Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article MITRA

MITRA (p)'. Longue bande d'étoffe, de cuir ou de métal, qui pouvait, suivant les cas, servir de ceinture ou de bandeau pour les cheveux. 1. On trouvera au mot CINGULUM la mention des cas où la cérpx ne diffère pas de la simple vy, qu'elle soit employée au costume des athlètes , ou que, le plus souvent, elle serve à la parure féminine, pour serrer la taille ' ou soutenir les seins'. Nous ne reviendrons pas sur ces acceptions usuelles. Nous nous bornerons à étudier le sens particulier du mot à l'époque homérique et le mode spécial d'armement auquel il paraît s'appliquer. Helhig5 et, après lui, Reichel ° ont élucidé, d'une manière qui paraît définitive, les difficultés du texte homérique. Nous ne ferons guère, comme on l'a fait avant nous7, que résumer leurs conclusions. MIT --1953 L'épisode le plus fréquemment reproduit de cette légende, c'est la naissance du dieu (fig. 5091). Des textes nombreux nous rapportent que Mithra était né d'un rocher' ; il est le Oa'oç sx 7€7 snç et cette Petra genitrïx était adorée dans ses temples. Ce mythe figure sans doute primitivement la lumière jaillissant du ciel, conçu comme une voûte solide 3. Mais la fable s'était emparée de cette conception miraculeuse et, comme le montrent les monuments, on racontait que le dieu, déjà armé d'un couteau. tenant une torche et coiffé de son bonnet phrygien, était né sur le bord d'un fleuve, et des pasteurs, cachés dans la montagne, avaient observé sa venue au monde et lui avaient apporté des offrandes une adoration des bergers mithriaque Nous ne pouvons passer ici en revue toute la série des tableaux qui illustrent la légende fort incertaine du dieu : on le voit successivement couper les feuilles d'un arbre pour se vêtir' et ses fruits pour s'en nourrir, tirer de l'arc contre un rocher dont jaillit une source vive (c'est le soleil dont les rayons percent le nuage dont s'échappe la pluie)', et il figure dans d'autres scènes encore. Il suffira de rappeler que les deux légendes principales sont celles de Mithra et de Sol et celle de Mithra et du taureau. La première ne peut être qu'imparfaitement reconstituée. On voit seulement que Mithra, en couronnant Sol, lui donne une sorte d'investiture et que les deux divinités concluent alors une alliance solennelle'. C'est avec le Soleil et d'autres compagnons de ses travaux que Mithra, à la fin de sa mission terrestre, célébrait un festin, qui était commémoré par le banquet sacré des mystères, de même que chez les chrétiens la dernière Cène l'était par la communion Ensuite Mithra était emporté sur le quadrige de son compagnon, par-dessus l'Océan, vers les sphères célestes, c'était l'ascension mithriaque é. Le contenu de la seconde fable est plus étrange et elle s'explique seulement par l'importance que le mazdéisme attribue au taureau, le premier des êtres vivants créés par Ahura-Mazda, et qui est une conséquence de la valeur qu'avait cet animal pour un peuple de pasteurs. Mithra parvenait d'abord à dompter la bête sauvage et il l'entraînait dans son antre en la tirant par les pattes de derrière, un mythe analogue à ceux d'hercule et de Cacus qui avait fait donner au dieu perse le nom de ouz?s noç blés i0 (fig. 5094), l'acte lui-même portant celui de Transitas''. La conclusion de ce drame était la mort du taureau, qui est le sujet le plus fréquemment reproduit sur nos monuments. Mithra recevait du Soleil, par l'intermédiaire du corbeau, messager de celui-ci 12, l'ordre de tuer son prisonnier. Remplissant malgré lui la mission que le ciel lui imposait, Mithra perçait de son large couteau le flanc de sa victime, et du corps de celle-ci naissaient toutes les espèces de végétaux. C'est cette floraison merveilleuse que les artistes ont rappelée discrètement en terminant la queue du taureau mourant par une touffe d'épis". Le scorpion et le serpent, émissaires d'Ahriman, s'efforcèrent de dévorer les testicules et de boire le sang du moribond. Néanmoins, le sperme de celui-ci devait produire toutes les races d'animaux '''0, et son aéme, gardée par le chien, fidèle compagnon de Mithra, devait plus tard être divinisée et devenir la gardienne des troupeaux''. C'est donc une représentation de la création mazdéenne que le groupe du Mithra tauroctone, placé régulièrement dans l'abside des cryptes sacrées ". Mithra était, par le meurtre du taureau sacré, devenu le créateur, mais là ne se bornait pas son rôle. Remonté au ciel, le dieu « invincible » (deus invictus, âvlxrlticç) i7 était le protecteur tout-puissant18 de ses fidèles dans la lutte incessante qu'ils avaient à soutenir contre les puissances du mal. Il les aidait, comme chez les anciens Perses, à respecter la vérité, à pratiquer la justice et à conserver cette pureté vers laquelle l'existence du myste devait tendre, en combattant sans cesse tous les instincts pervers 19. Après la mort, il avait pour mission de conduire les âmes de ses serviteurs jusqu'au séjour des bienheureux i0. Suivant une théorie, où des éléments perses et chaldéens étaient combinés 21, les âmes, en s'abaissant vers la terre, traversaient les sphères des planètes et recevaient de chacune quelques-unes de leurs qualités ; en remontant au ciel, elles se dépouillaient, comme de vêtements, des penchants et des facultés qu'elles avaient reçues des sept astres, pour pénétrer comme pure essence dans le séjour lumineux du dieu supreme'S. Toutefois les corps eux-mêmes devaient participer à la félicité éternelle réservée aux justes. A la fin des temps, Mithra devait de nouveau sacrifier un taureau divin, semblable au taureau créateur, pour donner l'immortalité aux hommes. Les anciens Perses croyaient déjà à la résurrection des morts, et cette doctrine avait passé dans l'un sur un quadrige, l'autre sur un char attelé de deux taureaux blancs'. avaient cependant complètement 1952 -MIT, dieu supréme sont les emblèmes des quatre éléments, est devenu une allégorie des doctrines stoïciennes sur le cataclysme et l'sx7sépmolç universels'. A côté des éléments, la théologie des mystères regardait les astres comme des puissances divines. Le Soleil et la Lune étaient déjà adorés par les Perses, et les mi 'es, qui se h figuraient encore parcourant ciel transformé la vieille conception mazdéenne. On les rangeait parmi les sept Planètes, qui présidaient aux jours de la semaine et qui étaient l'objet d'un culte tout spécial. Avec elles on divinisait les douze signes du Zodiaque et même les Mois et les Saisons, dont ils marquent la succession «fig. 5092). Les autres étoiles et constellations, même les deux hémisphères célestes, assimilés aux Dioscures a, étaient aussi déifiés. Toute cette astrolatrie avait été empruntée par les mages aux Chaldéens et avec elle s'était introduite dans les mystères la doctrine du fatalisme, l'idée d'une nécessité qui dépend du mouvement des cieux et qui gouverne les hommes et les choses. La diffusion de l'astrologie a certainement été favorisée sous l'Empire par celle du mithriacisme (nous avons conservél'épitaphed'un (isacerdosdeiSolis invieti Iithrae, studiosus astrologiae » et ses doctrines sur le pouvoir des démons permettaient de justifier toutes les pratiques occultes et toutes les superstitions Des explications astronomiques furent imaginées dès l'antiquité, pour les représentations où apparaît Mithra devenu un dieu solaire, et notamment pour l'image hiératique de Mithra tauroctone. Ainsi on plaçait des deux côtés de celle-ci deux porte-flambeaux ou dadophores, auxquels on donnaitles noms énigmatiques de Cautes et Gaulopatès7 et qui étaient regardés comme identiques au dieu immolant le taureau. Ce triple Mithra (17pt7c))7utoç Mi0çaç) était considéré comme un symbole du soleil du matin, de midi et du soir, ou encore du soleil du printemps, de l'été et de 1 l'automne. Mais ces interprétations sidérales sont manifestement adventices et récentes. Les scènes diverses, qui se suivent dans un ordre régulier sur nos bas-reliefs, représentent en réalité des épisodes de la légende de Mithra dontl'actesuprême est l'immolation du taureau (fig.50933). MIT 1951 MIT les livres sacrés du parsisme nous ont transmis une foule de conceptions empruntées à la vieille religion de l'Iran et qui s'étaient conservées, parfois sous une forme un peu différente, dans le culte propagé en Occident. Les dieux, auxquels les artistes ont prêté l'aspect des divinités gréco-romaines, sont en réalité, sauf quelques emprunts faits aux cultes d'Asie Mineure, ceux du mazdéisme. Seulement celui-ci s'était combiné en Babylonie avec la religion indigène, et dans la doctrine mithriaque des éléments chaldéens sesuperposentaux traditions iraniennes : des théories astrologiques se sont ajoutées partout aux fables naturalistes des'anciens Perses. Les prêtres se sont plu à attribuer aux images de leur culte des sens multiples qu'ils dévoilaient successivement aux initiés, et le symbolisme sidéral paraît avoir été seul communiqué à la foule des fidèles ; la connaissance des doctrines mazdéennes, qui font la valeur du mithriacisme, étant réservée à une élite. Les mages d'Asie Mineure, qui sont les ancêtres du clergé mithriaque, appartenaient à la secte « zervaniste », dont le berceau semble être la Babylonie '. En d'autres termes, ils plaçaient à la tête de la hiérarchie divine et à l'origine des choses le Temps Infini (Zervan-Akarana), auquel on donnait parfois le nom d'A'!o v-Saeculum ou celui de Ksévoç-Saturnus, regardé comme synonyme de Xo6voç. On le représentait sous la forme d'un monstre humain, à tête de lion, le corps entouré d'un serpent, qui fait allusion au cours sinueux du soleil sur l'écliptique rappelé ailleurs par les figures du zodiaque. Il est ailé pour marquer la rapidité de sa fuite ; il tient le sceptre et le foudre, comme divinité souveraine, ou les clefs qui ouvrent les deux portes du ciel (fig. 5090) ; on surcharge ses statues d'attributs divers pour marquer qu'il réunit virtuellement en lui la puissance de tous les dieux, et conformément aux doctrines chaldéennes, on l'identifiait au Destin 2. Les traditions mithriaques semblent avoir expliqué l'origine du monde par une série de générations succes sives : le premier principe procréait le Ciel et la Terre, qui enfantaient l'Océan, et on les adorait aussi sous les noms de Jupiter, Junon et Neptune. C'était la triade suprême du panthéon mithriaque : lorsqu'on considérait Cactus au point de vue astrologique, on l'assimilait parfois, comme Kronos, au Destin, qui détermine les révolutions des sphères célestes'. Lorsqu'on voyait en lui une personnification du firmament, on se le représentait comme porté sur les épaules d'un héros semblable à l'Atlas grec 3;. lorsqu'on l'assimilait à Zeus (optirnu.s maximus Caelus aeternus Jupiter) 5, on pensait qu'il avait succédé à son père dans le gouvernement du monde : les bas-reliefs nous montrent Kronos remettant à son fils le foudre insigne de son pouvoir fi. Toutes les autres divinités paraissent être issues de l'union de Jupiter et de Junon : on les voit sur les monuments réunis en assemblée dans l'Olympe autour de leur père et maître, qui trône au centre du groupe'. lis y ont l'aspect des dieux gréco-romains, mais en réalité, les fidèles adoraient en eux, sous des noms d'emprunt, l'escorte barbare qui avait suivi Mithra dans ses migrations. Hercule est Artagnès (Verethraghna); Vulcain, Mar, le génie du feu; Bacchus, le Haoma personnifiée, etc. Seulement, nous ne saisissons que fort imparfaitement la personnalité de tous ces génies secondaires dont il est inutile de don ner ici une énumération complète. Ils résident tous avec Jupiter dans l'éternelle clarté de l'empyrée, auquel s'oppose un royaume ténébreux, situé dans les profondeurs de la terre. Ici, Ahriman (drimanius) s règne avec Hécate sur la foule des démons. Ces monstres ont tenté aux origines du monde de monter à l'assaut du ciel, mais, foudroyés par Jupiter, ils ont été préci pités dans les enfers : cette gigantomachie est souvent représentée sur les monuments mithriaques (fig. 5091)10. Mais ces puissances infernales n'étaient point réduites à l'impuissance, et les initiés leurs offraient des sacrifices pour détourner leur colère ou même les asservir à leurs desseins ". Comme les démons, les dieux exerçaient une influence sur le monde, et ils causaient ses transformations. Le mithriacisme avait hérité des anciens Perses, l'adoration du Feu, de l'Eau, de la Terre et des Vents ou de l'Air 12, mais systématisant ce vieux culte naturaliste, il honorait en eux les quatre éléments, don t la transmutation perpétuelle provoque tous les phénomènes physiques : un groupe souvent reproduit et composé d'un lion, d'un cratère et d'un serpent symbolisait la lutte du feu, de l'eau et de la terre qui s'entre-dévorent constamment ". L'action des théories philosophiques est ici indubitable : un mythe étrange, où les quatre chevaux qui traînent le char du MIT 1950 MIT plus générales de templum, aedes, sacrarium On a retrouvé un nombre considérable de ces édifices, et l'on peut se rendre un compte exact de leur disposition traditionnelle, qui se répète partout presque sans-variation (fig. 5088) 2. Sur la voie publique se dressait une façade formée d'une colonnade surmontée d'un fronton (porticus). En franchissant le seuil, on pénétrait d'abord dans une salle ouverte par devant et située au-dessus du sol, le pronaos (A). Ce pronaos était fermé au fond par une porte, qui donnait ordinairement accès dans une seconde salle plus petite, sans doute l'apparatorium ou sacristie (B, Cl. Dans cette sacristie, ou parfois directement dans le pronaos, donnait un escalier par lequel on descendait dans le sanctuaire pro minent dit, la crypta. Cette crypte, qu'on regardait comme un symbole du monde devait être cintrée pour imiter le firmament. Lorsqu'on ne pouvait construire une voûte de maçonnerie, on en donnait l'illusion par un plafond cintré formé de volards entrelacés et enduits de plâtre (fig. 5089) 4. En pénétrant dans la crypte, on se trouvait d'abord sur une sorte de palier occupant toute la largeur de la salle (D) : au delà, celle-ci se divisait en trois parties, un couloir central d'une largeur moyenne de 2 m. 50, qui était le choeur réservé aux officiants(F), et deux bancs demaconneriequi s'étendent le long des murs latéraux (E) et dont la surface supérieure, large d'environ 1 m.50, était inclinée; c'est là que s'agenouillaient les assistants. Au fond du temple,on ménageait d'ordinaire une abside surélevée (absidata, e.xedra = G) : c'est là que se dressait régulièrement le groupe hiératique du Mithra tauroctone, qui était accompagné parfois d'autres images sacrées et devant lequel étaient placés les autels où brûlait le feu sacré'. Une petite excavation cimentée servait à recueillir le sang des victimes dont les restes calcinés étaient jetés dans des fosses profondes en dehors du temple. D'autres récipients devaient contenir l'eau bénite'. A Ostie, une échelle mystique, dessinée dans la mosaïque du pavement, rappelait les sept sphères superposées des planètes et marquait les stations où le prêtre s'arrêtait pour les invoquer La disposition des lieux ne nous révèle malheureusement que fort imparfaitement quelles cérémonies on accomplissait dans les spelaea. Nous pouvons du moins imaginer l'impression que devait faire sur le néophyte l'aspect du sanctuaire, décoré de mosaïques, de peintures ou de stucs brillants', éclairé uniquement par des lampes rangées autour du choeur qui jetaient une vive clarté sur les images des dieux et les officiants 9, et où des jeux de lumière habilement ménagés favorisaient les mystifications des thaumaturges ' °. La doctrine des mystères. Les auteurs anciens ne nous fournissent, sur les doctrines enseignées dans les mystères, que des renseignements fort incomplets et sou vent suspects. Les inscriptions ne sont pas plus explicites : on n'a découvert jusqu'ici que fort peu de sculptures qui soient accompagnées de légendes explicatives. C'est l'étude comparée des monuments figurés qui permet seule de retrouver les croyances dont ils sont l'expression, et toute recherche sur la théologie mithriaque est surtout un commentaire archéologique des représentations sacrées". Nous ne pouvons qu'esquisser à grands traits les contours d'un système doctrinal, dont les détails d'ailleurs restent souvent incertains. L'histoire des origines du mithriacisme, telle que nous l'avons résumée plus haut, nous indique déjà que sa théologie était formée d'un mélange de dogmes hétérogènes. Au fond, certainement, e1le était d'origine persique, et MIT 19119 MIT ecclésiastiques nous ont transmis des détails curieux : parfois on bandait les yeux du néophyte, on lui attachait les mains avec des boyaux de poulets, puis on le faisait sauter au-dessus d'une fosse remplie d'eau, ensuite un « libérateur » venait couper ces liens étranges'. Au myste promu au rang de miles on présentait une couronne interposito gladio, il la repoussait de la main, et désormais il renonçait (t en porter jamais, car elle appartenait à Mithra, le dieu invincible 2. En d'autres circonstances, le fidèle prenait part à un meurtre simulé qui, à l'origine, avait peut-être été réel'. Mais ces cérémonies étaient devenues en Occident plus effrayantes que redoutables, et l'on y éprouvait le courage moral, l'ân8et«, de l'initié, plutôt que son endurance physique. Les supplices fantastiques et les macérations impraticables rapportés par des auteurs peu dignes de créance' doivent être relégués au rang des fables aussi bien que les prétendus sacrifices humains, qui auraient été perpétrés dans les cryptes sacrées'. Tertullien 6 emploie pour les cérémonies d'initiation le nom de sacramentum, emprunté au langage militaire, et il rapproche certaines de ces cérémonies des sacrements chrétiens. Les mithriastes avaient une sorte de baptême, ablution ou immersion destinée à effacer les souillures morales'. Ils administraient au miles une espèce de confirmation, mais le « sceau » qu'on apposait sur le front n'était pas une onction mais plutôt une marque gravée au fer ardent8. Les Lions et les Perses se purifiaient à l'aide de miel, dont les premiers s'enduisaient la langue sans doute parce que, nourriture des bienheureux, il était censé donner l'immortalité 10. Conformément aux traditions mazdéennes, on consacrait du pain et de l'eau, auquel on mêlait le vin, substitut du Hama avestique, et le breuvage sacré passait pour produire des effets surnaturels ". Ce banquet mystique, que les apologistes rapprochent de la communion chré tienne f', est représenté sur un curieux bas-relief découvert en Bosnie (fig. 5087). Quelque remarquables que soient ces cérémonies, nous ne pouvons apprécier que très imparfaitement le VI. rituel mithriaque.Des livres liturgiques qui ont certainement été en usage, nous n'avons rien conservé sinon un vers grec emprunté à un hymne sacré t3, et les formules en langue inconnue qui sont gravées sur certains monuments, telles quele itiama Sebesio du bas-relief Borghèse", restent pour nous lettre close. Il n'est pas douteux cependant que le mithriacisme fût resté, ou du moins prétendit être resté fidèle aux rites perses, dont on faisait remonter l'origine à Zoroastre''. La connaissance de ces rites était fidèlement conservée par un clergé, dont les premiers fondateurs avaient certainement été des mages orientaux. Cet ordo sacerdotutn16 était distinct de toutes les catégories d'initiés, mais nous ignorons complètement comment il était recruté et organisé : nous voyons seulement que le sacerdos ou antistes peut, mais ne doit pas nécessairement, faire partie des Pères". Tertullien parle encore de virgines et de continentes, ce qui semble impliquer l'existence d'une sorte de monachisme mithriaque 18, Le rôle de ce clergé était plus considérable que dans les anciens temples gréco-romains. C'était lui qui devait, de concert avec les Pères, administrer les sacrements, et présider aux dédicaces "Al devait aussi réciter les prières traditionnelles, par exemple, en l'honneur des Planètes le jour qui leur était consacré 20, et accomplir les sacrifices, dont le caractère paraît avoir été très variable 21. Toutefois, c'est à tort qu'on a prétendu rattacher le taurobole )TAL'ROBOLICMJ au culte de Mithra. En Occident, cette immolation n'a été pratiquée qu'en l'honneur de la Magna Mater,mais elle a probablement été empruntée par les Romains aux temples de Cappado'.,, où son caractère s'était modifié sous l'action des croyances mazdéennes"'. Nous sommes on ne peut plus mal renseignés sur les fêtes célébrées par les fidèles du dieu perse. On n'entend jamais parler en Occident des iblithrakana (supra, p. 19444), mais peut-être avaient-ils été transportés au 25 décembre, date à laquelle le 11 atalis invicti, la renaissance du Soleil, était commémorée, avant que les chrétiens la choisissent pour la Noel 23. Toutes ces cérémonies occultes, sur lesquelles les Participants s'obligeaient à garder le secret, étaient célébrées dans des temples souterrains, merveilleusement propres à produire une impression mystique. Suivant la légende, Zoroastre avait le premier consacré à Mithra dans les montagnes de la Perse un antre a fleuri et arrosé de sources 36 », et la tradition imposait aux mithriastes l'obligation d'établir leurs sanctuaires dans des grottes, et de préférence dans celles où jaillissait une source 26. A défaut d'une véritable caverne, ils aimaient au moins à bâtir leurs temples au milieu des rochers ou sur le flanc de collines escarpées. Même dans les villes ou dans les plaines où toute excavation rupestre faisait défaut, les mithréums furent toujours des cryptes souterraines, auxquelles on appliquait indifféremment les noms de spelaeum,specus, spelunca, antrum, ou les appellations 24.5 MIT -194.8M I'l' sont éclairés par une grâce spéciale, le Ilvarenô qui leur assure la victoire sur leurs ennemis : ce Ilvarenô, qui était censé accordé par Mithra, devint à Rome la Fortune Auqusti, pour laquelle les Césars avaient une dévotion superstitieuse. De plus, les théories astrologiques enseignaient que les princes reçoivent en naissant du Soleil, c'est-à-dire de Mithra, les vertus du souverain, et étaient appelés par lui à régner. Aussi l'empereur deus et dominus notes a-t-il généralement été regardé, à la fin du paganisme, comme le représentant du dieu solaire sur la terre. Le monarque « pies, felir, invictos était le favori de la Fortune et le simulacre humain du Sol inrictus; il considérait celui-ci comme son protecteur personnel et son compagnon (conservator, cornes, '. Organisation du culte. Un culte auquel les empereurs témoignèrent une faveur aussi constante (lut être de bonne heure reconnu par l'État, mais nous n'avons malheureusement aucun renseignement direct sur la condition juridique des collèges de mithriastes (cultores Selis invicti Millzrae 2). Peut-être se constituèrent-ils en associations funéraires pour jouir des privilèges accordés à ce genre de corporation Il semble cependant qu'ils aient eu recours à un autre moyen de se faire autoriser en s'associant de quelque façon aux adorateurs de Cybèle, qui sous le nom de Mater Magna avait été depuis longtemps adoptée par le peuple romain, et qu'ils aient participé à la protection officielle dont jouissait le clergé de la déesse phrygienne 4. Certainement aucun indice ne permet de supposer que les sectateurs de Mithra aient jamais eu, comme ceux d'Isis, à souffrir de persécutions. Il semble que leurs sodalicia aient possédé une existence juridique et joui du droit de propriété. Pour gérer leurs affaires, ils élisaient des fonctionnaires, dont les titres sont les mêmes que ceux usités dans les autres confréries. Ils étaient dirigés par un conseil de décurions 5, dont les dix premiers (decem primi) avaient certaines prérogatives. Ils avaient leurs magistri 7 ou présidents élus chaque année, leurs curalores qui avaient des attributions financières, leurs defensores chargés de servir leur cause devant la justice ou auprès des administrations, enfin des patroni 10 dont ils attendaient une protection puissante et des secours pécuniaires. Car l'État ne leur accordant point de dotation et les caisses municipales ne leur donnant que des subventions extraordinairesu, ils devaient compter, pour couvrir les frais du culte, sur la générosité privée au moins autant que sur les cotisations régulières des affiliés. La plupart des mithréums ont été construits in solo privato 12 et ornés grâce aux dons des dévots. Les dimensions restreintes de ces chapelles prouvent que les collèges de mithriastes n'ont jamais compté qu'un petit nombre de membres ; on peut l'évaluer à une centaine d'initiés au plus 13 les Album sacratorum dont nous avons conservé des fragments sont malheureusement incomplets "". Lorsque la confrérie se développait outre mesure, elle se scindait et l'on construisait un nouveau spelaeum. Ainsi s'explique le nombre considérable de ces sanctuaires existant dans des villes même de second ordre (au moins trois à lleddernheim, cinq à Aquincum, etc.1b). C'étaient de petits conventicules où régnait l'intimité d'une grande famille et dont la vie intérieure paraît avoir exercé une singulière attraction. 11 faut cependant se souvenir, en évaluant le chiffre des sectateurs du dieu perse, que les femmes, semble-t-il, étaient exclues de la participation aux mystères 18, et ne pouvaient se faire recevoir que dans ceux de la Magna Motet', alliée à Mithra. Ce fut du moins le cas en Occident, partout ou la liturgie romaine était en usage. En Orient, au contraire, et jusqu'à Tripoli de Barbarie (Oea), les femmes pouvaient recevoir certains degrés d'initiation, comme, dans la cité, elles prenaient part dans une certaine mesure aux affaires publiques". Les mystes (sacrati)16 portaient des titres sacrés, qu'il ne faut pas confondre avec ceux des administrateurs, membres de conseils de fabrique chargés des intérêts temporels du culte. Un texte de saint Jérôme, confirmé par une série d'inscriptions, nous apprend qu'il y avait sept degrés d'initiation 1o et que le néophyte portait successivement les noms de Corax (Kdpa,), Cryphius Heliodromus (`lI),iolpdp.oç), et Pater (IIxT{,o). D'autres noms comme celui d'aigles (âc-rd;) et d'éperviers (i€pro) ont pu être usités dans les communautés orientalesY0. Les membres de chacun des grades revêtaient dans les cérémonies sacrées un déguisement approprié au titre qu'on leur décernait et on les voit représentés de la sorte sur un bas-relief" (fig. 5087). « Alii sicut aves alas perculiunt vocem coracis imitantes, alii leonum more fremunt », dit un chrétien du rve siècle'. Ces mascarades sacrées, que l'on retrouve dans certains mystères grecs, sont une survivance d'usages primitifs qui remontent au temps où l'on se représentait la divinité elle-même sous une forme animale, et qui n'ont pas disparu de nos jours 23. Dans cette hiérarchie sacrée on établissait encore une autre distinction 21: les initiés des trois premiers grades, semblables aux catéchumènes, portaient le nom de Servants (67r)paTO`GVTaç) et n'étaient point admis à célébrer les mystères; seuls ceux qui avaient reçu les leontica devenaient Participants (u.e-l ovTas) ; enfin, à la tête des fidèles qui se donnaient le nom de Frères (fratres) 20, étaient placés les Pères auxquels appartenait la direction générale du culte. Le Pater Patruni ou Pater patratus paraît avoir été le chef spirituel de toutes les communautés d'une citées Pour passer d'un degré au suivant, il fallait se soumettre à certaines épreuves sur lesquelles les écrivains MIT 1%7 MIT série ininterrompue de sanctuaires reliait ainsi les bords de la Méditerranée aux camps de la Germanie. Au contraire, dans l'ouest de la Gaule on n'a relevé presque aucun vestige du culte persique. Dans l'Adriatique, les échelles de la côte dalmate [Epidaurum, Narona (?), Salone, Iader, Senia] et les îles voisines (Arba, Brattia). ainsi que Pola en Istrie avaient accueilli le culte asiatique 1, qui devint surtout puissant à Aquilée 2, dont l'importance commerciale égalait alors celle de Trieste aujourd'hui. Par ces portes, il s'introduisit en Dalmatie, où son expansion resta cependant toujours médiocre et dans la Pannonie et le Norique méridionaux, où sa prospérité fut au contraire très grande notamment à Virunum Les provinces danubiennes ont ainsi reçu la religion nouvelle par une double voie d'une part, elle se répandit le long du Danube par les garnisons, de l'autre, dans les cités du midi et jusque dans les vallées des Alpes par l'intermédiaire des esclaves et des fonctionnaires. Les causes concurrentes de la propagation des mystères s'entremêlent et se confondent et il est difficile, sinon impossi ble, de détermi ner pour chaque région celle qui exerça la principale influence. Mais certainement nulle part ils ne trouvaient réunies autant qu'à Rome toutes les conditions favorables à leur succès. Les Orientaux, marchands ou esclaves, y habitaient en foule, des troupes nombreuses y tenaient garnison, et les vétérans venaient s'y fixer en grand nombre. Le succès qu'y obtint le culte persique est attesté par plus de soixante-quinze morceaux de sculpture, une centaine d'inscriptions et une série de temples et de chapelles situés dans tons les quartiers de la ville et de sa banlieue s. Le plus fameux de ces mithraea est celui qui subsistait encore au milieu du xvie siècle dans une grotte du Capitole et dont a été tiré le grand bas-relief Borghèse actuellement au Louvre (fig. 5086). Cet exposé de la propagation du mithriacisme montre que, comme le christianisme, il a fait ses premières conquêtes dans les classes populaires, où il s'est répandu avec une rapidité extrême. Mais par une évolution naturelle, ses adeptes s'élevant dans l'échelle sociale, on devait bientôt compter parmi eux des affranchis opulents et des fonctionnaires publics des municipes et de l'État. Au ne siècle, il attire déjà l'attention des philosophes et des littérateurs ", et est combattu par les apologistes 8 comme un ennemi redoutable. Mais la vogue du mithriacisme dans le monde officiel date surtout du moment où il conquit la faveur déclarée des empereurs à la fin du ii' siècle, Commode se fit recevoir au nombre des initiés et participa à leurs cérémonies secrètes et la découverte de si( nombreuses dé dicaces pour le salut de ce prince ou datant de son règne nous montre quel retentisse ment eut cette conversion . A partir de cette époque, on trouve, parmi les fidèles qui dédient des of frandes à Mi thra, les plus hauts fonc tionnaires de l'empire , com mandants de légions, gouver neurs de pro vinces, préfets et clarissimes10. La bienveil lance des souve rains à l'égard du dieu étranger ne se démentit pas après la chute des Antonins ". Une inscription du temps des Sévères mentionne un sacerdos invicti Mithrae domus augustanae 17, c'est-à-dire un chapelain du palais. En l'année 307, Dioclétien Galère et Licinius réunis à Carnuntum restaurèrent un temple de Mithra a fautor imperii sui" » et Julien l'Apostat eut une dévotion particulière pour ce dieu tutélaire, dont il célébrait les mystères dans son palais de Constantinople La prédilection que les empereurs témoignèrent à cette religion étrangère, eut sans doute pour cause ses doctrines sur le pouvoir divin des rois, doctrines qui leur apportaient une justification théologique de leur despotisme. Suivant les croyances mazdéennes, les souverains légitimes règnent par la volonté du dieu suprême et ils 1 MIT 1945 IIT Un fait très remarquable, c'est que ces mystères persiques ne recrutèrent presque pas d'adeptes dans le monde hellénique. C'est à peine si l'on trouve des preuves tardives qu'ils aient été pratiqués dans certains ports comme le Pirée, Aradus, Sidon ', Alexandrie 2 et à Memphis où ils ne parvinrent sans doute que sous l'Empire 3, et l'onomatologie grecque ne fournit aucun nom théophore dérivé de celui de Mithra. En Italie, le dieu aurait été adoré d'abord, au dire de Plutarque 4, par les pirates ciliciens, que Pompée y avait transportés. Ce renseignement semble mériter créance. La république des pirates, qui s'était accrue de fugitifs venus de tout l'Orient, aura appris des anciens soldats de Mithridate qu'elle avait accueillis à pratiquer leur culte iranien. Certainement la ville de Tarse grave encore sur ses monnaies impériales le groupe du Mithra tauroctone (fig. 30814) 6. Seulement les sectateurs de la divinité mazdéenne, confondus avec ceux des autres dieux étrangers, paraissent avoir vécu dans une obscurité profonde jusqu'à la fin du t siècle de notre ère. C'est alors que les écrivains (Plutarque, Stace 7) commencent à s'occuper de la secte nouvelle et c'est de cette époque que datent aussi ses plus anciens monuments 8. Presque simultanément elle apparaît dans les provinces du nord. Elle fut transportée à Carnuntum dès le règne de Vespasien, et vers 148, un centurion mithriaste consacra une dédicace en Germanie °. Il suffira d'indiquer ici d'une façon générale par quels moyens la religion nouvelle s'est propagée et dans quels pays elle s'est répandue, sans prétendre citer les centaines d'inscriptions et de monuments qui attestent sa diffusion dans les provinces de l'empire. Le principal agent de sa propagation fut certainement l'armée, et l'on peut affirmer que le mithriacisme resta toujours avant tout un culte militaire. Les Asiatiques, qui fournissaient, même en Europe, une partie du contingent des légions et surtout des auxilia, introduisirent les mystères orientaux dans Ies camps et les forteresses de la frontière où ils ne tardèrent pas à attirer une foule de prosélytes. Notamment les cohortes et les alae de Commagéniensf° semblent avoir eu une part considérable dans cette propagande. De plus, les vétérans, qui après vingt ou vingt-cinq ans de service se retiraient dans leurs foyers ou bien allaient s'établir dans quelque grande ville de l'empire, jouèrent aussi efficacement le rôle d'apôtres ". Depuis les rivages de la mer Noire jusqu'aux montagnes de l'Écosse, tout le long de l'ancienne limite de l'empire, les monuments mithriaques abondent. La Mésie semble avoir reçu le culte étranger directement des recrues levées en Asie, que l'administration militaire y transportait1', et c'est sans doute des bords du Danube qu'il se répandit dans le nord de la Thrace, notamment dans la vallée de l'Hèbre 73. De l'autre côté du fleuve, il prospéra rapidement en Dacie, qui après la conquête (107 av. J.-C.) fut repeuplée à l'aide de colons amenés « ex roto orbe Romano » (Eutrope, VIII, 6). Apulum et Sarmizégétusa, chefs-lieux de la province, ont fourni une quantité d'ex-voto et de statues, et dans toute la vallée du Maros, le long de l'ancienne voie romaine, une foule de monuments ont été exhumés'. En Pannonie, toutes les villes fortes échelonnées le long du Danube et même les cités de l'intérieur comptèrent des fidèles du dieu perse ils étaient surtout nombreux à Aquincum, où l'on a retrouvé cinq mithréums 76, et à Carnuntum, oit la legio XV Apollinaris importa le culte asiatique dès l'année 71 ap. J.-C., quand elle fut transportée par Vespasien en Pannonie, après avoir combattu huit ans en Orient. C'est aussi dans cette ville que Dioclétien et les princes associés à l'empire restaurèrent encore un mithréum en 307 ap. J.-C.17 Dans la vallée du Danube supérieur, les trouvailles sont plus clairsemées 18. Elles se multiplient au contraire en Germanie, dans les Champs-Décumates et tout le long du Rhin depuis Raurica, près de Bîle, jusqu'à Vetera (Xanten) au nord de Cologne ". L'Allemagne est le pays où l'on a mis au jour le plus grand nombre de mithréums et les bas-reliefs les plus vastes et les plus complets. Les environs de Francfort surtout ont été merveilleusement féconds en découvertes. On a déblayé trois temples importants dans le village de Heddernheim (civitas Taunensium), trois autres existaient à Friedberg dans la Hesse, un à Gross-Krotzenburg, près de Hanau, un à Ober-Florstadt, et un à Wiesbaden 2°. D'autres furent établis près des routes qui menaient de la frontière rhénane vers l'intérieur de la Gaule, notamment à Schwarzerden, entre Metz et Mayence, et à Sarrebourg 21, et les marins orientaux introduisirent le culte étranger à Boulogne (Gesoriacum), le port d'attache de la classis Britannica 22. En Bretagne même il s'était implanté non seulement dans les capitales commerciales et militaires de la province, à Londres et à York (Eburacum) 23, et dans les places fortes qui surveillaient le pays de Galles 24, mais aussi dans la plupart des « stations » échelonnées le long du Vallum d'Hadrien 2a. En Espagne on ne le rencontre guère que dans la région du nord-ouest 26, où une légion fut longtemps maintenue pour contenir les montagnards des Asturies et de la Galice. Enfin, en Afrique, il ne florissait pas seulement à Lambèse, où campait la uIe légion, mais encore dans les postes qui gardaient les défilés de l'Aurès ou jalonnaient la lisière du Sahara 27 Dans les provinces inermes, l'action de l'armée n'a pu MIT 4944. MIT tuteur, de ne restituer qu'en présence de témoins les sommes dont ils étaient débiteurs. Mais nous ne croyons pas que le fermier fût obligé, pour être valablement déchargé, de le faire dans l'agora ou dans un autre lieu