Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ALBUM

ALBUM (As,1xoiµa, lus(ç). I. Ces mots, qui signifient en général tout ce qui est blanc ou blanchi, s'appliquaient spécialement aux tablettes, écriteaux', portions de mura couverts d'un enduit blanc sur lesquels on écrivait, ordinaire 23 ALB 178 ALB ment en rouge ou en noir', les annonces de tout genre qui devaient être portées à la. connaissance du public, Une couche nouvelle de blanc supprimait les lignes devenues inutiles et d'ailleurs faciles à effacer et permettait de les remplacer par d'autres. Ce mode d'affichage était le plus usité, chez les Grecs aussi bien que chez les Romains, pour tous les avis que l'on ne jugeait pas nécessaire de graver en PUBLICAE]. C'est ainsi que les Grecs publiaient un très-grand nombre d'actes publics ', règlements, ordonnances, actes d'accusation, sentences, ou de conventions particulières, telles que les ventes' de domaines, d'esclaves, Dans les jeux publics, les noms des athlètes, l'ordre et les conditions des concours étaient inscrits sur des tableaux semblables 7; on s'en servait enfin pour les annonces de toute espèce'. De même, à Rome, on en fit usage de très-bonne heure. D'après Tite-Live ', le roi Ancus Marcius fit transcrire les instructions relatives au culte, laissées par Numa, sur des tableaux blancs qui furent exposés aux regards du public. Dès une époque très-reculée, les principaux événements furent inscrits sur des tableaux que le grand pontife était chargé de conserver et d'exposer ° [ANNALES MAXIMI]. On publiait de la même manière (voyez le § II) les édits et les autres actes de l'autorité judiciaire, les noms des personnes appartenant à certaines classes ou corporations, les listes des proscrits ", etc. ; de même les programmes (programmata, libelli) des jeux, des spectacles 12 et les avis particuliers de toute nature f3. Ces annonces étaient naturellement affichées dans les endroits les plus fréquentés et aux places les plus apparentes, de telle façon qu'il fût facile à tout le monde d'en prendre connaissance : ces conditions de publicité étaient de règle pour les actes de l'autorité '". Dans une peinture trouvée à Pompéi, actuellement au musée de Naples 10 (fig. 209), on voit plusieurs personnes occupées sur la place publique à lire les inscriptions d'un long écriteau fixé aux bases de trois statues équestres. Les tablettes étaient d'autres fois appendues aux colonnes des temples ou des portiques u. On fut conduit à choisir dans des emplacements favorables des murs que l'on blanchit en leur donnant un aspect architectural et qui n'eurent pas d'autre destination que de recevoir des annonces. Nous en avons un exemple à Pompéi où, à l'entrée d'une des rues qui aboutissent au Forum, on découvrit en 1821 un album de ce genre. Il occupe la face latérale et la face postérieure de l'édifice d'Eumachia. Sa disposition architecturale est riche et élégante. Elle consiste en pilastres corinthiens qui supportent un entablement et qui encadrent des niches rectangulaires peu profondes, couronnées de frontons alternativement courbes et triangulaires, abritant les inscriptions écrites au pinceau en couleur rouge. Il y a ainsi vingt-trois compartiments sur la rue des Orfévres et treize sur la ruelle dite d'Eumachia. Aujourd'hui, les inscriptions ont disparu et cette jolie décoration, faite en stuc, est fort endommagée; mais Matois l'a vue quand elle était complète et l'a très-bien reproduite dans son bel ouvrage, avec tous les détails d'architecture et les inscriptions "; on en voit (fig. 210) la réduction. Ces inscriptions annonçaient des ventes, des locations, les spectacles de l'amphithéâtre. Des inscriptions analogues servant d'enseignes ou de réclames se voient encore en beaucoup d'endroits, tracées au pinceau sur les murs de Pompéi, le plus souvent en rouge et quelquefois en noir. II. Parmi les divers emplois que les Romains firent de l'album, il en est plusieurs qui méritent quelques explications particulières. Album,ponti/icis. C'était le tableau où étaient inscrites les grandes annales [ANNALES MAXIMI]. Album praetoris. Il était placé au Forum et recevait l'édit annuel du préteur", où se trouvaient annoncées les formules d'actions [ACTIO], les exceptions, et même à une certaine époque les interdits [INTERnICTUM] que le magistrat se proposait de délivrer selon les circonstances, sur la demande des parties; il indiquait aussi la série des possessions de biens miaula possESSIO], et des mesures de ALB -179 -ALE protection qu'il pourrait accorder suivant les circonstances. Du reste, on inscrivait aussi sur l'album les ordonnances [DECRETUM] purement accidentelles 12 que pouvaient rendre les préteurs ou les édiles. L'édit renfermait d'ailleurs une action poenalis, popularis et in factum, aboutissant à une condamnation à cinq cents aurei contre tous ceux qui à dessein enlèveraient ou altéreraient les édits transcrits in albo, ou même in chaula, ahane materia, jurisdictionis perpetuae causa". Sous l'empire, le jurisconsulte Paul nous apprend qu'il y avait lieu à une cognitio extra ordinem21, et qu'on appliquait la peine de faux aux altérations de l'édit21. Modestin fait clairement entendre que c'est là une innovation impériale23, due peut-être à ee que l'édit avait pris un caractère nouveau et en quelque sorte plus sacré, depuis qu'il avait reçu force de loi sous Hadrien [EDICTUM, Album senatorum. C'était celui où figuraient les noms des sénateurs ; il était lu d'ordinaire publiquement, lors de la lectio senatus [SENATUS, ADLECTIO], par les consuls, puis par les censeurs qui avaient soin d'omettre les noms des membres qu'ils voulaient exclure de l'ordre 24 ; le premier placé en tête de la liste prenait le titre de princeps senatus. Sous Auguste, l'album du sénat dut être formé publiquement, et l'empereur y occupa le rang de princeps senatus" ; on omettait lors de la recitatio 2e de l'album les noms des morts et des membres exclus du sénat; ces noms devaient être rayés du nouvel album". Album judicum. -La liste dés judices jurati [JUDICES], des QIAESTIONES PERPETUAE était dressée chaque année et publiée par les soins du préteur. La loi Servilia contenait à cet égard des prescriptions détaillées [JUnICIARIAE LUGES] ; plus tard, la liste des jurés dut être déposée à l'AERARIUM. Il est souvent question de cet album dans les auteurs "lassiques 26. En province, il était formé par le gouverneur au moyen des equites romani et des marchands du CoN Album centuriae. Il paraît que les citoyens étaient également inscrits d'après les tables du cens, dans les rôles des classes et des centuries [CENTURIA]; chacune de ces dernières avait son album ; celui qui en était rayé par les censeurs était porté sur la liste des AERARII ou tabulae Ceritum, et soumis à une capitation arbitraire 30. Album decurionum. Dans les villes municipales, l'ordo decurionum ou le sénat local avait son album dont la lectio était faite périodiquement par les magistrats qui remplissaient les mêmes fonctions que les censeurs à Rome , c'est-à-dire les QUINQUENNALES31. Le rang de préséance et l'ordre des suffrages étaient déterminés par celui des inscriptions sur l'album ; en effet, celui-ci était dressé d'après les dignités des membres du sénat municipal, comme on le voit dans l'album de Canusium32, et dans deux textes du Digeste". En première ligne devaient figurer ceux qui avaient obtenu des dignités du prince, puis ceux qui avaient été chargés des honneurs locaux 34 [MUNICIPIUM, Il y avait aussi un album des citoyens qui se faisaient inscrire à l'effet de participer aux distributions de blé" [FRUMENTARIAE L EUES] et un album de chaque corporation