Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article KYBERNESIA

HYIIERXESIA (Ku~erv~cta). Fête des pilotes; fête athénienne, instituée par Thésée en l'honneur de ses pilotes, Nausithoos et Phceax, qui l'avaient accompagné en Crète. Elle se célébrait, nous dit Plutarque, à Phalère, près du sanctuaire du héros Salaminien Skiros, c'està-dire dans le téménos d'Athéna Skiras. Les (30)11o1 7r~xw, que Pausanias signale en cet endroit, sont peut-être les autels des deux pilotes'. Aug. Mommsen suppose que la fête avait lieu, comme les THESEIA, au mois Pyanepsion, peut-être le 7 de ce mois ; mais ce n'est qu'une hypothèse 1;YXOPHi LOI (Ku).,?a),ot)'. Nom d'une tribu de Corinthe'. C'est sans raison qu'on a quelquefois soutenu que ce mot désignait des serfs de la glèbe. Cu. LccilvAlN. IIYi OPIIONTIS (Kuvôcpovrtç, s. e. éopT~). Fête du massacre des chiens, à Argos, ainsi nommée parce qu'on y tuait les chiens errants. Cette fête se confond avec une autre, déjà étudiée à l'article ARNIS'. L. CODE. IiYPSLLÉ (Ku'Larl). Ce mot est pris dans des acceptions diverses, mais qui, toutes, dérivent du sens général de boite ou de récipient. C'est un synonyme d'ARCA et de )A.pvxz quand il désigne un grand coffre, faisant office d'armoire ou de huche. C'est dans une xu'! E s que fut caché tout enfant le tyran de Corinthe, père de Périandre, qui reçut de cette aventure le surnom de Cypsélos'. On a vu plus haut (fig. 4153, 14514) le héros Persée enfermé ave sa mère Danaé dans une caisse de ce genre. C'est aussi une ruche d'abeilles, en jonc tressée. C'est un vase de table, renfermant les condiments, ü3uaNxr 3, ou bien la boîte qui contenait la série des petites bouteilles à condiments comparable à l'alabastrotllèque (fig. 207, 208). Enfin on donnait encore ce nom à un récipient ou mesure de capacité pour le blé et les céréales à une partie de la cheminée, etc. 6. En médecine, il désignait la cavité intérieure et même les sécrétions de l'oreille 7. E. POTTIER. RYRIsNI;. I. La légende. La déesse éponyme de Kyréné' était une nymphe thessalienne, fille du roi des Lapilhes Ilypseus, petite-fille du fleuve Pénée et de Créonsa, née de l'Océan et de la Terre. Vivant en chasseresse dans les forêts du Pinde, un jour elle terrassa un lion. Apollon la vit, l'aima, l'emmena en Libye. Elle y mit au monde un fils, Aristée 2. Telle est la légende rapportée par Pindare 3. Phérécyde de Scyros ajoutait que la nymphe avait été transportée par des cygnes in xuxvoiv o/-r,8zcax Cette première version de la légende avait été déjà consignée dans une hésiodique 6, probablement postérieure à la fondation de la ville de Cyrène (630) 6. C'est la version thessalienne. Une version représentée par des documents plus récents, en particulier par l'hymne à Apollon de Callimaque 7, faisait de la Cyrénaïque même le théâtre des exploits de Kyréné. Portée en Libye par Apollon, elle y tua un lion qui décimait les troupeaux d'Eurypylos, fils de Poseidon 6. M. Studniczka croit pouvoir dater avec sûreté l'origine de cette légende (aux environs de 247)9. Nous la croyons pour nous contemporaine de la localisation du culte de Kyréné en Cyrénaïque. L'évhémériste Mnaséas avait corrigé les incohérences de la version de Callimaque en supprimant l'enlèvement; Kyréné serait venue librement en Libye et Apollon l'y aurait connue 1D. Nous avons conservé la trace d'une troisième version, celle-ci crétoise. Apollon, suivant un fragment des Libylur d'Agroitas, s'était arrêté en Crète avant d'atteindre la Libye avec Kyréné 11. Cette légende fait songer aux rapports étroits qui unissaient la Crète et la Cyrénaïque. L'unité politique des deux pays réalisée dans l'empire romain est l'expression de leurs relations nécessaires'' En remontant plus haut, on trouve que la deuxième des trois N.oipat entre lesquelles le réformateur, Démonax de Mantinée, répartit les Cyrénéens, était formée de Péloponnésiens et de Crétois i3. L'histoire légendaire de la fondation de Cyrène tenait compte de la part effective qu'ils avaient dû y prendre. Un pêcheur crétois, Korobios d'Itanos, avait guidélapremière expédition des Théréens 14. Battos, le fondateur, était, suivant une tradition 's, le fils d'une Crétoise, Phronimé, qui, comme le fait remarquer très justement M. Studniczka16, était une sorte de Britomartis : jetée à la mer sur l'ordre de son père, le roi Etéarchos d'Axos, le marchand théréen, Thémison, chargé de l'exécution, l'avait attachée avec des cordes et sauvée. Une autre variante importante, mentionnée seulement par Servius ", admet qu'Apollon s'était uni à KYR 874 KYR Kyréné trans figuratus in lupum. Kyréné serait-elle donc en rapport avec le dieu arcadien Lykaios ? Peut-être. Zeus Lykaios avait un• autel à Cyrène et son image, qui paraît quelquefois sur les monnaies de cette ville 2, a été reconnue encore sur une coupe cyrénéenne 3. D'autres variantes sont accidentelles ou littéraires. On se demandait, par exemple, si le père de Kyréné était Ilypseus ou le Pénée 1. En tous cas, Virgile faisait résider à la source de ce fleuve la mère d'Aristée 5. Dans Justin 6, les trois surnoms d'Aristée, Agreus, Nolidos et Autouhos, avaient donné naissance à trois nouveaux fils de Kyréné. Enfin les évhéméristes avaient mêlé le mythe de l'enlèvement à l'histoire de la coloni sation 7. II. Monuments figures.Le nombre en étant restreint, il est nécessaire de les énumérer : 1° Un bas-relief de marbre (British Museum) du sanctuaire d'Aphrodite à Cyrène (fig. 4308) 3, montre la déesse étranglant le lion ; une femme debout, la Libye, la couronne 3. 92 Un petit groupe en ronde-bosse (British Museum) : Kyréné étranglant le lion 10 ; il provient du sanctuaire d'Apollon. Ces deux monuments sont d'époque romaine. 3° Un fragment de bas-relief archaïque ", trouvé à Olympie. Même sujet S2. II faisait partie de la décoration du trésor des Cyrénéens, le plus petit et probablement le plus ancien d'Olympie. Le fond du bas-relief est peint en bleu, le vêtement porte des traces de rouge. 4° Un fragment de groupe décoratif, représentant une figure debout sur un lion, venant de Cyrène (Musée du Louvre). M. Studniczka l'a négligé ; M. S. Reinach y a reconnu Kyréné 13. h° Une gemme du musée de l'Ermitage qui figure l'enlèvement sur un char attelé de cygnes 1/v 6° Une statuette de marbre", trouvée à Cyrène dans le sanctuaire que l'on attribue à la déesse 16. 7° Un fragment de la tête de la statue colossale du même sanctuaire ". 8° La coupe de Naucratis (fig. 4309)13 oit M. Studniczka a reconnu une figure de Kyréné tenant le silphium. 9° Des monnaies de Cyrène, signalées par les anciens10, au type de la déesse présentant le silphium (fig. 4310) 20. Enfin Pausanias 21 signale à Delphes un important anathème des Cyrénéens : il représentait Kyréné conduisant Battos, fondateur de Cyrène, sur un char. IIl. Mâture de la déesse. -Ces derniers monuments nous montrent dans Kyréné particulièrement la déesse du si/pllium, dont elle gratifia les Battiades 22 qui en avaient le monopole à Cyrène 23. Déesse poliade, protectrice de la famille du fondateur, c'est d'elle que la ville tient la principale source de sa richesse 2' D'une façon plus générale, elle est une divinité de la fécondité végétale'°. On plaçait dans la Cyrénaïque le jardin des Hespérides 26. Les légendes du pays admettaient cette localisation 27. La coupe de Naucratis montre, à côté de la déesse, une branche de pommier et une tige de silphium, rapprochement consacré par la tradition 28. La Némésis de Rhamnus, que M. Studniczka compare à Kyréné, tenait à la main un xazôov u.r,?,éxç29. Comme cette déesse, et comme l'Artémis Persique [RIASA, p. 443130, Kyréné était également une sorte de Ticl,r . Oriccte ; elle appartenait à cette classe de divinités que les monuments représentent, ailées ou sans ailes, tenant par le cou ou par la patte un ou deux animaux, suivant que la figure est ou n'est pas symétrique, lions, oiseaux ou cerfs 31. M. Studniczka, qui d'ailleurs est revenu sur cette opinion, a cru pouvoir expliquer le 7i xdrvw ô-r,Otic de Phérécyde comme .l'interprétation d'une figure, où la déesse aurait été représentée avec deux oiseaux battant des ailes 32 Kyréné la chasseresse, déesse de la vie végétale et animale, est aussi un avatar d'Artémis comme Atalante ou Callisto. La légende de ses amours prend place dans l'histoire des amours du dieu Soleilavec la déesse Lune [LUxA] 33 C'est encore une déesse des eaux que Virgile fait résider avec les nymphes aquatiques à la source du Pénée. A Cyrène elle était la déesse de la source 31, ou plutôt KYR -875-IiYR du ruisseau qui sortait de la source dont le vrai nom semble avoir été'A77da),cuvoç xpxva'. Selon M. Studniczka =, Kyré serait une forme abrégée de Kyréné, comme Jlessa de Messène, .llkime de Alkntène. L'étymologie du nom de Kyréné complète la description de son caractère. On l'a rapproché de Koré 3, li orônis 4. Il se rattache probablement à la racine qui a donné Kyréné, comme Kréousa, est une déesse reine, une Artémis est fille du dieu céleste,comme Artémis ; car Ilypseus, son père, est la personnification d'une épithète jointe fréquemment au nom de Zeus'. Comme Artémis 8, elle est en relation avec le inonde souterrain : Eurypylos, le roi de Libye, dont elle sauve les troupeaux, est désigné par son nom même comme une sorte d'Iladès 9 Enfin, le nom de sa soeur Thémisto, spécialisation mythique de sa divinité vague, rappelle la parenté des déesses lunaires avec Thémis, Dikè et la vierge céleste à la Balance ". IV. Le culte. Un regard jeté en arrière sur le mythe de Kyréné nous montre qu'il se compose de deux épisodes essentiels, une théomachie et une hiérogamie. Le mythe du combat de Kyréné avec le lion n'est pas, à mon avis, inspiré par les attributs de la 7cdrvta 07fpwv, comme parait le penser M. Studniczka. Il rentre dans la série nombreuse des combats de dieux, de héros ou de saints contre des monstres, épisodes qui tiennent une place importante et qui ont probablement leur origine dans le rituel des cultes agraires (origine commémorative des fètes, procession d'effigies, chants liturgiques) "Al est à croire, selon nous, que la victoire de Kyréné sur le lion d'une part et de l'autre son union avec Apollon étaient représentées ou commémo rées dans les fêtes périodiques. Mais ce ne sont là que des hypothèses. Nous n'avons point de traces effectives du culte de Kyréné. Elle avait été détrônée par Artémis. Une inscription donne d'ailleurs à celle-ci le surnom qui estune des épithètes de Kyréné 13. Le plus grand temple de Cyrène, btîti sur la colline qui avait été sans doute le coeur • de l'ancienne ville, est un temple d'Artémis f4. Sur un monticule voisin, qui est vraisemblablement le Mup'tcôctov oiliToÿ, ott Apollon porta la nymphe ", les ruines d'un édifice plus petit et plus ancien sont sans doute les restes du temple de Kyréné ". La grande fête de Cyrène était celle des 'Aprsp...ta. Le prètre annuel d'Apollon Karnéen y jouait un rôle important. Il offrait un repas à ses prédécesseurs ". Le culte de Kyréné y était également associé à celui d'Apollon Karnéen 1S, dont le temple s'élevait à côté de la source Kyra 19. Il est probable que Iiyréné s'était éclipsée en même temps que les Battiades, dont elle était la protectrice spéciale. En somme, il est hors de doute que Kyréné a été la déesse Poliade de Cyrène. Appartient-elle exclusivement à cette ville ou y a-t-elle été importée? C'est ce qui nous reste à examiner. Sans tenir compte de la déesse cilicienne I:up~zvri, citée par Photius et IIésychius, on peut relever dans la mythologie grecque plusieurs héroïnes KYR 876 KYR du nom de Kyréné 1 : 10 la mère de l'Argonaute Idmon (père, Apollon ou l'Argien Abas) 3 ; mais comme on la nomme encore Astérie, fille de Korônos 3, il peut y avoir eu confusion entre Korônis et Kyréné ; `?° la mère de Diomède le Thrace (père, Arès) 4; 3° la mère de Krestone, éponyme de Kreston (père, Arès) 5. Ajoutons les trois Antikyra qui font supposer autant de Ti yra 6 et peut-être Themiskyra, la ville des Amazones 11emarquons que l'on attribuait aux Pélasges de Thessalie la fondation de Krestone 8 et qu'Abdéra, à laquelle appartenait la légende de Diomède le Thrace, était une colonie de Téos, laquelle avait été fondée par des Minyens, conduits par Athamas 2, dont l'homonyme et l'ancêtre, Athamas, avait épousé Thémisto, fille d'llypseus et soeur de Kyréné1°. C'est à la souche minyenne des colons de Théra que semble appartenir notre Kyréné, comme ses soeurs thessalo-thraces. Les Euphémides, d'où la maison royale de Cyrène était issue 11, se rattachaient au rameau minyen12. Par contre, c'était à la colonie spartiate qu'appartenait Apollon Karnéos 13. Il est possible que les Minyens, venus à Théra en passant par le Péloponnèse, aient séjourné longtemps en Arcadie, puisque des souvenirs arcadiens tiennent une place dans la légende de Kyréné (voir plus haut la version arcadienne). L'éponyme Arcas avait pour mère une Thémisto 14 Étant donnée cette diffusion du culte de Kyréné, il est étrange que l'île de Théra soit complètement étrangère aux différentes versions de sa légende. Toutefois, les deux noms successifs de l'île (Kalliste et Théra) rappellent ses liens avec le culte d'une divinité voisine d'Artémis comme Kyréné : Kallisto n'est autre que le nom de la déesse arcadienne Kalliste15, et Théra doit être rapproché des Oripat d'Arcadie et du Taygète et de la Kopa; O-fpx de Lébadée. C'est le sanctuaire de la chasseresse '6. Doit-on chercher à Kyréné une parenté phénicienne? D'après Iiérodote 11, Kadmos avait abordé à Kalliste et y avait laissé son parent Membliaros. Par malheur, le nom de Membliaros n'a rien de sémitique. C'est donc en tant que héros béotien que Kadmos se trouve mêlé à l'histoire légendaire de Théra18. Signalons seulement, sans en rien conclure, que lesilphium dontle nom est inexplicable en grec, était indigène en Asie, où il était abondant encore à l'époque de Pline, alors qu'il avait àpeu près disparu de la Cyrénaïque au temps des Ptolémées 20. IIE`RI HUBERT.