Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ALA

ALA. I. Aile de l'armée. Ce terme de la langue militaire des Romains a eu, sous la république, trois significations distinctes. 1° Dans l'armée romaine primitive, exclusivement composée de citoyens, le mot ala désigne les cavaliers placés sur les flancs de la légion pour la protéger'. 2° Lorsqu'un contingent militaire fut imposé aux soc'', les soldats faisant partie de ce contingent furent placés sur les côtés de la légion et reçurent, à cause de cela, le Tram d'alurii, qui s'appliquait à l'infanterie aussi bien qu'à la cavalerie auxiliaire. On trouve dans Tite-Live 2 alarii equites et dans César 3 cohortes alariae. II ne s'agit encore que d'auxiliaires latins ou italiens, 3° César, dans la guerre des Gaules, donna place à des étrangers à côté de ses légionnaires, lesquels n'étaient plus seulement des Romains, mais aussi des Latins et des Italiens. Ces auxiliaires étrangers reçurent également le nom d'alarii, à cause de la place qu'ils occupaient dans le camp ou sur le champ de bataille °. Il y avait donc deux alae dans chaque armée, et elles étaient distinguées l'une de l'autre par un surnom tiré de leur position dans le, camp «da dextre, ala sinistra). Elles gardaient toujours ces surnoms, même quand, à la suite d'un mouvement, elles changeaient de place. Ainsi on lit clans Tite-Live' : dextrae alae sinistra subiit. L'ala de l'armée républicaine se divisait en turmae. Sous l'empire, le mot ala désigna uniquement et expressément la cavalerie auxiliaire recrutée par des engagements volontaires, soit parmi les citoyens romains, soit parmi les habitants non citoyens des provinces. En considérant d'abord le nombre de cavaliers qui constituaient une ale, on est amené à distinguer l'ala milliaria et l'ala quingenaria S. La première comprenait mille hommes. Elle était commandée par un prae fectus et divisée en vingtquatre turmae; en tête de chaque turma était un decurio. On y trouvait aussi un duplicarius et un sesquiplicarius ayant rang d'officiers. Le décurion avait trois chevaux, les autres officiers en avaient chacun deux. L'aile entière comptait donc 1,096 chevaux, sans compter ceux duprae fectus. L'ala quingenaria comprenait cinq cents hommes. Elle était divisée en seize turmae, organisées comme celles de l'ala milliaria. Elle comptait donc 564 chevaux. Ces nombres sont empruntés à Ilygin, qui écrivait sous Trajan, à qui il a dédié son livre de la Castramétation. Les seuls officiers que nomme cet auteur sont le pracfectus, les decuriones, les dt plicarii et les sesquiplicard, parce que ces officiers avaient plusieurs chevaux et qu'il fallait leur réserver dans le camp plus de place cu'aux simples cavaliers. Il faut chercher dans l'épigraphie un complément d'informations en ce qui concerne l'organisation des alae. Les inscriptions qui concernent ces corps de cavalerie nous font seulement connaître, en dehors des officiers que nous avons nommés, un exarebu.s dont le rang n'est pas encore bien déterminé dans la série des grades, et un praepositus a. Ce terme, comme on le sait, ne désigne aucun grade particulier, mais un commandement temporaire exercé par un officier d'un autre corps pendant l'absence ou l'empêchement du commandant ordinaire. Nos renseignements se réduiraient clone à bien peu de chose si l'on ne rencontrait pas, dans les monuments relatifs aux EQUITES SINGULARES, un grand nombre de faits appartenant au sujet qui nous occupe. Le mémoire de M. Henzen sur ce corps spécial', a été aussi utile pour la connaissance de la cavalerie auxiliaire que le travail de Kellermann sur les vigiles, pour celle des légions et des cohortes. Or les monuments épigraphiques des equites singulares nous font connaître les grades ou emplois de signifer (ou vexillarius), d'armorum castes, d'irorounis, de curator, de bene ficiarius, de librarius, de buccinator et de tubicen. Il est évident que tous ces sousofficiers se retrouveraient dans le cadre complet d'une ale. A chaque ala était attaché un médecin [➢1EDICUS] 10, prenant rang parmi les sous-officiers. L'enseigne particulière aux alae était un vexillum de couleur pourpre, appelé flamrnula [SIGNA OIILITARIA]. Pour une armée composée de trois légions, on comptait quatre ailes de mille hommes et cinq de cinq cents hommes Si Les alae avaient leurs tentes dans la praetentura [CASTRA]. En dehors de leur service à la guerre, les cavaliers des alae prenaient part aux travaux publics comme les légionnaires, les fantassins auxiliaires et les classiarii. Ainsi les alae de la Germanie ont concouru à l'exploitation des carrières du Brohlthal12. Après vingt-cinq années de service, les cavaliers recevaient de la munificence impériale le droit de cité romaine et le droit de connubium [nrsLODrA]. Dans les actes officiels leur conférant ces droits, ils sont appelés tantôt equites, tantôt gregales. Lorsqu'un corps de cavalerie s'était distingué par quelque action d'éclat, l'empereur lui accordait une décoration que portaient tous les cavaliers de ce corps : telles l'ala Si/fana torquata civiurn Bortanorum, l'ala Moesica felix torquata, l'ale Petriana bis torquata dont tous les cavaliers portaient un TORQUES. Chaque turma avait son génie [GENrus] 14. On ne sait s'il y avait aussi un genius protecteur de chaque ala : l'affirmative est vraisemblable, puisqu'il y avait un genius pour chaque cohorte, et qu'on connaît d'ailleurs un aedituus de l'ara II Flavia singularium 15. Chaque ala était désignée par un cognomen ou par plusieurs, choisis dans différents ordres d'idées. 1° Le plus souvent, ce cognamen est le nom du peuple chez lequel a été recruté le corps de cavalerie : ce nom est ordinairement au génitif pluriel. Voici l'énumération des alae connues par les inscriptions du haut empire 16 : Afrorum, Aravacorum, Asturum, Batavorum, Britannica, Britonum, Campagonum, Connunefatum, Civium Ilomanorum, Colonorum (C'olonia en Arménie), Dacorum, Dardanorum, Gaetulorum, Gallorum (Flaviana, Claudia, Sebosiana), Ilispanorum Asturclm, Campagonum, Yettomm), ALA 175 ALA Indiana, Huracorum, Sagittariorum, Maurorum, hleesiea, Noricorurn, Numidum, Pannoniorum, Phrygum, PicenlianaQuerquernorum, Seubulorum, Tautorum, ghra_cum, Ton pro, rom, Vallensium, Voeontiorum. 2° Ou bien le surnom était tiré du gentilitium de l'empereur qui avait créé l'ale ; Claudia, Flavia, Ulpia. D'autres fois le surnom en question est tiré du cognomen de l'empereur régnant, et alors il change à chaque empereur. Les inscriptions où les alae on de tels surnoms portent donc avec elles leurs dates : Antotniniana, Alcxandriana, Gordiana, Vespasiana, etc.-3° D'autres fois le surnom dérive du gentilitium ou du cognomen d'un personnage inconnu, probablement le praefoetus sous les ordres duquel l'ala s'était illustrée, ou bien le légat de la province où elle avait été créée: Agrippiniana, Claudiana, Frontoniana, Gemelliana, Patrui, Petriana, Rusonia, Siliana, Sulpicia. 4° Surnom tiré de l'armement : ala cata fractorum celerum contariorum.5° Surnoms divers : par exemple, Ala Augusta ob virtutem appellata. Dans la première catégorie, on remarquera quelquefois des soldats étrangers au pays dont fada porte le nom, par exemple un Batave, décurion dans une aile d'Ituréens. Mais ce cas est très-rare, et l'énumération que nous avons faite indique avec assez de précision dans quels pays se trouvaient, aux deux premiers siècles de notre ère, les meilleures races de chevaux et les plus habiles cavaliers. Pour le même motif, nous faisons connaître ci-dessous les alae que mentionne la Notitia dignitatum utriusque imperii. Empan D'ORIENT. Alae : Abasgorum, Abydum, Aegyptiorum, Alamannorum, Dromedariorum, Arabum, Assyriorum, Rritonusn, Carduenorum, Colon arum, Damascena, Foenicunt, Francorum, Gallorum, Germanorum, Hiberorum, Juthungorum, Pa flagorum, Palmyrenorum, Quadorum, Rhaetorum, Sormatarum, Saxonum, Sequanorurn, Tingitana, Vandilorum. EMPIRE D'OCCIDENT. Alae. Asturum, Indiana, Mauvarum, Pannoniorum, Plcrygum. Les alae singularium étaient des corps spéciaux formés par des cavaliers tirés de toutes les autres alae, et recevant une paye plus forte; mais ces corps étaient commandés par des prae fecti, ce qui ne permet pas de les confondre avec les equites singulares imperataris. C. DE LA BERGE. 11. ALA, partie de la maison romaine Luonus].