Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article LYRA

LYRA (Aûpx).-Des deux classes principales d'instruments de musique que distinguaient les Grecs et les Romains, instruments à vent (i zitvEaeTa) et instruments seconde qui jouissait de la plus grande considération et qui seule était regardée comme vraiment nationale et éthique. Dans l'éducation libérale, sauf en Béotie et, à Athènes, pendant une courte période d'engouement au milieu du vesiècle, le jeu des instruments àcordes était seul enseigné à l'exclusion de la flûte : les mythes d'Apollon et de Marsyas, d'Athéna et de Marsyas symbolisent cette préférence'. La prédilection des anciens pour les instruments à cordes ne s'étendait pas d'ailleurs à tous les instruments de cette catégorie. Elle était réservée à deux variétés, très voisines l'une de l'autre, qui appartiennent à la classe générale des harpes, en ce sens que les cordes se pincent à vide et ne sont susceptibles chacune que d'un son unique, mais qui se distinguent des harpes proprement dites par l'égalité de longueur des cordes, les différences d intonation n'étant obtenues que par des différences de grosseur et de tension. Ce type instrumental n'est plus représenté dans l'orchestre moderne ; la difficulté de l'appareillage, dès que le nombre des cordes se multiplie, l'en a fait exclure au profit des instruments à cordes de longueur inégale ou, comme disaient les anciens, à cordes 181 c Mil iques e, qui 1x-mémé. d'ailleurs' n'y tiennent, pqu'une place terés u~c ' t' I a donc pu dire, av'eti u 1.. d' _a ga"tl1on .t li En fait d'instrument' à n l lis dan ees et lens n'ont taossédi t i celui. d,.ot hi .rôle .sl le mo, fd rr ~ cane Fe rr . ri*donne ; encore ne l'ont-il que sous une forme rusli.m.ent.airel. hs'poqu hotrique, l'instrument r,[ s national est désigné suris les noms de ?dErt.itittIl ,e ^ gite qui paraissent synony°mes'. Ce premier, qu'en 1 i ', é avec vraisemblance lO radical. parent du latine ;:1n, semble d'origine purement. helb'nique et rappelle pat endésinencc un autre instrument national, la Q° ,i '. Quant au mot xt'fi,ce tnon_eraittentédeluiattrihueruneoril In: asiatique. Nous ne possédons d'ailleurs aucun ,-,'n, , ',en!. précis sur la phorminx or ' Itharis he,meriq ue ; ut que nous savons, c'est qu'elle pouvait ,.tee de. grand prixAinsi la phormin's d'Achille., qu'il e it à ,i pans le b.-tin d'une ville d'Asie, était d Veille, 'iiI ment travaillée et traversée par un ijoug d`argent'` a ressemblance entre les noms ri z„t, et r..[lIce a lait supposer que l'instrument homérique litait identique à la cithare classique. Anistoxtsne s'élevait expressément contre cette opinion et identifiait, au contraire, la xfàeptç avec eslyre",entendant. sans doute par là que le résonateur était constitué par une carapace de tortue. La seule preuve qu'il donnait à l'appui de sou dire, c'est que le mot xtOapt -r',ç, dérive de atOxa ;do, qui lui-mémo vient de a:Aaptç, non de xt07pa, désignait de son tefnps les joueurs Cie lyre, autrement appelés Purciaoi. Mais cette preuve n'est nullement convaincante. Si le mot e,ier'ç a eu, à l'origine, comme nous le croyons, le sens générique d'instrument à cordes égales, quelles que fussent la, forme et la matière de l'instrument, on comprend que ses dérivés xi0api,o~,, xt0âotet,, xtiaptmtirlç aient pu conserver un sens générique, même après que le simple r taptç fut tombé en désuétude. De fait, on trouve le mot x Px, ié,r associé avec lice r aussi bien qu'avec xdlpe; de même ).t04,tetç (seul ou avec te', épithètes distinctives }ti)it, love"ic). Quant _r xtBa émis, s'il a fini par s'appliquer exclusivement, et avec une nuance le dédain, au ioueru° de lyre, c'est sans douta parce que les joueurs de ithare, virtuoses d :une o misse plus relevée, 'iraient a leur disposition les mots xttta ç lorsqu'ils s'accompagnaient de la voix, et qt) xt4z Tfç, lorsqu'ils se servaient etc l'instrument seul. A Iépoqure classique les mots edcu.tylt et xiOxot, ne survivent plus qu'en poésie i à. leur place le langage courant emploie les termes l par et xtl.4tt.s. (In trouve aussi, dans pan langage poétique, eli,iç (tortue). Le latin a un terme générique, /lires (diminutif /idiento.), qui vient, paraitH, d'un vieux met glatie ,t -I de boyau comme ',,-_.d0 vient, de te. y e . on trouve ses termes transcrits ou traduits du gi , °t 11.010, tesfudo). tees n0rni,),upet et x aces ne su.' -,-nouémes, quoique plusieurs lexicographes les ais ,:I, p,„rr tels" et que le. principe de leur distinction lie son nulle part claire menu énoncé. -Non seulement les deux instruments sont souvent nominés, conjointement, en ternies qui excluent leur identité", mais encore des auteurs bien informés les opposent l'un à l'autre : ainsi Aristote, qui n'admet que la lyre dans 1'enseignement de la jeu u' -proscrit la cithare comme présentant de trop gi 2,'• s difficultés techniques t' ; Aristide Quintilien dépeint le muni lé de ia cithare comme très voisine de celle de Ia. lyre, mais pourtant moins grave, moins virile 13. Rion et, Pausanias attribuent l'invention de la lyre à Mercure tandis que celle de la cithare appartiendrait à Apollni-,,L.tutres nomment, au lieu d'Apollon, Amphion". En pro-r`-.Yi sde ces témoignages on ne saurait douter que les deux instruments ne fussent distincts. Mais en quoi consistait, leur différence essentielle'? Lyre et cithare se composent. l'une et l'autre : f' d'une caisse sonore ou résonateur, d'où s'élèvent, deux bras reliés par une traverse , `I° d'un nombre variable de cordes, de longueur égaie, accrochées par unie extrémité ,i la traverse et par l'autre à un («cordier » fixé sur le résonateur. Maintenant, laissant de côté les menues variantes, on constate que dans une première série de représentations le résonateur est formé d'une carapace de tortue ou tout au moins d'une caisse imitant la forme et l'aspect de cette carapace, oit sont plantés deux bras minces et longs, de silhouette incurvée comme les cornes d'un boeuf ou d'un cerf. Dans une antre série, le résonateur, plus ou moins massif, rectangulaire ou arrondi, est toujours une caisse en bois sans analogie avec une carapace de tortue ; les bras, pris dans la même masse, se raccordent avec le eontor r de la, caisse ; ils scat plus larges, plus épais que dans le premier type, et se terminent généralement par un montant tout à fait vertical, Cela posé, remarquons i° que dans tous les récrits relatifs à l'invention de la lyre par Hermès, il est question d'une carapace de tortue, tandis que jamais cet objet n'est mentionné à propos de la cithare; 2° que dans les repré sentations très rares oh l'instrument est accompagné: du nom :topa (fig. 4699)", il est toujours figuré avec un résonateur en forme de carapace ; 3° inversement, que l'instrument des citharèdes de concours (reconnaissables à leur costume d'apparat) ou d'Apollon citharède n'a jamais un résonateur de ce genre (voir plus haut les figures 1569, 11170, 1.572) : fa' qu'il en est de -hème de 'instrument figuré sur les monnaies de la C.: lycienne, dont le nom populaire x1Ov,?.rtcdpot n -as a été transmis par une inscription' De l'ensemble de ces farts on peut conclure avec certitude que les instruments du premier type sont des lyres, et ceux du second des cithares. à,ecarapace. 1439 Il ne faut Iris compliquer cette distinction par des différencc que suggère une observation superficielle u is mie ne confirme pas une étude plus approfondit : en particulier, il n'est pas exact que la cithare soit toujours de plus grande taille que la lire; rien de plus variable que les dimensions de l'un et l'autre instrument. Ajoutons que si leur distinction apparaît bien marquée sur les monuments de l'époque hellénique et hellénistique, particulièrenient sur les peintures de vases, il n'en est plus de même à l'époque romaine, notamment sur les peintures campaniennes, ni même à toutes les époques sur les monnaies de petite dimension et les reliefs de marbre ; on voit alors s'effacer les traits caractéristiques, apparaître des formes intermédiaires, dégénérées, probablement conventionnelles, en présence desquelles l'archéologue est souvent embarrassé pour dire s'il s'agit d'une lyre, d'une cithare, ou même (sur les sarcophages romains) d'un luth'. Les documents dont nous disposons pour l'étude archéologique de la lyre et de la cithare sont : 19 les débris d'instruments de cette classe provenant d'1Jgypte ou d'Attique conservés aux Musées de Berlin et de Leyde et au Musée Britannique (fig. 4700)2 ; 30 les textes des auteurs anciens' ; 3° les monuments figurés. Parmi ces derFig. 4 L Lyre à carapace. Ilrers, les statues ne doivent être utilisées qu'avec de grandes précautions, car dans la plupart des cas l'instrument est entièrement ou partiellement restauré. Le , onateue de la lyre fut en principe et à l'origine une carapace de tortue tili,uç), sur la face concave de laquelle on tendait une peau de boeuf. Ce procédé économique est tout à fait dans l'esprit des peuples primitifs: c'est ainsi que de nos jours beaucoup de peuplades africaines, pour fabriquer un résonateur, tendent une peau de boeuf sur une calebasse vidée. L'écaille bigarrée, noire, semée de cercles aux rr yeux » blonds, est non seulement décrite 1 Par exemple sur le sarcophage d'Hippolyte à Girgenti (Andin Z ',t. 1847, p1. vQ. Sur un vase (Siephar , Coin ptes rend rs, 18:3, ii. 80) une cithare certaine a unrésonne (eur orné d'une écaille de tortue. 2 Sur les cithares de Bey de et do Berlin (pror tuant le la Haute-Égypte), o Féhs Dictionnaire. 1, 278, Wilkinson. The naanixers, etc. p 477-8. La dernière est haute de Ost.bû ; le résonateur est haut de 0 ,large de 0'8,3ecl possède un cordier en saillie disposé pour 13 cordes. Sur lalyre, fig. 4700 (ou les deux lyres?) en bois de sycomore du Mus. Brin. (coll. Elgin) trouvées dans une tombe sur la route du Pirée à Éleusis, cf. Fauvel, Blagasive encyclop. 1809,11, p.363 ; hist. rien. de la mus. III, 250 sq. Parmi les objets trouvés par Billiotli à lalysos (Rhodes) et également conservés au Musée Britannique, M.Gecil Smith me signale des débris divoire, d'écaille et des amorces de bronze qui paraissent prou emr d'une lyre ,,,unes les trou, ailles d'lal,cos dafeut de l'époque 3 mycénienne n au plus tard. dans les textes', mais très souvent figurée avec iule grande vérité; quelques monuments montrent mène une sorte de bourrelet cireedaire qui cerne le contour de la cerapaceç( fi g. 4701. et 5703;. Les meilleures écailles venaient du mont Partlrénion, en Argolide Plus tard, au lieu de carapaces naturelles, on employa ries armatures en buis, en forme de carapace et a evt"tues de lamelles d'écaille, comme sur une des lyres du Nilusée Britannique. Souvent aussi l'ivoire fut, substitué à l'écaille 7 ; des lyres d'ivoire sont plusieurs fois mentionnées dans les inventaires. Quant aux résonateurs formés d'un crame dr' boeuf ou de cerf e, ce sont des fantaisies individuelles. La table d'harmonie proprement dite de la lyre consistait dans la peau de boeuf tendue sur la face interne de la carapace vidée: il. n'est pas exact qu'on ait jatl,ais conservé la face inférieure, cartilagineuse, de celle, c.i, matière rigide qui ne serais. pas entrée en vibration. 'ri, la manière dont la peau était fixée à la carapace, l'Hymne à Fiern«Is est seul à nous renseigner, en termes; assez obscurs: il semble qu'on plantait dans l'écaille (le petits piquets de roseau, sur lesquels on tendait la peau, comme une tente 19. Les bras ou cornes de la lyre (ryyatç, xyzôiv_ç, comma) étaient fixés par leur extrémité inférieure, nous ne savons comment, dans la table d'harmonie et s'élevaient dans un plan sensiblement parallèle à celle-ci. Primitivement les cornes méritaient; véritablement leur nom: c'étaient des cornes de chèvre"; au temps d'llérodote, certains peuples barbares, pour des instruments an trognes à cri lyre, employaient pareillement des corne d'antilope PhilosLrate décrit les cornes de la lyre d'Ainphion r noires, dentelées comme une scie r', et des cornes pareilles sont souvent représentées sur les reliefs mythologiques des sarcophages romains, inspirés de peintures hellénistiques, ainsi que sur les monnaies. Nous en donnons un exemple emprunté à une monnaie d'Alitioche" (fig. 4703; cf. fig. 47d5). A. l'époque classique, le bois fut substitué à la corne, mais il resta lin souvenir de la matière primitive : ce fut la forme élégamment incurvée, analogue à celle des cornes de chèvre, que l'on continua à donner aux bras de la lyre. Ces bras sont toujours pleins, assez minces, lisses et d'une épaisseur à Les phis développés sont lcrécit I I inven.lion .la iyre dairs Flyvmi. ad Mer r. 24 sq. et le tableau de Fhllo_trate, Iraq. i, iè mphlon). e 6'yr.an Sir? r er 3'_:a47.4she,suz4r;Philostr. L. c.:.al .0 LA.; gdt.n'o° Sey..etei:-, Sl.:a:a:s 8ie,v nar..s de r cl.r ira,_nrut..Yfu,. Cid'. L,nir pt. de Pe.doselcne (ibid. roser. et. 1, U R) sq. (p. 73-3t. etc. Monnaie bronze ele Mrtcleuo au Cab. de phème). Cf. supra. fig. 2=00 (bas-relief Albani, Polyphème avec une lyre à, cornes de cerf). ro V, 43 sil. c „z Ut?" i, ciuerrer :apis 814saxn.; xnha;.o:o re,priso.; S,4 (Monrou'se)s l.u b nii,oo(i.,9s4:ixo,o4,a).arr,r,, ?sizik -sr,,, ,a pci S' 4_10505v ucoe,etc. ri Philostr. L. c. 12 Herod. iV, 192. 13 Monnaie de bronze d'Antioche ,neiniure de Pompéi, Apollon avec une lyre à navires de cl,, re). LYR peu près uniforme de bas en haut. Au point de vue des dimensions et de la courbure, on distingue deux variétés bien tranchées. Dans l'une, la plus commune, les cornes atteignent le maximum de leur courbure vers le milieu de leur hauteur, qui est à peu près une fois et demie celle de la carapace, puis se rapprochent insensiblement et se terminent en se redressant légèrement (fig. 4704)'. Dans l'autre, fréquemment représentée dans des scènes de festin sur les vases de la plus belle époque, les cornes, beaucoup plus longues (jusqu'à trois fois la hauteur de la carapace), divergent progressivement jusque vers les quatre cinquièmes de leur hauteur, puis se rapprochent brusquement en prenant une direction presque horizontale et se terminent par deux baguettes verticales, plus ou moins hautes (fig. 4705, 4706), apparemment rapportées, auxquelles se relie la traverse Winckelmann, Gerhard, K. von Jan ont voulu reconnaître dans ce type de lyre le barbitos d'Anacréon et des poètes lesbiens, et se sont fondés notamment sur le beau cratère de Munich qui montre Alcée et Sappho maniant des instruments de ce genre3 (fig. 4707). Mais les textes que nous citerons plus loin semblent classer le barbitos parmi les instruments polychordes et ne permettent pas d'attribuer à cet instrument un usage aussi long et aussi général que le suppose la longue série des vases ou figure la lyre « élégante ». Nous croyons donc plus sage de ne pas chercher de nom spécial pour celle-ci. C'est à des instruments de ce type que songeait peut-être l'auteur copié par Aristide Quintilien lorsqu'il attribuait à la lyre une sonorité plus grave qu'à la cithare : toutes choses égales d'ailleurs, en effet, le diapason d'un instrument à cordes est d'autant plus grave que celles-ci sont plus longues. La traverse ou joug (Uyov, jugum, poétiquement vtiu) qui relie les deux bras à pet' de distance de leur sommet, était ordinairement en bois de chêne vert (7cpr.vos) c ; on peut induire d'un texte de Philostrate qu'elle se faisait aussi en buis'. Elle est tantôt parfaitement cylindrique, tantôt renflée vers le milieu ou vers les extrémités ; le mode d'attache avec les bras n'est nulle part clairement indiqué. En général, la traverse de la lyre classique est LYR une baguette mince, plus mince que les cornes, mais sur les sarcophages romains elle apparaît sous la forme d'un rouleau très épais. Une des lyres du Musée Britannique a un joug composé d'une série de petits tambours cylindriques qui s'emboîtent les uns dans les autres et sont maintenus par des tampons latéraux. Après avoir décrit les parties constitutives du cadre de la lyre, nous passons aux organes correspondants de la cithare. Nous avons déjà dit que dans cet instrument le résonateur est une caisse en bois, prolongée par des bras épais qui font corps avec elle et qui très probablement (à la différence des minces cornes de la lyre) contribuent à intensifier le son 7. Mais, au point de vue de la forme et de la disposition des parties, il faut distinguer au moins trois variétés principales, sans compter les types plus ou moins abâtardis que représentent les monnaies tardives et les sarcophages. le La grande cithare de concert, dont l'invention était attribuée à Cépion, citharède lesbien, élève de Terpandre 8, était aussi désignée sous le nom de 'A0tais, soit, comme le voulait Duris 9, parce qu'elle était originaire de Lesbos, île d'Asie, soit, peut-être, parce qu'elle était la copie d'un instrument asiatique. Cet instrument, de grandes dimensions (il dépasse souvent la moitié de la taille Fig. 4708. -itharèdeApollon d'un homme), est celui que les représen tations figurées de la belle époque prêtent aux citharèdes agonistiques et à Apollon citharède 10: le plus ancien exemplaire en est figuré (fig. 4708) sur la cuirasse trouvée dans le lit de l'Alphée, monument qui paraît presque contemporain de Cépion (fin du vue ou commencement du vie siècle) 11. LYR 1441 LYR Elle a une forme très caractéristique, qui se reproduit de siècle en siècle avec une remarquable uniformité. La caisse proprement dite présente, en section verticale,l'aspect d'un trapèze aux faces latérales légèrement cintrées, la petite base en bas; la base supérieure estsouvent formée de deux courbes concaves qui se rejoignent en une pointe cen traie. La face qui porte le cordier (que nous appellerons face externe) paraît à peu près plane ou même légèrement concave ; la face opposée (interne) est au contraire fortement bombée, comme on le constate sur les monuments qui montrent la cithare de dos (fig. 4710)1. La base est plate et renforcée d'une bordure en saillie, de manière à pouvoir se dessous, en section horizontale, elle offre l'aspect d'un segment de cercle très évasé, l'arc en arrière «fig. 4711). Sur des monuments plus récents la base est parfois remplacée par un véritable pied (fig. 4712) qui s'observe souvent sur les cithares simplifiées. Les cornes, dont la ligne de démarcation avec le corps du résonateur n'est pas nettement indiquée, se recourbent d'abord comme des coudes arrondis en s'amincissant progressivement à mesure qu'elles se rapprochent. Leur bord intérieur, évidé, est orné de rinceaux saillants et ajourés, probablement rapportés, de contour hélicoïdal, ordinairement au nombre de trois de chaque côté ; l'ornement du milieu se termine souvent par un bouton : le tout a parfois l'air d'une encolure et d'un bec de griffon. Au-dessus des « coudes » s'élèvent les «bras », grosses pièces verticales, de section carrée, qui supportent et dépassent considérablement la traverse ; ils sont renforcés à leur extrémité supérieure. Tandis que les coudes sont taillés dans la même masse de bois que la caisse, les bras sont des pièces distinctes, rapportées. Sur beaucoup de peintures (par exemple, suprà, fig. 2363), ils se détachent en blanc sur la masse sombre de la cithare, d'où l'on peut conclure qu'ils étaient ordinairement en ivoire. L'assemblage de bras et du coude s'opère à l'aide d'une cheville à grosse tête ronde; on aperçoit parfois sur le côté, à hauteur de cette première cheville, la tête triangulaire d'une autre cheville qui paraît s'engager à angle droit (et sans doute à frottement dur) dans la tige creuse de la première, de manière à assurer un serrage parfait. Vu de face, le bras passe derrière le coude ; quelquefois il semble qu'il soit pris, comme dans un étau, entre deux feuillets du coude, lequel paraît se fendre à sa partie supérieure pour laisser passage à la partie inférieure du bras ; il y a là une véritable articulation, imitée de la nature. Au reste, le mode d'assemblage que nous avons décrit et que représente la figure schématique ci-contre (fig. 4713) n'est pas le seul ; il en existe plusieurs variantes qu'il serait fastidieux d'analyser. Enfin la traverse de la cithare, qui est tangente à la jonction du bras et du coude, est une mince baguette cylindrique, renforcée aux extrémités par deux poignées ou disques. Ces disques, probablement métalliques, parfois volumineux, servaient peut-être de têtes de vis pour faire tourner le joug et augmenter ou diminuer ainsi la tension de toutes les cordes à la fois. La traverse se termine par deux boutons qui servent peut-être à visser les disques. Quant à la manière dont la traverse s'assemble avec les bras, nous l'ignorons, comme pour la lyre. 2° A côté de ces cithares perfectionnées, véritables instruments de concert, les monuments nous montrent beaucoup d'instruments de dimension ordinairement plus petite et de facture plus rudimentaire. Très souvent, dans ces instruments, le membre intermédiaire entre la caisse et le bras proprement dit, que nous avons appelé coude, fait défaut, et les bras prolongent directement les contours latéraux de la caisse, parfois même ils paraissent taillés dans la même pièce de bois. Fig.47i4arr.-Cilhndieareàcaisse La caisse elle-même, au lieu d'un profil trapézoïde, a souvent un profil arrondi «fig. 471't) ou une forme absolument rectangulaire. Nous donnons ici deux spécimens anciens de cithare simplifiée : l'un (fig. 4715), qui figure sur une becté de Lesbos où la cithare est vue de dos; l'autre (fig. 4716), emprunté aux reliefs de la base de Mantinée, où elle est vue de face G. On remarquera que sur ces deux Fig exemplaires l'instrument en section verticale a la forme d'un rectangle dont la base supérieure est représentée par la traverse, très rapprochée de l'extrémité des bras ; ceux-ci, à l'inverse du type classique, sont légèrement divergents ; la concavité de la face antérieure LA'R ,..e.. 4/ri2 LYR est nettement niarauee. File l'est encore davantage sur la grande cithare rectangulaire de la fresquedeCyrène (supra, fig illt'i, 1:66, 12256). 3° Enfin, à partir du Ive siècle, on voit apparat-tre un type de cithare qui participe par le volume du pre per type, par la forme du second. La caisse, dont les bras, semblables è des pilastres, formentleprolongement, est fortement concave, d'une épaisseur uniforme, et repose sur une large base formant plateau; au-dessus de cette base s'élève une grosse boîte carrée, qui sert de résonateur proprement dit, et contre laquelle viennent s'appliquer les cordes : ainsi l'appareil augmentatif du son se trouve transporté de la face postérieure àla face antérieure de Fig. 4717 Résonateur en forme la cithare. Cette disposition se de l;erte. retrouve sur la cithare égyptienne du Musée de Berlin; on la constate sur une demidouzaine de statues, dont la plus intacte (fig. 4717) est l'Apollon de Cyrène au Musée Britannique trouvé en 186`2', la plus célèbre l'Apollon Musagète du Vatican, réplique d'une œuvre de Scopas, mais on la partie supérieure de l'instrument est restaurée 2. Nous avons décrit les partie; F'ntielles, constitutivedu cadre solide de la lyre et de la cithare; nous ne nous attarderons pas aux ornements infiniment variés dont ces parties sont susceptibles. Dans les instruments de luxe les ii e lastations en or et en métaux précieux, l'ivoire, l'ambre°, les gemmes, les sculpture-, 1. -in' incisés étaient sLmésà profusion sur la clisse au bien. que sur les bras. Lucien parle d'un certain Euau:gel os de Tarente qui se présenta au concours pythique avec une cithare tout en or, incrustée de pierr .,rayées et de gemmes multicolores, et oit l'on voyait ciselées les figures des Muses, d'Apollon et d'Orphée'. On voit des ornements de ce genre, mais plus discrets, représentés sur des peintures (hg. 4718 et 4,726) et des statues: ainsi sur l'un des bras de la cithare de l'Apollon Musagète est sculpté un petit Marsyas (fig. 4719). S'il fallait en croire une hypothèse ingénieuse, les admirables ivoires incisés recueillis dans une tombe du Bosphore cimmérien seraient les débris du placage d'une lyre ou cithare'. Avant de passer à l'étude des cordes et de l'appareil tenseur, nous devons dire un mot de l'obscure question des ~xetz et des y«ax(z. Pollux, dans son énumération des parties des instruments, mentionne les'rlxzîi après les che Hésychius a l'article suivant : A'rie'n ~b y,z).xfovoi lC N.oucutoi ya),xaipa. Théophraste dit que les instruments, ou les parties d'instruments, pourvus d'un revêtement en corne ou en cuivre (Tb bxd résonance plus égale dans tous les sens que ceux qui en sont dépourvus s. Enfin Aristote fait aussi allusion. aux parties de cuivre et de corne, Ti xaaxeiz [xzax(r?] xzl Ti xeparx, qui, résonnant avec l'instrument, en rendent les sons plus obscurs'. De tout cela il semble bien résulter que, par analogie avec les flûtes, on avait cherché à renforcer le son de la cithare par des lames vibrantes en corne ou en cuivre appliquées sur la caisse. 'Un autre procédé, probablement plus ancien, pour favoriser la propagation du son consistait à pratiquer deux trous ronds dans le résonateur. Les vases peints en offrent quelques exemples 10 (voir fig. 1565). Quant aux deux yeux qu'on aperçoit quelquefois à c tte place «,fig. 4731) et suprà, hg. 4:74.4), ce ne sont que des ornements. Les cordes de la lyre aussi bien que de la cithare (tepief, /ides, poétiquement u zero a fils ») étaient primitivement en boyaux de mouton L'Hyanne à J£erfnés dit en parlant du dieu: e7to, , euiLudivouç tiwv ~acvûecx:o tôxç2: certaines éditions présentaient la variante Og -ie Lors au lieu de c.,pocsddvovç et les grammairiens en avaient conclu qu'il fallait se servir de boyaux de brebis et non de bélier Une légende assaz inepte veut que tes cordes de le lyre aient été à l'origine en lin. et que Linos ait substitué à. cette matière le boyau a. Plus tard les tendons (vulgairement : oc nerfs) furent à leur tour substitués aux boyaux l', l€ la les dénominations nouvelles ale '(roux', r,Eaoa:, ver les cordes de la Ivre. Nous ne savonsnralheu-. unit rien sur la pr iparation des cordes, sur l'indus.. te 1e: 7ope, roto' Ou yapôeo'e oi oi. `Quant à l'appareil i`.ns_nr, il se composait : 6" De la traverse (ou joug) déjà décrite, autour de laquelle venait s'enrouler (nous verrons tout de suite comment) l'extrémité supérieure des cordes 2" D'un sommier ou cordier (yopBotidvtm ou ;(op'ds'ovov), encastré vers le bas de la table d'harmonie, où venait se fixer leur extrémité inférieure. Aucun texte, aucun monument ne nous renseigne bien exactement sur la structure de ce dernier appareil. Le plus souvent, sans doute, c'était, comme dans la cithare égyptienne de Berlin', une simple plaque, creusée de rainures, où la corde venait s'engager comme dans un canal; ail sortir de la rainure on la fixait par un nœud, qui laissait pendre librement le bout inférieur de la corde. Par surcroît de précaution, on pouvait poser sur cette plaquette un couvercle pour empêcher la corde de s'échapper° verticalement. Une statuette en bronze d'Apollon, au Musée de ig, 4721), présente un remarquable exemple °positif : le cordier y forme une véritable boîte, is fados supérieure et inférieure de trous cornridants; par chaque couple de trous file une corne; l ~ D'un chevalet (ceŒ"crç), planchette carrée, légèrement bombée, parallèle au joug, et sur laps "11e viennent s'appuyer les cordes"; il sert à les isoler de la table ddiarinonie et 't maintenir leur tension : la partie vibrante de la corde est comprise entre ce' chevalet et le joug. Le chevalet r l fixé dans la table d'harmonie par deux petits F tr^' ls. II ne manque jamais sur les peintures de vases un peu. soignées ; au contraire, il est souvent omis dans les statues, soit négligence du sculpteur, soit due dans les instru monts del'époque alexandl in' ; on aitordinairement (supprimé celte pièce. f ' (le° It:_ i en (.flet inutile. 1° lorsque la cithare étant i, sa J'ornai suf[ïsaith empêcher tout cool .,,?t et la tel,d'. ?° lorsque le cordier était suftisait ur que sa tranche antérieure pût faire office : tel estl ; cas clos instruments figurés sur les fresqu:as campaniennes. Dans lets instruments pourvus d'un grand résonateur mitérieur(typedel'Apollonlluagete)ain'yav°trtplusdepiacte pour le chevalet: le résonateur lui-même oit tenait lieu. Le ehrrrur des Grenouilles d' Li istopllane se flat_), d'être -0r0o3 f°. Ce ; roseau placé 'sous la lyre s, rapproché d'un fragment analogue de Sophocle', utr.-r;pllrri e'ou x.c/,x!xnç ot oroi Xo e,g, a donné lieu à de nombreusecontroverses, On y a vu tantôt les piquets de roseau_ . ,cr 1 a-sr .eis tien-nés plante la. peau de sa, table d'harmonie, tas le cordier, tantôt les cornes de la lyre, ou à la teus 1. ' avers, , et 1,,, chevalet, ou enfin seulement ce dernier_ Cette dernière explication nous semble la plus plausible ; elle parait d'ailleurs être à la fois celle du :sroliaste et de Pollux'", et ceux-ci nous apprennent à cette occasion que e chevalet se faisait autrefois en roseau, plus tard en corne. A la différence de certains instruments oit le réglage de la tension des cordes se fait par le bas, l'appareil tenseur de la lyre ou cithare est toujours logé à la partis supérieure de l'instrument. tA l'époque la. pins ancienne, qui s'est prolongée 3i cet égard jusque bien avant dans te v" siècle, le système était d'une grossièreté tout africaine le bout de U corde était rendu solidaire d'une lanière de euir gras tiré du cou d'un bec r, ;a' igue et homérique xdh`yo' . vulgairement x(b,yxôos calittiaz); on enroulait cette ittniere sur la traverse jusqu'à ce, que la corde, entrait-Me par elle, eût la tension voulue, et il suffisait ensuite de presser fortement pour que la lanière adhér,t au joug et maintint 1a corde en position. Ce dispositif est figuré sur les vases it fond noir par une série de gros anneaux clairs L. noyau fond`' : le noyau seul représente le ratlUi 4, I'entnurage blanc n'a pour but, ce semble, que de le détacher sur le fend (cf. fig. `;dit., si Froc des lyres '10 Musée Britannique, parait 0.-il" cordée par ce pro cédé . les lanières grasse.. 'fi' l ai: (uses traces, d'usure su la traverse. ."ln, tard on reconnut, ies i nconvenictus de _ système, dont le moindre était le manque de stabilité, et l'on y substitua des procédés plus perfectionnés que les auteur; n'ont pas pris la pet re de nous décrire, mais que l'on peut reconnalu'ssur lets monuments figurés, oit ils aftcetent dai leurs legs formes les plus variées et parfois les plus compliquée' . tantôt deux rangs de boutons ronds ou triangulaires (.-dessus et an-dessous de. traverse) auxquels s u s rt les cordes en dessinant un zigzag ou un entrelacs sur )e, jo°cg, tantôt des fléchettes (bras de levier) se détachant en avant des cordes, etc. Le principe commun de tout, e es pro ~r . 1 ~~t •1 rr.11111111Mt•]rIffll«.11111111111111l~•lisi ~■ La deuxième moitié du ve siècle, époque de progrès rapides, presque révolutionnaires, vit porter le nombre des cordes de la lyre à onze, probablement par Phrynis de Mitylène i7. C'est l'hendéca corde disjoint (un octocorde disjoint, plus, au grave, un tétracorde qui lui est conjoint) décrit par Ptolémée' 8, chanté dans une élégie fameuse • par Ion de Chios (mort en 422)19 et qui servit encore de base au diagramme des tons dressé par Aristoxène20. La lyre hendéca corde est quelquefois repré sentée sur des monuments "1. Mais ici encore la pratique devança la théorie. Timothée, dès la fin du v° siècle, employa au grave une douzième corde, octave grave de la mèse, et ajouta le tétracorde des hyperbolées. Ces innovations, vivement contestées, furent consacrées par les théoriciens LYR 1444 LYR cédés, dont le détail nous échappe, est l'emploi, connu en Égypte de toute antiquité, de chevilles (aaaz)ot), traversant à frottement dur le joug, mues par une tête ronde, prismatique ou pyramidale, et entraînant la corde, enroulée autour de la cheville, dans leur mouvement de rotation. On en lit clairement l'emploi dans la seconde lyre de Londres : chacun des tronçons cylindriques dont se compose le joug est percé d'un canal vertical où s'engageait la tige de la cheville, dont il subsiste des fragments. Par un souvenir de l'ancien système, ces chevilles elles-mêmes furent appelées x6a),o7oç, x6aaaeiot' ; dans les instruments communs elles étaient en bois', dans ceux de prix, probablement en ivoire ou en métal. Le nombre des cordes de la lyre a beaucoup varié dans les temps historiques. Ce sujet concerne plutôt l'histoire du système musical des Grecs que celle de l'instrument lui-même. Chaque addition au nombre des cordes de la lyre signifiait en réalité une extension du parcours de la mélodie et une plus grande variété dans le répertoire des sons qu'on y employait; mais ces progrès ont été d'abord réalisés dans la musique de flûte, plus libre, en raison même de son origine étrangère. La citharodie n'a fait que suivre le mouvement, lentement, et non sans rencontrer de vives résistances de la part des musiciens conservateurs et même des autorités politiques : on connaît les anecdotes sur les magistrats de Sparte ou d'Argos qui retranchent les cordes superflues de la lyre d'un virtuose célèbre qui est appelé tantôt Terpandre, tantôt Phrynis, tantôt Timothée 3. Contentons-nous de rappeler les principales étapes de cette évolution. Des textes obscurs ou d'une authenticité douteuse attribuent à la lyre primitive trois puis quatre cordes ° ; ce nombre aurait été porté à sept, soit par des accroissements successifs 6, soit d'un seul coup, par Terpandre '. Il est certain que la phorminx de ce compositeur avait sept cordes et ce nombre resta si longtemps en usage qu'il en garda un caractère en quelque sorte sacramentel ; aussi beaucoup de textes l'appliquent-ils déjà à la lyre primitive, celle qu'inventa Hermès Dès le vie siècle, ou même, d'après certains auteurs, dès l'époque de Terpandre 10, il y avait plusieurs manières d'accorder ces sept cordes. Sans parler des différences d'intonation des cordes « mobiles » (suivant que la mélopée était de genre diatonique, chromatique ou enharmonique), les deux tétracordes dont la réunion composait la lyre pouvaient être ou bien conjoints par un son commun, ou bien séparés par un intervalle d'un ton : dans ce dernier cas le « clavier » de la lyre embrassait une octave entière, mais, pour ne pas dépasser le chiffre consacré de sept cordes, l'un des tétracordes était défectif d'une corde ; tel est notamment le type qui sert encore de base aux spéculations du pythagoricien Philolaos 1t, vers le milieu du ve siècle. Cependant, dès la première moitié de ce siècle, la pratique avait devancé la théorie, et le nombre des cordes de la lyre avait été porté soit d'un seul coup à neuf'", soit d'abord à huit S3 nombre qui conserva une grande importance dans l'enseignement des harmoniciens puis à neuf f4. La lyre heptacorde finit par disparaître de l'usage en Grèce, mais se conserva dans les cérémonies religieuses à Rome, où Denys d'Halicarnasse, au ter siècle, la signale avec étonnement". Bien entendu, on continua de l'attribuer aux dieux et aux héros sur les représentations figurées jusqu'à la fin de l'antiquité 16. Notons que l'augmentation du clavier s'applique aussi bien au type « conjoint » (modes éolien, mixolydien de Lamproclès) qu'au type disjoint (dorien), comme le montrent les diagrammes suivants : O • 0 LYR 1415 LYR de l'époque alexandrine. A cette époque l'instrument de concert est une cithare pentédécacorde, embrassant deux octaves, et dont nous donnons, page 1444, le clavier accordé suivant le genre diatonique, avec les noms usuels des cordes. Par le procédé de la (consistant à produire un noeud dans la corde légèrement pincée en son milieu) on pouvait encore obtenir en sons flûtés l'octave aiguë des huit dernières notes' . A côté de ce « grand système parfait non modulant végétait un système de lyres à onze cordes dont l'accord était fondé sur l'ancien heptacorde conjoint: La particularité de ce mode d'accord était de présenter dans le premier tétracorde un si naturel et dans le troisième un si bémol ; ces deux notes n'appartiennent pas au même ton ; en conséquence on appelait le clavier ainsi accordé « petit système parfait modulant ». Pour faire profiter le « grand système » de cette note hétérogène, qui permettait d'exécuter des modulations au ton «relatif» sans désaccorder l'instrument, les théoriciens de l'époque alexandrine finissante et peut-être aussi quelques facteurs de lyres intercalèrent dans le grand système, à partir de la mèse et à titre de quatrième tétracorde, le tétracorde des conjointes (auvrep.€vtov), la-ré. Cette combinaison, qui portait à dix-huit le nombre des cordes de la lyre, est vivement critiquée par Ptolémée, mais n'en fut pas moins adoptée; elle est consacrée par les tables d'Alypius. Toutefois, comme dans les genres d'accord usuels la seule note utile du tétracorde des conjointes était le si bémol, il est probable que dans la pratique on se contenta d'insérer cette seizième corde sur la cithare entre la mèse et la paramèse, ce qui avait en outre l'avantage de constituer, sur un clavier diatonique, un tétracorde chromatique (la-si bémol-si-ré). Les lyres primitives de sept, huit et même neuf cordes, ne permettaient d'exécuter que des airs écrits dans un seul mode déterminé ; voulait-on changer de mode, il fallait modifier l'accord de l'instrument, ou employer, comme Pythagore de Zacynthe, trois cithares accouplées, de modes différents, montées sur une base commune que l'exécutant faisait pivoter à l'aide du pied'-. Avec les cithares perfectionnées de douze à quinze cordes il en était autrement, car sur un clavier de ce genre on peut découper ad libitum des tranches de huit cordes reproduisant les successions d'intervalles caractéristiques de tous les modes. Le même instrument permettait donc d'exécuter des mélodies entières ou des parties de mélodies dans les modes les plus variés. Toutefois, étant donnée la construction du clavier, le seul mode où un chant pût se développer dans toute l'étendue de deux octaves V. (parcours maximum d'une mélodie antique) était le modo hypodorien ou éolien, suivant lequel étaient réglées une Sois pour toutes les deux octaves du pentédécacorde ; aussi ce mode était-il le mode citharodique par excellence '. Au temps de Ptolémée, la citharodie l'employait soit dans le genre diatonique (airs dits Tp(TzL), soit dans le genre mi-diatonique, rai-chromatique ('rpilrot, Tpolrtr-z). Les autres modes usités de son temps sur la cithare étaient le phrygien (,'i ipTpora), le dorien (7txpusâtxt), l'hypophrygien (iânTtx, ixarixtoa:(XËx) et probablement le lydien (aéSLx), toujours selon le genre diatonique. La lyre, outre les deux variétés hypodoriennes, n'admettait que le phrygien 4. Quant aux tons, c'est-à-dire à la hauteur absolue d'intonation du système des quinze cordes échelonnées selon les intervalles du mode hypodorien, un texte d'époque romaine nous apprend que les citharèdes n'en pratiquaient que quatre : hyperiastien (transcrit conventionnellement par mi mineur), lydien (ré mineur), hypolydien (la mineur), iastien (si mineur) Précédemment d'autres tons avaient été admis dans la citharodie : le premier hymne delphique à Apollon est noté dans le ton phrygien (ut mineur). En tenant compte de l'erreur certaine d'une tierce mineure en trop que comporte le système de transcription conventionnel des notes antiques, on voit qu'à l'époque romaine les cithares les plus graves (hypolydiennes) embrassaient la double octave : et les plus aiguës (hyperiastiennes) la double octave Les cithares à seize cordes, pourvues de la trité des conjointes, permettaient d'ailleurs, dans une certaine mesure, les modulations tonales aussi bien que les modulations modales. Du ton lydien on pouvait, sans changer l'accord, moduler à l'hypolydien, de l'iastien à l'hyperiastien. Aucun texte ne nous renseigne expressément sur la question suivante : l'instrument étant debout, de face (nous entendons par là la face plane ou concave, sur laquelle pose le chevalet), les grosses cordes (notes graves) étaient-elles à droite ou à gauche de l'exécutant? Une épigramme célèbre d'Agathias semble indiquer qu'elles étaient à droite contrairement à l'usage qui a prévalu dans la construction des pianos modernes, mais en conformité avec l'habitude des anciens de placer le chant au grave. Les cordes de la lyre ou de la cithare, ou, pour parler plus exactement, les parties vibrantes des cordes, sont toutes d'égale longueur sur un même instrument. Les différences de son ne peuvent donc être obtenues que par des 182 près cetle d'après un spécimen réel'', niais dans tous les cas le plectre se termine par une t ou un crochet, p ar fois sur les deux faces, de manière a ressembler à un T13 (fig. 472b) ou à une flèche (supin:), fig. 380). Son emploi, tout différent de celui :le l'archet, se rapproche de celui des a ongles » ou « griffes » en (caille dont se servent les joueurs de mandoline ç il frappe (rois,»'Qw, d'où uÀe»xepov) la corde, il ne la caresse pas. Le plectre était ordinairement attaché au bas de l'instrument par un long cordonnet fixé par un clou ou cousu i. ; on ne le détachait nits pour s'en servir (supra, fig. 2399 et 4720). 2° Un baudrier (laatteus, probablement rn))cµw), parfois richement orné", embrassait la cithare et était figé par une extrémité à un bouton placé à l'avant de l'instriu ment. L'exécutant engageait son poignet gauche dans l'autre extrémité du baudrier fortement tendu, de manière à maintenir l'instrument dans une position verticale pendant le jeu, tout en disposant de ses deux mains (suprâ, fig. 377 = 2364. Plus rarement, comme dans l'Apollon Palu;--Tagète, le baudrier est passé autour de la poitrine ou de Lépante gauche. Il peul servir aussi à suspendre l'instrument à un clou. 30 On voit souvent pendre au bas de l'instrument des citharèdes une couverture brodée ou en peau de panthère, Elle servait, non d'étui àta lyre, ses dimensions paraissent s'y opposer, mais simplement d'enveloppe protectrice pour les cordes, la partie la plus délicate de l'instrument, pendant le repos'" (fig. 4726), Les lacets qu'on voit pendre à droite de la lyre et qui semblent fixés au bouton d'attache fi'». LYR 4446 tés d'épi' 'or, de dïensilu ou de tension des cordes. En r;e qui min-aine l'épaisseur, les acousticiens anciens avaient parfaite, e, i connu que plusia corde est grosse, plus le son (lu', lie émet est grave et certains textes permettent de croire (comme le bon sens suffit à l'indiquer) qu'ils avaient tenu compte de cette observation pour l'assortirrtent des cordes de la lyre' ; mais ils n'entrent à ce sujet dans aucun détail, et les représentations figurées sont trop sommaires pour autoriser aucune conclusion. Quant à la densité, Ptolémée déclare et son commentateur répète que plus la corde est dense (7ccxieor€Pa), plus le son est aigu. Le formule mathématique du nombre des vibrations par seconde montre au contraire que la vitesse vibratoire n (donc l'acuité du son) est inversement proportionnelle à la racine carrée, de la densité d, Une erreur d'observation aussi grossière n'aurait pas été possible si les anciens avaient réellement essayé de mesurer les densités relativesdes boyaux ou nerfs employés à, la fabrication de leurs instruments ou même de profiter de cet élément dans l'appareillage des cordes. Nous pouvons donc en faire abstraction. Enfin la tension était réglée à l'aide des x6X7,trasiç dont il a déjà été question. Rappelons seulenient ici que les anciens commençaient-par donner à la corde médiane (mère) l'intonation voulue', soit d'après l'oreille, soit d'après un autre instrument déjà réglé (fig. 4722)4, et aceor autres cordes d'a obablement par le procédé des chaînes de quintes, encave aujourd'hui nos' par les accordeurs. En dehors des éléments essor ,s que nous venons de décrire (cadre solide, coertdes, 'relit tenseur), la lyre nnportait un jet d iesssoires plus ou n'oins indispensables dont voici le dénombrement : â° Le plectre (7eÎ,"elxrpov, pecten, pulsaibu lt'cm) étaitl«archet » de la lyre, et sa fabrication était assez importante pour employer des artisans spéciaux (ttL xzporeowi'). C'est un « aiguillon » en matière dure (bois 6, corne s, ivoire'., métal', pierre précieuse), dont Pus sage était déjà connu des ngyptiens, et dont on attribuait l'invention à Hermès' eu à, Sappho o, lies! souvent représenté sur les monuments, Les formes en sont très variées, depuis le bâtonnet pisciforme que `Apollon de Naples (fig. 4723) jusqu'à l'objet pé1ia:lifcrmre en émeraude que nous reproduisons (fig. •*1'24), L Ÿ Il. baudrier (fig, ,e70B, 4726), servaient peut-être èà lier cette couverture sur les cordes, A^ On peut encore ranger parmi les accessoires de la lyre la perelie, terminée par un support, oit l'an voit un cithariste ambulant accrocher son instrument, pour le transporter en voyage (supra, fig. 1367). Dans le jeu de la lyre ou de la cithare, l'exécutant était assis, debout ou même en marche, l'instrument à peu près dans l'are du corps. la tranche en avant, la face plane ou concave à droite. Assis, il posait ordinairement l'instrument sur ses genoux, légèrement incliné en avant ; la main droite tenait le plectre retenu par son cordon, le poignet gauche était engagé dans le baudrier, l'un des pieds battait la mesure '. S'il avait à chanter en s'accompagnant, il pouvait poser sur ses genoux le diptyque contenant les paroles, comme on le voit dans la figure 47-20. Dans l'attitude debout, 1 instrument était au contraire faiblement incliné en arrière, de manière que la tranche postérieure s'appuyât sur la poitrine de l'exécutant. Le jeu de la lyre était désigné par le terme générique xpoueiv ; le jeu à l'aide du plectre s'appelait plus spécialement 7ry cety, xpéxeiv; on réservait cpz1aeive pour l'emploi direct des doigts. Dans la citharodie proprement dite, tant que le citharède chantait, il s'accompagnait de la main gauche seulement, en pinçant directement les cordes ; c'est ce que les _Romains appelaient intus cancre', sans doute parce que l'artiste se pliait ou disposait l'instrument de telle sorte que le jeu de la main gauche fit masqué par la cithare aux regards du public ; cet accompagnement (xpo"vrais), quoique réduit à une seule partie et ordinairement improvisé, pouvait avoir une réelle importance mélodique et constituer une sorte de contre-chant Pendant ce temps la main droite armée du plectre se tenait à proximité de l'instrument, prête à l'attaquer". Dès que la voix se taisait, le plectre entrait à son tour en action Morris cancre) pour exécuter un intermède purement instrumental (lnctxpc'ieut). En pareil cas la main gauche pouvait soutenir perdes notes pincées le chant de la main Prob %1X,'8; Plut, Syrrnp, yu. 1X. 9; Con j. preee, ti. 7 PMI, IV. 59 rpwcoq .sélesc vsé xce. ; job. ac. , Id' 183 D i .a,.8 G'rp' 8ita .hum”' 0 , e., droite. Dans le solo 'e tubai ï,j,'À i x.tuzk ie é;, cette association des deux mains di, ii ta règle : le chant, toujours au grave, restent it m misa -ornent è ia main droite à l'attaque énergique du plectre '. Tout-,fois certains virtuoses, dédaignant l'usage du plectre, exécutaient. les der partes avec les seuls doigts (on a.u n'uai.t l'hon neur de cite innovation à fpigonos d'Amsbra,' , parfois mute avec les doigts de la main gauche ;f., ' . ainsi procédaient les citharèdes d'4spenilos dont passé en proverbe a, lie nom de oax-ctlkxos, donné à l'iaastrument des psilo-citharistes, semble indiquer que ces artistes faisaient rarement usage du plectre, l.a sonorité; de l'instrument lui-même, quelquefois appelé auutxiv 9 aussi bien que la manière de s'en servir, paraissent avoir reçu de Lysandre de Sicyone d'importants perfectionnements, dent la nature n'est pas bien connue '9, 1 lyre, dans les derniers temps de l'antiquité., se . semble-Ob, d'ordinaire sans plectre : sur des peintures tardives le citharède armé du plectre parait s'opposer au lyrode qui. pince les cordes avec, les doigts (fig. 4727) i'. En ce qui touche le doigté de la cithare, nous ne possédons à vrai dire aucun renseignement, si ce u.'est que le pouce y jouait un rôle 1L; l'index devait être fréquemment employé (fig. 377, suprà), Nous sommes porté à croire qu'en principe on employait deux doigts pour pincer la corde. Les systèmes construits par les modernes reposent tout entiers sur l'interprétation, 'probablement. erronée, du nom de la troisième corde de l'heptacorde (Îsrdav6ç = index), dont Nicarnaque avait déjà tiré une conclusion toute différente et non moins arbitraire "1, Nous n'insisterons pas gavant-i ,,eart les arLlices atiquc. 03010 le jeu de la cithare, L e s ry .z 1"érxtr »3aôc, 0' 7,?j é n viyAdpvi, etc, ; la plupiist ne sont cosinus que de nom". Tout ce qui concerne le rôle social, l'aspect extérieur, etc., des joueurs de ivre et de cithare a été suffisamment exposé aux articles CITHARISTE et I iTH,.170E0L5. Quant à l'histoire de la pratique de ces instruments, c'est un. sujet qui se confond presque avec l'histoire de la musique antique et qui dépasse les cadres de cet ouvrage. Contentons--n0us de rappeler l'immense et dura oh' faveur dont ils ont joui pendant au mo=ins douze siècles, et cela malgré leur sonorité très limitée., à h :ois en étendue et en intensité. Si les anciens, en effet, vantent le timbre grave et viril de ces instruments, surtout de la lyre s ne pouvaient se dissimuler la sécheresse de leurs sons, qui, a la différence de ceux des instruments à, vent, ne sont pas suceptibles d'être tenus et qui, en conséquence, se mêlent très imparfaitement aux sons de la. voix humaine", Néanmoins la lare et la cithare, intimement liées à la religion apolliniquei conservèrent un rôle prépondérant jusqu'à. la fin de l'antiquité dans la ta .:que religieuse aussi bien que dans la musique pro`,. e et, les concours publics. A Athènes, le maniement é".stuc taire de ..1 lyre formait un article obligatoire de r e:e3eignernent libéral, et les philosophes, si _ pour ia Pinte et les instruments multicord.'s, donnent à la lyre droit de, _te dans lieurs constitutions idéal! .. Alexandra tout le monde était plus ou moins citharède et il en était L\11 1448 LYR à peu près de même à Rome depuis a fin de la République : l'exemple, on le sait, partait de haut. Jusqu'à la dernière heure la citharodie reste en quelque sorte caractéristique de la civilisation gréco-romaine : le dernier citharède que nous connaissions est envoyé par Théodoric à la cour du roi Clovis' ; ensuite la harpe barbare l'emporte définitivement sur la lyre hellénique. Le répertoire de la lyre et de la cithare se subdivise en deux grandes classes, suivant que l'instrument est employé conjointement avec la voix ou séparément. Dans le premier cas on parle de xtOxpyô(x, plus rarement ).uptpô(x. Le citharède, comme le pianiste moderne, est presque toujours à la fois compositeur et exécutant; nous avons déjà dit que la partie instrumentale était souvent improvisée. Le répertoire citharodique est très varié : il comprend, pour les solistes, les chansons d'amour et de table, les monodies tragiques (Sophocle dans le Thamyris chanta lui-même en s'accompagnant de la cithare), des hymnes et péans de toute espèce, mais pardessus tout le grand air de concert, sur un sujet religieux, connu sous le nom de v6µaç [noslos . Le nome citharodique constituait la pièce de résistance du concours des citharèdes, qui, à son tour, forma toujours le « numéro » principal des agones musicaux (Pythies, Carnées, Panathénées, Sotéries, etc.). L'origine s'en rattache au sanctuaire de Delphes et au nom de Chrysothémis; l'école des citharèdes de Lesbos (Terpandre, Cépion, Péricleitos) brilla d'un vif éclat au vue et au vie siècle. A son style sévère succéda au v° siècle le style passionné et varié de Phrynis et de Timothée; la décadence commence avec Polyidos (Ive siècle), pour se prolonger jusqu'à Mésomède (ne siècle ap. J.-C.). De cette immense production nous n'avons conservé qu'un spécimen d'époque alexandrine (Prélude à la Muse) et deux hymnes de Mésomède; on peut y ajouter les deux hymnes ou péans delphiques à Apollon, dont le véritable caractère (monodie ou choeur) est cependant discuté. On peut d'ailleurs ranger dans la citharodie lato sensu toute la chorale lyrique )(t; px) du vie et du ve siècle (hymnes, péans, prosodies, épinicies, hyporchèmes, etc.), où l'accompagnement instrumental était très souvent confié à la lyre ou cithare, associée ou non à la fltlte. Le solo purement instrumental s'appelle Mari xiA«ptatç; on en faisait remonter l'origine soit à Thamyris, soit à Aristonic d'Argos, contemporain d'Archiloque ; en 558 ce genre fut admis au concours pythique ; on le rencontre ensuite dans de nombreux concours, mais honoré par des récompenses moindres que la citharodie. Les procédés en furent perfectionnés par Lysandre de Sicyone (époque inconnue) et par l'Athénien Stratonicos (iv° siècle). On attribuait à Lysandre l'invention de la cltoro-citharistique où un choeur est associé au solo de cithare, qui reste l'élément principal. La cithare s'employait aussi en duo avec la flûte (€vxu).oç xttàputç, inaugurée par Epigonos d'Ambracie) et dans les orchestres nombreux et variés de l'époque alexandrine et romaine. Nous rattacherons à cette étude de la lyre-cithare quelques notions sommaires sur les autres instruments à cordes connus des Grecs et des Romains. Presque tous sont d'origine orientale et n'ont jamais réussi à s'acclimater complètement chez les peuples classiques.Parmi les Grecs, ils n'ont joui que d'une vogue limitée et passagère, d'abord entre 550 et 450 av. J.-C., puis de nouveau à l'époque alexandrine. Au temps où le sentiment national battit son plein en Grèce, au siècle de Périclès et de Démosthène, ils furent proscrits; les philosophes en signalent le caractère voluptueux, sensuel, dangereux pour les moeurs2. A Rome aussi les cliordae obliquae étaient mal notées 3; déjà Scipion Émilien s'élevait contre les enfants nobles qui allaient à l'école curez cinaedulis et sambuca psalterioquew. Sous l'Empire, l'usage, pourtant assez répandu, de ces instruments était à peu près abandonné aux femmes légères qui les faisaient entendre pendant les repas. Ils sont fréquemment représentés sur les sarcophages, et les grammairiens nous en ont laissé des nomenclatures assez longues s ; mais leurs descriptions sont peu précises, et, comme dans l'histoire de l'instrumentation moderne, le même instrument paraît avoir été souvent désigné, à diverses époques, sous des noms différents. Aussi la grande majorité des noms transmis ne peut-elle être sérieusement identifiée, et les commentateurs alexandrins eux-mêmes en étaient réduits à des conjectures, parfois très mal heureuses. On peut distinguer deux grandes classes : 1° famille de la harpe ; 2° famille du luth. Famille de la harpe 6. Ces instruments ont, comme la lyre et la cithare, leurs cordes montées à vide et, par conséquent, chaque corde, en principe, ne donne qu'un son. Mais ils en diffèrent en ce que les cordes, ordinairement nombreuses , sont de longueur inégale (les plus graves les plus longues) et de grosseur égale '. De là vient que l'instrument tout entier a plus ou moins la forme d'un triangle. On ne désigne cependant, semble-t-il, sous le nom de Tp(,twvoç ou TO(Ywov qu'une variété de cette classe, probablement la petite harpe triangulaire si souvent représentée sur les reliefs romains 3, et qui se tenait à bras tendus ou posée sur les genoux. Le montant formant résonateur, et qui s'élargit vers le haut, est tenu à peu près vertical; la base est une simple traverse; les LYR -1449LYR cordes sont tendues obliquement entre ces deux supports ; et la plus longue forme ordinairement le troisième côté du triangle : quelquefois pourtant il y a un troisième support rigide qui complète le cadre (fig. 4728). Cet instrument a été connu des Grecs dès le ve siècle (fig. 4729)2; ils lui attribuaient une origine phrygienne, syrienne (assyrienne) ou égyptienne A Rome, il fut mis à la mode par un certain Alexandre d'Alexandrie 4. La sambyque (aa!.tàtîxri °, plus anciennement icy.ux-q 6) parait avoir légèrement différé du trigone par sa forme et peut-être par son maniement. En effet, la machine de guerre du même nom est définie « une grande échelle portée sur une base en forme de barque 7 » ; cette définition paraît convenir à la harpe égyptienne en forme de croissant, dont l'arc s'élargit et s'épaissit vers le bas pour former résonateur. En Égypte l'instrument,souvent aussi haut qu'un homme, était posé à. terre, les cordes verticales ; il est difficile d'attribuer ces dimensions à la sambyque grecque, s'il est vrai que le diapason en était aigu, efféminé B. La sambyque est citée par Aristote' parmi les instruments jadis en faveur (Euphorion assurait qu'une statue archaïque de Muse à Mitylène, oeuvre de Lesbothémis, était représentée tenant une sambyque) '°, et qu'un goût plus épuré avait fait rejeter; mais elle reparut à Athènes peu après Aristote" et fut très appréciée à Rome 12. On peut, si l'on veut, appeler sambyque l'instrument à sept cordes que tient la femme représentée sur notre figure 473013 ; il semble renversé. Trigones et sambyques se touchaient directement avec les doigts (r .X),ety) sans l'intermédiaire d'un plectre ; de là le terme 4i 'n ptov, qui paraît avoir désigné d'une manière générale les harpes pincées, notamment les trigones'', et non une variété particulière, quoique certains textes aient été interprétés dans ce sens". On peut ranger encore dans cette catégorie le 7toXépeOrOV, dont le timbre aurait eu une « virilité » intermédiaire entre ceux de la lyre et de la sambyque 1G, et le vaàXa; phénicien à douze cordes où l'artiste « promenait n ses deux mains 17; mais la xtvépa hébraïque à dix cordes comportait l'emploi d'un plectrefe. Quant au atu.(xiov à trente-cinq cordes et à ni. iydvetov (invention d'Epigonos d'Ambracie) qui en avait quarante ils ont dû, au moins à l'origine, avoir une disposition horizontale comme celle de la zither viennoise 20. On range encore souvent dans la classe des harpes trois instruments archaïques au sujet desquels les Alexandrins eux-mêmes étaient déjà mal informés : la (ou le) ~xynltç, La magadis et la pectis étaient identifiées par certains critiques22 et, de fait, les rares renseignements que nous possédons à leur sujet concordent pleinement. La magadis, déjà mentionnée par Alcman 23, était d'origine lydienne 24 et avait un grand nombre de cordes : celle d'Anacréon en comptait vingt 2n. Elle avait un timbre bruyant que Télestès compare à celui de la corne 26 et exigeait une grande vélocité de mécanisme. Sa particularité essentielle consistait à être disposée pour le jeu continu d'octaves, de telle sorte que lorsqu'on l'employait à l'accompagnement d'un choeur mixte d'adultes et d'enfants, elle sonnait l'unisson de chacune des deux voix 27; de là le verbe i.ayaô(etv qui a pris la signification générale de jeu ou chant à l'octave 28. La pectis est donnée également comme d'origine lydienne 29 : elle aurait été introduite en Grèce par Sappho 30. C'était un instrument de haute taille 3i, polychorde 32, qui se prêtait au jeu d'octaves 33 ; on ajoute que le diapason en était aigu 34 et qu'elle se pinçait sans plectre 3°. On voit que ces renseignements nous laissent dans l'incertitude sur deux points essentiels : 1° les cordes étaient-elles de longueur égale ou inégale? 2° quelle était la nature du mécanisme ou du dispositif qui permettait le jeu d'octaves ? Sur le premier point les Alexandrins se prononçaient nettement, au le raccourcissement s'obtenait à. l'aide d'un curseur mobile val' surtout à des démonstrations théori Ut R tihO --Lin moins en et qui concerne la may`idis : Apollodore en faisait, tli, I sa tenon 1, Etipharion une sambvque niais a a-t il le autre chose que des conjectures értudites Sur l second point ne?e', sommes dans uni ignorance cornpiète, Le nom 9.eyettg (d riv t de u iyxg) pi„pet seulement (le supposer qu'un ou plusieurs (lem louaient ,in rôle important dans la structure de l'instrument, L'épitLète. , les mot: k' (t:uSÂxo( appliqués il'. la. pectis laissent entrevoir peut-étre un dispositif analogue à celui de certains clavecins du siècle dernier, où chaque note rit représentée par un couple de cordes de grosseur inégale sonnant l'octave et que le doigt (ou le marteau) peut ébranler simultanément. Le b, r°bitos passait pour une invention de Terpandre et avait. été adopté par les poètes lesbiens, notamment par Sappho'; il figurait aussi chez Anacréon, auquel c u taincritiques en attribuaient, eerlainement à tort, liritro'luction 7. On l'employait volontiers polir l'aecompagnen:eigt du soudier/' ev et encore an siècle lllagnès le comique fit paraître un choeur de barbitistes 9. '\lai-s ensuite. il tomba en désuétude", et Denys d'Halicarnasse s'étonne de le rencontrer à Home dans les fêtes religieuses'". L'instrument était pelychorden ~ , m portrait, prétend-on, l'emploi du plectre 13. 'Nous t l''jà écarté l'opinion (due Winckelmann) qui veut reconnaître le harbitos dan,' la lyre allongée si fréquente sur les vases à figures rouges, niais nous n'avons pas d'autre hypothèse t lui substituer. z tt3razfde ' °uth. Ces instrument,, ont ordinairement tin petit ne bée de cordes montées sur une panse formant table d'harmonie cette panse se prolonge par un long manche (iii-gus), par fois recourbé àl'extrémité, où se trouvent les chevilles. En pressant la corde contre le manche, soit avec le doigt, soit à l'aide d'un curseur mobile, on peut en raccour_ Lir rlar libitum la partie vibrante el.., en pinrran celle-ci avec ±'autre main dans le -voisinage de la panse, on peut tirer ainsi d'une seule et même corde des sons très variés: c'est sur ce principe que sont fondés les instruments favoris dl. Moyen Age et de la Renaissance (luth, guitare, mandoline, viole) et les représentants principaux de l'orchestre moderne (violon, violoncelle, contrebasse, etc.). Le nom générique de ces instruments à l'époque alexandrine et romaine parait avoir été rrxvôoépaounxvio3 ,V5,,v6o47o,tb azoteioiov, pandtta'ium, doit sont venus directement pandore et, par une curie-.Se altération (due à. la forme u.. _; Taloide de la panse;?), 'nandou'' imandora) et mandoline. La pandore passait pour être d'origine égyptienne 13 ou assyrienne'''. Elle avait tantôt deus", tantôt et plus souvent trois cordes. Elle est mentionnée (sous le nom de ; ou tioi/ l l0 ' 's et représentée dès l'époque hellénique 's' siècle) (fig 1731)", mais paraît avoir été surtout appréciée sous l'empire romain 20, où elle figure sur un grand nombre de sarcophages' (fig, 1s732). La panse est de contour anguleux à l'époque grecque, arrondi, quelquefois hémisphérique (fig. 44734)22 à l'époque romaine. L'artiste, presque toujours une femme, joue assis, appuyant la panse de l'instrument sur ses genoux, raccourcissant les cordes avec la main gauche et les faisant vibrer avec la droite, rarement armée du plectre (fig. 4733) 23 On peut rattacher à la famille des pandores le N.ovdyoosov (xavk,v des Pythagoriciens), d'os rigine arabe" et analogue au r ahab actuel des Arabes du Caire. Cet, instrument n'avait qu'une corde unique et ques 2v, maison l'em ployait aussi quelquefois en pratique, de concert avec la flûte 27. (du instrument perfectionné du même genre, pour l'étude des lois acoustiques, étaitl'e),txdv à quatre cordes". !'tstruniennts divers. Nous terminerons cette revue LYS l dl par une nomenclature, dans Fo .re alphabétique, d'un certain nombre d'instruments 't cordes sur la nature desquels on n'est pas bien fixe, 'Ev7 ayopbor, instrument exotique, oublié e l'épogae alexandrine 'F n n (.s » c. mentionné par Aristote' à côté dit cavas parc, les instruments voluptueux des anciens, rejetés par un porte plus sûr. Mais comment imaginer un instrument de forme heptagonale? Ne faut-il pas corriger en e;...ers.ai? La faute sera née sous l'influence de Tp(=?wvov, 1fÀoyu ,Goii, autre instrument archaïque, servait a l'accompagnesment des iambes déclamés (ttaoxxxTx),o?`f,13. A'papoiviç ou 1Hpot'oiv(xiov, probablement identique ai' ou'p5") xtov, Ilérodote dit que les bras de cet instrument étaient faits en cornes de gazelle (fret). Les 1ho le citent parmi les instruments oïl l'octave faisait de l'unisson (comme la m,agadis'). Son nom liai rr t attribuer une origine phénicienne ; mais d'autres l'expliquaient, par le palmier de Délos dont le bois aurait servi à en faire les brasl5. Ii=_e.a fipüov, instrument scythique à cordes en peau de aiuf; une corne de chèvre servait de plectre 6. peut-être une sorte de harpe 7. :ExivSaIn6ç ou xt',Bac 6ç, grand instrument lyroïde à quatre corde, avec une plume d'orichalque en guise d'archet ; on le disait usité en Inde $. F rôi;, c'est-à-dire « branche de palmier o (ainsi nommé à cause de la forme et du nombre des cordes?). Instrument de réputation efféminée 9v VtOépz, identifié quelquefois à l'xcvapa . Instrument libyen, carré, qui avait l aspect d'une brique longue d'une coudée, autour de laquelle on faisait tournoyer (?) des cordes qui en fouettant l'air faisaient un bruit de castagnettes. Si nous avons bien compris la description de Pollux, cet appareil rentrerait plutôt dans la classe des instruments à percussion 10, TH. Rrilvacn, Sauriens aux HERAIA, leur fête nationale, en l'honneur du Lacédémonien Lysandre, après la bataille d'Aegos Potamos h On sait les morts tentés par ce général pour gagner la, popularité dans le monde grec, ses offrandes et ses dons d'argent à Athènes', à Delphes', à lise: ". II obtint en revanche, danshea.ucoup de cités, des honneurs exceptionnels ; des poèmes étaient composés son honneur'; des cinés lui élevaient des statues'; Samos lui en érigea une à Olympie', en même temps qu'elle mettait sous son nom la fête principale de la cité : cet honneur, qui dura peu d'ailleurs, est comme :e prélude des flatteries analogues adressées relus tard tut, rois macédoniens et ace généraux victorieux, F.. Deaar cri. Y "t fit % ( '1TÇx). L'usage de ne pas tuer un ennemi vaincu et de lui laisser la e', non par tin sentiment d'humanité, mais en vue d'iin avantage personnel., pour° en. tirer de l'urgent, soit en lui permettant de se racheter, soit en le vendant coiri[ne esclave, cet usage a éhi pratiqué en Grèce dès la plus haute antiquité ; de bonne heure même, il a formé une véritable industrie. Cet usage dérive du droit de la guerre tel que l'a compris toute l'antiquité : le vaincu, avec tout ee qui lui appartient., devient la propriété absolue du vainqueur h Dans 1.es poèmes homériques, la rançon, désignée par le pluriel neutre zroiva, tient une place considé . '11e, L'Iliade commence et finit par une scène de r3 ; . n. L'action du poème s'engage par le refais q i Ags .''' on oppose au prêtre Chr'rses de recevoir la rançon ii sa Cille. Le dénouement est la scène sublime dans laquelle Priam supplie Achille de lui rendre, moyennant rançon, le cadavre de son fils. Ainsi la rançon se payait non seuleruent pour racheter un prisonnier, pour lui sauver la vie, mais aussi pour assurer les honneurs de la sépulture à un être cher tombé sous les coups de l'ennemi. Dans les deux cas l'expression est la même : lànonea. Mais s'il est plusieurs fois question dans l'épopée de prisonniers épargnés et délivrés moyennant rançon"; si Achille, par exemple, a vendu plusieurs fois ses captifs ou les a mis à rançon, non pas seulement des femmes, comme la mère d'Andromaque', mais aussi des hommes, des fils de Priam'; sil reconnaît même qu'avant la mort de Patrocle, il se plaisait à laisser la vie aux Troyens et à les vendre comme esclaves', nous remarquons cependant que dans toute l'Iliade il n'y a pas une seule scène de ces rançons acceptées. « Prends-nous vivants, fils d'Atrée, et recels de justes rançons; il y a beaucoup de trésors dans la maison de notre père Antimaque, de l'airain, de l'or et du fer difficile à travailler ; certes, notre père te donnerait une rançon infinie, s'il apprenait que nous sommes vivants tous deux près des vaisseaux des Grecs'. » Cette prière, qui s'adresse non à la pitié mais à la cupidité du vainqueur, on a trouve répétée plusieurs fois dans 1 iUatte', mais jamais elle n'est exaucée: la scène se termine toujours par l'immolation du 'rvaïncu. Une fois le vainqueur, c'est ici Ménélas, est sur le point de se laisser toucher et d'accorder la vie à son ennemi au prix d'une riche rançon ; mais Agamemnon survient et gourmande LYT 4452 LYT son frère. Il faut, dit-il, que tous les Troyens soient immolés jusqu'au dernier et sans recevoir de sépulture'. La rançon du cadavre est encore plus rare dans l'Iliade. Elle est cependant mentionnée souvent2; elle se paye aussi au poids de l'or et de l'airain 3. Tout n'est pas fini pour le vaincu, quand il a reçu le coup de mort ; son corps reste la possession du vainqueur, qui le dépouille et le réserve aux pires outrages. Achille dit à Hector, étendu mourant à ses pieds, qu'il regrette de ne pouvoir manger sa chair crue : « Du moins, ajoute-t-il, ta mère ne déposera pas en gémissant ton corps sur un bûcher, mais les chiens et les oiseaux feront de toi leur pâture'. » Patrocle fait les mêmes menaces à Sarpédon° ; dans toute l'Iliade, nous voyons les Grecs et les Troyens pratiquer la coutume de livrer le corps du vaincu aux oiseaux et aux bêtes de proie 6 ; les plus grands combats du poème se livrent autour des cadavres de Sarpédon et de Patrocle et ont pour objet de leur assurer les honneurs de la sépulture. C'est seulement dans les parties du poème considérées comme récentes que nous voyons le vainqueur renoncer à ces atroces vengeances et respecter le cadavre d'un ennemi. Achille n'outrage pas le corps d'Eétion ; il lui élève même un tombeau'. Enfin le poème se termine par une scène qui annonce un droit des gens plus humain et des moeurs moins cruelles '. Achille se sent ému de pitié en voyant le vieux Priam venir, au péril de sa vie, le supplier de lui rendre le cadavre de son fils; il accorde à Priam sa demande, malgré l'émotion qu'il éprouve il n'a garde de refuser la rançon infinie, que le poète a décrite avec de longs détails° ; il supplie Patrocle mort de ne pas s'irriter contre lui s'il a rendu le corps d'Hector pour être enseveli, et il s'excuse en alléguant précisément cette riche rançon 10. Ce naïf égoïsme, loin de gâter cette scène, en fait mieux ressortir la vérité et le naturel. Plus tard, il se forma, à propos de la rançon d'Hector, une tradition qui n'est probablement que le développement d'un passage de ce discours sauvage qu'Achille adresse à Hector mourant : « Il n'est personne qui puisse écarter les chiens de ta tête, quand même il me paierait dix ou vingt rançons et qu'il en promettrait d'autres encore, quand même Priam ferait, peser en or le poids de ton corps ". » Cette tradition, d'après laquelle Priam aurait racheté le cadavre de son fils au prix d'un poids égal d'or, est rapportée par des poètes postérieurs à l'Iliade 12. Nous la trouvons reproduite sur un beau vase de la Bibliothèque nationale 13. Le cadavre d'Hector est placé sur l'un des plateaux d'une grande balance ; un cratère lui fait équilibre sur l'autre plateau. Achille préside à la scène, entouré des héros grecs qui semblent délibérer sur le prix de la rançon. Priam est accompagné de quatre Troyens. D'autres monuments reproduisent plus fidèlement le récit de l'Iliade. Nous citerons une table iliaque qui représente la scène de la rançon :, Achille est assis dans sa tente, la main gauche sur le sceptre ; Priam est à genoux devant lui, la tête couverte d'un long voile, qui s'étend sur tout son corps par derrière; il tend les mains vers Achille; Hermès a l'air d'intercéder pour lui; derrière Hermès, un serviteur porte un grand vase à trésor, un autre serviteur Lire d'un char un autre vase; au-dessous du char on lit ),Û'' ; derrière Achille, deux serviteurs portent le cadavre d'Hector (fig. 473à)". On doit encore considérer comme une rançon l'indemnité que le meurtrier avait à payer aux parents de sa victime. « On accepte, dit Ajax pour fléchir Achille 15, la rançon, 7cotvr, d'un frère ou d'un fils immolé ; le meurtrier, qui a sacrifié beaucoup de richesses, demeure au milieu du peuple, et le ressentiment de l'offensé s'apaise, après avoir reçu la rançon. » Sur le bouclier d'Achille était représenté un jugement pour une ztotvss non payée I6. A défaut de cette satisfaction, le meurtrier devait quitter le pays, même si la victime était un homme du peuple et ne laissait après lui que peu de défenseurs l'. Les exemples de ces exilés pour meurtre sont nombreux 16 ; presque toujours le meurtrier a tué un parent 19 ; c'était peut-être là une circonstance aggravante excluant la faculté de la rançon 20. Dans la société homérique, la punition d'un meurtre est une affaire privée, qui ne regarde pas l'État, mais qui est un devoir imposé aux membres de la famille 21. Mourir sans vengeance était à la fois un malheur et une honte; Télémaque souhaite une telle mort aux prétendants22. Quand ceux-ci ont été immolés par Ulysse, leurs parents ne peuvent accepter qu'ils ne soient pas vengés; il faut que Zeus efface de leur esprit le souvenir du meurtre de leurs fils ou de leurs frères". Ce désir de vengeance provient de l'ancienne idée du talion, qui a persisté si longtemps dans l'antiquité grecque ; un meurtre doit être la rançon d'un autre meurtre; il y a même, dans la compensation due à la victime, des comparaisons à établir, des valeurs, on pourrait même dire des prix différents à fixer ; c'est ainsi LYT 14.53 LYT qu'Achille immole douze Troyens comme compensation de la mort de Patrocle ; il évalue la vie de Patrocle à, douze vies ordinaires, comme, dans d'autres circonstances, il aurait stipulé une rançon de douze boeufs'. Quand la 7rotvrl était une indemnité représentant une valeur, une richesse, elle était sans doute fixée à l'amiable par un accord des deux partis 2 ; on ne trouve pas d'exemple d'un prix fixé à l'avance comme dans l'ancien droit germanique. Enfin cette idée de rançon, traduite aussi par le mot àirotva, s'appliquait à l'indemnité payée pour un dommage reçu. C'est ainsi qu'Agamemnon, voulant se réconcilier avec Achille, propose non seulement de lui rendre l'esclave Briséis qu'il lui a enlevée ; il lui fait offrir aussi des présents magnifiques en dédommagement du tort qu'il lui a causé Dans ce cas la caution était admise. Démodocus, chantant les amours d'Arès et d'Aphrodite, raconte que Poseidon se porte caution de la rançon qu'Arès doit payer à Héphaistos. Cette rançon pour l'adultère s'appelait p.oty«yp(« 4; c'est la seule que nous trouvions mentionnée dans les poèmes homériques, pour un délit de droit commun. Ainsi, dans Homère, l'idée de rançon, prise dans un sens très étendu, peut se rendre par deux mots qui ont la même racine : âicotvx et7rotv,l, Le mot â7rotva signifie proprement la rançon qu'on paie pour obtenir la liberté d'un prisonnier vivant ou la remise de son corps s'il a été tué ; il désigne aussi l'indemnité qu'on paie pour un dommage causé, ce qui est aussi une sorte de rançon. Le mot 7rotvrl est employé aussi dans ce dernier sens, mais il désigne bien plus souvent l'indemnité payée pour un meurtre ou la compensation exigée pour un meurtre; chez les poètes lyriques, chez Eschyle et Hérodote, ce mot a déjà le sens de châtiment, et c'est avec ce sens que, dès une époque ancienne, il a fourni au latin le mot poena. C'est donc une évolution de la civilisation que nous montrent ici les poèmes homériques : par le développement des idées morales, surtout par un sens plus juste de la solidarité humaine, par une notion plus claire des droits de l'État qui doit protéger la vie de tous, cette rançon, cette indemnité, la 7rotvr;, est devenue le châtiment du crime; le droit pénal a été fondé. Au ve siècle, les mots «7roty« et 7rotv-q n'appartiennent plus qu'à la langue poétique. L'idée de rançon s'est précisée et circonscrite ; du verbe Moi, employé dans Homère à côté de â7roty« 6, on a formé un substantif ),ltpov, qui, à son tour, a donné un autre verbe aurpdw ; et tous ces mots ne servent plus qu'à rendre l'idée de rançon proprement dite, c'est-à-dire une somme payée pour obtenir la liberté d'un prisonnier. A l'époque historique, le droit de la guerre est le même qu'à l'époque homérique ; le vaincu appartient, corps et biens, au vainqueur ; le vainqueur peut le tuer, V. et il ne se fait pas faute de le faire ; des villes entières ont été ainsi condamnées à l'extermination. Cependant le plus souvent le vainqueur cherche à tirer profit de sa capture. Par le fait qu'il est pris, le vaincu tombe aussitôt dans l'esclavage; au point de vue légal, il n'y a pas de différence entre le prisonnier de guerre, aizp.xawzoç, captivus, et l'esclave, 3ov)os, servus. En fait, le prisonnier de guerre est considéré comme pouvant être racheté; et il l'est souvent, à moins qu'il ne soit enveloppé dans la ruine totale de sa patrie, comme cela arriva, par exemple, quand les Macédoniens détruisirent Olynthe ou Thèbes ; s'il lui reste une patrie, une famille, des amis, il a l'espoir d'être racheté. Après une victoire ou la prise d'une ville, le butin est réuni par le vainqueur et vendu. Des troupes de marchands suivent les armées et se présentent à la vente; le vainqueur, de son côté, a des sortes de commissaires-priseurs, chargés de fixer la valeur des prisonniers ; c'est là un métier qui est généralement méprisé ; Hypéride reproche à Démade d'avoir fait nommer proxène un individu qui avait accepté ce rôle pour les captifs d'Olynthe 6. Les Spartiates semblent avoir apporté un soin particulier à. la vente du butin : ils avaient des magistrats appelés Xecpupo7rwa«t, qui étaient chargés de cette opération'. La vente du butin et le règlement des rançons étaient très probablement confiés aux mêmes personnages. C'étaient des opérations délicates ; il fallait déjouer les ruses et empêcher les fraudes. Un témoignage suspect attribue à. Aristote un stratagème habile qu'il aurait indiqué à Philippe pour reconnaître les Olynthiens riches'. Une ruse du même genre aurait été imaginée par Denys le Tyran, au moment de la prise de Rhégium°. Il arrivait aussi que les vainqueurs se volaient entre eux. Au milieu du désordre d'une bataille ou de la prise d'une ville, les fraudes étaient faciles; des soldats qui avaient fait des prisonniers, au lieu de les conduire à la masse commune, les emmenaient ou les cachaient pour avoir seuls le bénéfice de la rançon 10, Souvent aussi le règlement des rançons était une opération distincte de la vente du butin ; il donnait lieu à des négociations parfois assez longues, qui étaient traitées par des ambassadeurs. Philippe envoie aux Athéniens son agent Amphilochos pour règler la rançon des Macédoniens pris par les Athéniens" ; quelques années plus tard, les Athéniens ont à faire la même demande à Philippe au sujet de leurs concitoyens pris dans Olynthe ; c'est le comédien Aristodème qui fut chargé de cette mission ; on sait que les débats pour le rachat des prisonniers furent l'occasion de longues négociations qui aboutirent à la paix de Philocrate 12, Quand il fallait traverser la mer pour aller trouver le vainqueur, c'était la Paralos qui transportait les ambassadeurs athéniensl3. Une inscription de l'île de Naxos nous fait connaître les noms de cinq ambassadeurs envoyés aux Étoliens pour 183 I.,\ T --g1 454 payer la rançon de deux cent quatre-vingts citoyens faits prisonniers'. Ces négociations offraient aux proxènes une occasion de montrer leur zèle et de chercher des moyens de conciliation entre leur patrie et la ville qu'ils représentaient. C'est cc que firent les proxènes de Corcyre fi. Corinthe ; ils se portèrent garants du paiement de la rançon des Coreyréensfaits prisonniers; il est vrai qu'il y avait dans toute cette affaire une manoeuvre politique', Ces prisonniers corcyréens étaient a,u nombre de deux cent cinquante ; le chiffre total de la rançon fut fixé à 800 talents; ce qui donne par tête 19200 drachmes, soit 3 talents 1.200 drachmes. Ce chiffre a paru exagéré' ; nous en trouvons cependant de plus élevés , ainsi cet Amphilochos, qui, comme nous l'avons vu, fut envoyé aux Athéniens en qualité d'ambassadeur, fut pris par Diepeithes et soumis à une rançon de 9 talents'. De tels prix étaient assurément exceptionnels. A l'époque d'liérodote, le prix de la rançon des prisonniers de guerre dans le Péloponèse était de deux mines}. Aristote indique comme chiffre normal Mais Eschine porte ce chiffre à un talent et cela pour un homme d'une fortune moyenne' ; c'est aussi le prix que nous trouvons pour la caution d'un citoyen 8. Démosthène ditqueles citoyens athéniens faits prisonniers par Philippe se rachetèrent au prix de trois ou de cinq mines ; Platon aurait été vendu vingt ou trente mines 14 ; à l'époque des Diadoques, une convention, conclue entre Démétrius et les Rhodiens, à l'époque du fameux siège, fixa à dix mines la rançon des hommes libres faits prisonniers", Nous trouvons donc plusieurs fois la tendance à, établir u n prix normal pour la rançon d'un homme libre. Eschine, Aristote indiquent formellement ce prix normal, maïs leurs évaluations varient dans de fortes proportions: c'est un talent, d'après Eschine ; c'est soixante fois moins, ou une mine, d'après Aristote. Des écarts si considérables ne doivent pas surprendre. Sans parler des différences causées pas" les variations du prix de l'argent aux diverses époques, il faut tenir compte de ce fait, qu'ici une des plus violentes des passions humaines pouvait se donner libre jeu, la cupidité, le désir de tirer d'une capture le plus de profit possible, li y avait là un danger si grand, que des tentatives sérieuses furent faites pour empêcher les surenchères et I, t axa=,ions arbitraires. C'est là assurément un des plats intéressants de :a question. Des flat _'eni: ,dent pour fixer le prix de la rançon d'un prisonnier.. D'après Hérodote, ce prix était de deux mines pour les .États du P aloponèse 12; les coins muses Mégarienncs, avant d'être réunies ers une seule cité, auraient fait entre elfes une convention de ce genre"; ; enfin le fait est assure d'une façon certaine pour 1 rnétrius et les habitants ne, Rhodes" : on fut d'accord des deux côtés à fixer la rançon d'un homme libre à 1 000 drachmes, celle d'un esclave à bfa Nous avons. dans ces conventions, e la fois un des plus anciens exemples du système du prix fixe, et aussi une des plus anciennes tentatives d'assurance mutuelle contractée entrai deux partis en lutte. Nous avons dit qu'en droit la condition du prisonnier de guerre, aiyi,,«),wroc, était la même que celle de l'esclave, ioDer; qu'en fait une différence existait, c'est que l'aiyu.éècoTo; était considéré comme pouvant être racheté au moyen d'une rançon. Cette différence avait pour conséquence de rendre en général le sort du prisonnier plus misérable que celui de l'esclave. Nous ne parlons pas de certains cas où un désir ardent de vengeance, et aussi la nécessité d'avoir à garder un grand nombre de prisonniers ont amené le vainqueur à les traiter avec cruauté. C'est ainsi, par exemple, que se conduisirent les Syracusains envers les Athéniens de l'armée de Nicias. Nous voulons parler de la pratique générale, de la façon dont étaient traités les prisonniers dans des conditions ordinaires. L'usage était de les maltraiter, de leur rendre la vie pénible, afin, sans doute. de les obliger à se racheter au plus tôt. Le prisonnier de guerre était tenu aux fers et d'une façon très étroite. II suffira de rappeler combien furent gardés durement par les Athéniens les Spartiates pris à Pylos ". Dans un discours attribué à Démosthène, il est question d'un prisonnier qui, longtemps après sa délivrance, portait sur son corps les traces des blessures que lui avaient faites les entraves dont on l'avait chargé'. Agésilas était obligé de rappeler à ses soldats quo les prisonniers étaient des hommes qu'il fallait garder, et non des criminels qu'il fallait punit Les discours des orateurs et les textes épigraphiques nous font le mieux connaître la vie des prisonniers et les conséquences qu'avaient pour eux et peur leur famille cet état de servitude et la nécessité d'avoir à payer une forte rançon, Un Athénien est pris dans la guerre de Décélie, et vendu ; il rencontre enfin le comédien Cléandre; sa rançon est payée, il revient dans Athènes ; mais il est resté si longtemps à l'étranger qu'il a perdu l'accent attique, ce qui lui cause mille ennuis; on va même jusqu'à rayer son fils, Euxithée, des registres du dème ; c'était lui faire perdre ses droits civiques, et cela parer qu'il a pour père un homme qui, avec un si mauvais t, ne peut être un véritable Athénien is, Le cas de Nicosr,ratos est encore plus intéressant. il est parti d'Athènes à la recherche d'esclaves fugitifs"; il est pris par l'ennemi, amené à Égine et mis en vente. Il s'occupe aussitôt de se racheter; sa rançon est fixée à 27 mines : il écrit lettres sur lettres à son fière Dinon, à Athènes ; il dit dans ces lettres qu'il est dans un état affreux; en effet, il pouvait encore, au moment du procès, montrer la trace des blessures que lui avaient faites ses chaines. Le frère de Nicostratos, Dinon, n'ayant pas d'argent, emprunte 300 drachmes à Apollodore et part pour àgine. Nicestratos obtient alors que des étrangers lui avancent le prix de sa rançon, en signant un contrat, caYvpa~a!, d'après lequel il s'engage à LYT 11155 LYT rembourser dans trente jours la somme prêtée, sous peine de payer le double s'il laisse passer le jour de l'échéance. Il peut alors revenir dans Athènes; là il essaie de se faire prêter de l'argent pour faire face à ses engagements; il s'adresse, comme l'avait déjà fait son frère, à Apollodore; celui-ci, qui lui-même se trouve gêné en ce moment, met en gage chez un banquier des vases à boire, une couronne d'or ; il obtient ainsi 1 000 drachmes qu'il prête à Nicostrate. Malgré toutes ses démarches, ce dernier ne peut trouver tout l'argent qui lui est nécessaire pour sa rançon, car ses biens sont sous la menace d'une hypothèque. Il a de nouveau recours à Apollodore, ii le prie de le sauver : « Avec l'argent que tu m'avanceras, je me délivrerai de mes créanciers étrangers , puis je m'adresserai à mes amis; je leur demanderai un eranos, et alors je te rembourserai ce que je te dois. Tu sais, ajouta-t-il, que le prisonnier fait à la guerre devient l'esclave de celui qui l'a racheté, s'il ne peut pas restituer le prix de la rançon. » Apollodore se laisse toucher et, comme il n'a toujours pas d'argent lui aussi, il emprunte encore 16 mines à 18 p. 100 d'intérêt. Les charges qui pèsent sur Nicostratos, par suite des dépenses qu'il a dû faire pour se racheter, sont si lourdes, qu'il cherche à s'y dérober, en frustrant son bienfaiteur ; de là le procès'. Parmi les faits nouveaux que nous révèle ce récit, il en est un qui mérite surtout d'être signalé, c'est cet article de la législation athénienne d'après lequel un Athénien qui ne restituait pas le prix de sa rançon à celui qui l'avait racheté, devenait son esclave ; c'est le seul cas pour lequel Solon avait conservé l'esclavage pour dettes, peine si fréquemment prononcée dans les anciennes lois d'Athènes. Il est intéressant de remarquer qu'une disposition analogue se trouvait dans la législation de la Crète et de Rome 2. Voici la prescription formulée dans la loi de Gortyne : « Si un homme libre a été vendu à l'ennemi, et si, sur sa demande, quelqu'un qui est dans l'obligation de le faire le rachète de l'étranger, il sera à la disposition de celui qui l'aura racheté, jusqu'à ce qu'il ait remboursé ce qu'il doit. S'ils ne sont pas d'accord sur la somme, ou si la personne rachetée soutient qu'elle n'a pas demandé son rachat, le juge statuera, en prêtant serment, suivant les faits de la cause 3. » Nous n'avons parlé jusqu'ici que des hommes pris à la guerre, parce qu'ils sont plus particulièrement visés par les textes de loi qui concernent la rancon ; mais personne n'ignore que, même en temps de paix, on n'était pas sûr de conserver sa liberté. Sauf dans les villes fortifiées, on pouvait à chaque instant être enlevé par des voleurs ou par des pirates. A l'époque historique, peut-être plus encore qu'à l'époque homérique , la piraterie est le fléau de la Grèce ; chaque fois qu'une des grandes puissances qui ont tour à tour dirigé la Grèce, Sparte, Athènes, la Macédoine, laisse se relâcher quelque peu la surveillance qu'elle exerce sur les mers, les pirates se montrent et exercent leurs déprédations ; ils sont même assez nombreux et assez audacieux pour attaquer des villes et emmener une partie de la population qu'ils mettent à rançon 3. En Grèce, dit M. Wallon, tout le monde vit sous la menace de l'esclavage 6, tout homme libre peut être surpris, entraîné au loin, mis en vente, ou, ce qui était plus profitable pour les voleurs, mis à rançon. Ces misères mêmes avaient fait naître des institutions, des usages qui avaient pour objet de les soulager et de les adoucir. Si, dans l'Iliade, nous ne trouvons pas un seul exemple d'un prisonnier renvoyé sans rançon, de tels actes de générosité n'étaient pas rares à l'époque historique. Les Athéniens, ayant pris Doriée, un des membres de cette grande famille des Diagorides de Rhodes, illustre dans toute la Grèce par une longue suite de victoires aux grands jeux, lui-même sept fois vainqueur à Némée, huit fois à l'Isthme, trois fois de suite au pancrace à Olympie, furent touchés de pitié quand il parut enchaîné devant eux et le renvoyèrent sans rançon par un vote de l'assemblée 7 ; les Syracusains agirent de même envers le prince siccle Dukelios e. Les proxènes étaient plus généralement l'objet de ces actes de générosités. Callicratidas, par une noble conscience de la patrie hellénique, refusait de faire vendre comme esclaves les Grecs prisonniers10. A deux reprises, Philippe renvoya sans rançon les prisonniers athéniens, la première fois après la prise d'Olynthe 11 eh après Chéronée 12. Enfin, comme dans les États chrétiens au xvie et au xvne siècle, le rachat des prisonniers fut considéré comme un des devoirs qu'imposait aux classes aisées ce sentiment d'humanité qui est devenu la charité, et que les Grecs désignaient par le mot p a'elpwrz(a. L'institution de l'ERANOS trouvait ici une application. Nous avons vu Nicostrate en parler à Apollodore 13: « Je demanderai à mes amis un eranos ». Ce qui veut dire que Nicostrate demandera à ses amis de se cotiser pour lui prêter la somme nécessaire à sa rancon, somme qu'il leur remboursera un jour, mais sans avoir à payer d'intérêts. D'après la loi de Gortyne 14, il y avait même là une véritable obligation ; quand un prisonnier à la guerre demandait à être racheté, un certain nombre de personnes. probablement les membres de sa famille ", étaient dans la nécessité de faire droit à sa demande et de se cotiser pour le racheter. Pour les autres pays de la Grèce, et en particulier pour Athènes, nous ne connaissons pas de prescription aussi précise ; il semble qu'il n'y avait dans ces pays qu'une obligation morale, mais elle était très impérieuse, et très souvent nous la trouvons rappelée. Les hommes politiques, les plaideurs, afin de se concilier l'esprit des auditeurs, se font souvent gloire d'avoir dépensé d-e grosses sommes d'argent pour racheter des concitoyens prisonniers ; nous possédons aussi de nombreux textes épigraphiques, qui nous ont conservé un décret accordant une récompense, éloge ou proxénie, à tel personnage qui s'est acquitté de ce devoir, a Pendant que j'étais à Pella, dit Démosthène mon occupation a été de chercher les captifs, de leur rendre la liberté, soit en puisant dans ma bourse pour la dépense, soit en priant Philippe d'employer au rachat de ces malheureux les présents d'hospitalité qu'il nous offrait. » Philippe se décide à renvoyer ces prisonniers sans rançon. Quelquesuns s'étaient déjà rachetés en se faisant prêter de l'argent, par Démosthène en particulier. « Je réunis ceux à qui j'avais prêté des fonds, je leur rappelai ce que j'avais fait; et, pour que ces pauvres gens n'eussent pas à se repentir de s'être trop pressés en se rachetant à leurs frais, quand les autres allaient être mis en liberté par Philippe, je leur fis don des sommes exigées pour le rachat. » Il est vrai qu'Eschine conteste ce récit : « Démosthène, dit-il', savait que Philippe n'a jamais exigé de rançon des prisonniers athéniens ; il avait entendu les amis de Philippe dire qu'à la paix tous les prisonniers seraient renvoyés ; lui arrivait, montrant avec ostentation un talent, somme à peine nécessaire pour racheter un prisonnier d'une fortune peu élevée. » Dans les plaidoyers, comme on se faisait gloire des liturgies qu'on avait acquittées, on se plaisait aussi à rappeler qu'on avait payé des rançons de prisonniers. , Mon père, dit un orateur, sans parler de nombreuses liturgies, a doté des filles et des soeurs de citoyens pauvres ; il a racheté des prisonniers faits à la guerre » Les historiens signalent ce trait de bonté chez Épaminondas 3, chez Philopémen 4. Nous possédons de nombreux décrets accordant des récompenses à ces libérateurs généreux. L'homme d'État Androtion, l'ennemi de Démosthène, reçoit des habitants d'Arcésina, dans l'île d'Amorgos, une couronne d'or de 500 drachmes avec le titre de proxène et de bienfaiteur, parce que, étant gouverneur, entre autres services qu'il avait rendus à la cité, il avait racheté des habitants faits prisonniers Nous possédons deux décrets de proxénie, rendus sur la proposition de Démade, en faveur de personnages qui avaient délivré des prisonniers, les uns qui se trouvaient en Crète les autres qui servaient comme mercenaires dans l'armée de Darius, et qui avaient été pris à la bataille du Granique'. Un service analogue fut rendu par Philippidès, du dème de Céphalé, ami du roi Lysimaque, aux Athéniens faits prisonniers à la bataille d'Ipsus e. Cléomis de Méthymne reçut aussi le titre de proxène et de bienfaiteur pour avoir racheté des Athéniens pris par les pirates La ville d'Aegialé, dans l'île d'Amorgos, est surprise par des pirates, qui commettent de nombreux ravages et emmènent plus de trente femmes, jeunes filles, citoyens ; deux des prisonniers, Hégésippe et Antipappos, parviennent à obtenir la liberté des captifs en s'offrant comme otages, jusqu'à ce que les rançons soient payées ; le peuple leur vote une couronne de lierre, parce que les captifs ont tous été sauvés sans avoir à subir rien d'indigne'o Les acteurs, qui à l'époque de Démosthène jouent un rôle important dans les relations internationales, qui sont souvent choisis pour faire partie des ambassades, ont ainsi l'occasion d'intercéder auprès du vainqueur en faveur des prisonniers. On connaît l'histoire de l'acteur Satyros obtenant de Philippe la liberté sans rançon des filles de son hôte Apollophane de Pydna qui avaient été prises dans Olynthe11. Nous avons vu que le père de cet Athénien, nommé Euxithée, pour lequel Démosthène composa un discours contre Euboulide, avait été pris pendant la guerre de Décélie et qu'il avait été racheté par le comédien Cléandre12. Dans l'énumération de ces actes de générosité, il faut citer le trait d'une affranchie, qui rachète son ancienne maîtresse, prise par des pirates, et qui, en récompense, est délivrée de l'obligation qui lui était imposée, par l'acte d'affranchissement, de rester auprès de sa MAC 1 457 MAC M