TAGOS
TAGOS (Tayo'ç). Le mot se trouve une seule fois dans les poèmes homériques' ; il se rattache à la racine tag, qui a donné le verbe 'aaaw, ranger, mettre en ordre. Le tagos, d'après le sens primitif du mot, serait le chef qui met ses troupes en ordre de bataille ; dans les poèmes homériques, cette opération, sur l'importance de laquelle le poète insiste souvent, s'appelle xoaisiv ?âaayya. Les deux Atrides sont renommés par leur habileté dans cette opération. Ils sont dits xocIJilropa )Aawv. Ce mot est le synonyme de 7ayo)
Après IIomère, le mot resta exclusivement dans la langue poétique, avec le sens général de roi, prince, chef. C'est ainsi que Prométhée, dans la pièce d'Eschyle, appelle Zeus le nouveau tagos des dieux bienheureux : dans les Perses, le mot est employé plusieurs fois pour désigner des chers de l'armée de Xerxès
Chez un seul peuple, les Thessaliens, le mot logos appartient à la langue officielle, avec un sens précis et déterminé'. On sait que le régime de ce peuple était
aristocratique Les Doriens, maîtres du pays qu'ils avaient envahi, avaient soumis les anciens habitants à un joug très dur. Plusieurs grandes familles dominaient sur divers points du territoire; les Aleuades à Larissa, les Scopades à Crannon, la famille d'Échécratidas à Pharsale'. Ces familles avaient de grandes richesses ; elles tenaient une sorte de cour oit elles appelaient les hommes les plus distingués de la Grèce, surtout des poètes comme Simonide. Les aristocraties primitives, qui un moment ont dominé en Grèce, devaient leur puissance à la cavalerie 8. Cette tradition, négligée dans bien des pays, était restée vivante en Thessalie; la cavalerie de ce pays a toujours été considérée comme une des meilleures de la Grèce".
Cependant aucune de ces grandes familles si puissantes n'était parvenue à établir l'unité du pays et à constituer un pouvoir central". C'est seulement en cas de guerre, quand toutes les cités thessaliennes étaient réunies contre un ennemi commun qu'était institué un magistrat qui semble avoir eu l'autorité souveraine. Ce magistrat était le tagos. Denys d'Halicarnasse assimile le Lagos au dictateur romain ". Les renseignements qui nous sont parvenus sur lui sont trop peu nombreux pour que nous puissions dire exactement quel était réellement son pouvoir. Voici les attributions que Xénophon indique pour Jason devenu tagos" : il fixe le contingent en cavaliers et en hoplites que chaque cité doit fournir ; il peut réunir ainsi 8000 cavaliers, 20000 hoplites et un nombre extraordinaire de peltastes13; il ordonne à tous les périèques de payer le tribut tel qu'il avait été fixé par Scopas 'Q. Tout cela est bien insuffisant. Nous ignorons, entre autres choses, quelle était la durée des fonctions du tagos ; d'après les expressions dont se sert plusieurs fois Xénophon, on voit que le Lage était élu par la majorité des villes" ; mais nous ignorons comment se faisait cette élection.
Jason n'avait pas seulement le commandement des troupes fédérales thessaliennes; il avait aussi à sa solde des mercenaires '. Beaucoup de villes étaient ses alliées ou recherchaient son alliance. Après Leuctres, il exerça une sorte de médiation entre Sparte et Thèbes". Sa puissance le faisait redouter des cités grecques qui le soupçonnaient d'aspirer à la tyrannie. Aussi lorsqu'il eut été assassiné, elles accueillirent ses meurtriers avec honneur i8. Les deux frères de Jason, Polydore et Polyphron, lui succédèrent comme tapes. Ainsi la charge restait dans la même famille et elle avait deux titulaires.
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Polydore mourut bientôt, assassiné probablement par son frère, qui régna en tyran, et fut à son tour assassiné par Alexandre de Phères
Il semble qu'un changement de constitution fut opéré en Thessalie par l'influence de Thèbes et peut-être sous l'action de Pélopidas. En tout cas, nous voyons, dès cette époque, la Thessalie constituée en xotvdv, probablement à l'imitation du xotvdv de la Béotie 2. Ce xotvdv est mentionné dans deux inscriptions; la plus importante' est relative à un traité d'alliance avec Athènes en 361-360. Il est stipulé que ce traité sera sanctionné, du côté des Thessaliens, par l'archonte, les polélnar-. ques, les hipparques, les cavaliers et les hiéromnémons. Ces magistrats sont les mêmes que ceux de la confédération béotienne. Il n'est pas fait mention du tagos.
Ce changement dans la constitution avait donc amené naturellement un changement dans la situation des tages. Nous voyons qu'alors, dans toutes les villes, le pouvoir est entre les mains d'un collège de cinq à sept tages, dont un a la présidence. Il y a cinq tages à Pharsale à Larissa.5, à Crannon ; six à Kiérion' ; sept à Phalanna3. Dans les villes de la Phthiotide nous trouvons, pendant un certain temps, des archontes ; généralement au nombre de trois, ainsi à Tllautnaces °, Halos 10, Narthakon 11. A Lamia, nous trouvons trois archontes en 183, et plus tard, vers 179, trois tages 12.
Cette nouvelle tageia se distingue de l'ancienne en ce qu'elle n'est plus qu'une magistrature locale, municipale. Les biges président l'assemblée du peuple" ; ils proposent les décrets ; ils représentent la ville et c'est par leurs noms que sont datés les actes publics ".
Nous avons enfin à parler de la phratrie delphique des Labyades, dont un important décret, malheureusement mutilé, a été trouvé en 1895 par M. Ilomolle n. Il semble bien que cettre phratrie était d'origine thessalienne ". Elle avait pour chefs des tages. Nous ignorons le nombre de ces magistrats; ils étaient nommés pour un an1'. En entrant en charge, ils doivent prêter serment devant les Cages leurs prédécesseurs19. Ce serment était analogue à celui des anlphictyons delphiques 22. Nul ne peut être tage s'il n'a pas juré ; s'il le fait, il paiera 50 drachmes 21. Le décret règle ensuite la question des offrandes légales pour un mariage ou une naissance; si les tages violent ce règlement, ils peuvent être poursuivis sous les luges de l'année suivante'''. Ici encore le magistrat en exercice ne peut être traduit en justice 2'. Le luge qui, en violation de ce qui est écrit, recevra des offrandes de
mariage ou de naissance, paiera 50 drachmes. S'il ne paie pas, il sera frappé d'atimie et 'exclu des Labyades, en raison de cette amende, comme pour toutes autres jusqu'à parfait paiement'. Les tages, saisis d'une plainte, veillent sous peine d'amende, à ce que l'affaire soit jugée 2°. Ils doivent aussi veiller à ce que les votes soient faits d'après les prescriptions légales 26. A la demande de tout réclamant, ils convoquentles Labyades 27. Suivent des prescriptions relatives aux funérailles et aux fêtes de la phratrie; nous voyons là qu'elle avait encore d'autres magistrats. Ainsi les damiurges peuvent prononcer des amendes avec l'assemblée générale, tandis que les
Quinze sont chargés du recouvrement 2'. ALBEir MARTIN.