Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LATINI

LATINI. Les Latins, habitants du Latium, constituaient une partie de la race latine, soeur des races ombrienne, sabine, osque'. Toutes les étymologies anciennes du mot Latinus sont plus ou moins puériles'-. La prétendue occupation du Latiurn par les Sicules, qui y auraient fondé de nombreuses villes, telle que Caenina, Crustumerium, Tibur, Aricia, Faleriae, Gabii et même Rome3, doit s'expliquer par le rôle qu'ont joué les historiens grecs de la Sicile dans la formation de l'histoire romaine primitive. Ira prétendue expulsion des Sicules par les Aborigènes s'explique probablement par la diffusion des races montagnardes sabelliques dans le Latium et la Campanie 4. Le Latium ayant été composé essentiellement de la plaine du Tibre et n'ayant que des côtes d'un accès très difficile, les Latins ont été surtout un peuple agricole ; leur religion a été avant tout agricole et pastorale; la plupart de leurs divinités et de leurs fêtes se LAT 972 LAT rapportent au bétail, aux moissons : telles sont les Lupercalia, les Palilia, les Consualia, les inbarvalia, les Poplifugia, la procession des Saliens, les rites des Arvales. Il reste d'un grand nombre d'anciennes villes latines des débris de murailles, dites cyclopéennes, pélasgiques, analogues à celles de la Routa quadrata, généralement carrées', situées le plus souvent sur une colline isolée quelquefois au confluent de deux rivières ° ; elles entouraient des espèces d'acropoles, au pied desquelles s'étendait la ville basse, entourée d'une muraille spéciale souvent reliée à la partie supérieure t. L'histoire primitive du Latium se compose uniquement de légendes inventées et arrangées par les historiens et les archéologues grecs et romains. Des raisons chronologiques ont fait inventer la série des rois albains pour correspondre avec les calculs d'Eratosthène qui mettait la prise de Troie en 1184; des raisons politiques ont exigé qu'Ascagne bâtit Albe la Longue qui devait devenir la métropole des trente villes du Latium antiquunt e. Des traditions plus anciennes faisaient de Romulus le fils ou le petit-fils d'Énée, ou attribuaient soit à Énée soit à Silvius Latinus la fondation de ces mêmes villes 6. Nous ne savons même pas si Albe la Longue a réellement existé. Il n'y a qu'un fait certain, l'existence dans le Latium primitif d'une civilisation antérieure aux origines mêmes de Rome. L'histoire de la confédération latine n'a pas été seulement refaite, mais complètement défigurée par les premiers annalistes de Rome qui ont appliqué au passé la situation de la ligue telle qu'elle était à l'époque historique, après la soumission du Latium. L'histoire certaine ne commence probablement qu'avec la deuxième moitié du ve siècle av. J.-C., après l'époque des Décemvirs. Toute l'histoire antérieure a été refaite, en partie avec les faits postérieurs, souvent répétés plusieurs fois, en partie avec d'autres éléments de valeur très inégale, monuments archéologiques, légendes politiques et religieuses, mythes indigènes et grecs, étymologies, indications topographiques, imitations des écrivains grecs dans la forme et dans le fond, avec des préoccupations morales, didactiques, avec des falsifications nationales, politiques '. L'histoire légendaire des Latins comprend deux périodes principales, la première sous les rois de Rome, la deuxième depuis le commencement de la République (509 av. J.-C.) jusqu'à l'époque des Décemvirs (4M-449). 1. Les faits principaux de la période royale sont les suivants : l'hégémonie d'Albe sur le Latium prend fin avec la destruction de cette ville par Tullus Hostilius et passe à Home ; les familles nobles d'Albe sont incorporées dans le patricial romain [GENS"; un traité établit une alliance offensive et défensive entre Rome d'un côté, les Latins de l'autre avec leurs alliés, les Herniques °. Ancus Martius étend le territoire de Rome aux dépens des Latins par la prise de Politorium, de Tellene, de Medullia et la fondation de la colonie et du port d'Ostie10 ; Tarquin l'Ancien prend un grand nombre d'autres villes latines, Corniculum, Cameria, Ficulnea, Medullia, Crustumerium" ; c'est la reproduction des guerres précédentes; Rome signe un nouveau traité avec les Latins, mais sans faire encore partie de la confédération. Rome y est admise sous le règne de Servius Tullius; ce roi, voulant imiter soit l'amphictyonie grecque, soit le temple de Diane d'Éphèse ou le Panionion", fonde à frais communs avec les Latins le temple de Diane sur l'Aventin, pour y célébrer des fêtes annuelles et y avoir un refuge pour les esclaves; la loi réglant les rapports des confédérés est gravée sur une plaque de bronze, qui, d'après Denys, aurait encore existé à la fin de la République'9. Tout ce qui se rapporte au roi mythique Servius Tullius est essentiellement fabuleux; il se peut qu'on ait conservé sur l'Aventin des lois très anciennes, mais l'attribution à Servius Tullius et à son époque est de pure fantaisie; rien ne prouve que le temple de Diane ait été un temple fédéral. Sous Tarquin le Superbe, la puissance romaine devient prépondérante, après de nouvelles guerres, en particulier avec Ocriculum et Suessa Pometia; elle obtient la direction et la présidence des Feriae latinae, transportées de la source de la deaFerentina au sommet du mont Albain ; les Herniques et deux villes Volsques, Antium et Écetra, entrent dans la ligue ; Rome et les Latins doivent se partager par moitié les conquêtes communes ; Tarquin conclut avec Gabii un traité particulier, le foedus Gabinum, écrit sur un bouclier de bois recouvert de cuir et conservé dans le temple de Jupiter Fidius sur le Quirinal". Tous ces faits sont certainement postérieurs à cette époque ; le temple de Jupiter n'a probablement été dédié qu'en 466 par le dictateur Postumius'°; l'accession des Herniques à la ligue n'a eu lieu que plus tard. Il n'y a donc rien d'historique dans cette première période. Rome n'a été probablement au début qu'un membre ordinaire de la ligue, et cette situation a duré fort longtemps. Nous ne pouvons plus retracer les étapes de la conquête romaine; peut-être la Fossa Cluilia a-t-elle indiqué une ancienne frontière, à environ cinq milles de la ville'6 ; et Ostie faisait peut-être déjà partie du territoire romain. Rome a dû s'annexer d'abord les villes latines situées sur le haut Tibre et entre le Tibre et l'Anio : Antemnae, Crusturnerium, Ficulnea, Medullia, Caenina, Corniculum, Collatia ; elle a peut-être lutté longtemps contre Gabii, le cinctus gabinus étant resté longtemps le synonyme de vêtement de guerre ". II. Dans la deuxième période, les Latins profitent des guerres avec les Étrusques et les Sabins, de la prise de Rome par Porsenna pour reconquérir leur indépendance avec l'aide des Tarquins ; leurs trente villes se soulèvent 15; la bataille du lac Régille en 496 (?) amène ce traité de Spurius Cassius, ce foedus Cassianum, gravé sur une table de bronze que Cicéron affirme avoir vue près des Rostres 16. D'après ce traité 20, Rome conserve sa prépondérance, quoique ce soit un foedus aequum, d'après l'aveu même de Tite Live et sans doute aussi selon la LAT 973 LAT conception des annalistes', et que Denys l'assimile à la fois à une symrnachie et à une isopolitie grecque ; le butin et les conquêtes se partagent, comme précédemment, par moitié ; les Latins conservent le droit de faire la guerre isolément. Mais on sait que toute l'histoire de Spurius Cassius est plus que suspecte; ce rôle d'alliés fidèles qu'auraient joué alors les Latins et les Herniques est invraisemblable ; le traité de Spurius Cassius est sûrement postérieur, et sans doute seulement du rv' siècle av. J. C. 2. Les Romains et les Latins s'unissent ensuite contre les Eques et les Volsques, fondent en commun les plus anciennes colonies latines, Norba, vers 432, Signia vers 135; en 186, les Herniques sont incorporés à la ligue 3 ; elle a ainsi trois portions principales qui ont chacune droit â une part du butin ; les contingents des Romains et des Latins sont tantôt réunis, tantôt séparés'; la ligue fonde contre les Volsques les colonies latines de Suessa Pometia, de Velitrae, d'Ardea (4494-442) et la première colonie d'Antium (467). C'est à peu près à cette époque que nous entrons dans l'histoire certaine. III. La troisième période de la ligue latine va jusqu'à sa dissolution en 338. L'augmentation de l'hégémonie de Rome, des injustices comme la sentence d'arbitrage entre Aricia et Ardea par laquelle les Romains, choisis comme arbitres au sujet d'un territoire contesté entre ces deux villes, se l'adjugent à eux-mêmes, et l'envoi de colons romains sur une partie du territoire d'Ardea, l'occupation du territoire pomptin sur lequel Rome fonda seule les colonies latines de Satricum en 38i et de Setia en 3826, provoquent le mécontentement des Latins. Ils profitent des invasions gauloises et de la prise de Rome par les Gaulois en 364; ils ont l'appui des Gaulois, des Étrusques et des Volsques ; dans cette guerre, Rome est obligée de soumettre par la force les plus importantes villes et colonies latines, Lanuvium, Praeneste, Tusculum, Tibur, Velitrae, Circeii, Antium 7. En 358, la menace d'une nouvelle invasion gauloise amène la soumission des Latins et, peu de temps après, des Herniques ; on ne sait pas exactement les clauses de la paix Rome recouvre rapidement son hégémonie ; après la chute de Veii et la conquête du territoire pomptin, qui fournit deux nouvelles tribus, Rome réduit les villes latines à une véritable sujétion. C'est ce que prouve le premier traité avec Carthage que Polybe' place sous les premiers consuls, mais qui est certainement de beaucoup postérieur, mais en tout cas antérieur à la dissolution de la ligue. Les Carthaginois s'engageaient à n'infliger aucune injure aux Latins sujets de Rome, en particulier aux gens d'Ardea, d'Antium, de Laurentum, de Circeii, de Tarracina ; s'ils attaquaient et prenaient une ville latine qui ne fût pas alors dans la sujétion de Rome, ils devaient la remettre aux Romains; ils s'engageaient à ne pas bâtir de forts dans le pays latin. Rome continue ses progrès ; après avoir battu les Prirernafes et les Aurunci, elle arrive par la prise de Sora sur le Liris (357-345), adjoint V. à la ligue les Aurunci, les Sidicini, les Volsques f0, confère le titre de municipe aux Z+ornliani, Cumani, Pundani, Acerrani11 et entre en contact avec les Samnites. Le premier traité avec les Samnites laisse à Rome Capoue. C'est alors que les Latins rompent de nouveau avec Rome, aidés des Volsques et des Campaniens; la ligue demande à Rome de partager la direct ion de la confédération; les Latins réclament un des consuls et l'adjonction au sénat romain d'un nombre égal de sénateurs latins, la fusion complète des deux groupes latin et romain''-. I.e refus de Rome d'accepter ces conditions amène la guerre que terminent la victoire décisive de Trifanum en 310 et la prise ou la capitulation des villes des Latins et des Volsques dans les deux années suivantes; le résultat final est la dissolution de la ligue latine en 338 13. Telle est la tradition sur cette période. Venant surtout de Tubero, de Valerius Antias, de Licinius Macer, sources principales de Tite Live, elle est sur beaucoup de points plus que suspecte ; les données primitives ont été considérablement falsifiées, enrichies par ces historiens, surtout sous l'influence des souvenirs de la guerre sociale. Il n'entre pas dans notre plan d'en faire la critique ". Acceptons le résultat principal. De fédération politique indépendante, la ligue latine devient une simple association pour la célébration de fêtes religieuses ; les villes conservent leurs privilèges antérieurs, leur autonomie ; quelques-unes concluent des traités particuliers avec Rome ; mais elles sont en général isolées les unes des autres ; il leur est interdit de s'allier; le commercium et le conubium sont supprimés entre elles momentanément"; il n'y a plus de partage légal du butin de guerre; les organes collectifs de la ligue sont remplacés par les organes romains ; les créations de nouvelles colonies latines ne sont plus l'oeuvre de la ligue, mais de Rome seule. IV. La quatrième période va jusqu'à la guerre sociale. La condition donnée aux Latins n'était que provisoire. Quelques villes reçoivent immédiatement le droit de cité complet, par exemple Aricia, Pedum, Nomentum et Lanuvium qui avait eu jusque-là un traité spécial avec Rome i6. On avait déjà donné à la ville étrusque de Caere le jus civitatis sine su ffragio 17 ; e'est le droit que Roule va conférer aussi aux villes latines comme étape intermédiaire avant le droit de cité complet, avec ou sans constitution municipale, c'est-à-dire de deux classes. A la première classe appartenait déjà Tusculum dès 38118 ; on y fit entrer après 338 Fundi, Formiae peut-être à la même époque Atella et Calatia70 ; en 332, Acerrae 21; en 303, Arpinum22; en 306, Anagnia entra dans la deuxième classe 23. En somme, la plupart des anciennes villes latines, sauf Praeneste23 et Tibur 2" qui restent villes alliées et libres jusqu'en 90, et peut-être Cora26, puis la plupart des villes des Volsques 27, des Herniques, des Eques, des Sabins 28, c'est-à-dire presque toute l'Italie centrale, ont eu ce droit pendant quelque temps ; mais Rome le remplace 123 bientôt par le droit de cité complet; Fundi, Formiae, Arpinum l'ont en 1881, les Sabins en 268 2; la plupart des villes latines et sabines jusqu'au Liris et au Volturnus paraissent avoir obtenu le droit de cité complet un siècle avant la guerre sociale Le droit latin s'applique donc dès lors en Italie : 1° Aux villes qui le reçoivent postérieurement; mais nous ne les connaissons pas dans le détail; ainsi des trois villes des Herniques qui continuèrent à rester alliées,Ferentinum,Aletrium et Verulae 4, Ferentinum est compté plus tard parmi les Latins 5. Du fait que des villes ont frappé des monnaies avec des légendes latines, Mommsen conclut qu'elles ont eu en général le droit latin 6 ; ce serait le cas pour les Vestini, Larinum, Teate, Apulum, Caiatia, Aquinum. Il est clair, en effet, que si le droit latin a été donné après la guerre sociale à des villes étrangères de la Gaule cisalpine, c'est qu'il avait été donné auparavant à des villes non latines de l'Italie centrale. 2° Aux colonies latines des trois catégories, celles fondées en commun par les Romains, les Latins et les Herniques jusque vers 389, celles fondées par les Romains seuls jusqu'à la dissolution de la ligue (Sutrium, Setia, Nepete), celles fondées ensuite par les Romains [c0LONIAE LATINAE, p. 1307-1309]. Ces colonies latines constituent désormais la masse du nomen latinum. V. La cinquième période va jusqu'en 49 av. J.-C. A la fin de la guerre sociale, la Lex Julia de 90 donne le droit de cité aux villes latines 7; le droit latin disparaît donc de l'Italie propre ; dans la Gaule cisalpine, les quatre colonies latines de Placentia, Bononia, Cremona et Aquiieia obtiennent aussi la cité et deviennent des municipes de droit complet 3. En 81, la lex Cornelia de civitate de Sylla remet quelques villes dans le droit latin, mais ce n'est que passager °. La Gaule cispadane reçoit sans doute aussi le droit de cité en 891p; la Gaule transpadane est organisée en 89 par la lex Pompeia du consul Cn. Pompeius Strabo; elle divise cette région celtique en circonscriptions urbaines, leur donne le droit latin des colonies f1, en leur attribuant à chacune une certaine étendue de territoire celtique, loci attributs, contribua" . Toutes les villes, cités autonomes S3, colonies de citoyens, villes et colonies latines 14, ont pu avoir de ces lieux attribués ; les habitants qui s'y trouvent ont une situation inférieure; leurs agglomérations (gens, castellum, oppidum, conciliahulum) n'ont ni souveraineté politique ni magistrats ; elles relèvent à tous les égards de la ville suzeraine qui leur rend la justice par ses magistrats ou par des praefecti jure dicundo spéciaux"; leur territoire est considéré comme un ager privatus; ils peuvent recevoir de la cité suzeraine des terres en jouissance moyennant le paiement d'une taxe 16. Les lieux attribués à des villes latines ou romaines ont généralement le droit pérégrin 17 ; attribués à des villes romaines, ils ont quelquefois le droit latin ; tel fut le cas des gentes L'uganeae attribuées à la fin de la République aux municipes de Brixia (Brescia) et de Bergomum (Bergame), en particulier des Trumplini et des Camunni 18. La Gaule transpadane ne reste pas longtemps dans le droit latin ; dès 65, un des censeurs avait eu l'intention d'incorporer les Transpadans dans les tribus' 9 ; avant 49, César les admet dans les légions 20 ; en 49, il leur donne enfin la cité et le régime municipal". Le droit latin ne subsiste donc plus en Italie que dans les petites peuplades des Alpes. Après cette exposition historique, étudions le droit latin jusqu'à la fin de la République. Au point de vue géographique, on peut distinguer trois périodes successives. Le plus ancien Latium allait du Tibre au nord jusqu'au Numicius et à la ville d'Ardea au sud, de la mer aux monts Albains 22 ; on a vu dans une seconde période l'extension de ce Latium ; ce fut le Latium antiquum, limité par les frontières des Etrusques, des Sabins, des Eques, des Herniques et des Rutules ; Pometia et Velitrae étaient des villes volsques ; les colonies anciennes de Sutrium et de Nepete restaient en dehors; du côté de l'Etrurie, la frontière était à peu près invariable 23. Dans une troisième période, le Latium s'étendait d'abord jusqu'à Tarracina, comme le montre le traité avec Carthage, puis jusqu'à Fundi 24 et enfin jusqu'au Liris 25 et même jusqu'au Volturnus 26 : ce fut le Latium adjectum ou novum qui comprenait les pays des Rutules, des Volsques, des Herniques et des Aurunces ; à l'intérieur des terres, Strabon 27 met dans le Latium Interamna du Liris et Casinum ; Ptolémée 23 y fait entrer Atina et Aquinum; sur la côte, il faut sans doute laisser Sinuessa à la Campanie. La nouvelle dénomination de Latium novum ou adjectum fit disparaître sur les listes officielles les noms des Herniques et des Volsques 29. Les villes principales étaient : 1° dans le Latium antiquum sur la côte, Ostia, Laurentum (Capocotto), Lavinium (Pratiea),Castruminui (Fossa dell'Incastro) 30, Castra Troiana 31, Satricum (Casale di Canna), Pollusca 32, Astura (Torre d'Astura); dans le pays entre l'Anio et le Tibre, Cameria, Corniculum, Medullia (Sant'Angelo), Ameriola 33, Caenina, Nomentum (Mentana), Ficulea, Crustumerium, Fidenae, Antemnae; au sud de l'Anio, dans le voisinage de Rome, Bovillae, Apiolae, Mugilla, Ficana, Politorium, Tellenae; dans le massif des monts Albains, Alba, Aricia (La Riccia), Lanuvium (Civita Lavigna), Corioli, Tusculum (Frascati), Labicum (Colonna), Corbio, Algidum; dans la plaine de l'Anio jusqu'au Trerus, Collatia, Gabii, Aesula, Tibur (Tivoli), Empulum (Ampiglione), Sassula, Scaptia, Pedum, Praeneste (Palestrina), Bola, Tolerium; 2° dans le Latium novum 34, Velitrae ( Velletri), Signia (Segni), Anagnia (Anagni), Ferentinum (Ferento), Frusinum (Frosinone), Ecetrae, Cora (Cori), Norba (Norma), Setia (Sezza), Privernum (Piperno), Antium (Porto d'Anzo), LAT 975 LAT Anxur ou Tarracina, Fundi (bondi), Caecubum, Formiae (Motu), Caieta (Guet a), Minturnae, Sinuessa, Interamna, Aquinum (Aquino), Casinum (San Germano), Atina (Atina), Arpinum (Arpino), Sora (Bora), Fregellae. Passons aux institutions, en distinguant deux périodes, l'une antérieure, l'autre postérieure à la dissolution de la ligue. 1. La nation latine comprend en théorie tous les peuples (populi) de même nationalité que Rome ; c'est le nomen latinum «aussi commune Latium) 2, mot qui désigne d'abord les Prisci Latini 3, puis par extension les Latins du nouveau Latium 4. Le Latin s'appelle généralement l'homme de race latine (nominis Latini) 6, rarement dans les textes anciens officiels mais très fréquemment chez les écrivains, Latinus, plus tard par extension socius nominis Latini ou socius Latinus'. On trouve aussi les expressions civis ex Latio, civis latinus O. La représentation religieuse de la ligue, la fête fédérale était le Latiar, célébré sur le mont Albain. Était-elle de date très ancienne? D'après la tradition romaine, la fête aurait été fondée après l'établissement de l'hégémonie romaine sur le Latium soit par Romulus, mais plutôt par Tullus Hostilius ou l'un des deux Tarquins 9 ; l'organisation de la fête à l'époque historique implique l'hégémonie de Rome; mais d'autres légendes la rattachaient aux Prisci Latini, aux rois Faunus ou Enée 10; le sanctuaire du mont Albain paraît avoir appartenu primitivement non pas aux Albains, .mais aux Cabenses" . Les Latins se réunissaient plutôt primitivement dans le temple de Vénus sur le territoire de Lavinium ou d'Ardea ou dans le bois de Diane près d'Aricia12 ; à l'époque historique, ils se réunissent habituellement dans le bois et à la source de la dea Ferentina, où était en même temps leur marché commun13. C'est donc sans doute seulement après la conquête de tout le Latium que le mont Albain est devenu le centre religieux de la ligue [FERIAS LATINAE1. Chaque peuple"apportait ses victimes pour le sacrifice de la fête fédérale ; la principale était un taureau dont la viande était partagée entre les représentants des peuples. A l'époque historique, on continua la distribution de viande même à des peuples qui n'existaient plus, soit par une disparition matérielle, soit par la suppression de leur existence politique; d'autre part, comme les villes parvenues au droit latin par l'extension du Latium et après la dissolution de la ligue furent exclues de la distribution, ce sacrifice conserva plus ou moins fidèlement l'image de la ligue telle qu'elle était au moment de sa dissolution. Il est difficile de retrouver la liste primitive des populi admis au sacrifice ; elle était sans doute au début la même que celle des 30 prétendues colonies albaines ; les listes qu'on a dans Pline l'Ancien et dans Denys sont d'origine très ancienne et ont gardé beaucoup de formes archaïques, mais elles ont été très remaniées, comme le prouve la présence de la lettre récente q 14. La liste que donne Pline23des villes disparues (politiquement parlant) du Latium, et qui ne comprend que les Prisci Latini, forme deux séries : la première a 20 noms de villes, par ordre alphabétiquet6, qui, sauf quelques erreurs, ne devaient plus figurer sur la liste sacrée la deuxième commence par les mots « et cuva lais carnem in monte Albano soliti accipere populi » S$ ; elle parait donc indiquer les peuples qui, tout en n'existant plus politiquement ou matériellement, continuaient à figurer dans le partage de la viande ; elle donne 31 noms 19. Pline portant à 53 le nombre des peuples disparus, il faut admettre que deux noms ont disparu sur les manuscrits. Dans la première liste de Pline, les noms de Saturnia (Rome) et d'Antipolis (Janicule) viennent de légendes anciennes; Norba et Sulmo sont des villes volsques; les seize autres villes sont tirées en grande partie de la liste des villes des Prisci latini fondées par le roi d'Albe, Latinus Silvius, autrement dites des colonies albaines, qu'on a dans d'autres textes20. Il y avait d'ailleurs d'autres listes de colonies albaines; Virgile signale d'autres prétendues fondations des rois albains21. Denys donne deux listes : la première, attribuée à l'époque de Tarquin le Jeune, comprend 47 peuples quiavaient droit au partage"; la deuxième comprend les 30 peuples qui se seraient réunis contre Rome, à l'époque de Spurius Cassius 23. Comment concilier et expliquer ces différentes listes ? Le système le plus vraisemblable est celui de Mommsen : aux 30 villes disparues que donne Pline, ajoutons les 12 villes survivantes de l'ancien Latium que nous connaissons d'une manière certaine et qui sont aussi dans Denys, à savoir : Aricia, Bovillae, Cora 24, Gabii, Labici, Lanuvium, Laurentum, Lavinium, Nomentum, Praeneste, Tibur, Tusculum; puis Ficulea2J et les Cabenses qui ont duré jusqu'au nie siècle ap. J.-C. 26; on a 45 noms. En y joignant les trois peuples des Scaptini, des Telleni, des Corbinti, que donne Denys, on a 48 noms, c'est-à-dire à peu près le total qu'il indique27; cette augmentation du nombre primitif, de 30 à 48, a dû se faire de très bonne heure par la transformation en peuples indépendants de bourgades auparavant subordonnées à des peuples détruits'L8. A ces 42 ou 48 peuples, on ajouta plus tard les six plus anciennes colonies latines, Ardea, Circeii, Norba, Satricum, Setia, Velitrae ; la liste totale fut donc de 53 ou 54 peuples, sur lesquels environ 33 ne subsis LAT 976 LAT, Laient plus qu'au point de vue religieux ou avaient complètement disparu. Mais jusqu'à la fin le nombre officiel fut 30, nombre sacré, multiple de 3, qu'on trouve dans toutes les institutions primitives de Rome; on groupait sans doute toutes les villes, mortes ou survivantes, autour de 30 noms, de façon à conserver le nombre théorique. Quelle était la constitution fédérale? La comparaison établie par Denys entre les lois latines et les amphictyonies grecques n'a aucune valeur historique'. Nous ne pouvons qu'utiliser avec prudence par voie d'analogie les renseignements de l'époque postérieure. Les villes avaient entre elles le droit de guerre, sauf pendant la durée de la fête fédérale, mais pas avec des États non latins Elles avaient sans doute entre elles le commerciunt; quant au connbium, il y a de nombreux exemples, mais légendaires, de mariages mixtes 3 ; l'interdiction du connbiumaprès la dissolution de la ligue montre que beau coup de villes devaient l'avoir entre elles; trois villes des Herniques le possédaient 4 ; c'est tout ce que nous savons. L'institution du cens était peut-être la même partout. Les Latins avaient au locus Feroniae un temple et un marché communs avec les Sabins'. L'assemblée de la ligue (consilium) se tenait au pied du mont Albain, dans le bois et à la source de la dea Ferentina ; nous ignorons absolument comment elle fonctionnait. La légende en donne la présidence aux rois ou dictateurs d'Albe, puis à deux praetores non romains 6, à côté desquels elle place une sorte d'assemblée, des decem primi ; il est peu vraisemblable que cette assemblée ait eu la juridiction criminelle'. Il est probable que, comme le disent les historiens anciens, et en vertu des ressemblances nationales, il y avait dans les villes latines des patriciens et des plébéiens, des patrons et des clients, un sénat, un droit d'asile, des sacra comme à Rome 9, que les magistratures municipales étaient déjà celles qu'on trouvera plus tard et que le droit privé était analogue à celui de Rome. Nous avons vu que le rôle de Rome dans la confédération avait été complètement dénaturé par la légende romaine. Elle a représenté les relations de Rome et des Latins à la fois comme un foedus aegnurn et comme une subordination à Rome10. Denys a refait le prétendu traité de Spurius Cassius sur le modèle des traités grecs de symmachie et d'isopolitie''. Rome est censée exercer, sous Tullus Hostilius, l'hégémonie qu'avait exercée Albe, et les traités suivants sont censés la renouveler ou la confirmer t2. Elle est exprimée au point de vue religieux par la présidence du Latiar10 et par le droit qu'ont les magistrats romains de partager la chair des taureaux sacrifiés. Au point de vue politique, Rome peut conclure des traités spéciaux avec des villes fédérées : tel fut le traité avec Lavinium, puis avec Laurentum, renouvelé tous les ans jusque sous l'Empire'', et le traité qu'on a vu avec Gabii. Rome est représentée comme participant aux délibérations du con(Ilium, mais sans y avoir le droit de suffrage ", proba blement à l'imitation de Sparte. Elle réclame chaque année le contingent militaire de la ligue d'après les traités " ; l'hypothèse de Schwegler que pour le commandement il y aurait eu roulement entre les Romains et les Latins est inadmissible'' ; le texte, d'ailleurs altéré, de Cincius 08 parait dire que la ligue faisait prendre les auspices à Rome par des Romains délégués à cet effet et remettait ensuite ses troupes au consul (praetor) romain. Les annalistes romains ont évidemment représenté l'organisation des troupes d'après les institutions postérieures le ; les textes de Tite Live 20, où on voit une armée consulaire composée par parties égales de Romains, de Latins et d'Herniques, et une autre armée consulaire composée seulement de cohortes latines et berniques, sont seulement vraisemblables. Le butin de guerre (terres et objets mobiliers) devait être partagé d'abord entre les Romains et les Latins, puis en trois parties après l'adjonction des Herniques 'AGDAnIAE LEGES] 21. Pour le droit civil et l'administration intérieure, les villes latines gardaient sûrement leur autonomie, comme on le verra dans la seconde période. Ont-elles leconubiam avec Rome? Il n'y a de preuves ni pour ni contre cette hypothèse 22. Elles ont probablement le coinmerciani ; le traité dit de Spurius Cassius renfermait des stipulations sur les prêts d'argent et la remise d'un gage 23. La clause que donne Denys,d'après laquelle les actions nées de contrats devaient être jugées dans les dix jours, au lieu où l'affaire avait été conclue, nous parait apocryphe et empruntée à des traités grecs 24. Denys accorde également aux Latins, conformément à sa théorie, le droit de voter à Rome et de devenir citoyens romains en y établissant leur séjour 23; nous ignorons s'il en était réellement ainsi dès cette époque. H. Passons à la seconde période. Nous avons vu les principaux changements politiques amenés par la dissolution de la ligue. Dès lors, la terminologie rassemble les Latins et les socii italiques, quoiqu'il y ait entre ces deux groupes des différences notables et que les Latins, parents naturels ou fictifs des Romains, aient une situation privilégiée. Le texte le plus ancien, le sénatus-consulte sur les Bacchanales de 186 av. J.-C. 26, met avec raison le nonten Latinum avant les socii ; mais postérieurement on ne met les Latins en tête que pour opposer les deux groupes"; en général, on les met en seconde ligne"; quelquefois même on confond les deux groupes sous le nom d'alliés de la race latine (socii Latini noniinis) ou de Latins2°. Les Latins s'appellent Latini, nomen Latiauto, socii Latini riominis. Le citoyen d'une ville latine étant municeps par rapport à Rome, sa ville peut s'appeler mnnicipinm au sens primitif du mot"; sous l'Empire, on verra aussi des municipes latins. Les villes latines sont dispensées, comme les socii, de toute redevance directe ; elles font leur recensement elles-mêmes, sauf douze colonies latines obligées depuis 201, à cause de leur révolte pendant la deuxième LAT 977 LAT guerre punique, à envoyer leurs listes du cens à Rome 1. Elles gardent théoriquement leur souveraineté politique, mais purement illusoire ; elles sont soumises, comme les autres villes, à la tutelle et au droit de police générale du sénat qui refusa le triomphe au vainqueur de Fregellae en 125, en considérant cette guerre comme une guerre civile. Elles gardent leur droit privé ; ainsi elles ont gardé jusqu'en 90 leur législation spéciale des flancailles2; mais Rome peut leur imposer telle ou telle loi; ce fut le cas pour la lex Didia de 143, qui appliqua à toute l'Italie la lex Fannia sur le luxe de 161 ; pour le plébiciste Sempronien de 193, qui assimila les Italiotes aux Romains en matière de dettes d'argent 3 ; d'ailleurs, les villes latines peuvent adopter telle ou telle loi romaine à leur guise et ainsi devenir' fendus, ni enieipiuni fundanuni4. Les deux droits latin et romain étaient d'ailleurs à peu près les mêmes sur les points essentiels, mariage, propriété, puissance paternelle 1; de sorte que l'assimilation se faisait tout naturellement. On prenait aussi partout les auspices de la même façon qu'à Rome Il y a commercium entre les Latins et les Romains avec toutes les conséquences qui en découlent, en particulier l'emploi de la nbancipatio a, la possibilité réciproque de l'adoption °, mais sans doute pas de l'adrogation10, le droit d'acquérir la propriété complète du sol, de contracter par le nexuni, de laisser et de recevoir par testament des successions et des legs, de plaider devant lés tribunaux ordinaires". Quant au conubium, il n'est probablement accordé que par concession spéciale''-'. Le service militaire est le même que celui des socii; c'est l'obligation de fournir un contingent, fixé sans doute par les traités (ex formula) et proportionné à la population de chaque ville. Elle est exprimée par la formule : « Socii nominisve Latini (Juibus ex formula togatorum milites in terra Italia imperare soient «13. Ce sont les villes latines qui fournissent la plus grosse partie du contingent des alliés. II est probable que chaque ville importante fournit une tu/tors d'infanterie et une turnla de cavalerie"; peut-être groupait-on les détachements de villes moins fortes; on ne sait au juste ce que représentent les equites latini de Tite Live'". Les différents corps, conduits à l'armée romaine et dirigés en sous-ordre par un magistrat indigène1' qu'assiste un trésorier17, sont incorporés dans les alae sociorunl dont chacune est commandée par les 6 praefecti sociorum romains. Nous ren voyons pour le détail aux articles EXERCITU5, ALAE, SOCII On ignore quels furent les contingents de la Gaule transpadane. Les Latins à l'armée jouissent-ils du droit de provocatio ad populum? Il semble qu'en théorie ce droit leur ait été refusé jusqu'à la fin 18. Les lois des Gracques donnaient le droit de provocation au Latin qui avait, refusé le droit de cité romaine 19. Livius Drusus proposa qu'il fût défendu de frapper de verges un Latin à l'armée90; mais cette proposition fut rejetée ou, si elle fut votée, abrogée plus tard. Il n'y a plus de partage régulier du butin ; mais à la suite des triomphes, les alliés et les Latins touchent les mêmes gratifications que les citoyens21 ; quelques villes reçoivent des sommes d'argent2 ; quant aux terres, les alliés sont admis en partage, mais en général avec des parts moindres que celles des citoyens93, soit dans les fondations de colonies, soit dans les assignations individuelles; dans la loi agraire de Tiberius Gracchus, l'expression « in nunlero coloni n désigne peut-être, selon la conjecture de Mommsen, les alliés ou les Latins"; des Latins peuvent être admis dans des colonies romaines, sans toutefois acquérir le droit de cité complet'-', à moins que la charte de fondation ne le leur confère expressément20. D'autre part, les villes alliées et latines reçoivent en jouissance des portions de territoire, peut-être des sllbseciva 27, et peuvent laisser s'y établir leurs habitants par le droit d'occupatio. On sait que la loi agraire de Tiberius Gracchus frappait dans ses iutérèts aussi bien l'aristocratie latine que l'aristocratie romaine 01; la loi agraire de 111 indemnise les anciens possesseurs, tant latins et alliés que citoyens 29 Au point de vue politique, un texte obscur de Cicéron 70 indique une division des villes latines en deux catégories. On a fait à ce sujet toutes les hypothèses imaginables sans arriver à un résultat satisfaisant. D'après Mommsen 31, les 12 colonies latines les plus récentes, Ariminum et les 11 autres fondées entre 268 et la guerre sociale (Beneventum, Firmum, Aesernia, Brundisium, Spoletium, Cremona, Placentia, Copia, Valentia, Bononia, Aquileia), auraient eu un droit inférieur ; elles auraient été privées du conubium, du droit d'émettre de la monnaie d'argent, et 5 même (Spoletium, Bononia, Placentia, Cremona, Aquileia) du droit d'émettre de la monnaie de cuivre ; les habitants n'auraient pu acquérir la cité par un simple transfert de résidence, mais seulement par les autres moyens qu'on va voir ; ce droit des 12 colonies, opposé au droit supérieur des anciennes villes et colonies latines, aurait été appliqué comme droit des Latini coloniarii32, dès 171, à la colonie latine de Carteia (Espagne) composée d'enfants nés dans le camp de l'armée d'Espagne, puis aux. villes latines de la Transpadane après la guerre sociale, et ensuite àla fin de la République et sous l'Empire aux villes latines des provinces. Ce système est peu vraisemblable. Un des privilèges les plus importants des Latins et que n'ont pas les socii, est la possibilité légale d'acquérir de trois manières le droit de cité romaine : 1° par la trans LAT 978 LAT lation du domicile à Rome. A l'époque historique, le Latin qui émigrait à Rome y acquérait immédiatement le droit de cité, par une simple déclaration faite au censeur ou par une manifestation quelconque de sa volonté. Ce droit illimité d'émigration eut de bonne heure des inconvénients graves : il amenait la dépopulation des villes latines, l'accroissement de la plèbe indigente à Rome ; les villes latines furent les premières à se plaindre de cette désertion de leurs habitants'; aussi, une loi rendue avant 177 interdit aux Latins d'émigrer à Rome s'ils ne laissaient au moins un fils dans leur ville d'origine 2. Les Latins essayèrent de tourner la loi par toutes sortes de subterfuges, par exemple en obtenant de citoyens romains pour leurs enfants une adoption qui les rendait citoyens En 187, on dut expulser de Rome 12000 Latins 4; en 177, on annula les émigrations postérieures à 189 et on expulsa les Latins arrivés à la cité depuis cette époque ; un préteur était chargé d'informer au criminel contre les récalcitrants 3 ; il y eut sans doute ensuite d'autres expulsions analogues. C. Gracchus échoua dans sa tentative d'accorder le droit de cité à tous les Italiens 6 ; en 95, les consuls M. Grassus et Q. Scaevola firent voter la lex Licinia .liucia de civibus requndis (ou redigendis) qui avait pour but d'exclure les non-citoyens et qui visait particulièrement les Latins, peut-être même avec effet rétroactif; les délinquants devaient être déférés à un tribunal spécial 7 ; le résultat immédiat de cette loi qui exaspéra les Latins fut la guerre sociale. 2° Par la gestion d'une magistrature municipale ; la première mention de ce droit se trouve dans la lex repetundarum de 123-122 (lex Acilia?) qui cite la dictature, la préture et l'édilité 8. Ce droit fut conféré en 89 aux cités transpadanes ° et ensuite, comme on va le voir, aux provinces' ° ; la questure conférait le droit de cité là où elle était considérée comme une magistrature, par exemple à Nîmes" ; elle ne le conférait pas quand elle n'était qu'un simple munus ; en Espagne, ce droit sera sans doute restreint au duumvirat'2. 3° Par le mode suivant : la lex repetundarum de 123-122 et, peut-être même, d'après Mommsen13, la loi qui avait établi la procédure des quaestiones en 149, accordaient le droit de cité à tout étranger qui ferait condamner un citoyen pour repetundae; la lex Servilia de 111 restreignit ce privilège aux seuls Latins 14. Enfin les Latins des deux catégories" ont le droit, au début quand ils viennent temporairement à Rome, plus tard, après la suppression du droit d'émigration, quand ils y sont domiciliés, de voter à Rome dans les comices par tribus (patricio-plébéiens ou plébéiens), mais non, sans doute, dans les comices centuriates. Avant le vote, on tire au sort la section dans laquelle ils doivent voter ; il en est encore ainsi à l'époque de Cicéron" et plus tard sous l'Empire dans les comices des villes latines, à l'égard des incolae, tant citoyens que Latins ". C'est par rapport à ce droit des Latins que le Grec Denys considère comme une isopolitie grecque leur situation légale f8. La population des villes latines comprend, comme celle des municipes, deux éléments, les cives et les incolae; elle est généralement divisée en curies"; on trouve comme magistrats municipaux soit le dictateur DICTATOE], soit deux préteurs, comme à Lavinium, à Praeneste, à Cora20, dans les colonies latines de Signia, de Setia21, dans les villes herniques d'Anagnia, de Capitulum, de Ferentinum 22, plus tard dans les colonies latines de Nemausus, de Carcaso, d'Aquae Sextiae, d'Avenio, de Vasio, de Dea23; il est probable que la magistrature des édiles, créée à Rome en 367, a été introduite peu après par une loi générale dans toute On a vu qu'a la fin de la République le droit latin avait été relégué dans la région des Alpes ; c'est le jus Latii 2'1, ou Latium 2', le droit de Latini coloniarii ; il passe dans les provinces où il sert, sous l'Empire, d'étape intermédiaire, avant l'obtention du droit de cité complet. On ne l'a trouvé jusqu'ici que dans les provinces de civilisation romaine, Alpes, Sicile, sud de la Gaule, Espagne, Afrique ; il est inconnu dans les provinces du Danube, du Rhin, de la Bretagne, dans l'Orient grec ; mais il se peut qu'il ait été répandu dans la Dalmatie et le Norique. Nos renseignements sont malheureusement très incomplets. Mommsen avait cru pouvoir soutenir26 que toute ville qui sous l'Empire fournissait des soldats à un corps de troupes latin avait le droit soit pérégrin soit latin; cette théorie eût donné au droit latin une extension énorme, même en Orient, et eût permis de l'attribuer à un grand nombre de colonies que jusqu'ici on croyait romaines; mais elle a été victorieusement réfutée27. César donna le droit latin à beaucoup de villes de Sicile, peutêtre à toutes 28 ; en Afrique, à Utique 29 ; c'est sans doute lui qui dans la Narbonaise le donna avec le titre honorifique de colonie à Antipolis (Antibes), Reii Apollinares (Riez), Aquae Sextiae (Aix), Avenio (Avignon), Apta (Apt), Carpentoracte (Carpentras), Vasio (Vaison), Vienna (Vienne), Nemausus (Nîmes), peut-être Cabellio (Cavaillon) 30. Auguste, moins libéral cependant que César, donna le droit latin à beaucoup de villes de la Bétique 31 dans l'Aquitaine aux Ausci (Auch) et aux Convenae (Saint-Bertrand de Comminges)32; on a cru longtemps aussi qu'il l'avait donné à de nombreux petits peuples des Alpes, car Pline 33, qui décrit en général les institutions de l'époque d'Auguste, attribue le droit latin : aux Alpes Cottiae34; dans les Alpes maritimes aux LAT 979 LAT Poeninae aux Octodurenses, et peut-être à d'autres peuples; mais c'est plutôt Claude qui a fait ces concessions. C'est sans doute Auguste qui a donné le droit latin dans la Narbonaise à : Alba Helviorum (Aps), Luteva (Lodève), Carcaso (Carcassonne), Ruscino (CastelRoussillon), Tolosa (Toulouse), Tricastini (Saint-PaulTrois-Châteaux), Forum Voconii (les Arcs?), Glanum Livii (Saint-Remy), Cessero (Saint-Thibery), Tarasco, Lucus Augusti (Luc-en-Diois) et à tous les Allobroges'. Néron le donna aux Alpes .llaritimae 2. Il y eut sans doute de nouvelles concessions pendant les guerres civiles. Tacite reproche à Vitellius de gaspiller le droit que les nova jura promis par Otton à la Cappadoce et à l'Afrique 6 se rapportaient au droit latin. Ces générosités étaient probablement blâmées par le vieux parti romain 6; ainsi s'expliquerait, d'après Hirschfeld7, le passage obscur de Pline sur le « jactatum procellis reipublicae Latium » ; il s'agirait de la latinité jetée au loin, gaspillée par les guerres civiles. Vespasien la donna à toute l'Espagne, sans doute pendant sa censure en 75 5 ; Hirschfeld rapporte à quelque autre concession de la latinité les monnaies de Vespasien et de Titus de 78 où il y a la laie et les marcassins 10, symbole de ce droit, comme la truie et ses trente petits". Sous Nerva et Trajan, Pline le Jeune ne parle pas de concessions de la latinité ; il signale seulement leurs mesures libérales à l'égard des Latins au sujet de l'impôt sur les héritages12; la parenté civile était détruite en effet entre le Latin arrivé au droit de cité romaine et ses parents ; ils devaient donc l'impôt du vingtième pour hériter les uns des autres ; Nerva et Trajan les en dispensent pour les héritages en ligne directe (des petits-enfants aux grandsparents) et en ligne collatérale (entre frères et soeurs). Hadrien donna le droit latin à beaucoup de villes 13. D'Antonin nous connaissons une mesure'", le droit qu'il donna à deux peuples alpins, rattachés à Tergeste (Trieste), les Carni et les Catali, d'avoir des candidats à l'édilité de Tergeste; il leur conférait ainsi le droit latin. Dans l'Afrique, outre l'Utique, nous connaissons comme villes de droit latin : Oppidum Uzalitanunt et Chisiduo dans la Proconsulaire t5, Tipasa dans la Mauritanie, Icosium qui le reçut de Vespasien 1e, Lambaesis et Gemellae 19 La dernière mention des Latini coloniarii se trouve à l'époque de Sévère et de Caracalla dans Ulpien 19 et dans Dosithée }9. Les jurisconsultes de l'époque de Justinien en parlent comme d'une institution morte qu'ils ne comprennent plus20. Elle a dû disparaître sous Cara 1 Plin. Hist. na.'. 3, 5 ; voir les notices du C. i. 1. XII, sur ces villes. 1610, 1631, 2096. Les lois de Salpensa et de Malaga sont bien des lois de villes latines ; la démonstration de Mommsen est probante (Die Stadtrechte der latin. 1, 57. 24 1, 96 (d'après la lev Lure de Studemund). On a un exemple de majus Latium calla après l'extension du droit de cité à tout l'Empire. Les Latini coloniarii ont le droit latin de la deuxième catégorié qu'on a vu à la fin de la République. Leurs villes s'appellent généralement oppida Latina ou Latinoruln, et aussi officiellement, comme le prouvent les lois municipales de Salpensa et de Malaga", municipia. Nous renvoyons pour l'étude du droit municipal latin aux articles qui traitent du droit municipal en général [LEGES MUNICIPALES, MUNICIPIUM). Les Latini coloniarii ont, comme on l'a vu, le droit privé des Latins 2z, mais presque identique à celui de Rome ; ils n'ont ni le jus suffragii, ni le conubium, sauf concession spéciale 23 Pour l'acquisition du droit de cité romaine, il faut distinguer maintenant, d'après le texte récemment déchiffré de Gaius, le majus et le minus Latium2". De quelle époque date cette distinction? A l'époque de César, il n'y a encore que le droit latin ordinaire 25 ; il en est encore de même sous Tibère°0, Vespasien et Domitien27, Le droit latin majus ne doit guère être antérieur à l'époque de Gains, c'est-à-dire d'Antonin. On peut l'attribuer à Hadrien ou à un de ses prédécesseurs immédiats, à une époque où la décadence du régime municipal oblige déjà les empereurs à attirer dans les villes latines de nouveaux candidats au décurionat par un nouveau privilège ; on voit déjà dès Trajan des citoyens nommés décurions malgré eux 29 ; et le décret d'Antonin sur Tergeste montre aussi la difficulté du recrutement des sénats municipaux ". Le majus Latium ouvre donc la cité romaine à beaucoup plus de Latins que le minus Latium ; car dans le premier cas les décurions et ceux qui gèrent un honor ou une magistrature, dans le second cas ces derniers seuls obtiennent le droit de cité romain. La distinction qu'établit ici Gains entre une magistrature et un honor est assez obscure"; car ces deux expressions sont généralement synonymes; le mot honor ne peut s'appliquer ni aux sacerdoces, ni à la questure, ni à la charge des praefecti qui suppléaient les duumvirs absents, car il est certain que cette dernière charge ne conférait pas le droit de cité 31; on a conjecturé" qu'il s'agissait du praefectus désigné pour le remplacer par l'empereur, élu duumvir d'une ville, car ce personnage paraît obtenir le droit de cité". L'exercice d'une magistrature municipale conférait-il le droit de cité dès le début ou seulement à la sortie de charge? Les textes classiques 34 et plusieurs inscriptions d'Espagne paraissent être en faveur de la première hypothèse ; mais le début de la loi de Salpensa 36 doit plutôt faire accepter la seconde qui est d'ailleurs plus conforme aux principes généraux du droit romain 36. Nous renvoyons l'é 5, 532, 1. 8, 14-17. 30 La théorie de Beaudouin (Noua. Rev, hist. de droit, 1879, 36 Avec la restitution de Mommsen. 36 Sur les inscriptions de magistrats municipaux latins d'Espagne, la tribu, (lui était la marque extérieure du droit de minore Latio, Berlin, 1860 ; Zumpt, Studio romana, Berlin, 1859 ; SeInvegier, pal, Paris, 1876; iller, Latium und Rom, Leipzig, 1878 ; Beloch, Der italische LAT 980 LAT