Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LATROCINIUM

LATROCINIUM. Vol à main armée ou s'exerçant habituellement sur les grands chemins, par surprise. [C'est ce qu'indique la définition de Verrius Flaccus qui fait venir latro de latere, en rejetant l'étymologie grecque aab til,s Àatip6(sç.] Cicéron assimile également le latro et l'insidiator 2. Les jurisconsultes opposent les latrones ou latr'unculi et les pirates (praedones) aux ennemis publics 3. Le latrocinium suppose que le voleur est armé, qu'il a l'intention arrêtée de piller; pour lui, le meurtre n'est considéré que comme un moyen accessoire et non pas comme un but 4. Le crime est plus évident, quand les brigands forment une bande (factio) ; la préméditation est certaine 3. Le brigand s'appelle aussi aggressor6; on assimile aux latrones les grassatores, quand ils attaquent à main armée 7. [La personne qui, repoussant l'attaque d'un brigand, le tue, est dans le cas de légitime défense 3. Le brigandage a toujours été un fléau endémique dans le monde romain, sous la République et sous l'Empire. Il en est très fréquemment question dans les écrits des jurisconsultes impériaux. Septime Sévère admet l' a incursus latronum » parmi les causes légitimes d'empêchements. L'Italie en particulier, surtout l'Italie du Sud, était déjà la terre classique du brigandage. En 185 av. J.-C., le préteur Postumius fit la chasse aux brigands dans la région de Tarente et en prit jusqu'à 7 000 dont la plupart étaient des bergers 10 ; à l'époque de César, la ville de Rome et la Sicile étaient en proie aux brigands ; Sabinus mit une année à les détruire t' [vIGILEs]. Sous Auguste, des bandes ravagèrent pendant trois ans la Sardaigne ; Auguste dut prendre des mesures spéciales, établir des postes militaires (stationarii) en Italie, faire une véritable guerre aux Isauriens dans l'Asie Mineure, mettre à prix pour 250 000 drachmes la tête d'un brigand espagnol, Coracottas i2. Varron signale les brigandages qui rendaient souvent impossible la culture des champs dans la Sardaigne, l'Espagne 13 Tibère continua les mesures d'Auguste ; il expédia en Sardaigne x4000 affranchis de religion juive, à la fois L iT 992 LAT pour s'en débarrasser et pour les occuper contre les brigands'. Même sous les meilleurs empereurs, il y eut peu de sécurité en Italie 2. Il en était de même dans la plupart des provinces, en Corse, Afrique, Égypte, Dalmatie, Espagne, surtout dans les régions montagneuses de l'Asie Mineure, Mysie, Isaurie, Pamphylie'. Arrien avait écrit la biographie du brigand Tilloboros ; sous Commode, un déserteur, Maternus, à la tète de bandes considérables, surtout de déserteurs, désola pendant longtemps l'Espagne et la Gaule, pillant les villes, ouvrant les prisons; il fallut envoyer contre lui toute une armée 5 ; sous Septime Sévère, un certain Bullas tint en échec en Italie toute la police impériale pendant deux ans G ; un autre brigand, Claudius, qui dévastait la Palestine et la Syrie, se présenta devant l'empereur avec le costume de tribun militaire 7 ; aussi Sévère fit établir des stationarii dans tout l'Empire 9. Le mal ne fit que s'accroître au Bas-Empire ; ainsi en 364 Valentinien et Valens défendent l'usage des chevaux, sauf aux sénateurs et aux honorati, dans plusieurs provinces du centre et du sud de l'Italie, pour arrêter les progrès du brigandage 9. Il était exercé particulièrement par les hommes des grands domaines impériaux et sénatoriaux, souvent avec la complicité de leurs chefs, les adores et les procu Nous ne savons pas exactement dans quelle catégorie de criminels étaient rangés les latrones aux premiers siècles de la République plus tard, sous Sylla, ils furent compris dans les termes de la tex Cornelia de sicariis qui atteignait entre autres ceux qui « furti faciendi causa cum telo ambulant" », et par conséquent assimilés aux sicarii; mais le latrociniuln forme cependant un crime spécial, distinct de l'homicidium, comme le prouve une loi de 292 ap. J.-C.72.] En général, on appli quait aux brigands la peine de l'homicide, mais souvent, extra ordinem, un châtiment plus sévère, à raison des circonstances; ainsi les famosi latrones étaient punis de la furca, ou jetés aux bêtes ou crucifiés". Les magistrats chargés de la répression étaient les magistrats ordinaires, c'est-à-dire à Rome sous la République les questeurs, les tees vin', capitales, sous l'Empire les préfets de la ville et du prétoire, le préfet des Vigiles, dans les provinces les gouverneurs [JUDICIA PURLICA]. [Mais sous la République, en Italie, le sénat a souvent donné pour ces affaires des pouvoirs spéciaux à des magistrats supérieurs, consuls ou préteurs, qui jugeaient sommairement avec leur conseil et pouvaient faire procéder à des exécutions en masse ". Une inscription signale à Noviodumum (Nyons) un «praefectus arcendis latrociniis'° ».] On peut rapprocher du brigandage la piraterie, autre fléau que l'administration romaine ne put jamais faire complètement disparaître, surtout sur les côtes de l'Asie Mineure, en particulier dans la Cilicie, l'Isaurie16 et sur les côtes illyriennes ". Il ne fut pas supprimé par les belles campagnes de Pompée t8 Il appartint aux généraux et aux gouverneurs de province de réprimer la piraterie extra ordinem ; les pirates étaient généralement décapités ou mis en croix 19. G. HUMBERT. [Cil. LICRIV.vIN.]