Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article USURPATIO

USURPATJO. Ce mot a une double acception indiquée par le jurisconsulte Paul : Io Dans la langue des orateurs, il a le sens de usu rapere et désigne un fréquent usage'. Il est parfois employé dans cette acception par les jurisconsultes pour désigner une règle contraire aux principes du droit, mais consacrée par l'usage'. 20 Dans la langue juridique, il a régulièrement le sens de usui rapere et s'applique à divers faits qui ont pour caractère commun de soustraire une chose à l'usus d'un tier. Peu importe que le fait soit ou non licite. Dans son acception habituelle, l'usurpatio désigne l'interruption de l'usucapion en matière de propriété' [usucAPio], du non-usage en matière de servitude' [sERvlTUS], de l'usus qui fait acquérir la maltus sur la femme mariée [MANUS, p. 1586, n. 16]. Il s'applique ensuite à la prise de possession illicite de l'immeuble d'autrui, od même d'un immeuble dont on est propriétaire, mais qui est possédé par un tiers 6.On considère également comme un usurpateur (raptor, praedo)' celui qui s'empare sansdroitd'dne univers itas juris, telle qu'une hérédité s. Enfin toute prétention frauduleuse à une dignités, à un titre'°, à une immunité d'impôt ", à la qualité d'ingénu [INGENUUS ; T.CX, p. 1167, n. 23] ou de citoyen" [LEx, p. 1153, n. 10 ; p. 1157, n. 6] constitue une usurpation. L'usurpation des immeubles est souvent le résultat d'une dépossession par la violence : elle est réprimée par les interdits unde vi [rN'rERDICTun, p. 563, n. 11]. L'usurpation sans violence donnait lieu anciennement soit à la revendication, soit à l'interdit de clandestina possessions [INTEfIDICTUM,p. 562, n. 23], puisàl'utipossidetis. Au Bas-Empire cette usurpation, qui ordinairement avait lieu au préjudice d'un absent, fut réglementée à nouveau : les biens usurpés doivent être restitués sans délai, à la requête de ceux qui possédaient au nom de l'absent''. A défaut de réclamation, l'absent pourra à son retour revendiquer les biens, sans qu'on puisse lui opposer aucune prescription''. Il en est de mème si la possession a été perdue par suite de l'infidélité du représentant de l'absent, ou de sa négligence'. Pour protéger plus efficacement les intérêts des absents, on créa un moyen de procédure plus rapide que l'action pétitoire : l'interdit momentariae possessionis, ainsi dénommé parce qu'il tend à procurer la restitution immédiate 1e. Le magistrat doit accueillir sans retard la demande" et n'a qu'un fait à vérifier : la possession". Le jugement est exécutoire nonobstant appels. Toute personne, même un esclave, peut exercer cet interdit20. Le droit ne se prescrit que par trente ans`-'. L'usurpation des biens consacrés aux dieux et des biens de l'État était, sous la République et au temps d'Auguste, de la compétence des censeurs [CENSOR, p.999]. Elle fut ensuite soumise à la juridiction des curateurs nommés par le Sénat, puis par l'empereur ou ses délé