet". Le consentement des parties ne peut suppléer au défaut absolu de juridiction, ou de compétence d'ordre publie, mais bien au défaut de compétence relative qui n'entraîne pas une nullité irrémédiable22. Jusqu'au milieu du ut siècle ap, J -C., le magistrat juge encore publiquement, au moins les causes les plus importantes, pro tributtali 23 ; mais Valentinien et Valens l'autorisent à juger dans son secrelarium, en laissant cependant entrer le publie"; mais à partir du v° siècle tout se passe dans le secretarium, où ne sont admis que les membres de l'o fficium, les plaideurs et les honorati; c'est par exception seulement qu'on ouvre au public les barrières (cancelli) et qu'on lève les rideaux (vela)25 Les simples décisions sur requête (libellas), rendues oralement (interloculiones) ou par écrit (subscriptiones), et les actes de juridiction gracieuse peuvent avoir lieu en dehors de l'enceinte du tribunal (de piano) 26. Le système de l'année judiciaire et du conventus a disparu; tous les jours sont ouverts aux débats, au moins à partir de Théodose I" qui n'excepte plus que les dimanches et certaines fêtes soit civiles soit chrétiennes, en tout de soixante-dix à quatre-vingt jours environ 27. [Constantin fixe la durée des procès civils à deux ans, des procès fiscaux à un an ; la durée de ces derniers fut plus tard réduite à six mois 28. Justinien étend la durée des procès civils à trois ans 29]. Pour les frais de justice, nous renvoyons à l'article SPORTULAE, et pour la rédaction de la procédure aux articles ACTA et oBDo JUD G