Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LATRINA

LATRINA.-Chez les Grecs, ''Acpoioç', 4oSoç vayxxïoç2 , mot, outre le sens de latrines, avait aussi celui de chaise percée 7 ; toutefois, dit Pollux, ce meuble était plus convenablement désigné par le mot SI?poç et par son diminutif xo3cpo'iv, auquel on a quelquefois attribué le sens de latrines", les textes allégués" n'établissent pas qu'il ait désigné autre chose qu'un dépôt d'immondices ". Il est donc établi que les Grecs avaient des latrines et des chaises percées; un des textes précités se rapporte évidemment à une latrine publique ", un autre, plus probablement à une latrine privée " ; il semble que, près des temples fréquentés, il y en avait 17. Mais les maisons particulières en étaient-elles généralement pourvues ? Quelle en était l'organisation? Autant de questions ou controversées ou encore insolubles 18. Le mot latin latrina a comme synonymes forica 19, secessus" , sella 21, necessarium22. Quant au mot latrina lui-même, c'est une contraction du mot lavatrina, qui, à une époque ancienne, désignait le bain que, plus tard, on appela balneurn 23. La lavatrina, dont le nom dérive, on n'en peut douter, du mot lavare, était généralement dans la cuisine ou àcôté. C'était une installation simple et primitive ; plus d'une fois, l'eau du bain arrivait boueuse et jaunie par l'orage récent"; mais aussi c'était économique; le même foyer chauffait le bain et cuisait le repas. Un récipient posé sur le fourneau contenait, tant que celui-ci était allumé, de l'eau toujours chaude, prête à être versée dans la baignoire33. En même temps, l'eau du bain s'écoulait par les mêmes conduits que les eaux ménagères. Quand l'usage des latrines privées s'établit, la même raison les fit placer dans la cuisine ou à côté, parce que la canalisation y était toute prête. Et c'est tout cet ensemble qui s'appela d'abord lavatrina, puis latrina ; c'était l'endroit par où s'écoulaient toutes les eaux, toutes les immondices qu'une maison habitée livre quotidiennement à la fosse et à l'égout. Lorsque, au commencement du me siècle av. J.-C., à l'exemple des Grecs, les Romains établirent des bains publics, offrant, à bon marché, le luxe et le confort, le bain privé disparut des intérieurs modestes, les familles riches construisirent dans leurs maisons des bains avec hypocaustes, et la latrine seule resta à la cuisine, conservant le nom emprunté au bain. Il y eut donc trois périodes : le mot lavatrina, latrina, désigna d'abord le bain16 ; puis le bain et la latrine27, enfin la latrine seule28. Le mot latrina ne fut donc pas créé pour la chose qu'il désigna plus tard, mais il y fut appliqué par extension, et c'est à tort que certains auteurs et lexicographes le font dériver de latere, parce que la latrine est un endroit où l'on se cache29. Les latrines publiques durent être en usage de bonne heure à Rome. Un texte remontant au n° siècle av. J.-C. y mentionne des urinoirs 30, et, d'un autre endroit du même passage, on peut conclure qu'il y avait, au forum ou au comitium, non loin du tribunal, un de ces établissements 31. Au ler siècle av. J.-C., Rome s'enrichit d'une nouvelle latrine publique, quand, par décret du sénat, on donna, afin de la déshonorer, cette affectation honteuse à la salle de la curie de Pompée où César avait été frappé 32 Sous Tibère, ce fut un crime de lèse-majesté, puni de la peine capitale, d'aller dans une latrine publique avec une bague dont la pierre gravée représentait l'empereur ou avec des monnaies à son effigie". Sous Néron, Lucain, jeune encore, lança dans une latrine publique une grossière insulte à l'adresse de l'empereur, mettant en fuite, par la crainte d'être compromis dans une accusation de lèse-majesté, tous les Romains qui s'y trouvaient". Et, de ce fait que l'historien appelle les fugitifs sessores, on peut conclure que ces latrines avaient, non pas seulement des dalles percées, mais des sièges. il est permis aussi de leur supposer d'assez vastes dimensions, car Néron y fit jeter les statues de tous les athlètes vainqueurs dont -t LÀT 988 L AT la gloire lui portait ombrage'. C'est dans une latrine où il s'était réfugié qu'Clagabale fut mis à mort'. Ces modestes établissements ne sontrnentionnés parles historiens que dans des occasions exceptionnelles, quand ils ont été mêlés par hasard à des événements importants. Aussi le petit nombre de textes que nous venons de citer suffit pour établir que, dès le temps de la République, l'usage des latrines publiques était général à Rome et entré dans les moeurs. Cependant, on n'en a guère trouvé dans les fouilles et travaux de Rome. Il faut probablement attribuer à une latrine publique, ou tout au moins dépendant du camp des Prétoriens, les restes mis au jour rue Magenta, en 1872 3. Probablement aussi les sellae Patroclianae mentionnées par Martial 4 étaient une latrine publique, située dans les environs du temple de Jupiter Capitolin. Quoi qu'il en soit, plus tard, les régionnaires indiquent à Rome 144 ou 154 latrines publiques °. Les documents sont plus rares encore sur les latrines privées de Rome. On a trouvé l'emplacement de celles de la maison dorée de Né ron 6. Des fouilles ont ramené au jour, dans un état de conservation complète, en 1775, celles du palais d'Auguste au Palatin. Elles ont malheureu sement été recouvertes depuis,mais l'abbé G. A. Guattani nous en a laissé une description et un dessin'(fig. 4362). La latrine était établie dans une pièce en hémicycle, dont le mur était divisé en trois niches ; dans chacune de ces niches était un siège en marbre, accosté de deux consoles, en marbre aussi, d'un bon travail, formant à la fois séparation et appui pour les mains; la tablette percée et les conduits étaient également en marbre ; en avant, dans le sol, une vasque peu profonde (1) recevait, par un conduit, de l'eau qui se renouvelait sans cesse; en arrière, un gros tuyau, au nom d'un procurateur de Domitien s, et plusieurs tuyaux plus petits, embranchés sur le gros, envoyaient l'eau aux conduits de descente pour les maintenir propres et faciliter l'écoulement. Dans la partie supérieure dit mur, trois autres niches correspondaient, à titre de simple ornementation, aux niches inférieures ; la voûte était en forme de dôme Il existait aussi, à la villa Iladriana, une latrine dont les places, au nombre de sept ou huit, étaient disposées le long d'un mur semi-circulaire ; les tubes en terre cuite descendaient, dans l'épaisseur du mur, vers la fosse ou l'égout Tout leur revêtement extérieur a dis-paru". Les substructionsindiquentqu'ily avait des sièges. Il est probable que les latrines publiques de Rome étaient placées sur les égouts ou communiquaient avec eux; mais on n'en a trouvé aucun indice. Quant aux latrines privées, il est certain qu'elles ne communiquaient pas avec les égouts; une canalisation si considérable, qui aurait intéressé tout le sous-sol de la ville habitée, aurait laissé des traces. Or il n'en existe pas 12. Les fosses (pozzi neri) devaient être nombreuses, quoiqu'on en ait trouvé très peu : une voûtée et sans ouverture, près de la caserne des Prétoriens 7' ; une autre dans les flancs de la colline de Saint-Pierre aux Liens, du côté de la rue Cavour; cette dernière, creusée dans l'argile à une profondeur de 1 m. 611, est large de 2 m. 88 sur 2 m. 40; sa voûte, qui repose sur quatre piliers, avait une ouverture par où se faisait le curage i4; elle n'est pas étanche. Il y avait aussi, dans les rues de Rome, des urinoirs qui étaient disposés dans les ruelles étroites et peu fréquentées (in angiportu) ; il en était au moins ainsi au lIe siècle av. J.-C.''. C'étaient des amphores "6, des doua", des vases quelconques en terre, testa", que l'on coupait quand il y avait lieu, afin de les ramener à une hauteur pratique et auxquels, pour cette raison, on ajoute souvent l'épithète cm-tus". Les foulons, au métier desquels l'urine était nécessaire, et sans doute aussi les tanneurs qui en faisaient également usage (FLLLONICA, coEIAHIOS], étaient autorisés à mettre dans les rues des récipients qu'ils vidaient quand les passants les avaient remplis20 C'est sans doute ce privilège que les foulons achetaient en payant le célèbre impôt sur les urines, établi par Ves pasien 2L. Dans l'intérieur des maisons, les Romains possédaient aussi des chaises percées, fixes ou mobiles 22 : elles étaient appelées lasanum., le scoliaste d'Horace le dit sans réticence93, et, quoiqu'il se trompe dans l'interprétation du passage qu'il commente [LASMtUM , le mot avait certainement, dans d'autres textes, le sens qu'il lui donne ; on les nommait aussi sella pertusa 21 ; le contexte en effet L.~T 989 -LAT semble bien indiquer qu'il s'agit ici d'une chaise mobile. Quant aux sellae familiaricae de Varron, auxquelles on a donné le même sens, je crois que c'est simplement une latrine pour les esclaves et les serviteurs d'une ferme (familia), à laquelle le tas de fumier (sterquilinium) 1 Lient lieu de fosse ; le contexte ne me parait laisser subsister aucun doute. Les cellae familiaricae de Vitruve qu'on a aussi interprétées latrines ou garde-robes, sans doute par rapprochement avec les sellae familiaricae de Varron, semblent être des pièces pour le service. Nous trouverons en province, à Pompéi et dans les villes d'Afrique, les renseignements que Rome nous a refusés. Pompéi avait des latrines publiques assez nombreuses : au Forum aux thermes du Fo rum ou petits thermes 4, aux grands thermes, dits de Stabie °, aux thermes cen traux aussi appe lés nouveaux 6, c au théâtre', aux portiques d'Eu machia et dans divers endroits de la ville 6. Ces la trines publiques sont générale ment établies d'a près le système du tout àl'égout. Celles du Forum, quoique toute la partie extérieure, sauf les murs, ait disparu, nous permettront d'é tudier le fonctionnement, à l'aide du plan ci-joint (fig. 4363)10 car le sous-sol est intact. Un vestibule A, dont les portes d'entrée et de sortie 1 et 2 sont contrariées, afin que, du dehors, on ne puisse pas voir l'intérieur de la latrine, donne entrée dans la salle principale B. Sur trois côtés de cette salle, le long du mur, courait un canal C, aujourd'hui à découvert, sur lequel étaient posés les sièges dont on voit encore, de distance en distance, les supports en pierre 3. Les sièges étaient donc suspendus sur le canal oit tombaient directement les matières qu'une eau, toujours courante, entraihait directement à un égout passant derrière la latrine. La latrine publique du forum de Timgad, en Afrique, établie d'après le même système que celle de Pompéi, est assez bien conservée pour que nous puissions en reconstituer l'appareil extérieur ; nous aurons ainsi la description complète d'une latrine publique romaine. Dans le dessin de l'état actuelquenous reproduisons (ffg.4364)11, on voit, à gauche, une partie de l'ouverture ménagée audessus du canal qui longe le mur, et, en avant, sur le dallage, la trace des sièges qui, comme à Pompéi, étaient suspendus sur le vide au-dessus de ce canal. Entre chaque siège, large de 60 centimètres, une dalle debout haute de 80 centimètres, dont la partie supérieure était arrondie et sculptée en dauphin, formait séparation et donnait au bras un point d'appui; des caniveaux, creusés peu profondément et inclinés vers l'égout, facilitaient, de distance en distance, l'écoulement des liquides 72. Au centre d'un des murs, une Ibntaine, encore accostée de ses séparations sculptées en dauphin, recevait l'eau par le fond et en déversait sans cesse le trop-plein dans une rigole figurée sur notre dessin, qui faisait tout le tour de la salle et se vidait dans le canal. Le dallage, la présence de la fontaine, l'eau qui circulait sans cesse dans la rigole, l'entraînement perpétuel des matières à l'égout rendaient certainement ces latrines propres, faciles à maintenir en bon état à l'aide de lavages à grande eau et probablement presque inodores. La salle, longue de 8 m. 55 sur 6 m. 20, contenait environ 25 places; elle était, comme nous l'avons déjà remarqué à Pompéi, précédée d'un vestibule 13. Les latrines des thermes de Timgad étaient aussi établies sur un canal courant le long d'un mur ; mais ce mur, auquel étaient adossés 28 sièges limités par des séparations, était en demi-cercle, de telle sorte que la pièce formait un hémicycle de 14 mètres de diamètre. Autant de caniveaux qu'il y avait de places facilitaient l'écoulement des liquides vers la fosse; une rigole, comme aux latrines du forum, courait devant les sièges, alimentée d'abord par une fontaine centrale, qui, plus tard, fut supprimée et remplacée par un robinet placé au-dessus de la rigole à chaque extrémité du demi-cercle. Les sièges en pierre, artistement moulurés, étaient épais de 17 centimètres et profonds de 51; les lunettes avaient un diamètre de 21 centimètres14. Dans des latrines entièrement en marbre, attenant au marché de Pouzzoles, les trous des lunettes ne sont pas parfaitement circulaires, mais ont, en avant, V. 125 LAT 990 LAT une légère échancrure, ce qui leur donne, à la partie antérieure, une forme un peu ovale'. Le sol de la latrine des thermes de Timgad est couvert d'une belle mosaïque représentant des animaux entourés de rinceaux variés, Les latrines publiques de Lambèse sont organisées d'après le même système et également semi-circulaires, avec canal et courant d'eau poussant tout à l'égout. Mais, au lieu de sièges, elles ont de simples dalles percées, et, en avant du trou, une dépression en forme de cuiller pour l'écoulement des urines 2. Si nous rapprochons les latrines de Lambèse et des thermes de Timgad de celles du palais d'Auguste et de la villa d'Hadrien, nous constaterons que, pour les latrines à sièges multiples, la forme en hémicycle n'était pas moins usitée que la forme rectangulaire. Nous remarquerons aussi que le système très hygiénique et très pratique adopté par les Romains était d'un usage général, puisque nous le retrouvons en Italie et dans les villes d'Afrique. Lesvilles de province de l'empire romain étaient, à ce point de vue, plus favorisées que nos capitales qui hésitent encore devant « l'innovation » du tout à l'égout. C'est à Pompéi qu'il nous faut revenir pour étudier les latrines privées. Celle dont nous donnons ici le dessin (fig. 4365) se trouve dans une maison située derrière le monument d'Eàmachia3. Deux socles en maçonnerie. surélevés, marquent la place des pieds (1), un peu audessous de l'amorce qui supportait à droite (2) le siège aujourd'hui disparu ; une forte pente (3) s'incline vers un conduit ménagé, au fond de la latrine, dans l'épaisseur du mur (5) et en communication avec l'égout; un tuyau (4) descend de l'étage supérieur, soit pour apporter de l'eau, soit plutôt, à cause de sa largeur, comme tuyau de décharge des eaux ménagères ou d'une latrine située au-dessus de la première. Une chose qu'il faut admettre tout d'abord, c'est que, sauf exceptions, chaque maison, à Pompéi, avait sa latrine. L'usage de placer la latrine dans la cuisine, ou à côté, subsiste encore, mais il est loin d'être la règle générale. La latrine de la cuisine est dissimulée dans un renfoncement', isolée par une cloison ou par un petit murs quelquefois semi-circulaire et simplement à hauteur d'appui, souvent aussi sans aucune séparation '; mais il est probable qu'il y avait alors une barrière en bois que le temps aura détruite, un paravent, ou quelque autre clôture mobile. On a vu des cuisines en possession de deux latrines Installée dans une pièce voisine de la cuisine, la latrine avait encore une canalisation commune, à travers le mur mitoyen 9; mais souvent on lui réservait une pièce isolée et écartée au fond de la maison 10, ou bien ouvrant au contraire sur le vestibule 11 ; très souvent encore on utilisait l'espace libre sous l'escalier 12. Il existait aussi, au premier étage, des latrines se déversant, par un conduit, dans celles du rez-de-chaussée 13 ou pourvues de leur canalisation spécialet5. Certaines maisons en ont deux isolées 16 ; il existe encore des latrines à deux placesl6, avec un urinoir à côté du siège 19. Quelquefois le siège était remplacé par un socle bas percé d'un trou avec, en avant, la place des pieds marquée 1a ; l'inclinaison du sol ramenait l'urine dans le tuyau de décharge, grâce à un trou ménagé sous le socle10. Le soir, une niche recevait la lampe 20. Les sièges conservés 21, assez nombreux, sont en maçonnerie; ceux qui étaient en bois ont péri. L'installation des latrines de Pompéi était inégale, comme les maisons elles-mêmes, et comme les fortunes; elles étaient riches ou mesquines, petites ou spacieuses, obscures et sans air ou largement éclairées avec une fenêtre sur la rue ou le jardin. La plus luxueuse latrine est celle de la maison des Dioscures : la salle est vaste et éclairée, le siège double, les murs peints avec élégance". Les systèmes de latrines étaient variés. Le tout à l'égout, général pour la plupart des latrines publiques, était beaucoup plus rare pour les latrines privées; on en rencontre cependant des exemples, probablement dans les maisons qui se trouvent sur le passage des égouts23. Si l'on étudiait sérieusement le sous-sol et la canalisation de Pompéi, ce qui n'a pas encore été fait, on trouverait peut-être que le tout à l'égout était moins exceptionnel qu'on le pense. D'autres latrines avaient des fosses 2'; les latrines de deux maisons voisines, adossées au mur mitoyen, profitaient de la même fosse 23. Dans le quartier qui avoisine la porte de Stabie, une latrine très simple est appliquée contre un mur percé d'une ouverture au niveau du sol, de telle sorte que, de l'extérieur qui m'a paru être un petit jardin, on pouvait, avec une pelle, faire le nettoyage36. Enfin, certaines latrines n'ont ni égout, ni fosse, ni ouverture d'aucune sorte vers l'extérieur. Il est plus que probable qu'elles contenaient autrefois des récipients que l'on retirait par une porte ouvrant sur le devant de la latrine ; et, en effet, que pour LAT 991 LAT raient être ces chaises percées fixes dont parle Pollux sinon des latrines contenant un vase mobile? Pompéi nous a fourni des éléments d'étude assez complets pour que nous ne cherchions pas ailleurs ; les Romains, nous l'avons vu pour les latrines publiques, ont porté dans les provinces éloignées leurs progrès et leur civilisation, en cela comme dans les monuments d'un ordre plus élevé. A Nimes, le général Pothier a découvert, dans les ruines d'une maison romaine, une latrine contiguë à la cuisine, dont la fosse était sans cesse lavée par des eaux courantes Au Châtelet, Grignon a trouvé des fosses maçonnées, carrées, circulaires et semi-circulaires On avait relevé en Gaule l'existence d'un grand nombre de puits,dits puits funéraires. On s'étonnait toutefois de n'y pas rencontrer d'ossements humains, mais un dépôt noir caractérisé, et des débris de toute sorte qui, d'habitude, ne constituent pas les mobiliers funéraires. La présence de substructions surprenait aussi, tant les vivants semblaient vivre avec les morts. M. Lièvre, de Poitiers, a découvert et démontré que ces prétendus puits étaient simplement des fosses d'aisance ; on a même reconnu, entre certains d'entre eux et la cuisine, les tuyaux de communication Ces découvertes démontrent que le système de la fosse était très usité dans les campagnes gallo-romaines. Il est bon de remarquer toutefois que beaucoup de ces puits étaient de simples trous,dans lesquels on jetait les vidanges ; quand ils étaient pleins, on les recouvrait et on en creusait d'autres ; c'est ce qui explique leur nombre considérable. Nous sommes bien peu renseignés sur le mobilier des Iatrines antiques. Par Sénèque, on sait qu'on y trouvait une éponge fixée à un bâton Certains auteurs, Montaigne entre autres 6, ont cru que cet instrument servait au même usage que nos papiers modernes 7 ; mais c'est une erreur : ces éponges faisaient ce que font aujourd'hui nos petits balais. Trimalchion, dans un accès de cette grosse gaieté qui lui était naturelle, conseille à ses convives de l'imiter et de ne pas se gêner : dans une pièce voisine ils trouveront des lasani 3, de l'eau et cetera minutalia; si, au lieu de garder une réserve qui ne lui était pas habituelle, Trimalchion avait énuméré ces minutalia, il nous aurait appris, sur le mobilier des latrines antiques, des choses que nous ignorons. Comme de nos jours, les murs des latrines se couvraient d'inscriptions gravées à la pointe 9, écrites au charbon ou à la craie 1a Comment s'enlevait la vidange dans les villes? Des industriels en affermaient l'entreprise 15, si toutefois on admet que dans le texte de Juvénal et dans le Digeste 12 le conductor foricarum ou foricarius est bien un entrepreneur de vidanges''. Le texte de Juvénal, surtout avec l'interprétation d'un des scoliastes14, peut s'expliquer dans ce sens; quant au Digeste, il dit peut-être que l'entrepreneur avait à payer un impôt analogue à celui qui était exigé des foulons pour l'enlèvement des urines ; on peut admettre que la question reste douteuse, mais, quoi qu'il en soit, on n'avait pas le droit, dans les villes de l'empire romain, de jeter les vidanges sur la voie publique' 3, et, comme l'engrais humain avait une valeur vénale, étant très recherché pour l'agriculture [RUSTICA HES] 18, il était facile de faire vider ses latrines, latrinas stercorare17. Nous savons, par une disposition de la lex Julia municipalis 1 s et par d'autres textes 19, que l'enlèvement se faisait dans des chariots, plaustra 20, et, comme de notre temps, pendant la nuit. 1-1. TIIEDENAT.