Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LICIUM

LICIUM. Lisse, cordon qui sert, dans le tissage, â séparer les fils de la trame [TELA]. Par suite, toute espèce de cordon, ruban, bandelette'. LICTOR. On appelait licteurs, lictores', une des catégories d'appariteurs qui étaient à la disposition des principaux magistrats romains pour faire exécuter leurs ordres [APPARITORES]. La présence des licteurs était le symbole du droit de commandement et de haute justice; aussi, de toutes les étymologies qu'ont proposées les anciens, ligare2 (d'après le rôle du licteur dans la procédure de la perduellio) 3, licium 4 (bord du vêtement) [Llamus], aerroupydç °, la plus vraisemblable est licere (citer; °. Les légendes qui donnent aux licteurs une origine étrusque 7, qui attribuent leur introduction à Rome à tel ou tel roi, à Romulus 3, à Tullus Hostilius 9, à. Tarquin l'Ancien 10, n'ont aucun fondement. Tout ce que nous savons, c'est qu'ils nous apparaissent comme un des insignes traditionnels de la royauté'", puis de la plus haute magistrature républicaine, et que, sauf quelques exceptions qu'on verra, il n'y a que les magistrats qui aient le droit d'en avoir i2 Le costume du licteur se règle sur celui du magistrat qu'il accompagne ; à Rome il porte la baga; non pas retroussée, comme le disent à tort plusieurs textes", mais tombante (fig. 4182)"; hors de Rome, et à Rome pour le triomphe, le costume militaire de couleur rouge'-', le sagum (fig. 4483)'°; dans les funérailles, les vêtements de deuil''. 11 a pour principal insigne le faisceau, et c'est pour cette raison que les Grecs traduisent lictor par les mots y a la relation la plus étroite entre le licteur et le faisceau ; les deux expressions sont souvent synonymes. Le faisceau (Jasais)" se compose d'une hache (securis) mise à l'exté Fig. 4482. -Liclenr. rieur et de plusieurs verges ou hâtons 20, réunis par une courroie rouge 2l ; les verges étaient en bois d'orme au témoignage de Plaute, en bois de bouleau d'après celui de Pline 22 ; le licteur porte le faisceau de la main gauche sur l'épaule gauche, par le manche23 ; doit vientl'expres sion fasces attollere 2'4 pour désigner l'entrée en fonctions du magistrat. Pour les funérailles, il porte le faisceau renversé derrière le corps 23. La marque de la victoire, le laurier, s'attache aux faisceaux; sous la République, le magistrat acclamé imperator et ho noré du triomphe a les fasces leureati2t ; sous l'Empire, les faisceaux ornés de lauriers sont attribués en permanence d'abord à César27, puis aux empereurs à qui ils sont réservés comme le titre d'imperatoc IIMPERIL'M] ; les faisceaux impériaux se distinguent des autres par les lauriers et les dorures"; à chaque victoire, au moins pendant quelque temps, on y ajoute d'autres lautiers2°; sous l'Empire, les lauriers font aussi partie des insignes triomphaux accordés au consul pour son entrée en fonctions [CONsUL]. Sous la République, le rôle des licteurs et des faisceaux correspond exactement aux rapports qu'ont les magistrats entre eux et avec le peuple. La légende attribue au début de la République l'obligation imposée au magistrat d'abaisser ses faisceaux devant l'assemblée du peuple pour en reconnaitre la souveraineté". D'autre part, les verges et la hache servent à l'exécution de la peine de mort et des peines corporelles; aussi la hache figure dans les faisceaux et est employée dans les procès criminels de la période royale légendaire" ; elle est conservée ensuite à Rome pendant quelque temps par le seul magistrat qui ne soit pas soumis à la provocatio ad populunt, par le dictateur, et jusqu'à la fin de la République, au jour du triomphe, par le général triomphateur3", qui s'en sert pour faire exécuter les prisonniers de guerre". Depuis la tex Valeria de provocatione, les autres magistrats n'ont plus la hache dans leurs faisceaux à Rome"; ils ne font plus exécuter régulièrement de peines capitales qu'au moyen des verges, par la flagellation"; en dehors de Rome, sur le territoire énilitiae, la hache figure toujours dans les faisceaux". Les faisceaux attribués à. une magistrature ne sont jamais partagés entre les magistrats collègues ; chacun d'eux les a en totalité; cependant, à l'époque primitive, à Rome, le roulement établi pour certains actes entre des collègues avait eu pour conséquence l'alternative mensuelle des faisceaux U4, en ce sens que celui-là seul des LIC -12!t0 LIC magistrats qui était en fonctions en usait officiellement; ce système fut pratiqué pendant quelque temps par les consuls et, d'après la légende, par les premiers décemvirs'; c'était, sauf des raisons spéciales, l'aîné des consuls qui avait les faisceaux le premier mois 2 ; en dehors de Rome, l'alternance journalière des faisceaux entre les consuls dure au moins jusqu'à la fin de la deuxième guerre punique 3 ; plus tard César, consul en 59 av. J.-C., revint au roulement , et à l'époque d'Auguste le roulement mensuel fut rétabli entre les consuls, dans l'ordre de l'âge et aussi d'après les privilèges attachés au mariage et à la paternité, mais sans aucune portée pratique e. Le magistrat inférieur qui rencontre un magistrat supérieur doit faire retirer la hache de ses faisceaux et les faire abaisser (fasces sumntittere) °, Il faut même se présenter à lui sans licteurs 7. Le magistrat romain doit laisser ses faisceaux en entrant sur le territoire d'une ville souveraine alliée de Rome, ou, ce qui revient à la même chose, ne garder qu'un licteur 8. La rupture des faisceaux indique la destitution d'un magistrat 9, ou des désordres, des émeutes"; dans les défaites subies par des généraux romains, les faisceaux figurent parmi les trophées pris par les ennemis", Les licteurs marchent un à un devant le magistrat", sauf dans les cas oit, ne jouant pas de rôle officiel, ils le suivent 13 ; c'est pour cette raison que le mot adparere désigne les fonctions du licteur 14 ; celui qui précède immédiatement le magistrat est le lictor proxilnus 19, ou primus 16, ou sunemus"; à la fin de la République, il occupe cette place en permanence et il a un rang supérieur aux autrest8; il n'y a que les fils impubères du magistrat qui peuvent s'interposer entre lui et le lictor proxiinus 18, Quand le magistrat est dans sa maison, les licteurs se tiennent dans le vestibulum 21; au dehors, ils l'accompagnent dans toutes ses sorties, dans toutes ses visites, au bain, à la promenade 2', au théâtre 22, au tribunal23, Le consul, en particulier, ne doit pas se montrer en public sans licteurs, mème pour ses affaires privées 24 ; si le magistrat veut entrer dans sa maison ou dans une maison étrangère, les licteurs frappent à la porte avec leur faisceau 25 ; ils suivent le général au camp26. Leur principale fonction consiste à écarter la foule, summovere (d'où la formule summoto)27; ils avertissent les gens (animadvertere) par des formules consacrées (date viam, de via discedite) d'avoir à faire place au magistrat et de lui rendre les honneurs qui lui sont dus, par exemple en se découvrant, en descendant de cheval26. Le silens lictor indique un chef bienveillantL9; Cicéron blâme la brutalité des licteurs de Verrès 30. II n'y a que les épouses des citoyens et surtout les Vestales qui ne sont pas tenues de s'écarter pour le passage du magistrat". Contre toute insubordination, les licteurs exercent le droit de coercition du magistrat par la citation (vocatio), l'arrestation (prensio) 32, et les coups de verges". Le magistrat ne fait citer par ses licteurs que les individus présents; à l'égard des absents, il emploie plutôt le viator Les autres fonctions des licteurs consistent en général à faire exécuter les ordres du magistrat par les moyens qu'on vient de voir et sous la protection du chef qu'ils représentent; c'est ainsi qu'on voit les consuls menacer de précipiter de la roche Tarpéienne quiconque portera la main sur un licteur 35. Ce sont sûrement les licteurs qui fouettent les affranchis cités devant le magistrat pour manque de respect à l'égard des patrons 36. En dehors de Rome, au moins pendant la République, les licteurs procèdent aux exécutions capitales par les verges et la hache 37. A Rome, les consuls prêtent probablement leurs licteurs pour les exécutions capitales aux quaestores parricidii et aux duoviri perduellioni,judicandae, tant que ces magistrats exercent la juridiction criminelle [JUDIcIA PIJBLICA) 38 ; plus tard, à l'époque historique, ce sont les agents des tribuns qui sont chargés de ces fonctions ; à la fin de la République et sous l'Empire, c'est un bourreau. Garni fex 39. Enfin la présence d'un licteur a été nécessaire au moins jusqu'au me siècle ap. J.-C. pour l'affranchissement des esclaves per vindictam; le licteur représentait ici l'ancien assertor libertatisY0. La tradition légendaire attribue douze licteurs au roi '°'. Sous la République, les magistrats plébéiens n'en ont jamais eu 42. Les consuls et les magistrats pourvus de l'imperium consulaire, à savoir, d'après la légende, les décemvirs, les tribuns militaires 43, tous les magistrats pro consule4f, en avaient aussi douze, ainsi que l'interroi en exercice Yti. D'après la plupart des textes 46, le dictateur en avait vingt-quatre ; cependant, d'après Tite Live 17, Sylla le premier se serait montré, étant dictateur, avec vingt-quatre licteurs; il faut peut-être admettre avec Mommsen que jusqu'à Sylla le dictateur n'avait que douze licteurs à Rome et n'en prenait le double qu'en campagne. César dictateur obtint du sénat soixantedouze licteurs pour les journées de son triomphe48. Le magister equitum en avait six 49. Les praefecti urbi, L1C 1241 LIC nommés par le dictateur César, en eurent deux'; ceux que nommaient les consuls n'en avaient sans doute pas. Les préteurs en avaient deux à Rome 2 et six dans les provinces 3 ; il se peut même que le préteur pourvu d'un gouvernement eût les six faisceaux à Rome, même avant son départ'. On les donnait aussi à tous les propréteurs et aux magistrats investis de la puissance prétorienne L'ancien édile, nommé judex quaestionis, en avait sans doute deux'. A la fin de la République, les questeurs pro praetore, les légats pro praetore et les légats de rang prétorien des gouverneurs consulaires avaient des licteurs, mais en nombre inconnu'. Les censeurs n'en avaient pas 8 ; pour les édiles curules, il n'y a pas de texte décisif; il est cependant probable qu'ils avaient des licteurs 0. Les gouverneurs pouvaient dans leur province, au moins dès l'époque de Sylla 10, concéder deux faisceaux aux sénateurs qui s'y trouvaient, à leur questeur et à leurs légats". Sous l'Empire, Auguste eut vingt-quatre licteurs jusqu'en 29; jusqu'en 23, il eut les douze licteurs consulaires à Rome et jusqu'en 19 en dehors de Rome comme proconsul ; à cette date, il eut le droit d'avoir partout les douze licteurs12. Domitien en eut vingt-quatre 13. Ensuite les empereurs s'en servirent de moins en moins, tout en les conservant cependant", comme on l'a vu. Les fonctionnaires impériaux de rang équestre n'en eurent pas, non plus que les légats légionnaires. Les proconsuls, anciens consuls, c'est-à-dire ceux d'Asie et d'Afrique, gardent les douze faisceaux jusqu'à l'époque de Dioclétien ou de Constantin 1 °. Les proconsuls, anciens préteurs", tous les préteurs à Rome ainsi qu'au Ba.s-Empire le consularis JVumidiae 18, ont six faisceaux. Les gouverneurs des provinces impériales ont cinq faisceaux et s'appellent souvent pour cette raison quinquefascales" ; il en est de même des légats impériaux envoyés à titre extraordinaire dans des provinces sénatoriales ou impériales V°. Nous ignorons le nombre des faisceaux qu'ont les questeurs pro praetore et les légats des proconsuls consulaires ou prétoriens'. Les curatores viarum et les curatores aquaruttl, employés en dehors de Rome 22, les praefecti aerarii militaris jusqu'à une certaine époque 23 en ont deux; aux fonctions des curatores frumenti ne furent attachés des licteurs que quand elles furent devenues consulaires "; les curatores tabularunl publicarum, créés par Claude, eurent des faisceaux, en nombre inconnu, pendant leur courte existence -'. Le préfet de la ville paraît aussi avoir eu des faisceaux 26. L'usage des faisceaux s'est maintenu jusqu'à une très basse époque" ; ils figurent encore à l'époque de Justinien parmi les insignes de plusieurs gouverneurs 98. A la fin de la République et au début de l'Empire, le sénat pouvait accorder des faisceaux à ses ambassadeurs 29. Nous arrivons à la seconde catégorie de licteurs, aux licteurs des prêtres et de ceux qui donnent des jeux. On a d'abord les lictores curiatii 30, affectés aux sacra populi Romani quiritium 31; ils formaient une décurie spéciale qui était petit-être sous la direction du grand pontife 32 ; ils servaient surtout à convoquer les comices par curies pontificaux" ; nous ne savons pas s'il faut les identifier avec les /lamines curiales des curies 3'. Fournissaient-ils les licteurs 33 qu'on voit figurer dans certains sacrifices, et les trente licteurs 36 qui représentaient les curies dans les comices curiates pour la lex curiata de inlperio :' C'est vraisemblable pour la deuxième catégorie : alors ils auraient été au moins trente, peut-être plus. Le flatnen Dialis a un licteur, peut-être pris parmi les précédents". A partir de 'o2 av. J.-C., les Vestales eurent le droit de paraître en public avec un licteur°`. Les licteurs des prêtres les accompagnent dans les processions 39. Sous l'Empire, on donna des licteurs aux épouses des empereurs divinisés, en tant que prêtresses de ces nouveaux dieux ". On concédait des licteurs, pris peut-être parmi ceux des magistrats, aux particuliers pour des jeux funèbres" , aux édiles plébéiens pour leurs jeux", et probablement aussi pour les représentations théàtralcs dont ils avaient la surveillance '`3. Le prêtre qui donnait les jeux des Arvales se rendait à sa place suDalnoto 'u : mais on ne sait pas s'il employait des licteurs ou d'autres appariteurs. Pour les jeux, les magistri vicorunl avaient, depuis leur création en 7 av. J.-C., chacun deux licteurs", pris dans la décurie spéciale des lictores populares (lenuntiatores; comme l'indique l'épithète denuntiatores, ces licteurs étaient aussi chargés d'annoncer les jeux ; d'après Mommsen ', le denuntiator cité sur une inscription pour chacune des quatorze régions de Rome' serait un de ces licteurs et la décurie aurait donc compris au moins quatorze personnes; elle en avait sûrement davantage, puisqu'elle avait à sa tète un ordo de dix membresÆB Parmi les magistrats municipaux, les duumvirs avaient chacun deux licteurs, avec des faisceaux, sans doute plus LIG 42112 -L1G petits et sans la hache'; les édiles ne paraissent pas en avoir eu 2; d'après le règlement de Narbonne le /l'amen Aujustalis avait un licteur, que lui prêtaient sans doute les duumvirs à l'exemple du /lamen Dialis ; les seviri augustales s avaient, mais uniquement pour les sacrifices, les jeux et les festins, deux faisceaux qui n'avaient pas la hache', et qui sont souvent représentés à côté des inscriptions de ces personnages'. Nous connaissons à Pu Ieoh (Pouzzoles) un corps de lictores populares denuntiatores, analogues à ceux de Rome'. A Rome, les licteurs se composaient en grande majorité d'affranchis et étaient toujours citoyens 8; des esclaves n'eussent pu remplir leur rôle dans l'affranchissement et dans les comices curiates. Ils avaient la même condition que les appariteurs en général, c'est-à-dire qu'ils étaient salariés, nommés en théorie pour un an, mais en fait àvie [APPARITOBE51. Ils venaient hiérarchiquement au-dessous des scribee et des accensi, mais au-dessus des vIATOIOE5 et des PHAECONES Ils étaient exemptés du service militaire. Les licteurs des magistrats supérieurs 10 composaient trois deeuriae ayant chacune à leur tête un ordo de dix membres, les deeena priai ; il est probable que la première était réservée à l'empereur, la seconde aux consuls et la troisième aux préteurs 12 ; chaque décurie (levait avoir un personnel assez considérable. Ces décuries étaient organisées en corporationsS3; c'est sous cette forme qu'on voit figurer les licteurs aux obsèques de Pertinax Dans les provinces, les licteurs des magistrats romains, rarement cités, étaient de rang plus inférieur; la mention sur plusieurs inscriptions 15 du magistrat qu'ils servaient fait croire qu'ils étaient temporaires et choisis arbitrairement ; cependant, ailleurs, on les voit former une décuriet° ; et au Bas-Empire ils ont certainement pris aussi l'organisation corporative et ils jouent pour la juridiction civile de leurs chefs le rôle d'huissiers 17. La lex coloniae Juliae Genetivae énumère les licteurs municipaux les premiers parmi les appariteurs ; mais par leur traitement, qui est de 600 sesterces, ils ne viennent qu'après les scribes et l'accensus; ils sont citoyens et exemptés du service militaire pendant leur année de charge18. A Ostie, ils forment une décurie avec les scribes, les cerarii, les librarii et les viatores 1D. Cx. LÉçrur lv.