Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PANNA

PANNA. Nom de vase. Il appartient à la basse latinité' et désigne un récipient d'une capacité assez grande 2. On en ignore la forme exacte. E. P. PANTIIEA SIGNA. Les dieux du paganisme ont de tout temps possédé la faculté, dès qu'un culte local leur attribuait une importance prépondérante, de se soumettre d'autres divinités et de concentrer en eux leurs propriétés : susceptible d'une extension indéfinie, leur puissance tend à devenir universelleZeus, dit déjà Eschyle2, est « le Tout et quelque chose de plus élevé encore », et Aphrodite ou la triple Hécate sont souvent conçues de même comme gouvernant et embrassant le monde tout entier'. Cette transformation du polythéisme grec s'accentua après Alexandre, lorsque les dieux orientaux, dont la nature était souvent indécise et multiforme, furent assimilés à la fois à plusieurs des anciens habitants de l'Olympe. D'autre part, les fidèles, pour s'assurer la protection de toutes les puissances célestes, ou, dans les serments, pour éviter quelque réticence, invoquèrent souvent «tous les dieux et déesses 's (Oso(ç itàv'taç xx's 7tâaaç)`, et l'on prit l'habitude de les adorer ensemble dans des temples communs [PANTHÉON]. L'esprit spéculatif des Grecs créa bientôt pour cette totalité de dieux une abstraction nouvelle, le HxvOetov ouHévOeoç, auquel on rendit un culte dans diverses cités de la Grèce et de l'Asie Mineure et de la Syrie 3Déjà, à l'époque hellénistique, des divinités panthées sont figurées sur les monnaies des rois asiatiques Le culte de Panthée se répandit dans les provinces latines avec le syncrétisme oriental. Dès l'année 38 av, J.-C., Antoine fit frapper une monnaie où se voit une divinité ailée et armée, couronnée de rayons et portant à la fois un arc et un carquois, un caducée, une corne d'abondance et une sphère'. Une Isis panthée se rencontre déjà parmi les peintures de Pompéi', mais les inscriptions datées qui mentionnent un Pantheus ne sont pas antérieures au ne siècle de notre ère'. Elles sont consacrées soit à une divinité particulière considérée comme réunissant en elle les vertus de toutes les autres (Jupiter Pantheus", Liber Pantheus" , Priapus Pantheus12, Sarapis Pantheus' 3, Silvanus Pantheus, hertuna Panthea'°, Pantheus [sic] Tutela "), soit au Grand Tout lui-même qui est l'aboutissement final de cette théocrasie païenne (Pantheus, Pantheus augustes, deus Inagnus Pantheus)". Les représentations figurées, les signaPanthea ou Pan PAN 315 PAN thei , rentrent généralement dans la première catégorie, c'est-à-dire qu'elles figurent une divinité spéciale, que l'on considère comme possédant les pouvoirs multiples du panthéon tout entier : le moyen le plus simple de marquer ce caractère sera de lui donner les attributs d'une foule de dieux divers. On peut suivre dans les monuments comme dans les textes les progrès du syncrétisme. Certaines statues combinent les traits distinctifs de deux déesses, l'une grecque, l'autre étrangère : telle Isis-Tychè, dont les images sont nombreuses (cf. supra, fig. 1960). Puis en accumulant les symboles, on cherche à exprimer les fonctions innombrables de l'Être universel. Ausone consacre une épigramme (48 [30)) Liberi patris sigma marmoreo omnium deorum argumenta habenti. Silvain, le dieu des bois, fut considéré par certains théologiens comme le 8abç ûatxdç, le dieu de la matière, et il devint par suite le Silvanus pantheus 2 qu'un bas-relief du Vatican (fig. 5502) nous montre couronné des rayons du Soleil, portant le carquois d'Apollon, entouré de la massue d'Hercule, du caducée de Mercure et du serpent enroulé autour d'un tronc d'arbre qu'on retrouve dans le culte de Sabazius. On connaît des figures panthées analogues de la Fortune qui se confond souvent avec Minerve et Nikè 6, ou avec Vénus et Isis 6, de Jupiter ', d'Harpocrate d'Éros de Bacchus d'Attis de l'Aion mithriaque12, du Mên-Lunus (fig. 4671), etc. On exprime autrement l'idée qu'une divinité s'est subordonnée les autres, en entourant ou surmontant son image en pied d'une série de bustes accessoires. Une figurine en argent doré trouvée à Mâcon (fig. 1966 et 2404), que l'on a interprétée comme la déesse Rama ou Tutela, ne porte pas moins de neuf de ces petits bustes : Mercure et Junon (ou Antonin le Pieux et Faustine?) placés sur une double corne d'abondance, les Dioscures sur les ailes de la statuette, et plus haut, rangés sur un croissant, les sept Planètes. Un bronze découvert récemment à Autun nous offre un type analogue de Mercure panthée i3 (fig. 4962), et l'on peut signaler des représentations semblables de la Fortune " et de Tutela". Comme la technique du marbre se prêtait difficilement à l'exécution de ces oeuvres compliquées, on se contente parfois de sculpter les bustes en léger relief sur le corps d'une statue : tel est un Pan panthée du musée de Mannheim ". Enfin, la figure principale peut elle-même disparaître et le Panthée consister uniquement en un groupe de petits bustes et d'attributs. C'est dans cette catégorie que rentrent beaucoup de « mains votives,). La main, emblème de la puissance de Sabazius ou d'un Baal syrien'', est surchargée des insignes les plus disparates (fig. 2886). Parfois aussi, on forme une sorte de trophée de tous ces objets sacrés qui ont pour support un tronc d'arbre, un croissant, une tige de mé tal'', etc. Un bronze provenant de Rome (fig. 5503) montre ainsi suspendus à la massue d'Hercule, à la fois le foudre de Jupiter, la syrinx de Pan, la lyre d'Apollon, le carquois de Diane, la ciste de Cérès, le tympanum de Cybèle, la harpe de Saturne, le canthare de Bacchus, la tortue de Mercure, parmi lesquels se glisse le serpent d'Esculape et d'Hygie 19. Dans ces petits monuments, on ne magnifie plus, en l'universalisant, quelque dieu anthropornorphe et national. Le symbolisme est devenu tout à fait imperson nel, et l'idée panthéiste s'exprime par de simples signes qui rappellent les qualités divines ou les phénomènes même sentiment qui faisait invoquer à la fois tous les dieux et toutes les déesses dans la même formule (Oua)[îç 7r.v'caç xai 7Cda0tç) 1, pour éviter d'en négliger aucun, leur fit aussi élever des temples et des autels communs. Pausanias nomme un de ces temples très ancien à Marios en Laconie d'autres en Argolide 3, en Messénie"-, en Arcadie °. Il y avait plusieurs autels dédiés à tous les dieux à Olympie dans le bois sacré de Despoina, à Akakesion L'empereur Hadrien leur consacra un temple à Athènes 3. D'autres sont indiqués par des inscriptions9 en Grèce, en Asie Mineure, en Syrie. La mention qu'on y rencontre des prêtres et des prêtresses de tous les dieux établirait Ô. elle seule, dans certains endroits, l'existence d'autels et de sanctuaires semblables. Le panthéon de Rome, bâti par Agrippa, consacré en l'an 27 ap. J.-C. le, restauré une première fois par Domi P._N 3 1 6 -PAN tien, puis par Hadrien après un incendie, enfin par Septime-Sévère ', est encore debout Son fondateur l'avait élevé en l'honneur de Jules César, dont la statue était placée entre celles de Vénus et de Mars, les prétendus auteurs de sa race, celles des autres divinités à la suite, dans les niches que l'on voit encore dans le pourtour PANTOMIMUS (Ils, ~t ooç, ipy°q~tç[ 1. -La pantomime, en dépit de son nom de forme grecque, est un art purement romain. On en attribuait l'invention à deux affranchis du temps d'Auguste, Pylades de Cilicie et Bathyllus d'Alexandrie 2. Toutefois ceux-ci ne l'avaient pas créée de toutes pièces. C'est dans une très ancienne et très originale habitude de l'art scénique à Rome qu'il faut, semble-t-il, chercher la genèse, ou du moins les antécédents de la pantomime 3 On sait de quelle étrange façon s'exécutaient, dans la tragédie et dans la comédie latines, les cantica ou monologues chantés'. Depuis le temps de Livius Andronicus, qui en avait, dit-on, donné le premier exemple, l'interprétation de ces morceaux était généralement répartie entre deux acteurs différents, l'un ayant mission de chanter les paroles, l'autre de les traduire par la mimique [cAnricus], Le vif plaisir que prenait le public aux cantica ainsi exécutés donna un jour l'idée de supprimer tout le reste du drame Ce jour-là, on peut dire que la pantomime était créée, du moins en ses éléments essentiels. L'oeuvre de Pylades et de Bathyllus consista donc surtout à consacrer définitivement cette séparation des cantica, et à les constituer en un genre indépendant qui eût son individualité propre. D'après ses sujets, la pantomime se divisait, de même que le drame dont elle était issue, en deux espèces, tragique et comique'. Cette dernière, inventée par Bathyllus, était, naturellement, d'humeur plus vive et plus gaie. La danse s'y rapprochait de celle de la comédie grecque, appelée xdpa; 7 [SALTATIO]. Les sujets qu'elle mettait en scène nous sont peu connus : Plutarque cite cependant, comme exemples, la nymphe Êcho, Pan ou un Satyre prenant ses ébats avec Éros s. La pantomime de Bathyllus vécut plus d'un siècle, mais elle n'eut jamais, semble-t-il, une vogue égale à celle de Pylades 9. Celle-ci nous est beaucoup mieux connue Ye, Ses thèmes, comme ceux de la tragédie l1, étaient, presque sans exception, empruntés à 1 la mythologie 12. Mais, parmi des fables, le goût blasé et sensuel de l'époque fait un choix. Les sujets qu'il préfère, ce sont, d'abord, certaines légendes, d'un pathétique atroce, telles qu'Atrée et Thyeste 13, la fureur d'Ajax ", la fureur d'Eléraclès Agavé 1', Niobé", etc,, ou plus ordinairement encore, les aventures scandaleuses d'amour 18 : Phèdre 49, Léda20, Europe, Danaé, Ganymède, Atys, Adonis 21, Mars et Vénus 22 Beaucoup plus rares étaient les matières puisées dans la légende romaine. Nous ne connaissons guère, en ce genre, qu'un Turnus, imité de Virgile, dans lequel dansa Néron 23, et une Didon, qui, au temps de Macrobe, faisait encore les délices du public 25. A côté de ces sujets mythiques, à peine peut-on citer quelques aventures tirées de l'histoire réelle 25, par exemple la destinée de Polycrate, la passion de Séleucus pour Stratonikè, favorite de son père, la mort de Cléopâtre 2" : aventures tragiques, où la réalité se tournait d'elle-même en drame. Comment était composé le libretto d'une pantomime ? Nous pouvons nous en faire quelque idée d'après un passage de Lucien, qui nous montre un pantomime, du temps de Néron, dansant l'adultère de Mars et Vénus, L'artiste représenta d'abord « Hélios révélant à Vulcain son infortune, puis Vulcain dressant un piège aux deux amants et les enfermant dans des lacs invisibles, les dieux survenant, un à un, la confusion de Vénus, la frayeur et les prières de Mars, et tout le reste de la légende 27 ». De cet exemple on doit conclure que, dans la légende mise en scène, le librettiste ne prenait, pour les traduire en cantica, que les moments essentiels de l'action. Dans les intervalles de ces morceaux lyriques, le choeur n'exécutait-il pas des narratifs, destinés à les relier entre eux? On l'a parfois supposé 23, mais sans raison suffisante, ce me semble. Quoi qu'il en soit, la valeur littéraire de ces poèmes était, au témoignage de Plutarque et de Libanios, fort médiocre 29. Dans la pantomime, « ce sont, dit ce dernier, les chants qui sont faits pour la danse, et non la danse pour les chants, et les vers comptent pour fort peu ». Lorsque le sujet était tiré d'une tragédie grecque, il y a lieu de croire que le livret se faisait ordinairement à coups de ciseaux, c'est-à-dire au moyen d'extraits et de centons. Les compositions originales, spécialement faites pour la pantomime, étaient sans doute assez rares. Nous PAN -317 -l'AN savons cependant que Lucain avait écrit quatorze de ces fabulae saltaticae'. De même Stace composa pour le pantomime Paris une Agavé 2. Dans ces deux cas, le livret était, évidemment, écrit en latin. C'était là, toutefois, une rare exception. Généralement le texte des pantomimes était en grec : ainsi le voulaient le bon ton et la mode du temps L'interprétation de la pantomime exigeait le concours de trois arts distincts : chant, musique, mimique 4 C'est surtout dans les deux premiers que Pylades avait innové, Au chanteur unique des cantica, il substitua un choeur entier, très nombreux 5. Au flûtiste il adjoignit plusieurs autres instrumentistes 5, de sorte que, sinon de son temps, du moins chez ses successeurs nous trouvons un véritable orchestre ', où la flûte la syrinx, les cymbales la cithare, la lyre 1e, la trompette même marient leurs sons ". Le rôle Fig. 5504. Scabellum. de l'orchestre n'était pas seulement de soutenir les chants du choeur, mais aussi de régler les gestes de l'acteur 12. C'était un grave défaut, chez un pantomime, que de mimer à contretemps13. La mesure, du reste, était donnée, en même temps que par l'orchestre, par un instrument spécial, le scabillum ouscabellum (xpoû7rg6t, xpou7r€tov)'° On appelait ainsi une sorte de boite, de métal ou de bois, fendue horizontalement, à l'intérieur de laquelle était disposé un appareil, qui, sous la pression, émettait un son clair 15, On l'adaptait au pied, comme le montre la figure 5504 ". Cet instrument était porté, soit par le chef de choeur (mesochdros) soit par plusieurs exécutants (scabellarii, oi x-rU7rocvtiaç) u. Les gens de goût jugeaient très défavorablement la musique des pantomimes, C'était une musique molle, sensuelle, qui chatouillait l'oreille par de jolis airs et par l'abus des trilles, mais « énervait les âmes » "y . Aussi bien la musique et le chant n'étaient-ils considérés, dans la pantomime, que comme des parties accessoires. L'important, c'était la mimique", art très original et très complexe, pour lequel les Romains eurent, de tout temps, une véritable passion. L'intelligence de la mimique était évidemment facilitée par les chants choraux. De plus, la très grande majorité des pièces étant tirée de la mythologie, le public avait généralement quelque connaissance préalable du su,)et. Malgré s secours, le rôle de la mimique restait très ardu'', part, en effet, le masque" supprimait ce l;ae regardons, de nos jours, comme une bonne moite de l'art du comédien, je veux dire les jeux de physionomie, Ajoutez à cela que le pantomime, dans chaque pièce, avait à jouer, non pas un seul rôle, mais plusieurs, et souvent très divers : d'homme et de femme, d'enfant et de vieillard, de roi et d'esclave, etc. 23. Lucien, par exemple, nous apprend que dans le Festin de Thyeste, le même acteur figurait tour a tour Atrée, Thyeste, gisthe, Aèropé24. Ailleurs il cite une pièce où le même artiste paraissait sous cinq masques, c'est-à-dire dans cinq rôles différents 2'. Une difficulté plus grande encore, c'est que, par son jeu seul, le pantomime devait évoquer lidée des autres personnages du drame, Jouait-il Achille, ou Prométhée, ou Ganymède, il lui fallait suggérer l'interlocuteur absent, Pâris, Vulcain, Jupiter 20. Car il n'avait (du moins, dans la plupart des cas), a ses côtés. aucun comparse même muet, pour faciliter, par sa présence, l'intelligence de chaque scène 2'. En quoi consistait cette mimique, si extraordinairement expressive? En ais (popoi), en attitudes (trxrp..srx), et surtout en indications (ôa(rçsi) 28. Chez le pantomime, aucune partie du corps ne restait inactive : tot linguae quant membra vire, dit une épigramme de l'Anthologie 29. Mais si les mouvements de la tête, des épaules, des jambes, des genoux, des pieds avaient leur part d'expression .3p, le rôle essentiel, cependant, appartenait à la main et aux doigts 32. De là ces locutions étranges, mais qui reviennent souvent chez les anciens : -cal* xepri 3,aneïv 32, xstceç 7râu pmob:3`, loquacissimae maints, linguosi digiti 3t De lit aussi ce nom de chironomus par lequel on désignait, à l'occasion, le pantomime 35. Sur ce langage des mains, « commun à toutes les nations », Quintilien nous a transmis quelques indications, détaillées et fines 30 : « Le nombre des mouvements dont les mains sont capables est incalculable, et égaie presque celui des mots.,.. Elles parient, ou peu s'en faut. Elles demandent et promettent, elles appellent et congédient, elles menacent et supplient, Elles expriment horreur, crainte, joie, tristesse, hésitation, aveu, repentir, mesure, abondance, nombre, temps. N'ont-elles pas le pouvoir d'exciter et de calmer, d'implorer, d'approuver, d'admirer, de témoigner la pudeur? Ne tiennent-elles pas lieu d'adverbes et de pronoms, PAN ---34 S PAP pour désigner les lieux et les personnes?.. Il y a encore d'autres gestes par où la main fait entendre les choses en les imitant. Ainsi, pour exprimer que telle personne est malade, elle contrefait le médecin qui lui tâte le pouls ; ou, pour signifier que telle autre sait la musique, elle compose ses doigts à la façon d'un joueur de lyre. L'orateur ne saurait trop fuir ce genre d'imitation, qui ne convient qu'a un pantomime; et c'est au sens, bien plus qu'aux paroles, qu'il doit conformer son geste, ce que font même les acteurs qui mettent quelque gravité dans leur jeu. » On voit assez bien, par ce passage, ce que c'était que la pantomime : c'était une interprétation plastique du texte, qui s'efforçait d'en traduire aux yeux tous les détails. Mais nous apprenons en même temps par Quintilien que les meilleurs acteurs avaient un jeu, plus sobre et plus large, qui ne s'attachait qu'à chaque pensée, non aux mots. Une curieuse anecdote, rapportée par Macrobe', montre bien, à ce point de vue, la différence entre un acteur vulgaire et un grand artiste. Dans un canticum, où il avait à rendre ces mots « le grand Agamemnon », le pantomime IIylas se dressa sur la pointe des orteils. « Tu le fais long, et non pas grand ! » lui cria Pylades. Et l'assistance, ayant alors invité l'interrupteur à jouer lui-même le passage critiqué, il se borna, pour rendre la grandeur d'Agamemnon, à prendre une attitude grave et méditative Malgré la variété de ses moyens d'expression, il est cependant beaucoup de choses que la main est, évidemment, impuissante à rendre. C'est pourquoi il ne parait pas douteux qu'à cette mimique, suggérée par la nature, la pantomime n'ajoutât tout un système de signes, purement conventionnels, qu'une longue tradition avait fixés et rendus familiers au public. Deux passages de saint Augustin et de Cassiodore doivent, à ce qu'il semble, être interprétés en ce sens 2. La pantomime se jouait dans les théâtres ordinaires, l'acteur occupant le pulpitum et ayant derrière lui le choeur et l'orchestre 3. Probablement le décor était le même que dans la tragédie : du moins voyons-nous que, dans une pantomime où paraissait Capanée, la scène représentait les remparts de Thèbes'. Le costume, également, rappelait celui des tragédiens manteau (pana), et tunique tombant jusqu'aux pieds (tunica talaris)3 [ILISTRIO]. Ce vêtement était généralement en soie sans doute pour laisser plus de liberté et de souplesse aux mouvements du danseur et, en même temps, leur prêter plus de grâce (ioUijç ez)u.zr) Quant au masque il différait considérablement de celui des tragédiens, d'abord par ses lèvres closes, et aussi par la régularité et la beauté idéales de ses traits (fig. 5505)2. Du pantomime lui-même on exigeait, du reste, des dons physiques éminents : une taille bien proportionnée, la souplesse, la vigueur. « Je l'imagine, dit Lucien, conforme au canon de Polyclète »10. Dans les premiers siècles de l'Empire, la pantomime fut jouée exclusivement par des hommes ". Ce n'est que vers le Ive siècle de notre ère qu'on vit monter les femmes sur la scène 12. A cette époque, il y avait des femmes même dans les choeurs de la pantomime n, Parmi les plus fameuses artistes en ce genre citons seulement, sous Justinien, Théodora, qui devint impératrice ". L'immoralité de la pantomime, le réalisme et l'indécence des tableaux qu'elle offrait aux yeux 95 ont été stigmatisés aussi bien par les auteurs païens9e que par les pères de l'Église", qui la dépeignent comme une invention de Satan. En dépit, ou plutôt en raison même de cette impudeur, peu de genres dramatiques ont eu une pareille vogue. On la jouait, non seulement à Rome, mais dans l'Italie entière et dans les provinces'. Elle s'étalait, non seulement au théâtre, mais sur les scènes privées qu'entretenaient l'empereur et, à son exemple, les familles riches 10. Son succès fut tel qu'elle éclipsa et fit disparaître tous les autres genres, à l'exception du mime qui, du reste, luttait avec elle d'obscénité 20 [MiMUS]. Sur l'engouement des empereurs et des grands pour les acteurs de pantomime, sur les rivalités de ceux-ci et les manifestations tumultueuses auxquelles elles donnaient prétexte au théâtre, sur la passion avouée dont quelquesuns d'entre eux furent l'objet de la part des femmes de la meilleure société et même des impératrices, sur les vaines mesures de répression prises contre ces scandales, on a dit le nécessaire aux articles IISTRIO (p. 229) et MIMus. Avant de finir, nommons seulement les pantomimes les plus célèbres : Pylades et Bathyllus, créateurs du genre21, Hylas, leur contemporain, Apolaustus, qui brilla sous Trajan, Pâris, favori de Néron, etc. 22, Il y a lieu de remarquer, du reste, que, selon une coutume qui règne à cette époque dans tous Les arts, les successeurs aiment à se parer des noms illustrés par leurs devanciers. C'est ainsi que, dans la pantomime, nous trouvons trois artistes du nom de Pylades, deux Bathyllus, deux Apolaustus, et jusqu'à cinq Pâris, dont le dernier vivait au Ive siècle après J.-C.23. O. NAVARRE.