Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LAMIA

LAMIA (Aze(a). Monstre mythologique, dont le nom est en rapport avec l'idée d'abîme dévorant, laquelle se retrouve sous la lutéine forme dans celui de Lamos, roi des Lestrygons'. Il semble qu'au point de départ, Lamia fut tout simplement une ligure de la légende marine, analogue à Scylla qu'on lui donnait pour mère, semblable aux Sirènes et aux llarpyies dont elle reproduit quelques traits 2; (le là elle passa dans la superstition populaire qui s'en servait pour effrayer les enfants en compagnie de Gorgo, de Mormolyké, d'Empusa, etc.3. Nous la trouvons à ce titre dans la comédie d'Aristophane et elle a inspiré des drames satyriques aujourd'hui perdus`. En Libye, où sa légende prit naissance, elle passait pour une fille de maison royale dont s'éprit Zeus; c'est la jalousie d'Héra qui la transforma, tantôt en mère dénaturée qui dévore ses propres enfants, tantôt en mère malheureuse qui, privée de sa progéniture, se confine dans des lieux sauvages, oit elle s'abandonne au désespoir. On racontait que Zeus lui avait accordé le pouvoir de quitter à volonté et, de reprendre ses yeux; que, buvant jusqu'à l'ivresse stupéfiante, elle était, inoffensive durant son sommeil, mais qu'à l'état de veille elle errait dans les ténèbres sinistre fantôme, vampire altéré de sang, pour s'abattre sur les jeunes enfants et les épuiser jusqu'à la moelle ; elle devenait ainsi l'explication de certaines maladies aussi soudaines qu'étranges qui sévissaient en particulier au temps de la canicule G. D'autres incarnaient en elle les effets funestes que la débauche exerçait sur les grâces et la vigueur des jeunes gens'. Sappho faisait d'elle une jeune fille de Lesbos, la même qui ailleurs est nommée Gello ou Gellôs 8 ; une tradition la localisait dans une caverne du mont Cirphis, près de Crissa en Phocide, une autre au pays fantastique des Lestrygons dont elle devenait la reine'. Il y eut ainsi plusieurs Lamies, que L'imagination populaire mettait en action partout où, sur l'enfance et la jeunesse, sévissait quelque fléau mystérieux. Les striges qu'Ovide dans les Fastes mêle à la fable de Carna, sortes de démons ailés qui durant la nuit allaitent les enfants de leurs seins empoisonnés 10, ne sont que des Lamies accommodées suivant les idées latines. C'est d'ailleurs chez les Latins, et même bien au delà de l'époque classique, que ces figures ont été surtout exploitées par la littérature, les Grecs les ayant maintenues, autant que possible, dans le cercle des superstitions populaires. Le passage où Horace défend aux poètes de montrer sur la scène une Lamie du ventre de laquelle on arrache vivant l'enfant qu'elle a dévoré, semble indiquer que les dramaturges faisaient du monstre un usage au moins singulier ". Plus tard, on le représentait sous une forme double, femme par le buste LAM 909 -LAM et âne par les membres inférieurs ; dans la fable de Psyché, les soeurs de l'héroïne, s'acquittant de leurs fonctions de tortionnaires, sont assimilées à la fois à des louves et à des Lamies'. On a cru trouver sur un vase peint à figures noires 2 une représentation de Lamia dans la figure d'une femme nue, aux traits repoussants, que des satyres torturent après l'avoir attachée à un palmier. Longpérier a reconnu une Lamie dans un oiseau à tête humaine figuré sur un vase de style corinthien 3 ; l'image parait être empruntée à une décoration orientale ; il l'a ingénieusement rapprochée d'une mosaïque de bas temps où des oiseaux à tète humaine sont désignés par une inscription LAME 4. Les Lamies, au nombre de trois, paraissent même avoir été l'objet d'un culte'. J.-A. HILD.