Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AMARYNTHIA

AMARYNTHIA ou AMARYSIA (' A µapvvlta, 'A laapéata). Fête célébrée en l'honneur d'Artémis Amarynthoa ou Amarysia, c'est-à-dire « la brillante », déesse lunaire, qui a donné son nom à Amarynthos, petit bourg d'Eubée plutôt qu'elle n'en a reçu le sien'. Amarynthos, où cette fête était célébrée, formait le centre d'une petite confédération ou amphictyonie, à laquelle prenaient part les principales villes d'Eubée, Chalcis, Érétrie et Carystos, et aussi les îles de Céos, Andros, Téos et d'autres 2. Cette fête, avant les ravages de la guerre persique, avait lieu avec une grande pompe; Érétrie seule y envoyait, pour faire partie de la procession, 3,000 hoplites, 600 cavaliers et 60 chars 3. Une danse en armes (aoppiyri) était exécutée à cette occasion, et on proclamait solennellement les noms des hommes bien méritants 4. Une autre fête de ce nom se célébrait à Athmonon, où Artémis Amarysia avait un temple. Cette fête paraît avoir été commune I. toute l'Attique et non pas exclusivement propre au dème d'Athmonon 5. HUNZIKER. AMAZO1NES ('AuaVvec, 'Aov(Seç). Les Amazones, peuple de femmes guerrières dont le mythe paraît être formé des récits qui avaient cours au sujet de l'ardeur belliqueuse de certaines femmes de la Scythie, et du souvenir des hiérodules ou prêtresses armées de Pallas, d'Artémis et d'Ényo, la meurtrière déesse des combats '. Reculée, il est vrai, dans un passé fabuleux, et dans une contrée placée de plus en plus loin, l'existence des Amazones passait encore pour incontestable au temps où, avec plus de critique on s'était habitué à écrire l'histoire. On supposait généralement qu'elles avaient habité dans le Pont., sur les bords du Thermodon, et que Thémiscyra était leur principale ville', mais qu'elles avaient aussi occupé une grande partie de l'Asie Mineure : Éphèse, Cumes, Smyrne, Myrine, Paphos, Sinope auraient été fondées par elles 4; et en effet la figure des Amazones est représentée sur les médailles d'un grand nombre de cités asiatiques Diverses explications ont été proposées au sujet de leur nom. D'après la plus répandue, ce nom (formé de privatif, etpar,dç, mamelle) viendrait de la coutume qu'elles auraient eue de brûler à leurs filles la mamelle droite pour les rendre plus aptes au maniement de l'arc 6; mais cette explication est relativement moderne et n'est confirmée par aucune représentation de l'art antique. Avec plus de raison, on pourrait soutenir que dans le mot Amazones l'a a une valeur augmentative', ou bien que ce nom dérive de masa, qui veut dire lune dans la langue tscherkesse 8, puisque l'examen de toutes les traditions fait reconnaître en elles des prêtresses ou des adoratrices d'une déesse lunaire, qu'elle s'appelle Anaïtis ouEnyo, Artémis d'Éphèse ou Artémis Tauropole a. Les Grecs se figuraient les Amazones f0 comme une nation de femmes belliqueuses ne souffrant point d'hommes parmi elles. Une fois l'an, au printemps, elles se rapprochaient de leurs voisins les Gargaréens pour perpétuer leur race. Elles n'élevaient que desfllles, les enfants mâles étaient tués ou mutilés, ou renvoyés à leurs pères. Élevées pour la guerre, les Amazones ne pouvaient rester en paix. Aussi, dans leur histoire, ne compte-t-on pas moins de six expéditions, presque toutes offensives. 1° Invasion des Amazones en Lycie. Elles sont repoussées par Bellérophon, qui se trouvait alors chez le roi Iobate" ; 2° Invasion des Amazones en Phrygie. Priam assistait en qualité d'auxiliaire des Phrygiens à la bataille qui se livra sur les bords du Sangarius 12. 3° Le neuvième des travaux d'Hercule fut d'aller chercher le ceinturon de Mars que portait la fille de ce dieu, Hippolyte, reine des Amazones. Hercule aborde avec Thésée, Pélée, Télamon et d'autres compagnons d'armes, à l'embouchure du Thermodon. Hippolyte se montre disposée à céder le précieux baudrier, mais Junon répand le bruit que la reine est en péril : les Amazones attaquent le vaisseau des Grecs. Hippolyte périt dans la mêlée de la main d'Hercule, et les Amazones sont exterminées. Antiope, soeur d'Hippolyte, devient l'esclave de Thésée 13. 4° Selon une autre légende, Thésée aurait enlevé Antiope, et, les Amazones auraient poursuivi le ravisseur jusqu'en Attique. Antiope périt en combattant ses soeurs à côté de son amant ". Ou bien encore, Antiope, délaissée pour Phèdre, attaque l'infidèle avec une armée qu'Hercule anéantit'". 3° Les Amazones, à la fin de la guerre de Troie, marchent au secours de Priam, sous la conduite de leur reine Penthésilée 16. 6° Expédition des Amazones contre l'île de Leucé, à l'embouchure du Danube. Le spectre d'Achille, dont Thétis avait déposé les cendres en ce lieu, apparaît menaçant : à son aspect, les chevaux se cabrent et foulent aux pieds les téméraires Amazones ". La popularité de la fable des Amazones s'explique en grande partie par l'heureuse prédile ction des artistes. Représenter des femmes jeunes, belles, courageuses, engagées dans une lutte violente contre des héros non moins beaux et non moins braves, quelle bonne fortune pour les sculpteurs ou pour les peintres 1 Ces derniers trouvèrent encore un élément de pittoresque dans le contraste du costume barbare, scythique ou asiatique, avec la noblesse et la simplicité de l'armure grecque ou la nudité héroïque.Les peintures des vases (fig. 241 et 248) le plus souvent nous montrent" AMA 2-221 A les Amazones portant un vêtement collant, qui couvre entièrement le corps. Les jambes , quelquefois nues , sont plus ordinairement enveloppées d'un pantalon (etvaup'è=ç) qui se perd dans une chaussure pointue ou légèrement recourbée, ou dans des bottines de peau; le haut du corps et les bras sont couverts d'une courte tunique à manches, serrée à la taille par une ceinture , pardessus flotte un manteau ou une deuxième tunique plus ample; ces vêtements sont tantôt zébrés ou tachetés , peutêtre afin d'indiquer qu'ils étaient faits de peaux de bêtes; tantôt semés de fleurs, d'étoiles , etc. ; la coiffure est une mitre phrygienne, quelquefois un casque ou bonnet de fourrure [ALOPFKIS] propre aux peuples du Nord. Leurs armes sont l'arc, le carquois, le javelot, la hache à un ou à deux tranchants, l'épée, quelquefois la massue, et enfin le bouclier rond ou le bouclier échancré, ou en forme de croissant, nommé pelta , tMnv). Elles combattent tantôt à pied et tantôt à cheval. Il y a aussi des vases sur lesquels les Amazones paraissent vêtues et armées à la manière des Grecs, et c'est de cette manière que les sculpteurs les représentèrent constamment dans les beaux temps de l'art. Elles portent dans leurs ouvrages le simple et sévère costume dorique, se composant seulement de la tunique et de la petite chlamyde ; la tête, quand elle n'est pas découverte, est coiffée d'un casque. Ordinairement le sein, les bras, les jambes, et les pieds sont nus. Les Amazones ont été figurées ainsi par les plus grands artistes de la Grèce. On lit dans Pline n que Polyclète, Phidias, Ctésilas, Phradmon et Cydon concoururent pour l'exécution d'une statue d'Amazone destinée à orner le temple d'Éphèse R0. Les cinq statues furent acquises par les Éphésiens. Dans ce brillant assaut, la palme fut remportée par Polyclète. La belle statue d'Amazone, qui du palais Mati ci a passé au Vatican (fig. 249), pourrait être, suivant Visconti, une imitation de celle de Polyclète ". O. Müller 22 est d'une autre opinion suivant ce grand antiquaire, cette figure serait la copie de la statue qui, dans le concours d'Éphèse, avait valu la seconde place à Phidias. Mais la statue de Ctésilas 23, le troisième concurrent, aurait servi de modèle à l'Amazone blessée du Capitole et à celle Fig. 049. Amazone de du Louvre. Les combats des Amazones ont été représentés sur un certain nombre de monuments célèbres. Le Poecile 2f' et le temple de Thésée 23, à Athènes, étaient ornés de peintures de la main de Micon et de Polygnote, montrant les Amazones aux prises avec Thésée. Pour orner le bouclier de sa Minerve, dans le Parthénon, Phidias représenta ss ce même combat, qu'il sculpta aussi sur les traverses qui réunissaient les quatre pieds du trône dans le temple de Jupiter à Olympie 27; sur la porte de l'opisthodome de ce temple, Alcamène 28 avait représenté hercule combattant l'Amazone Hippolyte. On voit le môme sujet sur une des métopes du temple de Sélinonte 29. Plusieurs monuments célèbres retrouvés dans ce siècle : le temple d'Apollon Lpicurius près de Phigalie 30, le tombeau de Mausole à Halicarnasse 31, et le temple d'Artémis I.eucophryne à Magnésie sur le Méandre, sont ornés de bas-reliefs où l'on voit la lutte des Amazones et des Grecs 32. La frise du temple d'Apollon E+picurius est attribuée aux élèves de Phidias, et l'on sait que celle du tombeau de Mausole fut traitée par les plus grands maîtres de la dernière école attique. Des groupes représentant des Amazones et des Grecs combattants, dons du roi Attale, décoraient le côté sud de l'acropole d'Athènes 8s Un certain nombre de sarcophages nous montrent aussi le combat des Grecs et des Amazones. Nous nous bornerons à signaler ici le sarcophage de Vienne 36, le plus beau peut-être de tous ceux qui ont été trouvés en Grèce; celui de Mazara, en Sicile 35; celui du Louvre, trouvé à Salonique 38, etc. Un sarcophage, actuellement placé dans la cathédrale de Cortone II7, mérite une mention particulière, parce qu'il représente, conformément à une légende d'Éphèse 38, la défaite des amazones par Bacchus, sous les murs de cette ville. De beaux bronzes, statuettes n, boîtes AMB -. 223 de miroirs 4o ,cistes gravées 4I, ornements d'armure03, etc., offrent aussi l'image de combats d'Amazones qui paraissent être des imitations ou réminiscences des grandes oeuvres de la sculpture, et on les retrouve encore dans les bas-reliefs de quelques urnes cinéraires '°; de même qu'on peut chercher le souvenir des chefs-d'oeuvre des Micon, des Panaenos et d'autres peintres leurs émules, dans les peintures de vases ou dans celles qu'on a découvertes à Pompéi Le combat de l'Amazone Penthésilée contre Achille et sa mort ont fourni aux sculpteurs et aux peintres les sujets de nombreux ouvrages qui ne sont point indiqués ici [PENTIIESILEA]. Ils se sont plu aussi à représenter des Amazones aux prises avec des griffons [Gxyes].