Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AMBROSIA

AMBROSIA ('A poa(a), l'ambroisie. Sans chercher à donner de cette substancedivine une définition plus précise que le sujet ne le comporte, nous mentionnerons, en suivant, autant que possible, l'ordre du temps, les divers emplois que les auteurs anciens, les poëtes surtout, semblent en avoir faits. Nulle part, dans l'Iliade, elle n'est considérée comme un aliment propre à entretenir chez les dieux la vie immortelle ; mais c'est un principe onctueux, d'un suave parfum, dont la vertu est de purifier et de conserver. Ainsi, lorsque Hèra se pare pour plaire à Zeus et l'attirer dans le piége d'un sommeil profond : « D'abord, avec l'ambroisie, elle purifia de toutes souillures son corps plein de séduction ; elle se parfuma d'une huile onctueuse, immortelle, suave, de l'odeur la plus agréable à la déesse; quand cette huile est agitée dans la demeure de Zeus aux fondements d'airain, et la terre et le ciel sont pénétrés de son parfum'. » On a cru reconnaître cette scène sur un vase de la Basilicate; mais suivant une autre interprétation, cette peinPire serait la toilette d'Aphrodite 2. 1. D'autres exemples dans l'Iliade présentent l'ambroisie sous la même forme. Zeus ordonne à Apollon d'en parfumer le cadavre du héros Sarpèdon, et de le laver, pour le préserver de la corruption, ce qu'exécute le dieu Thétis fait couler goutte à goutte dans les narines de Patrocle l'ambroisie et le rouge nectar, afin que son corps demeure incorruptible'. De même, dans l'Odyssée et dans d'autres poëmes, :idothée, fille de Protée, place sous les narines d'Ulysse et de ses compagnons l'ambroisie parfumée, qui les préserve de l'odeur des peaux de phoques 6; l'ambroisie, répandue de la main d'Aphrodite dans le sein de Bérénice, lui donne l'immortalité 6 ; Phoebus l'applique sur une plaie en même temps que le nectar 7; Cyrène la répand sur le corps d'Aristée 8; Vénus prépare les sucs salutaires de t 'ambroisie avec la panacée pour guérir la blessure d'Enée ; d'une onction d'ambroisie mêlée au doux nectar, elle purifie son fils et le fait dieu °. Doit-on s'étonner de plusieurs passages, où l'ambroisie paraît plutôt un breuvage qu'un aliment ? Le Cyclope compare le vin d'Ulysse à une émanation d'ambroisie et de nectar 10 ; Sappho chante un mélange d'ambroisie dans un cratère 11 ; la déesse Athèna verse l'ambroisie d'un aryballe sur la tête de Démosthène 12 ; le poëte de la comédie moyenne Anaxandridès fait du nectar un aliment et de l'ambroisie un breuvage 13 C'est l'aliment des héros et des chevaux divins : Athèna, sur l'ordre de Zeus, verse dans la poitrine d'Achille le, nectar et l'agréable ambroisie, pour le soustraire à la faim 1'; là encore l'ambroisie est confondue avec le nectar, sous la forme liquide. Elle n'en apparaît séparée que pour servir de nourriture aux chevaux divins : le Simoïs fait croître l'ambroisie que doivent paître les chevaux de Hèra 15. Ovide a imité Homère en rassasiant d'ambroisie les chevaux des Heures 16, et en la faisant paître aux chevaux du Soleil 17. Platon, dans l'allégorie des attelages des âmes, ajoute le nectar comme breuvage, après l'ambroisie '8. C'est aussi l'aliment des dieux. Rarement, l'ambroisie se trouve séparée du nectar, et, dans plus d'un cas, il ne paraît y avoir entre ces deux mots que la différence du terme général au particulier. On a remarqué que, dans l'Iliade, l'ambroisie n'est jamais l'aliment des dieux; il en est de même dans les poëmes de Virgile. L'Odyssée n'offre qu'une seule fois l'ambroisie nettement distinguée du nectar : c'est dans le repas que Calypso présente à Hermès19. Plus loin 20, les servantes de la déesse lui apportent l'ambroisie et le nectar, cette fois réunis. De même, Hésiode dit que les dieux mangent et le nectar et l'ambroisie 21, et que la divinité coupable de parjure ne peut plus se nourrir d'ambroisie et de nectar 22. Dans Pindare, Tantale a dérobé aux immortels le nectar et l'ambroisie, qui l'avaient rendu incorruptible 23 ; les Heures et Gaia ont fait couler goutte à goutte sur les lèvres d'Aristée le nectar et l'ambroisie, et lui ont donné l'immortalité 24. Plus tard, tantôt l'ambroisie se confond avec le nectar 23, tantôt elle s'en distingue nettement 26 Sur la composition et l'origine de l'ambroisie, les auteurs L.9 AME anciens présentent plusieurs opinions. Ibycus attribue à l'ambroisie une douceur neuf fois moindre que celle du miel ~'. Faut-il voir une imitation et une sorte de commémoration de l'ambroisie divine dans cette offrande à Zeus Ktèsins, dont parle Anticlidès, auteur d'un ouvrage sur Alexandre, et qu'il dit être composée d'eau pure, d'huile et de fruits de toute sortes"? Nous avons cité le vers, où le Simoïs fait naître l'ambroisie pour les chevaux de liera. Une tradition que Proclus donne sous le nom d'Orphée faisait remonter à Déméter le partage de la double nourriture des dieux et l'invention de l'ambroisie 2H. Homère cite les colombes qui portent l'ambroisie à Zeus 30, légende suivie par Myrô, femme poète du commencement du in siècle 31, et par Plutarque ga. K. BioyDDL.