Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SACRIFICIUM

SACRIFICIUM. GRÈCE. I. L'intention du sacrifice. Nous ne voulons pas rechercher ici à quels sentiments obéirent les premiers hommes de race grecque qui ont accompli des sacrifices, ni si les sacrifices qui s'accomplirent en Grèce peuvent se ramener tous à une même conception primitive. Il nous suffira d'exposer ce qui se constate durant la période historique. La grande majorité des sacrifices passaient alors pour des sortes d'offrandes que l'homme adressait à des êtres surhumains'. Mais, à la différence des ex-voto de bronze, de marbre, de bois, d'étoffes précieuses, etc., les objets qui faisaient la matière des sacrifices, victimes animales, fruits de la terre, aliments de toute sorte, parfums (voir § II), étaient de nature essentiellement éphémère. Offerts aux âmes des morts2, ils étaient censés leur faire le même plaisir qu'ils auraient fait à des hommes vivants : le mort, suivant l'opinion populaire, buvait les libations et se repaissait des mets qu'on lui apportait Offerts aux dieux, passaient-ils pour servir à leur nourriture, aux satisfactions de leurs sens? Quelques passages d'auteurs d'époques diverses, depuis Homère jusqu'aux polémistes chrétiens 4, quelques épithètes de divinités 5, sont propres à nous le faire croire. Toutefois, il est probable qu'une pareille croyance avait cours seulement chez les fidèles grossiers; les autres considéraient plutôt les sacrifices comme des offrandes honorifiques. L'intention du sacrifiant, dans la plupart des cas, était de mériter le bon vouloir de l'être surhumain ou de lui témoigner de la reconnaissance. `IEpcéety se dit couram ment chez Homère en parlant du bétail que les hommes abattent pour le mangers, parce que l'immolation était accompagnée de démonstrations religieuses' ; et cette habitude persista dans le cours de la période classique'. De même, il fut toujours d'usage de faire, pendant les banquets, des libations aux dieux C'est qu'on ne voulait pas jouir des présents de la divinité sans marquer qu'on se souvenait d'elle, et sans lui restituer, par déférence, une portion de ce qu'elle avait donné. D'autre part, communautés et particuliers sacrifiaient très souvent au début d'une entreprise quelconque pour en acheter le succès : ainsi avant une guerre, avant un voyage, avant tels ou tels travaux de la campagne, au moment d'un mariage, pendant une maladie en vue d'obtenir la guérison, etc. f0. Ou bien, l'entreprise menée à bonne fin, des sacrifices, promis quelquefois par un voeu", récompensaient la divinité tutélairei2. Sans être en relations aussi étroites avec une entreprise particulière, la plupart des sacrifices, principalement des sacrifices publics qui s'accomplissaient à date fixe, étaient inspirés par le même désir: conserver l'amitié des divinités bienveillantes. Pour la commodité de la classification, nous appellerons les sacrifices-offrandes de cette première espèce d'un nom qui, je l'avoue, traduit imparfaitement leur nature, sacrifices propitiatoires 13. Une seconde sorte de sacrifices-offrandes exprimait moins le désir de s'assurer la faveur des êtres surhumains que celui de désarmer leurs mauvaises dispositions. C'est le cas vis-à-vis de certains êtres qu'on se figurait irritables, vindicatifs, méchants, et de qui on redoutait le mal plus qu'on n'osait espérer d'eux le bien. Tels étaient, sinon aux yeux des Grecs de la période classique, du moins dans l'opinion de leurs prédécesseurs et de leurs descendants 14, les morts en général et en particulier les héros. Telles étaient les divinités chthoniennes (sauf lorsqu'elles présidaient d'une manière spéciale aux travaux de l'agriculture) : Hadès, les Euménides, Hécate, Perséphone ; çà et là, Zeus, Dionysos, Hermès, Déméter, Poseidon, Artémis et Apollon lui-même, quand on les considérait dans leurs relations avec le monde d'outretombe ; telles les divinités des vents : Borée, Typhon, les Harpyies ; telles, en mainte circonstance, celles de la mer et des fleuves. Aussi bien, de la part de tous les dieux, la jalousie et la susceptibilité étaient à craindre. A tous pouvaient donc s'adresser, le cas échéant, les sacrifices que nous appellerons, de nouveau de noms peu précis, sacrifices expiatoires ou sacrifices-rançons". Dans de pareils sacrifices, qui semblent inconnus à SAC 95'7 SAC l'époque homérique, l'essentiel était moins de réjouir la divinité par un don, par un hommage, que de se dépouiller volontairement à son intention d'une partie de ce qu'on possédait: on abandonnait ceci ou cela aux dieux méchants pour éviter qu'eux-mêmes ne se fissent leur part. Ainsi agissait-on lorsqu'on était en face d'un grand danger, par exemple au moment d'affronter les tempêtes, de tenter la fortune des armes, en cas d'épidémie ou de famine ; ou bien lorsqu'on craignait d'avoir, par quelque crime, par quelque profanation, par quelque violation des rituels religieux. offensé une personne divine. Voici maintenant plusieurs catégories de sacrifices où la notion d'offrande était très secondaire. Ce sont d'abord les sacrifices purificatoires, inconnus à l'époque homérique. Dans ces sacrifices, la victime était, semble-t-il, substituée symboliquement au coupable de qui il s'agissait de laver lessouillures ; son sang coulait en place du sang de ce coupable ; elle payait pour lui. Symboliques aussi étaient beaucoup des sacrifices qui accompagnaient un serment. Sans doute il arrivait qu'ils eussent pour unique but d'inviter les dieux à être témoins de la parole jurée'. Mais, d'autres fois, ils représentaient par avance le châtiment qui serait celui du parjure : le sacrifiant appelait sur lui-même, pour le cas où il ne tiendrait pas son serment, une mort pareille à la mort des victimes, et souhaitait que son sang fût répandu à terre comme étaient répandues les libations 2. Enfin, parmi les intentions qui conduisaient les Grecs à sacrifier, il faut relever celle de sonder l'avenir, d'explorer le bon vouloir divin, d'apprendre à un moment donné, comme lorsqu'on interrogeait un oracle, ce qu'il convenait de faire ou de ne pas faire (0Tt XP. 7COtECV). Souvent cette intention coexistait avec quelqu'une des autres que nous avons signalées : ainsi dans beaucoup des sacrifices propitiatoires, où l'on examinait les entrailles des victimes (voir ci-dessous, § Ill) ; surtout dans les sacrifices-rançons, qui, pour cela, s'accomplissaient toujours par le ministère de (.t7.nTEtç. Elle prévalait dans les sacrifices que l'on offrait en campagne au moment d'engager une action, de tenter une marche périlleuse'. Ailleurs, elle était exclusive : l'hiéroscopie, ou examen des entrailles, a été, chez les Grecs, une forme importante de la divination [DIVINATIO]. Les mots les plus généraux pour désigner en grec le sacrifice, l'action de sacrifier, sont oints 4, Oust%'. Le moyen A'isnOxt, d'après certains lexicographes anciens, se serait dit seulement des sacrifices mantiques 6 : mais il parait plutôt qu'on l'employait toutes les fois que le sacrifiant était préoccupé d'obtenir quelque chose, la forme active ttiEty s'employant au contraire lorsque le sacrifice visait surtout à honorer ou remercier les dieux 7. Sacrifier aux héros ou aux morts se disait Ivayi,E1v (d'où Évtzylcux), xxbay(,Etn 8 ; les auteurs qui s'expriment avec exactitude opposent assez souvent ces locutions à fllEty 9. Plus généralement, en parlant de tous les sacrifices sanglants autres que ceux que nous avons appelés propitiatoires, on se servait de l'expression epxyta 10 (d'où epaytzEnAx1). `IÀxaxsctxt se trouve usité lorsqu'il s'agit de sacrifices-rançons, de sacrifices aux morts ou à cer tains êtres particulièrement redoutables". La valeur propre de quelques autres termes, par exemple Iv2éti.vf1s, Evtogx, tidµlx, sera indiquée ci-dessous (§ III). II. La matière du sacrifice. Considérés au point de vue de la matière, les sacrifices des Grecs peuvent être répartis en deux catégories : sacrifices sanglants et non sanglants. Des légendes athéniennes attribuaient à Athéna elle-même, à Kékrops ou à Érechtheus l'introduction des premiers 12; une autre tradition en faisait remonter l'établissement à un oracle de Delphes 13. Les seconds ont été présentés de bonne heure, à l'instigation des philosophes, comme des sacrifices particulièrement pieux, les seuls qu'eût pratiqués, aux époques primitives, l'humanité innocente t4. Il est possible, en effet, qu'en un temps où les ancêtres des Grecs ne mangeaient point de viande, ils n'aient pas sacrifié de victimes animales. Les rituels spéciaux de quelques fêtes (comme celui des Bouphonia d'Athènes [DIPOLIA, p. 270j'' ou celui d'une fête de Lindos '°), des légendes aitiologiques (comme la légende thébaine relative au culte d'Apollon Spodios") semblent indiquer, d'autre part, qu'on hésita longtemps à immoler certaines catégories d'animaux, ceux qui, par leur travail, par leur lait, par leur laine, rendaient à l'homme des services et acquéraient des droits à sa reconnaissance1°. Mais, dès l'époque la plus reculée que nos documents peuvent atteindre, ces scrupules avaient, dans le monde grec, généralement disparu t'. Durant les temps historiques, l'immolation d'une victime animale était, en certains cas, absolument nécessaire20. Ainsi dans les sacrifices offerts à des divinités sombres, cruelles, amies de la destruction, dans les sacri SAC 958 SAC SAC 959 SAC Asklépios et aux dieux guérisseurs' ; parfois à Héraklès 2 et à d'autres divinités', surtout de la part de pauvres gens ou d'avares'. Le thon est, une offrande réservée à Poseidon par les pêcheurs qui viennent de faire bonne pêche. Le rouget n'est offert, à notre connaissance, qu'à Hécate 6, à Priape' ; le bogue, le scare, l'alose, à Priape seul 8. L'immolation en masse de sangliers, de cerfs, de daims, d'ours et autres animaux sauvages est une particularité des fêtes d'Artémis Laphria à Patrai 9. Rapprochons-en toutefois ce que dit Pausanias du culte rendu chez les Messéniens aux Curètes, en l'honneur desquels on brûlait ~wïa "rz =V'72 bµo(ooç 10. Même entre les quatre espèces d'où l'on tirait presque toutes les victimes, le choix n'était pas toujours libre. Les moutons ou brebis, les vaches et les boeufs, sous réserve des boeufs de labour ou de trait", ont été presque toujours admis; au point que (3oxOureïv s'emploie en parlant de sacrifices somptueux, quelles que fussent les victimes", et que isoeEov, sans autre détermination, désigne assez fréquemment une brebis''. Nulle part nous n'entendons parler d'une proscription visant l'espèce bovine en général; l'espèce ovine, à notre connaissance, est proscrite par deux seuls règlements : le règlement de Thasos, en ce qui concerne le culte d'Apollon et des Nymphes: le règlement de Tithorée concernant le culte (exotique) d'Isis". Les porcs, les chèvres et les boucs n'ont pas joui d'une faveur aussi universelle. D'après un personnage d'Aristophane, athénien, Aphrodite n'eût pas voulu de sacrifices de pores '" ; et, d'après Callimaque, elle ne les aurait acceptés qu'en Pamphylie, sous le nom d'Aphrodite Ka1rItf1Ttç 18. A vrai dire, ces deux affirmations sont trop catégoriques l'Athénien d'Aristophane est réfuté séance tenante par un Mégarien"; Callimaque l'a été par d'autres érudits 1', et lui-même s'est donné un démenti en parlant des ` ï'avrlpta, fête argienne en l'honneur de la déesse 19. Néanmoins, il y a apparence que le porc, dans le culte d'Aphrodite, a été une victime d'exception 20, De même, et plus strictement encore, la chèvre dans le culte d'Héra : les Spartiates seuls, si l'on croit Pausanias, l'immolaient à la reine des dieux27; et nous ne sommes point sûrs qu'il convienne d'ajouter les Corinthiens 22. Athéna à,Athènes L3, Asklépios à Épidaure età Tithorée4, refusaient également cette victime. Les répugnances d'une divinité variaient souvent de pays à pays, de sanctuaire à sanctuaire; et de même ses préférences. On nous dit bien, en termes généraux, que Poseidon préférait les taureaux, Athéna les vaches, Déméter les porcs, Dionysos les porcs et les chèvres, Artémis et Aphrodite les chèvres, etc. Mais cela n'a rien d'absolu. Quant aux raisons par lesquelles les anciens expliquaient préférences ou répugnances de telle divinité vis-à-vis de telle ou telle victime, elles sont parfois futiles ; en tout cas, elles ne se ramènent point à un seul et unique principe. Ce sont parfois de simples jeux de mots. Le rouget (TO(ynl)), disait Apollodore "et répè te Athénée26, s'offrait à Hécate parce que son nom rappelait des épi vo;; le porc, insinue le Mégarien d'Aristophane27, est une victime qui convient certainement à Aphrodite parce que son nom (joïpot) désigne aussi les parties sexuelles de la femme. D'autres fois, on arguait d'une ressemblance, plus ou moins réelle, entre l'humeur du dieu et celle de de la victime : les chèvres, disait-on, étaient immolées à Aphrodite à cause de leur complexion amoureuse23 (mais on offrait également des chèvres à la chaste chasseresse Artémis29) ; les taureaux étaient offerts à Poseidon à cause de leur caractère impétueux"; les chiens à Arès, à cause de leur goût pour les querelles"; à Hécate, parce qu'ils aboient à la lune 32 ; etc. Ici, la prétendue hostilité d'un dieu ou d'une déesse à l'égard d'une espèce d'animaux engageait, soi-disant, à les lui sacrifier : ainsi les porcs et les boucs à Déméter ou à Dionysos parce qu'ils gâtent semailles et vignobles". Là, cette hostilité servait, tout au contraire, à motiver l'exclusion de telles ou telles victimes : par exemple, si, en Attique, Athéna ne voulait point de chèvres, c'était, disait-on, parce que les chèvres, qui rongent l'écorce des arbres, endommagent les oliviers 34. Dans les sacrifices aux morts, la victime, quand il y en avait une, paraît avoir été d'ordinaire une brebis 35, et de même dans les sacrifices aux héros", exception faite pour les braves tombés sur le champ de bataille et à qui l'on rendait des honneurs héroïques; à ceux-là on sacrifiait des taureaux ". En outre de l'espèce, il y avait lieu de considérer, dans le choix des victimes, un certain nombre de caractères physiques. D'abord, il fallait, en règle générale, que ce fussent des animaux de bonne qualité, sains, irréprochables, parfaits « de corps et d'âme » 38. Des bêtes estropiées, malingres ou malades, n'étaient pas des offrandes dignes des dieux. Les Spartiates en sacrifiaient pourtant39 ; et on en immolait, à Érétrie, en l'honneur d'Artémis Aramyntienne ou Kolainis h0. Mais une pareille pratique était une rareté. Ordinairement, les victimes amenées dans un sanctuaire subissaient, de la part des desservants, un examen plus ou moins minutieux ; celles qu'on se proposait d'immoler dans des fètes publiques devaient être, souvent, agréées par des commissaires (tepo7roto(, i7t1g'1vtot. etc.)". Une inscription de Kos nous montre avec quel soin, avec quelle solennité, étaient choisis les taureaux destinés à être sacrifiés à Zeus Polieus et à Zeus Machaneus42. Une fois agréées, les victimes, en SAC 960 SAC attendant le jour du sacrifice, pouvaient être marquées d'un signe spécial, qui rendait impossible les confusions ou les substitutions' ; et elles étaient engraissées2. La santé de l'âme » s'explorait par des procédés divers. A Delphes, on présentait aux porcs des pois chiches, aux taureaux des grains d'orge; et, s'ils n'en mangeaient pas, ils étaient réputés mal portants ; les chèvres étaient aspergées d'eau froide ; celle qui, sous la douche, demeurait impassible, était laissée de côté'. En maintes circonstances, le sexe des victimes était prescrit. Rituels et écrivains constatent, ici ou là, que l'on peut offrir indifféremment des mâles ou des femelles 4 ; c'est donc qu'en général on ne le pouvait pas. Toutefois, la règle formulée dans des textes de basse époque, d'après laquelle le sexe des victimes eût été assorti à celui des divinités', ne doit pas être acceptée sans correction Elle vaut, à ce qu'il semble, pour Zeus 7, Poseidon 3, Héraklès 9 et Asklépios 10, pour Héra et, presque constamment, pour Athéna". Elle ne vaut pas pour Apollon 12, Hermès 13, Artémis", Aphrodite'', Déméter et Koré 16, etc. 17 ; et les infractions qu'elle subit ne semblent pas étonner les anciens t8. C'est une erreur de croire qu'aux déités chthoniennes on n'offrait que des victimes femelles ou des mâles châtrés 19 ; peut-être cette règle se vérifiait-elle mieux dans le culte des morts 20. Inversement, en l'honneur des héros, on sacrifiait des mâles21. C'étaient aussi des mâles qu'on immolait pour solenniser un serment22; et, toutes les fois qu'il est question d'une TptTTO(a, cela doit s'entendre de trois mâles": taureau, bélier, verrat"; bouc, bélier, verrat"; taureau, verrat, bouc"; taureau, bouc, bélier'-'. Des mâles non châtrés sont exigés dans un certain nombre de règlements 28; la oit cette exigence n'est pas explicitement formulée, les animaux châtrés étaient admis. Quelquefois, semble-t-il, il fallait que la victime destinée à une chaste déesse (Athéna, Artémis) n'eût pas été accouplée 2" . D'autres fois au contraire, principalement dans le culte de Déméter, déesse maternelle, présidant à la fécondité, ce devait être une femelle pleine 30, ou qui avait mis bas 31. L'âge des animaux offerts en sacrifice pouvait être également fixé par les rituels. Il arrive qu'il soit indiqué, tout au moins de façon approximative, par le nom même qui désigne l'animal : (t.dayoç32, àp'/(v 33, âuvGi 34 sptcpoç 33 rsxûaa , axv),âxtov 41, etc. Mais nombre de documents contiennent à cet égard des indications plus précises. Souvent il est question de victimes adultes (iEpEFz TD,Eta) 42 ou de victimes qui tettent encore (vana8rlvx)43. Ailleurs, sont réclamés des animaux d'un an44, de deux ans'', de trois ans 46 etc." ; ici, un porc qui n'ait pas plus de dix-huit mois 43, un veau ou une brebis qui ait déjà perdu ses premières dents"; là, une truie pleine pour la première fois' 0. En Attique, il était défendu, nous dit-on, d'immoler un agneau avant qu'il eût été tondu 51, une brebis avant qu'elle eût mis bas Enfin, les rituels stipulaient assez communément que les victimes seraient de telle ou telle couleur déterminée. Lorsque les Grecs sacrifièrent des chevaux, dans quelques circonstances qu'ils l'aient fait, ce furent exclusivement des chevaux blancs ou de couleur claire s3. Les victimes d'autres races pouvaient être de robe claire ou foncée, SAC 961 SAC suivant la nature du sacrifice et la qualité de ceux à qui on l'offrait. Un scholiaste d'Homère dit qu'on ne sacrifiait pas aux morts d'animaux blancs' ; cette règle (abstraction faite des sacrifices de chevaux) semble avoir été générale ; morts et héros reçoivent des victimes noires 2 ; il n'y a d'exception que lorsqu'on sacrifie à un mort tilç OEwU3. Parmi les dieux, si l'on en croit certains auteurs anciens, les dieux du ciel eussent exigé des victimes de teinte vive ; les dieux chthoniens, des victimes de teinte sombre 4. Cela n'est pas rigoureusement exact. Comme les morts, les déités chthoniennes reçoivent en général des victimes noires ". Mais Hélios est le seul à qui l'on n'ait offert que des animaux clairs 6. Aux autres dieux, on offrait des victimes de teintes différentes, selon que le sacrifice était destiné à reconnaître leur bienveillance ou à désarmer leur courroux 7. Même dans les sacrifices expiatoires ou purificatoires, des victimes blanches furent quelquefois admises 8. Il arrivait souvent, surtout dans les sacrifices publics, qu'on immolait plusieurs victimes à la fois. Le nombre pouvait en être très variable. Signalons quelques groupements qui ont joui d'une faveur particulière, et qui furent désignés par des vocables spéciaux. D'abord la Tptrro(a9, dont nous avons déjà parlé ; en dehors des sacrifices accompagnant un serment, nous la voyons offerte à Apollon 10, à Poseidon ", à Déméter 12, aux déesses d'Éleusis et à Iakchos 13, à Asklépiosf4, à Hélène et aux Dioscuresf6, à Héraklès16 et à Euhamérion" quand on leur sacrifice c;)ç OEOiç, à Priape18; tous les dieux, probablement, pouvaient en recevoir l'offrande, sauf Athéna, à qui l'on n'immolait point de mâles 19. En d'autres circonstances, les animaux sacrifiés étaient au nombre de douze20; ils composaient alors une Uolcxxç ou SwSExaiçS1 ; citons, à titre d'exemples, les dodécades que menaient à Délos et à Delphes les théories athéniennes 2" ; ces dodécades comprenaient onze têtes de petit bétail et un boeuf, d'où les noms de ws€xzç npeoroso(x23, iwlExâc (ioénpwtpoç24. Plus connues que les dodécades et les trittyes sont les hécatombes". Exactement, le mot i.xardN.6ri désigne une offrande de cent boeufs. Mais il fut de bonne heure employé par abus L6. D'une part, il s'appliqua à des sacrifices où l'on immolait un petit nombre de boeufs2i (quelquefois un seul bceuf26) et du menu bétail, ou même exclusivement du menu bétail'-9; d'autre VIII. part, on appela hécatombes des offrandes qui ne comprenaient pas une centaine complète de victimes"o Inversement, le mot peut désigner des sacrifices de plus de cent victimes, comme il s'en offrait quelquefois 31. Le mot zt'd.î4t611 ne se trouve qu'à une basse époque 32. J'ai réservé, pour en parler à part, la question des sacrifices humains. Il n'est pas douteux qu'en pleine époque historique de pareils sacrifices aient existé chez les Grecs. Ainsi en Arcadie, sur la cime du Lycée, lors des fêtes de Zeus Lykaios 33 ; à Rhodes, annuellement, en l'honneur de Kronos 3S; à Leucade, annuellement aussi, en l'honneur d'Apollon 36 ; en Ionie 36 et à Athènes pendant les Thargélies37, en l'honneur du même Apollon; etc.38. Dans les trois derniers cas, la qualité du dieu à qui les victimes étaient offertes (Apollon Katharsios) et les noms quent bien l'intention des sacrifices '9; dans les autres cas, il doit s'agir de même de sacrifices purificatoires ou sacrifices-rançons. A une époque antérieure, le retour périodique de pareils sacrifices avait été vraisemblablement plus fréquent60. On discerne, dans le rituel de ceux qui subsistèrent, la réprobation ,de ce qu'ils avaient de barbare ou le souci d'en atténuer l'horreur : en Arcadie, le sacrificateur des Lykaia devait s'exiler après la cérémonie, comme un meurtrier ; à Athènes, à Rhodes, à Leucade, on prenait pour victimes des criminels, qui avaient mérité la mort ; à Rhodes, le patient était enivré avant de marcher au supplice ; à Leucade, où on le précipitait du haut d'un rocher dans ]a mer, des précautions étaient prises pour amortir sa chute, des barques se tenaient prêtes pour le repêcher s'il ne se tuait pas en tombant et pour le conduire hors du pays. Ailleurs, le sacrifice humain n'a persisté, si l'on peut ainsi dire, que sous une forme réduite : par exemple à Halai, où, lors des fêtes d'Artémis Taurique, un homme était blessé à la gorge d'un coup d'épée" ; à Sparte, où la diamasligêsis des jeunes garçons autour de l'autel d'Artémis Orthia s'est substituée peut-être à une immolation". Ailleurs , enfin, des victimes animales ont pris la place des victimes humaines. On nous le dit nettement dans certains cas43 Ou bien cela s'exprime par de bizarres pratiques traditionnelles. A Ténédos, une vache qui avait mis bas était soignée comme une femme en couches ; le veau, avant d'être immolé à Dionysos, était chaussé de cothur 121 SAC 962 SAC ries, et le prêtre qui l'immolait devait fuir, après le sacrifice, jusqu'au bord de la mer, poursuivi à coups de pierres par l'assistance ; probablement, au lieu d'un veau, les Ténédiens avaient jadis immolé un enfant'. En dehors des sacrifices périodiques, beaucoup de sacrifices humains nous sont connus par la fable. Ce sont ordinairement des sacrifices-rançons, moyennant lesquels on achetait une heureuse traversée, un succès militaire, la fin d'une famine, d'une épidémie, d'un fléau quelconque'-; tel le sacrifice d'enfants accompli par Ménélas en Égypte' ; tels les sacrifices d'Iphigénie 4, de Polyxène°, de Macarie6, de Ménécée', de Kodrose, des filles de Léos 9, des filles d'Érechtheus 1O, des filles d'Antipoinostl, de la fille d'Aristodème92, etc. Ce sont aussi des sacrifices purificatoires, comme celui qu'aurait accompli Épiménide à Athènes'3, ou ceux qui furent réclamés, dans de pareilles circonstances. à Sparte" et à Syracuse 1J. Les auteurs grecs qui ont parlé de ces sacrifices les ont qualifiés sévèrement 18, Et l'histoire ne nous fait connaître, à partir du v' siècle, presqu'aucun incident du même genre. Avant Salamine, à l'instigation d'un devin fanatique, Thémistocle, si l'on en croit Plutarque, dut sacrifier à Dionysos Omestès trois prisonniers persans". Agésilas, au moment de passer en Asie, reçut en songe l'ordre d'offrir un sacrifice humain; mais, se rappelant l'histoire d'Iphigénie, il se tira d'affaire en sacrifiant une biche f8. Pélopidas, avant la bataille de Leuctres, vit dans son sommeil les filles de Skédasos qui réclamèrent l'offrande d'une vierge blonde ; cette fois encore, grâce à l'ingéniosité du devin Théokritos, le sacrifice humain fut évité ; et, en guise de vierge blonde, on immola une cavale 19. Parmi les offrandes non sanglantes ((]e. (P.i€0c)2°, les gâteaux ou pâtisseries au sens large du mot méritent, vu leur fréquence, d'être mentionnés au premier rang. On les Un de ces noms, 7roaav6s, appelle quelques mots d'explication. Tantôt il désigne une pâtisserie solide, une espèce de gâteau plat, de crêpe 32 ; tan tôt une bouillie, une pâte quasiliquide, susceptible d'être répandue comme une libation 33 Assez probablement, le 7teX 'b6ç, sous ces deux formes, correspond à deux âges dans l'histoire des céréales, ou plutôt de l'usage que l'humanité en sut faire ; le 7rEamd; liquide est un souvenir de la période où l'on ignorait encore la fabrication du pain 34. Le 7rE).avdç contenait ordinairement du miel31'; et il s'offrait le plus souvent aux divinités infernales 36. Ces deux caractères le rapprochent d'une espèce de gâteaux nommés p.EÀProCTTat; ce sont des p.at'roitTTat qu'on donnait au serpent d'Athéna sur l'Acropole d'Athènes31 ; les clients de Trophonios en tenaient à la main3s; etles morts en emportaient avec eux pour les jeter à Cerbère39. Citons encore une bouillie de farine et de lait nommée yaaaél, qu'on offrait à la Mère des Dieuxd°, La forme des gâteaux solides pouvait être très variée". En outre de gâteaux reproduisant l'aspect d'un animal42, il y avait des gâteaux en forme de broches, c'est-à-dire allongés, qu'on appelait ddEÀ(at, et qui s'offraient à Dionysos43 ; il y avait des gâteaux en forme de lune (aE)„~vat)fi4, des gâteaux ronds autour desquels on plantait de petites torches et qu'on offrait à Artémis Mounychia"; il y avait des gâteaux en forme d'arc, de flèche, de lyre, destinés à Apollon" ; il y en avait en forme d'autels47, d'autres en forme de cônes (7rupa .ileç) pour les dieux chthoniens et les morts4fl; il y en avait qui représentaient les parties sexuelles de l'homme ou de la femme 49 , etc. Parfois, ils devaient avoir des renflements (6p.tpa'Loi) en nombre déterminé50; et la disposition, le plus ou moins de hauteur de ces renflements pouvaient être réglementés si De même le volume des gâteaux, ou la quantité de farine qui servait à les fabriquer92. IIEÎvav6ç ou gâteaux accompagnaient souvent une victime animale à titre d'offrandes accessoires 53. Ou bien, avant d'offrir à tel ou tel dieu un sacrifice sanglant, on devait les offrir préalablement à quelque autre54. Des offrandes de légumes et de fruits sont assez souvent mentionnées. A Mykalessos en Béotie, Déméter recevait SAC 963 SAC Arcadie, on apportait en don dans le temple de Despoina de tous les fruits comestibles que produisaient des arbres, les grenades exceptées 1. A Trézène, Poseidon recevait les prémices des récoltes'-. De même, à Théra, la Mère des dieux 3. Fruits, légumes et graines pouvaient être offerts à la divinité dans des x€pvri ou xÉpvot, c'est-àdire des plats divisés en compartiments'. Les Delphiens, pendant les Théoxénia, offraient à Léto des poireaux'. A Patrai, au cours d'une fête locale, on déposait des couronnes d'épis près de la statue d'Arténlis'. En Attique, lors des Pyanepsia, on faisait cuire des légumes ('6B7rpta), principalement des fèves (aucevoO 7 , qu'on offrait à Apollon 8 ; une branche d'olivier décorée de bandelettes et à laquelle pendaient des fruits, des pains, des fioles pleines de vin, d'huile, de miel, l'eiresione, était portée processionnellement au temple du dieu et placée à la porte'. Pareilles offrandes se reproduisaient au moment des Thargélies ". Aux Oschophories, des pampres chargés de grappes étaient offerts à Dionysos et à Athéna Skiras tt. Sur les autels de l'Altis, les Éléens, une fois tous les mois, déposaient des rameaux d'oliviers 12. Des rayons de miel sont mentionnés dans plusieurs inscriptions liturgiques13; à Phigalie, on en apportait sur l'autel de Déméter, avec des fruits et de la laine brute". Nous entendons parler aussi de fromages, de gâteaux au fromage l'. Les libations formaient une autre classe, très importante, d'offrandes non sanglantes. On les désignait, en en général, par le mot o-tovit2(. Lorsqu'elles s'adressaient aux morts, leur nom était boa( " ; s'appelaient également »xi, ou ),otg2), les libations faites en l'honneur de certaines divinités chthoniennes". Des libations accompagnaient presque tous les sacrifices 13 Elles constituaient parfois le sacrifice à elles seules. De même que l'homme pieux abandonnait à la divinité une part des animaux qu'il tuait pour sa subsistance, de même il répandait en son honneur quelques gouttes de ce qu'il buvait ". Les symposia commençaient par une libation 20 en l'honneur de 1"Aya0bç ôxia.nly ou d'Hygieia 21, et chacun des cratères que vidaient les convives était dédié à un dieu, oit bien à un héros, qui en avait les prémices 22. C'étaient le plus souvent des libations isolées qui solennisaient les serments : d'où l'expression B7tovè)ç 7COtE)BBat (ou mème BirOVÔ2ç'Cép.VE(y) pour signifier « conclure une trêve, faire la paix n 23. Dans le culte des morts aussi, des libations s'étaient substituées pour l'ordinaire, pendant l'âge classique, aux sacrifices de victimes: on y ajoutait de temps en temps des gâteaux ou des fruits"; mais cela même était rare. D'autres exemples de libations isolées se trouvent en grand nombre dans les textes et les inscriptions. Qu'il suffise de rappeler les libations qu'OEdipe, dans Œdipe à Colone, offre aux Euménides 25 ; les libations qui accompagnèrent la prière solennelle, lorsque la flotte athénienne leva l'ancre pour la Sicile 26 ; les libations à Pan, à Priape, aux Nymphes et autres divinités agrestes, dont il est question assez souvent chez les poètes bucoliques et dans les épigrammes de l'Anthologie 27 ; etc.88. Ce qui servait le plus habituellement aux libations, c'était le vin ; et le vin mêlé d'eau, tels que les Grecs le buvaient 2". Quelquefois, cependant, les libations devaient être de vin pur, 67fovôxi )ixp2TOt ; c'était le cas, par exemple, pour la libation que l'on faisait à table en l'honneur de 1''AyxObç ôxiµtuv 30; c'était le cas pour les libations qui accompagnaient un serment". On offrait aussi du vin pur aux morts S2, mais non pas d'une façon régulière 33 Ou bien, au contraire, le vin était proscrit. Dans OEdipe a Colone, OEdipe demande de quoi il doit remplir les trois cratères qu'il offrira aux Euménides; et le choeur lui ou v-t)yAi235. De telles libations étaient de règle dans le culte des dieux infernaux, à qui la joyeuse boisson des vivants inspirait de l'horreur a°. Elles l'étaientdans certains autres cultes, sans que l'on puisse toujours bien comprendre pourquoi. Peut-être Mnémosyne et les Muses proscrivaient-elles le vin 3t, tout au moins à Athènes, parce qu'il trouble la mémoire; Éos, Séléné, Hélios58, déités de la lumière, parce qu'il obscurcit l'esprit; Aphrodite Ourania 30, parce qu'il excite l'ardeur sensuelle; et ainsi de suite40; mais ce sont là de pures hypothèses, plus subtiles que plausibles. Ailleurs, on ne peut même avancer des hypothèses de ce genre ; et il n'y SAC 96i SAC a qu'à constater les faits'. Les vr pZXez jouaient également un rôle dans les cérémonies de purification, qu'il s'agit de purifier un homme 2 ou un sanctuaire 3. De quoi se composaient les a covSai ioeioi ? Parmi elles, nous trouvons à citer quelques libations d'eau Mais la plus répandue était le N.e),(xoa'rov, mélange de lait et de miel'. Ce breuvage, usité en dehors du culte [MEL, p. 1705j', servait surtout, probablement, à fortifier les enfants et à réconforter les malades'; ce qui explique qu'on l'ait offert aux morts', conçus comme des êtres débiles, comme des ombres sans force 9. Le u.ea(xpazov jouait un rôle important dans le culte des divinités infernales f0. On l'offrait également aux Nymphes et aux divinités de la campagne , peut-être parce que les éléments dont il était formé faisaient partie du luxe des campagnards". Et à d'autres encore12. En plus de l'eau, du lait et du miel, les aaovôai àotvot pouvaient comporter de l'huile. Dans les sacrifices ordinaires, l'huile ne servait qu'à activer la flamme qui consumait les chairs de la victime ; dans le culte des morts ", elle faisait partie des libations 14. Une dernière catégorie d'offrande comprenait les parfums (06e2 chez les auteurs postérieurs à Homère, 9ou.lciµa'rct).Ilen était brûlé pendant les sacrifices sanglants, pour combattre la mauvaise odeur des chairs grillées et des os calcinés. Ou bien ils accompagnaient d'autres offrandes non sanglantes, gâteaux, fruits, libations ". Ou bien ils constituaient tout le sacrifice à eux seuls 16 : ainsi, notamment, dans le culte domestique", et dans le rituel de certaines sectes 18. Primitivement, les Grecs employèrent soit le bois soit les baies d'une espèce d'arbre indigène, une sorte de cèdre qu'on appelait Adov t9. A partir du vue siècle , ils employèrent des aromates d'Orient, de l'encens, de la myrrhe2U, etc., dont les inventaires de quelques temples énumèrent de grandes quantités2t III. Les rites du sacrifice. Envisageons d'abord un sacrifice du genre que nous avons appelé propitiatoire et comportant une victime animale. Voici comment les choses se passaient. La cérémonie avait lieu le matin 22. L'autel, sur quoi du feu brûlait23, était orné de fleurs, de couronnes, de bandelettes24 ; lors des grandes fêtes publiques, on avait pris soin de le blanchir, de le polir, d'en rendre brillante la surface25 [ARA]. Les personnes qui offraient le sacrifice, à l'époque homérique, ne faisaient d'autres frais de toilette que des ablutions préalables 26. A l'époque classique, elles revêtaient des vêtements blancs27, et se mettaient sur la tête une couronne" de feuillage, différent suivant les dieux à qui l'on sacrifiait [CORONA]. La couronne parait avoir été un symbole de pureté 29 et des dispositions joyeuses sans lesquelles la pureté n'est point parfaite ; car, dans l'idée des Grecs, le malheur constituait une souillure. On connaît l'histoire de Xénophon apprenant la mort de son fils pendant qu'il sacrifie et déposant sa couronne ; puis la reprenant quand il sait que le jeune homme a eu une belle fin 30 ; la nouvelle d'un deuil le souillait; en reprenant sa couronne, Xénophon veut dire qu'il ne considère plus la mort de son fils comme un malheur. La victime, elle aussi, pouvait être parée de couronnes et de bandelettes 31 ; toutefois, à ce qu'il semble, on ne les lui mettait souvent sur la tête qu'au moment de l'immolation. S'il s'agissait d'un boeuf, d'une vache ou d'un taureau, assez couramment on lui dorait les cornes 32. Il va de soi qu'en plus de ces parures la victime, quand c'était une grosse bête, recevait des liens qui permettaient de l'amener à l'autel sûrement. C'est d'une façon tout à fait exceptionnelle que, lors de la fête athénienne des Bouphonia, on l'attirait par l'appât de friandises33 En général, on lui passait des cordes, soit aux cornes, soit aux pattes ( fig. 5993) 30, soit même autour du cou, au risque de l'étrangler". Il était sans doute de bon augure que l'animal allât où l'on voulait sans se faire trop prier36 ; mais il fallait éviter par-dessus tout qu'il s'échappât, ce qui aurait été un présage terrifiant 3'. SAC 965 SAC Si c'était un animal de petite taille, il pouvait être porté à, bras (fig. à994)'. Portant ou conduisant avec eux la victime, les sacrifiants se rendaient à l'autel [voir ARA , fig. 427] 2, munis d'un certain nombre d'objets : principalement d'un vase et d'une corbeille 3. Le premier s'appelait, d'un nom qui en indique l'usage, xépvtl.d ; il pouvait être de diverses matières , déterminées çà et là par des règlements locaux 4; il conte Paix, les é),a( sont jetées à la volée jusqu'aux plus lointains spectateurs, et on leur applique le nom xpt0a.9' ce seraient donc plutôt des grains intacts, ou tout au plus grossièrement concassés10: en tout cas, les ônu( n'étaient pas, à coup sûr, de la farine. Comme la isola salsa, elles étaient additionnées de sel" ; on l'a nié, mais àtort 12. Quant au couteau, qui dans la figure 599i, est porté par un sacrificateur avec des broches et un nait de l'eau. La corbeille (xavoüv) était parfois, savonsnous par des textes d'auteurs et des documents épigraphiques, en argents ou en métal dorés ; elle conte nait, nous dit Aristophane, ônàç... xai sr€p.p.a rat µz'atpav Eiép.as, c'est la guirlande qui doit servir à parer la victime. Les êÀat sont assurément des grains d'orge ; et il ne peut y avoir de doute que sur leur plus ou moins parfaite intégrité. Une phrase d'Hérodote, où se lit l'expression oê),àç xpt6i'ov 8 , inviterait à croire qu'il s'agit de grains triturés. Mais, dans un passage de la maillet, ce n'est pas une fois en passant que nous le voyons placé dans la corbeille. Il en est de même dans l'Électre d'Euripide'', dans un fragment du Paidarion de Platon le comique14, au début de la Vie d'Apollonius de Tyane par Philostrate, d'après un livre ancien sur Pythagore, etc. Et un passage de l'Iphigénie à Aulis atteste l'existence d'une prescription rituelle. Pour immoler Iphigénie, Kalchas va employer son épée; il la tire du fourreau; mais, avant de frapper, il la dépose pour un instant dans la corbeille1°. Le couteau du sacrifice devait donc avoir voisiné avec les é x(; d'après un scholiaste de la Paix, il devait même en avoir été recouvert ls Arrivés auprès de l'autel, les sacrifiants, portant la zépvtf, et le xavoav, en faisaient le tour en marchant vers la droite. C'est ce que Trygée ordonne à son esclave (-,.O 7Ctaé.)"; c'est à quoi fait allusion Iphigénie quand elle l'autel un tison (aa),dç, l),(ov), et on le plongeait dans l'eau de la yip e,5'9, ce qui était une manière de la consacrer. De nouveau, ce détail est indiqué dans la Paix 20 ; il l'est aussi dans l'Héraklès Furieux. Déjà on a tourné SAC -966SAC autour de l'autel; Héraklès tient à la main droite un tison; il s'apprête à le plonger dans la yipat' ; c'est à ce moment que le délire le saisit'. Une fois consacrée par l'immersion du tison, l'eau de la yipvttp servait à des ablutions, à des lustrations'. Trygée dit à son esclave : s'est lavé, maintenant i1 veut faire couler de l'eau sur les mains de son compagnon. Puis l'esclave, ses ablutions terminées, jette le reste de l'eau sur les spectateurs`; c'est que, dans les sacrifices réels, on aspergeait l'assistance '. On aspergeait également la victime', Lorsqu'Oreste, dans Iphigénie en Tauride, s'étonne de voir une jeune femme présider à des sacrifices aussi abominables que des sacrifices humains, Iphigénie explique qu'elle n'immole point elle-même les victimes : elle ne frappera pas Oreste, mais elle versera sur sa tête l'eau lustrale victime que font allusion ces paroles de Trygée : asiou aia razÉtoç8. Cette aspersion, en effet, n'avait pas simplement une valeur purificatoire; on souhaitait que la victime eût l'air de consentir à être sacrifiée' ; et on interprétait comme un signe d'adhésion de sa part un mouvement de la tête ". Quelques gouttes d'eau qu'on lui jetait sur les oreilles, ou même dans une oreille", l'amenaient d'ordinaire à se secouer. Dès lors, tout était en règle ; la victime avait consenti. Enfin, on aspergeait d'eau lustrale l'autel même: un passage de Lysistrata en fait foi, où il est dit des Grecs qu'aux fêtes panhelléniques ils aspergent les mêmes autels". Il est, d'ailleurs, malaisé de comprendre cette cérémonie. Le feu qui brûlait sur l'autel était par lui-même purificateur" ; le purifier paraît bien superflu. -Aux aspersions faites avec l'eau de la yipatc sont associées, dans un grand nombre de textes, les opérations qui se faisaient avec les 6),a(". La nature de ces opérations est indiquée par deux autres noms que les '),a(ont portés quelquefois, oé),oyéTat ", apoy,iTat 16, tous les deux composés de yito. Ainsi on répandait les èÀx(17. Mais sur quoi? A l'époque classique13, certainement sur l'autel, dans la flamme qui y était allumée". En jetait-on aussi sur la victime? On ne saurait guère en douter". Agatharchidès, dans un fragment transmis par Athénée, parlant des sacrifices d'anguilles qui s'accomplissaient en Béotie, dit que les Béotiens sacrifiaient ces poissons Xa'Teç 2' ; le régime indirect de éatGz?AovTeç est certainement le même objet que le régime direct de aTefuavoûnTeç; ce doivent être les anguilles, c'est-à-dire les victimes. Notons que des 1)),a( étaient distribuées à tous les assistants ; cela ressort du pluriel employé chez Homère", et du passage déjà mentionné de la Paix''. La similitude d'emploi entre l'eau lustrale et les dia( donne à penser que celles-ci comme celle-là avaient une vertu cathartique. Et, par le fait, Euripide les appelle quelque part 7fpoyéTat xaAapatot. Toutefois, cette observation, vraie pour l'époque classique, n'empêche pas de croire qu'à l'origine les di,a( aient représenté une offrande : celle du pain sous sa forme primitive, accompagnant celle des chairs des victimes et celle du vin sous forme de libations". Les aspersions d'eau lustrale, la distribution et le jet des èÀai n'étaient pas les seules cérémonies qui précédassent l'acte de l'immolation. Avant de frapper l'animal, on lui coupait sur la tête quelques poils, qui étaient jetés dans le feu. Ainsi font, chez Homère, Agamemnon", Nestor", et le porcher Eumée Y7 ; ainsi fait Égisthe, chez Euripide". Dès lors, la victime était vouée au trépas. Quelques vers du début de l'Alceste soulignent bien la portée de ce rite. « Ceux n, dit Thanatos, « dont mon « glaive a touché la chevelure appartiennent aux dieux « infernaux" ». Immédiatement avant, Thanatos avait dit: « J e me rends chez Alceste ùç XXTâp;wp.at çipet'o '1 KxT'ipxeQAat, employé seul" ou avec le génitif du nom de la victime 3`°, est une expression consacrée. En soi-même, ce mot ne veut rien dire de plus que commencer le sacrifice"'. En pratique, il désigne un certain nombre d'actes préliminaires, rituels : ceux mêmes que nous venons de passer en revue. Le passage d'Alceste et quelques autres textes donnent à croire que, très exactement, x x pye, Oat devrait s'entendre de la seule consécration des victimes à la mort par l'oblation des poils pris sur leur tête "; mais, d'une façon courante, il embrasse également les lustrations par l'eau et les iAz(35. Reste la xvveuy-r, la prière, indispensable dans tout sacrifice, par laquelle on demandait au dieu ou bien telle faveur particulière ou bien sa bienveillance en général (vOTUM, SACERDOS). Elle aussi précédait l'immol_ation36; et même, à ce qu'il semble, du moins dans la période classique, l'oblation des poils que l'on jetait au SAC -967SAC feu'. Chez Homère, sinon de la part du sacrifiant, du moins de la part de l'assistance qui répète quelques-unes de ses paroles elle paraît avoir accompagné le jet des oD o~ÛTxt 3. De même, dans l'Électre d'Euripide, Égisthe, pendant qu'il prie, lance des ôax( sur l'autel'; dans les Oiseaux, le prêtre, au moment de prier, réclame la corbeille °. Dans la Paix, la prière suit la distribution des ôî,at', mais non pas forcément l'usage rituel qu'on en fait. Cela étant, il parait difficile de ne pas comprendre la prière parmi les actes préliminaires que désigne le C'était, je pense, au moins avant la xaTcu,s que l'on recommandait aux assistants d'observer un religieux silence (El)prlELTE, Etip-eq )a ËrTw) 8. Également avant la xxTEuys , sinon plus tôt, le sacrifiant demandait, paraît-il, T(ÿ T'It(3o ; et les assistants répondaient : 7to),lsoi xàyzOo(9. De la sorte, dit un scholiaste, tous ceux qui se savaient souillés étaient mis en demeure de s'éloigner10. Cette habitude doit être postérieure à l'époque homérique, où un meurtrier avéré assiste à un sacrifice sans que personne s'en émeuve". Pour achever le tableau du premier acte de la cérémonie, ajoutons que la musique de la flûte devait s'y faire entendre. Cet accompagnement musical, dont Homère ne dit rien, fut de règle plus tard, au point qu'Hérodote en signale le défaut dans les sacrifices perses comme un trait de moeurs étrangères '2. Nous ne saurions dire avec certitude à quel moment il commençait, ni s'il durait de façon ininterrompue. Du moins, assez de documents nous certifient qu'il se manifestait déjà avant l'immolation de la victime, et même avant la prière'3 L'acte même de l'immolation s'accomplissait suivant des rites précis. 11 était essentiel que la victime eût la gorge ouverte d'un coup de pointe, on employait pour désigner cette opération le mot peu expressif a(pxTTEte peut-être aussi le mot Tpzy ctvet que, lorsque ce coup était porté, elle eût la gorge tendue vers le ciel" ; pour cela, on lui renversait la tête en arrière, comme le montre la fi gure 5995 17 . ce qui se di La position de l'ensemble du corps n'était pas, semble t-il, rigoureusement prescrite. Pour les petites victimes, on les tenait souvent soulevées de terre tout entières, tantôt le dos en l'air (fig. 5996)", tantôt le ventre ; ainsi devront se passer les choses dans le sacrifice dont la figure 5997" nous fait voir les préparatifs ; -ou bien le sacrificateur les maintenait dressées entre ses jambes, reposant sur leurs pattes inférieures (fig. 5998) 24 ; ou bien il les écrasait de son poids contre le sol (fig. 5995) ". Pour les grosses victimes, il n'est pas sans exemple qu'à elles aussi on ait fait perdre pied. Dans l'Électre d'Euripide, le t3.oa/os SAC 968 SAC qu');gisthe sacrifie est, lorsqu'il reçoit le coup mortel, porté sur les épaules des serviteurs '. Des monnaies d'Ilion représentent des boeufs suspendus vivants à un arbre ou à un pilier pour être ainsi immolés (fig. 'i999) 2; ce qui pourrait être une survivance locale du cérémonial archaïque Mais, dès le temps d'Homère et à l'époque classique, on abattait ordinairement la victime d'un coup de massue ou de hache appliqué par derrière sur la tête, sur la nuque, sur l'épine dorsale 4 ; puis on se contentait de soulever l'avant-train pour que la gorge se trouvât placée conformément aux règles ; c'est ce que signifient, dans une description de l'Odyssée, les mots âve),dvTeç â7tb ;~9ovdç°, et c'est à quoi fait allusion, dans plusieurs décrets en l'honneur des éphèbes athéniens, cette phrase souvent mal comprise: -I,pavTo Touç 13oûç Quand des femmes assistaient à la cérémonie, elles poussaient, au moment où la bête était frappée, un long cri modulé, l'd),o)wy..dç '. A l'époque homérique, ce cri devait servir à appeler les dieux"; plus tard, on lui attribua en outre la puissance d'écarter les mauvais esprits 9. Ouverte d'un coup de couteau (p.zatpa, apayiç; cf. enTER), la gorge de la victime laissait échapper le sang à flots. Du temps d'Homère, dans les sacrifices dont nous nous occupons présentement, ce sang se répandait à terre sans que l'on y fit attention 10. A l'époque classique, au contraire, il fallait, en général, que le sang mouillât l'autel l'. Les sacrifices où cela n'avait pas lieu, sacrifices à Eiréné f2, sacrifices dits âaoEo')µtata en minorité infime. Tantôt le sang coulait directement de la gorge béante sur le o)t,.dç, tantôt il était recueilli dans un atpayeïov, et, à l'aide de ce vase, on le répandait sur l'autel". En dépit des insinuations de Lucien 18, il est peu probable qu'on ait considéré ces libations sanglantes comme des offrandes agréables aux dieux olympiens t9; on leur attribuait plus vraisemblablement, à cause de leurs relations étroites avec le culte des déités chthoniennes20, une valeur cathartique2l. Puis venait le dépeçage de la bête, opération qui ne laissait point d'être assez délicate et soumise àdes règles. Peut-être, avant toute autre chose, coupait-on les pieds et la tète 72. Ensuite, on dépouillait le corps de la peau23. C'est ce qu'Oreste, dans l'É'lectre d'Euripide, exécute avec maestria, en moins de temps, raconte le messager, qu'il n'en faut à un coureur agile pour couvrir un double diaule 24. Cela fait, les flancs étaient ouverts, les entrailles examinées pour savoir si le sacrifice avait plu à la divinité et s'il présageait du bonheur25. Et une première distribution était faite avec ce qu'on nommait les a7tax'ygva26 c'est-à-dire certaines parties intérieures 2', telles que l'estomac, le foie, les rognons, les poumons 2". De ces a7tÀâyw, une portion, qui ne comprenait point les meilleurs morceaux 29, était prélevée pour les dieux 30 ; on la brûlait sur l'autel 31, sans addition de sel, en souvenir des temps anciens où les hommes ignoraient ce condiment 32. Le reste était, semble-t-il, grillé au-dessus SAC 969 SAC de la flamme 1, au bout de broches ou fourchettes à long manche; ce doit être cette opération que représentent plusieurs peintures de vases, dont les figures 6000 et 6001 3 offrent des exemples Un bronze de Dodone nous montre un splanchnoplès 6 armé de son instrument, qui rappelle, au nombre des dents près, les aellasudéo)ex déjà nommés chez Homère'. De petits morceaux des 67radyya, peut-être aussi sans sel 8, étaient distribués aux assistants, qui les mangeaient de suite 9, avec des gàteaux d'une espèce particulière i0. La majeure partie était mise de côté 11 ; souvent les prêtres et les hérauts en recevaient leur part f2. Les chairs de la victime (xpia (17CipTepx) 13 faisaient ensuite l'objet d'un nouveau partage". La part du dieu, dans les sacrifices homériques, comprend les p.11po( ou .s.rtp(a, c'est-à-dire les cuisses, du moins les os des cuisses avec quelque peu de chair adhérente 1J ; on les mettait entre deux couches de graisse f6, et, par-dessus, on ajoutait des bribes détachées des autres morceaux 11. L'ensemble était censé représenter l'animal tout entier. Dans la Paix, ce sont encore les les p àpw, qui sont en première ligne réservés pour Eiréné 18. Nous entendons aussi parler assez souvent, à l'époque classique, du croupion (i pôç, impie; xpa) f0 et de la queue (xipxoc) 20. L'im VIII. portance de la part faite au dieu variait naturellement suivant la dévotion et la générosité des fidèles; d'ordinaire, semble-t-il, elle était peu succulente21. Toutefois, il arrivait qu'aux termes de certains règlements, elle dût comprendre de bonnes pièces : morceau de filet, épaule, etc. 22, Cette part, qu'on nommait âirap;tx(, était parfois, à l'époque homérique, saupoudrée de farine ou enveloppée de pâte 2"; plus tard, recouverte de gâteaux (Au) (1N.a'x)27. On la brûlait sur l'autel extérieur, en l'arrosant de libations de vin et d'eau 28, souvent aussi de libations d'huile qui accéléraient la combustion 29. De l'encens, ou quelque autre parfum que l'on jetait dans la flamme, dissimulait l'odeur des chairs brûlées 30. Ce moment, où les offrandes se consumaient sur l'autel, n'était peut-être pas le moment le plus impressionnant du sacrifice ; mais ce devait en être le plus pompeux. C'est alors que l'on exécutait les plus beaux hymnes 3r, et que se déroulaient les choeurs de danse [HYMNUS, HYPORCHEMA]. On sait qu'un rythme grec avait tiré son nom des libations : le spondée 32. Une catégorie de chants religieux était celle des 7rxpaa1t6v3eea, ou i' soc 7CapXrir6VÔtloe '3. L'hymne à Zeus de Callimaque a été chanté (ou est censé l'avoir été) Z-fivb, 7Capx ClLOV3(t01V 34. Dans un des hymnes découverts à Delphes est décrit le décor qui devait entourer son exécution: c'est le moment, ditl'auteur, où « Héphaistos consume sur les autels sacrés les cuisses des jeunes taureaux »; le parfum d'Arabie monte en tourbillons vers l'Olympe ; la flûte de lotus fait entendre ses sons harmonieusement modulés ; la cithare d'or, à la douce musique, répond par ses accords à la voix des hymnes; et tout l'essaim des théores venus d'Athènes chante et se meut en cadence 3s Les parties de la bête qui n'avaient été ni brûlées sur l'autel ni abandonnées au prêtre 30, à ses aides ou à différents employés du sanctuaire 37, demeuraient la propriété des sacrifiants. Ceux-ci pouvaient les consommer sur place 38, ou bien ils les emportaient chez eux 39. 122 SAC -1170SAC Philochore observe qu'à Athènes les viandes provenant d'un sacrifice aux Heures étaient bouillies, non rôties' ; c'était donc généralement rôties qu'on mangeait les chairs des victimes. Quiconque n'était pas un ladre les faisait servir à un banquet, et en distribuait à ses amis 2; les saler est cité par Théophraste comme un trait de grossière impudence (xvata/s' 7(x) 3. Si l'on en croit le même Théophraste, les vaniteux, lorsqu'ils avaient sacrifié un bouf, plaçaient devant leur porte la tète de l'animal, ornée de bandelettes, pour que tous les passants fussent informés de leur faste Bref, le jour où un particulier avait offert un sacrifice de quelque importance était dans sa maison jour de liesse Chez Homère, le soir venu, un dernier acte religieux sert comme d'épilogue à la fête: les convives, au moment de se séparer, brûlent en l'honneur du dieu les langues des victimes immolées, en les arrosant de libations 6. Cet usage n'a point persisté durant 1'àge classique 7; les langues, alors, étaient bien encore mises de côté 8 ; mais elles faisaient partie, très couramment, des yiprl° [SACERDOSJ. A la suite des sacrifices publics, avaient lieu parfois des xpEavopdat ou distributions de viandes, et de solennelles agapes (è ,aOotv(a.t, ca(?va ôquoTEÀ11) 10. Chacun des membres de la communauté recevait sa part; les magistrats et ceux ou celles qui avaient joué un rôle pendant le cours de la fête avaient droit à des portions de choix, déterminées d'après des règlements 11. Il arrivait aussi que de pareilles largesses suivissent des sacrifices offerts par de simples particuliers, lorsque le sacrifiant était très riche et recherchait la popularité 12. Je rappelle que la description ci-dessus concerne les sacrifices du type le plus ordinaire : sacrifices propitiatoires offerts à des dieux olympiens. Signalons maintenant ce qui, par différence, caractérise les sacrifices d'autre sorte. 1° Au point de vue de l'heure. Les sacrifices aux divinités infernales s'offraient le soir, ou même pendant la nuit 13 Demême les sacrifices en l'honneur des héros 14. De même aussi, à l'époque homérique, les sacrifices aux morts 1 ° ; à l'époque classique, ceux-ci s'offrirent ordinairement de jour 16. 20 Au point de vuedu décor. Dans le culte des divinités infernales, on revêtait des habits ou des ornements rouges, de la couleur du sang 49 ; dans le cuite des morts, des vêtements de deuil7e. Point de couronnes, point de guirlandes, non plus que dans les sacrifices expiatoires ou sacrifices-rançons 19. La musique était proscrite des lb. 3 Char. IX. 4 Char. XXI. ü I,e sacrifiant conservait sur sa tète la couronne qu'il avait prise pour sacrifier Plat. Brisis. 328 G . s Od. III, 332, 341. Il est, d'ailleurs, inexact que cette dernière offrande ait été adressée à Ilerm ès (Ath. 16 B; Sein Apoll. Rh. 1, 517; Sel,. Od. III, 332, 341 et Eustath. Ibid.); elle s'adressait au même dieu que le principal sacrifice. 7 Rien de tel n'apparaît chez Platon, Leg. 806 E. Le passage d'Apollonius de Rhodes où l'usage en question est énoncé (I, 517-518) contient certainement une réminiscence homérique et ne prouve point pour l'époque de l'auteur. 3 Arist. De. 1705; Parr, 1060; Menandr. fr. 292 Kock. 9 s,xrs:nooe]. Dans les sacrifice, publies, les langues, parait-il, étaient attribuées aux hérauts : Arist. Plut. 1110 et Sebol. Ad 1. 10 Pollux, 1, 34. Les exemples abondent. Gitons seulement, à cause des détails donnés sur le menu, l'inscription de Géos Dittenherger, 522. Il Sehol. Arist. Pax, 893; Dittenberger, 634; 601, I. 21 sq.; 553, 1. S4 sq. 12 Xen. Anab. V, 3, 9 ; Ath. 3 D; 532 E; laser. gr. VIII. 1, 2712 ; Dittenherger, Or. gr. fuser. 339, 1. 63. 13 Diog. L. VIII, 33 ; Ely.. m. 468, 34 (cf. Ronde, Psyche, 191, n. 2; Festschrift for Friedl/Miter, p. 422). Exemples Aesch. Eton. 108 (Érinyes) ; Apoll. Rhod. III, 1029, cf. 1191 sq. (Hécate); Pans. 11, 24, 1 (Apollon Deiradiotès) ; III, 14, 9 (Hécate, Ényalios) ; IX, 39, 4 (Trophonios) ; X, 38, 4 (lest Meikit,„); Diels, Sihill. Bltttter, 1:14, v. 0 sq. (les Moires, Ilithvic, (.nia); etc. 1'. Proclus ed Hes. Op. et D. 763 ; D,og. L. VII, 33; Schol. Pin!. Jsthm. IV, 110 ; Sch. Apoll. Rh. I, 587; Sei, Il. 4'111, 66 et Eust. Ad 1. (cf. Festschr. f. Friedlmldee, 422). Exemples: sacrifices offerts aux dieux chthoniens, des sacrifices expiatoires, des sacrifices aux morts. Pausanias, parlant du culte de Zeus Lykaios en Arcadie, dit que les sacrifices s'y faisaient iv 7copp711Twt 2p. Un scholiaste de Sophocle nous apprend, d'après Polémon, qu'avant de sacrifier aux Euménides, on offrait un sacrifice préliminaire au démon du silence, IIésychos", ce qui est significatif; d'ailleurs, Eschyle lui-même dit, dans les:Eitménides, que le chant des sombres déesses était âtpdputyxtoç 22, ce qui doit contenir une allusion aux circonstances réelles de leur culte. Des passages des Choéphores, d'Iphigénie en Tauride, laissent entendre que les yoa( funéraires n'étaient accompagnées, en fait, de musique et de chants, que de lamentations 23. La même absence de musique parait certaine pour les sacrifices qui accompagnaient les serments, et, d'une façon générale, pour tous les sacrifices de l'espèce des acpxyta24. 3° Au point de vue des rites préliminaires et des offrandes accessoires. Les éaa( ne figurent jamais dans les sacrifices offerts aux dieux chthoniens 25, où figure, au contraire, le TEaavdç. Elles ne devaient pas être usitées non plus dans les sacrifices aux héros ou aux morts, ni dans les sacrifices expiatoires ou sacrifices-rançons. Toutefois, il est question d'ôaa( dans Iphigénie à Aulis, à propos du sacrifice d'Iphigénie 26 ; mais non point dans Hécube, à propos du sacrifice de Polyxène ; la différence peut tenir à ce que, dans le premier cas, le sacrifice s'adresse à une divinité olympienne, Artémis ; dans le deuxième, à un mort, Achille27. Quant aux libations, outre qu'elles furent, dans certains sacrifices, de vin pur, d'huile ou de izea(xpa-rov, au lieu d'être de vin trempé 23, il pouvait arriver qu'elles manquassent totalement. Il y avait des Oua(xt 1'tanovlot9°, qu'un scholiaste de Sophocle définit en ces termes peu clairs: OuQ(at xx°x Tôx-tly tiç lfoç 71pooaeotiaat30. Ces mots paraissent désigner, non pas des sacrifices réguliers, périodiques, dont l'institution a eu pour cause un accident fortuit, mais des sacrifices tels que la coutume s'est établie d'en offrir dans certaines circonstances 31 ; il s'agirait des sacrifices expiatoires, des sacrifices-rançons 32. Nous savons que, dans ces sacrifices, on ne prétendait pas offrir à la divinité les prémices ou une part de ses dons, mais l'apaiser en lui immolant une vie; l'addition de aovla( y eût donc été sans objet u. 4° Au point de vue des modes d'immolation. Signalons d'abord que quelquefois la victime n'était pas, à Pind. Isthm. IV, 110; Apoll. Rhod. I, 587; Paris. II, Il, 7; VI11, 14, II; Plut. Sol. 9. 13 11. XXIII, 220 sq.; Od. X1, 12 sq. 16 Exemples Aesch. Pers. 009 sq. ; Choeph. début et v. 149; Soph. El. 326 sq. ; 405; 431; 883 sy. ; Eurip. Hec. 521 sq.; Or. 1114; etc. Les sacrifices solennels offerts aux morts par les Platéens (Plut. Arist. 21; cf. Thuc. III, 58), les Siégerions (Simon. fr. 107 Bergk4), par les Athéniens à Marathon (Pans 1, 32, 4 ; Inscr. gr. II, 471), par les Areadiens à Phigalie (Pans. VIII, 41, 1) n'étaient sans doute pas des cérémonies nocturnes, non plus que la fête des Génésia. Si l'offrande d'Oreste au tombeau de son père, dans l'Électre d'Euripide, a été faite la nuit, ce détail est commandé par les nécessités de l'action (Festschr. f. Friedl. p. 423).-17 Aesch. Eus,. 1028; Lys. C. Andoc. 51; cf. Diels, Sibill. Bldtter, 69 sq. -13 Aesch. Ch. 11 ; Eur. Hel. 1038; ef. Festschr. f. Friedl. p. 424. Jason, sacrifiant à Hécate, revêt également des vêtements de teinte sombre (Apoll. Rh. III, 1031, 1205). 19 Hernies, XXV (1890), p. 322, n. 1. -20 Pans. VIII, 38, 5. -21 Schot. Oed. Col. 100.-22Eam. 332. 23 Choeph. 151 sq.; Iph. T. I45.-24 Festchr. f. Friedl. p. 421.23 Dermes, XXXII (1897), p. 249. 26 Iph, A. 1417. 27 Hermes XXXII (1897), p. 248-249. 23 Cf. ci-dessus, § IL 29 Ne pas les confondre, comme on l'a fait parfois, avec les loa(an uo,vo.. 30 Schol. Oed. Col. 100. 31 Par opposition aux louis, xa0.ouaa, sana aasppu, aux 8oatu, néspw, tv ove aslosous, ypdvon3, 32 Herves, XXII (1887), p. 647. 33 Pour l'explication de quelques testes objectés par v. Pritze (De libatione net. Graecoraea, p. 24-25), cf. Stengel, Kultasaltert.2, p. 118, n. 12. SAC -974 SAC proprement parler, immolée, je veux dire tuée de main d'homme à l'aide d'une arme quelconque, mais qu'on la faisait périr autrement; cela se produisait surtout dans des sacrifices expiatoires offerts aux divinités chthoniennes. Ainsi, à Patrai en l'honneur d'Artémis Laphria ', à Messène en l'honneur des Curètes 2, des animaux de toute sorte étaient brûlés vivants. A propos des sacrifices humains, nous avons déjà parlé d'un autre rite : celui de la précipitation 3. A Potniai, près de Thèbes, en l'honneur de Déméter 'et de sa fille, on précipitait de jeunes porcs dans un gouffre (N.syeipei) 4. De même à l'ait préalablement assommée". En second lieu, dans les mêmes sacrifices, la gorge des victimes n'était pas tendue vers le ciel ; elle était tournée vers le sol ", comme on le voit sur la figure 6002 ; c'est ce qu'ex prime, par opposition à eûEpésia, le verbe RaTaa-pitpEty ". Enfin, le coup de couteau porté dans la gorge n'était pas alors un coup de pointe, mais un coup de tranchant qui détachait partiellement la tête"; le mot technique pour désigner cette manière de frapper est ivTÉ,O.vEt'e (d'où bicot= pour désigner les victimes)"; on rencontre également le verbe simple TÉ nvEIV ", ou quelqu'une des Athènes, dans une fissure du sol qui s'était produite, disait-on, lorsqu'Hadès avait enlevé Perséphone A Syracuse, c'étaient des taureaux et autres animaux qu'on jetait dans une source profonde, dont l'origine était expliquée comme celle de la fissure d'Athènes Les auteurs citent encore quelques exemples de victimes noyées dans la mer en l'honneur d'Hélios ou de Poseidon ; mais la plupart de ces offrandes ont un caractère exotique, ou bien elles remontent à une époque très ancienne. Dans les fleuves, les Grecs n'ont, semblet-il, jamais immergé des victimes, dont les cadavres eussent souillé l'eau courante ; le sacrifice au Scamandre dont il est question chez Homère est offert par les Troyens' ; et Achille paraît s'en étonnerf0. Dans l'immense majorité des cas, la victime était tuée d'un coup de couteau ou de hache" ; mais, par rapport au sacrifice que nous avons décrit, l'acte de l'immolation pouvait comporter d'intéressantes variantes. D'abord, lorsqu'on sacrifiait une grosse bête aux dieux chthoniens, aux héros ou aux morts (ce qui, d'ailleurs, était rare "), il est douteux qu'avant de lui ouvrir la gorge on expressions suivantes, presque toutes composées de Tlµ 5e Au point de vue des cérémonies consécutives à l'immolation. Dans un certain nombre de sacrifices, le sang des victimes, contenant soi-disant le principe de leur vie, était considéré comme l'offrande essentielle : ainsi dans les sacrifices expiatoires, dans les sacrifices aux morts (autant qu'ils comportaient une victime animale), et dans les sacrifices accompagnant, un serment29 Il arrivait alors que, pour faire parvenir ce sang aux êtres surhumains à qui le sacrifice s'adressait, on prit de particulières précautions. L'une des plus habituelles était de creuser un trou en terre, dans lequel on faisait couler le sangs; ; ou bien l'autel était percé en son milieu, et un conduit acheminait vers les régions souterraines tout ce que l'on répandait dessus 2" ; pour le même motif, sur la tombe de certains héros, on ménageait des ouvertures ad hoc 26. D'autres fois, lorsque le sacrifice était offert aux dieux de la mer ou des fleuves, le sang de la victime coulait directement dans les eaux, ou bien on l'y versait SAC 1)72 --SAC au moyen du a-i xyEimt 1. S'il s'agissait de solenniser un serment, il pouvait arriver que le sang des victimes fût recueilli, par exemple dans un bouclier, et que ceux qui juraient y trempassent leurs mains ou leurs armes 2. Enfin, dans les sacrifices de purification, le sang, devant servir à laver les souillures, était répandu sur les hommes ou les lieux qu'on se proposait de purifier Voici maintenant une distinction d'une importance capitale. Dans les sacrifices que nous avons décrits, les chairs des victimes se partageaient entre le dieu, le prêtre et les fidèles. Dans beaucoup d'autres, sacrifices expiatoires et sacrifices-rançons, sacrifices en l'honneur des dieux chthoniens, des héros ou des morts 3, sacrifices accompagnant une purification ou un serment 4, sacrifices mantiques la victime entière appartenait à l'être surhumain ; l'homme, en règle générale, n'en devait rien consommer ; c'étaient des Oua(xt IX.yEU6TOt9. Les raisons pour lesquelles il en était ainsi variaient d'un cas à l'autre ; elles se distinguent assez bien. Dans les sacrifices-rançons, il aurait été contradictoire de retenir pour soi-même une part de ce qu'on affectait d'abandonner au dieu; dans les sacrifices accompagnant une purification ou un serment, la victime, maudite, ne pouvait être consommée ; dans les sacrifices aux morts, aux habitants des régions infernales, partager avec eux eût été se ranger sous leurs lois. Les victimes ou g.tpâyta, rappelons qu'elles pouvaient appartenir parfois à des espèces non comestibles, étaient alors le plus souvent brûlées. C'est ce qu'expri aussi le mot, moins expressif mais consacré par l'usage, x1outouv10. La combustion, dans ce cas, ne devait point se faire sur les mêmes autels où l'on brûlait la part du dieu dans les sacrifices ordinaires; il fallait des autels spéciaux, qui étaient fréquemment improvisés et brûlés avec la victime". Quelquefois les victimes étaient enfouies dans la terre12, jetées dans la mer", ou anéanties de quelque autre façon". Il pouvait même arriver que la combustion et l'enfouissement fussent combinés : on brûlait les chairs de la victime, et les cendres étaient enterrées''. Ces pratiques n'excluaient, d'ailleurs, pas for cément que le cadavre, avant d'être livré à la destruction, eût été dépecé. Dans une inscription de Cos, il est dit, semble-t-il, qu'on brûlera sur l'autel le gros de la victime et les (2-72)ià7çvz, qu'on lavera le reste des entrailles (EVTEpx) et qu'on les brûlera à côté de l'autel 16 ; cela implique que le corps était ouvert et vidé. Il le fallait bien, d'ailleurs, dans les sacrifices divinatoires, pour qu'on pût lire dans les entrailles les pronostics qu'on cherchait. Lorsque le sacrifice accompagnait un serment, la victime, semble-t-il, était mise en morceaux'7; de là vient peut-être l'expression 't6 ctx, d'usage courant en pareille circonstance1e; celui qui jurait mettait la main sur les entrailles palpitantes ou les prenait dans sa main 19, ou bien il se tenait debout sur les 1'6µta pendant qu'il prononçait la formule20. Une mise en pièces brutale est attestée de même pour un sacrifice de l'espèce des sacrifices-rançons : celui que les Smyrniotes offraient à Boubrostis 21. Pareil traitement était sans doute infligé à beaucoup des victimes qu'on appelait agaytx22. En général, ces victimes ne devaient pas être dépouillées de leur peau 23. Mais il y avait des exceptions24. La plus connue concerne les béliers qu'on immolait à Zeus Meilichios, et dont la toison servait à des rites purificatoires Rappelons, enfin, qu'après l'accomplissement de certains sacrifices, le sacrifiant devait se retirer sans se retourner en arrière. D'après un passage de l'Odyssée, il semble que c'était le cas, à l'époque homérique, après les sacrifices offerts aux morts35. Plus tard, le culte des morts ayant perdu son caractère effrayant, cette coutume ne s'y est pas maintenue. Elle persista dans le culte des déités infernales. Chez Sophocle, le choeur prescrit à Œdipe, après qu'il aura offert des libations aux Érinyes, de revenir iiotpopo; 26 ; chez Apollonius de Rhodes, Jason doit s'en aller sans regarder derrière lui après avoir sacrifié à Hécate 27 ; etc. 28. Tels furent les rites divers observés dans le cas d'un sacrifice sanglant. Relativement aux autres genres d'offrandes, nous avons peu de chose à ajouter. Rien à dire des parfums, qui s'en allaient en fumée, des libations , que le sol absorbait ou que les flammes consumaient. Les pâtes, en particulier le 7tc).exvdç, et les autres comes SAC 973 SAC tibles pouvaient être brûlés'; ou bien on les déposait sur la table sacrée 2, [MENSA], et les prêtres les y recueillaient, la pari des ministres du dieu se confondant alors, dans la pratique, avec la part du dieu même [sACERDOS]. Parfois elles devaient disparaître de quelque autre manière sans que nous puissions dire exactement comment. A Mykalessos, les fruits que l'on offrait à Déméter passaient pour se conserver intacts, par une espèce de miracle, d'un automne jusqu'à l'automne