Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SAL

SAL ("A),ç). Le sel. -Origine.Pline l'Ancien distingue deux sortes de sel, qu'il appelle, la première, sel natif, sal nativus, qui gignitur; la seconde, sel factice, sal facticius, qui fit; elles se forment l'une et l'autre de différentes manières, mais elles résultent toujours de la condensation ou de la dessiccation d'eaux chargées de sel dissous'. Le sal nativus est un produit naturel; on le trouve soit. en grains, dans des dépôts d'origine marine, lacustre, fluviale ou thermale, soit en blocs dans des gisements souterrains. L'écume que les eaux de lainer laissent sur les rivages et dans les rochers donne, en se condensant par évaporation, un résidu saline. L'été, sous l'action du soleil, le lac marécageux de Tarente, qui communique avec la mer, se transforme tout entier en sel, in salem abit ; en Sicile, les extrémités du lacus Cocanicus et d'un autre lac près de Géla se dessèchent pareillement et donnent aussi du sel; à Chypre, aux environs de Citium, en Afrique, notamment aux environs de Memphis, et dans différentes régions de l'Asie, en Phrygie, en Cappadoce, à Aspendos, en Bactriane surtout, il y a, loin de la mer, des lacs sur les bords desquels on recueille du sel 3; le même phénomène est signalé par Hérodote à propos du lac d'Anava en Phrygie 4 et par Vitruve à propos de lacs de la Libye, entre le temple de Jupiter Ammon et l'Égypte'. Plusieurs fleuves et rivières d'Asie charrient des parcelles salines qui se condensent VIII. à la surface: c'est le cas des flumina salis qu'on voit près des portes Caspiennes, chez les Mardi, en Arménie; c'est le cas aussi de l'0xus et de l'Ochus, en Batrianee on sait que différents fleuves antiques portaient le nom de salsum flumen'; à l'embouchure du Borysthène, le sel se déposait de lui-même en abondance, âaec aGTdp.aTOt 7CrlyVUVTat 8. Parmi les sources thermales dont les eaux fournissent du sel, Pline ne cite que les fontes Pagasaei en Thessalie°. Les gisements salins se rencontrent soit dans les montagnes, comme au mont Oromenus en Indei°, soit dans certaines plaines, au-dessous des couches superficielles de terre végétale et de sable désertique, comme en Sicile, en Cappadoce, en Arabie, en Libye" ; dans cette dernière contrée, on exploitait, aux alentours du temple de Jupiter Ammon, un sel très recherché, le sal ammoniacus, de âuuos, sablef2, enfoui dans le sol, Xeç bpuxTO(, à l'intérieur de buttes de terre, autour desquelles se groupaient les habitations humaines 13 ; les mêmes tertres salins existaient aussi, plus à l'ouest, chez les Augiles, les Garamantes, les Atarantes 14. Aristote parle des mines de sel d'Utique 13 ; et Caton", Pline ", Solin'', Sidoine Apollinaire 19, des mines de sel de l'Espagne citérieure, à côté d'Egeleste. Partout le sel était taillé régulièrement en blocs, à la façon des pierres dans les carrières ; les Arabes 2° et les Libyens21 s'en servaient même en guise de matériaux de construction pour bâtir leurs maisons. Le sal facticius est un produit de fabrication artificielle. Dès l'époque préhistorique, au temps de la civilisation de Halstatt, les hommes savaient extraire le sel des eaux qui le renferment. On a retrouvé en Lorraine, dans les briquetages de la vallée de la Seille (près de Vie et de Burthécourt), en Belgique près de Bruges, au Giebichenstein en Thuringe, à Magdebourg, ailleurs encore, les vestiges de plusieurs exploitations de sources salées: des perches en terre cuite, supportant des tuiles plates munies d'une rigole, étaient disposées par couches au-dessus d'un foyer; l'eau des sources, versée de haut, ruisselait d'étage en étage et s'évaporait sous l'influence de la chaleur ; toutes les pièces de terre cuite se couvraient d'un dépôt salin que l'on en détachait ensuite sans peine 22. Peut-être faut-il voir un souvenir de ces coutumes primitives dans certains procédés grossiers de fabrication encore en usage à l'époque classique : les Gaulois et les Germains jetaient de l'eau salée sur des bois enflammés V3; il en était de même en quelques parties de l'Espagne 24 ; les Chaoniens d'É+pire faisaient bouillirl'eau de leurs sources salines25, et les Ombriens une eau dans laquelle ils avaient jeté des cendres de joncs et de roseaux 26 ; les Ardiaei d'Illyrie se contentaient de 127 SAL 4010 SAL laisser évaporer à l'air l'eau salée qui jaillissait de leurs montagnes'. Le sel tiré du bois n'était ni blanc, ni pur 2. La plus grande partie du sel que consommaient les peuples anciens provenait de salines ou marais salants, établis généralement sur le bord de la mer 3. Le sel était considéré comme un produit de la mer, 9xnTTtov4, un don de Poseidon 3 ; dans l'Odyssée, Tirésias annonce à Ulysse qu'il verra, en se dirigeant vers les Enfers, des peuples de l'intérieur des terres, qui ignorent l'existence de la mer et qui ne salent par leur nourriture". Les Grecs appelaient le,s marais salants âaoar,yt« 7, de D),ç et 7rr,yvuut, lieux ott le sel se solidifie, et les Romains salinae 3, salsae paludes' ; les ouvriers qui y travaillaient étaient les Âo7r-t)^;o( 10 salarii" ou salinatores'2, presque toujours de condition servile 1'3. Les salines romaines d'Ostie, Salinae ronaanae, mentionnées dès les temps légendaires des rois1', sont les plus célèbres du monde antique ; elles approvisionnaient la ville de Rome et toute l'Italie centrale''. II y avait beaucoup d'autres salines dans les différents pays du bassin de la Méditerranée ; quelques-unes se trouvaient même à une distance plus ou moins grande des côtes u et servaient à l'exploitation des eaux de rivières ou de sources salées, comme par exemple en Babylonie et en Cappadoce 17. Le nom de Salinae que portaient plusieurs villes et villages faisait allusion tantôt à l'existence de sources salines, tantôt à la présence de marais salants 18. Rutilius Namatianus nous a laissé la description détaillée d'un marais salant de la côte occidentale d'Italie, près de Voltaterra : « l'eau de mer pénètre par des canaux creusés en pente sur le sol, et de petites rigoles (fossae) arrosent d'innombrables réservoirs (lacus) ; quand arrive Sirius avec ses feux brûlants, quand l'herbe se flétrit et que la campagne est partout altérée, on ferme les écluses (cataractae), la mer n'entre plus et ainsi l'eau devenue immobile, se durcit sur le sol échauffé ; sous la vive influence de Phoebus, les éléments se coagulent en une croûte épaisse o. D'après Pline, on mélangeait le plus souvent dans les salines de l'eau de rivière et de l'eau de pluie à l'eau de mer; parfois cependant, comme en Crète et en Égypte, celle-ci avait seule à intervenir ; aux abords des marais, notamment à Utique, les tas de sel amoncelé et durci à l'air formaient de véritables petites collines 20. On donnait le nom de /los salis, fleur de sel, au sel très léger et très blanc qu'on recueillait, surtout en Égypte, à la surface des salines 21 ; et celui de salsugo ou salsilago, au liquide salé qui restait au fond, sous la croûte de sel solidifiée 22. Caton donne une recette pour purifier et blanchir le sel commun et en dégager la /los salis : on le fait fondre jusqu'à saturation dans une amphore pleine d'eau, que l'on expose ensuite au soleil pour laisser évaporer le liquide" Propriétés et usages. Le sel, natif ou factice, ne présentait pas partout exactement les mêmes caractères ; sa couleur, son aspect, son degré de sécheresse et de solubilité, son goût variaient selon les pays d'origine et les modes divers de préparation ; les anciens appréciaient surtout, comme les modernes, le sel blanc, sec, friable et piquant, qui se prêtait le mieux aux besoins de la cuisine et de la médecine u. Pline l'Ancien nous dit que les hommes ne peuvent vivre sans sel ; c'est un élément nécessaire de leur existence 25. La possession de sources salines était souvent la cause de conflits sanglants entre peuplades voisines 26. De là vient le caractère divin que le sel avait primitivement, comme l'eau, la lumière, la terre 27 (Homère l'appelle Osioç )ç 28), et le rôle qu'il jouait dans les sacrifices religieux : les Romains ne faisaient aucune offrande à leurs dieux sans qu'y figurât un gâteau salé, mola salsa2' [r,IOLA, p. 1962]. Platon déclare que le sel est agréable aux dieux, parce qu'il développe harmonieusement la faculté du goût30. De là aussi la valeur symbolique qu'on attribuait au sel: il était l'emblème de l'amitié, de l'hospitalité u, de la fidélité à la parole donnée ; on jurait par lui". Delà vient enfin le sens métaphorique du mot sales pour qualifier les agréments de l'esprit, le charme riant de la vie, voluptas animi, vitae lepos et summa Iailaritas 33 Il faut remarquer cependant que le mot servant à désigner le sel, arménien al (agit), grec a),ç, latin sal, ancien iranien salann, vieux slave soli, gothique sait, ne se rencontre que dans les langues où existe aussi un vocabulaire développé de la vie agricole34. La consommation du sel est liée étroitement à la culture des céréales ; le chlorure de sodium fait contrepoids à l'excès de potasse que renferment les végétaux; les peuples pasteurs et chasseurs, qui se nourrissent exclusivement de viande et de laitage, n'en ont pas besoin. Même à l'époque historique, les Numides, qui n'avaient pas encore dépassé ce degré de civilisation rudimentaire, ne connaissaient pas le sel 35. Chez les Grecs, les viandes animales offertes aux dieux ne devaient jamais être salées ; Agathion, cité par Athénée, voit en ce fait un souvenir du temps où l'usage du sel ne s'était pas encore répandu36. On comprend le sens profond des locutions proverbiales qui associaient, dans l'antiquité comme dans les temps modernes, le pain et le sel 37 Les Grecs et les Romains utilisaient le sel, dans leur alimentation, de différentes manières : d'abord comme condiment, obsonium, pulmentarium38 ; ils en saupoudraient leurs mets pour leur donner plus de saveur. Quelquefois ils ajoutaient au sel certains ingrédients SAL 1011 SAL destinés à exciter l'appétit [coNDIMENTUM] ; le sel ainsi accommodé s'appelait sal conditum, en grec aaaaxovôeïtov ou üaccac«ctutov'. D'autre part, ils composaient avec les intestins de quelques espèces particulières de poissons, maquereaux et thons, marinés dans le sel, des sauces piquantes dont ils étaient très friands et qu'ils appelaient GAROM et MURJA ; ils donnaient le nom d'alex à une sauce de qualité inférieure et bon marché, faite avec les résidus de la fabrication des deux précédentes. Enfin, le sel servait aussi à la préparation de conserves de viandes et de D'après un vieux proverbe latin, il n'y a rien de plus utile à la santé que le sel et le soleil, nihil esse utilius sale et sole Aussi les médecins prescrivaient-ils constamment l'usage du sel, soit seul, soit associé à d'autres substances (graisse, miel, huile, farine, raisin, vin, vinaigre surtout), sous forme de boissons, de frictions, de cataplasmes, de liniments, de collyres, d'applications sèches ou humides. Astringent et corrosif, il purifie les corps et les préserve de la destruction 3 ; il avive l'appétit, guérit la morsure des serpents, des scorpions, des guêpes, fait disparaître les verrues, les abcès, les démangeaisons, les brûlures, combat les maladies de peau, les maux de dents, les douleurs nerveuses, la goutte, l'hydropisie, les coliques, la fièvre, la toux, etc.4. C'est une panacée universelle. On l'emploie également en médecine vétérinaire, contre la gale des moutons et des boeufs 5, et l'on recommande d'en faire manger aux bêtes laitières, pour que leur lait soit plus abondant et plus savoureux 6. Commerce. Nous ne possédons qu'un petit nombre d'indications sur le commerce du sel dans l'antiquité. Cependant la circulation et la vente d'un produit aussi universellemeut nécessaire devaient donner lieu à d'importantes transactions. Comme presque tout le sel consommé pour l'alimentation était tiré des salines marines, les peuples qui habitaient loin des côtes devaient s'approvisionner auprès de ceux du littoral' et donner en échange les produits de leur propre territoire. Suidas nous dit que le mot atdVi'Itov, littéralement « vendu pour du sel n, signifiait « esclave », dans la langue des barbares, parce que les marchands qui apportaient le sel dans l'intérieur des terres le troquaient habituellement, surtout chez les Thraces, contre des esclaves L'une des grandes voies qui se dirigeaient de Rome vers les contrées du centre de l'Italie, s'appelait via Salaria : elle servait à conduire chez les Sabins le sel recueilli dans les salines d'Ostie Les textes littéraires ne parlent que de l'exportation des variétés de sel utilisées spécialement en médecine. Le sal Tattaeus, des marais de Tatta en Phrygie, et celui de Caunus en Carie entraient dans la composition de collyres et de cataplasmes ; celui de Cappadoce, débité en tablettes (laterculi), servait pour les soins de la toilette ; celui de Tragasae en Troade, pour laver les yeux des animaux; la fleur de sel d'Égypte, le sel de Memphis, de Thèbes, de Péluse, le sal ammoniacus de Cyrénaïque étaient très recherchés, à tel point que l'on falsifiait ce dernier en y mêlant du sel de Chypre ou de Sicile. L'île de Chypre exportait le sel du lac de Citium et celui des salines de Salamine. En Grèce, on préférait pour la table un sel très soluble et assez doux, comme celui de l'Attique et de l'Eubée, et pour les salaisons, au contraire, un sel âcre et sec comme celui de Mégare. En Italie, les principaux centres de production et de commerce du sel étaient, outre le Latium avec Ostie, Tarente et la Sicile, avec le lacus Cocanicus, le lac de Géla, Centuripes, Agrigente. Le sel gemme d'Espagne passait pour le meilleur au point de vue médical". La seule donnée numérique qui nous ait été transmise sur le prix du sel à Athènes se rapporte à une époque tardive et à des circonstances exceptionnelles, au temps de la guerre de Démétrius : la ville était bloquée et toutes les denrées s'y vendaient très cher ; le médimne de blé coûtait 300 drachmes, le médimne de sel 40 drachmes" ; il faut retenir seulement de ce texte que le sel en Grèce valait environ sept fois moins que le blé ; le bon marché de ce produit ressort aussi de la notice de Suidas sur le mot ),tbvritov : les esclaves que l'on appelait de ce nom étaient les plus communs et les moins chers. A Rome, l'édit de Dioclétien sur le maximum fixe le prix du sel ordinaire à 100 deniers le modius castrensis, soit 2 fr. 50 les 17 lit. 51, et celui du sal conditum à 8 deniers le sextiarius, 20 centimes les 54 centilitres 12 ; en 389 ap. J.-C. une loi du Code Théodosien évalue le modius italique de sel à un douzième de solidus13, soit 1 fr. 25 les 8 lit. '75, ce qui correspond exactement au chiffre donné par l'édit du maximum. Dans beaucoup d'États du monde antique, l'exploitation des gisements salins ou des salines et la consommation du sel étaient la source de recettes importantes pour les finances publiques". Les rois de l'Inde tiraient de gros revenus des carrières du mont Oromenus 15. Un passage d'Aristophane mentionne l'existence de décrets de l'assemblée du peuple athénien au sujet du sel16; peut-être organisaient-ils un monopole et prescrivaient-ils des mesures, dans l'intérêt des pauvres, contre l'élévation des prix". A l'époque hellénistique, Lysimaque frappa d'un impôt le sel de Tragasae en Troade"; ; le monopole du sel existait à Byzance", en Syrie", à Palmyre", en Égypte surtout, où fonctionnait un système de ventes forcées au bénéfice du fisc, par l'intermédiaire des ao1rwa«t ou fermiers de la gabelle 22 Chez les Romains, les salines de l'Italie et des provinces étaient la propriété de l'État ; elles faisaient partie du domaine public, au même titre que les mines ; et les recettes pécuniaires qu'elles procuraient au trésor constituaient un vECTIGAL23. Celles d'Ostie auraient été SAL 1012 SAL créées, d'après Pline, dès le temps du roi Ancus Marcius', qui fit au peuple une distribution gratuite de 6 000 modii de sel'. L'institution du monopole de la vente daterait du lendemain même de la chute des Tarquins: en 508, des spéculateurs firent monter les prix très haut ; le Sénat intervint pour interdire aux particuliers de se livrer désormais au commerce du sel'. En 204, les censeurs M. Livius et C. Claudius modifièrent les conditions clans lesquelles était prélevé le vectigal relatif à l'annone salaria; c'est à la suite de cette réforme, dont les détails ne sont pas nettement établis, que M. Livius reçut le cognomen de Salinator'. En général, l'État n'exploitait pas lui-même les salines, mais il les affermait à des concessionnaires nommés conductores salinarum° ou salarié' et groupés en sociétés, corpora' ou societates'. D'après Mommsen, une double préoccupation inspirait les censeurs dans la rédaction des contrats qu'ils passaient avec les fermiers : il fallait que la mise en valeur des biens du domaine rapportât un certain bénéfice au trésor, de là la fixation d'une redevance payée par les conductores ; il fallait, d'autre part, assurer aux populations romaines des approvisionnements abondants de sel à bon marché, de là des prescriptions relatives aux quantités que devaient renfermer les magasins des fermiers et aux prix de vente'. D'après M. Rostowzew, les conductores salinarum, à l'époque républicaine tout au moins, ne faisaient pas eux-mêmes le commerce du sel; ils le fournissaient seulement à des marchands spéciaux, qu'un texte de Caton appelle salinatores aerarii 10: l'épithète aerarii semble indiquer que ces salinatores affermaient eux-mêmes leurs emplois". Arnobe emploie le mot salinatores dans le sens de marchand de sel12 ; un mime de Laberius était intitulé Shcinatort3. Deux inscriptions de Rimini ont été rédigées, en l'honneur d'un officier romain, par les salinatores des deux cités gauloises des Menapii et'des Morini 1£ ; il s'agit sans doute, dans ces documents, de spéculateursromains qui faisaient le trafic du sel sur les côtes de la Belgique'". A Rome, les marchands de sel avaient leurs magasins, salinae, hors de la porta Trigemina 16 C'est dans ces greniers que puisèrent Agrippa, en l'an 721 de Rome (33 av. J.-C.) ', et l'empereur Aurélien7R pour faire au peuple de la capitale, à l'imitation d'Ancus Marcius, des distributions gratuites de sel. Une inscription du règne de Septime-Sévère, découverte dans la Campagne romaine, au lieu dit Campo Saline, près de Porto, fait mention d'un collège de saccarii salarii totius urbis (et) campi sal(inarum) roma (narum), placé sous l'autorité de trois procurateurs impériaux, ainsi que d'un aerarium et d'une arca salinarum administrés par un conseil de seize membres 1'; les saccarii étaient des portefaix ; ceux-ci devaient être chargés de transporter à Rome le sel des salines de l'embouchure du Tibre. Une autre inscription, trouvée à Rome, a été dédiée à Constantin, après sa mort, par le corpus salariorum"0. Du rapprochement de ces deux textes, M. Rostowzew conclut que les saccarii salarii appartenaient à la grande corporation des salarii, chargée, sous la direction d'agents impériaux, de mettre en valeur les salines d'Ostie ; au mo siècle de notre ère, le système de la régie aurait été substitué, dans la banlieue de Rome, au système de la ferme 2'. Dans les derniers temps de l'Empire, on constate l'existence à Rome d'une autre corporation, celle des mancipes salinarum", préposés à la vente du sel, dont ils avaient dans la ville le monopole (comme les salinatores aerarii de l'époqu e républicaine) ; une constitution d'Arcadius et d'Honorius défend d'acheter et de vendre sans passer par leur intermédiaire 23. On entend par manceps un marchand auquel l'État afferme la jouissance d'une boutique 2; ; les mancipes salinarum sont donc les fermiers ou locataires des magasins de vente du sel, salinae; ils étaient à la fois mancipes salinarum et mancipes thermarum; l'entretien et le chauffage des établissernents publics de bains leur étaient confiés, en même temps que la gestion des salinae 25 ; leurs établissements ne payaient pas l'impôt28. MAURICE BESNIEE.