Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article OPS

OPS. Cette divinité romaine, originaire du pays des Sabins', paraît avoir eu sa place dans les plus anciens cultes de la cité et elle s'y est maintenue fort tard sous l'Empire, après avoir subi, dès les temps des guerres Puniques, une transformation profonde, au contact de la religion et de la littérature helléniques. Ops ou Opis exprime l'idée d'abondance, de ressource et représente OPS --212OPT ou la prospérité en général ou plus spécialement la fécondité agricole'. A ce titre, elle est, à l'origine, en rapport avec le dieu coNSUS qui fait germer les céréales en terre et les conserve dans les greniers (condere) 2. Elle est appelée Consiva ou Opeconsiva; et l'une des principales fêtes en son honneur figure dans les calendriers sous le nom d'Opiconsivia3. Elle est invoquée dans le culte et dans la langue populaire sous les vocables de Ops mater, de Ops opalenta, de Ops opi fera' Une inscription en langue osque, qui remonte aux temps de la guerre contre Pyrrhus, lui donne l'épithète de toitesia qu'on a rapprochée de tutus et qui équivaudrait à tutela; mais cette interprétation est purement conjecturale Les deux fêtes célébrées à son intention tombaient, l'une le 25 août, au lendemain de la moisson : c'est la fête des Opiconsivia 9 ; l'autre, les Opalia, le 19 décembre, après les semailles d'automne. L'une et l'autre suivent à quatre jours d'intervalle les Consualia tant d'été que d'hiver, et la dernière est voisine des Saturnalia, ce qui contribua, sous l'influence de l'hellénisme, à mettre la déesse en relation avec Saturne qui n'est lui-même, dans la religion agricole des anciens Romains, que le dieu des semailles 3. On la trouve également mêlée avec le vocable d' Opifera, mais seulement au temps d'Auguste, à la célébration des VOLCANALIA qui tombaient le 23 août et avaient pour but de conjurer, au nom de la cité, les dangers d'incendies. Le plus ancien et longtemps l'unique sanctuaire d'Ops fut un sacrarium qui lui était consacré, sous le vocable de Consiva, dans la Regia, centre religieux de la ville dès le règne de Numa; dans ce sacrarium n'avaient le droit de pénétrer que les Vestales le et le Grand Pontife. Plus tard, on lui érigea un temple sur le forum, dont la dédicace coïncidait avec la date des Opalia", et qu'il ne faut pas confondre avec un troisième temple, le plus célèbre de tous, qui était situé au Capitole; il existait déjà en 184 av. J.-C. César y déposa le fameux trésor de 700 millions de sesterces qui fut pillé par Antoine pour les besoins de sa politique i2. Sous Auguste, Ies matrones y célébrèrent les Jeux Séculaires et sous Domitien s'y réunit la confrérie des Arvales" ; ce dernier temple était plus spécialement en rapport avec la fête des Opiconsivia. Enfin, il est question d'un autel double, élevé au Vicus Jugarius, l'an 7 ap. J.-C., en l'honneur de Ceres Mater et d'Ops Augusta, peut-être avec une intention de flatterie à l'adresse de Livie, qui aimait à se faire représenter sous les traits de Rhea Cybélé, la Magna Mater Idaea, que la science des archéologues et, après elle, la piété des foules aimaient à identifier avec OpsfS On ne sait d'ailleurs que fort peu de choses sur le culte réservé à Ops, soit seule, soit associée avec Consus. Macrobe nous apprend qu'on l'invoquait assis et en touchant la terre avec la main, comme on faisait en Grèce pour certaines divinités chthoniennes, les Erinyes par exemple" : cette manifestation de piété peut fort bien n'avoir été qu'une réminiscence littéraire. L'image d'Ops ne nous est connue que par des monnaies d'Antonin le Pieux et de Pertinax : elle y est représentée assise sur un trône, ici avec le sceptre ou le globe, là avec une poignée d'épis, reconnaissable surtout à l'exergue : Opi divinae" (fig. 5420). Elle ne paraît avoir obtenu ces hommages, ainsi que l'autel du Vicus Jugarius, qu'en témoignage de gratitude pour une abondante récolte. Les traces du culte d'Ops sont rares en dehors de Rome. En Italie, nous en rencontrons à Préneste où elle paraît avoir eu un temple, et à Alba Encens où, sur une inscription, elle est invoquée spécialement avec tous les dieux et déesses73. Enfin l'on connaît deux inscriptions d'Afrique, l'une à Théveste, l'autre à Lambèse, cette dernière l'associant, avec le titre de Regina, à Satu? nus Dominus". Dans les monuments littéraires de la latinité, Ops est tantôt une abstraction divinisée, invoquée de concert avec Spes, Virtus, Venus, Salus, llanos, Victoria, Concordia 20, tantôt une doublure latine de Rhea, et dans ce cas appariée avec Saturne qui est devenu lui-même identique au Kronos des Grecs 2` ; tantôt une sorte de principe forgé par la religion philosophique qui y voit une des nombreuses personnifications de la force créatrice et fécondante, confondue avec Bona Dea, Thémis, Tellus, etc. 22 Ces identifications sont aussi vieilles que la littérature latine; la plus importante apparaît pour la première fois dans l'Evhemère d'Ennius23. La place qu'Ops occupait dans la Regia l'a fait considérer comme la déesse protectrice de Rome dont le nom était tenu secret26; mais ce sont là spéculations pures, sans fondement dans la foi populaire