Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article USUCAPIO

USUCAI'IO. Mode d'acquérir la propriété quiritaire par l'usage prolongé de la chose [DoMINIUa1, p. 335, n. 16 ; Jus, p. 739, n. 12 . 1. L'usucapion aux pi'elniers siècles (le nome. L'usucapion, comme l'indique l'étymologie (use caper). fait acquérir la propriété usa. L'usus est ici le fait de se servir de la chose conformément à sa destination. Cet usage doit durer deux ans pour les fonds de terre, un an pour toute autre chose'. Aux premiers siècles, aucune autre condition n'est exigée, ni pour le fond, ni pour la forme. Mais le bénéfice de l'usucapion est refusé au voleur2 [FFRTu3I] par la loi des Douze-Tables. Il y a aussi des choses dontl'usucapion est défendue: les resinancipi des femmes soumises à la tutelle de leurs agnats 3 [AuxCiPIUSI, p. 1566 ; ïUTELA], le forum qui s'étend devant un tombeau [Foituli, p. 1277, n. I], le bustum où l'on a brêlé un mort et déposé ses cendres 'i(FUyus, p. 394,n. 21], le con/inium que le propriétaire d'un fonds doit laisser en friche autour de son champ [FISIUM REGUNDORUM ACTIO . L'usucapion eut, à l'origine, une portée plus large que lamancipation: celle-cis'appliquait seulementauxchoses susceptibles d'être prises avec la main 4 (esclaves, bêtes de trait ou de somme) ; celle-là faisait acquérir également la propriété foncière (res soli) ; on l'étendit ensuite aux maisons' et aux servitudes rurales [SERVITUS, p. 1284] qui étaient anciennement les choses corporelles et que l'on identifiait avec l'objet (passage, eau, aqueduc) sur lequel elles portaient'. Cette usucapion des servitudes, qui existait encore au temps de Cicéron', fut supprimée lorsque les servitudes furent classées parmi les choses incorporelles [LEX SCRIBONIA, p. 1163, n. 6'. L'usucapion faisait aussi acquérir la manus sur la femme mariée [MANUS, p. 1586, n. 16], l'hérédité lorsqu'il n'existait pas d'héritier nécessaire [nEluis] et que l'héritier lardait à faire adition. Le premier venu avait le droit de s'emparer des biens héréditaires et de les usucaper par un an, même s'ils comprenaient des immeubles, mais il devait se porter héritier et accepter les charges de cette qualité : c'était l'usucapion pro herede. La faveur accordée à l'usurpateur avait une double cause : on voulait décider l'héritier à faire promptement adition, pour ne pas laisser en souffrance le culte domestique et les droits des créanciers 8. II. L'usucapion dans le droit classique. L'usucapion a été profondément modifiée à l'époque classique. Elle se justifie par une raison d'ordre public : on ne veut pas que la propriété reste trop longtemps dans l'incertitude 9. L'usucapion sert à consolider la propriété, soit en facilitant la preuve du droit i0, soit en purgeant certains vices : vice de forme, lorsqu'on a acquis une res mancipi par une simple tradition" ; vice de fond, lorsqu'on a acquis une chose mancipi ou nec mancipi d'une personne qui n'en était pas propriétaire ou qui n'avait pas le pouvoir d'aliéner 12. Dans ce second cas, le propriétaire n'a qu'à s'en prendre à lui-même s'il perd son droit ; il subit la peine de sa négligence. 1' Conditions requises pour usucaper. L'usucapion n'exige plus l'usage effectif de la chose : la possession suffit, c'est-à-dire la possibilité d'user [Possrsslo, p. 603_. Mais cette possession doit être continue 1' pendant le délai d'un an ou de deux ans ; elle doit être fondée sur une juste cause et de bonne foi. Anciennement le propriétaire pouvait interrompre l'usucapion en s'opposant à l'usage de sa chose par celui qui s'en était emparé" [1suRPATI01. C'est ce qu'on appelle l'interruption naturelle. Il y avait aussi un mode civil d'interrompre l'usucapion : le propriétaire manifestait par un acte symbolique savolonté de prendre soin'de sa chose ; il brisait une branche d'arbre (surculum defringere)'°. Cet acte n'est plus usité en droit classique : les jurisconsultes ne connaissent que l'interruption naturelle résultant de la per tede la possession'''. Que la perte soit volontaire ou forcée, peu importe : l'usucapion est interrompue, par exemple, lorsqu'une chose litigieuse est confiée par les parties à un sequestre en vue de renoncer à la possession" [SEQUESTER]; il en est de même si le possesseur a été expulsé par la violence 1e. La poursuite en justice n'interrompt pas l'usu USU 606 USU capion, qui peut s'achever au cours du procès. Mais le juge, qui doit apprécier le droit du demandeur au moment de la litis contestatio, invitera le défendeur à retransfé rer la propriété à son adversaire' [LITIS CONTESTATIO, p. 1272, n. 23]. L'usucapion n'est pas interrompue par la mort du possesseur : c'est une conséquence de la règle d'après laquelle l'hérédité jacente continue la personne du défunt [UNIVEasITAS]. Mais l'héritier ne peut succéder à l'usucapion que si la chose n'a été appréhendée par per_ sonne depuis le décès2. A cette condition seulement, il y a continuation de la possession par l'héritier'. L'accessio possessionis devient possible comme dans l'interdit utrubi [IXTEl1DICTUsI, p. 561, n. 27] : la possession du défunt s'ajoute à celle de l'héritier'. Grâce à cette règle inspirée par l'équité', l'héritier peut achever l'usucapion commencée par son auteur : il lui suffit de posséder la chose pendant le temps qui manque pour parfaire le délai d'un an ou de deux ans. On n'a pas à rechercher s'il est personnellement de bonne foi'. Cette faveur est refusée aux ayants-cause à titre particulier : ils ne succèdent pas à l'usucapion commencée par leur auteur. Sévère et Caracalla ont fait une exception pour l'acheteur de bonne foi : ils lui permettent de joindre à sa possession celle du vendeur lorsque celui-ci avait commencé à posséder de bonne foie ; ici encore il y avait une accessio possessionis. L'acheteur de bonne foi peut d'ailleurs, lorsque son auteur est de mauvaise foi, commencer une usucapion nouvelle', en quoi sa situation diffère de celle de l'héritier. Le délai de l'usucapion se calcule de die ad diem ; le jour de l'entrée en possession ne compte pas, mais l'usucapion est censée achevée dès que le dernier jour a commencé". Pour fonder l'usucapion, le droit nouveau exige une juste cause" ou un juste titre''. Ce titre sert à manifester l'intention du possesseur d'agir comme un propriétaire et à prouver qu'il a acquis la chose conformément au droit. Le juste titre consiste généralement en un acte juridique qui révèle chez celui qui a livré la chose la volonté d'aliéner : vente, dation à titre de donation ou de dott3. Le titre doit être pur et simple ; s'il est conditionnel, on ne peut commencer à usucaper ". Parfois la volonté d'acquérir suffit : lorsqu'on s'empare d'une res mancipi abandonnée par son propriétaire, ou d'une chose quelconque abandonnée par une personne qui n'en est pas propriétaire ". Il y a également juste titre lorsqu'on a pris possession d'une chose, soit en vertu d'un décret du magistrat " [NOXALIS ACTIO, p. 114, n. i], soit à la suite d'un serment judiciaire", d'un jugement1S, ou du paiement de la litis aestitnatio dans un procès en revendication [LITIs AESTI3IATIO, p. 1270, n. 9]. Le juste titre a une telle importance qu'il sert à carac tériser l'usucapion. On dit par exemple qu'on a usucapé pro enclore, pro donato, pro legato, pro dote, pro derelicto 19. Il y a cependant quelques cas où l'usucapion est admise, bien que le titre ne soit juste qu'en apparence, par exemple lorsque la vente a été consentie par un incapable 2G, ou lorsqu'on croit à l'existence d'un titre nul ou inexistant" : l'usucapion est ici qualifiée pro Lorsqu'on a acquis une chose d'une personne qui n'en était pas propriétaire, l'usucapion exige une autre condition : la bonne foi". Le possesseur doit croire que l'aliénateur est propriétaire et capable d'aliéner, ou bien qu'il a reçu du propriétaire le pouvoir d'aliéner2t. La bonne foi suppose donc qu'on a commis une erreur de fait ; l'erreur de droit n'est pas prise en considération21. Les res mancipi d'une femme sui juris, vendues par elle sans l'auctoritas de son tuteur, peuvent-elles être usucapées? Les Sabiniens l'ont contesté, parce que, suivant eux, l'acheteur ne peut être de bonne foi. Les Proculiens ont fait prévaloir l'opinion contraire, parce que la femme peut aliéner la possession sans son tuteur. Julien s'est rallié à leur opinion, quoique Sabinien ; mais il exige que le prix soit payé, en vertu d'une constitutio Jtutiliatl a" . La bonne foi doit exister lors de la prise de possession27 et même, d'après certains jurisconsultes, dès le jour du contrat28. Si la possession est acquise par un mandataire, par un fils de famille ou par un esclave, la bonne foi doit exister chez le mandant, le père ou le maître, lorsqu'il est informé de la prise de possession29. Il en est autrement pour l'acquisition faite par l'administrateur d'un pécule.'" : il suffit qu'il soit personnellement de bonne foi. Dans les acquisitions à titre onéreux, comme celles qui ont lieu en vertu d'une vente, il n'est pas nécessaire que la bonne foi persiste jusqu'à l'achèvement de l'usucapion 31. Cette différence a été supprimée par Justinien qui admet, dans tous les cas, que la survenance de la mauvaise foi n'empêche pas l'usuca pion 32. Par exception, l'usucapion a lieu sans juste cause ni bonne foi, comme à l'époque antique, dans l'usucapion pro lterede et dans l'usureceptio. 2° Usucapion pro Iterede. Cette usucapion a perdu une partie de son utilité depuis que l'Édit du Préteur a permis aux créanciers de faire vendre les biens du défunt effet est-ilmodifié; elle ne confère plus le titre d'héritier; elle ne fait acquérir que les biens dont l'héritier n'a pas pris possession 73, mais elle s'opère toujours par un an, même pour les immeubles. Un sénatus-consulte du règne d'Hadrien a décidé qu'elle ne serait plus opposable à l'héritier 3'. Sous Marc-Aurèle, un autre sénatus-consulte établit une action criminelle (crirnen expilatae ftereditatis) contre celui qui s'empare sciemment de biens USU -C07USU héréditaires appartenant à autrui'. Dès lors il ne peut plus être question de l'usucapion pro herede, telle que les anciens la concevaient, celle que Gaius appelle malhonnête (improba). L'usucapion p. h. mentionnée dans les textes postérieurs est tout autre chose : elle a lieu au profit de celui qui, de bonne foi, a pris possession d'une hérédité à laquelle il se croyait appelé. Comme l'ancienne usucapion, elle n'est pas opposable au véritable héritier', et nepeutavoirlien en présence d'un héritier nécessaire3. 3' Dsureceptio. L'usureceptio a lieu lorsqu'un propriétaire recouvre, par un usage d'un an, une chose mobilière ou immobilière qu'il a aliénée fiduciairement pour réaliser un dépôt ou un gage' [FIDUCIA, p. 111]. Elle le dispense de recourir aux solennités de la mancipation ou de l'in jure cessio. Cette règle se justifie aisément, soit pour le dépôt, qui est révocable au gré du déposant [DEPOSITUM], soit pour le gage [riu us] lorsque le débiteur a payé sa dette. Mais elle est admise également au profit du débiteur qui ne s'est pas libéré et, dans ce cas, elle s'opère au préjudice du créancier. Elle a ici, pour le débiteur, un caractère lucratif', commel'ancienne usucapion pro herede pour l'usurpateur de biens héréditaires'. Une seule réserve est faite : 1' usureceptio est refusée au débiteur qui n'a pas acquitté sa dette, lorsqu'il a obtenu la détention de la chose aliénée, à titre de locataire ou de précariste'. L'usureceptio ex ftducia a disparu avec l'usage de la fiducie, vers la fin du me siècle de notre ère 6. L'usureceptio reçoit une autre application: ex praediatura. Elle s'opère par deux ans pour les immeubles conformément au droit commun, mais contrairement à ce qui a lieu pour l'usureceptio ex faducia. Le Trésor a fait vendre une chose affectée à la sûreté d'une créance de l'État ; si le débiteur réussit à garder la possession de sa chose ou à la reprendre, il en recouvrera la propriété au bout de deux ans au préjudice del'acheleur, appelé praediators. Le nom donné à cette usureceptio montre qu'il y a ici, non pas une règle commune à toutes les ventes faites au nom de l'Etat [RASTA, p. 421, mais une particularité de la vente ex lege praediatoria [LEV, p. 1114]. Cette vente était usitée pour les biens des personnes qui s'étaient portées garantes [PRAES] d'une créance de l'État, ou pour les fonds de terre affectés à la sûreté de cette créance (praedia subsignata). Les conditions spéciales à cette vente étaient consignées dans le cahier des charges ou lex praediatoria 1°. 40 Restrictions à l'application de l'usucapion . Aux derniers siècles de la République et sous l'Empire, l'application de l'usucapion a subi un certain nombre de restrictions : la loi Atinia l'a exclue pour les choses volées en général, donc pour les choses nec mancipi qui anciennement ne comportaient ni propriété quiritaire ni usucapion". La prohibition cesse lorsque la chose est rentrée au pouvoir de son propriétaire [LEX AT1NIA, p. 1130, n. 29] 12. La loi Plaulia de via étendu la défense d'usucaper aux immeubles dont on s'est emparé par violence, et cette défense subsiste jusqu'à ce que le propriétaire ait eu la faculté de revendiquer sa chose 13 [LEX PLAUTIA, p. 1159]. La loi Julia repetundarum de l'an de Rome 695. interdit l'usucapion des choses qu'un gouverneur s'est fait donner par un habitant de sa province" [LEx JULIA, p. 1146, n. 23 ; REPETUNDAE, p. 838]. En somme l'usucapion d'une chose, acquise d'une personne qui n'en est pas propriétaire, n'est possible que pour un meuble non volé ou pour un immeuble possédé sans violence. L'usucapion d'un meuble est très rare : il faut supposer qu'un héritier avendu une chose louée ou prêtée au de cujus, en croyant qu'il en était propriétaire; que l'usufruitier d'une esclave vend ou donne le part de cette femme, en croyant qu'il lui appartient " [usus FRUC•Tus]. Les épaves maritimes et les objets jetés àla mer pour le salut d'un navire ne peuvent être usucapés : ils n'ont pas été volontairement abandonnés " [NAUFRAGIUM, p.9]. L'usucapion d'un immeuble est plus fréquente : i1 suffit qu'on profite de l'absence du propriétaire, de sa négligence, ou de ce qu'il est mort sans héritier. L'usurpateur ne peut pas usucaper parce qu'il n'a ni juste titre ni bonne foi ; mais s'il vend ou donne la chose, le tiers acquéreur de bonne foi deviendra propriétaire par usucapion17. L'usucapion est également exclue pour les choses qui ne sont pas susceptibles de propriété privée, pour celles dont l'aliénation est interdite18, ainsi que pour les biens du fisc". Elle ne s'applique pas non plus aux biens qui ne comportent pas la propriété quiritaire, comme les fonds provinciaux ; mais on arrive à un résultat à peu près équivalent par la longue possessionis praescriptio. III. Rescision de l'usucapion. L'usucapion, régulièrement accomplie, est, dans certains cas, considérée comme non avenue. Lorsqu'elle a lieu au préjudice d'un absent [ABSENS, p. 11, n. 3], l'Édit du Préteur estime qu'il serait contraire à l'équité de priver de son droit celui qui a été empêché de le faire valoir en temps utile. Il promet de le restituer en entier [RESrITUTIO IN INTEGRUM[. Les causes d'empêchement énumérées dans l'Édit tiennent à la personne du demandeur (service de l'État, captivité, etc.) 2D, ou à celle du défendeur qui, par exemple, se cache ou temporise 21, ou au fait du magisrat qui refuse de dire le droit ou qui ne veut pas tenir audience en raison de fêtes extraordinaires22. La jurisprudenceest allée plus loin ; elle a fait admettre la rescision de l'usucapion encas d'absence volontaire, lorsqu'il y a une juste cause : le propriétaire a fait un voyage pour compléter ses études ; son mandataire est décédé23 Dans tous ces cas le magistrat délivre une formule d'action, comme si l'usucapion n'avait pas eu lieu. C'est l'action que les modernes appellent Publicienne rescisoire [PuRI.i IV. Longue possessionis praescriptio. La prescription est une voie de procédure, une exception que le possesseur d'un fonds provincial peut opposer, sous certaines conditions, à l'ancien possesseur. Cette institution, qui assure au possesseur actuel une protection efficace, a été empruntée par les constitutions impériales à l'usage des pays de culture hellénique 2'. La prescription est citée pour la première fois dans un rescrit de Sévère et Caracalla, daté du 30 décembre 199 25, et qui USU 608 USU fut affiché en Égypte, à Alexandrie, le 19 avril 200 1. La praescriptio longae possessionis n'est pas, comme on le croyait autrefois, une application de la praescriptio pro reo. Cette praescriptio était depuis longtemps tombée en désuétude lorsque la prescription 1. p. fut consacrée par les empereurs 2. Ce n'est pas non plus une création du droit prétorien : plusieurs de ses règles dérogent à celles de l'Édit. La prescription, comme l'usucapion, doit être fondée sur une juste cause, et l'acquéreur doit être de bonne foi'. Mais elle exige une possession d'une plus longue durée : dix ans entre personnes habitant la même cité, vingt ans entre personnes habitant des cités différentes ''. L'accession de possession est permise comme dans l'usucapion et même plus largement : elle peut être invoquée par un acquéreur à titre gratuite. Les effets de la prescription ne sont pas les mêmes que ceux de l'usucapion : 1o La prescription ne peut être invoquée que si le délai de 10 ou de 20 ans est révolu avant que le procès ne soit engagé' [uns CONTESTATIO, p. 1272, n. 33] ; le juge ne peut en tenir compte que si le pouvoir lui en est donné par une clause insérée dans la formule. L'usucapion, au contraire, peut s'achever au cours de l'instance : c'est un moyen de défense qu'on peut faire valoir en tout état de cause. -2° La prescription peut être opposée aux créanciers hypothécaires 8 [nvpoTDECA, p. 366, n. 10]. L'usucapion laisse subsister les charges (hypothèque, usufruit) établies par l'ancien propriétaire On ne considère pas comme une charge le legs des services d'un esclave ; le legs n'est pas opposable à celui qui a usucapé l'esclave 10. L'application de la prescription n'a pas tardé à être généralisée. Caracalla l'a étendue aux meubles '1; Dioclétien aux fonds italiques12. Ses effets ont été élargis : elle confère une action réelle pour recouvrer la possession perdue 13. Dès lors son caractère a été transformé : c'est un mode d'acquérir, sinon la propriété quiritaire, du moins un droit réel analogue ". V. Longissimi temporis praescriptio. Au BasEmpire, la protection accordée aux possesseurs qui ont un juste titre et la bonne foi aété étendue, dans une certaine mesure, aux possesseurs à qui manquait l'une des conditions requises pour usucaper. On estima que le propriétaire, qui est resté très longtemps sans faire valoir son droit, doit subir la peine de sa négligence: sans le dépouiller de son droit, on lui refuse l'action dont il ne s'est pas servi ; on la déclare éteinte au bout d'un délai fixé à 40 ans par Constantin '5, puis réduit à 30 ans par Théodose le Jeune". Le possesseur n'acquiert rien de plus qu'une exception préjudicielle pour écarter la revendication du propriétaire. Cette exception porte le nom de longissinai temporis praescriptio, qui la distingue de la prescription usitée pour les fonds provinciaux. Si le possesseur perd la chose, il ne peut la revendiquer, car il n'est pas devenu propriétaire. Justinien est allé plus loin: il a décidé que la prescription trentenaire conférerait la propriété à l'acquéreur de bonne foi, sans qu'il ait à produire un juste titre et même si la chose a été volée 17. Il n'exclut que les choses dont on s'est emparé par violence18. Depuis la Nov. CXIX, c. 7 , les choses aliénées par un possesseur de mauvaise foi sont traitées comme les choses volées : lorsque le propriétaire a ignoré qu'elles étaient à lui et n'a pas connu le fait de l'aliénation, l'acquéreur de bonne foi ne prescrit que par trente ans. VI. Fusion de l'usucapion et de la prescription. Justinien a simplifié le système de l'acquisition de la propriété par une possession prolongée. La distinction des fonds provinciaux et des fonds italiques n'avait plus de raison d'être depuis que l'Italie était au pouvoir des rois barbares ; il n'y avait pas lieu de maintenir l'usucapion pour les immeubles. Justinien décida que, dans tout l'Empire, la possession prolongée, appelée désormais longi temporispraescriptio, ferait acquérir la propriété des immeubles et serait sanctionnée par la revendication19. Le délai est de dix ans entre présents, c'est-à-dire entre personnes habitant la même province (et non plus, comme autrefois, la même cité), de vingt ans entre absents, c'est-à-dire entre personnes habitant des provinces différentes 2D. L'usucapion resta applicable aux meubles, mais le délai fut porté à trois ans 2' Sauf cette différence, l'usucapion et la prescription de long tçmps forment désormais une seule institution soumise aux mêmes règles : elles sont opposables aux créanciers hypothécaires ; elles sont interrompues, soit par une demande en justice, soit, lorsque le possesseur est absent, par une requête adressée au magistrat22. Il y a dès lors, comme en droit moderne, un mode civil d'interrompre la prescription. Enfin l'accession de possession est permise, non seulement à l'acheteur, mais aussi à tout acquéreur à titre particulier 23. VII. Usucapio libertatis. Mode de libération des servitudes urbaines". Cette application de l'usucapion en matière de servitude a survécu à la loi Scribonia. Ulpien explique le fait en faisant remarquer que cette loi concerne la constitution des servitudes et non leur extinction. La liberté du fonds servant est acquise au bout de deux ans, si l'on a fait au préalable un acte contraire à l'exercice de la servitude. Cet acte est le point de départ du délai requis pour l'extinction de la servitude par le non-usage [SERVITUS]. L'auteur de l'acte contraire doit posséder le fonds servant pendant tout le délai, sinon l'usucapion est interrompue ; mais le possesseur actuel peut commencer une nouvelle usucapione'. ÉDOUARD Cu.