Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SACRAMENTUM

SACRAMENTUM. Dans son acception primitive, ce mot désigne l'acte par lequel une personne, qui prête un serment, consacre sa personne à une divinité en cas de fausse déclaration ou de parjure. Sacramentum dicitur quod jurisjurandi sacratione interposita geritur'. C'est la présence d'une sacratio qui distingue le sacramentum du jusjurandum [JusJuaANnuMj. Cette sacratio n'est pas un acte privé comme le serment : elle exige une déclaration spéciale et ne peut être faite qu'en vertu d'une loi': elle doit aussi s'adresser à un dieu déterminé Le sacramentum s'applique dans deux cas: aux militaires, lors de leur enrôlement ; en matière de procédure civile ou criminelle. L'usage du sacramentum a, de tout temps, été maintenu pour les militaires; il a même été étendu à tous les fonctionnaires publics. Mais dans son application à la procédure, il a subi d'importantes transformations; il a fini par être presque entièrement supprimé au temps d'Auguste, sauf devant le tribunal des centumvirs, où il a persisté jusqu'au ru° siècle de notre 1. Le sacramentum militaire. Ce serinent est exigé des soldats lors de la levée des troupes [DILECTUS, t. Il. p. 215, 219]. Au sacramento adigere 4 ou rogare ° des consuls correspond le sacramento dicere des soldats'. Dans chaque légion, un homme prononce la formule solennelle' qui se termine par une sacratio. Il jure d'obéir aux chefs de l'armée, de ne pas abandonner les enseignes, de ne rien faire contrairement à la loi' ; puis il consacre sa personne, sa famille et ses biens à Jupiter pour le cas où il manquerait à son serment [PoNTIFICES, t. IV, p. 571, n. 14]. Cette dernière clause n'est pas directement attestée par les documents qui rapportent les termes du serment, mais la présence d'une sacratio résulte d'abord du nom donné au corps de troupes après la prestation du serment: solemnis et sacrata ntilitia°, puis de la formule prononcée par chaque légionnaire qui, à l'appel de son nom, s'avance et jure : Idem in me f0 ; enfin des formules de serment militaire usitées chez les autres peuples italiques ". Le sacramentum militaire ne doit pas être confondu avec le serment que doivent prêter toutes les personnes, libres ou esclaves, admises dans un camp. Elles doivent jurer de ne rien voler et de remettre aux tribuns tout ce qu'elles trouveront '2. Les deux serments sont nettement distingués, soit par Polybe, soit un siècle plus tardf3, par Cincius Alimentus dans son traité De re militari. Le sacramentum militaire est également distinct du serment collectif, prêté par acclamation, qui devint obligatoire en 538 et qui était usité lorsqu'on faisait une levée de troupes en cas de tumulte" (conjuratio). Le premier serment est seul accompagné d'une sacratio : il fait d'un citoyen un soldat, il lui confère le droit de faire usage de ses armes contre l'ennemi 15; il modifie aussi sa condition juridique, soit en lui permettant d'invoquer les privilèges des militaires, soit en lui faisant perdre le droit de se porter accusateur dans une affaire criminellef0 Le serment une fois prêté, le soldat est enchaîné par un lien religieux. Il ne peut le briser sans commettre un crime contre les dieux ", il encourt leur malédiction et devient sacer ; on a le droit de le mettre à mort. A l'époque antique, le soldat était délié de son engagement lorsque la guerre était terminée. 11 devait prêter un nouveau serment toutes les fois qu'il était rappelé sous les armes 18 .[MAGISTRATUS, t. 11I, p. 1534]. Depuis la création d'une armée permanente, le soldat est délié de son serment lorsqu'il a reçu son congé [Mtsslo, t. III, p. 1938], lorsqu'il a été réformé ou exclu de l'armée pour cause d'ignominie t9 [MILITUM POENAE, p. 1896], en raison d'un délit20 ou d'un acte infamant". Il est également délié de son serment lorsque son général est fait prisonnier 22. SAC 952 SAC Sous l'Empire, le serment militaire est prêté à l'empereur seul par tous les soldats'. Il est exigé à l'avènement de chaque prince, il doit être renouvelé à chaque anniversaire de ce jour 2 et au commencement de chaque année3. Tous doivent jurer in verba ou in nomen ejus 4, même ceux qui ne sont pas citoyens 5. A l'exemple des soldats, les magistrats, le Sénat et le peuple prirent l'habitude de prêter le serment de fidélité à l'empereurs. Les sujets de l'Empire y furent contraints par les gouverneurs. Deux tables de bronze trouvées, l'une en Lusitanie sur les bords du Tage', l'autre en Troade', contiennent le procès-verbal de la prestation du serment de fidélité à Caligula, l'an 37 de notre ère, par les habitants d'Arritium et par ceux d'Assos [LXX, t. III, 2, p. 1120, n. 29 et 30]. Le serment y est qualifié jusjurandum bien qu'il contienne une sacratio qui se rapproche par l'idée, sinon par les termes, de celle du sacramentum : Si sciens folio fefellerove, tum me liberosque Ineos Juppiter optimus maximus ac divus Augustus ceterique omnes di immortales experte?' patria incolumitate fortunisque omnibus faxint. La consécration est faite ici à tous les dieux et non à une divinité déterminée. L'obligation pour les soldats de prêter un serment de fidélité a été étendue aux fonctionnaires impériaux. Ceux-ci forment la mililia civilis [MILITIA, t. 1[I, 2, p. 1891] ; au Bas-Empire, ils sont de plus en plus assimilés à la Inilitia armata. Comme les soldats, ils sont immatriculés ils portent un costume spécial 10 et sont soumis au sacramentum C'est pour cela qu'on appelle parfois sacramenta les fonctions publiques 12; le citoyen, nommé à une de ces fonctions, ad sacramenta pervenit ; celui qui sort de charge, sacramenta deponit'3 Par extension, le mot sacramentum a été appliqué à l'auctoratus14 qui, en s'engageant envers le lanista, jure uri, vinciri, verberari, ferroque necari (pati) [AUCTORAMENTUM] et qui était sans doute immatriculé, comme un soldat, car, d'après le sénatusconsulte de Marc-Aurèle et Commode sur la réduction des frais des jeux15, il doit faire une déclaration au tribun de la plèbe [PROFESSIO]. Le mot sacramentum se dit aussi de ceux qui jurent fidélité au chef d'un complot contre le prince (factionis sacramentum)' fi [SACRILEGIUM]. On l'a également appliqué aux adeptes de la religion chrétienne (Dei summi sacramenta)i7 ou juive (judaicae religionis sacramentum) 1s Dès lors, il a pris le sens qu'il a conservé de nos jours, celui de sacrement; Tertullien oppose res sacramentorum divinorum à idolorum mysteria ". Sur le serment militaire en Grèce, voir l'article JusruRANDUM, t. III, 2, p. 754, n. 23. II. Le sacramentum dans la procédure civile. Le sacramentum areçu dans la procédure civile deux applications caractérisées parles expressions sacramento interrogari et sacramento contendere. Sacramentum aes, quod poenae nomine penditur, sive eo quis interrogatur sive contenditur 20. Ces deux applications que Festus oppose l'une à l'autre n'ont de commun que la consécration aux dieux d'une somme d'argent : Sacramenti... nomine id aes dici coeptum est, quod etpropter aerarii inopiam et sacrorum publicorum multitudinem consumebatur in rebus divinis21. A. Sacramento interrogari. On n'a pas de renseignement dirent sur cette application du sacramentum. Des divergences se sont produites sur le sens qu'il convient de lui attribuer 22. Ce n'est pas ici le lieu de discuter les opinions émises : il suffira d'indiquer celle qui paraît le mieux établie". l'obligation de payer une somme d'argent à titre de peine donne lieu de penser qu'il s'agit d'une interrogation relative à un différend survenu entre deux personnes. Le sacramento interrogari semble être la contre-partie du sacramento quaerere mentionné par Valerius Probus 24, Ce quaerere avait lieu sur l'ordre du magistrat, dans le cas où Fun des plaideurs opposait à l'autre une dénégation : si negat, sacramento quaerito. Il faut donc supposer que, dans un procès, se présente une question accessoire, assez importante pour motiver la consignation d'une somme d'argent et qui devra être jugée avant le procès principal. Tel est le cas où le demandeur veut s'assurer si le défendeur est l'héritier de son débiteur, ou si la personne qui accompagne en justice le défendeur à la revendication, entend prendre fait et cause pour lui. La teneur de cette dernière question a été conservée par Valerius Probus 25 : Quandoque in jure te conspicio postulo anne /ias auctor? Dans ce cas, comme dans le précédent, si la personne interrogée nie, le demandeur peut, avec le concours du magistrat, la forcer à consigner une somme d'argent pour garantir l'exactitude de sa déclaration. Cette somme sera perdue si la réponse est reconnue fausse. Le sacramento interrogari a subi avec le temps une transformation analogue à celle qui sera indiquée ci-après pour le sacramento contendere. Mais tandis que l'action de la loi par serment a été remplacée par une procédure nouvelle, l'usage de l'interrogation en présence du magistrat a persisté : le sacramentum seul a disparu. L'interrogatio in jure entraîne désormais, sinon la perte d'une somme d'argent, du moins des conséquences rigoureuses, qui ont été indiquées au mot fus [t. III, p. 744]. Le sacramento interrogari ne doit pas être confondu avec l'interrogatio lege usitée dans la procédure criminelle 26. Cette dernière interrogation avait pour but de rechercher si l'accusé reconnaissait la compétence du tribunal institué par la loi pour juger le crime qui lui était reproché, et s'il se reconnaissait coupable d'avoir violé la loi 27. B. Sacramento contendere. C'est l'expression usitée pour caractériser la procédure de l'action de la loi par serment". Cette action est la plus importante des actions de la loi ; elle tire son nom du sacramentum qui en forme le trait essentiel. Elle a subi, au cours des SAC 953 SAC siècles, des modifications qui ont l'ait perdre de vue son caractère primitif. Si on l'envisage sous sa forme la plus récente, telle que la décrivent les jurisconsultes du siècle des Antonins, elle semble consister en une sorte de pari ' dont le montant du sacramentum forme l'enjeu. Chacun des plaideurs parie que son adversaire a tort; le juge recherche lequel d'entre eux a eu raison de parier; le gagnant reprend sa mise ; l'enjeu du perdant est attribué au trésor public. Mais dans cette explication il y a une lacune : on ne voit pas pourquoi ce mode de procéder a reçu le nom de sacramentum. Ce mot ne peut être qu'une survivance d'une époque où cette action de la loi exigeait un serment accompagné d'une sacratio. Cette manière de voir est confirmée par le témoignage de Varron 2 et de Verrius Flaccus Chacun des plaideurs jure que sa prétention est fondée et consacre aux dieux une somme d'argent pour le cas où son serment serait déclaré injuste [DIKÈ, t. II, p. 204]. Cette somme était déposée ad pontent' ou, suivant Mommsen 6, ad ponti ficem. Celui des plaideurs qui obtient gain de cause a le droit de la réclamer ; celui qui succombe en perd le montant, qui est affecté aux besoins du culte. Le taux du sacramentum fut fixé par les Douze Tables à 500 as pour les litiges d'une valeur de 1000 as et audessus, à 50 as pour ceux de moins de 1000 as 6. Il est vraisemblable qu'à l'époque antérieure, on consignait un certain nombre de têtes de bétail: cinq boeufs ou cinq brebis suivant l'importance de l'affaire [PECULATUS, t. IV, p. 365]. Par faveur pour la liberté, ce taux fut fixé uniformément à 50 as, dans les procès où l'on revendiquait pour un esclave la qualité d'homme libre. L'action de la loi par serment a été, de bonne heure, dépouillée de son caractère religieux. La substitution du trésor public au grand pontife, comme dépositaire de la somme consignée, ne tarda pas à faire modifier l'affectation et le caractère du sacramentum. La sacratio tomba en désuétude et avec elle le serment qui la motivait. Le sacramentum devint une sorte d'amende pour le plaideur qui perdait son procès. L'action de la loi par serment fut considérée comme une procédure périlleuse ; l'obligation de déposer un sacramentum, comme un moyen de restreindre le nombre des procès: ceux qui n'étaient pas sûrs de leur droit devaient hésiter à courir le risque de perdre la somme consignée. Le seul inconvénient était de placer dans une situation défavorable les plaideurs pauvres qui ne pouvaient faire l'avance de la somme requise. Mais, par une heureuse innovation, on finit par dispenser les plaideurs de verser effectivement le sacramentum : il suffit de promettre au préteur de le payer au trésor public si l'on venait à perdre le procès. La promesse devait être garantie par des cautions. Le recouvrement fut confié par la loi Papiria [LEx, t. III, p. 1157, n. 14] non pas aux questeurs, mais aux trium C'est une question controversée de savoir quelle fut, à l'origine, la raison d'être de cette procédure. D'après les uns', les procès étaient anciennement soumis au juge VIII. ment de Dieu ; le sacramentum serait la somme payée à titre d'expiation, lorsqu'on prit l'habitude de soustraire le procès à la décision de la divinité. Mais alors les deux parties devraient payer le sacramentum ainsi que le magistrat et le juge, car tous ont participé à l'acte. D'autres voient dans cette procédure un expédient pour provoquer l'intervention de l'autorité publique dans un différend entre particuliers10. Mais il est peu vraisemblable que chez un peuple aussi religieux que l'étaient les anciens Romains, on ait imaginé une procédure qui exigerait la prestation d'un faux serment. Le magistrat devait intervenir volontairement en connaissance de cause ; chacun des plaideurs prêtait serment de bonne foi". 1° Forme de l'action de la loi par serment. Ces formes varient suivant qu'on invoque un droit sur un meuble ou sur un immeuble, ou un droit contre une personne. Mais cette distinction n'existait vraisemblablement pas à l'origine. 11 est douteux que la classification des actions en réelles et personnelles soit très ancienne ; et il paraît certain que l'action de la loi par serment n'a été appliquée aux immeubles qu'à une époque récente. Les expédients auxquels on a eu recours pour adapter aux immeubles les formes de l'action mobilière le montrent clairement. a) En matière mobilière, l'action ne peut être engagée qu'en présence de la chose litigieuse 12. Le défendeur qui la possède ne peut refuser de la porter ou de la conduire en justice sans commettre un vol t3. L'action de la loi s'ouvre par l'affirmation solennelle du droit du demandeur. Tenant à la main une baguette (festuca, vindicta), qui représente la lance, signe de la conquête et de la propriété 16, il touche la chose et déclare qu'il en est propriétaire quiritaire 15. Le défendeur en fait autant. Ce combat simulé (manum conserere 18) est arrêté par le magistrat : il ordonne aux plaideurs de lâcher la choset7. Celui qui a revendiqué le premier demande à son adversaire pourquoi il prétend à cette chose. Celui-ci doit alors, ou bien dire de qui il la tient (auctorem laudare), ou bien déclarer qu'il n'a pas d'explication à fournir. Le désaccord étant manifeste, les parties se provoquent réciproquement au sacramentum, Puis le magistrat attribue à l'une d'elles la possession de la chose [vINDICIAE] durant le procès, en lui faisant promettre de la restituer si l'adversaire obtient gain de cause. Cet engagement doit être garanti par des cautions (praedes litis et vindiciarum) [PRAES]. b) En matière immobilière, l'objet litigieux ne pouvant être apporté in jure, la procédure a dû être modifiée. On a eu recours à des expédients qui ont peut-être varié suivant les époques, et qui, en tout cas, sont rapportés par les auteurs anciens d'une manière différente. D'après Aulu-Gelle, lorsque la juridiction du préteur s'étendit avec les frontières de l'Italie, et que la multitude des affaires l'empêcha de se déplacer, l'usage s'introduisit, contrairement aux Douze Tables, de procéder à la manus consertio sans l'assistance du préteur (ex jure)18. Les parties se conviaient réciproquement à se rendre sur 120 SAC 9544 SAC le finale i gieu a : Inde ibi ego le ex jure mon uni consertum coco. Cet appel était suivi d'un rappel du défendeur: Unie tu me rat. jure manum consertum vocasti, inde ibi ego te revoco' [REVOCATIO]. Sur quoi le magistrat ordonnait aux plaideurs de partir avec leurs témoins. Les mots : Ite viam, redite viam, consacraient le départ et le retour des parties devant, le magistrat. Elles rapportaient une motte de terre sur laquelle allaient désormais s'accomplir les rites de l'action de la loi. Gains ne fait pas mention de ce transport sur lieux ; les parties apportaient elles-mêmes in jure un objet représentatif de la chose revendiquée : une motte de terre ou une tuile, suivant qu'il s'agissait d'un fonds non bâti ou d'une maison. Il en était de même pour tous les cas où l'on ne pouvait commodément apporter ou conduire en justice l'objet litigieux, tel qu'un navire, un troupeau, une colonne, une hérédité. La procédure s'accomplissait sur l'objet représentatif (rame, mouton, fragment de colonne, etc.), comme si la chose tout entière était en présence du magistrat'. c) En matière personnelle, les solennités étaient en partie les mérites qu'en matière réelle. Mais les détails manquent par suite d'une lacune dans le manuscrit de Gains. Que l'action de la loi fût in rem ou in personam, après le dépôt du sacramentum, on procédait à l'organisation de l'instance : les parties demandaient un juge (procare judicem)s, qui était immédiatement nommé par le magistrat'. Depuis la loi Pinaria, la nomination n'a lieu qu'au bout de trente jours [Lux, t. III, p. 1158, n. 9]. Cette loi doit être postérieure à la sécularisation du sacramentum ; il n'y avait plus urgence à statuer depuis que le procès avait cessé d'avoir le caractère d'une cause sacrée ; et il était utile de laisser aux parties le temps de conclure un arrangement amiable F. Le juge une fois nommé, les parties se promettaient réciproquement de comparaître devant lui le surlendemain (eomperendinatio)0. Elles prenaient des témoins pour constater l'accomplissement régulier des rites consacrés [Lrrls CONTESTATIO, L. III, p. 1271]. La procédure in jure se terminait par un hommage rendu aux dieux par le magistrat :.Diis honorent dito Applications de l'ection de la loi par serment. L'action de la loi par serment avait une application générale : elle devait être employée dans tous les cas où la loi n'en avait pas autrement ordonné. Elle était surtout usitée en manière de revendication, de servitudes, de pétition d'hérédité, et dans les procès relatifs à la liberté. Dans ce dernier cas, elle présentait deux particularités: l'une, déjà indiquée, relative au taux du .sacramenlunt ; l'autre relative aux vindiciae qui sont toujours attribués à celui qui passe pour un homme libre e [vmxmCIAE]. Sous l'Empire, malgré la suppression des actions de la loi [LEGIs AcTro, t. III, p. 1095] par les lois judiciaires d'Auguste [LEx, t. III, p. 1149], le sacramentum a conservé quelques applications en matière réelle (successions, liberté) ou personnelle t0; il est resté usité dans les procès portés devant le tribunal des centumvirs [ceNTvMvmRr, t. I, p. 10141. L'action de la loi peut avoir lieu, soit devant le préteur urbain, soit devant le préteur 3e Effets. Le, juge, nommé par le magistrat, a mission de dire lequel des plaideurs a prêté un faux serment, ou, à l'époque récente, lequel d'entre eux a fait un sacrainentum infestant. Il n'a pas de condamnation à prononcer. L'exercice de la justice privée, suspendue pendant l'accomplissement de l'action de la loi et l'examen du juge, est désormais permis à celui dont le serment a été déclaré juste. En matière réelle, sil a la possession intérimaire, il garde la chose, sinon il s'adresse aux praedes litis et vindiciarum pour se faire restituer la chose et, s'il y a lieu, les fruits. Les praedes, qui se sont obligés envers l'État, sont tenus sur leur personne et sur leurs biens. Si la chose a péri ou a été détériorée, si les fruits ne peuvent être rendus, on charge trois arbitres d'en fixer la valeur [JURGIUM, t. III, p. 714] ; les cautions doivent payer le double de l'estimation. Cependant, certains auteurs pensent que le juge du sacramentum pouvait condamner in rein ipsam, et ils invoquent en ce sens un passage de Gaius 00. Mais Gaius emploie ici la terminologie usitée de son temps : condemnare est synonyme de judicare; tout défendeur qui succombe est à la fois jugé et condamné. A l'époque antique au contraire, la judicatio est distincte de la condemnatio. La judicatio porte uniquement sur l'objet du litige. Pour qu'il y eût damnalio ou condemnatio, il faudrait que le jugement fit naître une obligation de payer une somme d'argent, ce qui n'est sûrement pas le cas lorsqu'on y exerce l'action de la loi par serment L3. En matière personnelle, le créancier dont le serment a été déclaré juste, exerce la menus injectio contre son débiteur pour obtenir son paiement. Si la dette a pour objet autre chose que de l'argent, la loi Acilia repetundarum [LEx, t. 111,1127] prescrit de procéder à une litis aestimatio [Lacs AEST1MATIO, t. III, p,. 1169]. III. Le sacramentum dans la procédure criminelle. L'action de la loi par serment a été appliquée en matièr e criminelle par la loi Calpurnia repetundarum de l'an 605 [LEx, L. ID, p. 1133] et par la loi Junia [LEx, p. 1151, n. 14]. Elle sert àintroduire une instance contre un magistrat accusé de concussion. L'exercice de l'action de la loi est ici exceptionnellement accordé aux pérégrins [LEGts ACTIO, t. III, p. 1095] à une époque où vraisemblablement existait déjà, la procédure formulaire 14. La loi a voulu donner aux pérégrins une garantie contre la partialité du préteur qui aurait pu refuser de délivrer une formule contre un ancien collègue]$. Elle a fait plus encore : l'affaire est soumise au jugement d'un jury présidé par un préteur spécial ; seuls les rites de l'action d e la loi sont accomplis en présence du préteur pérégrin 1f. Cette forme nouvelle de procédure, introduite par le tribun de la plèbe L. Calpurnius Piso, fut, par la suite, genéralisée et appliquée à toute une série de crimes [QUAESTIO PERPETUA] ; mais on renonça à l'action de la loi par serment comme mode d'organisation de l'instance : la loi Acilia repetundarum de l'an 631 ou 632 se contente de la nominis delatio [Lrx, t. III, p. 1127]. SAC 9 i5 -SAC IV. l'n sacrum judicare. Ll convient de rapprocher du sacramentum l'in sacrum judicare, qui présente des traits communs à côté de différences caractéristiques. L'un et l'autre supposent l'affectation aux dieux d'une somme payée par un plaideur qui a été judiciairement condamné. Mais dans le premier cas l'affectation est faite par les plaideurs ; dans le second, par le juge. L'un et l'autre ont le caractère d'une peine ; mais dans le sacrantentuui la peine est infligée à celui des plaideurs qui a fait un faux serment ; dans l'in sacrum judicare, à celui qui a été reconnu coupable d'une contravention. L'in sacrum judicare n'est cité que dans deux textes: la loi Silia de ponderibus [LEx, t. III, p. 11641 et la loi ou, suivant Mommsen, le statut colonial de Todi'. D'après ces lois qui paraissent être de la tin de la Républiques, le magistrat a le choix entre deux moyens d'infliger une amende au contrevenant : multare (ou populi judicio petere) et in sacrum judicare. L'antithèse, établie entre ces deux moyens de répression, donne lieu de penser que l'amende est infligée, dans le premier cas par un magistrat du peuple romain, dans le second par un représentant de la plèbe. L'in sacrum judicare doit remonter à l'époque où les tribuns et édiles de la plèbe n'avaient pas le droit de condamner légalement un citoyen. Ils n'avaient que la ressource de consacrer aux dieux le montant de l'amende prononcée, de même qu'ils déclaraient sacer le citoyen qu'ils voulaient condamner à une peine capitale. Dans les deux cas, ils plaçaient sous la protection des dieux une décision qui n'avait pas de valeur au regard de la loi L'in sacrum judicare cessa d'être considéré comme une mesure extra-légale, lorsque le jugement des représentants de la plèbe fut soumis à l'appel au peuple comme s'il émanait des magistrats du peuple romain [PROVOCATIo]. Il cessa également d'être un moyen de répression propre aux représentants de la plèbe lorsqu'on les assimila aux magistrats. Dès lors, la distinction des deux sortes d'amendes n'a plus d'intérêt qu'au point de vue de l'affectation qui en est faite par le magistrat'. ÉD. C.Q.