Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SALARIUM

SALARIUM. Ce mot dérivé de sal' désignait primitivement, chez les Romains, le sel fourni aux soldats par le trésor; puis il a signifié l'argent pour les vivres, la solde elle-même avec les prestations en nature 2 et finalement toute espèce de traitement, de salaire 3. 1. Traitements des magistrats et fonctionnaires. Sous la République, les magistrats n'ont pas de traitement proprement dit. Ils ne touchent que des indemnités pour certaines missions. Les commandants en chef, magistrats ou pro-magistrats, reçoivent d'abord de l'État les objets d'équipement nécessaires, chevaux, mulets, tentes, tapis, vêtements, argenterie, anneau, cachet en or, fournis avant le départ par voie d'adjudication publique'; c'est le vasarium. En second lieu, le Sénat inscrit à leur budget une somme déterminée pour leurs frais de voyage (viaticum) et d'entretien, frumentuni in cellam° [AESTIMATUM]. Les auxiliaires du magistrat en province ont eu aussi droit de bonne heure aux vivres, au logement et aux moyens de transport 6 ; pour les prie SAL 1013 SAL cipaux d'entre eux, questeurs, tribuns, légats, membres de la cohors, l'usage s'est établi très tôt de remplacer ces prestations en nature par une indemnité quotidienne en espèces, cibaria' ; en outre, dès l'époque de Cicéron, le gouverneur leur alloue, sous le nom de congiarium (frais de vin) ou de salarium, des gratifications 2 proportionnées au grade et au temps de service et qui sont portées parmi les beneficia sur les comptes officiels des dépenses Les personnages envoyés en mission ont droit aussi à l'équipement, aux moyens de transport qu'ils obtiennent par l'exhibition de leur anneau d'or et, en outre, à des frais de route (viaticum) ; le Sénat alloue des indemnités journalières aux commissaires agraires'. Enfin, l'État paie un salaire proprement dit, merces, aux appariteurs des prêtres et des magistrats [APPARITOBES]' ; mais nous n'avons de chiffres que pour les appariteurs de la colonie Julia Genetiva en Espagne 3. Sous l'Empire, apparait immédiatement le principe des traitements fixes. Auguste alloue à tous les magistrats provinciaux de rang sénatorial et aux légats impériaux des traitements ; le taux en est inconnu °; nous savons seulement que le proconsul d'Afrique a un million de sesterces Il se peut qu'on ait conservé en outre les anciennes fournitures en nature, dont une partie seulement doit être rendue au trésor ". Le tribun militaire a 25000 sesterces par an". Les membres de l'escorte du gouverneur touchent également des cibaria, transformés peu à peu en traitements fixes 19, et peut-être encore le vasarium ". Il est question du salaire des assesseurs depuis l'époque de Septime-Sévère 15, de celui des questeurs attachés au prince 7', et des avocats du fisc17. Ces salaires gardent quelque chose de leur ancien caractère de gratifications et ne peuvent être réclamés qu'extra ordinem'a. Nous ignorons les traitements des emplois inférieurs du palais et de l'administration ", parmi lesquels il y avait beaucoup de postes très lucratifs 20. Pour le traitement des procurateurs et la solde militaire, nous renvoyons aux articles PROCIJBATOR Au Bas-Empire, toutes les fonctions, sauf les charges municipales, sont salariées de la même manière. Dès la fin du Ive siècle'', l'incertitude et les variations de la valeur des monnaies ont amené l'usage général du paiement en nature et non plus en argent dans toutes les relations sociales. On établit une unité pour ce qui est nécessaire par jour soit au soldat ou à l'officier, soit au fonctionnaire ; ce sont les annonce pour l'homme, les capitus ou capita pour ses bêtes23, sans compter le matériel nécessaire, la vestis u, et une petite sornme d'argent, complément du traitement". C'est donc le paiement en nature qui prédomine au Ive siècle 2'. Mais l'empereur pouvant en certains cas avoir besoin de plus de numéraire et les contribuables pouvant aussi, pour différentes raisons, préférer les versements des impôts en argent, on voit se développer la pratique de l'évaluation des denrées, et de leur versement en argent, de l'adaeratio ; largement pratiquée pour les fournitures militaires27, elle n'est encore que l'exception pour les fournitures civiles". Mais au ve siècle se produit une nouvelle révolution économique, c'est le paiement en numéraire qui reprend définitivement le dessus sous la forme de l'adaeratio, d'abord pour l'armée 29, puis pour les fonctions civiles; les annonae et les capitus sont payés soit aux prix du marché, soit le plus souvent d'après des tarifs fixés par les préfets du prétoire 30. A l'époque de Justinien, les fournitures pour l'office du prétoire d'Afrique sont estimées en sous d'or 31, et les annonae des fonctionnaires aux tarifs suivants : 100 livres d'or (7200 sous d'or) pour le préfet du prétoire d'Afrique, 40 pour le préfet d'Égypte, un peu plus de 20 pour le duc de Libye, 20 pour le proconsul de Cappadoce, 15 pour le gouverneur d'Arabie 32, de 11 à 9 pour d'autres gouverneurs. Pour le salaire des officiales, nous renvoyons à l'article OFFICIALES, p. 156 ; pour les traitements publics des professeurs, à l'article EDUCATIO, p. 489-490. II. Salaires des ouvriers libres. Nous avons peu de renseignements sur ce point, les salaires des ouvriers à Rome [pour la Grèce, voir ARTIFICES, p. 445 sq.]. Cicéron donne 12 as comme salaire quotidien d'un journalier57. Dans l'édit du maximum de Dioclétien en 301", il y a une longue liste de salaires journaliers et de prix de travaux estimés en deniers ; ainsi, l'ouvrier de ferme et le palefrenier ont 25 deniers; le berger nourri, 20; le maçon, le charpentier, l'ouvrier boulanger, le charron, le forgeron, le charpentier de bateaux de rivière, 50; le charpentier de navires, le marbrier, le mosaïste, 60 ; le peintre en bâtiments, 65; le peintre d'images, 150; le cureur d'égouts et d'aqueducs, 25; le barbier, 2 par tète d'homme ; le tondeur 2 par tête de bétail ; le capsarius et le bai SAL 1014 SAL gneur, 2 par client; le scribe, 10 par cent lignes; l'avocat, 250 par postulatio, 1000 par cognitio ; les différents mannes touchent par tête d'élève et par mois : le paedagogus, le librarius ou a_ntiquarius et le maître institue ton litterarum, 50 deniers ; le calculator, le notarius, 75 ; le grammairien grec ou latin et le maître de géométrie, 200 ; l'orator ou sophiste, 200 ; le maître de dessin, 100. Nous ignorons malheureusement la valeur exacte du denier de cette époque'. III. Autre sens. Le mot salarium désigne encore une subvention annuelle, accordée par exemple par l'empereur à des sénateurs pauvres2 ou à des membres de sa famille' ; ou bien léguée à un homme honorable'. Il s'applique encore à la rémunération accordée à un mandataire en échange de ses services, et qui peut être réclamée extra ordinem 6, CH. LÉCRIVAIN.