Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LEX

LEX, Dans son acception la plus générale, le mot tex' désigne un engagement pris suit par les citoyens romains les uns envers les autres, sur la proposition d'un magistrat, soit par un citoyen envers un autre, Dans le premier cas, la tex est publica ; dans le second, elle est privata. L'emploi du mot tex pour les contrats comme pour les lois prouve que dans la pensée des Romains la lex a son fondement dans un accord de volontés ; mais dans la tex publica elle oblige tous les citoyens, dans la tex privata seulement ceux qui y ont pris part. Le mot tex a d'autres acceptions. Dans un sens très large, il désigne toute décision imposée par l'autorité compétente dans les limites de ses attributions, les dispositions contenues dans l'édit du Préteur 2, aussi bien que les règles introduites par la jurisprudence (leyunt auctores) a Dans un sens plus étroit, lex désigne le droit civil par opposition au droit prétorien. Le droit civil comprend ici non seulement la loi ou le plébiscite mais aussi les sénatus-consultes'' et les constitutions impériales 6. Très souvent la lex est une clause spéciale d'un acte juridique (mancipiuni, venditio, loeatio), ou de certains actes religieux (auyurium 7, foedera el, Au Bas-Empire, lex désigne soit des préceptes de la religion chrétienne ° ou juive 10, soit le corps des doctrines juridiques''. LEX 1108 LEX LLX Pl RLICI4, LEy TITJA. Cf. les lois de alealoribus. 7.EX ALIENATIONIS. On réunit sous ce titre les divers cas oit l'on peut legent dicere en aliénant la propriété : addictio, adjudicatio, adsignatio, dedicatio, ntancipatio, traditio. Dans les quatre premiers cas, la tex émane d'un magistrat du peuple romain où d'un de ses délégués; dans les deux derniers, la tex est l'oeuvre d'un particulier. Lorsqu'un magistrat transfère à titre gratuit la propriété d'une terre publique soit à une divinité (dedicatio), soit à un citoyen (adsignatio), lorsqu'un questeur attribue au plus offrant la propriété de biens vendus aux enchères (addictio) ou qu'un citoyen investi par le préteur du munus judicandi procède à une adjudication, la tex dicta puise sa force directement ou indirectement dans une loi votée dans les comices. Les clauses de l'aliénation sont fixées tantôt par le peuple lui-même, tantôt par le magistrat en vertu du pouvoir qu'il a reçu du peuple'. Ces leges, lorsqu'elles s'appliquent, comme c'est l'ordinaire, à des terres publiques, déterminent les conditions sous lesquelles elles pourront être utilisées par l'acquéreur et les droits établis au profit ou à la charge des fonds voisins. On les appelle leges agrorum 2 ou leges condicionibus agrorum dictae 3. Elles ont pour objet tantôt la constitution d'une servitude tantôt certaines charges foncières comme le paiement d'un rectifiai ', tantôt une défense d'aliéner, comme celle qui fut imposée par la loi agraire de Tib. Sempronius Gracchus 8. Les questions relatives aux leges dedicationis ont été traitées au mot DEDICATIO (t. III, p. 41) ; celles qui concernent l'adjudicatio, l'addictio et l'adsignatio, aux ne s'occupera ici que des leges mancipii, in jure cessionis, traditionis. 1. Leges mancipii. Il est souvent question dans les textes des dires de l'aliénateur par mancipation: il dit par exemple la mesure du champ qu'il aliène 7, les servitudes qu'il concède 8 ou qu'il retient 9, la manière dont elles seront exercées 10, la largeur du chemin affecté à une servitude de passage" ; il dit si les accessoires de l'objet aliéné (pécule, instruntentum) sont compris''ou non" dans l'aliénation, si le fonds est libre de toute servilude 1'. Ces déclarations forment la tex mancipii', ou tex mancipio dicta 1é, ou data 17 ; on l'appelle également, suivant les cas, tex rei 18, fundi 1°, aedis 20, aedificiorum 21, praedii 22 ou praediorum 93. La tex mancipii ne doit pas être confondue avec la lex venditionis, bien que d')rdinaire ces leges concordent entre elles. La tex mancipii est nécessaire pour réaliser ce qui a été convenu dans la tex venditionis Si par exemple l'aliénateur n'avait pas soin de dicere in mancipio la servitude qu'il a promise, l'acheteur pourrait le contraindre judiciairement à constituer la servitude26. La legis dictio avait lieu vraisemblablement avant l'accomplissement des solennités de la mancipation. L'aliénateur faisait sa déclaration devant témoins Y0, et l'acquéreur s'y référait dans la nuncupatio consécutive'-'. Le mot nuncupatio, dans un sens large, s'applique à la déclaration de l'aliénateur aussi bien qu'à celle de l'acquéreur 2s. La tex mancipii puise sa force dans la mancipation à laquelle elle se rattache. Aussi peut-on, par une tex mancipio dicta, faire naître des droits qu'on ne pourrait établir par une tex traditionis, par exemple un droit d'usufruit 29. Le jurisconsulte Paul attribue l'efficacité de la tex mancipii à ce fait que la mancipation a été confirmée par la loi des Douze 'fables 30. Cette remarque est importante, car les textes du Digeste ne parlent plus de tex mancipii, mais de tex traditionis : cela tient à ce que, la mancipation n'existant plus sous Justinien, les compilateurs de ce recueil ont substitué le mot traditio au mot mancipium. Ce n'est pas à dire que toute tex in mancipio dicta soit valable. La liberté de l'aliénateur est renfermée dans des limites assez étroites. Sont efficaces uniquement les clauses qui sont compatibles avec le caractère primitif de la mancipation : telles sont les clauses qui déterminent l'étendue du droit conféré, ou qui tendent à créer un droit réel. On peutaussi imposer au propriétaire d'un fonds, grevé de la servitude oneris ferendi, la charge d'entretenir le mur en bon état". On peut même insérer dans la lex LEX 1109 I,EX maneipii une défense d'aliéner ; mais elle n'engendre qu'une obligation personnelle'. Un seul cas est excepté : la défense d'affranchir un esclave 2, mais cette exception, qui est en contradiction avec les tendances de la jurisprudence classique, favorable à la liberté, s'explique peut-être par la disposition de la loi iElia Sentia sur les esclaves qui ont commis un crime 1. Mais on ne peut, à peine de nullité, apposer à une mancipation un terme ou une condition : ce serait contraire au caractère de la mancipation qui est un (Ictus legitimus. On ne pourrait non plus, dans une vente à crédit, imposer à l'acquéreur l'obligation de payer le prix; la mancipation est, en la forme, une vente au comptant. Cela prouve qu'il faut bien se garder de prendre à la lettre cette phrase de Gaius qui, inscrite isolément au Digeste, semble avoir une portée générale: In tradilionibus (lisez naancipationibus) permit, quodcumque, partant sit id valeue mani festissintum est 3. Toutes les fois que l'on voulait imposer à l'acquéreur une clause ne rentrant pas dans la catégorie ci-dessus définie, il était nécessaire de la confirmer par une stipulation L'aliénateur stipulait de l'acquéreur l'accomplissement de cette clause ; et pour prévenir toute difficulté sur la valeur de cette stipulation au cas où l'intérêt pécuniaire de l'aliénateur n'apparaîtrait pas clairement, il devait avoir la précaution de stipuler une peine. Bien entendu, cette stipulation ne ui procurait qu'un droit de créance contre l'acquéreur et ses ayants cause à titre universel : elle était sans effet à l'égard des sous-acquéreurs. L'usage de joindre à la mancipation une stipulation de peine pour les clauses de ce genre est attesté par Facto de donation de Syntrophus qui stipule certaines charges au profit de tiers. La stipulation pour autrui est nulle, et il ne servirait de rien de la joindre à une mancipation sous la forme d'une legis dictio. La règle a été formulée par Q. Mucius Scaevola dans son liber singularis `Opv : Nec paciscendo, nec legem dicendo, nec stipulando quisqualrt alteri carere potest 1. Mais si l'on ne peut demander en justice l'exécution d'une pareille stipulation, on peut indirectement forcer l'acquéreur à l'exécuter en lui faisant promettre une somme très élevée à titre de peine C'est ce que fit Syntrophus: Ab bac re protnissioneque dolus malus cujus vestrum, de quibus agitur, [absit. Si adversus ea f(actum) erit q(uanti) e(a) r(es) e(rit)j tantam pecuniant dari, et ampliu.s poenae nomine :545 L m(ilia) n(umntum), slipulattis [est T. Flavius Syntrophus;, spopondit T. Flavius Aithales libertus 9. II. Lex in jure cessionis. L'in jure cessio a été, comme la mancipation, confirmée par la loi des Douze Tablest0: les loges qui s'y rattachent doivent en principe V. être efficaces comme les leges ntancipii En fait, l'in jure cessio était, dit Gaius, très peu usitée comme mode de transfert de la propriété 'l. Aussi les textes qui s'y réfèrent sont-ils très peu nombreux. Ceux qui ont été insérés au Digeste ont été retouchés : l'in jure cessio ayant disparu comme la mancipation sous Justinien, les compilateurs ont partout supprimé les mots in jure12. Ces textes prouvent l'efficacité des leges jointes à une in jure cessio, soit pour régler le mode d'exercice de la servitude qui va être établie, soit pour réserver une servitude à l'aliénateur 13. III. Leges traditionis. Pendant longtemps la lex in traditione dicta est restée inefficace: l'acte auquel elle se rattachait n'était pas consacré par le droit civil''. Sous l'Empire, on abandonna ce point de vue trop étroit, et l'on admit dans certains cas la validité de la lex jointe à une tradition translative de propriété. 1° Lex jointe à un muluum ou plus généralement à me pecuniae datio en vue d'en régler la restitution. Telle est la clause qui autorise des paiements partiels : Si... hac lege mutila pecunia data est, uti liceret et particulat int, ruod acception est, e,esolvere 1 '. Telle est aussi la clause qui permet de rendre moins glue l'on n'a reçu la. Mais la lex serait sans valeur si elle imposait à l'acquéreur l'obligation de rendre plus [ML rLI M. 2°Lexdotis dandae. La règle qui précèdea été appliquée à la constitution de dot faite par un tiers à charge de restitution : Legem quant dixisti, coin (totem pro abonna lares, servari oportet13. La lex est sanctionnée par une utilis condictio, lorsque la dot a eu pour objet une somme d'argentt9. La même décision fut admise lorsque la dot avait tout autre objet '° : le juge chargé de statuer sur la restitution de la dot avait des pouvoirs très larges et suffisants pour tenir compte de la tex rei suce dicta imposée par le constituant 2'. L'action rei uxoriae est une action in bonum et aequunt concepta ; elle contient dans sa formule la clause aequius melius "2. 3° Lex donationi dicta. L'efficacité des leges jointes à une donation a été moins facilement admise que pour la dot. Il fallait pour les rendre valables les confirmer par une stipulation. Dans un cas spécial, la donation d'un esclave à charge de l'affranchir, la lex donationis fut déclarée obligatoire parla jurisprudence 23 : on appliqua par analogie la constitution de Marc-Aurèle relative ia, l'esclave vendu à charge d'affranchissement 21. Les magistrats furent invités à assurer l'exécution de la lex donationis 2 '. On admit ensuite, au temps de Dioclétien, que la lex donationis, jointe à une tradition faite en vue d'obtenir l'exécution d'une charge, serait traitée non comme un simple pacte, mais comme un contrat innomé, et 140 LEX 1110 LEX sanctionnée par l'action praescriptis verbis ' 'PRAEscRIPTlo]. Ce fut l'application d'une règle générale désormais consacrée pour la lex traditionis : Rebus certa lege traduis, si huit non pareatur, praescriptis verbis incertain civilem dandam actionem, ,juris auctoritas demonstrat 2. mentaria.