Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article UNCUS

UNCUS. Cemot désigne divers instruments qui tous ont pour caractère d'être munis à l'extrémité d'un croc recourbé'. C'est un outil analogue à la gaffe dont se servaient les mariniers pour accrocher la rive ou attirer leur bateau [CONTUS] ; il est même synonyme d'ANCoRA 2. C'est le grappin que, dans un combat naval, on jetait sur le navire ennemi pour se lier à lui et l'attaquer à l'abordage' [voy. aussi IIARPAGO et, pour les sièges de villes, Lupus]. Le cornus, qui servait à la même manoeuvre sur mer, était un appareil plus compliqué [couves, DELPHINUS1. C'est encore le croc avec lequel le bourreau et ses aides traînaient aux Gémonies les cadavres des condamnés'. C'est enfin un instrument de chirurgie, dans le genre du FORCEPS" (voy. la figure 3163). E. POTTIER. UICGUEATU11'. -Toute matière (généralement grasse) servant à oindre. En ce sens très large, qui n'a aucun correspondant exact en grec 2, unguentuln comprend nombre de fards et de produits pharmaceutiques, mais son acception la plus répandue concernait les parfums (p.upx)3, liquides ou solides. Pline l'Ancien 4 disait que l'inventeur des unguenta était inconnu, mais que cette découverte fut faite chez les Perses, qui s'arrosaient d'essences au point que le liquide dégouttait de leurs personnes. En réalité elle remonte bien au delà. On faisait grand usage de parfums dans l'Égypte pharaonique, notamment aux jours de fêle, et la manie n'en était pas moins forte chez les peuples de l'Asie antérieure", qui ne s'abstenaient de senteurs qu'en signe de deuil °. C'est sans doute d'Orient, et par l'intermédiaire des Phéniciens', que cet usage passa dans la Grèce «mycénienne », où l'on appréciait l'ambroisie [AMBROSIA], principe onctueux qui conserve et purifie. Les fortes odeurs y étaient même plus estimées que la propretés. L'huile odoriférante constituait un article indispensable à toute maison bien ordonnées. Les UNG 1192 UNG appartements ' étaient imprégnés de parfums, ainsi que les habits2; on comptait peut-être ainsi éloigner les rats et les mites ' et neutraliser les relents de la cuisine et des tas de fumier. En outre, après la toilette et le bain, on se frottait d'huile odorante4, suivant la pratiqued'Iléra elle-même', que les Charites, en Cypre, parfumaient avec l'huile éternelle réservée aux dieux 6 Nausicaa, sur le rivage, reçut de sa mère un lécythe d'or, dont le contenu servit à elle, à ses compagnes, enfin à Ulysse, longtemps privé de ce liquide précieux Patrocle en humectait la crinière des coursiers immortels du fils de Pélée'. La mythologie hellénique connaissait diverses histoires d'huile parfumée, montrant le prix qu'y attachait la Grèce primitive: c'était, par exemple, celle de Prométhée, que Jason, au templed'IIécate, avait remise à Chalciopé 9 ; à Phaon le passeur, qui l'avait transportée de Lesbos sur le continent, Aphrodite reconnaissante avait donné un flacon de myrrhe, qui conférait l'éternelle beauté, et dont le bénéficiaire se parfumait chaque jour "o. Un de ces vases caractéristiques de la civilisation « mycénienne », une amphore à étrier qu'avait acquise le musée de Berlin, y répandit une odeur pénétrante lorsqu'on déboucha sa fermeture hermétique ". S'il y eut, après l'invasion dorienne, rupture avec ces usages, ce ne fut pas pour longtemps. La ville de Corinthe semble avoir hospitalisé de très bonne heure toute une colonie d'ouvriers syriens, qui recruta sur place des apprentis et inaugura sur l'isthme des usines de parfumerie, avec des ateliers de céramistes qui fabriquaient des récipients pour ces produits nouveaux12. Les poètes du vie siècle y font des allusions très claires". Il est certain que les rapports étroits avec l'Orient perpétuèrent la passion de la parfumerie. Déjà les lois de Solon interdisaient la vente de ses produits", et les Spartiates chassèrent de leur territoire les débitants de cette marchandise, coupables de gaspillerl'huile". Le souvenir demeura que, dans le camp de Darius pillé par Alexandre, il s'était trouvé jusqu'à quarante parfumeurs 16. Les monarques hellénistiques 17 firent aussi des folies en ce genre : on racontait que le roi Antiochos Épiphane, qui fréquentait les bains publics, fit répandre un jour sur un de ses voisins, envieux des parfums royaux, un vase entier de arar.Tr1, et que tous les assistants, s'étant précipités, pour avoir leur part, sur le sol glissant, tombèrent les uns sur les autres dans un grand éclat de rire". Dans une 7m,p.7t', solennelle, accompagnant des jeux célébrés à Daphné sous le même prince, deux cents femmes puisaient dans des urnes d'or des parfums dont elles aspergeaient la foule ". Voulant inspirer confiance aux Juifs, Antiochos lvergète n'imagina rien de mieux que d'envoyer au temple de Jérusalem des vases d'or et d'argent remplis d'aromates de toute espèce" On sait que le monde grec faisait de l'huile un emploi très fréquent et très varié [OLEA]; la coutume était de la rendre ordinairement aromatique, par l'addition de quelque essence. Nous avons dans nos collections nombre de petits vases 21 qui contenaient ces huiles parfumées, du type de l'ALABASTER, de l'ARYBALLOS, du BoMBYLJOS, laissant couler le liquide goutte à goutte, d'où le que nous reproduisons (fig. 7232), en forme de tête de Gorgone, montre que certaines idées de protection religieuse et magique s'attachaient aussi à ces petits objets mobiliers 23. La PYXis, avec son rebord tombant, qui empêchait l'air de pénétrer, servait souvent de boîte à onguents, et aussi le séypuos23. Mais le plus souvent on disposait les alabastres ou aryballes dans un coffret spécial où ils étaient rangés, alabastrothcque fig. 207). Dans certaines tombes de femmes, on a retrouvé des boîtes et des fioles à parfums, qui n'avaient pas toujours perdu leur odeur2` Même prédilection chez les Étrusques : diverses sépultures, surtout à Vetulonia, ont livré des colliers auxquels pendaient de petits balsamaires, ou même toute une série d'énormes alabastres [MOVILE, p. 1989]. Mais c'est surtout pour l'époque romaine que nous possédons des données sur la parfumerie. A Rome même, elle rencontrait une faveur extrême", qui ne s'affaiblit pas sous l'influence du christianisme; le langage pieux de l'époque en est une preuve 26. Pline déplorait que l'empire romain s'appauvrît ainsi chaque année de 100 millions de sesterces, au profit de l'Arabie, de l'Inde et de la Chine 27. On usait des unquenta et pour le plaisir et par hygiène 28 : le massage à sec [TRACTATOR] offrant moins d'attraits, on attendait un grand bienfait d'une friction, après le bain, à l'huile odoriférante; et c'était une volupté de s'en couvrir pendant les repas ; on y revenait deux, trois fois par jour, pour ne point laisser l'odeur s'évaporer". Le linge lui-même était parfumé à part 30. Au gymnase, au UNG 593 UNG bain 1, on s'humectait tout le corps [UNCTio] ; chez soi ou chez le tonsor, on arrosait particulièrement la tête et surtout les cheveux 2 [COMA, LOMENTUM], les produits mis à contribution ayant pour objet tout à la fois d'embaumer la chevelure et de lui donner le mouvement et la coloration désirés 3. On se mettait du parfum jusque dans les narines4. Il se répétait que Néron faisait parfumer ses sandales, et Pline s nous cite encore d'autres extravagances : un citoyen faisant répandre des unguenta sur les murs des salles de bains, Caligula l'imitant pour sa baignoire, ainsi qu'un esclave de Néron, qui avait le raffinement de varier et combiner les odeurs'. On vit, dans un banquet, de jeunes serviteurs passer parmi les tables et recouvrir les pieds des convives de parfums qu'ils puisaient dans un bassin d'argent'. Habituellement, du reste, on mêlait des essences précieuses à l'eau dont les esclaves lavaient les pieds des arrivants' ; et l'on se parfumait avant le symposion, à la fin du repas proprement dit rcoENA, p. 1275]. Cette passion se répandait jusque dans les camps, où l'on avait la fantaisie d'oindre les aigles légionnaires et les enseignes chargées de poussière. En 565/S9, les censeurs Publ. Licinius Crassus et Lucius Julius Caesar firent passer une loi qui portait défense à quiconque de vendre des parfums étrangers ; mais l'effet n'en fut pas durable'. Lucius Plotius, frère du consul et censeur Lucius Plancus, ayant été proscrit par les triumvirs, fut trahi, dit-on, dans sa cachette par les odeurs dont il abusait". Pour montrer toutes les recherches dont était capable un vrai petit-maître, Athénéel cite un passage des Thorilcioi du poète Antiphanés : le personnage dépeint se fait, après le bain, oindre les mains et les pieds avec un parfum d'Égypte, les joues et la poitrine avec un parfum phénicien ; les bras, les sourcils et les cheveux, les genoux et le cou sont imprégnés rèspectivement de senteurs différentes. Enfin il fallait encore parfumer les mets : les Grecs, et les Romains -à leur suite, mêlaient de la myrrhe au vin 12 et à d'autres aliments' 3. Les fards, dont il n'a été dit que quelques mots [MERLTRIGES, p. 1832], sont inséparables des parfums; au reste beaucoup d'onguents servaient à deux fins : ils soulignaient ou corrigaient certains détails de la physionomie -et répandaient encore une odeur choisie ; divers produits, comme l'anchusa, se retrouvaient et dans les fards et dans les parfums. Les fards aussi avaient leur origine en X. Orient; ils ne semblent pas encore employés aux temps homériques1k; mais dès l'époque classique au moins, les femmes de Grèce se fardaient très communément 1s ; leur vie recluse à la maison, à l'ombre, les vouait à un teint pâle, qu'elles s'efforçaient de raviver artificiellement", en vue des heures de sortie, et même pour plaire à l'époux 17 ou à son rival". Cette coutume se conserva chez les Romains jusqu'en pleine époque chrétienne, malgré les anathèmes des défenseurs de la foi nouvelle 1°. Mais il y avait toujours eu des protestations isolées et parfois des prescriptions contraires : dans la grande inscription d'Andanie, une défense formelle de se farder vise les femmes qui doivent participer aux mystères 20. En revanche, par une contradiction curieuse, certaines cérémonies sacrées requéraient au contraire l'emploi des fards". Les hommes d'ailleurs ne répugnaient eux-mêmes pas tous à cet usage dans le courant de la vie" d'autant qu'on fardait même les morts 23 -, et en Égypte beaucoup ont dû s'y adonner, si l'on en juge par les portraits peints, qui attestent chez les deux sexes des yeux dérnesurement agrandis par artifice" : c'est le commentaire figuré du passage de Xénophon26 sur le procédé de l'âvipe(xE),ov ou peinture du dessous des yeux; à cela servait aussi peut-être le xxXnt6XÉ?apov 26. On donnait des soins spéciaux aux cils et aux sourcils", au moyen de l'antimoine pulvérisé, ar( eut 28 stibium29, ou du noir de fumée, a6o),c; 30, fuligo 31. et surtout ceux de ton rouge : le érüzo;, tiré d'une algue", fucus"; le p..O,TC; 37 ou minium", le purpurissum 3'. L'ïyzou7x i0, ou Ëyyou7x 41, plante à racine rouge, fournissait à la fois un fard et un colorant pour les parfums 42. Citons encore le 7ratiso0u;, tiré d'une acanthe", et le aux«p.tvov, d'une sorte de mûre ". Par eux on relevait les joues d'un vif incarnat, encore rehaussé souvent par un peu de bleu tendre déposé sur les tempes 45. Force était bien, au surplus, de parfumer certains produits qu'aurait rendus intolérables leur odeur naturelle, comme l'a'sypum 46, suint de la laine encore grasse, qu'on employait contre les bourgeonnements fréquents en été. Le suif également [SEDUM] jouait un grand rôle en médecine, mais on prenait soin le plus ordinairement de l'aromatiser 41. UNG UNG Les fards s'appliquaient parfois avec le doigt, mais leur nature onctueuse permettait aussi de les appliquer avec un pinceau ; on voit, sur un vase peint (fig. 7233)', une femme accomplir cette opération, pendant qu'un jeune esclave, un petit flacon à la main, lui prépare de quoi parfaire sa toilette. Quelques débris de fards antiques sont parvenus jusqu'à nous, dans des coquillages exhumés à 01bia 2, et dans de petites écuelles, d'ivoire et de verre, retrouvées à Pompéi 3. Ils étaient contenus en général dans des pyxides rondes de très faibles dimensions, parfois à. peine 4 centimètres de hauteur. Ces ingrédients étaient peu stables, et les anciens se sont plus d'une fois moqués de l'aspect qu'un visage, laborieusement peint, prenait après une crise de larmes`. Les statues des dieux recevaient des couleurs moins fragiles ; il y en avait cependant que l'on fardait 6 ; et surtout on ne manquait pas de les couvrir de parfums [STATUA, p. 1'i85], ainsi que les pierres sacrées6 : une peinture° nous montre un Éros s'apprêtant à oindre la statue de Priape ; l'oMPRALOS de Delphes était chaque jour arrosé d'huile, évidemment parfumée$. Les Frères Arvales, à certains jours, accordaient des soins semblables àl'effigie de Dea Dia . Et les images divines n'étaient pas seules à en bénéficier : parmi les offrandes à la stèle (fig. 33418), dans le culte des morts, figuraient des liquides parfumési0; l'usage desparfums était de règle dans nombre de cérémonies publiques, surtout de caractère religieux" des inscriptions 12 en portent témoignage [uNcTIO]. Dans les apprêts funèbres, ils jouaient encore un rôle ; le cadavre, durant la prothésis, était, déjà au temps d'Homère13, lavé et frotté d'essences qui retardaient la décomposition, rapide sous les climats chauds [FUNUS, p. 1371 cf. fig. 3334]; les Romains pratiquaient de mêmel'unctura du corps [Ibid. p. 1387-1388] et disposaient pareillement des flacons à odeurs tout autour du catafalque (fig. 4403). Les dépenses d'onguents rentraient de plein droit dans tes frais funéraires". A l'époque chrétienne, saint Jean Chrysostorne garde encore quelque indulgence pour la coutume persistante d'envelopper les cadavres dans des linges blancs imprégnés de parfums 13; on plaçait auprès d'eux des étoffes précieuses inondées de liquides odorants". Enfin les substances aromatiques servaient à l'embaumement des morts". Très pratiqué en Égypte, il s'opérait de diverses façons qu'llérodotel a nous a décrites. Dans le procédé le plus onéreux, le ventre, vidé de ses viscères, était lavé au vin de palme, puis rempli de myrrhe pure pulvérisée et autres parfums, et ensuite cousu. Après un bain de soixante-dix jours dans la soude, on le lavait encore et l'enveloppait de bandes de coton, avant de le tremper dans de la gomme et de l'enfermer dans un sarcophage de bois. Mais ce sont plutôt les usages asiatiques qui, selon la tradition, avaient pénétré en Grèce. Il a été déjà parlé sommairement [CIEL, p. 1705'] de la conservation des corps dans le miel, procédé courant à Babylone " et qui fut adopté pour Alexandre20. Un autre lui faisait concurrence, consistant dans un revêtement de cire ; c'était le système des Perses" et des Scythes92. Or la cadavre du roi Agésipolis, mort en Chalcidique (380 av. J.-C.), fut transporté à Sparte dans le miel 23. Pour celui d'Agésilas, amené d'Égypte, les uns disaient dans le miel", les autres dans la cire '5. Les exemples sont plus rares et imprécis pour l'époque romaine; nous savons cependant que le corps de Poppée fut embaumé suivant une méthode rappelant celle d'Égypte (di/fertum odoribus) 2fi, et au xv5 siècle on trouva sur la voie Appienne, dans un sarcophage, un corps très bien conservé; les rapports du temps (1485) 27 parlent d'une croûte qui l'enveloppait, vestige sans doute des unguenta desséchés. On connaisait une très grande variété d'unguenta 28, dont les noms dépendaient notamment de leur origine ou de leur teneur. On en fabriquait avec des fleurs, herbes, racines, indigènes ou étrangères; l'Italie achetait également tout préparés des unguenta eMotica (orientaux ou grecs), ceux que prohibèrent vainement les censeurs L3. De la Phénicie, où poussait l'amorne 30, arrivaient aussi des parfums au lis (6oértvov)31 et d'autres tirés du cypros ou henné (xutptvov)32, particulièrement de Sidon 33. Le cypros le plus réputé 3« venait d'Égypte (terrarutn omnium adcommodatissima unguentis) 35, ce pays dont Homère vantait déjà les drogues médicinales36 ; i1 était favorisé par son étroit voisinage avec l'âouwuxrocpdpoqzuipx31, par laquelle les géographes anciens 38 entendaient la côte est de l'Afrique, jusqu'au cap Guardafui 3y_ 595 UNG Il existait par là 'un grand comptoir des aromates 1, visité par les marchands indiens, et qui avait donné son nom à un promontoire2. L'Égypte en tirait le myrobalanum3, le cinnamome 4; elle donnait encore le malobathrum 5, que produisait aussi la Syrie', outre le galbannit' ; le ladanuin, résine du lédon, végétal qu'avaient introduit les Ptolémées 8, et une certaine résine de mélèze': enfin un il ov Ai'inrTrov10, connu aussi sous le nom de axy3«,11 ou'~xyi .; et l'oenanthinuln, composé avec la fleur de la vigne sauvage et fabriqué aussi en Cypre 13. Cyrène exportait de l'huile de rose'", qu'on obtenait encore de Phasélis 15. Le sud de l'Asie Mineure abondaiten parfums: huiles d'amandes 16 et de safran 17 de Cilicie (Soli)", de lis de Pergé19, pardaliuni de Tarse20. La Lydie donnait l'énigmatique ~pÉVO;ov21 et le safran 22, qui abondait pareillement à Égine"; Chios l'huile de mastyx2Y, Rhodes le safran25; Adramyttion fournissait égalementl'oivâoOcvov 26. L'huile de lis arrivait aussi d'Illyrie 27, de Cyzique29; celle d'iris de Corinthe". La marjolaine, très appréciée, portait des noms divers : sampsucltus à Mytilène 30a.uaozrtvov amaracinum, à CyziqueJ1 et à Cos 32. Plusieurs plantes de la famille des valérianées donnaient une fleur d'où l'on tirait un parfum réputé (principale in unguentis) 33, le nard, que répandaient au loin divers marchés de l'Asie antérieure3«; le plus estimé venait de Laodicée35; on distinguait l'onguent de nard foliatum (tiré de la feuille) et le spicatum (tiré de de l'épi)3fi. On vantait encore le myrobalanum, extrait d'un gland". A Athènes, où l'officine d'Eschine le Socratique avait prospéré", les Romains se procuraient le panathenaicum 39. Chéronée exploitait les roses, le narcisse, le lis, mais surtout pour les médicaments 40. Un 'E7Erpixôv ignoré ailleurs figure dans un papyrus". La Grande-Grèce ne restait pas en arrière : à Naples on préparait les essences de nard42; les habitants de Capoue passaient pour les plus experts des seplasiarii, dès le temps où ce terme désignait les marchands de parfums aussi bien que de remèdes [SEPLASIABIU S]. En Latium même se fabriquaient les essences de roses de Préneste43. On a étudié autre part [TUS] les produits qui dégagaient une odeur par combustion (per fumum, d'où le français parfum), notamment l'encens. Il nous reste à mentionner les compositions où s'amalgamaient plusieurs par UNG toms différents, comme le megalium8d, et l'onguent royal", qu'on disait une invention des Parthes, où se combinaient jusqu'à vingt-cinq substances; enfin les mixtures dénommées d'après leurs inventeurs, comme le II ayy6vecov d'Élis''', création de la parfumeuse Plangon 47 car les femmes rivalisaient avec les hommes dans cette industrie"8 -, ou le Cosmianum 49 et le Nicerotianum J0, noms qui supposent la prépondérance des artisans grecs, jusque dans ces arts secondaires si ; c'est un Héllène aussi, Criton, le médecin de l'impératrice PlotineJ2, qui avait écrit sur la cosmétique un traité en quatre livres, qui se trouvait « dans toutes les mains» 53. A la basse époque, néanmoins, les parfums venaient surtout d'Orient, de Mésopotamie par Antioche, et de Colchide par Trébizonde '. Nous ne possédons que des renseignements fort succincts sur la fabrication des unguenta, pommades ou essences 55. On devait, comme aujourd'hui, utiliser deux éléments : la substance volatile (riôuau.x, sucus) et l'exci pient (a-t x, 6ru77Tezfv, corpus), en général une graisse ou une huile tirée des fruits (olive, noix, amandes), qui assurait la durée du parfum S6 ; d'où les huiles liquides (cTxTx ou voccarx, oleae) et les onguents solides (7.xyfa, odores) 61, i. ', et unguentum englobant les deux acceptions (pour les parfums préparés à sec, voir DIAPAStitA). Il est clair que les fabriques se concentraient principalement là où se trouvaient en abondance les produits volatils, qui auraient beaucoup perdu dans les transports; les graisses, au contraire, pouvaient voyager, tout comme les colorants (cinabre, anchuse, etc...) et les autres éléments de fixage (gomme, résine) ou de conservation (sel ou cire) [CURA, p. 1019]. Les parfums eux-mêmes s'expédiaient ensuite sans grands frais, étant marchandises de prix sous un petit volume. Le tarif de Palmyre mentionne à plusieurs reprises des transports de parfums, à dos d'âne ou de chameau, dans des alabastres ou des outres en peau de chèvre 58 dans les outres ils payaient des droits deux fois moins élevés; on devait mettre en flacons les plus précieux. La parfumerie moderne s'est beaucoup développée par le perfectionnement des procédés de distillation. Les anciens semblent avoir seulement entrevu les ressources de cette technique 1i9. Quelques données peu explicites 6° en laissent deviner une application : on au mortier le y font peut-être le mélange du suc et de. l'excipient; un troisième, armé d'une cuiller", tire d'un vase quelques gouttes à l'intention de la cliente, qui semble respirer sur son bras relevé un premier échantillon_ Ces deux monuments portent à supposer que certains détaillants étaient en outre fabricants; les usines d'alors n'exigeaient qu'un matériel assez simple et peu encombrant. Toutefois chaque marchand devait, pour les raisons indiquées plus haut, vendre bien plus d'espèces qu'il n'en pouvait confectionner. Certes il se faisait des contrefaçons 12 ; Pline en signale une par le styrax 13; mais fars unguentaria14 honnête avait recours à des produits de climats et de sols des plus variés. Nous ne savons donc pas jusqu'où allait l'activité habituelle du pdrwntç 15) ou unguentarius" (unguentaria1e). Du moins sabots- tique po w 1 9 ou simplement pov90,unguentaria taberna21) était un lieu de rendez les xoupaia (dont analogues) : non vous pour les flâneurs 22, comme UNG -59GUNG chauffait de la résine dans un vase, et les vapeurs obtenues étaient recueillies dans de la laine ; en exprimant celle-ci, on en retirait de l'huile de térébenthine. Mais aucun autre exemple ne nous a été transmis, et la terminologie seule de la parfumerie antique nous est assez familière. La a'r'plrtç ou préparation du corpus s'opérait toujours par cuisson, mais le mélange avec l'essence odorante avait lieu, selon les cas, à chaud ou à froid; de là deux sortes de produits, Oepuoôa9'Îl et iu/po'aWr, 1; les premiers paraissent avoir été les plus nombreux. On ne posait pas les matières directement sur le feu, mais dans l'eau chaude ; le terme courant dans le métier, 4Ene 2, désignait une sorte de « bain-marie », Les seules représentations figurées que nous possédions touchant notre sujet sont assez sommaires pour qu'on ait pu hésiter d'abord sur l'interprétation . Ce sont deux peintures de Pompéi' : l'une (fig. 7234) a été rap portée aux travaux vinicoles4; mais la petitesse des récipients rend déjà l'hypothèse suspecte; on voit en outre un pressoir rappelant celui qu'emploient les fabricants d'huiles (cf. fig. 5390) ; un Éros agite le contenu d'un vase, ce qui suppose une combinaison; enfin, détail décisif, séparée par une table d'un Éros vendeur, assis auprès de son armoire à flacons, une acheteuse (en Psyché drapée) tend son bras qu'un commis frotte avec un bâton, apparemment de verre, dans lequel on peut reconnaître cette SPATHA 6 ou spatula, qui servait aussi à étendre les onguents pharmaceutiques. En arrière, une servante tient la bourse qui permettra de solder l'achat. L'autre fresque, appartenant à la maison des Vettii', représente-t-elle, comme on l'a voulu 8, une pharmacie? Il est certain qu'entre pommade et parfum la différence est parfois nulle ; le PIGIsIENTARIUS vendait à la fois des remèdes et des articles de toilette [cf. siEDIcus, p. 1680], et ce sont, pour une bonne part, les écrits des médecins qui nous documentent sur la parfumerie antique 2. En tout cas, le sujet peint est très analogue au précédent; mais on voit les foyers où l'huile se prépare ; les deux Éros travaillant les exhalaisons devaient être assez seulement on y apprenait les nouvelles, mais on y humait sans débours des parfums parfois onéreux. Les prix de quelques-uns atteignaient même à des chiffres fantastiques : Pline en savait qui, à la livre (327 gr. 45), dépassaient 400 deniers (à cette date plus de 250 francs)23 ; le nard variait de 35 à 300 deniers", la livre de myrrhede 5 à 50 La société, un peu mêlée évidemment, qui fréquentait les parfumeries a pu contribuer à faire classer la profession parmi les sordidae artes "1; celle-ci était cependant plus relevée quand le magasin débitait en même temps des drogues pharmaceutiques : l'inscription funéraire d'un unguentarius de la Lyonnaise rappelle qu'il fut Augustal'5. A home, la plupart de ces artisans étaient groupés dans l'unguentarius vices 28; ony a trace aussi d'un collegium aromatariorum, pourvu d'un magister quinquennales 29. Que vendaient ses membres'? Peut-être des épices, des vins parfumés,. mais non des pommades? On ne sait. L'existence d'un collegium thurariorum et unguentariorum 30, d'un I1NG 597 GNG corps de pigmentarii et miniarii ', donne à penser qu'il se faisait, dans les corporations, toutes distinctions nécessaires 2. Néanmoins un papyrus d'Arsinoé men tence d'un âu.poôov (rue ou quartier) u.upoôa)ivou montre ce qu'avait de flottant, au moins dans cette contrée, la terminologie a. L'organisation économique de la parfumerie ne nous est révélée que pour l'Égypte 5. La fiscalité ptolémaïque comprit bien vite le parti qu'elle pourrait tirer d'une marchandise abondante sur ses terres et sur d'autres dont elle commandait les routes 6. Les souveraines, Arsinoé, Bérénice, développèrent adroitement, par leur exemple, le luxe effréné des parfums 7. L'État, qui avait déjà le monopole de l'huile et du miel', ingrédients nécessaires à cette industrie, se réserva la vente des parfums importés et réglementa à son profit la production indigène'. Nous n'avons pas la liste 1tl des articles soumis à cette loi ; peut-être s'appliquait-elle au SILPHIUM, dont certaines variétés étaient aromatiques ; du moins la myrrhe, utile aux embaumeurs, y était comprise. Une circulaire" signale « aux épistates du district de Polémon (dans le nôme Arsino'ïle) et autres préposés aux finances » le fait que le gouvernement a fixé le prix maximum de cette denrée à 40 drachmes d'argent ou 2 000 drachmes de cuivre par mine (environ 450 grammes), plus les frais de transport évalués à 200 drachmes par talent (poids d'environ 32 kilogr.). Ce 7tpdypauu2 doit être porté à la connaissance du public par l'affichage et contresigné par le cômogrammate. Les agents du fisc sont menacés de peines sévères s'ils majorent les prix à leur bénéfice, et l'auteur du document, dont la qualité reste indécise, envoie des appariteurs armés surveiller l'exécution de l'ordonnance. Ces parfums importés, l'État les mettait sans doute en vente en quantités déterminées par village''. Le fisc devait verser au 7rpxrwp le prix total de la marchandise, puis il le récupérait, et au delà, par la vente au détail. Il est probable que d'autres articles encore étaient soumis à cette réglementation i3. Le régime adopté sous la domination romaine est moins clair encore'; nous avons quelques indications de tarifs pour l'époque impériale : le p.upov ix TpwyuiuTtxrc est taxé à 67 drachmes 4 oboles, le N.upov €x Metva:ç (Arabie) au tiers seulement de ce chiffre 13 ; ce qui sera ble supposer le maintien du monopole 16. D'autre part, des cachets portent la légende : âpwu.rTtrr,ç Twv xup(wv liatascpwv [SIEDICUB, p. 1680-1681] ; c'est peut-être la marque d'officines impériales, qui auraient soutenu sans peine la concurrence de fabrication avec les ateliers privés ", grâce à des taxes d'importation et de transit sur les matières premières. Du reste les 1Jupo7vw)xt étaient frappés d'impôts très lourds : 60 drachmes par mois (720 à l'année) f8. Dans les grandes maisons romaines, il y avait des préposés à la parfumerie, ad unguenta 19, ab unguentis20, chargés de la garde, peut-être dans une salle spéciale (unguentaria cella), des cassettes à parfums, quelquefois vapO '/.1ov 2', nartlaecium 23 (probablement parce que quelques-unes ressemblaient à une tige de férule). L'époque hellénique connaissait l'alabastrothèque, dont nous avons parlé plus haut26; le type se transforma. Un coffret du trésor de l'Esquilin [CAPSA, fig. 1176] était divisé en loculi [LocuLus] ; dans chacun d'eux on retrouva un flacon à essences en argent. Il y a au Musée de Naples un petit seau à deux cavités, chacune contenant un flacon; entre les deux, une poignée de préhension 27 (fig. 7235). Nous avons signalé plus haut les principales variétés de vases à parfums 28; il en est d'autres : ainsi les prétendus « lacrymatoires », si fréquents dans les tombeaux, surtout à l'époque impériale et dans l'art chrétien, sont de simples vases à parfums. Il en faut rapprocher les nombreux balsamaires syriens, fioles de verre de toutes formes ivrrimusi] 2°; beaucoup sont faits de deux longs tubes accolés 30. Cet emploi n'empêchait pas les fabricants d'imaginer toutes sortes de types nouveaux et originaux, comme ce taureau couché 31, dont une cavité UNI 598 UNI étroite, au-dessous de l'oreille, indique clairement la destination de vase. VICTOR CHABOT. UNGULA (''Ovu;) '. 1° Instrument de torture, croc [uNCUS] 2 à plusieurs pointes, rappelant par sa forme une serre d'oiseau de proie: il devait ressembler beaucoup à l'uARPAGO (fig. 3702. 3703), quoiqu'il eût une destination toute différente. Le patient était d'abord suspendu par les mains à la potence appelée EQUULEUS, puis le bourreau lui déchirait les chairs avec cette sorte de griffe acérée. Un rescrit impérial, promulgué le 5 juillet de l'an 358, étend le supplice de I'UNGULA aux HONESTIORES qui auront été convaincus de magie [MAGIA] 3 ; d'où il résulte que jusque-là il était couramment infligé aux criminels humiliores. Il doit être compté parmi ceux qu'ont soufferts, sous l'Empire romain, les martyrs de la foi chrétienne 2° Le même mot latin se rencontre une fois dans un texte de basse époque, comme un équivalent du grec ôvv„ pour désigner un vase à parfums en onyx [ALABASTER, GEMJIAE, UNGUENTUM1 ; il ne s'ensuit pas qu'il fût usuel