Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TELE

TELL (T€ari) ; TELONAI (TEaôwxt). Dans le droit public de la Grèce, le mot Tsaoç a de nombreux sens. 11 signifie tantôt une division, une partie d'une armée', tantôt une dignité politique, une magistrature et par extension les magistrats eux-mêmes, ci: iv TEast 2, en particulier à Sparte [EPnoROI, p. 652]; tantôt les pleins pouvoirs donnés à des députés 3 ; tantôt et le plus souvent, par dérivation du sens primitif de dépense, les prestations et les taxes financières les impôts payés par les citoyens, les métèques ou par les sujets (Û torEÂEt;), les liturgies s, par extension les classes censitaires créées à Athènes par Solon 7 [EUPATRIDES, p. 857]. A l'époque classique les TEarl, dont le paiement se dit Tic TE)is TE).E v ou (tiEpEty K, dont la dispense s'appelle ATELEIA, et pour la prestation desquels l'assimilation des métèques aux citoyens constitue l'ISOTELEIA, comprennent les principaux revenus ordinaires des villes, à savoir : 1° Les douanes et les octrois de terre et de mer [PRosoDoI, p. 702-7031 9. 2° Les droits de passage [DIACOG1oN, EISOSTÈ, FOEDUS, p. 1201 ; PROSOnoI, p. 703]. 3° Les droits de marché [AGORAIA TELÉ, DIAPYLION ; MERCATURA, p. 1702]. 4° Les impôts de vente sur les objets vendus ailleurs qu'au marché, [DEMIOPRATA , IIEKATOSTÈ , PROSODOI, p. 703] 1D. 30 Les impôts spéciaux des métèques [METOIhoi, p. 1876]. 6° Les impôts sur différentes professions [PROSODOI, p. 703]. 7° Les monopoles, soit ordinaires, soitextraordinaires, à des époques de détresse financière [PROSODOI, p. 703] ; en particulier, surtout aux époques hellénistique et romaine, le revenu de la banque publique, qui a le monopole du change et qui est donnée par adjudication 12, quand elle n'est pas administrée directement par l'État TRAPEZITAI]. 8° Des taxes et ressources spéciales, par exemple la taxe sur les affranchissements [èIETOIhION, p. 1876], l'impôt pour payer les médecins publics, le iatrilcon 13 [MEDICUS, p. 1674], peut-être une taxe sur les loyers, Evotxiwv, sur les voitures l4. On peut aussi faire rentrer dans les telè, comme étant généralement affermés, les impôts fonciers sur les immeubles, les différents produits du sol et les esclaves, rares à l'époque classique, mais qui prennent une large extension à l'époque hellénistique 15; et, depuis les Séleucides, la capitation dans l'Asie Mineure [DECUMAE, PROSODOI, p. 704]. Le produit des propriétés publiques ne fait pas théoriquement partie des telè, quoique le mot Tsao; dési gne quelquefois la redevance1e [EPINOIFIA, METALLA, PROSODOI, SAL, p. 1011] ; mais la perception des redevances a été souvent affermée'', surtout pour les pâturages 78. Depuis une époque inconnue, mais sans doute très ancienne, la plupart des telé ont été affermés ; ce trait caractéristique du régime financier grec s'est transmis de la période classique aux périodes hellénistique et romaine; on trouve affermé, à Olbia, jusqu'au droit de lever des amendes en cas de contravention au règlement. sur la vente et l'achat des monnaies 13. L'affermage a toujours lieu par adjudication, en faveur du plus offrant; il est désigné par les termes corrélatifs, 7o3i6tç, 7tw)Eiv, xô;l vxt d'un côté (locare), tsv/, tllvoi Ocr;, pl« 6Oxt de l'autre (conducere) 20, indiquant un véritable achat; les fermiers achètent le droit de recueillir les taxes et les possèdent pendant un certain temps. Leurs noms génériques sont TE.,wvxt, wvr,Tx(, plus tard aussi 13rmu.o6twat 21 ; les noms particuliers, selon les différentes taxes, 7csvr xor-rs) 7ot pour le droit de douane du cinquantième, i aaq sot6Tx(pourl'i?),minv ioxaTr~aôyot, ÔExxTôwxt, EixocTOadyot pour les dunes et les droits de passage du dixième et du onzième établis par Athènes au détroit de Byzance 22 ; 7109voT£).wvŒ1 pour l'impôt des courtisanes 23 [MERETRICES, p. 1833]. On peut réunir plusieurs petits impôts en une seule ferme 24. Le fermier peut être citoyen ou métèque, seul ou avec des associés, xotvwvo(, uÉTozot 23 ; mais l'État ne traite qu'avec le chef, p'aivrv;, TEawvâo7r)ç, qui fournit les cautions, partout nécessaires, soit immédiatement, soit plus probablement dans un certain délai 2°. Les métèques sont peut-être admis aussi à servir de cautions. Elles sont présen tées à Athènes devant les polètes 27. En Macédoine elles doivent posséder une certaine fortune23. Chaque société a ses collecteurs, lxaÉ 7ovTE; 29. A Cyzique, une compagnie a neuf associés, deux E7x7wyot, et trois employés, probablelnentpour les livresi0; à Byzance des fermiers, sans doute de la pèche, s'appellent 6uvvxuTxt, avec un chef et dix-sept associés chargés de différentes fonctions31. Les adjudications sont faites par des magistrats, à Délos par les hiéropes, à IIéraclée du Siris probablement par les polianomes 32 ; à Athènes, à l'époque d'Aristote, par les polètes avec le trésorier de la caisse militaire et les chefs du théorique devant le Sénat : il y a un versement préliminaire dès le début du fermage; les autres ont lieu soit tous les trois mois, soit lestes : à Téos, impôt sur les esclaves (Ath. ,Ilitth. 16, 292-295) ; à Pergame, dîme foncière ("Frankel,Inschr. von Pergamon, 1, 158). 18 A Amorgos (Dittenberger, Syli. 531, 49). Il Andoc. 1, 92; 1. q. 2, 570, 1. 24; Bec. lnscr. fur. gr. I, XIV ter; Michel, 1. c. 570; Bull, de corr% hell. 1899. 39, 1. 26; Dittenberger, Or. jr. 629, 1. 171 ; 496). 18 Michel, 547. 13 Dittenberger, Syll. 546, 29. 20 Andoc. 1, 133-136 ; Dom. 24, 144 ; Xen. Conv. 4, 32; Vect. 4, 19, 20, 25 ; Dittenberger, Syli. 329, 35; Or. gr. 572 ; Ca:. Ad Ait. 5, 16, 2. Surenchérir se dit 21 Dittenberger, Syll. 226, 50, 161 ; Or. gr. 629 ; Strate 14, 1, 26; Dig. 43, 14, 1, 7; Cie. De inv. 1, 30, 47. On trouve aussi des périphrases et improprement les termes tiiaBisr,ç, °asti. é i.oa. I.e latin a eu le mol telonarius (C. Theod. Il, 28, 3). 22 Demi 21, 133 ; 34, 7 ; Pollux, 8, 132 ; 9, 29 ; Lev. Seq. 251, 30; Zenob, 1, 74 ; Aristopb. Ban. 363 ; Harpocr. s. v. iisusi3oe ; Michel, 1. c. 957, 19; Dittenberger, Syli. 936; I. g. 2, 546. 23 Pollux, 7, 202. 24 Michel, 720 (à Cos). 2'm Lye. In Lever. 19 ; Andoc. I, 133-136; Michel, 720; Ath. Afitth. 10, 1885, 205; Bull. de corr. hell. 1908, 27, 1. 297, I l ; nesych. s. v. xe.:rxdor ozoç. A l'époque romaine etwvnç signifie souvent le magister ou le pronzagister d'une société de publicains (Dittenberger, Or. gr.480 ; an), -. 27 Xen. Vectig. 4. 19, 20 ; Arist. Ath. pot. 47, 2 ; Plut. A lcib. 5. 28 Callistrate y aurait fait monter au double la ferme des douanes, donnant jusque-là vingt talents, en décidant que les cautions, qui jusque-là devaient posséder un talent, pourraient ne garantir que le tiers et probablement en morcelant le cautionnement entre plusieurs (Aristot. Oec. 2, 2, 22). 29 Dem. 24, 144. 3u Ath. Math, 10, 205. 31 Dumont-Flomolle, 1. c. Vestiges d'un collège pareil à l'arion (Ath. Alitth. 9, 63). 32 Bull. de corr. hell. 14, 430 ; 27, 89, 1. 144-170 ; 1. g. 14, 645. 69 TEL trois fois par an, soit à la neuvième prytanie, devant les apodektes et le sénat ; leurs différends avec l'État sont jugés jusqu'à IOdrachmes par les apodektes, et au-dessus de ce chiffre par les héliastes ; ils sont dispensés du service militaire pendant l'année du fermage ; comme tous les débiteurs du trésor, s'ils n'ont pas payé à l'échéance, ils encourent l'etimie et le doublement de la dette 2 ; et le sénat régulièrement ou le peuple par décret spécial peut les emprisonner, eux et leurs cautions, jusqu'au paiement'. A Délos, en pareil cas, il y a aussi atimie et inscription sur la stèle des débiteurs 4 ; l'insolvabilité paraît même pouvoir amener la vente du débiteur Partout les adjudications sont gravées sur pierre et exposées comme les fermages des biens publics. Plusieurs villes ont un local, TE)uieitov, pour les versements aux fermiers G. Les adjudications ont lieu généralement pour un an; mais en fait, par l'absence de concurrence 7, elles restent aux mêmes fermiers qui finissent par former une sorte de classe. Les conditions générales des fermages forment les vi.ot TE),covtxo( s. Le règlement le plus connu est celui de la dîme du blé de Sicile, la lexllieronica, lex vendilionis, lex decumis vendundis, oeuvre de IIiéron IL, qui a probablement réuni des règles antérieures, peut-être de Denys conservée par les Romains, avec des règlements accessoires pour l'huile, le vin et les fruits S. L'adjudication faite pour chaque cité, en Sicile, a pour base 10 les déclarations (professiones) faites par les contribuables (aratores) devant les magistrats principaux et qui donnent l'étendue de leurs terres et des surfaces ensemencées ; on admet comme fermiers les Romains ou les indigènes et même abusivement, à l'époque de Verrès, ses agents, les hiérodules de Vénus, les servi Yenerii ", souvent les villes elles-mêmes, qui emploient sans doute alors leurs propres agents [DECUSIAE] 12. Pour les douanes, les importateurs et exportateurs doivent déclarer en détail leurs marchandises aux fermiers . A l'époque classique ceuxci ont en général le droit de visite et probablement de confiscation; le règlement de Kyparissia prévoit une TEL amende du décuple pour les infractions et fausses déclarations 14; celui de Palmyre donne aux fermiers le droit de prendre des gages et d'infliger des amendes '° ; celui de Myrae prévoit une amende au profit de la ville et le fermier peut demander la confiscation du bateau pour atteinte au monopole du transport 16. En Sicile les decumani sont assistés d'appariteurs qui sont souvent, à l'époque de Verrès, les hiérodules de Vénus, mais ne paraissent pas avoir la prise de gages; c'est le gouverneur qui a le pouvoir coercitif 17. A l'époque classique il n'y a pas d'autorité chargée spécialement de contrôler les fermiers ; plus tard ce rôle appartient à divers magistrats, surtout aux commissions de décaprotes 13 ; en Sicile, c'est le gouvernement qui fait juger les contestations; le contribuable lésé peut réclamer huit fois la valeur des taxes levées indûment 19. Cu. LgcRlvAix. TELFSP[IORtJS. I MYTHOLOGIE. Divinité d'importance secondaire de l'entourage d'Asldépios etd'lfygie, « n'apparaissant qu'à la fin de l'époque hellénistique » 1. Les sources littéraires, épigraphiques et les monuments figurés de Télesphore datent dans leur ensemble du temps de l'empire romain. Les rares auteurs anciens qui parlent de Télesphore ne nous disent ni à quelle époque, ni dans quel pays, ni à la suite de quelles circonstances s'est constitué le culte de Télesphore, ni pour quelles raisons on l'associa si étroitement à celui d'Asklépios et d'Hygie. Les savants modernes ne semblent pas avoir réussi à expliquer d'une manière satisfaisante le nom de Télesphore par l'étymologie grecque 3. Pour les uns, c'est le génie de la convalescence, conception que partagent encore plusieurs savants Pour d'autres, c'est une divinité qui donne la santé parfaite ou qui la préserve des maladies qui la menacent G. On le considère aussi comme un génie de la médecine magique 7, un démon des rêves guérisseurs', ou un dieu du sommeil, analogue à l'Hypnos gréco-romain '0 [somNus. Certains critiques, s'autorisant de l'opinion d'Aristide le rhéteur" et de Pausanias 12, considèrent Télesphore comme un dieu de Pergame 13, ou comme l'Akésis d'Épi TEL 70 TEL daure' ; d'autres, comme originaire d'Asie Mineure 2 ; d'autres encore le croient de provenance celtique 3. M. S. Reinach, se fondant sur le caractère trompeur del'étymologie grecque de Télesphore, sur la provenance septentrionale de son costume et sur une ingénieuse interprétation d'un texte de Pausanias qui indique, selon lui, l'adoption d'un culte étranger à Pergame par l'ordre d'un oracle estime que Télesphore est une divinité d'origine barbare qui, venue peut-être de la Thrace 5 ou de l'Illyrie, s'est introduite à une époque récente dans le Panthéon gréco-romain. Quoi qu'il en soit, c'est à Pergame que le culte de cette divinité prit au lue siècle de notre ère une importance considérable. C'est aussi de cette ville que provient le texte le plus ancien qui la mentionne. On a découvert près de l'Asklépiéion de Pergame une inscription avec dédicace à Télesphore, qu'un trésorier de la Mysie inférieure a fait graver pour le salut et la victoire de l'empereur Trajan (98 99 ap. J.-C.) 6. Une seconde inscription qui existait autrefois au musée de Vérone était dédiée par une ville inconnue à ses dieux sauveurs, Asklépios de Pergame, Hygie et Télesphore'. Le rhéteur Aelius Aristide, dans ses discours sacrés, considère Télesphore comme le collaborateur d'Asklépios. Il se révèle en songe aux malades en compagnie du dieu de la médecine : le gouverneur d'Aristide, hérite, a vu deux fois, dit-il, Asklépios accompagné de Télesphore lui apparaître en songe. Il a revu un baume avec des instructions sur la manière de l'employer Télesphore ne se borne pas à jouer ce rôle de collaborateur d'Asklépios ; il exerce lui aussi en songe une influence personnelle sur les malades. Lors dune autre xision il apparaît seul à Aristide lui-même, projetant devant lui une lueur comparable à la lumière du soleils. Le philosophe Proclus a une apparition analogue 10. Ces diverses apparitions présentent les caractères principaux des visions de l'ncuRATIO. LeS divinités apparaissent aux malades sous une apparence belle et juvénile, entourées d'une lueur mystique et disparaissent d'une manière subite". Nous apprenons aussi qu'un voeu fait à Télesphore dispense Aristide de se soumettre à une grave opération f2. Dans un autre cas, à la suite d'un songe, le rhéteur dépose dans le temple d'Asklépios un trépied d'argent orné des trois images d'or d'Asklépios, d'Ilygie et de Télesphore13. Il y a plus, les fidèles lui rendent un culte particulier ; Aristide déclare avoir vu en rêve une chapelle et une statue de Télesphore dans le temple d'Asklépios". Il affirme aussi avoir constaté l'existence d'un vatcxoç de Télesphore, on Telespflorion, ainsi que d'un autel de la mérne divinité dans le temple d'llygie 15. Au revers des monnaies de bronze frappées sous les empereurs Antonin, Commode, Caracalla et Géta, on voit, à l'intérieur d'un temple ou devant une sorte d'autel, un petit personnage vêtu d'un manteau à capuchon ; c'est le dieu Télesphore i°. Il. LIEUX DE CULTE Le culte de Télesphore, venant probablement de Pergame, a pénétré au cours du me siècle après J.-C. à Épidaure, où il s'est substitué progressivement à celui d'Akésis 17. M. Cavvadias, dans ses fouilles de l'Asklépiéion d'Épidaure, a découvert plusieurs dédicaces très brèves à Télesphore. dont les plus anciennes datent du règne des Sévères 18. On l'honorait aussi en Thrace, comme le prouvent une dédicace découverte à Épidaure, oit Asklépios, Hygie et Télesphore sont appelés: divinités de Pautalia'9, et les représentations du revers des monnaies de bronze de la ville d'Ulpia Pautalia, frappées sous les règnes de MarcAurèle, de Commode et de Caracalla20. On a trouvé en Thessalie une dédicace aux mêmes divinités relative à des offrandes de vases d'or et d'argent destinées à Asklépios et à Télesphore 21. Le culte de Télesphore a pénétré à Athènes, probablement par la voie d'Épidaure, au cours du Ine siècle après J.-C., comme semblent l'indiquer les inscriptions découvertes sur divers points du territoire de l'Attique 22 La plus importante est le péan de Cassel, éloge emphatique d'Asklépios, d'Hygie et de Télesphore 23 que l'on remercie particulièrement de son efficace intervention lors d'une épidémie24. On croit que c'est à cette occasion que son culte s'est introduit à Athènes 26. Deux listes d'éphèbes, qui datent de la même époque, nous montrent que Télesphore est devenu la divinité protectrice d'une de ces confréries 2n. monnaie de Nicée (Bithynie), frappée sous Antonin le Pieux, nous montre Télesphore sous l'aspect d'un petit personnage debout, vêtu d'un ample manteau à capuchon relevé sur la tête. Sa figure reste seule visible, ses bras sont dissimulés sous le manteau (fig. 6776). La légende, qui varie, le désigne : «OEfl TEAEC(POPf2 MAI EICou NIKAIEfIN2i,»ou« E111(9ŒVTri) TEAEC(yopov) NIKAIEIC28.» Le revers d'un petit bronze d'Aegae en Cilicie, datant du règne de Philippe le père, d'Otacilie et de son fils, TEL 71 TEL nous présente Télesphore entre Asklépios et IIygie, groupés sur la façade d'un temple hexastyle ; sur la frise de ce temple se lit la légende : « OEn. Cf2THPI K. OEÛ. OEAECOOPf2'• On a proposé plusieurs hypothèses pour déterminer l'origine du manteau àcapuchon de Télesphore (fig. 6776, 67 7 7). Les uns le croient venu d'Asie iMineure 2, d'autres de pays gaulois ou thrace [cucuLLUS]. Il passe aussi pour un vêtement de convalescent un symbole des mystères de la médecine magiques ou un vêtement de nuit'. Télesph ore, sur une monnaie de bronze de la ville de Perepene, est debout, tenant une grappe de raisin; M. Wroth y voit le symbole ancien de certaines monnaies de cette ville et non un attribut particulier'. Quant à la tablette munie d'un manche, ainsi qu'aux deux rouleaux qui apparaissent (fig. 6777) derrière Télesphore dans un groupe de marbre du Musée du Louvre, ce sont les symboles de la science médicale d'Asklépios et non ceux de Télesphore 8. Sur un diptyque d'ivoire du British Museum on remarque à gauche d'Asklépios un Télesphore lisant un rouleau développé'. Le Télesphore du groupe de l'ancienne collection Strangford, au British Museum, porte à son cou une sorte de boîte pouvant contenir un charme ou un amulette 10. Sur une monnaie de bronze de Pergame Télesphore tient une branche d'arbre 11 La plus ancienne représentation de Télesphore serait celle qui figure au revers d'une monnaie des Ségusiaves (58 à 27 av. J.-C.), où l'on croit le reconnaître en compagnie d'Hercule 12, s'ilétait certain que ce soit son image 13? M. Wroth pense que la plus ancienne représentation authentique de Télesphore est celle des revers de petits bronzes de Pergame qui portent au droit la tête d'Hadrien et au revers la petite figure du dieu debout dans son costume caractéristique '4. La belle statue de marbre de Télesphore de l'ancienne collection Foucault 1J, ainsi que celle de marbre rouge du musée Torlonia, à Rome16, le montrent enveloppé dans son manteau jusqu'à mijambe; le capuchon ne laisse à découvert que le visage 1'. Une statuette de bronze de la Bibliothèque nationale porte les mains en avant et jointes sous le manteau 18. La collection Caylus en contenait une autre de Télesphore, assis ou accroupi, le buste incliné en avant10. Signalons ensuite le groupe d'Asklépios et de Télesphore du Mûsée du Louvre20, un autre de l'ancienne collection Strangford, au British Museum 21, le bas relief de marbre d'Asklépios et Télesphore découvert dans l'île d'Imbros 22. M. Wroth croit reconnaître des représentations similaires sur des monnaies de bronze des villes de Pergame '«règne d'Aetius César), de Perga " (règne de Gallien) et de Rome 2" (règne de Caracalla). Télesphore dans le groupe du Musée du Louvre (fig. 6777) tient les bras repliés sous le cucullus ; les revers de certaines monnaies de bronze de Pergame nous le montrent avec le même geste (fig. 6778) 26. Des statuettes de terre cuite, de basse époque, les unes découvertes à Athènes dans les ruines de l'Asklépiéion, les autres à Magradi (Attique)", représentent Télesphore tantôt debout, tantôt accroupi ou assis, les genoux relevés jusqu'à la hauteur du menton. Deux groupes d'Asklépios et de Télesphore, d'un style négligé, sc trouvent à Rome, au palais Mas TEL 72 TEL simi 1, et à Carthage, au musée du Bardo 2. Des gemmes représentent Télesphore entre Asklépios et Hygie3. Ils sont groupés de même sur un bas-relief du musée de Budapest 4, sur une tablette d'ex-voto de marbre 5, sur le diptyque d'ivoire de Wizaia au British Museum sur l'une des zones d'un vase à reliefs provenant d'Halicarnasse (111e siècle ap. J.-C.) au même musée Parmi les découvertes récentes dans l'Asklépiéion de Glava Panega (Bulgarie, province de Tetven), se trouvent un groupe d'Asklépios et de Télesphore 8, et deux basreliefs figurant la triade des dieux guérisseurs, de style grossier(basse époque)'. Signalons quelques rares représentations où, à côté de Télesphore, seul ou accompagné d'Asklépios et d'Hygie, sont figurés d'autres personnages mythologiques, tels que Vénus, Déméter, Harpocrate; sur une monnaie de Bizyia (Thrace, les mêmes divinités et deux femmes voilées 10; sur le revers de deux monnaies de bronze, l'une d'Hiérapolis 11, l'autre de Dionysopolis (Phrygie)13, Déméter à côté ou devant Télesphore ; à Strawberry Ilill, dans un groupe de statuettes de marbre, Harpocrate et Télesphore 13; dans trois groupes de figurines de terre cuite, à Athènes, Vénus et Télesphore 14. M. D. Vaglieri a découvert tout récemment, à Ostie 1J, une statuette de terre cuite de Télesphore assis sur un socle. De chaque côté du petit dieu on remarque une sorte d'autel; sur l'un est un cochon; on croit distinguer sur l'autre des épis de blé, sans doute symboles du culte de Déméter, dont on constate les relations étroites avec les cultes d'Asklépios et de Télesphore. On désigne peut-être à tort sous le nom de Télesphore des statuettes gallo-romaines de bronze trouvées en diverses localités françaises 18 L'étude de la numismatique démontre que le culte de Télesphore s'est répandu dans la plupart des provinces de l'Asie Mineure, en Mysie, Bithynie, Ionie, Éolide, Lydie, Phrygie, Pisidie, Pamphylie, Galatie, Carie, Cappadoce et Lycaonie. Les monnaies découvertes en Asie Mineure s'échelonnent en série presque continue à partir du règne d'Iadrien jusqu'à celui de Gallien (117 ap. J.-C. à 238 ap. J.-C.) ; en Thrace, du ,règne de Marc-Aurèle à celui de Gordien III (133 ap. J.-C. à 2114 ap. J.-C.). M. Schenck en a donné une liste assez complète f7. On peut y faire quelques additions. Mysie : Télesphore figure le plus souvent debout, de face, vêtu du cucullus, au revers des petits bronzes de Pergame, à partir du règne d'Hadrien sur tout un groupe de monnaies publiées récemment par M. En tze s. Sur un petit bronze du règne d'Aelius César on le voit en compagnie d'Asklépios 19. Sur le revers des petits bronzes des règnes d'Antonin le Pieux, Commode et Caracalla, Télesphore se présente seul, au-devant d'un petit temple distyle, son naïscos ou Télesphorion 20 De grands bronzes du règne de Caracalla montrent Télesphore dans l'attitude ordinaire sur une sorte de piédestal qui lui donne l'aspect d'une statue, entre Asklépios et l'empereur Caracalla ou seul à côté du dieu21. Sur d'autres exemplaires Télesphore figure entre l'empereur et le serpent d'Asklépios enroulé autour d'un arbre22. Ces monnaies commémorent le voyage de Caracalla à Pergame, ainsi que l'hommage qu'il rendit en personne à Asklépios dans son temple. De Pergame, le culte de Télesphore s'est propagé dans d'autres villes à Gargara 23, Pitane 2'r (règne de Trajan et d'Hadrien), Germe 23 (époque antonine), Perepene 26 (Antonin le Pieux), Adrarnyteum 27 (Marc-Aurèle), Cyzique26 (règne des Antonins), Iladrianoi 29, Iladrianeia 30, Hadrianothera 31, Iladriani 32 (règne de Maximinus). Bithynie à Nicée, sur le revers de petits bronzes de Commode, TEL 73 TEL Septime-Sévère et Julia Domna'. Il figure aussi sur le revers des grands médaillons de bronze de la ville de Nicée (Antonin le Pieux et L. Verus)'; sur le revers des petits bronzes de Prusa ad Olympum3 (Commode et Orbiana) et de Tium4 (Antonin le Pieux). Lydie : sur le revers des petits bronzes de Tripolis, de Germe «'poque antonine), Nikaia Kilibis 6 (Aurelius César, Commode et Geta), Cilibiani inferiores-' (Marc-Aurèle), Philadelpheia « Julia Domna), Julia Gordos « SeptimeSévère), Santa 10 (avec Asklépios et Hygie), Attalia et Silandos''. A remarquer une série de monnaies lydiennes, portant au droit la tête d'Héraklès et au revers la figure de Télesphore des villes d'Akrasos, Attaleia, Thyateira, Hyrcanis, Julia Gordes et Svnaos'2. -Ionie: sur les monnaies des villes de Smyrne 13 (Hercule Op.lophylax au droit, Télesphore au revers) (époque antonine). En Pamphylie: à Perga (règne de Gallien), Télesphore debout, de face, à côté d'Asklépios. Galatie : à Tavium et à Pessinus'°. Pisidie: à Apollonia Mordiaeum, Lyrbe et Termessus 16. Cappadoce : à Tvana17. -Lycaonie : àParlais t8. Phrygie : à Alia (Marc-Aurèle), Otrus (Caracalla), Docimeum (Sévère) et Dionysopolis (Sévère)" .Aeolide : à Cymé 20 (Antonin), Elaia et Myrina 21. Cilicie : à Elaiusa Sébasté avec Asklépios (Gordien) et à Aegae 22. Carie : à Bargasa, Apollonia-Salbacke, à Attuda23. Thrace : dans les principales villes de cette province, à Hadriani, à Hadrianopolis, à Bizyia2'. Sur une monnaie de Bizyia (fig. 6779) Télesphore est réuni à Escu Ix. lape, Apollon, IIygie ; dans le haut la Fortune et Jupiter debout lançant la foudre. GASTOS DARIER. 1. MYTHOLOGIE. -« Tandis que les hommes ont divinisé l'eau, la lumière et les saisons, en un mot tout ce qui répond à leurs besoins communs, il n'ont pas seulement considéré la Terre comme une chose divine, mais ils en ont fait une véritable divinité 2 .» Cette parole de Plutarque, vraie pour les plus anciennes traditions connues, le restera jusqu'à l'extrême déclin du paganisme. La Terre, mère universelle des êtres et leur nourricière inépuisable dans la théogonie d'Hésiode', survit dans les spéculations mystiques et théurgiques des derniers âges, en tant que divinité présidant aux pratiques de la magie, à la révélation du principe divin en général, aux moyens qui permettent à l'humanité de se mettre en communication intime et personnelle avec les autres dieux'. Dans la théogonie de l'Iliade et de l'Odyssée, c'est Téthys qui personnifie l'élément solide et le principe nourricier, Ohéanos représentant l'élément humide 6, Gaea, éclipsée par les Olympiens et reléguée au second plan, a des traits nettement personnels : elle est la mère de Tityos et d'Érechthée, géants monstrueux et héros fondateur.; appelée vénérable, elle est l'objet d'un culte de la part des hommes et tenue en grande considération par les dieux eux-mêmes. Avec hélios et les Érinnyes, elle est au nombre des esprits préposés sur la terre à faire observer la sainteté du serment et chargée dans les enfers d'en châtier la violation : Hélios, à ce titre, reçoit le sacrifice d'un bélier blanc, Gaea celui d'une brebis noire, quand il s'agit, par une cérémonie solennelle, de résoudre le différend de Pâris et de Ménélas 6. Chez Hésiode, Gaea est nettement la personnification d'un principe cosmique et, avec Ouranos qui lui est donné TEL -7hTEL pour époux, le plus ancien de tous, celui qui représente « ce qui est matière solide, étendue etvisible ». Antérieure dans le temps aux Olympiens et même leur mère, comme elle l'est de toutes choses, elle devient l'intermédiaire entre leur dynastie et celles des forces primitives du monde' ; dans la révolution qui substitue le règne de Zeus à celui de Kronos [SATURNUS, p. 10831, elle joue le rôle équivoque d'une intermédiaire qui, après avoir engendré les Géants, les Titans, les Cyclopes, les Érinnyes, assiste à leur défaite, se soumet au pouvoir du vainqueur et se sert de son influence pour les réconcilier avec lui, après la victoire'. Les vases peints et les bas-reliefs des âges suivants la représenteront surgissant suppliante devant le maître de l'Olympes ; grâce à elle, les fils révoltés de la Terre reprennent une place honorable dans l'ordre nouveau établi par Zeus; pour ces êtres issus de son vaste sein, elle fait valoir les droits de sa maternité universelle. Le couple primordial d'Ouranos et de Gaea, dont l'adoration constituait le fondement de l'antique religion, fait place au couple de Zeus et de Gaea; son être alors se diversifie selon les milieu;` et toutes les personnifications féminines de la fécondité productrice expriment au fond le même principe. Dans les Hymnes, Gaea est invoquée comme la mère de tous les dieux et de tous les hommes 4 ; après avoir conseillé à Zeus d'absorber Métis et d'enfanter Athéna, elle présente à Zeus et à Aéra, dans la célébration de la théogarnie, les pommes d'ors ; elle se soumet sans abdiquer; elle garde sa place de divinité éminente sans empiéter sur les droits des déesses récentes créées à son image Elle incarne la réconciliation de la dynastie de Kronos et de celle de Zeus qui a pris sa place 7. L'hymne homérique, de beaucoup postérieur à l'épopée héroïque et théogonique, composé en l'honneur de Gaea, mère des dieux et épouse du Ciel étoilé, s'inspire de ces antiques traditions. Gaea y est appelée mère universelle, déesse vénérable, qui répand l'abondance, nourrit tous les êtres, fait la richesse des cités, la joie et la prospérité des familles 8. De cette caractéristique, plus poétique que religieuse, il convient de rapprocher le chant rituel des Péliades de Dodone : « Zeus était, Zeus est, Zeus sera! 0 puissant Zeus 1 C'est Gaea qui fait naître les fruits : or donc invoquez Gaea la 111ère9.» A Aegées en Achaïe, où elle est l'objet d'un culte qui se perd dans la nuit des temps, elle est adorée sous le vocable de EU,116TEpVOç10, cette vaste poitrine rappelant à la fois les générations monstrueuses des Titans et des Géants et la fécondité inépuisable du monde que gouvernent les Olympiens, où elle continue d'enfanter. Les héros en qui se personnifient et la fondation des cités et les progrès de la civilisation sont présentés comme ses rejetons : ainsi Cécrops et Triptolème ". Gaea s'unissant aux Fleuves procrée des enfants cri grand nombre pour peupler le monde dans sa nouveauté; puis elle est remplacée dans ce rôle par les Nymphes dont quelques-unes sont ses filles, procréées par Ouranos12. C'est aussi par ce biais que Gaea en vient à se confondre avec des divinités plus récentes, comme Déméter qui n'est en réalité que Gaea rajeunie ou renouvelée par des cultes spéciaux. Lorsque Eschyle associe, dans l'invocation de Prométhée aux forces divisées du monde, Gaea à l'Aether, aux Fleuves, au Soleil, àla Mer 13, il fond le point de vue cosmogonique dans la conception mythique de la Terre. Il est d'accord, non pas seulement avec les poètes de l'âge suivant, mais avec la religion populaire de tous les âges en Grèce. De tous les cultes, le plus expressif est celui que l'on rendait à Gaea dans le temenos qui, à Athènes, était voisin du sanctuaire de Kronos et de Rhéa ; là, Gaea sous le vocable de xoupospôpoç présidait aux unions maritales; ce culte était, dans la légende, rattaché à Erichthonios, personnification du premier homme, héros fondateur de la cité ". Le nom de xoupoTpI'poç n'est d'ailleurs pas spécial à Gaea : il est porté par Artémis-ilécate chez Ilésiode, par Latone chez Théocrite, par Artémis dans les hymnes orphiques, par d'autres encore". Des dieux mâles, comme Apollon, et, d'une façon générale, des divinités incarnant des fleuves ou des sources sont appelées xoupm' dYot. Le sens en est déterminé par l'hymne homérique, qui n'est pas antérieur à Solon : « C'est par toi que naissent et les beaux enfants et les fruits savoureux » Et un fragment de Solon lui-même mentionne une xoupo-rp6pos 7,t7rz97l, une nourricière opulente de la jeunesse, qui ne devait être autre que Gaea 17. Elle était adorée en compagnie de Déméter Chloé, la divinité qui fait prospérer les céréales '°. L'identité originelle, à Athènes, de Déméter et de Gaea [cf. CERES, p. 10.2, n. 30], en dépit d'une étymologie récente, n'est point douteuse 19. Une des formes les plus expressives de la personnalité mythique de Gaea est celle qui, dès les temps les plus reculés, paraît l'avoir identifiée avec PANDORA Ou Anésidora, c'est-à-dire avec la divinité qui met à la lumière les dons de la vie germée dans les profondeurs du sol20. Le nom même de Pandora est à interpréter par une divinité de la Terre qui s'efface avec le temps, pour ne plus représenter, chez le poète des Œuvres et des Jours, TEL -75 TEL que la première femme, à la fois séduisante et funeste. Un commentateur ancien d'Aristophane l'interprète par Gaea, en tant qu'elle fournit tout ce qui est utile à la vie, d'o t les vocables de auôouoo; qui donne la vie et d'Anésidora (qui en fait monter les forces à la surface de la terre) : « Pandora est une ligure très ancienne, primitivement celle de la Terre Mère en personne. » Un vase du ve siècle représente un groupe formé par une divinité féminine que désigne le mot 'A'rr eldpx, par IIéphaistos qui la pare et par Athéna '. Cette confusion subsiste dans des traditions postérieures où Ilhéa, identique à Gaea, est appelée Pandora et assimilée d'autre part avec Déméter 7cxv30'Tetpz, c'est-à-dire Gaea encore. Mais le rôle de Gaea n'est pas borné à ces fonctions en quelque sorte matérielles. Chez Hésiode déjà il est parlé de sa sagesse, et chez Homère son intervention dans la prestation du serinent en fait une divinité de la Justice souveraine 2. À Delphes, elle est vénérée comme la prophétesse par excellence, antérieure., pour sa science divinatoire, à Thémis et à Phœbé dont la légende fait ses filles. Eschyle l'appellera 1-çrn.7dp.zv7t 3. A Olympie, près d'une crevasse où se dressait un autel de Thémis, elle rendait des oracles 4. A Aegées en Achille, la prêtresse, pour la consulter, descendait dans une caverne après avoir bu du sang de taureau 5. A Dodone, elle était consultée en même temps que Zeus 6. Ce n'est que plus tard que, dans ces divers centres vénérables de la divination', la personnification de la Terre fut remplacée par des divinités locales, plus populaires et plus précises. La coupe [JUSTITIA, fig. 12!5] où est représentée Thémis rendant des oracles à Aegées établit sa filiation avec Gaea 6. Partout l'intervention de cette dernière détermine le caractère général de ces oracles qui sont des p.«vzt:b, ~9dvtx, ainsi que les désigne Pausanias à la suite des poètes tragiques 9. C'est parce que Gaea est la plus ancienne des divinités chthoniennes et la Ghlltonienne par excellence, que les plus récentes ne justifient cette qualité que par leur communication avec sa substance et que les héros sont les fils de Gaea10. Chez Hésiode, la Terre Géante (7rE),ocr) reçoit le puissant Zeus pour le nourrir; chez Pindare, Aristée et ailleurs les Palikes sont ou enfantés par elle ou accueillis dans les régions de la lumière. Par une association d'idées analogues, Gaea s'unit aux Fleuves et procrée avec eux les héros topiques; et elle est dans un rapport analogue avec les sources, à Patras par exemple, où, en compagnie de Déméter, elle prophétise auprès d'une fontaine fatidique '~. Et comme elle a enfanté ces représentants des énergies naturelles, elle les recueille dans son sein, pour en procréer de nouvelles. A Delphes, l'o2mnALos était considéré comme la tombe de Python, à Lébadée comme celle de Trophonios 1L. a La source, a dit M. Maass, est le signe révélateur de la 'l'erre Mère ; la vénération dont la source est l'objet lui est conciliée par la Terre d'où elle jaillit. 1 Dans ses profondeurs se concentrent les principes qui créent la vie, qui la conservent, qui la dissolvent pour la renouveler13 : non pas seulement les forces de la vie physique, mais aussi celles de la vie morale, dont les oracles sont la manifestation idéale. Une assimilation intéressante à ce point de vue est celle de Gaea avec Tyché FonruNA), considérée comme la chance heureuse d'une ville ou d'un pays 14. En réalité, Tyché n'est autre chose qu'une Gaea au sens limité ; elle est l'extension de la qualité de xouooipdipe à des entités collectives qui ont droit à la protection des mêmes divinités que celles qui président au destin des individus. Gerhard a fait ressortir l'aisance avec laquelle l'être de Gaea se prête ainsi à des identifications variées avec un grand nombre de divinités féminines, telles que les Ilithyies, Thémis, Kora, Déméter, Iféra même et Athéna' ; les noms diffèrent seuls; toutes ces divinités, de caractère maternel, sont une expression ou locale ou particulière de la Terre créatrice et nourricière. Tantôt elle est la déesse mère qui, de concert avec Zeus, entretient l'organisme du monde et qui, nommée Olympia, continue le pouvoir d'Ourania associée à Kronos; tantôt elle incarne le destin, Moira où Thémis, expression de la loi d'ordre et d'harmonie qui s'impose même à Zeus. Gaea, qui est honorée d'une façon toute particulière à Olympie, est invoquée sous le vocable de 'Ondp,7-tx à Athènes. Le vocable, pour quelques-uns des anciens dont Plutarque se fait l'écho, serait identique à xoopo~pdyo; 16. Son culte était populaire sur l'Acropole dès les temps de Solon ; et la légende en rapportait l'institution à Erichthonios lui-même. Cependant le vocable étant porté par d'autres divinités avec un sens plus général qui le fait appliquer à tous les dieux célestes, par opposition avec les dieux primitifs de la dynastie de Kronos et plus tard avec les dieux qui règnent dans les profondeurs du Tartare, il semble que la Terre surnommée Olympia soit simplement le pendant de la 'l'erre TEL invoquée sous le vocable de XOévtz; ainsi les deux vocables désignaient les deux aspects différents de sa personnalite mythique. Des raisons purement topographiques ont pu compliquer le sens du vocable; à Syracuse, elle paraît l'avoir recu de la proximité de son sanctuaire avec celui de Zeus Olympique, ce qui était également le cas pour l'Olympia d'Athènes'. On voit par le rôle même qu'Ilomère donne à Gaca dans les pratiques du serment solennel comment la divinité qui est le principe de toute vie et de toute fécondité devient une divinité de la mort et se trouve, avec les Erinnyes, reléguée dans les profondeurs infernales'. Les poètes postérieurs exploitent cette croyance qui s'est d'ailleurs perpétuée dans le culte. Dans les Choéphores d'Eschyle, quand Oreste supplie l'âme de son père de l'assister dans la lutte contre les meurtriers, c'est à Gaea Chthonienne qu'il s'adresse; de même Atossa, évoquant l'ombre de Darius, l'implore de concert avec Iladès et Hermès psychopompe, ailleurs avec toutes les divinités infernales. A ce titre, Gaea, une inspiratrice de justice et de sainteté, est aussi la divinité du châtiment réservé aux violateurs du serment et des lois naturelles ; Électre l'implore auprès du tombeau d'Agamemnon A Athènes elle a\ ait sa statue auprès de l'Aréopage, à côté de celles des Érinnyes, d'Hermès et de Pluton ; les accusés qui avaient été acquittés lui offraient des sacrifices dont témoignent les inscriptions I1. CULTE. La Terre Mère, vénérée par tous les Grecs, au même titre que les autres dieux, n'obtient cependant un culte attesté par des temples, des autels, des images et des rites spéciaux, que dans quelques localités, assez distantes l'une de l'autre et souvent fort obscures. Dans le Péloponèse seul et à Athènes il s'offre à nous avec tous les caractères d'une religion populaire. Sur la côte d'Achaïe les mêmes phénomènes de tremblements de terre qui 3 mirent en honneur la di\inité de Poséidon, valurent à Gaea des hommages publics. Les villes de Patras, d'Ilélihé, d'Aegées et d'Aegira y étaient célèbres à ce titre. Au temple de Déméter, à Patras, Gaea était honorée à côté d'llithyia et représentée par une statue assise; devant le sanctuaire, qu'entourait un bois sacré oit coulait une fontaine, les malades venaient consulter son oracle 5. A Aegées, sa divinité honorée sous le vocable d'eûpuarspvoç était installée dans un enclos nommé Gains, expression qui se retrouve avec un sens identique dans l'Altis d'Olympie'. Elle était représentée par un xoanon debout entre Déméter et Kora assises. L'idée de ce groupement se TEL retrouve dans des images votives en argile, recueillies dans des tombes athéniennes; cependant la figure placée au milieu n'est plus identifiée avec Gaea, mais avec Athéna Poliade ll y a beaucoup de témoignages en Grèce d'un culte de 1a Terre, et beaucoup de témoignages aussi d'un culte d'une Mère qui n'est pas toujours nécessairement la Terre, mais qui, dans un grand nombre de cas, doit être de préférence identifiée avec elle. Les pratiques et les croyances populaires ont pris peu à peu un caractère mystérieux qui donne l'impression d'une religion antique dont on ne parle qu'avec une pieuse réserve 8. Le Gaios de l'Apis d'Olympie portait un autel sur lequel se dressait une statue de Gaea ; tout à côté était un second autel érigé à Thémis. Le premier était placé, disait la légende, sur un tertre de cendres grises, du haut duquel la déesse rendait des oracles dès la plus haute antiquité s. De même àDelphes, le plus ancien oracle était sous l'inspiration de Gaea [sc.PTdutoN, p. 1207]; celui d'Apollon s'y substituaplus tard, la nymphe Daphnis ayant été, par le dieu, instituée son interprète; de Daphnis l'oracle passa à Thémis, pour devenir celui de la Pythie, inspirée directement par Apollon 10. A Dodone, où Gaea avait pour prêtresses les Péliades et où elle était chantée, de concert avec Zeus, dans un hymne que nous avons cité, Pausanias mêle la personnalité de l'antique divinité à l'obscure tradition d'une lignée de Sibylles qui se rattachaient aux Péliades ". Euripide exploite cette tradition : il invoque comme divinités justicières et Gaea et Zeus, dont l'oeil perspicace note les actions coupables des mortels. A Tégée aussi existait un autel de Gaea, dans le voisinage de celui d'Ilithyie, autel en pierres blanches qui portait en même temps les images de deux héros topiques". A Sparte, il y avait un emplacement consacré, nommé Gasepton, terme inexpliqué encore 1', sur lequel s'élevait un sanctuaire de Gaea, à proximité d'un autel d'Apollon Maléate; un autre temple y était dédié à la même déesse ainsi qu'à Apollon Agoraios M. Maass fait remarquer que les sanctuaires de la Terre Mère en Grèce sont d'ordinaire à coupoles et qu'ainsi ils rappellent l'OMPUALos ''. Ces tertres, dont le plus célèbre, celui de Delphes, fut considéré comme le centre même de la terre, existaient assez nombreux en divers lieux, généralement au carrefour de plusieurs chemins 15. Ces symboles, là même oit le souvenir du culte de Gaea s'est affaibli jusqu'à se fondre dans une religion nouvelle, nous ramènent à ses premières origines, alors que, partie d'un grossier naturalisme, sa divinité évolue vers la personnification TEL '17 de la xoupot.pipo, dont la notion se fond avec celle de la Chthonienne dans l'unité du principe qui fait de la mort la condition du renouvellement de la vie. Ainsi encore s'explique que Gaea ait été à l'origine la protectrice par excellence de l'union maritale'. C'est en Attique et tout spécialement à Athènes que le culte de Gaea a eu le plus d'importance. La déesse y est vénérée, comme nous l'avons vu, sous les trois vocables d'Onui.Tia, de xoupordppoç et de y0dvta 2. Parmi les temples les plus anciens, Thucydide signale sur le versant sud de l'Acropole celui où elle était associée aux hommages que recevait Zeus Olympien. Elle y était représentée par un très vieux xoanon, dans une attitude suppliante, en face du dieu à qui elle demandait de la pluie 3. Il est fait allusion à des jeux, peut-être des lampadophories, célébrés en son honneur. Au bourg de Phlya, dont le héros topique est un de ses fils, on la vénérait sous les vocables de N.Eï l/el et aussi d'Anésidora. La prêtresse du temple de l'Acropole était assistée de deux Herséphares, assistantes qui ne figurent d'ordinaire que dans le culte d'Athéna ; et elle avait un siège réservé au théâtre de Dionysos `. Gaea xoJporpd og avait un sanctuaire propre près de l'Aréopage, non loin du temple de la Victoire, et il lui était commun avec Déméter Chloé La comédie d'Aristophane témoigne de la popularité du culte athénien de Gaea, par les expressions d'étonnement auxquelles se mêle son nom et aussi par des formules de serment. Dans les Oiseaux, la Terre est citée après Kronos et les Titans parmi les plus anciennes divinités. Un commentateur, à ce passage, nous apprend que l'alouette lui était consacrée 6. Dans l'O'dipe à Colone, le héros invoque Gaea avec Zeus Olympien'. Cependant c'est la divinité chthonienne qui dans Gaea est surtout en honneur à Athènes '. Cicéron fait remonter jusqu'à Cécrops, d'autres jusqu'à Erichthonios, c'est-àdire jusqu'aux premiers héros issus de son sein, le culte dont elle est l'objet. La cité entière célébrait le même jour des yevéct«, fête de la naissance, et des vcxuatc, fête de la mort, en lui offrant des sacrifices. On connalt l'emploi que fait Eschyle de cette double religion de Gaea dans les Perses et les Choéphores. Un sarcophage qui représente la légende de Prométhée nous montre Gaea qui, par l'entremise d'Hermès Psychopompe, présente à Pluton une bourse, rançon des morts Les idoles en terre cuite trouvées dans les tombes attiques témoignent de sentiments analogues; pour les plus récentes, Athéna Polias se substitue à la vieille divinité, comme ailleurs ont pris sa place TEL Déméter, Thémis, la Grande Mère des dieux, Hécate. etc.1° Sur des tablettes en plomb, découvertes aux portes de la ville, Gaea est invoquée comme divinité de la mort Il est tout naturel que dans une ville comme Athènes, où l'amour du sol natal fut une des plus puissantes manifestations du sentiment national, le culte de Gaea ait pris un caractère nettement patriotique 12. Nous avons déjà remarqué que les plus anciens héros, rois et fondateurs comme Érichthonios et Cécrops, sont les fils de Gaea et qu'ils ont mis la religion de Gaea à la base de leur organisme politique ; on en peut trouver quelques preuves à l'article o:VIPIiAT.os (IV, p. 197 sq.). Aux témoignages cités il convient d'en ajouter un nouveau 13. Un lécythe représente deux serpents commis à la garde d'un omphalos et qui se précipitent sur un jeune homme en train de forcer l'enceinte du tertre consacré; l'omphalos est entouré d'une haie vive dont le profanateur a commencé de briser les branches; une chouette, symbole de la terre athénienne, en précise la signilication. On peut rapprocher de cette scène la tradition qui fait remonter à Erichthonios la coutume de commencer tous les sacrifices par une offrande à Gaea xouporpdoc. Une légende de Paros racontée par Hérodote a un sens analogue : Gaea en personne délivre le pays qui lui est cher, en punissant les envahisseurs''". Les Romains avaient des croyances identiques et il les transportaient, dans l'interprétation de certains cultes barbares. Suétone raconte que Drusus, sur le point de franchitl'Elbe, alors extrême frontière de l'empire romain par rapport à la Germanie, fut arrêté par une femme de stature surhumaine, qui fit cabrer son cheval et, désarçonnant le cavalier, causa sa mort. La Terre Mère des Germains avait défendu le sol de la patrie et vengé sa violation 15. Quelques particularités sont à signaler dans le culte athénien de Gaea. L'autel sur lequel on lui sacrifiait était de forme basse, rond ou carré, creusé à la surface, de l'espèce de ceux que l'on nommait Ea14at tnna, p. 3tl0j, les mêmes que ceux sur lesquels on sacrifiait aux morts héroisés. Les offrandes étaient de nature assez variée ; elles consistaient surtout en céréales et en fruits"; on ne lui présentait des victimes sanglantes que lorsqu'on l'implorait comme divinité du châtiment, de nature chthonienne et préposée à la sanction du serment f9. Nous avons cité le témoignage, d'ailleurs isolé, du scholiaste de Pindare, parlant de jeux célébrés à Athènes en l'honneur de Gaea 1e. Pindare lui-même chante un athlète qui, entre autres, se distingua aux jeux faisant partie du culte de cette déesse'. Comme il s'agit d'un TEL 78 TEL personnage originaire de Cyrène, c'est peut-être à cette ville qu'il convient de rattacher la coutume en question. Mais le texte où Antimaque donne à Gaea le titre de mère des coursiers d'Adraste peut n'être qu'une image mythologique, sans allusion à quelque fête reli gieuse 1. III. TELLLs MATER A ROME. La force des préoccu pations agricoles dans la primitive religion des Romains suffirait à expliquer la place importante qui y est faite à la divinité de la Terre 2. Tellus Mater (tel est le vocable le plus ancien, bien antérieur à Terra Mater qui est du langage populaire et par là même plus fréquent dans les inscriptions3 , est, dans sa signification générale, identique à la Gaea N~t-rlp ou 7tXlt.pt.91TEtpCC des Grecs. Mais les traits que lui donne l'esprit latin sont plus vulgaires^. Les spéculations théogoniques étant étrangères aux Romains, il ne faut pas s'attendre à trouver Tellus opposée à quelque principe cosmique comme chez les Grecs; on l'associe simplement à Jupiter, le Père par excellence, et elle-même va devenir la Mère. Il est d'ailleurs assez difficile de délimiter ce qui dans sa personnalité est purement indigène et ce qui est venu d'éléments grecs °. Ainsi la confusion ou tout au moins l'association de Cérès et de Tellus remonte très haut dans l'antiquité romaine, et l'on ne saurait dire qu'elle fut due à l'influence hellénique. Peu à peu la figure de Tellus perd de son crédit religieux et finit par être éliminée au profit de Cérès, sans cesser d'ailleurs complètement d'être honorée avec elle. Le Flanlen Gerialis fait des sacrifices à toutes les deux et même il invoque Tellus sous douze noms différents qui exprimaient les phases diverses de son action agricole 0. Des textes de Varron qui sont l'écho des livres Pontificaux nous mènent a un temps où Tellus était indépendante de Cérès et meme de Jupiter 7. Dans les mdigitawenta, elle figure, principe féminin de la fécondité, à côté d'un dieu mâle nommé Tellumo ; tous les deux sont les divinités du sol fertile et à côté se place un couple de signification particulière, celui de Altor Rusor radical : rus , qui a du faire pendant à une dea Rusina, ce qui fait dire à saint Augustin que les Romains ne se sont pas bornés à confier la garde des champs à un seul dieu, mais à plusieurs". Tellus et Tellumo personnifient la notion générale du sol producteur ; l'autre couple celle des cura, c'est-à-dire des terres cultivées en plaine. Les Indigitamenta détaillent davantage encore, puisqu'on y troue le deus Jugatinus, la dea Collatina et la dea Vallonia qui exercent leur action sur les pentes des monts, sur les collines, sur les vallées 9. Mais ces figures s'éliminent rapidement. Ovide, en décrivant les SEMENTINAE Feriae, se borne à associer Tellus avec Cérès, l'une fournissant à: la semence le sol où elle lève, l'autre le principe qui la féconde. A la même époque, Tibulle ne nomme que Cérès et passe Tellus sous silence i0. Dans le culte, Tellus, qui a eu principalement son rôle dans l'union maritale et la procréation des enfants chez les Romains, comme la Gaea xoupoTp?o; chez les Grecs", cède ce rôle à Cérès, alors qu'au contraire s'accentue chez les premiers le caractère chthonien de Tellus, soit qu'il s'agisse de son intervention agricole, soit qu'elle prenne une, signification funèbre. Le cas de Tellus fécondante nous est offert dans la cérémonie des FORDICIDIA (II, p. '2.73), où une vache pleine lui est immolée pour la prospérité des semailles en avril ; la divinité de Tellus, qui, ayant fait sortir du sol toutes les générations, les reprend ensuite pour dissoudre leurs éléments et en tirer des existences nouvelles'', se précise dans le vieux formulaire de la nh:voTio (II, p. H3) : Tellus y représente le monde des morts en compagnie des _lianes. Tellumo, qui devient chez un auteur du IvC siècle 7'ellurus, compagnon mâle de Tellus, correspond au Geû; 7Oovto; qui fait pendant en Grèce à 4ru.iiT-gp yOd'tta, laquelle n'est autre que Gaea à l'origine 13. Un commentateur de l'L'neide a recueilli un témoignage qu'il dit d'origine étrusque et dont il se sert pour interpréter le passage de Virgile racontant la rencontre d'Innée et de Didon dans la grotte à la faveur d'un orage; Juno Pronuba et Tellus Mater y président 14. Servius remarque qu'il n'est rien de plus fâcheux pour un mariage que la coincidence d'un tremblement de terre ou d'un grand trouble dans le ciel. Ainsi s'expliquent les sacrifices que les jeunes mariés lui offrent le jour de leur union. Nous savons d'autre part qu'après un tremblement de terre, il était d'usage d'organiser une supplicatio à Cérès, divinité (lui, dans le texte de 'Pite-Live, s'est très probablement substituée à Tellus. Celle-ci se retrouve d'ailleurs sur des monnaies de l'époque impériale avec le vocable de stabilis ou de stabilisa, qui fait allusion à des phénomènes sismiques". Dans le même texte, Servius nous apprend queTellus est invoquée pour la célébration des mariages. Elle a sa place dans les auspices qui les précèdent; l'épousée lui offre un sacrifice avant de se rendre à la demeure de son époux ou quand elle y est arrivée. Ce sont là des croyances que Rome n'a pas dà emprunter à la Grèce. L'on peut en dire autant de la coutume dont parle Macrobe d'invoquer Tellus Mater en même temps que Jupiter, lorsqu'on prête serment; TEL 79 TEL en nommant la Terre on touchait le sol avec les mains ; en attestant Jupiter on les levait vers le ciel 1. Ce que nous savons de Tellus, dans la religion agricole des Romains, porte également tous les caractères de la piété purement latine. On invoquait, Tellus en compagnie de Cérès, avant de procéder à la moisson, dans la cérémonie de la truie, nommée pour cette raison praecidanea, sacrifice qui, comme les coMPITALIA, les FORNACALIA, les PARILIA, faisait partie des popularia sacra et remontait à la plus haute antiquité Wissowa fait remarquer que la cérémonie est en rapport, non seulement avec le travail agricole, mais avec le culte des Mânes, ce qui permet de conjecturer que Cérès y figure comme la divinité préposée aux moissons, tandis que Tellus y a le caractère chthonien de la déesse qui reçoit les semences dans son sein 3. Le sacrifice correspondant de la porca dite praesentanea, c'est-à-dire célébrée devant le mort, avant la cérémonie funèbre, était tout d'abord offert à Tellus seule ; plus tard à Cérès conjointement avec elle, sous l'influence des idées grecques'. Acta Larentia, qui présidait à la fête funèbre des Larentalia, où le flamine de Jupiter sacrifiait aux dieux Mânes, est. elle aussi, une de ces divinités féminines de signification hellénique et agricole comme Dea Dia, Ops, et même Vesta, qui se sont, dans certains cas, ou identifiées avec Tellus ou substituées à elle'. En résumé, chez les Latins, Tellus, comme Gaea chez les Grecs, est la personnification du sol fécond où sont déposées les semences pour y fructifier, où vont se transformer les organismes morts, pour y procréer sans fin des existences nouvelles; elle signifie germination, naissance, croissance, décomposition, mort et résurrection G. A ces divers titres, sa divinité fut une des plus compréhensives, des plus variées, des plus assimilables de la religion romaine ; son être se retrouve sous des noms divers, non pas seulement latins mais barbares; et la notion qu'elle incarne étant des plus vulgaires, il n'est pas surprenant qu'elle ait alimenté, sous toute sorte de formes, la piété des peuples groupés sous le pouvoir de Rome. Chez les Grecs déjà on voit la divinité de la Terre mise au service des médecins ou des sorciers qui cherchent des simples et préludent à leurs opérations en lui adressant des offrandes et des prières Les chercheurs de trésors aussi tâchent de se la rendre favorable par des sacrifices. Nous la trouvons, chez les auteurs romains, invoquée de concert avec la Nuit, avec Hécate, avec Luna, dans des scènes d'incantations et de fouilles intéressées. Tellus, dit Ovide, pourvoit les sorciers d'herbes qui ont des vertus surnaturelles ; elle figure à ce titre dans le tableau que le poète trace des pratiques de l'enchanteresse Médée à côté des sombres puissances, parmi les éléments déchaînés'. Nous possédons deux fragments en vers iambiques° que les manuscrits attribuent à Antonins Musa, le médecin célèbre de l'empereur Auguste, mais qui ne sentent guère ni la langue ni le goût de cette époque; même datés de deux siècles plus tard, ces morceaux sont les témoignages curieux d'un culte superstitieux de la Tellus antique. Le premier est une prière, adressée à la Mère de toutes choses, à l'arbitre souveraine du monde, refuge des morts et régulatrice du renouvellement des existences40. Il est aussi une prière, of les redites tournent à la litanie et qui implore pour le médecin la science de choisir, parmi les herbes les plus efficaces pour le malade, les dispositions favorables à en profiter. L'autre fragment " est une invocation aux herbes elles-mêmes que la 'l'erre a enfantées afin de les donner à tous, elle, la Hère qui a fait naître et qui conserve : quae nos jussit nascier. La poésie philosophique de Lucrèce, sans doute sous l'influence de ses modèles grecs et plus particulièrement d'Empédocle, a tiré un parti assez heureux de la personnification théogonique de Tellus 12. C'est elle qui possède en sa substance, à l'origine, toute la vertu des atomes. Rhéa Cybèle, la Grande Mère des Dieux, mère en même temps de l'humanité et de tous les êtres vivants ou organisés, n'est autre que Tellus, comme l'une et l'autre sont, le cas échéant, supplantées par Cérès. Ces figures mythologiques sont ramenées par le poète incroyant à la notion abstraite du principe universel : a terra quoniam surit cancta creala 13. Mais en conservant le langage de la poésie religieuse, Lucrèce reste en communication intime avec l'opinion populaire, sans sacrifier à l'illusion des personnifications mythiques. Cette Tellus _Mater ou Genetrix a reçu la consécration de l'opinion par les inscriptions, moins nombreuses toutefois qu'on pourrait s'y attendre 1'. D'autre part, il n'est fait mention à Rome même que d'un seul temple érigé en son honneur. Il fut voué en 268 av. J.-C. par le consul P. Sempronius, au cours d'une campagne contre les Picentins, à la suite d'un tremblement de terre survenu pendant une bataille. Ce temple fut bâti dans le quartier des Carènes, sur l'emplacement même de la maison de Sp. Cassius. Il parait avoir été bâti en forme de rotonde. Les autels mêmes de Tellus étaient circulaires, ainsi que ceux de floua Dea, avec laquelle elle se confondit souvent ". En dehors de Rome on ne cite aujourd'hui qu'un sanctuaire voué à Tellus par un affranchi de T. Sextius sur un drapée, tenant d'une main le sceptre, de l'autre la patère : sa tête est couverte d'un voile et couronnée d'épis, comme certaines représentations Dacie nous offre en son honneur. dans sa villa de Formies : ce Sextius est probablement le lieutenant de César dans la guerre des Gaules'. Une inscription mentionne la restauration d'un de ces temples à Rome par Septime-Sévère. Une aedicula défendue par une grille, avec la statuette de la déesse, a été exhumée près de S. Lorenzo fuori avec l'inscription TER cauM ; le dédicant la nomme dea pia et conservatrix mea (fig. 6780) 3. Quant à la statuette, elle représente une femme assise trône, de Dea Dia 4. Dans les provinces, seule la des inscriptions assez nombreuses Ailleurs on la trouve vénérée en compagnie de Saturne, Jupiter, Mercure, Vénus et Hercule ; on ne sait ce que fut une Tellus Gilva Augusta, objet des hommages d'un adorateur africain 5. Un passage de Tacite nous montre comment les soldats romains identifiaient certaines divinités étrangères avec la Terra Mater de leur patrie °. Les Germains qui habitaient sur les bords de l'Elbe et de l'Oder vénéraient une déesse du nom de Nerthus, « c'est-à-dire la Terre Mère; ils la font intervenir dans les affaires humaines ». Grégoire de Tours en assimile une semblable à Rhéa Cybèle ; et dans la Vie des Saints on cite en plein moyen âge, pour la Gaule, l'exhibition de figures divines vêtues de voiles blancs, que les paysans promènent à travers les champs et qui sont très probablement des idoles ou de Tellus Mater ou de Cybèle avoir vu à Aegées et à Patras, en Achaïe, des statues archaïques qui représentaient Gaea assise entre Déméter et Dora, les déesses éleusiniennes, celles-ci figurées debout à ses côtés Nous avons dit plus haut combien il était difficile de la distinguer d'autres divinités qui ont peutêtre pris sa place au cours des âges et aussi comment il est possible que les terres cuites funéraires trouvées sur l'Acropole et correspondant à la description de Pausanias représentent, non la Gaea xouporpel?o4, mais Athéna Poliade 9. Cependant il est sûr que l'image cultuelle de Caca a existé. Polybe, décrivant un cortège triomphal organisé à Daphné par Antiochus Épiphane, y signale, avec d'autres statues représentant les dieux, celles de la Nuit, du Jour, de la Terre, de l'Aurore et du Midi, images symboliques plutôt que religieuses, à l'époque que raconte l'historien, mais pour la plupart apparentées à des figures cultuelles 10. Celle de Gaea, nous la reconnaissons dans une statue de style hellénistique, datant de la période romaine et trouvée à Rome 11; elle représente une femme, jeune, d'aspect imposant, assise sur un trône, voilée et drapée, le haut du buste découvert. Dans la main droite, elle tient une patère ; la gauche tendue s'ouvre dans un geste de libéralité (fig. 6781) . L'ensemble rappelle les images les plus connues de Cybèle. Mais la divinité dont nous parlons est entourée d'animaux domestiques, à droite un boeuf et une brebis, à gauche un porc; c'est la figure de la Tellus Mater, telle que la religion agricole des Romains l'a adaptée à son positivisme, en transformant une représentation grecque de pia. Si nous remon tons au type grec d'où dérive cette statue, nous rencontrons la même divinité féminine, mais représentée dans ses fonctions maternelles 12, c'est-à-dire portant sur ses genoux ou dans ses bras, soit un, soit deux enfants. Les statues et figurines en bronze de ce genre sont nombreuses dans les collections ; on est porté à y voir la représentation de la Terre Mère, mais d'autres divinités maternelles y correspondent également. Pour celles qui sont d'origine romaine on n'a que l'embarras du choix; et la divinité qui s'offre la première est ROUA DEA 13. Dans le nombre, il en est qui sont debout, s'acquittant de leurs fonctions de mères ou de nourrices; d'autres nous ramènent au type de la statue Blundell que nous venons de décrire, ou à ceux de Cérès, de Cybèle, de Dea Dia, de Junon allaitant Hercule et même d'Aphro TEL 81 TEL dite'. Tel est le cas des figures qui portent sur les genoux un enfant [cf. CLRES, fig. 1293] ou lui donnent le sein. On s'arrêterait plutôt à celles qui, assises sur un trône, tiennent un enfant dans chacun de leurs bras, comme les Grecs semblent avoir de préférence représenté la xoupo'rp;po; ; les Romains paraissent y avoir ajouté, dans un intérêt de clarté, les animaux domestiques et, en plus, des fruits et d'autres attributs. Ce type des représentations figurées de Tellus nous est donné, dans sa signification la plus nette et la plus complète, sur deux bas-reliefs, l'un à Florence, l'autre de Carthage actuellement au Louvre, qui reproduisent exactement celui qui ornait l'Ara Pacis élevé à Rome par Auguste'. On y peut joindre une pierre gravée du musée de Florence, peut-être récente, mais dont la composition est bien antique, et dont Stark, la commentant à l'aide d'une description empruntée au poète byzantin Manuel Philé, a fait le thème de sa dissertation sur la Terre Mère dans la religion et dans l'art hellénique'. Les bas-reliefs nous montrent Tellus assise, soutenant un enfant de chaque bras; sur ses genoux reposent des fruits, à ses pieds est couchée une génisse, tandis qu'à côté une brebis broute le gazon (fig. 6182)1'. La pierre gravée représente une Terre d'allure royale, avec une mitre en tête, un sceptre dans la main gauche, la droite soutenant une corbeille d'où sortent trois épis qu'un homme nu fait mine de cueillir; dans le champ de la composition un autre homme, en tunique et appuyé sur un bâton, un boeuf, un cerf, une brebis et un cheval, en haut trois cabanes; au premier plan la mer avec deux navires et une tête barbue et chevelue d'Océan La divinité de la Terre serait ainsi opposée à celle des mers, par tout ce qui pouvait attester son universelle fécondité. Revenons aux représentations classiques de GaeaTellus. Il est légitime de chercher sa figure, si populaire à Athènes, parmi les sculptures du Parthénon `. De très bonne heure Broenstedt, et après lui Millingen avec Leake, ont cru pouvoir la reconnaître sur le fronton ouest dans la femme assise qui porte un enfant sur chaque bras : on aime à se figurer ainsi la xoucoip?oç, vénérée sur l'Acropole. La comparaison avec une amphore à figures noires, de style attique, qui se trouve au Louvre, donne à cette opinion un grand degré de vraisemblance ; et Kuhnert, le plus récent des archéologues qui aient étudié Gaea, s'y rallie pour sa part'. Il est juste de dire que l'identification avec Latone ou avec Leucothea compte des partisans tout aussi autorisés. D'autres ont cherché Gaea sur le fronton opposé, parmi les divinités qui témoignent de leur surprise dans la scène de la naissance d'Athéna'. Stark a cru la reconnaître dans la ligure féminine qui fait pendant à l'Ilissus : mais ces conjectures sont plutôt fragiles 9. On a trouvé sur les flancs de l'Acropole, auprès du IX. temple de Niké, à l'endroit même où se trouvait un sanctuaire de Gaea xupo7pô?oç, deux groupes représentant une femme avec un enfant, dans l'attitude de l'Eiréné portant sur son bras gauche le petit Ploutos, oeuvre du re sculpteur Céphisodote -rAx, p. 36:2], et qui se retrouve dans d'autres groupes, interprétés d'ordinaire par Leucothea avec Palémon, ou par Héra allaitant, soit Héraclès, soit Dionysos 10. Kuhnert en rapproche la déesse portant un enfant sur chaque bras qui orne un vase athénien à figures noires 11 en compagnie de Dionysos et d'Hermès. Il existe aussi, un texte nous l'assure, un type de Gaea xaaroyopoç''' : Percy-Gardner interprète par Korè, sortant de terre avec un bouquet d'épis, un buste de femme figuré sur une monnaie de Lampsaque, dont le revers représente un cheval ailé n. Strube et après lui Drexler y ont vu Gaea dans sa fonction de divinité agricole ; toutefois aucun témoignage ne mentionne cette déesse dans celle région Après avoir émis l'opinion que les figurines en argile, de style archaïque, trouvées dans des tombes athéniennes, représentaient Gaea XO;vta, qui reçoit dans son sein après leur mort les enfants qu'elle a engendrés et nourris n, on a expliqué la même divinité par Athéna Poliade. Des figures analogues ont été découvertes en Sicile où il n'y a guère de traces, exception faite d'une Gaea Olympia à Syracuse, du culte de Gaea 16. Ce qui est plus démonstratif c'est que l'image de Gaea XOovta est exploitée sur les sarcophages d'origine gréco-romaine. L'exemplaire le plus topique nous est fourni par un ii TEL -82TEL sarcophage du musée de Vérone'. Une femme y figure assise sur un rocher, vêtue d'une longue robe, la tête enveloppée d'un voile qui tombe jusqu'à ses pieds. L'attitude n'est pas seulement pensive, mais affligée. Mercure s'approche de la femme tenant une patère et le caducée ; c'est Mercure Psychopompe avec la Gaeachthonienne ; les noms figurent à côté : P~... `Epgr~c. Les représentations de Gaea-Tellus que l'on trouve sur les vases peints diffèrent fort de ce que nous avons conjecturé relativement aux images cultuelles et se ressemblent entre elles2. Les auteurs des sarcophages se sont manifestement inspirés de céramistes qui ont beaucoup plus exploité les données très riches de la fable que ne le montrent les rares images de l'ancienne sculpture. Les épisodes où Gaea figure sont la scène de la naissance d'Érichthonios, celle de la lutte des Géants contre les dieux de l'Olympe en général, ou d'un géant isolé contre une de ces divinités. L'oeuvre la plus ancienne est le relief en terre cuite trouvé dans un tombeau à Athènes sur les bords de l'Ilissus 3 et représentant Gaea géante , dans sa fonction de xoupoTpo:, oç, remettant à Athéna, en présence de Cécrops, l'enfant qu'elle a eu d'Hé phaistos (fig. 6783). La même scène se retrouve sur un vase peint où figurent en plus lléphaistos et une divinité féminine qu'on a identifiée soit avec Pandrosos, soit avec Hersé [CECROPIDES, fig. 1278] 4. Un autre groupe de vases peints nous montre Caca mêlée à la lutte des Géants 5, ses fils, contre les dieux de l'Olympe, et intervenant en suppliante auprès de Zeus ou de Poseidon qui s'apprêtent à les châtier. Elle y est représentée sortant de terre à mi-corps, les mains levées dans un geste de supplication anxieuse, le visage affligé. Ainsi nous la montrent le vase d'Aristophanès et la frise de Pergame [GIGANTES, fig. 3561, 3564], et d'autres monuments encore. Sur un vase de Caeré, Gaea défend le géant Tityos, Terrae omniparentis alumnum 6, contre les flèches d'Apollon et d'Artémis, en présence d'Hermès [PLANA, p. 131, fig. 2346]. La même scène réduite à trois personnages se rencontre sur un vase du Louvre où Tityos est protégé par Gaea'. La belle image de Gaea qui décore le fond de la coupe d'Erginos et d'Aristophanès (fig. 3562) la représente impuissante auprès de Poseidon qui va égorger le géant Polybotès. Ailleurs elle prend elle-même part à la lutte pour le compte de ses fils, soit en combattant, soit en les exhortant. Presque toujours elle est représentée à la partie inférieure de la composition, en contact avec l'élément qu'elle personnifie e. Sur les sarcophages elle est mêlée à des épisodes de mythologie quelconque, tantôt avec l'attitude d'une intervention active, tantôt pour en déterminer la signification par sa seule présence. C'est le cas de la figure de femme couchée sous les pieds des chevaux d'Oenomaos, où elle est reconnaissable à une corbeille de fruits sur laquelle elle est accoudée': de même dans la scène de la chute de Phaéthon, où elle tient une corne d'abondance et est accostée de deux' petits enfants. Ovide, dans les Métamorphoses, s'est inspiré de cette scène pour montrer le rôle de Tellus et les manifestations de sa douleur 10. Tellus se trouve mêlée encore sur les sarcophages aux mythes d'Endymion, de Proserpine ravie par Pluton, de Marsyas, de Prométhée 71. Peutêtre la doit-on chercher aussi dans la représentation des mystères de Déméter et de Bacchus, où elle rappelle les Thesmophories athéniennes, dans lesquelles la personnalité de Déméter xo'Oo-t p+os s'est substituée le plus souvent à celle de Gaea. Une patère en argent, trouvée à Aquilée, représente une figure féminine, couronnée d'épis et tenant des épis dans la main droite, avec une vache près d'elle ; c'est très probablement Tellus 12 ; Proserpine et Cérès complètent la scène. Sur le bas-relief qui orne l'Ara Capitolina (fig. 245) et représente Jupiter enfant nourri par la chèvre Amalthée, la divinité féminine coiffée du calathus et qui a été identifiée tantôt avec Rhea, tantôt avec Adrastée, est sans doute aussi Tellus. Certaines de ces figures de Tellus nous amènent au type de femme couchée, entourée par quatre Amours occupés aux travaux de la vendange, qui, au musée Chiaramonti, est catalogué comme une personnification de la saison automnale ('Oncdox) 13. Elle est représentée dans la force de l'âge, couronnée de guirlandes, la main droite tenant des raisins, la gauche un cep de vigne. Sans rejeter l'opinion communément admise, il n'est pas défendu d'y voir une image de Tellus adaptée spécialement à l'idée des bienfaits dont elle comble les hommes en automne 14. Pour cela il suffit de la rapprocher de la statue couchée dans la même attitude, soutenant d'une main la corne d'abondance remplie de fruits, de l'autre pressant contre son sein deux petits enfants, statue qui est une des représentations les plus caractéristiques de Tellus'°.Des figures de ce genre ont pu représenter, dans la pensée de leurs auteurs, une puissance localisée, une Tutela loci; d'autre part, représentée debout ou assise, ou couchée, toujours Tellus pourra être confondue avec Cérès, avec Flora, avec Fortuna ou Copia, sans compter TEL -83TElli Felicitas, Annona', d'autres encore, surtout s'il ymanque des enfants; il n'y a même identification certaine que si l'on rencontre en même temps des animaux domestiques, comme sur les reliefs de Carthage et de Florence. Dans quelques-unes des scènes mythologiques que nous avons citées, dans celles-là surtout où l'on voit une femme assise sur un rocher, qui assiste comme témoin à quelque action héroïque, on peut soupçonner une représentation de Gaea 01Y.riUU.év-il, personnification qui n'a pas de place dans la légende, mais que l'art hellénistique peut avoir exploitée comme figure décorative. Elle est désignée par une inscription dans un bas-relief de l'arc de Salonique'. Stark la signale sur le tombeau des Nasons, oit elle assiste au combat d'Hercule et d'Antée, et sur l'A ra Capitolina, dans la scène de Jupiter et des Curètes (fig. 2195) Elle figure sûrement dans l'apothéose d'Homère du Musée Britannique (fig. 5209) 4 ; sur le camée du musée de Vienne représentan t Auguste sous les traits de J upiter, trônant avec la déesse Roma, parmi les membres de sa famille 5, la figure qui plane au-dessus de l'empereur à la facon d'une Victoire, pour déposer sur sa tête la couronne, serait la personnification de Gaea oixo,4v71, faisant pendant à celle de la Terre Nourricière et Mère des âges antérieurs, qui seule a eu les honneurs du culte, chez les Grecs comme les Romains La numismatique grecque a négligé la divinité de Gaea : à part la monnaie de Lampsaque dont l'identification est douteuse, aucun monument n'en suggère l'idée. Il faut attendre le ne siècle de notre ère pour trouver Tellus sur les monnaies romaines. Les plus remarquables sont celles des règnes d'Iladrien, d'Antonin le Pieux et de Commode. Elle y est représentée sous les traits d'une femme couchée, qui tient d'une main un globe, parfois avec des pampres et des épis, et qui s'accoude sur une corbeille ou sur une corne d'abondance (fig. 6784). Quelques-unes portent l'exergue : TELLUS STAIIIL(is) ou sTAl31LI(ta,), allusion soit à des tremblements de terre, soit, sous le règne d'Iladrien, au desséchement du lac Fucin'. Une médaille frappée en l'honneur d'Antonin le Pieux la représente nue, suivant des yeux un aigle qui enlève l'empereur dans le ciel. Sur des monnaies à l'effigie de Commode, elle est représentée assise, soutenant un globe étoilé et entourée des quatre saisons de TELU111. Ce mot désigne une arme de jet', par opposition à arma qui signifie « armes défensives ». Gaius définit ainsi le terme, au Digeste 2 : Telum volgo quidem id appellatur quod ab arcu mittitur sed non minus omne significatur quod mittitur manu ita sequitur ut et lapis et lignum et ferrum hoc nomine contineatur... Et banc signifcationem invenire possumus et in graeco nomine, nain quod nos telum appella mus illi €no; appellant it77b icû cfaaca•fOxt. Par suite le mot peut être employé comme synonyme de SAGITTA, de et de sECURIs ". Le plus souvent on désigne par là une flèche ou un javelot. B. CAGNAT.