Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LATONA

LATONA (Arh é). Légende. Le témoignage à peu près unanime de l'antiquité fait de Latone la fille du Titan Koios et de la Titanesse Phoebé' ; seul Hygin lui donne pour père le Titan Polos 2. Elle a pour soeur Astéria ou Ortygia'. La partie la plus célèbre de sa légende est l'histoire de sa maternité : aimée de Zeus', elle a donné naissance à Apollon [APOLLO] et à Artémis [DIANA]. Homère et Hésiode, qui connaissent ce double mythe', ne l'ont pas localisé. C'est dans l'hymne homérique à Apollon Délien que nous trouvons pour la première fois le récit circonstancié de la naissance d'Apollon à Délos'. Latone, en quête d'un asile pour ses couches, parcourt en vain les îles et les rivages de la mer Egée toutes les contrées la repoussent, par crainte sans doute du redoutable fils qu'elle doit mettre au inonde'. Délos enfin l'accueille, sur la premesse des brillantes destinées que lui réservera le culte du nouveau dieu. Neuf jours et neuf nuits les douleurs déchirent la déesse; toutes les immortelles s'empressent autour d'elle ; seule Héra est absente; ILITHYJA, que la déesse irascible tient également à I'écart, se décide à intervenir secrètement, gagnée par l'offre d'un riche collier de neuf coudées'. Son arrivée décide enfin la délivrance : Latone jette ses deux bras autour d'un palmier et appuie ses genoux sur le gazon Apollon bondit à la lumière. Telle est la version détienne : elle a servi de base à la tradition antique. On la retrouve, à quelques variantes près, dans l'Hymne à Délos de Callimaque. Le poète Alexandrin a motivé avec plus de précision la course errante de Latone par une persécution systématique d'Héra : c'est par ordre de cette déesse qu'Arès et Iris s'attachent aux pas de Latone, et lui font interdire l'accès de tous les pays où elle aborde'. Il n'est pas question, dans Callimaque, de l'intervention d'Ilithyia; en revanche, les Déliades, filles d'Inopos, chantent, pour faciliter la délivrance, un hymne à la déesse des accouchements f °. On désignait avec précision, à Délos, l'endroit où le jeune dieu avait vu le jour : c'était aux pieds du Cynthe", plus exactement sur les bords du petit lac que forme l'Inopos en s'échappant de la montagne ". D'après l'hymne homérique, c'est un palmier qu'embrasse Latone pour se soutenir pendant ses douleurs" ; au palmier, qui est déjà connu par l'Odyssée'', des auteurs postérieurs substituèrent ou ajoutèrent l'olivier, l'arbre d'Athéna, variante où se reconnaît l'influence attique', ou bien le laurier, l'arbre d'Apollon" ; un texte d'Euripide mentionne simultanément les trois arbres 17. Tandis que dans l'hymne homérique Latone en s'agenouillant embrasse l'arbre d'un geste tout naturel, un des hymnes découverts à Delphes imagine qu'il lui suffit de toucher une branche de l'arbre sacré pour sentir son action bienfaisante". Le mythe relatif à la naissance d'Artémis ne semble pas lié primitivement à celui qui vient d'être exposé, mais il s'y inséra à une certaine époque. C'est à Ortygia que l'on s'accordait à faire naître Artémis. Ortygia est encore une région indéterminée dans l'Odyssée". Un vers de l'hymne homérique, que l'on retrouve textuellement dans un hymne orphique, et qui pour cette raison a paru suspect, fait naître Apollon à Délos et Artémis à Ortygia'-0. Différentes localités du monde grec, où l'on retrouvait une Ortygia, se disputaient l'honneur d'avoir été le théâtre de cette légende41 ; mais beaucoup plus communément on identifia Délos et Ortygie 22. Latone y aurait mis au jour Artémis la première qui, aussitôt née, remplit auprès de sa mère l'offi ce d'Ilithyia et l'assista pour la naissance d'Apollon 23 ; on célébrait, à Délos, la naissance d'Artémis le 6 Thargélion, et celle de son frère le 7 2'. La maternité de Latone est liée, dans plusieurs versions, à des fables qui expliquaient l'origine de Délos. Une tradition que ne paraît pas connaître l'hymne homérique, mais qu'on trouve déjà dans Pindare, voulait que Délos eût été primitivement une île errante ; au LAT 983 LAT moment où Latone y aborda, elle fut fixée au fond de la mer par quatre colonnes'. C'est à l'occasion de la naissance d'Apollon que File, primitivement appelée Astérie ou Ortygie, aurait reçu son nom de Délos, la brillante'. Quant au nom d'Ortygia (File de la caille, p.-ru), on l'expliquait par une légende relative à la soeur de Latone : Astérie, poursuivie, comme celle-ci, par l'amour de Zeus, obtint des dieux sa métamorphose en caille, puis en îlot rocheux D'après une version, c'est Latone elle-même qui aurait gagné, sous forme de caille, l'île de Délos On lit encore dans Hygin un récit qui paraît une contamination de la légende delphique avec celle de Délos : Héra envoie le serpent Python à la poursuite de Latone encore enceinte; elle fait le serment que sa rivale n'accouchera qu'en un endroit où n'atteindront pas les rayons du soleil. Borée, sur l'ordre de Zeus, amène Latone à Poseidon qui, pour respecter le serment prononcé par Héra, élève les flots comme un dôme audessus de l'île d'Ortygie, et déjoue la poursuite de Python, qui retourne au Parnasse (fig. 4338) : c'est là qu'Apollon va l'atteindre quatre jours après sa naissance 5. Le récit des circonstances qui ont accompagné la naissance des Létoïdes se rencontre encore avec d'autres variantes et d'autres localisations. Au temps de leur hégémonie maritime, les Athéniens avaient imaginé un épisode qui mettait en contact le dieu délien et leur divinité poliade : Latone, ayant passé par l'Attique avant ses couches, y ressentit les premières douleurs ; elle dénoua sa ceinture (W)vrl) au promontoire qui fut par suite appelé Zwrvs p ; puis, sous la conduite d'Athéna Pronoia, elle passa du cap Sunium à Délos s. Il y avait, peut-être en commémoration de cette légende, un sanctuaire d'Athéna Zostéria au cap Zoster , et un temple d'Athéna Pronoia à Délos 8. Une petite localité de Béotie, Tégyra, revendiquait l'honneur d'avoir vu naître Apollon : on y voyait un mont Délos, et deux ruisseaux, Phoinix et Elaia, entre lesquels Latone aurait fait ses couches La même légende s'était localisée aussi à Amphigéneia en Triphylie f0, ainsi que dans le fameux sanctuaire d'Artémis à Ephèse Dans plusieurs traditions, et notamment dans celle de Délos, intervient le mythe des Hyperboréens. Ainsi, c'est du pays des Hyperboréens qu'arrive Ilithyia pour opérer la délivrance de Latone ". Mais on disait aussi que Latone elle-même était née dans la même contrée fabuleuse 13, ou encore que, pour échapper aux persécutions d'Héra, c'est sousla forme d'une.louve (Àuxoç) qu'elle fit le trajet, en douze jours, du pays des Hyperboréens à Délos14. II n'est pas difficile ici de reconnaître une interprétation des épithè attribuées à Apollon 1J. Ces mêmes épithètes ont vraisemblablement conduit à la légende qui fait naître Apollon en Lycie 56 et l'on a justement remarqué que la Lycie jouait souvent dans la fable le même rôle que le pays des Hyperboréens 17. Une tradition localisait encore en Lycie une autre aventure. Après sa délivrance, la déesse vient en Lycie, nommée alors Trémi lia. Près d'une source ou d'un étang, elle s'arrête afin de boire ou de baigner ses enfants ; les indigènes le lui interdisent ; en punition, elle les transforme en grenouilles 18. Ou bien encore ce sont des loups (),uxot) qui la conduisent aux bords du fleuve Xanthos ; Latone s'y baigne, consacre le fleuve à Apollon, et donne au pays le nom de Lycie 10. LAT 984 LAT Enfin un autre surnom d'Apollon, celui de Il' oç, suggéra la fable d'après laquelle Latone en couches aurait été effrayée à la vue d'un sanglier; de là l'épithète de IITw« (du verbe 7cTO€W, s'effrayer) qu'elle aurait reçue et transmise à son fils'. Indépendamment de ces récits, tous relatifs à la maternité de la déesse, la légende de Latone comprend encore les deux épisodes de Tityos et de Niobé, tous deux localisés dans la Grèce centrale, le premier en Eubée ou aux environs de Delphes, le second en Béotie. Tityos, Géant né de la Terre, succombe sous les coups d'Apollon et d'Artémis pour avoir voulu faire violence à leur mère2. Dans le second de ces épisodes, les deux Létoïdes jouent un rôle analogue : ils exterminent la descendance de Niobé qui a outragé leur mère dans son orgueil maternel'. Culte. Latone avait à Délos un sanctuaire particulier, le Létôon, avec la grossière statue archaïque qui avait rendu le rire à Parméniscos de Métaponte, et un palmier de bronze consacré par Nicias Un autre Létôon, à Argos, qui contenait une Latone de Praxitèle, passait pour avoir été fondé par la seule survivante des Niobides, Méliboia ou Chloris, dont on voyait également l'image dans le temple 5. On connaît encore d'autres sanctuaires de Latone : à Décélie en Attique à Amphigéneia en Triphylie 7, à Lété en Macédoine 5. Le même culte est très répandu dans tout le sud-ouest de l'Asie Mineure; outre l'x),eoç ArTTiuov d'Ortygie près d'Ephèse 9, il y avait encore des temples de Latone à Calynda et à Physcos en Carie 1°, à OEnoanda en Phrygie 1l, à Pergé en Pamphylie 12, à Antiphellos et à Xanthos en Lycie 13, et la popularité de ce culte dans ces parages explique que Latone y fût particulièrement invoquée comme protectrice des tombeaux f4. Le temple de Latone à Phaestos en Crète mérite une mention particulière: la déesse y était adorée sous l'épithète de iuT1-q, qu'on expliquait par une légende. Latone aurait changé le sexe de Leukippos, fille de Lampron et de Galateia, pour répondre aux supplications de la mère, Lampron ayant déclaré que si l'enfant qui naîtrait de lui n'était pas de sexe masculin, il le tuerait : de là le surnom de $uslr, (i(Ttç ispuea ,u.r~ôsa 'r x6s'1 f5). Nous connaissons le culte et les fêtes de plusieurs de ces sanctuaires I:LATONIA]. Mais il s'en faut que ces noms épuisent la liste des localités où Latone était honorée. Elle est associée à ses enfants en un grand nombre de sanctuaires. A Délos, où les témoignages épigraphiques sont particulièrement abondants, on trouve mentionnées dans les inventaires des hiéropes des offrandes consacrées à Latone ellemême des sacrifices pour les autels d'Artémis, d'Apollon et de Latone, auxquels sont associés quelquefois Zeus Soter et Athéna Soteiraf7 [LATONIA] ; un très grand nombre de bases de statues portent des dédicaces aux trois divinités réunies i5. Cette association de la triade divine se rencontre très fréquemment dans les contrées les plus diverses : en Attique, au cap Zoster, où les pêcheurs sacrifiaient sur les autels des trois divinités f9, à Tanagra et à Cirrha, où elles ont un temple commun 2° ; toutes trois ont leur statue dans les temples d'Abae 21, de Délion 29, du Ptoon 23, dans l'Héraion d'Olympie 2a, dans le double sanctuaire d'Asclépios et de Latone à Mantinée 25, dans le temple d'Artémis Orthia sur le mont Lyconé en Arcadie à l'agora de Sparte 27, dans le temple d'Apollon Palatin à Rome 28, sans parler de plusieurs groupes de Latone portant ses enfants que nous aurons à signaler plus loin. Au temple d'Apollon Didyméen, chacune d'elles reçoit des offrandes 29 Comme à Délos, leurs noms sont associés dans des dédicaces à Erétrie 30, à Tamynae 31, à Koraza 32. En plusieurs localités, elles reçoivent des sacrifices communs 33; toutes trois enfin sont invoquées ensemble comme garantie des serments à Delphes 34 et des traités d'alliance entre certaines villes de Crète 35. L'association particulière d'Artémis et de Latone est attestée pour Athènes, où elles ont une prêtresse commune 36, et pour Ilalicarnasse 31. Il faut signaler celle de Latone et d'Apollon Ilélios Lyerménos en Phrygie 3s Dans la région du Cithéron, et particulièrement à Platées, le culte de Latone se trouvait associé à celui d'Héra. Elles partageaient le même temple, y recevaient les mêmes honneurs ; et même c'était à Latone, surnommée Mu/(a ou Nufia, que l'on offrait, dans la fête des DAIDALA, les premiers sacrifices 39. Les légendes par lesquelles les anciens expliquaient cet usage ont donné à penser que le culte de Latone, indigène à Platées, a plus tard été supplanté par celui d'Héra, introduit de l'Eubée Æ0 En Asie Mineure, Latone s'est parfois substituée. LAT -985LAT ainsi qu'Artémis, à la Grande Déesse En Égypte, elle a été également assimilée à des divinités indigènes. On trouve son nom dans des inscriptions gréco-égyptiennes ; le sphinx est son animal familier et l'ichneumon lui est consacré'. Hérodote mentionne une divinité égyptienne, qui avait un temple et un oracle dans la ville de Bouto, appelée quelquefois Létopolis 4; Latone y était considérée comme la nourrice d'Apollon-Horos et d'Artémis-Boubastis, qui sont les enfants d'Osiris (Dionysos) et d'Isis (Déméter). Dans une inscription nubienne, elle est la mère du dieu polyonyme Mandoulis 8. Monuments figurés. Dès l'époque archaïque, la statuaire avait reproduit l'image de Latone et ses aventures. Nous avons signalé les anciens simulacres de Délos et d'Ephèse ; il faut ajouter une Latone que cite Pausanias parmi les très anciennes statues de l'Héraion d'Olympie 0. Au dire du périégète, c'était une oeuvre de Praxias, élève de Calamis, que le fronton de Delphes où figurait Latone en compagnie des Létoïdes et des Muses 7. C'est également au ve siècle qu'il convient de rattacher un relief de la collection Baracco, où Latone, assise sur un rocher, ses enfants auprès d'elle, reçoit la prière des adorants 8, et le relief consacré par le fils de Bacchios Pour le ive siècle, les textes énumèrent un certain nombre de statues de Latone, soit isolée, soit en groupe, oeuvres des grands maîtres. A Ephèse, Scopas avait représenté la déesse appuyée sur un sceptre, et à ses côtés une Ortygia, nourrice des Létoïdes, tenant les deux enfants dans ses bras 10. De Praxitèle, on cite un groupe de Latone et de ses enfants, dans le temple d'Apollon Prostatérios à Mégare", reproduit sur une monnaie de cette ville (fig. 4359)12; puis une Latone groupée avec une petite figure de Chloris dans le Létôon d'Argos 13, oeuvre dont le souvenir s'est également conservé sur des monnaies (fig. 4360)14; enfin un groupe de Latone, Apollon et Artémis, dans un temple de Mantinée" : on sait que les fouilles de M. Fougères ont découvert trois reliefs qui décoraient la base de cette dernière oeuvre is. Une Latone de Céphisodote le Jeune se trouvait, avec l'Apollon de Scopas et l'Artémis de Timothéos, dans le temple d'Apollon fondé par Auguste au Palatin 17. Pline mentionne également une Latone portant ses deux enfants, oeuvre d'Euphranor, au temple de la Concorde à Rome18. Enfin Polyclète, sans doute le Jeune, était l'auteur d'un groupe en marbre des trois divinités, consacré sur le mont Lyconé près de Tégée is. Peut-être un relief d'une base en marbre de Sorrente nous donne-t-il l'idée de l'un de ces groupes d'apparat exécutés au ive siècle 20. A l'époque hellénistique ou gréco-romaine, on retrouve encore plusieurs fois lareprésentation de la triade divine L1, en particulier sur une ciste et un miroir étrusques 2Y. Les différents épisodes de la légende ont également été traduits par les monuments. Nous avons rapporté la version d'Hygin sur le secours qu'apporte Poseidon à la détresse de Latone avant ses couches; une mosaïque trouvée en Algérie , sur l'emplacement de Portus Magnus (fig. 4358), présente un motif qui concorde d'une manière frappante avec ce récit : Latone, transportée par Borée, est accueillie par Ortygie, tandis que Poseidon tient en respect le serpent Python a3. Une pyxis en os du musée du Louvre montre Apollon sortant du sein de sa mère en présence de l'île Délos personnifiée 24. Sur un relief de marbre, le travail de l'enfantement est en train de s'accomplir : une petite Diane drapée est déjà debout près de Latone, mais Apollon n'est pas encore né 25. Un certain nombre de vases peints représentent Latone, tenant dans ses bras ses deux enfants, en présence du serpent Python ou fuyant devant lui 26 (fig. 4361). C'est également le motif de deux statuettes du musée Torlonia et du Capitole qui s'inspirent peut-être d'un original du va siècle ", et d'un monument funéraire du musée Chiaramonti 28. Même sujet sur différentes monnaies d'Asie Mineure ". Un miroir étrusque montre les deux enfants tuant le monstre 'U. L'épisode de Tityos a fourni le motif LAT 986 LAT de plusieurs vases peints'. Quant à celui de Niobé, nous nous bornerons à rappeler ici que Latone figure dans plusieurs représentations, mais sans prendre elle-même part à l'action 2. Une peinture d'Herculanum, copie d'un original attique du Ive siècle, se rapporte à une phase de la légende antérieure au dénouement tragique ; c'est une querelle entre Latone et Niobé, encore jeunes filles, à propos d'une partie d'osselets; une de leurs compagnes, Phoebé, intervient entre elles comme conciliatrice 3. On peut signaler encore la présence de Latone sur un assez grand nombre de vases peints à figures noires et à figures rouges, parmi d'autres divinités : elle s'y reconnaît d'ordinaire à la proximité d'Apollon ou d'Artémis, et ne porte guère, comme signes distinctifs, que l'himation passé sur la tête en guise de voile, et une couronne ou un diadème garni de fleurons ; parfois aussi elle tient un rameau ou une coupe 4. Quelquefois elle assiste, derrière Apollon, à la dispute du trépied', à la lutte au sujet de la nymphe Marpessa0, au concours entre Apollon et Marsyas Au grand autel de Zeus, à Pergame, elle figure parmi les divinités combattantes, armée d'une torche, qu'elle dirige contre un Géant Interprétation. Le mythe de Latone est un de ceux qui se prêtent le mieux à une explication naturaliste. On a souvent rattaché le nom de A-t(Tw à une racine ),x®, qui se retrouverait dans les verbes a,jOw, axvxvw, lateo : étymologie contestée il est vrai 9, mais que ses partisans ont défendue contre les critiques 10. Latone serait, dans cette hypothèse, une personnification de la nuit (littéralement l'obscure, la recéleuse), ou encore de la terre enveloppée des ténèbres de la nuit. Cette interprétation, déjà donnée par les anciens", a été de nos jours fréquemment reproduite f2. Max Müller remarque que Léto est la soeur d'Astérie ou du « ciel étoilé »f3. Délos, le lieu de naissance d'Apollon, est l'orient «clair» ; Ortygie, celui d'Artémis, a son équivalent dans le sanscrit vartikd, fip'ru, la « caille », et celle-ci est un symbole du printemps ou de l'aurore ". L'union de Zeus et de Léto est donc une image de l'union du ciel et de la nuit, qui donne naissance au dieu de la lumière et de l'été, Apollon, lequel est à la fois le soleil diurne et le soleil annuel, les concepts du printemps et du matin étant constamment parallèles dans la vieille mythologie. Plusieurs des détails de la légende ont été interprétés sui vaut cette donnée générale : le palmier (tpoTvt) représenterait la rougeur du matin, etc. ". On a cherché aussi dans un ordre d'idées tout différent le vrai sens du mythe. Latone serait une déesse de la maternité, de la fécondité heureuse 10. Son nom pourrait dériver d'un thème indo-européen, lé, « donner, procurer »17 ; mais l'hypothèse invoque surtout quelques détails significatifs de la légende et du culte. Latone est avant tout la mère divine, comme Héra est l'épouse par excellence. On l'invoque, dans un épithalame, comme Kovpo'rpdtpoç 13• Par là s'expliquent ses accointances avec Ilithyia, et avec Héra, particulièrement dans le culte de Platées, ainsi que son surnom de 'btT(Il, qui est si caractéristique' 9. La déesse qui procure les naissances heureuses est, par une induction naturelle, la même qui peut tarir la source de la vie, causer l'avortement ou anéantir la descendance : de là le mythe cruel de Niobé. Ce dernier aspect se traduit encore dans le culte d'Argos, où on lui donne pour compagne Xawp(s, la « pale », nommée aussi, comme Perséphone, Me),i ola, la « destructrice » G0. F. DURRBACH.