Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VELUM

VELUM (IIaça~i'ru x). Ce terme général, dont l'étymologie est discutée paraît désigner tout pan d'étoffe destiné, au moins en principe, à s'étaler ou à flotter librement, au lieu d'envelopper un corps quelconque (tel le corps humain) en se modelant sur sa forme. Encore s'applique-t-il quelquefois, par extension, aux vêtements et notamment au voile de tête, qui néanmoins se dit plus ordinairement vhLAMEN. En dehors des voiles de navires [NAVts, p. 37 sq.], il comprend d'ordinaire tous les tissus' servant de rideaux, tentures, portières dans une partie quelconque de l'habitation, ou étendus à l'air libre, pour préserver du soleil ou des intempéries des gens en promenade ou au repos. Disposé au-dessus d'une enceinte pour spectacles, le velum s'appelle aussi velarium [voir ci-dessous]. Par suite, la tente [TENTORIUM] est un assemblage devela4 con VIE 672 VEL stituant un abri sommaire, parfois même avec charpente [TABERNACULUMJ 1. Telle fut d'ailleurs, selon Semper , la maison primitive: vue trop systématique, et ne distinguant pas assez entre la demeure du nomade, qui peut bien avoir revêtu de tissus grossiers des murailles faites de pieux et d'échalas, et celle de l'habitant fixé, qui de très bonne heure aura tiré parti de la pierre et de la terre durcie au soleil. Mais même celui-ci, agrandissant son domicile et voulant y établir des compartiments, aura sans doute, à cet effet, très vite recouru aux étoffes. Presque dès l'origine, la maison antique se ferme à l'extérieur et emprunte à la maconnerie sa solidité: au dedans, elle participe encore de la tente, réduit les cloisons à l'indispensable et les remplace souvent, ainsi que les portes et les volets, par quelque draperie. On ne trouve rien de précis à ce sujet dans l'épopée homérique 3, et même les descriptions minutieuses, qui y fourmillent, de parois « bien polies », ou de leurs revêtements en matières de luxe, bois, métal, enduits peints, supposent qu'on ne songeait guère à recouvrir les murs avec de l'étoffe ; mais rien n'interdit de penser que des tissus masquaient au moins les ouvertures. Les relations avec l'Orient, manifestes et actives durant la période égéenne, ont dû vulgariser jusqu'en Europe l'usage des tapisseries ; car là elles trouvaient un très large emploi. Ce n'est pas que les monuments l'attestent. On trouve bien en Égypte la représentation d'une tenture disposée verticalement au fond d'une édicule 4 ; mais, en Assyrie, les images de la tente royales et du tabernacle de campagnes n'y montrent pas d'étoffes, sauf peut-être pour la toiture (et encore des peaux ont dû plutôt la constituer). On peut songer du reste à une omission volontaire de l'artiste, qui aura figuré ainsi la tente ouverte, pour en mieux rendre visible l'intérieur. Il est hors de doute, en effet, que l'industrie du tissage, si prospère dans ces contrées, ne travaillait pas seulement pour l'exportation 1; c'est bien par une tradition héritée, et non spontanément, que la Perse achéménide accumulait les tentures dans les appartements. Outre que les textes y font allusion 3, « la disposition même de la demeure royale, a-t-on justement remarqué impliquait un très large usage de la draperie », et l'exemple a dù s'imposer à l'imitation des riches particuliers. « Posées à plat sur le sol, attachées aux combles de façon à tomber entre les colonnes des portiques, suspendues devant les portes ouvertes, peut-être aussi appliquées, par endroits, contre les murs de briques ou contre les boiseries, les tentures contribuaient, au moins autant que les parties solides de la construction, à l'effet d'ensemble i0. » Ce mode de décoration intérieure était tout indiqué dans les édifices où le gros oeuvre consistait en matériaux médiocres comme la brique ; rien n'était plus facile que de la renouveler et d'en varier les effets. L'auteur du Livre d'Est/ter avait vu quelque palais oriental, où l'aménagement des étoffes l'avait frappé1l. Les Grecs étaient au courant de ces merveilles : de vieux récits, que Philostrate 12 a mêlés arbitrairement à une tradition authentique de la vie d'Apollonios 13, rapportaient que les portiques royaux à Babylone étaient ornés d'étoffes brodées d'or, où l'on voyait représentés en tableaux des scènes des guerres médiques ou de la mythologie grecque. Beaucoup de ces tentures alors si appréciées venaient de Lydie, et il est certain que la Grèce ionienne, si orientalisante, en aura eu, elle aussi, la prédilection. Nous n'en avons plus trace que par le décor « en tapisserie » des cenochoés de Rhodes et des plats de Naucratis". Pourtant l'auteur d'une compilation mise sous le nom d'Aristote a décrit l'himation qu'Alkiménès de Sybaris avait consacré dans le temple de la Héra Lacinienne, où l'admiraient les pèlerins ii; bien que désigné sous un nom de vêtement, il y jouait le rôle d'une tenture. La Grèce classique a dû user plus modérément des tissus, étant moins soucieuse de luxe intérieur, et les témoignages, pour cette époque, demeurent très rares ; aucun n'est fourni par les vases peints. Une inscription du ve siècle, où Keeehler 16 areconnu l'inventaire des biens d'Alcibiade, vendus après l'affaire des ilermocopides', mentionne, parmi les objets de sa chambre, un na[p]a[7t€l 'saa [u] a [ ),tvj [oûv (on [x a oo[v) 19. C'est sous ce nom qu'ha bituellement les Grecs désignaient les étoffes étendues", notamment devant la porte d'une chambre à coucher ". Hérodote 20 parle des ri apiriETxrN.atix 7tictxi),a de la tente de Mardonios. Les maisons grecques avaient généralement des portes, au moins pour les locaux fermés au public 21 ; quand il pouvait entrer librement, on les remplaçait par des portières22, et c'était le cas pour nombre de pièces ouvrant directement sur la cour (aû)c ), d'où le terme aussi fréquent d'xu).a:a23 [AULAEA]. D'après un discours perdu d'llypéride", les neuf archontes prenaient leurs repas au milieu des tentures (aiXx(at;), dans le portique du Céramique. Les portiques d'Athènes, d'ailleurs, étaient de véritables galeries de peintures et de sculptures ; on ne peut guère douter que ces richesses ne fussent abritées, et au moyen d'étoffes on y parvenait VEL 673 VEL le plus simplement'. L. de Ronchaud' a vu, un peu audacieusement, dans les vers où Euripide 3 nous présente Ion dressant sa tente à Delphes, une description de la décoration intérieure du Parthénon. Du moins il s'agit évidemment de celle d'un édifice sacré. Le jeune homme puise dans les trésors, où l'on conservait les tissus de prix, avec broderies à sujets variés, pour les en faire sortir dans les grandes solennités ; il en attache au toit, en dispose sur les murs (peut-être simplement dans les colonnades intérieures) et enfin à l'entrée. Ces voiles, dans les temples, n'avaient pas une destination uniquement ornementale ; des préoccupations religieuses en dictaient aussi l'emploi. On dérobait aux profanes, à Jérusalem, la vue du Saint des Saints et Pausanias mentionne des voiles suspendus devant les statues de culte [AULAEA]. L'Aphrodite de Cnide se plaisait seule au grand jour ; sa cella était ouverte de tous côtés 6; mais d'habitude des rideaux mobiles maintenaient ces images au secret : dans le temple de Vesta, à Rome, le réduit intérieur était teçetibus saeptus 6; on voit, dans la fable d'Apulée, les serviteurs du sanctuaire d'Isis écartant les blancs rideaux qui cachent l'idole, rideaux disposés comme ceux de nos fenêtres 7. A partir de l'époque hellénistique, et surtout de l'époque romaine, les témoignages abondent touchant l'usage des vela. Ils fournissaient un moyen très commode de se dissimuler ; derrière eux, on entendait sans être vu. Alexandre fut de la sorte témoin de la torture qu'il fit donner à Philotas$ et épia ainsi bien des conversations'. Agrippine suivait, cachée par une tapisserie, les séances du Sénat10 ; la femme de Pline le Jeune faisait de même pendant les recitationes, quand son mari lisait à un cercle d'amis quelqu'un de ses ouvrages". Après le meurtre de Caligula, CIaude fut découvert, tout apeuré, derrière un rideau de porte, par le soldat qui le proclama empereur ". Dans l'intérieur des maisons, on se gardait par des rideaux contre la lumière trop vive ou la curiosité ; on en posait (levant les fenêtres, comme de notre temps". Ils étaient particulièrement nombreux, ainsi qu'on devine, dans les maisons suspectes où la jeunesse s'égarait''. Chez les gens vivant très simplement, on voyait tout au moins des étoffes grossières, Cilicum vela foribus appensa 15, et les cime sine aulaeis i6 étaient l'indice d'une très médiocre situation. Les monarchies de Syrie et d'Asie Mineure, régnant sur des populations aussi orientales que grecques, avaient beaucoup développé la vogue des tapisseries luxueuses": on avait adopté l'expression, qui se perpétua, d'aulaeae Attalicae'$ pour les tissus de soie aux riches broderies. Du parti que la maison grecque de ce temps tirait des étoffes, nous n'avons aucun aperçu par les fouilles; mais les témoignages indirects four Ix. millent : dans les très nombreux bas-reliefs hellénistiques parvenus jusqu'à nous, on voit fréquemment une draperie constituant le fond du tableau ; convention par laquelle le sculpteur donne à comprendre que la scène se passe dans un appartement 1°. Lorsqu'il veut représenter à la suite plusieurs épisodes d'une seule histoire, il distingue de même les scènes d'intérieur et celles qui ont lieu au dehors. Dans l'Apothéosed'Ilomère(fig. 509), Archélaos de Priène a mis au dernier plan du registre inférieur une longue tenture appliquée contre une colonnade : le poète est ainsi déifié dans un temple ; les autres épisodes ont pour théâtre les flancs rocheux du Parnasse. Il est donc certain que les parois étaient souvent recouvertes de tapisseries20. I1 est clair aussi qu'on en étendait en travers des pièces, de façon à pouvoir sectionner celles-ci à volonté 21: de deux on en faisait une aux jours de grande réception. Dans la salle à manger de Caton d'Utique, la décoration en étoffes avait coûté 800000 sesterces ; elles passèrent ensuite à Néron pour une somme de quatre millions". Semper pensait que les draperies de cloisonnement ne montaient pas jusqu'au plafond, mais seulement assez haut pour former des divisions sans nuire à l'effet général et à la perspective intérieure. C'est oublier que l'effet eût été ainsi probablement moins heureux, excepté dans les habitations de grande hauteur, qui devaient être assez peu nombreuses. Ce sont, ou des rideaux de portes, ou des tentures murales L3, ces inclusae auro vestes ornant le vestibule2'', également décoré à fresque, d'un riche Romain, sur lesquelles s'extasient les clients, dans leur visite matinale. Les ruines campaniennes nous procurent quelques données plus explicites. Bon nombre de pièces ouvrant sur l'atrium devaient être fermées pardes pièces d'étoffes. Dans une maison d'llerculanum, conservée sous la lave, et dont le relevé complet put être fait avant sa destruction, on a retrouvé encore en place les tringles et les anneaux qui avaient servi à suspendre ces rideaux". A Pompéi, autres observations : on constate que le compluvium pouvait être fermé par un velum ; les cordons qui permettaient de le déployer ou de le retirer étaient attachés à des anneaux de bronze, un à chaque colonne d'angle de l'atrium 26. De même, l'ouverture du lablinum n'était jamais close par une porte, mais uniquement par une portière : c'est ce que font voir les crampons, destinés à la fixer, qui sont revenus au jour dans la maison de Vesonius Primus 27. Dans deux maisons on a trouvé les embrasses de métal sur lesquelles elle reposait, quand on l'avait relevée de chaque côté. Dans celle dite « des noces d'argent », une embrasse de ce genre était fixée à chacun des deux pilastres d'entrée du tablinum, non pas en son milieu, où on serait en droit d'y voir un simple ornement, mais tout près de l'entrée. 85 VEL 674 Va Dans une autre maison on découvrit deux embrasses à chaque pilastre, de formes différentes, l'une contre l'entrée même, la seconde un peu plus en arrière, ce qui laissait la faculté d'éloigner plus ou moins le rideau de la baie. Ces embrasses consistaient en un disque de bronze, d'où sortait une proue de navire, celle-ci ornée, sur deuxexemplaires, d'une protome de taureau (fig. 7344)1. Certains documents figurés, comme la miniature représentant l'entrée du palais de Didon 2, ou la mosaïque qui domine la façade du palais de Théodoric à Ravenne (fig. 7375 , feraient croire que, même au seuil des constructions, on trouvait ainsi de simples portières ; mais certainement ces facades étaient construites sur cour, en arrière d'une clôture avec portes véritables et résistantes, pouvant seules garantir la sécurité, notam ment la nuit 3. Sans doute encore, lorsque, dans les décors de théâtre, une portière encadrée servait à indiquer un logis', on entendait en réalité le vestibule [VESTIBOLUM]. La mosaïque de Ravenne nous montre à la fois les différentes manières d'arranger les rideaux, quand on ne les laissait pas tomber naturelle-ment. Aux trois baies centrales, principal passage, des embrasses ou cordons les fixent de chaque côté de la porte; dans les entre-colonnements des portiques, ils sont seulement plissés et noués en leur milieu, laissant un passage de part et d'autre 5. Les spécimens sont très rares d'une décoration de porte comprenant tout ensemble deux rideaux qui tombent de droite et de gauche, et un troisième suspendu entre eux, au sommet de l'ouverture; c'est ce qu'on voit sur des coffrets de mariage en bois et en ivoire 6. L'usage païen en cette matière qu'évoque trop vaguement la mention des 7`olDcù rx( (apparemment des tapissiers) embauchés par Phidias pour la décoration du Parthénon 7 s'est intégralement transmis au monde chrétien, auquel nous devons une bien plus grande abondance de documents°. Des vela étaient suspendus en masse dans les églises : d'abord un grand rideau de portail (cortinia), de plus petits pour les autres portes ; des tapisseries fixées aux murailles du choeur, à l'arc triomphal, entre les colonnes de l'entrée du choeur 1°, et autour de l'autel entre les piliers du ciborium" : comme le paganisme, la foi nouvelle pensait augmenter l'impression de mystère et la dévotion en voilant le « Saint des Saints » ; ces vela n'étaient tirés qu'à certains moments des cérémonies. Surtout les tentures se déployaient entre les colonnes séparant la nef et les bascôtés, car on ne passait pas librement de l'une aux autres 12. Plus d'une basilique de Rome 13 conserve encore les vestiges des tringles sur lesquelles couraient les anneaux supportant tes tentures, à la hauteur de 3 mètres à 3 m. 50 au-dessus du sol. Quand ces portiques n'existaient pas, on plaquait les tapisseries contre les murs latéraux : la basilique civile du consul Junius Bassus (ive siècle), dédiée ensuite à saint André, n'avait qu'un vaisseau ; contre les parois on avait imité en mosaïque de riches tapis alexandrins 1'. Constantin avait donné des vela brodés d'or à l'église de Constantinople 1° et à l'église de la Nativité à Bethléhem u, et il s'en trouvait en tous pays 17. Le Liber pontificalis énumère à foison, pour les ville-ixe siècles, des dons de tapisseries (venant en général d'Alexandrie ou de Tyr) faits aux églises par les papes, suivant une pratique bien antérieure que révèlent d'autres sources encore, comme la Charta Cornutiana (a. 471), lettre de fondation d'une église dans un village voisin de Tibur 78. Il lui est fait présent de trois séries (paraturae) de rideaux de soie (olosericus), soie mélangée (tramosericus, subsericus) ou laine, pour les grandes fêtes, les fêtes ordinaires et les jours de la semaine. Quelques pièces sont dites tetravela, peutêtre pour leur forme carrée, ou leur quadruple épais VEL 67'i VEL seur, ou leur division en quatre panneaux comme au voile du ciborium ; d'autres ont des bordures [PARAGAUDA], ou des tabulae de chrysoclavo, pièces rapportées en long [CLAVUS, PATAGIUM] ou plus petites, rondes, carrées, polygonales [SEGMENTUM1 (cf. fig. 4830). Ces ornements divers sont très visibles sur les rideaux du Palatium de Ravenne 1. Quelques tentures étaient chargées de pierres précieuses, présentaient au milieu une croix de pourpre ou d'or, ou des sujets tissés, brodés, religieux ou profanes [TEXTIIINUM, p. 173-17'i]. Des esprits sévères détournaient les fidèles de trop examiner ces rnerveilles2, mais d'autre part elles frappaient utilement l'imagination des barbares Que reste-t-il de ces tapisseries à sujets? La plupart des tissus coptes, qu'ont fait entrer dans les collections les fouilles de ces derniers temps, sont des suaires; pourtant la toile du Musée des arts industriels de Berlin, représentant l'histoire de Daniel, pourrait être une ancienne tenture, vu la contraction qui l'a plissée e, dans le haut, effet f =_. possible du pro cédé de suspen sion, et les courbures régulières du rebord, qui indiquent qu'elle a d1 être maintenue en place par intervalles 4. En tout cas on a, avec la plus grande vraisemblance, consi_ déré comme tenture d'église pour colonnade, en le datant du début du ve siècle, un long pan d'étoffe (3 m. 70) trouvé dans le Fayoum°(fig. 7316). Les cordonnets attenants indiquent qu'on le fixait en plusieurs points de sa hauteur, pour le mieux étaler. Dans les appartements des riches Romains des serviteurs spéciaux, les velarii°, soulevaient le rideau' à l'entrée du visiteur 8 ; ils avaient, au palais impé rial, un chef dit praepositus velariorum domus Auguss tanae, ou praepositus velari(i)s castrensibus «le palais de l'empereur, chef de l'armée, étant considéré comme un camp), ou encore super velarios i0 ; une peinture du cimetière de Cyriaque" nous fait voir un velarius (fig. 7347) in troduisant ainsi au paradis une orante que deux saints accompagnent. Même geste traduit dans un coin de la grande mosaïque de Saint-Vital, où apparaît Théodora avec sa suite. Dans les temples l'office de soulever ces portières devant les prêtres et les personnages vénérables était réservé aux clercs inférieurs : ostiarii ou sous-diacres 12. En dehors des temples et des maisons, la draperie trouvait naturellement encore de nombreuses applications. Les dévots du paganisme plaçaient volontiers des vela autour des autels". Le bois sacré d'Hippolyte à Aricie était décoré de façon semblable'. Le voile de tête n'avait pas seul une signification religieuse. Dans certains monuments, on remarque un siège où est jetée une grande draperie, censée figurer la divinité absente, qui, présente, en eût été revêtue : tels sont les trônes de Vénus et de Mars, dans une peinture d'Herculanuln (fig. 6313), celui de Saturne, au Louvre1°. Tite-Live nous a fait le récit d'une cérémonie curieuse, par laquelle l'armée samnite se préparait à la guerre: dans une enceinte de palissades, couverte de voiles de lin, elle s'était assemblée et chacun y prêta serment 16. Dans une peinture, Epona assise caresse ses chevaux à l'entrée des écuries d'un cirque, marquée par des rideaux qui devaient les séparer de la salle des spectateurs (fig. 2703)11. On disposaitdes draperies auprès des li ts funèbres (fig. 3360), ou sur les chars mortuaires (fig. 33ii2), même sur les bûchers (fig. 3362). Les litières étaient garnies de rideaux [LEC'ICA, p. 1005], pour assurer la même tranquillité que l'intérieur des maisons 18; quand ces vela, nommés aussi PLAGAE, PLAGULAM, étaient tirés ou roulés, la lectica était dite aperta 19. Les chars également avaient leurs portières, en particulier les véhicules des femmes, en Asie 20, et le luxe des pirates s'affirmait notamment par l'abondance des tapis et tentures sur leurs galères 21. En temps de réjouissances publiques, rues et places se couvraient de bandes d'étoffes 22. Marcellus, neveu d'Auguste, étant édile, fit ombrager par des vela tout le Forum romain, dans l'intérêt de la santé des plaideurs23. Les cortèges professionnels et triomphaux se déployaient aussi au milieu VEL 676 VEL des tentures': mais il faut sans doute entendre à la fois des étoffes appliquées contre les façades des rues et places et d'autres tendues au-dessus de la chaussée. Les draperies horizontales, en effet, n'ont pas été moins répandues dans la vie antique, pour des raisons aussi bien pratiques qu'ornementales. On croit de moins en moins au grand nombre des temples hypèthres 2, qui fatalement eussent exigé' un velum au-dessus de l'ouverture du toit. Mais il exista forcément des constructions légères, où quelque toile remplaçait la toiture ; certaines couvertures d'édifices gardèrent même, dans leur décoration intérieure, quelque chose qui rappelait ce procédé sommaire', et dans les salles à manger les tentures du plafond étaient souvent une imitation des tentes'. tin passage célèbre d'IIorace' fait le récit d'un repasque vient troubler la chute d'une tenture, entraînant avec elle les poussières noires du plafond. Le scoliaste explique que les anciens tendaient effectivement des rideaux sub cameras, et le texte même du poète montre bien que c'est l'aulaeum qui tombe, et non la poussière seule ; il ne s'agit donc point, comme on l'a supposé', de tentures verticales, et ce n'est pas un enduit de mur qui vient s'abattre dans les plats. Le velum surplombant une table de banquet, du moins à l'air libre, est figuré dans certains monuments (fig. 1699), et l'on en retrouve l'usage dès l'époque grecque, grâce à un vase peint, qui en fournit l'indication assez schématique (fig. 7348)'. Il se pourrait d'ailleurs que la grande draperie qui, dans certains sujets, semble placée verticalement au fond de la scène, fût un velum horizontal rendu méconnaissable par une maladroite perspective. Les maisons avaient leurs parties hypèthres, et on y disposait des vela, jugés si importants que la jurispru dence les considérait comme faisant partie du train ordinaire du ménage le [SUPELLEX]. La cour intérieure de la maison antique [cAVAEDIUM] était dominée le plus souvent par une grande toile abritant le compluvium, défendant du soleil la mousse et la verdure qui l'entouraient, et volontiers on y employait un tissu de couleur rouge''. Mais c'est principalement en plein air, à la campagne, que l'on recourait à ce moyen rapide et peu coûteux d'avoir de l'ombre. Dans les reliefs et les peintures hellénistiques d'époque romaine, c'est un thème que nous retrouvons constamment (fig. 1699, 17O) 19; les artistes y introduisent quelques variantes. A la maison du Palatin, dans la frise jaune de l'aile droite, voici deux vela disposés horizontalement entre des constructions, l'un tendu raide, l'autre assez lâche f 3 ; ailleurs, c'est une société au repos sous une toile supportée par quatre piquets"; ou un personnage étendu sous le velum fixé d'une part à une maison, de l'autre à une sorte de mât avec sa vergue 13. Un arbre rend fréquemment le même service 16 comme pour nos hamacs, ou encore une de ces nombreuses tours rondes 17 qui sont un motif usuel du paysage d'alors. Dans la mosaïque Barberini, de Préneste, on voit un groupe de soldats romains arrêtés sous une tente devant un temple, et la déesse honore d'une taenia de victoire leur chef couronné de lauriers (fig. 7349)1'. Le /pucoûç m rxv; 19 dominant le trône de Xerxès devait être un velum étoilé20, ; on disposait ainsi des draperies pour couvrir toutes sortes de loges et de tribunes21. Un rideau masquait parfois le tribunal du préteur [su'ARIUM]. En principe, les audiences se déroulaient en public, mais quelques-unes dans le SECRETARIUII, ainsi nominé parce qu'il était fermé par un rideau (7tarari' sala velum) et accessible seulement aux of ieiales et aux personnages de haut rang; il semble qu'il y ait eu quelquefois deux rideaux, l'interius 22 et l'exterius, le premier faisant une sorte de vestibule. Pour rendre public ce tri \TEL fi 77 VEL bunal, il suffisait de lever le rideau' ; cette disposition explique les termes de la constitution de Constantin: Non sit venale judicis velumn2. VICTOR CIIAPOT. théâtre. Les théâtres grecs et romains, on l'a vu ailleurs [TIIEXTRu2I], étaient à ciel ouvert. Chez les Grecs il ne semble pas qu'on ait jamais songé à protéger, d'une façon quelconque, l'assistance contre les ardeurs du soleil ; ce n'est que tardivement, à Home, que fut inauguré le grand velum de lin, destiné à cet usage 2. Selon Pline, il aurait été introduit dans les théâtres par Q. Catulus, à l'occasion des fêtes magnifiques que celui-ci donna pour la dédicace du nouveau Capitole (69 av. J.-C.) 3. Mais bientôt cet objet d'utilité devint un objet de luxe. Aux jeux Apollinaires de l'an 60 av. J.-C., le préteur Lentulus Spinther abrita, pour la première fois, l'assistance sous un velum, non de lin ordinaire, mais de ce lin fin appelé CARBASI's 4. Vers le même temps, Lucrèce parle d'étoffes de couleur, jaunes, rouges, bleuâtres (lutea, russa, ferruginea), déployées au-dessus des théâtres°. Des spectacles scéniques l'usage du velum s'était naturellement étendu à d'autres spectacles, également à ciel ouvert, en particulier à ceux de l'amphithéâtre [ASIPllITIIEATRuSI, p. 9.17; et nous y constatons le même déploiement de luxe. C'est ainsi que, sous Néron, on vit à l'amphithéâtre un velum d'une extraordinaire richesse : le pourtour, couleur bleu de ciel, était semé d'étoiles d'or ; le champ était de pourpre, et au milieu se détachait en broderie l'image de l'empereur guidant un char °. Quelles étaient la forme et la disposition de cette grande banne et comment se manoeuvrait-elle ? La question est fort obscure. Pour la résoudre, nous disposons des sources suivantes : 1° quelques textes littéraires et épigraphiques' ; ii° une peinture de Pompéi, découverte en 1869, qui représente ]'amphithéâtre de cette ville avec son velum (fig. 7350) s ; 3° certains aménagements matériels, visibles encore dans les monuments antiques 9 ; 4° l'analogie de maintes installations modernes 10 Que nous enseignent les textes ? Ils nous font connaître d'abord les instruments ou organes essentiels, à l'aide desquels s'opérait la manoeuvre du velum : mâts (mali) ", poutres (trabes) 12, cordages (rudentes)1b, et machines (machinatio) par lesquelles il faut entendre sans doute des poulies et des treuils. Ils nous apprennent, en outre, que le velum n'était pas déployé à demeure au commencement de la représentation, mais qu'on pouvait, au cours même du spectacle, le replier '°. Enfin il ressort encore de ces textes que l'installation d'un velum était une opération très difficile et compliquée (Vitruve, par exemple, la met sur le même rang que l'établissement de gradins en bois) t° ; que, pour cette raison sans doute, beaucoup de représentations s'en passaient"; et que, même dans les théâtres ou amphithéâtres pourvus d'un velum, le vent empêchait souvent qu'on le déployât". Passons maintenant en revue les dispositions architectoniques qui, dans plusieurs monuments antiques, paraissent en corrélation avec le velum. Il y a lieu, à ce point de vue, de distinguer les théâtres des amphithéâtres ; car, la forme de ces deux genres d'édifices étant différente, le problème se posait, pour chacun d'eux, dans des conditions distinctes. Au théâtre de Pompéi, le mur d'enceinte de la cavea présente, près de son sommet, et sur sa face interne, une série de saillies en pierre perforées, auxquelles correspondent, en dessus, des entailles pratiquées dans la corniche [rur.TRUIi, p. 191, fig. 686519]. D'où l'hypothèse toute naturelle que dans ces saillies et ces entailles passaient les mâts, destinés à supporter le velum. Malheureusement, la partie supérieure de l'enceinte a été l'objet d'une réfection moderne, où il n'est pas certain que l'ancien état de choses ait été respecté"0. Au théâtre d'Orange, le mur extérieur de la scène offre des dispositions très compliquées. On y voit deux rangées parallèles de corbeaux [fig. 6867], qui, à l'exception des trois corbeaux extrêmes de l'angle gauche et des deux corbeaux extrêmes de l'angle droit, sont tous, à l'un comme à l'autre rang, percés d'un trou, vraisemblablement pour le passage d'un mât. Mais entre ces deux rangées, est interposé un bandeau-gouttière arrondi, qui, chose étrange, ne présente d'échancrures qu'à droite et à gauche dans la verticale des six premiers trous de corbeaux ; tout le reste de son développement est sans entaille. En sorte que, sauf ces six corbeaux à gauche et à droite, tous les autres, bien que perforés, ne pouvaient être d'aucune utilité. Cette anomalie prouve à l'évidence que cette partie du mura subi, à une certaine époque, une modification, avant laquelle le bandeau-gouttière qui sépare les deux lignes de corbeaux n'existait pas 21. Au théâtre d'Aspendos, un peu au-dessous du sommet de la façade externe de la `'EL VEL scène, se détachent deux rangées de consoles, larges de 0 m. 65 et hautes de 0 m. 50 ; distribuées également sur tout le pourtour, extérieur de la cavea, elles se correspondent deux à deux, l'une au-dessus de l'autre. La plus haute est percée d'une ouverture que traversait un mât, la plus basse d'un trou moins large où pénétrait le pivot 1. Au théâtre d'Arles, le premier gradin inférieur est percé d'un certain nombre de trous ronds, qui paraissent avoir reçu des mâts, destinés peut-être à porter ou à soulager le velum ; en outre, le deuxième gradin en montre de plus petits, où l'on doit probablement reconnaître les attaches des cordes qui assujettissaient ces mâts'. M. Forrnigé croit pouvoir affirmer l'existence de semblables points d'attaches sur les gradins inférieurs des théâtres de Carthage, de Dougga et de Ségeste Enfin, au théâtre de Syracuse, des trous de mâts sont encore visibles dans la praecinclio s. Arrivons aux amphithéâtres. Au Colisée de Rome, on remarque extérieurement, à la hauteur du tiers supérieur du quatrième étage, au-dessus de chaque arcade, trois consoles saillantes auxquelles répondent symétriquement, en dessus, des trous carrés dans la corniche et des échancrures dans l'architrave [AMPIIITUEATRUJI, p. 213, fig. 269, et p. '214, fig. 271] '. A Pola, la corniche supérieure est perforée et, plus bas, se dégage une série de pierres saillantes, où l'on discerne encore la trace des mâts auxquels elles servaient de supports 6. A Nîmes, l'attique offre sur tout son pourtour 1 20 consoles perforées 7. A l'amphithéâtre de Pompéi, on voit, au sommet de l'édifice, dans le sol du passage situé derrière les loges des femmes, un certain nombre de trous et plus haut des anneaux de pierre engagés dans le mur d'enceinte. Ces aménagements ne peuvent être étudiés toutefois qu'à l'angle sud ; sur tout le reste de l'enceinte, ils n'ont point laissé de traces 3. Enfin aux amphithéâtres de Nîmes et d'Arles existent, le long du podium, des attaches de cordages, qui devaient, selon l'opinion de M. Formigé maintenir le centre du velum, l'empêcher de se gonfler ou de fouetter au vent. Voyons maintenant comment, d'après ces vestiges et les textes, les architectes et érudits modernes ont communément conçu la disposition et le fonctionnement du velum. Ici encore il convient, pour la raison déjà indiquée, de discerner les amphithéâtres des théâtres. L'architecte français A. Caristie, auteur d'études approfondies sur les monuments antiques d'Orange, a émis, il y a environ un demi-siècle, au sujet du velum dans les amphithéâtres, l'hypothèse suivante. A un fort câble, noué à ses deux extrémités et disposé en forme d'ellipse, il suppose que venait se relier (probablement au moyen d'anneaux de métal) une série de cordages rayonnants, qui avaient leurs points d'attaches à une ceinture de mâts dressés au haut de la périphérie. Le câble elliptique reposait d'abord sur l'arène. En opérant, du haut de ces mâts, à l'aide de poulies et de treuils, une traction simul Canée sur les cordages rayonnants, le velum, supporté par ce réseau de cordes, se soulevait peu à peu et se trouvait tendu10. D'autres archéologues, tout en acceptant les lignes essentielles de cette restitution, estiment qu'il y faut ajouter un dispositif complémentaire, servant à maintenir le centre du velum : probablement, un système de cordes verticales descendant du sommet au podium". Par contre, un architecte italien, E. L. Tocco 12, rejetant totalement l'hypothèse de Caristie, a prétendu que les consoles perforées, qu'on observe à la périphérie supérieure des théâtres et amphithéâtres, n'avaient avec le velum aucune relation, mais servaient de supports à un étage supérieur en bois. Comme point d'appui principal du velum, il juge indispensable un grand mât planté au milieu de l'arène; la toile aurait eu ainsi la forme d'un immense pavillon avec sommet en pointe. Mais cette conception, ainsi qu'on l'a objecté, se heurte à des impossibilités matérielles 13. Se figure-t-on, au Colisée, par exemple (où la hauteur du mur d'enceinte atteint 180 pieds), un pilier central de 200 pieds de haut environ ? Comment assurer à ce support la stabilité nécessaire ? Il eût fallu, pour cela, substituer au simple mât une construction massive en forme de tour ; mais alors la vue de l'arène eût été offusquée de la façon la plus fâcheuse par cette masse. Quant à l'hypothèse de Caristie, elle apparaît elle-même bien peu vraisemblable, malgré l'approbation presque générale qu'elle a rencontrée, dès qu'on songe aux énormes proportions des amphithéâtres antiques. Au Colisée, le grand axe de l'ellipse mesure 188 mètres, le petit axe 156 ; à Pompéi, nous trouvons encore 140 mètres pour 105, à Nimes 133 mètres pour 101, à Arles 136 mètres pour 108''. Il semble matériellement impossible qu'on ait pu manoeuvrer avec sûreté une toile de telles dimensions. M. I+ormigé, il est vrai, remarque à ce sujet que l'opération pouvait et devait s'effectuer en deux temps. « D'abord on tendait les cordages ; puis, ceci terminé, on déployait par-dessus le velum. Si en effet on l'avait tendue directement, l'étoffe, généralement légère et précieuse, n'aurait pu résister à cet effort considérable, auquel s'ajoutaient son poids, la pluie et les coups de vent : ou elle se serait déchirée, ou même on n'aurait pu l'établir dès que la moindre brise soufllait13. » Mais ce dédoublement nécessaire de la manoeuvre, en raison du temps assez long qu'il eût exigé, impliquerait, semble-t-il, que le velum était tendu pour toute la durée du spectacle, tandis que nous savons qu'il pouvait, à tout moment, être replié au gré des spectateurs'. Ces diverses difficultés nous obligent à chercher une solution nouvelle plus pratique. Or cette solution nous est offerte par la peinture pompéienne, dont it a été parlé plus haut (fig. 7350)17. On y aperçoit, à l'extrémité sud de l'amphithéâtre, le velum à peu près complètement replié 13. Le froncement multiple de l'étoffe, ainsi que les plis en relief perpendiculaires à ce froncement, qui la divisent en lés, indiquent claire VEL 679 VEL ment qu'elle glissait, au moyen d'anneaux fixés de distance en distance à son envers, sur neuf cordes tendues du sud au nord. Connaissant la partie essentielle de cette installation, on en peut restituer le complément indispensable, c'est-à-dire un système de tirants doubles sur poulies permettant le va-et-vient du rideau d'arrière en avant et inversement, et dans la mesure qu'on voulait. Comme on le voit, c'est en somme exactement le mécanisme usité encore de nos jours, dans nos halls et nos ateliers vitrés, pour tamiser les rayons du soleil'. La même peinture nous apprend que le velum de Pompéi était, à son point de départ (au sud), assujetti aux deux tours du rempart, contre lesquelles vient buter l'enceinte de l'amphithéâtre. Rappelons en outre ce qui a été dit plus haut : qu'il était soutenu aussi par des mâts, dont les vestiges se voient encore dans le couloir supérieur, derrière les loges affectées au sexe féminin. Jusqu'oit s'étendait cet abri dans la direction nord? Il n'est pas probable qu'on l'ait jamais déployé sur toute la superficie de l'amphithéâtre, pour la seule raison que cela eût été inutile. Ainsi que le remarque M. Durm, « étendre un voile au nord, à l'est et à l'ouest, c'est-àdire contre le soleil levant ou couchant, était chose superflue, en raison de la hauteur des murs d'enceinte » 2. Dans les théâtres romains on admet généralement, pour le velum, le mode d'installation proposé également par Caristie 3 : un vaste réseau de cordages, supportant la toile, et qui ont leurs points d'attaches sur une ligne de mâts, disposés tant à la périphérie supérieure de la cavea qu'au sommet de la scène, tels en sont les traits essentiels'. Mais ici se présente une grave difficulté qui n'existait pas à l'amphithéâtre. Difficulté qui provient : P de la forme semi-circulaire de l'édifice ; 2 du fait que les mâts qui garnissaient le sommet de la scène paraissent avoir été toujours dressés à sa façade externe (exemples : Orange, Aspendos). Comment, dans ces conditions, c'est-à-dire malgré l'épaisseur du bâtiment de la scène, élever le voile au droit et au-dessus de ce bâtiment? Voici le mécanisme qu'imaginait à cet effet Caristie pour le théâtre d'Orange 5. Dans cet édifice la difficulté, on se le rappelle, est encore aggravée par cette circonstance que six seulement des consoles perforées étaient utilisables, à droite et à gauche. L'élément principal du mécanisme en question est un câble de forme semi-circulaire, dont les extrémités sont réunies par une droite, tendu au moyen de cordes rayonnantes. Pour réaliser, malgré la partie droite, une traction égale sur tous les points, il faut supposer, à chaque extrémité du câble semi-circulaire, une armature en bois, fer ou bronze', oit venaient, en se croisant, se rattacher les cordes des six mâts de droite et des six mâts de gauche Un système de poulies de renvoi et de tourillons 8 permettait, en dépit de l'obstacle opposé par le bâtiment de la scène, d'opérer le tirage vertical. Toutefois la complication même d'un tel dispositif le rend peu croyable O. En fin de compte, donc, il y a lieu de penser que, dans les théâtres aussi bien que dans les amphithéâtres, l'installation du velum était celle que nous révèle la peinture de Pompéi. On ne voit pas pourquoi, pour deux cas en somme assimilables, on aurait eu recours à deux solutions différentes. Mais, cette première question tranchée, une autre se pose. Le velum, dans les théâtres, abritait-il toute la surface découverte? Que cela fût possible (l'espace à couvrir étant généralement moindre que dans les amphithéâtres), et même que cela eût lieu à l'occasion, il n'est pas permis d'en douter. Nous avons à ce sujet un témoignage décisif de Lucrèce7e ; le poète y parle des voiles éclatants tendus dans l'immensité des théâtres (vela... magnis intenta tlteatris), et qui de leur ombre, colorée teignent, en dessous, non seulement la foule assise dans la cavea (consessum caveaï), mais encore toute la scène (omnem scenaï speciem). Il est clair qu'il s'agit ici d'une toile allant du fond de la cavea jusqu'au toit de la scène ". A moins que l'on ne suppose (ce qui eût rendu sans doute la manoeuvre plus facile) deux stores distincts, partant l'un du fond de la cavea, l'autre de la scène et s'avançant à la rencontre l'un de l'autre. Les trous que l'on relève à Arles, par exemple, sur le premier gradin inférieur, marqueraient la ligne de mâts où se raccordaient ces deux toiles, actionnées en sens inverse. Quoi qu'il en soit, il est naturel d'admettre, malgré le témoignage de Lucrèce, que dans la majorité des théâtres le velum n'était déployé qu'audessus des parties exposées au soleil. A Orange, par exemple, où la cavea s'ouvre assez exactement vers le nord, les spectateurs, abrités d'ailleurs par l'ombre des murailles d'enceinte (hautes d'une trentaine de mètres), ne recevaient le soleil que dans le dos ; tout au plus l'orchestre, ainsi que les gradins inférieurs, étaient-ils touchés par les rayons du soleil levant et couchant. Dans ces conditions, il suffisait d'un velum très limité, et on pouvait même à la rigueur s'en passer 12. Répétons en effet, à ce propos, ce qui a été déjà dit précédemment, à savoir que, ni dans les théâtres ni dans les amphithéâtres, le velum n'était d'un emploi constant". En ce qui concerne les amphithéâtres, on peut même induire de deux inscriptions de Pompéi, qui, donnant le programme des jeux, y ajoutent la mention « vela erunt », que le public ne s'attendait pas toujours à cette commodité 14. A la question du velum s'en rattache étroitement une autre, dont il nous faut dire quelques mots : c'est celle YEN 680 VEN du toit du proscaenium a. Rien de plus variable,comme on sait [THEATRUM, p. 186], que l'orientation des théâtres antiques, tant grecs que romains. Il y a, par suite, tel théâtre (ex. Orange, Bosrâ) où, la scène étant exposée au midi, les acteurs auraient reçutoute la journée le soleil en plein visage 2; il est clair qu'en pareil cas un abri était nécessaire. En fait, des vestiges très nets, qui subsistent à Orange', à Aspcndos4, à Bosrâ6 (sur la fions scaenae, sur les murs latéraux en retour, sur la façade extérieure de la scène'), prouvent l'existence ancienne d'un toit en appentis, qui couvrait le proscaenium7. Toutefois un auvent si élevé (à Orange, il dominait d'environ 36 mètres le niveau du sol) n'eût pas, à certaines heures du jour, suffi à défendre efficacement du soleil les artistes; il fallait donc autre chose. Nous avons vu que dans certains théâtres (particulièrement, sans doute, dans ceux de petites dimensions) le velum s'étendait jusqu'à la scène. Ailleurs on se contentait peut-être plus simplement d'un rideau suspendu verticalement au bord extrême du toit du proscaenium. Dans l'étude qui précède nous n'avons considéré Je velum que comme abri contre le soleil; et c'était là, sans contredit, sa destination essentielle. Accessoirement, cependant, il pouvait aussi protéger, à l'occasion, le public contre une pluie légère. Et il convient enfin de remarquer, avec M. Formigé, qu'en renforçant les ondes sonores sans créer d'écho il favorisait l'acoustique 6. O. NAVAntu;. TUTÉLAIRES. Les anciens savaient que la chasse avait précédé l'agriculture'; mais, bien qu'ils connussent des populations qui ne vivaient que de la chasse', ils n'avaient pas le sentiment qu'elle eût été pratiquée de tous temps. Tandis que les monuments exhumés par les fouilles nous permettent d'affirmer que leurs ancêtres de l'époque égéenne chassaient à pied' et en char tout comme leurs contemporains d'Égypte et d'Assyrie, les Grecs ne croyaient pas que la chasse eût été introduite chez eux longtemps avant la guerre de Troie : les nombreuses allusions à la chasse qui se trouvent chez IIomère obligeaient à la croire dès lors bien connue G. Les traditions concernant cette introduction étaient des plus diverses : suivant certaines fables les dieux archers, Apollon et Artémis, avaient appris à des héros favoris la chasse à l'arc et au chien; Xénophon rapporte que Chiron enseigna la vénerie à vingt et un héros8 Achille 9, Atnphiaraos, Antiloque, Asklépios f0, Castor, Céphalos, Diomède, Énée, Hippolyte, Machaon, Mélanion, Méléagre, Ménesthée, Nestor, Palamède, Pélée, Podalire, Pollux, Télamon, Thésée, Ulysse. Ce catalogue " est destiné à concilier diverses légendes, et le choix de Chiron comme précepteur de tous ces héros peut provenir de ce que les Centaures, armés de pierres ou de branches d'arbres, semblent être nés des souvenirs déformés que les habitants primitifs des montagnes de Grèce léguèrent à leurs conquérants Achéens 12 Oppien " laisse aux Centaures du Pholoé la pratique première de la chasse, mais il en distribue les principales inventions entre les héros chasseurs les plus connus : Persée aurait été le premier à poursuivre le gibier à pied, Castor à le poursuivre à cheval", Pollux à se servir des chiens, Hippolyte à employer les filets et les pièges, Atalante à imaginer les flèches pennées et Orion les pièges nocturnes ; on sait que ce dernier est représenté au ciel comme un chasseur de lièvre (fig. bb39). De son côté, Gratins est l'écho de traditions locales quand il fait de l'Arcadien Derkylos l'inventeur des toiles et des lacets et du Béotien Mignon celui de la chasse au chien '°. Quoi qu'il en soit, le nombre même de ces héros chasseurs, les exploits cynégétiques d'Héraclès, la mort, sous les coups d'un sanglier, d'Ankaios, d'Adonis ou d'Attis, enfin la chasse de Calydon, qui fut peut-être le sujet de la plus ancienne des épopées grecques'', toutes ces légendes attestent qu'on se souvenait, dans la Grèce classique, d'un temps où elle avait été si infestée de bêtes sauvages qu'il avait fallu les conseils des dieux et la force des héros pour l'en délivrer. La chasse resta toujours sous le patronage de divinités attitrées, qu'il fallut intéresser à son succès en leur abandonnant une part des dépouilles t7. En certaines régions on semble même avoir ouvert la chasse par des prières publiques ou privéesf6. Artémis VE\ -681VEN resta la déesse de la chasse par excellence' ; c'est qu'elle avait commencé par être la potnia thérôn, la reine des bêtes sauvages, que l'art égéen lègue à l'art ionien, accostée de lionceaux ou de daims, de lièvres ou d'oiseaux de proie, sous cette forme si expressive qui, à l'époque classique, a abouti d'une partà l'Artémis d'Éphèse rigide dans sa gaine décorée d'animaux multiples (fig. 2387), de l'autre à la Diane à la biche (fig. 2377). La chasseresse divine elle-même avai t probablement été représentée jadis le front chargé de ces bois de cerf qu'elle fit porter à Actéon' ; on montrait ses « chasses sacrées » à Thérai dans le Taygète à Agrai sur l'llissos 4 et près de Léhadée Cornue déesse de la chasse en général, elle portait le vocable d'Agrotéra 6 ; l'in térèt particulier qu'elle prenait à la poursuite du cerf et du lièvre lui valut ceux d'Élaphébolos 7 et de Lagobolos 3. C'est en son honneur qu'on célébrait les ELAPHÉBOLIA 9 ; il est probable qu'on y représentait d'abord une chasse sacrée de cerfs, apparentée aux TAUROKATIAPSIA cette fête que la Thessalie avaitgardée en héritage des temps égéens on l'on prenait dans des filets les taureaux sauvages, comme on le voit sur le gobelet de Vaphio (fig. 5928) : peut-être ces taureaux étaient-ils destinés aux courses rituelles qui se célébraient sur l'arène de Cnossos l'. A côté d'Artémis, Apollon '2, Héraklès 13 et les Dioscures" jouèrent un rôle, d'ailleurs fort restreint, comme patrons de la chasse. Ils furent éclipsés comme tels à l'époque hellénistique par la popularité grandissante du Pan arcadien'°. Par une extension naturelle, Pan a cédé parfois ses fonctions de protecteur de la chasse à d'autres génies agrestes, Priape 16, Silvain17, Vertumne1t. Sur 17 dédicaces de chasseurs que contient 1X. l'Anthologie, 13 s'adressent à Pan, 2 à Artémis, I à Apollon, 1 à Héraklès 10. Encore ce dernier figure-t-il sans doute à titre d'ancêtre du roi de Macédoine, auteur de la dédicace. Au nord de la Macédoine et en Thracç s'étendait le domaine du « héros cavalier », dont le culte paraît s'être introduit en Grèceau me siècle. On le représentait accompagné d'un ou de plusieurs chiens, parfois suivi d'un écuyer portant des dépouilles, souvent fonçant sur un sanglier20. Il ne portait pas de nom spécial ; en Thrace on se bornait à accoler à Hérôs un vocable tiré du nom du lieu ou de la tribu dont il était le protecteur; en Grèce on n'ignorait pas qu'il était apparenté au Dionysos thrace et à ses hypostases, Lycurgue ou Ithésos 21. Dionysos est appelé Kynégos à Priène 22 A ces protecteurs de la vénerie, quel que fût leur nom spécial, on consacrait en prémices (npe.)T ta, 7rcw'réaEtl) une part des dépouilles. Elle pouvait se présenter sous cinq formes, soit: l° les prémices de la chasse, une biche, un lièvre, une grue23 ; 20 ce qu'il y avait de plus beau et de plus durable, et aussi de non comestible, dans le gibier : peau d'ours, hure de sanglier, bois de cerf" ; 3° un monument représentant le chasseur" ou sa victime 26 ; 40 une des armes' ou un des engins 28 qui avaient aidé à prendre le gibier de poil ou de plume ; 5° la laisse et le collier d'un chien qui s'était distingué". Le plus souvent c'est à un arbre sacré, dominant une clairière, qu'on suspendait ces dépouilles, près du théâtre de la chasse," ; une image attachée à l'arbre31, comme on le voit encore dans nos forêts, un hermès grossier dressé à son pied32, ou un autel rustique orné de têtes de cerf33, recevaient le sacrifice ; quand les trophées de chasse étaient des curiosités" ou quand ils émanaient de grands VEN 682 VEN personnages', on les envoyait à des sanctuaires fameux. Souvent aussi les chasseurs d'une région se rendaient au temple d'Artémis le plus voisin. Xénophon a décrit pour la Grèce 2, Grattius pour l'Italie 3 et Arrien pour la Gaule a, le sacrifice solennel qu'on offrait, suivi de lustrations et de banquets : « Si les chasseurs négligent et Artémis chasseresse et Apollon et Pan et les Nymphes et Hermès (qui nous empêche de nous égarer par les chemins) et toutes les autres divinités des bois et des montagnes, ils ne réussiront pas. Leurs chiens se blesseront, leurs chevaux boiteront et le résultat trompera leur espoir n, écrit encore Arrien, tout élève qu'il fût d'Épictète, et Hadrien se fera représenter au retour de ses chasses sacrifiant à Diane, à Apollon, à Hercule ou à Silvain6. chasseurs. Le chasseur devait avoir un vêtement assez court et assez ajusté pour n'être pas gêné dans ses courses : « Que sa tunique, relevée avec grîce, soit fixée au-dessus du genou par une double courroie. Que le manteau, qui flotte en descendant du cou sur l'un et l'autre bras, soit rejeté derrière les épaules...11 vaudrait encore mieux ne point porter de manteau : agité par le souffle de l'air, souvent il effraie le gibier timide»). La seconde courroie dont il est question est une ceinture placée plus bas que celle de la taille et qui relevait la tunique jusqu'au haut de la cuisse droite : c'est la tunica succincta prêtée si souvent aux chasseurs' comme à leur patronne Diane et à ses nymphes; comme celles-ci, les chasseurs portent fréquemment leur tunique en exomis, c'est-à-direl'épaule droite à découvert. Quand ils la couvraient d'un manteau 9, il fallait qu'il fût bien serré, d'étoffe solide, souvent à poils longs 1e, On en trouve également en peaux de bêtes". Le gardefilets (p weops) devait être particulièrement court-vêtu f2. Comme chaussures on recommande au chasseur ou des guêtres (xv-~u(ç, ocrea)13, ou des demi-bottes, lacées sur le devant et découvrant les orteils, très propres à la course (endromis), ou des brodequins plus courts et couvrant tout le pied (cothurnus) ".'Mais Oppien conseille aux chasseurs qui vont à la piste de marcher pieds nus pour éviter le craquement des chaussures'. Comme coiffure on voit les chasseurs porter ou un bonnet collant en peau, qui est sans doute le GALERUS 16, ou la GALEA renatoria17, ou un chapeau à larges bords pouvant garantir du soleil et de la pluie, le PETASUS 15 (6g. 7354). Les Gallo-Romains portent souvent leur ennuies national19. Oppien montre un chasseur un coutelas à la ceinture, des javelots dans la droite, guidant, de la gauche, ses chiens s'il est à pied, son cheval s'il est monté2e Filets. Les filets de chasse ont été décrits à l'article RETE21. Nous n'avons ici qu'à en indiquer la manoeuvre. Une partie des chasseurs formaient, accompagnés ou non de leurs chiens, un cordon de rabatteurs, ou indago2L.Cordon peut être pris ici au sens propre, car ils tenaient très souvent devant eux, comme barrière, une simple corde, linea 23 ; les noms de metus, de forntido ou deô=:u.x94qu'on lui donnait rappellent que son but était d'effrayer le gibier ; l'épithète de pinnatum ou pennalu/n, qu'on atteignait ce but par les plumes et les rubans multicolores dont o ❑ le garnissai t2o. Pour les cerfs etautres bêtes timides, on se contentait de plumes de vautour et de cygne ; l'odeur des premières et la blancheur des secondes suffisaient à leur faire peur26 ; pour les bêtes féroces, on se servait de plumes de couleurs éclatantes, souvent teintes en rouge écarlate 2 , ou bien d'ailes entières28 ; parfois aussi on les brûlait légèrement, dans l'idée que l'odeur du roussi contribuerait à effrayer l'animal29. Pour lever les animaux on ajoutait, bien entendu, l'effet des cris, même le son de vases d'airain qu'on frappait30 Ainsi rabattu, le gibier venait se jeter contre les filets. Ceux-ci peuvent constituer des toiles continues formant une vaste barrière (RETS, ôx.vov) comme nos halliers ou pantières (77vx,ypov), des rets plus courts (cassis, pxuç) disposés de façon à pouvoir s'allonger en bourse (sinus, xExpé'x),os) sous la pression du gibier 31; des panneaux destinés à fermer les issues latérales (playae, ivciôta), ou encore les chemins ménagés à dessein dans la première ligne de filets, pour forcer à s'y VEN 633 VEN engager les bêtes qui se déroberaient d'abord ; de toute façon, pour tout filet pourvu d'une coulisse (776piôpoli.oÿ, epidrornus, lirnbus) 2, les chasseurs apostés à cet effet le tiraient alors 3, et, promptement, les ailes (alae)4 du filet, qui avait reçu une forme d'entonnoir, se refermaient. Le gibier était pris 5; mais il ne manquaitpasde se débattre et il fallait souvent, surtout pour les cervidés, que les chasseurs, dans une sorte de corps-à-corps°, maîtrisent la bête, dont les pieds seuls étaient embarrassés par les filets (fig. 7360) '. Il fallait aussi faire attention à la direction du vent pour l'établissement des toiles ; on devait les placer de façon à aller contre le vent, en rabattant le gibier de leur côté; sinon son flair l'avertissait du danger'. Quant à la disposition même des filets, il faut renvoyer aux règles détaillées que donne Xénophon °. Pièges. Xénophon a décrit aussi en détail la podoslrabe dont on se servait pour prendre les cerfs 10, et on a passé en revue, àl'article PEDICA, les pièges à lacet, à collet ot à ressort, qui, comme leurs noms l'indiquent (7coicypx, 7 s ouT,i 1, visaient à embarrasser ou à immobiliser le pied de leur victime. Mais les anciens avaient inventé bien d'autres appareils pour capturer le gibier. Les besoins toujours grandissants de l'amphithéâtre amenèrent à perfectionner particulièrement les méthodes qui permettaient de prendre vivants les grands fauves. Aux endroits qu'on savait hantés par eux, on creusait des fosses circulaires (foreae, puyp.aTa), au milieu desquelles on conservait un pilier de terre. Sur ce pilier, aux approches de la nuit, on posait une chèvre, un agneau ou un chien, puis on recouvrait la fosse de branchages et on formait aussi une sorte d'enceinte basse autour de la fosse. Attiré par les cris de la bête, le fauve accourait; arrêté par l'enceinte, il prenait son élan pour la franchir ; sous le poids de son corps bondissant les branchages cédaient, et il restait au fond de la fosse ; on y descendait alors une cage ouverte, l'animal se précipitait vers le morceau de viande placé au fond ; pendant ce temps on refermait la cage". Sur une mosaïque de Carthage, on voit une cage en charpente, à clairevoie, avec trappe mobile : un chevreau, attaché à l'entrée en guise d'appât, attire un lion, qu'un rabatteur chasse à coups de pierre vers le piège ; la porte de la trappe est maintenue ouverte par un chasseur qui s'apprête à la faire retomber sur le fauve 19. Dans une fresque du tombeau des Nasonii 13 (fig. 73:1) des chasseurs, protégés par de grands boucliers, repoussent un tigre et sa tigresse vers une cage, au haut de laquelle un autre veneur est aposté, la lance en arrêt ; sur la figure de Bartoli l'entrée de la cage est fermée par une glace et on a sup posé que c'est son image s'y reflétant qui attirerait le tigre. Il est possible qu'il faille plutôt penser au procédé qu'on voit employé sur une rnosaï que d'Ilippone : en travers d'un saltus un filet est tendu, dissimulé par des branchages ; au filet est annexée une cage où doit se trouver un appât; des rabatteurs, protégés par les mêmes boucliers ovales, y poussent, à l'aide de torches enflammées, un lion, une lionne et des panthères 14 Armes de chasse. Dans l'inslrumenturn venalorium l'2 une part considérable appartient aux arma venatoria 76. Sous les nom de xè7lyir, et de ',7:x),ov et sous celui de CLAVA on a désigné d'abord un bâton noueux à gros bout. Cette arme primitive faisait naturellement partie de l'équipement du chasseur. L'Anthologie grecque la mentionne souvent parmi celles qu'il consacre 17. Quand Datameveut paraître devant Artaxerxès comme s'il avait pris Thuys à la chasse, il se montre dans un accoutrement rustique, une galea venatoria sur la tête, une clava dans la droite et, de la gauche, tenant le Paphlagonien en laisses. 11 suffit de rappeler les exploits qu'hercule doit à sa massue ; le surnom de hoouv-;ic' ç était resté attaché à Périphétès d'Épidaure, à qui Thésée enlève sa massue 19, et à Arithoos l'Arcadien, dont la massue finit par passer à Nestor 20. C'est dans les pays montagneux que l'usage de la massue se maintient le plus longtemps : les lrorynépllores de l'Attique" et de Si V EN _ ss~ VEN cyone' ont même joué un rôle politique ; du temps de Xénophon les Àrcadiens portaient encore la massue 2 et s'en servaient surtout dans la chasse au lièvre 3 ; on la voit portée par des cavaliers thessaliens au Ive siècle av. J.-C. ' et, au ne ap. J.-C., par des auxiliaires spartiates "°. La tête de la massue pouvait être rendue plus redoutable par une garniture de bronze, de fer ou de plombs [voir CLAVA]. Le PEDUM n'était d'abord qu'une massue moins lourde et légèrement recourbée, àlaquelle son affectation particulière à la chasse au lièvre a valu en grec le nom de accpAc9,ov'. On voit le pedum, tel qu'il était au Ve siècle, sur le vase à figures noires reproduit fig. 7354 8 ; pour la forme qui lui est donnée depuis l'époque hellénistique, il suffit de rappeler l'image classique d'Orion, reproduite à l'article PEDUSI(fig. 3539). Nous n'avons à ajouter ici que quelques autres figurations dans des scènes de chasse °. Son nom indique qu'on pouvait le lancer sur la bête pour l'assommer ou l'étourdir, à la façon du se/abot égyptien, et on le voit une fois employé à cheval fo La hache [SECURIS], l'arme essentielle de la chasse primitive, a survécu, pendant l'époque historique, lorsqu'il s'agit d'abattre du gros gibier. Les monuments montrent du moins la hache simple (fig. 7352) " et la hache double 12 employées dans la chasse au sanglier; il est vrai que, pour cette chasse, on peut toujours supposer que l'artiste s'inspire de la chasse de Calydon, où la hache était l'attribut d'Ancée ou de Thésée; mais on la trouve aussi dans le relief de Messène (fig. 7366) qui dérive de la a Chasse au lion d'Alexandre » 13. Une variété de la hache, la bouplex, est mentionnée parmi les armes de chasse et on en a signalé une autre qui peut être la cateia ou francisque". L'arme la plus usitée à la chasse est celle qui lui doit son nom de venabulum 16. On traduit généralement ce mot par épieu ;mais le venabulum comporte de nombreuses variétés. Son épithète ordinaire est latum ". Xénophon parle des pointes larges et coupantes O,ôyycu ôo),tx) avec fer long de cinq paumes (0,38) et avec Il existait une grande variété d'armes de chasse auxquelles pouvait s'appliquer le terme générique de venabuta. En dehors du venabulum proprement dit ", Varron nommait encore comme tel le sparunz ou sparus" la TRACULA 21 et le 1ERUTUM22 ; on trouve mentionnées ailleurs la rALARICA23, la lancea 2'`, la SIGYNA"; enfin les termes plus généraux de RASTA (ôopl) 25 et de JACULUM (xdvttov) 27 sont aussi pris dans cette acception. Ces traits ayant été chacun l'objet d'un article spécial, il ne nous reste ici qu'à dire quelques mots d'une catégorie d'armes d'hast plus particulièrement affectées à la chasse, celles dont la pointe est façonnée de manière à ne pouvoir être extraite de la plaie. Les monuments nous font connaître les variétés suivantes: le pourtour de la pointe est découpé et présente une série d'angles propres à déchirer les chairs"; la pointe est en forme d'hameçon 2° ou ses angles inférieurs s'allongent en bar VEN -68)VEN belures l; un 2 ou deux 3 crochets latéraux sont détachés sur la pointe elle-même ; un 4 ou deux crochets latéraux sont détachés sous la pointe à sa jonction avec la hampe (fig. 7353) 5 ; à cet endroit, ou plus bas, se trouve un cran d'arrêt (morae, 7:p0eo),nt) 6 ; ce cran peut être une simple barre droite (fig. 4814) 7, un croissant aux pointes dirigées en l'air 3 ou en bas 9 (denles 10, xviiôov'raç "), enfin une boule (orbis)12 On se servait aussi de javelots à deux pointes conjuguées qui pouvaient ressembler à des fourches [FURCA, FUSCINA] 13; ou de javelots à trois pointes qui rentraient dans la catégorie des tridents [TnIDEns] employés dans la chasse au lièvre et au sanglier 11 ; de tout un assortiment de harpons et de crocs [uAnrÉ13]. Pour recevoir une grosse bête de pied ferme on se servait de fortes piques [GONTUS, sARissA], souvent munies de talons"; des chasseurs portent parfois en même temps une grande lance et deux javelots (fig 7334) "; le plus souvent ils n'ont qu'une paire de javelots18; parfois un écuyer en tient jusqu'à cing16. De loin, et surtout contre les oiseaux, en dehors de la fronde [FUNDA, CLANS] 21, on avait encore recours à un instrument spécial, harundo 22 ou ) Opoôd),oÿ S ssc 33, tuyau de roseau ou de bois léger, dans lequel le souffle humain (ou un soufflet à main) faisait partir de petites balles d'argile ou de plomb; cette sarbacane était surtout employée par les oiseleurs, dont nous passerons en revue les engins spéciaux en parlant de la chasse aux oiseaux. On se servait d'une sorte de lasso 24 pour saisir les bêtes à fuite rapide. Bien qu'il n'ait pas été inconnu à Rome 25, ce mode de chasse a surtout été pratiqué en Orient26, où on le retrouve dans la Perse des Sassanides'-' ; il existait déjà dans l'Égypte primitive 2R. I1 est possible que les Romains aient désigné sous le nom de tragula une sorte de boumerang 29 en bois, analogue à celui dont les Égyptiens faisaient grand usage dans_ la chasse aux oiseaux 3° Pour les hampes des armes de chasse on choisissait des bois particulièrement solides. Grattius recommande les espèces suivantes: cornouiller, if, pin, genêt d'Altinum, myrte, arbre à encens, lotos sauvage 31. L'emploi de ces bois était si constant qu'on trouve sans cesse dans les auteurs les mots cornus, mgrtus et taxas, employés comme synonymes de lance, javelot, dèche. Quand le bois des piques n'était pas noueux, on lui en donnait l'apparence, à en croire une scène de chasse étrusque YEN 68G YEN (fig. 930), sans doute pour permettre de le tenir plus solidement en arrêt. La coutume primitive de rendre les armes plus meurtrières, en enduisant leur pointe de poison, a été moins en honneur chez les Grecs et les Romains que chez les barbares'. Pour recevoir la bête de près ou pour l'achever, les anciens se servaient d'un couteau de chasse, cutter venatorius 2 ; les quelques monuments où il est figuré le montrent identique au nôtre 3 et nous devons seulement ajouter à ce qui est dit à l'art. CULTER que les meilleures lames étaient déjà censées venir de Tolède (cutter Toletanus) 4. Il était encore recommandé aux chasseurs d'emporter des faucilles, serpettes ou cognées 5 pour faire des piquets, des treillages ou des claies et pour se défendre de près comme avec le couteau de chasse ; une provision de pieux et de piquets 6 souvent ferrés 7 ; des baguettes d'osier 8 ; enfin des sacs en peau de chien ou de veau 6, pour serrer et transporter les différents instruments de chasse. Dans les chasses contre les grands fauves, les veneurs se protégaient derrière de longs boucliers ovales So. Transport des engins de citasse et du gibier. Tant pour apporter que pour remporter les engins de chasse, les chasseurs qu'on voit, par couples, portant filets et pieux (fig. 3930)", ne suffisaient pas toujours. On avait recours à des chariots rustiques, dans lesquels, au retour de la chasse, on entassait le gibier tué 12 (fig. 7355). En l'absence d'un chariot ou d'un mulet13on se servait, pour les grandes pièces, d'un brancard [FERETRUM], sur lequel on les posait 14, ou d'une perche [PERTICA], à laquelle on attachait la bête par les ,jambes' ; il est rare qu'un seul chasseur porte un cerf et un sanglier pendus aux extrémités d'une même perche (fig. 501L3)16 ; mais ce procédé est constant pour le petit gibier, lièvres et même renards " ; la bête est parfois portée à même sur l'épaule d'un valet 13; plus fréquemment on voit le chasseur revenant, un lièvre sur l'épaule, des oiseauxàla ceinture 19. Enfin, la gibecière n'était pas inconnue [PERA]20 C1nENS DE CITASSE. Les noms mêmes que les Grecs donnaient àla chasse (xuv-ti(eoiu, xuv-t;y(x) et aux chasseurs (xuvr)yÉTxt, xuvriyof) témoignent qu'elle était déjà pratiquée avec des chiens à l'époque oit leur langue s'est formée 21; pourtant Homère n'emploie qu'une fois xu's'r rilç 22. Si Oppien prête à Pollux l'invention de la chasse aux abois et si Pindare 23 montre Achille l'ignorant encore, les poèmes homériques attestent qu'on se servait déjà du chien contre le lion 24, la panthère 23, le sanglier 26, le cerf L1, la chèvre sauvage '8, le lièvre enfin ". La description du chien de chasse d'Ulysse, Argos, est fameuse et les anciens avaient aussi chanté Aura, la chienne d'Atalante 30. Les monuments mycéniens confirment ces témoignages 31 et rien n'empêche de croire que le dressage du chien à la chasse 3' ait été chose faite VEN -687VEN dès le début de la civilisation en Grèce; l'Égypte en fournissait, d'ailleurs, l'exemple; l'emploi des chiens de chasse y est attesté dès l'époque prédynastique parla palette d'Iliérakonpolis 1; d'autres documents font connaître les chiens de Ptahhotep (ve dyn.)2 et d'Autel' (xle dyn.)3. Les différentes races de chiens ont été étudiées à l'article CANls Nous n'avons qu'à rappeler ici celles dont on se servait surtout à la chasse (fig. 73h4, 7355, 7358, 7339, 7360, 7362). Nous les classerons d'après les trois variétés naturelles, dont ce vers de Claudien indique excellemment les caractères : illae gravioribus aptae morsibus, liae pedibus celeres, hae nare sagaces, chiens d'attaque, chiens courants, chiens quêteurs. Chiens d'attaque. Le groupe des chiens indoscythes comprenait les Seves du Thibet°,les Indici les Iberi 8 et Albani" du Caucase, les Ilyrcani10 et les Medi ". Ce sont sans doute ces braques tigrés et tachetés que les Assyriens ont employés de longue date dans la chasse au lion ; sous l'empire perse quatre villages de Babylonie étaient affectés à nourrir ceux de la meute du grand-roi" ; Xénophon recommandait déjà les indiens pour la chasse au sanglier"; les prouesses accomplies contre un lion par ceux qu'un roi d'Albanie'h et un roi indien" montrèrent à Alexandre restèrent fameuses 17. Dans le monde grec, on vantait les chiens de Magnésie du Sipyle 18, si courageux qu'ils avaient servi de chiens de guerre'", et les chiens d'Acarnanie, qui attaquaient sans donner de la voix 20; ceux-ci n'étaient sans doute qu'une variété des chiens d'Épire ou Molosses, continuellement cités par les auteurs pour leur taille, leur force et leur audace 21 Chiens courants (canes veloces, (;îxc(«t 2uve;). Les chiens dits, égyptiens", libyens 23, ou cyrénéens sont des variétés du lévrier ou du sloughi, dressé depuis tant de siècles à la chasse, en Égypte ; mais les chiens les plus célèbres pour leur rapidité 24 appartenaient au pays gaulois, segusii des Alpes 23, vertragi de Belgique2e, agassi de Bretagne 27, pelrones ou petrunculi 28. Chiens couchants et quêteurs (canes sagaces, i'veu7. sè réveç) 29. Les Grecs recommandent comme tels les étoliens 3°, les cariens " et les siciliens 32, mais surtout les laconiens " et les crétois 34. Les Romains y ajoutent les étrusques " et les ombriens 3G, enfin les bretons 37. Les qualités qu'on demande au bon chien de chasse, selon le genre de vénerie auquel on le destine, ont été minutieusement décrites par Xénophon 38, par Arrien 39 et par Oppien 40. Xénophon veut qu'on commence à les faire chasser entre 8 et 10 mois, Pollux entre 6 et 8, lNémésien à 20 mois ; Arrien fixe 10 mois pour les femelles 24 pour les mâles 41, Nous savons qu'on les dressait au sifflet `i2, avec douceur 43, en les habituant à dépister des animaux morts4 ou empaill'és4J; on leur donnait des noms courts 4°, qu'on écrivait souvent sur leur collier [COLLAREj 47 ; on notait avec soin leur généalogie 48 et on les payait souvent fort cher 4'l. De nombreux traits de l'amitié que leurs maîtres leur portaient nous sont con VEN 688 -VENT nus; on les enterrait avec le maître', on les figurait sur sa stèle (fig. 3967) 3, on leur élevait des monuments particuliers 8. Dans les chasses aux bêtes féroces, on munissait souvent les chiens d'une longe-poitrail ou d'une sous-ventrière (ctEÂuov(x[) 4, hérissées d'aiguillons (syrsvTih.;) comme les colliers.On conduisaitles chiens jusqu'au terrain de chasse tenus en laisse (Lonus Ip.ç 6, xuvoécpr, zuvouïo6) 7 et, parfois, accouplés par paires 8. Des piqueurs (canuin magister, xuvxywydç) 9 en avaient particulièrement la charge. Dans la quête (vestigatio, Yvcurt , aTttx), on distinguait les accessits 16, EiiVŒCx Yyvrl", traces de la bête gagnant lentement son gîte avant la chasse, et les abitus, ooop.aïx'ti , traces de la bête fuyant son gîte en hâte après. avoir été relancée. Le terme technique pour désigner le gîte était cubile 12, Eûvs 13, expression qui se retrouve dans notre locution de vénerie : a au lit, chiens n, ordre qu'on jette aux chiens pour les faire quêter. Il est possible qu'on se servît de cors et de trompettes pour exciter ou diriger les chiens, comme dans la vénerie moderne'. CHEVAUX DE CHASSE. La chasse à courre est encore inconnue de Xénophon 1û, bien qu'elle fût probablement dès lors pratiquée dans les plaines de Thessalie. Mais, par les populations scytho-perses d'une part, par les peuplades libyennes de l'autre, qui, de toute antiquité, ont vécu à cheval, son usage est devenu général sous l'Empire. Aussi Arrien, Oppien et Grattius ne manquent pas de donner des prescriptions sur le choix d'un cheval de chasse Noir EQUUS, EQUT Les chevaux numides passaient pour les meilleurs ; aussi sobres qu'infatigables, ils avaient une telle réputation d'agilité qu'on les appréciait seulement s'ils pouvaient atteindre les onagres, les plus rapides des quadrupèdes t6. Les chevaux scythes 17 et yartlles 1a illyriens 19 et thraces 20 étaient encore recommandés pour les pays de plaine et les régions désertiques. Pour les pays de montagnes, on prônait les chevaux de Sicile 21 et de Galice 22. En général, pour la chasse à courre, épreuve de fond, il fallait éviter l'emploi des chevaux de course proprement dits, trop fougueux, et prendre des chevaux capables de fournir de longues étapes à bonne allure comme ceux des postes; le nom de ceux-ci, ve redi, a été parfois appliqué aux chevaux de chasse". Nous parlerons d'abord des fauves qui ne se trouvent ni en Grèce ni en Italie, puis de ceux qui s'y rencontrent, ensuite du gros et du petit gibier poil, enfin du gibier plume. Lion. L'Iliade connaît déjà la chasse aulionY4; mais c'est plutôt pour défendre contre lui les troupeaux que pour l'attaquer qu'on emploie, afin de le mettre en fuite, les chiens, les lances et les flammes, qui doivent surtout l'effrayer2"; pourtant, sur le fameux poignard de Mycènes, on voit trois lions attaqués par cinq hommes, archers et piquiers 26. Au temps de Xénophon, on semble encore l'avoir chassé, avec le léopard, la panthère, le lynx et l'ours, dans le Pinde, le Kissos et le Pangée21. Mais il fallut qu'Alexandreconquitl'Asie -oùilchassa lui-même le lion en Syrie 2a et en Bactriane 29 pour que les Grecs reprissent contact avec le roi des animaux. Ils ne l'avaient point fait disparaître à Cyrène 30 et c'est l'Afrique qui, sous l'Empire, resta, par excellence, la terre de la chasse au lion 31. Plusieurs empereurs eurent la passion de ce sport (fig. 7356;32 ; jusqu'à un édit de 1i14, il fut réservé aux VEN 689 VEN souverains'. Sarcophages 2, vases 3 et mosaïques'` le représentent souvent; on poursuivait la bête à cheval, en la criblant de flèches et de javelots, parfois en s'aidant de torches enflammées ; on la poussait ainsi vers un filet solide surveillé par trois piqueurs 6; là on l'achevait à coups de lances et d'épieux. Dans les régions infestées de lions, pour les prendre vivants, on se servait de pièges, par exemple des fosses mentionnées plus haute; on avait aussi observé qu'on pouvait les paralyser de terreur en leur lançant des voiles sur la tête 7 ou en les laissant s'épuiser contre un cercle de chasseurs placés devant leur antre, armés de pied en cap et protégés par des boucliers indéchirables'. Tigre. Les Grecs n'ont connu les tigres qu'après qu'Alexandre eut pénétré en IIyrcanie et aux Indes 3; les Romains les y firent chasser surtout pour leurs jeux de l'amphithéàtret0. Pour les capturer vivants, on se servait de cages comme on le voit à la fig. 7351 ; plus souvent on enlevait les petits en l'absence de la mère; pour échapper à la poursuite de la tigresse, le ravisseur changeait plusieurs fois de cheval et, si la tigresse se rapprochait, IX. il lui jetait un de ses petits, en fuyant à toute vitesse avec les autres (fig. 7357)11. Panthère, léopard, guépard. Sous les noms de ferae Africanae 12 ou Libycae 13les Romains englobaient les trois variétés de pardi, léopard (pardus leo), guépard (pardus cynaelurus) et panthère (pardus panthera ou pardalis). L'Iliade connaît déjà la chasse à la panthèremais elle ne devint fréquente que lorsque Alexandre eut, comme Dionysos,'rarnené des panthères des Indes'. Vu la promptitude de ses bonds, on la chassait de loin à coups de flèches et de javelots 16; quand il s'agissait de la prendre vivante, on la faisait pousser par des chiens vers des filets, où on la maintenait il coups de fourches ou de tridents", ou bien on l'attirait, comme le lion, dans des fosses ". Contrairement au tigre, le lion et la panthère se laissaient apprivoiser; Aménophis III, Ramsès II, Tiglat-Phalasar I, Darius I paraissent avoir été accompagnés àla guerre par des lions familiers; Domitien et Caracalla en eurent aussi" ; mais, seul, le guépard put être domestiqué au point de suivre son maître comme un chien de chasse. De l'Égypte, qui en fut la patrie 20, cet art paraît avoir passé à Cyrène, peut être à la Grèce ionienne 21 ; il était pratiqué, à l'époque romaine, en 1Numidie22 et aux Indes23. Les Grecs connaissaient la chasse du lynx asiatique2t et les Romains celle du lynx africain2'. L'lepliant. Comme chasses exotiques, il faut encore mentionner celles du chacal20 et de l'hyène27 en Afrique, celle du rhinocéros 2', celles des ânes sauvages ou onagres 29 et des taureaux sauvages ou bisons 30, surtout celle de l'éléphant. Alexandre est sans doute le premier des Grecs à avoir chassé des éléphants dans les Indes 31 ; appréciant les qualités guerrières de l'animal, Séleucides et Lagides s'efforcèrent d'en réunir un très grand nombre ; les premiers Ptolémées fondèrent même, près de la côte d'Éthiopie, une ville qui devait son nom de Ptolémaïs Épithéras 32 à ce qu'elle servait de centre à Td VEN ---690 -VEN la chasse aux éléphants ; nous avons des inscriptions qui proviennent de monuments dédiés au roi par les xuv~yêrat et par leur chef, l'zpytxuvAyd;, un des grands officiers de la cou'. On prenait les éléphants dans des fosses dissimulées, en leur perçant les pieds à coups de flèches ou en leur coupant les jarrets'. Les fauves dont la chasse était la plusrépandue en Grèce et en Italie sont l'ours et le sanglier, le loup et le renard. Ours. L'ours, qu'on chassait déjà du temps de l'Odyssée', hantait encore au temps de Pausanias le Parnès et le Taygète, les monts d'Arcadie et de Thrace' ; les Romains le trouvaient dans l'Italie du Sud, en Afrique, en Gaules ; on le chassait à courre' ou avec des chiens (fig. 7358)' ; pour le prendre on se servait de fosses 9, ou de filets tendus devant son antre t°. Sanglier. Depuis les temps légendaires oit il avait fallu des héros, un Héraklès, un Thésée ou un Méléagre, pour venir à bout des sangliers d'l rymanthe, de Kromm,yon ou de Kalydon ", le sanglier était resté, par l'attrait du danger qu'il y avait toujours à lui donner la chasse 12, le gros gibier préféré des Grecs A l'époque de Xénophon, on le trouvait encore en Arcadie et en Aide"; cet écrivain a laissé une description circonstanciée de la façon dont on le forçait dans sa bauge : les chiens (les meilleurs étaient les laconiens) l'en débuchent, l'obligeant à se jeter sur les filets, où les chasseurs l'attendent en tenant de grandes piques en cormier avec traverse de bronze à la douille ; on cherche à frapper la bête au défaut de l'épaule, les traverses servant à arrêter son élan; si l'on manque son coup, il n'y a qu'à se jeter à plat ventre tandis que les autres veneurs s'avancent, l'épieu en arrêt'. On chassait aussi le sanglier aux abois et à courre's.Depuis le trône d'Amycléest7, dont le vase François peut nous donner une idée, la chasse de Calydon a servi de prototype à d'innombrables figurations de la chasse sur vases 18, stèles 19, sarcophages 20 peintures (fig. 7339)11 et mosaïques22, figurations multipliées par le goût, que montrèrent les Ilomains, et avant eux les Étrusques (fig. 930 et 278'2) 27, pour cette chasse, pratiquée dans le Latium, la Toscane, l'Ombrie, la Lucanie et surtout, sous l'Empire, en Gaule (fig. 7360). Loup et renard. Le loup, ennemi du petit bétail 21, et le renard, terreur des poulaillers, étaient chassés d'une façon constante, le loup surtout en Italie et en Gaule 25, parfois avec chiens et chevaux 26, le plus souvent à l'aide de ces fosses recouvertes de branchages qui ont gardé le nom de « pièges à loup » 27, ou encore de pièges à arc (traquenards); le renard surtout en Grèce°°, avec meutes et filets 29, quand on voulait se livrer à un sport ; avec trappes et appâts empoisonnés 30, s'il s'agissait seulement de débarrasser un pays de la bête malfaisante. Passons aux bêtes non féroces. Parmi celles-ci, les anciens chassaient de préférence le cerf comme gros gibier, le lièvre comme petit gibier. Cerf et cervidés. Dès le temps d'Ilomère, la chasse au cerf 31 était si développée que le chasseur se disait É),a VEN -691 VIE ©TI~ÔÂoç v-lip 1. En Grèce, on le force à courre, découplant à ses trousses des chiens indiens; ou bien on enlève par ruse un faon, au gîte ou à l'abreuvoir, et on le porte derrière des filets, contre lesquels biches et cerfs se jettent pour reprendre leur petit qui brame (cf. fig. 5932); ou bien encore on dispose des liens qui, entravant un des pieds du cerf, rendent facile de le poursuivre sous les taillis Les Romains se sep vaient davantage de filets, vers lesquels les veneurs à pied ou à cheval et leurs chiens relançaient la bête (fig. 7360) 3. Des flèches empoisonnées étaient employées dans la chasse à courre'. On avait encore recours à deux moyens pour attirer le cerf : m'attachait un jeune cerf apprivoisé (fig.7361)' dans un fourré, derrière lequel lesveneurssecachaientjusqu'à ce que les appels de leur congénère captif eussent fait venir les cerfs ; ou bien on jouait certains airs de flûte ou de syrinx qui passaient pour les attirer irrésistiblement'. Dans les îles de l'Archipel 7, en Crète surtout ', on chassait de toute antiquité la chèvre sauvage (ail cp(a, aï•(aYpo;, capra aegagrus), si souvent figurée sur les monuments de l'art égéens ; la variété qu'on trouvait dans le Taygète portait le nom de chimaira 10 ; le chevreuil n'était guère connu qu'en Achaïe et en Élide11; le chamois proprement dit semble s'être rencontré dans les montagnes de la Grèce du Nord 12 comme dans les Apennins et les Alpes 13. Le renne 14 et l'élan Sâ ne subsistaient plus que dans la grande plaine boisée du Nord, de la Sarmatie à la Grande-Bretagne, surtout dans la forêt Ilercynienne ; la gazelle, des variétés dorcas 16 et oryx 17, dans l'Afrique romaine 13 et en Égypte";Iebubale était propre au désert libyen 20, le gnou à l'Éthiopie 21 ; enfin diverses variétés d'antilope '°= se chassaient presque exclusivement en Asie 23, ainsi que le daim, le compagnon de l'Artémis d'Éphèse, qu'on trouve aussi en Espagne 24 Lièvre et lapin. -Dans l'antiquité comme de nos jours la chasse au lièvre 26 était la plus répandue. Elle avait été menée avec tant d'ardeurpar les Grecs, depuis l'époque homérique26, que le lièvre en était devenu rare dans certaines VEN 692 VEN contrées, comme l'Attique', au temps de Xénophon; mais il pullulait encore dans les petites îles2, et passait pour un fléau à Carpathos' et à Astypalée'. Sous l'Empire, le lapins [cuNlcuLus], qui avait émigré d'Afrique en Espagne et delà jusqu'à Marseille s, envahit le reste de la Gaule ' ; devenu très commun en Corses et dans les Baléares", il gagna ensuite les régions baignées par la Méditerranée orientale f e. Dans la description minutieuse de cette chasse qu'il nous a laissée, Xénophon distingue les lièvres en deux la pluie ou la neige noyaient toutes les traces, le chien devenait inutile ; c'étaient alors les chasseursquifaisaient labattue, guidés par les traces que le lièvre avait laissées dans la neigef4. C'est seulement sous l'Empire, quand le développement du goût pour cette chasse eut amené la création des garennes [LEPonAluusf] 15, que s'introduisit de Gaule la mode de chasser le lièvre à courre, avec les chiens gaulois spécialisés comme lévriers, seuls capables de le forcer à la course et de le rapporter, ancêtres de nos espèces, l'une grande et noirâtre (surtout en Macédoine et en Gaule), l'autre plus petite et jaunâtre ; il les distingue aussi en lièvres de montagne, qui sont très vites, lièvres de plaine, qui le sont moins, et lièvres de marais, qui sont très lents". Les chiens servaient en Grèce à faire lever le lièvre, à trouver et à suivre sa piste, à le rabattre vers l'endroit où l'on avait tendu les lacets, souvent auprès du terrier même ; c'est là que les chasseurs attendaient le lièvre et l'achevaient d'un coup de lagobolon (fig. 736)'2 ou d'épieu, quand ils ne le laissaient pas déchirer parles chiens 13 ; en hiver, quand chiens d'arrêt f6. C'est aussi de Gaule, sans doute, que vint la coutume de le chasser avec des putois domestiquéscoutume qui s'est conservée dans notre chasse au furet; enfin aux Indes parait due l'idée de se servir d'oiseaux apprivoisés, corbeaux ou faucons '$. La prédilection des Grecs pour la chasse au lièvre les a conduits à la représenter sur de nombreux vases peints depuis le début du vile siècle 12 ; chez les Romains elle apparaît sur des sarcophages 20 et des mosaïques 21, mais généralement avec des chasses plus nobles, auprès desquelles elle n'occupe qu'un rang secondaire. VEN -6193VEN Oiseaux. Le mode de chasse au lièvre constaté chez les Indiens nous amène naturellement à la chasse aux oiseaux (aucupium, ôpvteo0rIpsuitr.-i) 1. Faire poursuivre et saisir par des oiseaux de proie, dressés à cet effet, des oiseaux moins forts ou de petits quadru pèdes n'est pas une invention du moyen âge et il a fallu de longs essais pour arriver à l'épervier enchaperonné de la fauconnerie médiévale'. Dès le temps de Ctésias, les Indiens dressaient aigles, corbeaux et milans pour chasser lièvres et renards' ; le corbeau apparaît encore, porté sur le poing, au sud de la Phrygie . C'est un faucon qu'on peut reconnaître, porté de même, sur quelques bronzes syro-hétéens qui ne peuvent remonter au delà des xne-xle siècles 3 ; un relief assyrien se rapporte peut-être à cette chasse 0; un relief phrygien s'y rapporte sûrement et là ce sont des cavaliers qui chassent au faucon De Phrygie la fauconnerie a pu passer en Thrace, où on la trouve sous une forme toute 1 primitive : les chasseurs battent des fourrés pleins d'oiseaux, tandis que des faucons sont lâchés au-dessus ; effrayés à leur vue, les oiseaux se laissent retomber vers le sols ; ailleurs encore on s'est servi du faucon ou même du hibou (comme dans notre chasse au grand duc)' enguised'épouvantail.Quelle que soit la voie suivie, la chasse avec accipiteri0, encore ignorée de Pline l'ancien, était chose bien connue en Italie au temps de Martial et d'Oppien ". Elle s'était introduite en Afrique au temps d'Apulée t z et était devenue un des sports favoris en Gaule au début du ve siècle"; c'est là que Francs et Alamans apprirent à le connaître, tandis que les Byzantins perfectionnaient l'hierakosopliion 1' au contact des Tartares et des Arabes, qui l'avaient hérité des Parthes 13. La fauconnerie n'a donc pas joué un grand rôle dans l'antiquité classique; l'emploi de certains chats-lynx et de certaines oies renards (clienalopex ) pour chasser les hérons, grues et flamands, paraît être resté confiné aux fourrés giboyeux du Ni110 ; c'est seulement dans l'Afrique romaine que les Romains ont pu poursuivre les autruches avec chevaux et chiens, pour les jeter dans les filets". Grands consommateurs d'oiseaux, les anciens n'avaient pas tardé à s'apercevoir de l'insuffisance de leurs armes VFN 694 YEN grossières, arc et fronde, pour atteindre les volatiles : le tir au pigeon captif est donné comme l'une des épreuves les plus difficiles dans lesjeuxcélébrés aux funérailles de Patrocle 1. Aussi les anciens avaient-ils inventé toutes sortes de pièges et l'oiseleur (fig. 7363, 736.) 2 avait dès lors à sa disposition tous les engins qui sont restés en usage grands filets hauts de 3 à 4 mètres, longs d'une dizaine de mètres et plus, du type appelé aujourd'hui hallier, pantière, rafle ou traineau, qu'on tend de nuit et oit les petits oiseaux (grives, becfigues, loriots, cailles, alouettes, etc.) viennent se prendre en grand nombre ; filets parfois disposés en cône comme notre tonnelle 3 ; pièges à détente, comme le brai et le trébuchet, faits de branches ou de roseaux combinés de telle manière que, sous le choc de l'oiseau, ils se referment en le saisissant par les pattes' ; appâts fixés dans des pièges à arc, comme la sauterelle qu'on pose à terre ou comme les collets, noeuds coulants, qu'on suspend aux branches 6 ; appeaux, joncs taillés en sifflets, avec lesquels on attire certains oiseaux en imitant leurs cris 7; pipeaux, variété d'appeaux disposée comme un instrument à cordes (fig. 6152) ; oiseaux captifs, nos appeants, destinés à attirer leurs congénères, soit attachés par des ficelles comme nos mouvants et nos moquettes x, soit enfermés dans des cages, comme ceux que nous appelons chanterelles ou mésangettes, soit simplement apprivoisés, procédé usité surtout pour les perdrix 9 ; gluaux, baguettes enduites de glu et placées dans un champ ou sur un arbre, où, à l'aide d'un appelant, on fait venir les petits oiseaux, surtout de nuit, à la pipée10 ; longs roseaux englués à l'extrémité, dont on touche les oiseaux au nid'', ou encore roseaux percés en sarbacane 12 ; enfin nous savons qu'on employait la chasse au flambeau pour les canards sauvages 13 et les sarcelles dont la poursuite sur le lac Copaïs était déjà un sport très prisé au temps d'Aristophane 14. Mais la chasse à 1a glu était la plus répandue, au point qu'on a donné le nom d'i=;EsT s, chasseur à la glu 1°, aux chasseurs d'oiseaux en général et que les Ornithiaca de Denys nous sont parvenus sous le nom d'Ixeutica fG. A Athènes les vases peints attestent pour les vie et v€ siècles le goût de la chasse 17 ; mais l'Attique elle-même ne nourrissait guère que des lièvres'', et cette absence de gros gibier ainsi qu'une moindre application aux exercices violents ont dû faire des Athéniens des chasseurs médiocres. Au contraire, l'éducation toute guerrière du jeune Spartiate comprenait l'apprentissage de toutes les formes de chasse que permettait le giboyeux Taygète]°. En prônant aux Athéniens la chasse comme école d'endurance physique, de courage militaire et de vertu civique, Xénophon, dans sa Cynégétique, s'inspirait sans doute de ce qu'il savait des Perses à cet égard'', YEN 695 VEN comme de ce qu'il voyait pratiquer à Sparte et sur la Pholoé et l'Érymanthe, où il allait chasser dans sa propriété de Scillonte'. Cette .idée de la valeur éducative de la chasse était peut-être chère aux conservateurs athéniens : Aristophane voudrait envoyer à la chasse tous ceux qui perdent leur temps à faire de la politique ou à apprendre la rhétorique2. Elle est reprise aussi par Platon ; dans les Lois, il condamne la chasse aux oiseaux, « qui ne convient pas aux hommes libres », celle qui se fait de nuit « et qui n'est bonne que pour des oisifs », celle qui « prend comme à la main les bêtes les plus féroces, en les enveloppant de filets et de toiles, au lieu de les vaincre à force ouverte, comme doit faire un chasseur infatigable » ; mais il loue « celle où l'on poursuit les bêtes à quatre pieds avec des chevaux, des chiens, et où le chasseur s'expose lui-même, poursuit sa proie et s'en empare à force de traits et de blessures » 3.I1veut qu'on interdise la chasse avec des toiles, qu'on n'autorise la chasse aux oiseaux que sur les terres incultes, mais qu'on permette partout « cette chasse vraiment sacrée ». Xénophon, lui aussi, préfère manifestement aux grandes battues la citasse où le veneur n'a d'autre compagnon qu'un piqueur pour tenir sa meute, s'il chasse le cerf à courre ; un jeune garçon pour garder les filets, s'il tient lui-même ses deux ou trois chiens en poursuivant le lièvre' ; seule la périlleuse chasse au sanglier réclame une troupe de veneurs. Thessaliens" et Macédoniens' pratiquaient la chasse à courre, presque inconnue dans le reste de la Grèce. Comme son père Philippe, Alexandre fut un chasseur passionné ; on connaît les noms de deux de ses chiens, le Péonien Triakos et l'Indien Périttas7, et deux de ses aventures dans la chasse au lion 8. Ses goûts cygnégétiques furent partagés par beaucoup de ses successeurs 0. A en croire les épigrammes de l'Anthologie grecque 10 et quelques épitaphes trouvées en place 't, le goût de la chasse se développa à l'époque hellénistique : ce fut désormais un titre d'honneur que de pouvoir se dire zuvaydç'2 ou ytÀozéenlyoç f3 et il se forma des associations de chasseurs; on se fit représenter en chasseur sur son tombeau"; être un bon chasseur passa pour une preuve de courage viril 16. C'est alors que les Grecs firent connaissance avec les chasses exotiques, dont les captures vinrent enrichit' les ménageries royales, notamment celles de Ptolémée Il et de Ptolémée 111 11, organisateurs de la chasse aux éléphants en Éthiopie 18 ; l'Histoire des animaux, que compose à leur époque Archélaos d'Alexandriei9, a servi de source, avec un livre d'Apollodore 20, à la série des Theriaca inaugurée par Nicandre21 ; avec le traité de Xénophon qui, sans doute, fut alors remanié, c'est à cette zoologie, qui ressemblait plus à celle d'Élien qu'à celle d'Aristote, qu'ont probablement puisé les auteurs des Cynégétiques versifiés que Grattius, Némésien et Oppien ont dû avoir pour modèles 2'. En Italie, la chasse n'avait été longtemps pratiquée que dans la mesure nécessitée par l'alimentation ou la sauvegarde des troupeaux73. Bien que les Étrusques y eussent pris grand plaisir (fig. `378'2, '2783)21, Salluste considère encore la chasse et l'agriculture comme des servilia officia". Mais, dès le début du ne siècle av. J.-C., sous l'influence des notables Grecs gardés à Rome en otage, tels le Séleucide Démétrius26 et surtout Polybe27, -le goût de la chasse se répandit. Scipion Émilien fut un fervent de la chasse2" ; le vieux Caton lui-même l'approuvait comme un bon exercice pour les heures de loisir 20. Cicéron en faisait l'éloge" ; Varron, en composant un poème sur la chasse de Calydon, contribuait à donner aux Romains un vocabulaire cynégétique 31 ; de grandes 696 VEN réserves de gibier étaient créées 1 : Ilortensius en avait une de 50 jugères à Laurente2, Pompée une de quarante mille pas de périmètre en Transalpine 3. Pendant les premiers siècles de l'Empire, la faveur dont jouissait la chasse s'accrut dans la société romaine. C'est d'abord que les peuples conquis, en Gaules, en Espagnes et en Afrique', étaient des fervents de la chasse : c'est que, pour l'Italie même, le développement des latifundia ouvrit à la chasse de larges espaces boisés (saltus)7 ; c'est enfin que les goûts de violence sanguinaire devenaient de plus en plus dominants, comme l'atteste l'extension dans tout l'Empire des venationes de l'amphithéâtre 8 : l'énorme consommation de bêtes que réclamaient ces sortes de jeux obligeait, pour y satisfaire, à une chasse continuelle. La littérature s'était empressée de se mettre au goût du jour. Depuis que Virgile avait peint la chasse de Didon et celle d'Ascagne°, tout poète tenait à produire son « morceau » sur ce thème 10. Sénèque en a donné de particulièrement bien venus dans son Hippolyte" ;Io philosophe, en lui, n'approuvait pas moins la chasse comme école d'endurance et de courage12; il en était de même des deux Pline13; leur opinion du reste paraît avoir été générale, d'llorace i'• à Symmaque". Le goût pour la chasse atteignit son apogée dans le siècle qui s'étend de Domitien à Caracalla. Grattius de Faléries avait chanté une première fois la chasse en latin sous Augustes'; Némésien de Carthage reprit le sujet en 28.i, ainsi que celui des Ilalieutica, où s'était essayé Ovide, et celui des I,xeutiea17 ; ces deux sujets, ainsi que les Cynégétiques, passent pour avoir été traités par les deux Oppien, l'un de Corycus en Cilicie, sous Commode, l'autre d'Apamée de Syrie, VLN sous Caracallaia; Arrien avait écrit sous Hadrien sa Cynégétique destinée à compléter celle de Xénophon!°; des deux autres auteurs à qui nous devons tant de renseignements sur la chasse, Pollux est contemporain de Commode, Élien de Septime-Sévère. Plusieurs des empereurs de cette période donnèrent l'exemple : Pline le Jeune vante l'adresse de Trajan20; Suétone, celle de Domitien, qui avait à Albe une chasse im mense 21 ; Marc-Aurèle chassait en pleins champs ; Commode préférait chasser dans l'amphithéâtre 22, comme plus tard Gratien 23 ; il fit frapper des médailles qui le montraient transperçant une lionne (fig. 7365) 24, il s'inspirait sans doute de celles où Hadrien s'était fait graver attaquant un sanglier 23 ; cet empereur avait donné le nom de Hadrianoutherai 26 à la localité de Mysie où il avait tué une ourse 27 ; des nombreux vers où il avait cru immortaliser VCN -GJ7VEN ses prouesses cynégétiques presque rien ne nous est parvenu' ; mais ce sont elles sans doute qu'on doit reconnaître dans les médaillons de l'arc de Constantin 2. Sous Dioclétien, les équipages de chasse impériaux furent placés dans les attributions du cornes sacrarum largitionum, qui eut sous ses ordres des procurateurs pour les différents districts de chasse (cynegia)3. L'exemple donné par les empereurs acheva de mettre la chasse à la mode dans la société romaine. Il est toujours difficile de dire si les venatores, que des inscriptions mentionnent, sont des amateurs civils ou des militaires (comme ceux qui furent mis par Dioclétien à la disposition des procurateurs des chasses impériales), desprofessionnels ou des combattants del'arène4. Mais les épitaphes qui rappellent les exploits cynégétiques ne sont pas rares' ; on sait que les femmes mêmes se livraient à ce sport', et Martial reproche à un ami de mettre trop de fougue à poursuivre à cheval jusqu'aux humbles lièvres Comme le montrent tant de sarcophages à sujets de chasse, on ne chassait plus guère qu'à courre, en nombreuse compagnie, suivi de meutes de chiens, avec des esclaves pour piqueurs et pour rabatteurs' ; c'est déjà la chasse du type médiéval qui commence. Comme de nos jours, on chassaitsurtoutà l'automne -une sorte d'ouverture de la chasse avait lieu le 15 aoûts et dans l'hiver', à partir de l'aurores', parfois la nuit '2. Tout un droit de chasse s'était constitué peu à peu ; ainsi, il était défendu de chasser dans les cultures et dans un certain rayon autour des villes 13 ; la bête blessée appartient à celui qui la blesse tant qu'il la poursuit ; s'il abandonne la poursuite, au propriétaire du domaine où elle vient s'abattre"; tout animal sorti d'une chasse gardée (sepla venationis), et dont on pouvait prouver la provenance, appartenait au propriétaire de cette chasse ; déjà la loi des Douze Tables avait décidé que le chasseur devrait des dommages-intérêts pour les dégâts causés " et elle avait été complétée par des lois permettant à la partie IX. lésée de poursuivre devant les tribunaux, sans toutefois pouvoir revendiquer le gibier pris ou tué dans sa propriété. Le port de toute arme était autorisé et la chasse de tout gibier, sauf le lion, qui, jusqu'à Honorius, fut réservé à l'empereurlf Ainsi s'élaborait peu à peu le Corpus juris venatorioforestalis que nous avons hérité du moyen âge". toujours si plein de vie et de mouvement, a fourni à l'art grec, dès l'époque égéenne, quelques-uns de ses chefs-d'œuvre. Il suffit de rappeler la chasse au lion du poignard de Mycènes et la capture des taureaux du gobelet de Vaphio ". Certaines descriptions homériques suggèrent que le poète avaitprésentes à l'esprit des figurations de ce genre'=". Des scènes de chasse ornent le bouclier d'Achille 20, dans l'Iliade, et le bouclier d'llèraklès 21 dans un poème attribué à Hésiode, qui n'a guère pu être composé avant le vue siècle. Aussi a-t-on eu raison de rapprocher de la poursuite du lièvre qui y est décrite un des pinalcés à reliefs estampés de Tanagra qui offrent la même scène 22. Dans la céramique corinthienne et ionoattique du vile siècle se rencontrent les sujets empruntés à ce sport si populaire, sujet qu'on ne cessera plus d'imiter en Grèce : le départ pour la chasse, le chien tenu en laisse dans la droite du chasseur, ses javelots sur l'épaule gauche 23 ; le chasseur embusqué derrière le filet, s'apprêtant à assommer de son bâton noueux lelièvre que ses chiens y poussent 21; le retour de la chasse, le chasseur tirant d'une main son chien, portant de l'autre sur l'épaule une branche où pendent deux levrauts" La chasse au cerf a été aussi figurée sur les vases dès le vie siècle, et parfois avec des cavaliers, mais plus rarement L6. La chasse au sanglier est, au contraire, un des motifs les plus goûtés des céramistes, du vue au Ive siècle. Souvent les légendes attestent qu'on a voulu représenter la chasse de Calydon; toutefois, si même l'on admet que les plus anciennes figurations, comme celles du vase Fran 88 YEN 698 VEN cois ou de la kylix de Glaukytès', déri■•ent de la chasse de Calydon sculptée par Bathyklès au trône d'Amyclées2 ; si l'on admet que les céramistes du ve siècle s'inspirent d'une peinture de Polygnote 3, dont dériverait' aussi la frise de la chasse sur l'hérôon de Trysa ; si l'on admet enfin que les chasses de Calydon peintes sur vases au Ive siècles dérivent du fronton sculpté par Seopas pour le temple de Tégée où l'on conservait la peau du sanglier ; même en admettant ainsi que les peintres de vases se soient inspirés de la figuration de la chasse de Calydon la plus célèbre, à leurs époques respectives, il n'en reste pas moins vrai que le réalisme vigoureux qu'ils ont montré, en traitant de façon si variée l'hallali du sanglier, indique qu'ils avaient dû prendre des leçons dans la réalité. Pour les chasses exotiques, avec lions et panthères 8, les artistes grecs ont su de bonne heure les représenter avec succès, comme l'atteste le célèbre vase de la Chasse de Darius °. D'ailleurs, les artistes ioniens avaient pu voir beaucoup de ces fauves, et toute une série de monuments, où ils les représentent à la file, s'affrontant ou s'entredéchirant10, montrent avec quelle vie ils surent rendre les animaux de chasse, depuis la frise d'Assos 11 jusqu'à celle d'Aizanoi12.llsuffisaitd'introduire par intervalles un chasseur dans ces files d'animaux pour en faire une scène de vénerie : entre les années 450 et 350 av. J.-C. les sculpteurs grecs les allongèrent en longues frises sur les grands tombeaux lyciens 13 et au Mausolée d'Halicarnasse f4, tandis que, sur les modestes stèles de Grèce, ils se contentaient de sculpter un chasseur avec son chien', un départ16 ou un retour de chasse 17, ou encore le chasseur fonçant sur le gibier18 Les grands artistes n'avaient pas tardé à comprendre le parti qu'ils pouvaient tirer de pareils sujets. Si l'on ne tient pas compte de la chasse de Calydon, peinture présumée de Polygnote, la plus ancienne oeuvre cynégétique d'un artiste connu serait un Archer avec son chien du bronzier Simon d'Égine 19. On ne sait si les chiens sculptés par Myron 20 et par Leukon 21 étaient censés en chasse, mais il en était certainement ainsi du chien écumant qui accompagnait le fameux Ialysos de Protogène 22. Deux célèbres peintres de la fin du Ive siècle ont traité deux sujets dont doivent dériver nombre de nos scènes de véne rie : les Chas seurs revenant avec leurs prises par Aristeidès de Thèbes23, tableau qui a peut-être influencé celui que décrit Philostrate le Jeune"; le Jeunechasseur suivi de ses serviteurs tenant ses javelots et ses chiens, que Nikias avait peint pour une tombe de Tritaia26. C'est salis doute sur la commande de particuliers que Lysippe sculpta un Chasseur avec sa meute 26 et son élève Euthykratès un Cheval avec des fourches de chasse21 et des Chiens de chasse 28 ; il doit en être de même des Venator es exécutés, en même temps que des athlètes et des hommes armés, par les vingt-huit bronziers que Pline énumère à ce titre 2Y. On sait que c'est à la demande de Cratère que Lysippe sculpta avec Léocharès la Chasse d'A texanchien et lièvre. dre 3° à Delphes ; un autre Alexandre chassant avait été exécuté par Euthykratès pour Thespies 3i et la Chasse de Ptolémée ter était citée comme un des chefs-d'oeuvre du peintre Antiphilos 37. De ces trois oeuvres doivent s'inspirer, dans une mesure que nous ne pouvons plus déterminer, les sarcophages de Sidon dits « du satrape » et YEN 699 YEN d'Alexandre » (fig. 3968) 1, le bas-relief de Messène (fig. 7366)2 et les magnifiques médaillons des trésors de Tarse et d'Aboukir A l'époque-hellénistique le goût des choses rustiques multiplia les représentations de la chasse : sur marbre 6 ou sur bronze, sur argent' ou sur verre sur terre cuite vernissée8, peintes ou dorée10, elles seprésententà nous sous les formes les plus diverses, paisibles comme le fameux relief de l'éphèbe assis qui montre à sen chien un levraut (fig. 7367)", ou violentes cornme les deux-hommes qui foncent contre un sanglier, sur un vase des Dardanelles'2. Souvent elles sont présentées' comme dés scènes de la vie réelle, mais parfois comme des épisodes légendaires Hippolyte et Actéon, Méléagre et Adonis";parfois aussi des Éros, remplaçant les chasseurs, forment, par leurs grâces menues, un contraste piquant avec les fauves qu'ils domptent 1l; parfois enfin, par un dernier trait d'alexandrinisme, les paysages nilotiques, avec leurs animaux bizarres et leurs pygmées, envahissent le décor de la chasse'. De cette époque il ne nous reste, comme nom d'artiste qui se soit distingué en ce genre, que celui d'Akragas, qui ciselait des scènes de chasse sur des coupes à boire L". Dans toutes ces branches comme dans toutes ces directions de l'art, l'Empire a prolongé l'époque hellénistique. Il n'a guère ajouté aux modèles que l'art alexandrin lui offrait, pour représenter la chasse, que deux formes oit pouvait se déployer à l'aise la vogue nouvelle de la vénerie : les sarcophages et -les mosa'lques. Conformément au goût de ceux à qui ils étaient destinés, les sarcophages se couvrirent de scènes cynégétiques : on prétend souventreprésenter la Chasse de Calydon ou celle d'Hippolyte, mais on fait monter à cheval Hippolyte et Daphné, voire Atalante et Méléagre 17 ; aussi bien, très fréquemment, est-ce une scène de chasse réelle qui est figurée on a vu combien on peut leur emprunter d'informations sur la chasse antique ou une scène conventionnelle, où domine, au milieu, un cavalierau manteau déployé, qui transperce ou foule aux pieds un lion, tandis que l'équipage de chasse, affairé, s'empresse autour de luis. Si l'on compare les sarcophages de ce dernier type avec les médaillons d'Hadrien sur l'arc de Constantin f9, on incline à croire qu'il a été créé pour commémorer une chasse impériale et qu'il a passé de l'empereur aux grands dignitaires de l'Empire_ Dans les mosaïques on trouve pareillement les scènes tirées de la réalité (fig. 7368)2° à côté des épisodes mythologiques, et il en a été de même des peintures; celles-ci paraissent avoir inspiré les mosaïstes, à en juger par celles qu'on a retrouvées à Pompéi 2' et par trois descriptions fameuses de tableaux : la Chasse au sanglier de Philostrate l'Ancien 22, le Repos au retour de la citasse de Philostrate le Jeune 23 et. la Chasse d'Hippolyte de Choricius de Gaza21. La vogue de ces peintures se prolonge jusqu'aux confins de la barbarie : Luxorius décrit deux tableaux de chasse commandés par des seigneurs vandales23 ; l'empereur Julien cantonna, près de Séleucie du Tigre, dans un pavillon de chasse, où le roi persan était représenté tuant toutes sortes de bêtes fauves28, peinture dont une belle série de pièces d'argenterie sassanides permet de se faire une idée2i. Si, du Ive au vie s., où nous ont mené Julien, Luxorius et Choricius, l'art ne paraît plus avoir été capable qu'exceptionnellement d'exécuter des scènes de chasse aussi remarquables que celles qu'ils décrivent, les rnotifs cynégétiques n'en étaient pas moins restés en grande faveur dans l'imagerie chrétienne : les fables païennes ne les contaminaient point comme tant d'autres sujets, et bien des exemples montrent que la passion pour la chasse était des plus vives jusqu'auprès des saints : Naucrate, frère de saint Basile, dans le Pont, et saint Germain d'Auxerre, en Gaule, furent des chasseurs passionnés 2d. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à voir la place que les scènes de chasse tiennent dans les débuts de l'art copte 29, comme dans ceux de l'art roman : des lampes en terre cuite3o, VEN î00 YEN des coffrets en ivoire', des sarcophages en pierre' elles passèrent bientôt à la décoration des églises elles-mêmes, On yoffrait,à sainte Eusta the d'abord, puis à saint Hubert, les prémices apportées jadis à Diane et à Pan. Historique. Les Romains eux-mêmes avaient enregistré avec soin la date où une représentation de cette sorte fut offerte au peuple pour la première fois dans la ville de Rome : ce fut en l'an 186 av. J.-C., lorsque M. Fulvius Nobilior célébra par de grandes réjouissances la victoire qu'il avait remportée sur l'Étolie °. A cette époque il y avait déjà près de quatre-vingts ans que les combats de gladiateurs passionnaient la multitude [GLADIATOR]. On suppose avec apparence de raison que les Romains prirent l'idée des venationes en Afrique, après Zama, lorsqu'ils y eurent assisté à la chasse des grands fauves et que, répandus dans lé pays autour de Carthage vaincue, ils purent se procurer plus facilement les animaux qui leur étaient nécessaires. Fulvius avait fait venir des lions et des panthères. « Par leur richesse et leur variété, observe Tite-Live, ces jeux égalaient presque ceux que l'on célèbre de nos jours'. » En 169 av. J.-C., dans ceux que donnèrent les édiles curules P. Cornelius Scipion Nasica et P. Lentulus, on put voir soixante-trois « bêtes d'Afrique », c'est-à-dire des panthères, plus quarante ours, et aussi des éléphants e. Le goft pour ces hôtes dangereux s'était si bien répandu, même chez les particuliers, que le Sénat s'émut ; il défendit par un sénatus-consulte d'en importer en Italie ; mais, sur la proposition du tribun Cru Aufidius, le peuple excepta de cette prohibition les animaux destinés aux jeux publics7. On en vit encore à Rome en 146, lorsque Scipion Émilien eut renversé Carthage Ala fin de la République, les grands personnages de l'État firent assaut de prodigalité dans ce genre de spectacles ; ce fut à qui exhiberait le plus grand nombre d'animaux, et les plus rares ; les historiens ont retenu surtout le nom de M. Aemilius Scaurus, qui, étant édile en 58 av. J.-C., en fit paraître 150 de toute espèce dans l'arène ; il semble avoir cherché la nouveauté en mettant surtout à contribution la faune de l'Égypte, peu connue jusqu'alors en Italie ; il montra un hippopotame et cinq crocodiles, pour lesquels il avait fait creuser un bassin tout exprès 9. Lorsque Pompée inaugura son théâtre, en 55, le peuple put admirer, au milieu d'une venatio somptueuse, un rhinocéros, un loup cervier venu de Gaule et un singe rare (cepus), venu d'Éthiopiei0. Jules César fit sensation à son tour, en amenant pour la première fois une girafe dans la capitale, à l'occasion de sou triomphe (416 av. J.-C) l'. La figure 7369 reproduit un denier de L. Livineius Regulus, frappé en l'an 42, av. J.-C. ; ce magistrat yafaitreprésenter deux chasseurs aux prises avec des bêtes fauves, en mémoire des venationes auxquelles il présida pendant sa préture 12, Auguste, dans le fameux monument d'Ancyre, où il récapitule les grandes actions de son principat, se glorifie d'avoir donné vingtsix fois des chasses en spectacle, tant en son nom qu'au nom de ses fils et de ses petits-fils 13 ; les auteurs ont gardé la mémoire de celles qui eurent lieu pendant les an nées 11, 2 av. J.-C. et 13 ap. J.-C.1'. Les successeurs d'Auguste se conformèrent jusqu'au bout à la tradition qu'il avait établie, la considérant comme une des sur un denier roconditions principales de leur popula ri té, quoi que personnellement ils n'y fussent pas tous attachés par un goût aussi vif' Commode, gladiateur déterminé, prit part avec passion aux venationes de son temps et tua de sa propre main, en public, plusieurs milliers d'animaux sauvages". Au contraire Marc-Aurèle n'assistait à ces tueries qu'avec répugnance 17 ; mais il fut, en somme, danslalonguesérie des empereurs, une exception. Organisation. Quoique la venatio puisse être comprise dans cet ensemble de réjouissances qu'on désignait sous le nom général de ludi [LUDI, p. 1371]'$, elle est plus étroitement rattachée au munus, ou combat de gladiateurs, si bien que tout ce qui a été dit de l'organisation du munus et des règlements qui s'y rapportent [GLADIATOR] doit s'entendre aussi de la venatio. A partir du jour où elle entre dans les moeurs, elle n'est pas l'accompagnement régulier et obligatoire de tout munus, quel qu'il soit ; car parmi les personnages qui font les frais de ces jeux sanglants, il y en a de plus riches que d'autres et ils ne peuvent pas toujours, au moment voulu, se procurer un nombre suffisant d'animaux ; aussi voyons-nous que, dans les annonces des munera, on a soin d'ajouter sous une rubrique spéciale, pour stimuler la curiosité du public et pour lui donner une plus haute idée de la fête, qu'il y aura une venatio, comme on ajoute qu'il y aura un VELUM et des distributions de cadeaux [sPAnslo] 19. Toutefois un munus, sous l'Empire, ne paraissait complet et normal (justum atque legiti VEN 701 VEN muni) que s'il comportait une venatio; Suétone a soin de dire que l'empereur Claude en donna de l'un et de l'autre genre'. II suit de là que les chasses peuvent être organisées dans toutes les occasions où le peuple est convié à un combat de gladiateurs, si l'organisateur ne recule pas devant la dépense ; les jeux funèbres ne font pas exception : Jules César offrit aux Romains le spectacle d'une chasse splendide en mémoire de sa tille Julia, exemple que des particuliers même ont très souvent imité depuis'. II faut avoir soin de distinguer de ces luttes meurtrières les expositions d'animaux rares qui eurent lieu à Rome à diverses époques et dans divers monuments pour l'instruction du public ; les auteurs anciens qui en ont conservé le souvenir ne sont pas toujours très explicites sur ce sujet, d'autant plus qu'euxmêmes n'ont pas toujours trouvé dans leurs sources les moyens de s'éclairera : la plupart des renseignements relatifs à ces expositions temporaires, sur lesquelles nous ne pouvons nous étendre ici, ont été rassemblés dans Le lieu et l'heure de la représentation.Les chasses, à l'origine, se donnaient au Forum', coutume qui se perpétua jusque sous l'Empire ; Vitruve prévoit encore le cas où les villes voudraient faire servir aux munera leurs places publiques et indique les proportions qu'on devra leur donner en vue de ce besoin 6. Le Cirque y fut aussi affecté assez souvent', quoiqu'il eût été spécialement construit, comme on sait, pour les courses de chars [accus]. Auguste déclare que parmi ses venationes plusieurs eurent encore lieu dans le Forum et dans le Cirque'. En pareille circonstance on fermait toutes les issues par des grilles [CANCELLI, CLATIIRI] 9, pour éviter les accidents; au forum, les spectateurs prenaient place comme ils pouvaient sur le faîte elles balcons des édifices voisins [MAENIANUM] '0. Mais à partir du moment où il y eut des amphithéâtres, c'est-à-dire, pour Rome, depuis l'an 40 av. J.-C. [A3IPILITIIEATRuét] , ces édifices devinrent le lieu le plus ordinaire des venationes, comme des combats de gladiateurs. Elles jouent au Colisée un rôle si important qu'un auteur, parlant de cet édifice, l'appelle le « théâtre des chasses » (©€ c-r ov xusalyzrtxdv)1'. Les anciens ont parlé quelquefois des bêtes féroces qui apparaissaient brusquement, par bandes entières, à la vue des spectateurs émerveillés ; on eût dit qu'elles « érnergeaient » du sol de l'arène''. L'étude des substructions (incdyxtx) de plusieurs amphithéâtres, à Rome, à Pouzzoles, à Capoue, a confirmé ces témoignages ; les animaux, comme tous les accessoires elles décors nécessaires â la représentation, pouvaient être, grâce à des souterrains, beaucoup plus commodément réunis, préparés et dérobés aux regards jusqu'à l'heure fixée pour le spectacle ; on s'accorde aujourd'hui àreconnaître les coulisses de l'amphithéâtre dans les restes de constructions que les fouilles ont mis à nu au-dessous de la surface de l'arène 14 Si par exemple on jette les yeux sur celle du Colisée, on aperçoit dans le sous-sol, exploré jusqu'au fond en 1874 (fig. 7370), trois corridors parallèles au grand axe, établis entre quatre rangs de cellules voûtées ; tout autour règnent deux autres corridors, suivant la forme elliptique du podium. Si cet ensemble de substructions pou vait être destiné en partie à la manoeuvre des machines, personne ne doute qu'il ait servi aussi à enfermer les animaux rassemblés pour la venatio ; ces longues rangées de cellules, toutes semblables, semblent convenir parfaitement pour un pareil emploi '°. On a constaté aussi l'existence de trois passages souterrains qui mettent le sous-sol de l'arène en communication avec l'extérieur ; un de ces trois passages devait aboutir au Ludus Magnus, d'où l'on amenait les gladiateurs [GLADIATOR, p. 15791 il est bien probable qu'il donnait accès également au Ludus des chasses, et ainsi les animaux ne restaient cachés sous l'arène que pendant le temps strictement nécessaire, en attendant que leur tour de paraître en public fût venu 16. On s'accorde enfin à penser qu'ils étaient soulevés avec leurs cages [CAVER] 17, au moyen de chaînes et de poulies, jusqu'au niveau de l'arène, oit des trappes leur livraient passage. On observe en effet dans les angles de chaque cellule des rainures verticales qui ont pu être creusées en vue de cette manoeuvre''. Mais en somme nous manquons des documents qui nous seraient indispensables pour préciser davantage, et il entre encore une grande part de fantaisie dans les hypothèses que l'on a faites sur ce sujet lv. .e, 702 VEN Les chasses offertes en spectacle avaient ordinairement lieu dans la matinée ; elles cornmencaientavecle jour ; les amateurs, comme l'empereur Claude par exemple, y accouraient dès l'aurore' : de là l'épithète matutinus appliquée à tout ce qui s'y rapportait 2. Leur durée, naturellement, était variable ; elle dépassait souvent quatre heures 3, mais tout devait être terminé à midi, si un combat de gladiateurs suivait la venatio Nombre des animaux. Le nombre des animaux lâchés dans l'arène était proportionné à l'importance du minus. Les anciens nous ont laissé sur ce sujet des renseignements curieux ; mais dès l'antiquité même on se méfiait des chiffres énormes transmis par certaines traditions'. Il est trop clair que ces chiffres, pompeusement annoncés avant le spectacle, étaient ensuite rappelés avec complaisance, cités avec admirations, et enfin grossis démesurément, à distance, par la vanité des uns, par la crédulité et l'imagination naïve des autres, en dépit de la comptabilité, dont les pièces authentiques étaient probablement, comme celles de la gladiature et pour les mêmes raisons [OLADIATOH, p. 1597], conservées dans les divers dépôts d'archives '. Une de nos sources les plus sûres, c'est encore le monument d'Ancyre : Auguste y dit lui-même qu'il a donné pendant tout son principat 26 venationes, dans lesquelles on a tué environ 3500 bêtes sauvages, ce qui donne une moyenne de 134 bêtes par venatio 6, chiffre qui paraît bien modeste quand on songe que Pompée, s'il faut en croire l'histoire, avait fait tuer avant lui 500 lions en cinq jours, César 400 dans une seule fête 9 ; pourtant Auguste passe pour avoir aimé ces sortes de divertissements1e. Après lui, surtout lorsque les Flaviens eurent construit le Colisée, ces hécatombes, comme il est naturel, prirent de plus larges proportions" : pendant les fêtes données pour l'inauguration de l'édifice 9000 bêtes furent abattues, dit-on 12 ; on en compta 11000 dans les venationes par lesquelles Trajan célébra un de ses triomphes en l'an 10613. En notant ces chiffres avec tant de soin, comme Augustelui-même, les historiens des empereurs" nous donnent une idée de l'importance que le peuple y attachait. Si des jeux des princesnous passons à ceux des particuliers, nousvoyons dansles municipes de modestes magistrats, suivant l'exemple venu d'en haut, rappeler fièrement le nombre des animaux immolés à leurs frais sous les yeux de leurs concitoyens, celui-ci deux ours, celui-là dix, un autre quinze bêtes de toute espèce' C'est qu'en effet à la gloire d'avoir amusé la multitude se joignait chez eux une satisfaction d'un ordre plus relevé, celle d'avoir rempli une tâche d'utilité publique en débarrassant les provinces lointaines d'animaux très \IN nuisibles à la colonisation. Il n'est pas douteux que lei grands fauves, au début de l'Empire, faisaient encore de terribles ravages en Asie et en Afrique ; les ours devaient être redoutables dans les Alpes, en Germanie, et même en Gaule: il y avait un intérêt véritable àles détruire16.11convientd'observer aussi que ces exhibitions d'animaux exotiques, amenés de loin jusqu'au coeur de la capitale, ont rendu de grands services aux altistes et aux naturalistes, à qui elles fournissaient gratuitement des sujets d'étude ; on le voit assez par la lecture de Pline l'Ancien". Les espèces d'animaux. Mongez et, après lui, Friedlânder ont catalogué, dans des listes très copieuses, les différentes espèces d'animaux sauvages exposées aux coups des chasseurs dans l'amphithéâtre et ils ont indiqué à quelle époque chacune d'elles y fit sa première apparition f3. Sans entrer ici dans une énumération qui dépasserait les limites de cet article, quelque intérêt qu'elle offre d'ailleurs pour l'histoire naturelle, nous nous contenterons de noter que les Romains, dans leurs jeux, tenaient ordinairement compte de la division en herbivores et carnivores. Les herbivores (animalia lierbatica, ferue herbaticue, herbanae, herbariae)1 s sont souvent classés à part et désignés sommairement sous ce nom collectif ; c'étaient, pour la plupart, des animaux indigènes en Europe, et même, à cette époque, communs en Italie, dés sangliers, des cerfs, des chevreuils, et jusqu'à des lièvres 20 (fig. 7373). Une tradition toujours res pectée voulait qu'on n'en tuât point d'autres dans les fêtes de Flore [FLOnALIA,, célébrées annuellement du 28 avril au 3 mai". Il y eut quelquefois des chasses de ce genre, même dans le Grand Cirque 22; mais il est assez probable que ce n'étaient pas celles qui excitaient le plus la curiosité et l'émotion des spectateurs. On s'arrangeait VEN 703 VLN plus souvent pour faire alterner, dans une même fête, les carnivores et les herbivores, ceux-ci étant moins rares et moins coûteux Les carnivores venaient en majorité de l'Afrique; aussi les désignait-on communément, par opposition aux herbivores, sous le nom de ferae Libecae (Onpm. Ateux7), bestiae Africanae ou Orientales', ou encore sous le nom vulgaire de dentatae 3, à cause de leurs crocs redoutables et très apparents; il est assez le dos'. On alla jusqu'à teindre en vermillon 30:) autruches vivantes, amenées un jour dans l'amphithéâtre, à l'occasion d'une fête impériale l' Le combat. Les combats, dans une même matinée, se donnaient par séries successives ; naturellement on s'ingéniait à rendre chaque u lancé » (missio) 11 aussi attrayant et aussi pathétique que possible, ou, s'il y avait peu d'animaux en réserve, à multiplier les inci probable que par là il faut entendre surtout les panthères et les léopards, quoique panthera et pardus eussent été introduits dans la langue latine' et que l'Afrique envoyât aussi beaucoup de lions. Ainsi on a remarqué que dans la mosaïque Borghèse ((ig. 7373, 7374) il y a beaucoup plus de panthères que d'autres animaux 5. Parure des animaux. On sait que les Romains se plaisaient à couvrir d'ornements, souvent très riches, les animaux qu'ils destinaient aux sacrifices [sACRIFIClUl1, p. 975, fig. 6006, 60.17, 6008,, ou qu'ils offraient en spectacle, soit dans les parades du cirque [meus, p. 1l92 et 1201], soit dans les processions triomphales [TRIUSIPIIUS, p.489,fig.709316. il n'en était pas autrement d e s animaux, même féroces, qu'on préparait pour la lutte: le peuple a pu admirer dans l'arène des lions' dont la crinière était saupoudrée d'or et que décoraient des plaques de métal [BRACTEA] . Ces sortes de parures devaient seulement être disposées de manière à ne pas mettre obstacle aux évolutions de l'animal et aux coups du chasseur. Certains monuments nous montrent en effet des lions et des ours ornés d'un collier qui vient se réunir sur le garrot à une sangle passée sous les deux pattes antérieures; on voit au point de jonction un anneau propre à fixer un lien; ces courroies pouvaient recevoir une décoration plus ou moins brillante (fig. 7371) 8. On remarquera aussi dans la fig. 7374 le taureau orné de bractées sur le front et sur dents qui le prolongeaient. C'était tout un art que de varier ces spectacles devant un public déjà blasé par l'habitude. Quand une bête féroce, à jeun, sortait avec impétuosité de sa cage brusquement ouverte, l'émotion était extrême 12. A l'origine, pendant un siècle, les lions ne parurent jamais qu'enchaînés, sans doute parce que, dans les emplacements dont on disposait alors, on ne pouvait pas répondre autrement de la sécurité des spectateurs ; ce fut Sylla qui le premier mit lin à cet usage 13. Chaque animal, lâché séparément, trouvait en face de lui un ou plusieurs chasseurs ; mais on imagina aussi de mettre aux prises un animal avec un autre, par exemple un éléphant avec un taureau, un rhinocéros avec un ours, un lion avec un tigre, etc*. Ce qui est plus singulier, c'est qu'on attachait quelquefois deux animaux l'un à l'autre par une longue corde, même quand ils devaient être combattus par des hommes ; ainsi on peut voir dans la fig. 7372, entre deux chasseurs armés, un taureau couplé par ce moyen avec un félin, lionne, léopard ou panthère 15. Sénèque explique très nettement le but de cette combinaison : on excitait les deux ani 1 maux l'un contre l'autre, jusqu'à ce que l'un des deux succombât dans la lutte; alors survenait un homme qui achevait le vainqueur 16. D'autres fois on lâchait ensemble, par groupes, plusieurs animaux d'une même espèce ; la mosaïque Borghèse, dont la fig. 7373 reproduit une VEN -701VLN partie', nous fait assister à une scène de ce genre; nous y voyons une dizaine de panthères combattues par cles chasseurs ; quatre d'entre elles, mortes ou mourantes, gisent sur le sol; quatre autres se débattent furieusement contre leurs adversaires; toutes sont percées ou vont l'être à la poitrine, exactement à l'endroit du cœur; c'était « le bon coup » (7:),r,y xx:ato;), le seul digne d'un vrai matador, celui qu'il ne pouvait manquer sans s'exposer au dan ger ou au ridi cule [cf. CoxTORNIATI, fig.1919] 2. Les monuments nous font connaître encore une chasse d'un autre genre (fig. 7374 et 7375) : des animaux des espèces les plus diverses y sont lâchés pêle-mêle et attaqués à la fois ; ici on voit une autruche, une antilope et un cerf à côté d'un lion, dont ils auraient pu être la proie avant de tomber sous les coups d'un homme ; là un ours traîne derrière lui une longue corde, probablement fixée sur le sol (fig. 7371)". Ces lancés mixtes (missiones passivae)' prirent parfois, dans les jeux ,impériaux, des proportions telles qu'on se demande comment les arènes les plus vastes ont pu contenir toutes les victimes rassemblées entre leurs murs, s'il faut ajouter foi aux récits des historiens. Certains empereurs firent transplanter dans la piste du Grand Cirque des arbres Syrie, cent lionnes et trois cents ours, « spectacle plus grand qu'agréable », ajoute l'historien 7 : ce n'était plus qu'un troupeau à l'abattoir. A la multitude des animaux d'autres empereurs opposèrent une multitude de chasseurs: Claude envoya dans l'arène tout un escadron de cavalerie prétorienne, commandé par ses tribuns et par son préfet, exemple que Néron suivit bientôt après 8. Mais il arrivait que des animaux, plus effrayés qu'excités par le tumulte, déjà malades, ouaffaiblis par une longue captivité, refusaient de sortir de leurs cages ou demeuraient inertes à la même place9; alors on les ex-• citait par tous les moyens, cris, coups de fouet, blessures, etc.10. On s'acharnait surtout contre les taureaux, trop lents à se mouvoir ; car, comme on peut le voir par la fig. 7375, ces animaux ont été souvent en butte aux traits des bestiaires dans les jeux sanglants de l'amphithéâtre, qu'il ne faut pas confondre avec les TAuROIATHAPSIA, exercices d'adresse et de force analogues à nos courses landaises et provençales. Dans les venationes où le taureau était destiné à la mort, des taurocentae" le provoquaient au combat à coups d'aiguillon (xvraov), comme les toréadors le font aujourd'hui avec leurs banderilles. On lui brûlait la peau avec tout poussés, au milieu desquels on lâcha des animaux herbivores, que le peuple fut invité à capturer lui-même; on appelait silva le lieu et le divertissement ; Probus distribua ainsi en une fois des milliers de pièces, autruches, cerfs, sangliers, daims, etc.5. Le Colisée vit souvent se répéter la tuerie en masse de carnivores variés, dite, dans les bas temps, xuv-gyctov na~xxc rov, pancarpum s ; toujours sous Probus on y donna la chasse en même temps (una missione) à cent lions ; puis vinrent cent léopards d'Afrique, cent de des torches f', ou bien on lui opposait, pour détourner sa fureur, un mannequin bourré de foin (homo foeneus) [PILA], qu'il faisait voler dans les airs à coups de cornes 13. Les chasseurs, comme en pleine campagne, étaient accompagnés par des chiens spécialement dressés pour cet emploi (fig. 7375); on choisissait de préférence le espèces les plus robustes et les plus farouches ; on en fit venir même d'Écosse dans des cages de fer [CALAIS] ". Tous les moyens, du reste, étaient bons, quand ils mettaient de l'imprévu dans le spectacle ; sous Claude, on VEN 705 VEN imagina de paralyser la résistance des lions en leur jetant un voile sur les yeux' ; on vit aussi des ours abattus par un coup de poing qui leur brisait le crâne'. Souvent l'animal n'était mis à mort qu'après d'émouvantes péripéties prolongées à dessein ; de là les tourniquets à cloisons, dressés au milieu de l'arène pour servir d'abris aux chasseurs [COCTLEA, fig. 1686, 1687]; cet appareil était déjà en usage au temps de Varron 3. Plus on avance dans l'histoire de l'Empire et plus on voit se multiplier, au milieu des venationes, les tours d'acrobatie qui tenaient en éveil la curiosité du public; avant de donner aux bêtes fauves le coup de mort, les chasseurs rivalisaient de souplesse et d'agilité pour les agacer le plus longtemps possible, sans cesser d'éluder leurs atteintes (eludere, frustrare feras) '.Celui-ci escaladait un mur (tiEt7,ôasYiç, tichobates) celui-là, au moment d'être happé, se jetait de côté en faisant la roue; un autre échappait par un bond énorme à l'aide d'une longue perche, comme s'il eût exécuté le « saut de rivière u [COSTOMOxo1OLON, fig. 1.916j; un troisième se blottissait, roulé sur lui-même, dans un panier sphérique qui lui donnait l'apparence d'un hérisson (ericius), etc. 6. Plusieurs diptyques byzantins (fig. 7376)' nous ont conservé l'image de ces exercices périlleux sous une forme un peu barbare, qui rend quelquefois l'interprétation hasardeuse [cf. DIPTVCHON, fig. 2456. On peut voir aussi à l'article s1IAPERDA (fig. 6482) une lampe romaine dont le sujet a sans doute été inspiré par une scène analogue Commode, qui fut, comme on sait, passionné pour les venationes, voulut un jour tuer lui-même les animaux à coups de flèches du haut du podium ; on avait divisé l'arène en quatre compartiments par des cloisons qui se coupaient à angles droits, pour que l'empereur pllt abattre de plus près toutes ses victimes; il transperça ainsi cent ours dans la journée7''. Ce n'était pas là une simple fantaisie, mais plutôt une tradition du pouvoir impérial : car un de ses prédécesseurs les moins populaires et les moins friands de spectacles, Tibère, déjà lx. vieux et malade, lança d'en haut (desuper) des javelots sur un sanglier lâché dans l'arène; il espérait donner le change sur son état de santé ; l'effort qu'il fit l'aggrava encore''. Quand le combat avait pris fin, il arrivait quelquefois que le peuple était admis à descendre dans l'arène pour ramasser les bêtes abattues, qu'on lui abandonnait; on lui offrit même des bêtes de somme, des bêtes inoffensives ou apprivoisées, qu'il emmenait vivantes : cela s'appelait piller l'arène (diripere). Pour éviter le désordre, on distribuait d'abord sur les gradins des bons, représentés par des jetons [MISSILIA, TESSERA], qui donnaient droit à une pièce déterminée12; mais parfois aussi on se dispensait de cette sage précaution ; car les auteurs parlent de mêlées générales, dans lesquelles chacun choisissait lui-même son butin 13. Provenance des animaux. Le pays qui fournissait le plus grand nombre d'animaux pour l'arène fut de tout temps l'Afrique ; après les grands félins, plus spécialement désignés, comme nous l'avons dit, sous le nom de ferae Libycae, il y a lieu de citer, parmi les animaux originaires de cette région, l'éléphant, l'hyène, l'onagre, l'antilope, la gazelle et l'autruche ". Il ne faut pas oublier l'ours, quoique Pline l'Ancien affirme qu'on n'en trouvait pas en Afrique 15; il est contredit, non seulement par des textes remontant à l'antiquité même 16, mais aussi par les observations des voyageurs modernes; ce qui est vrai, c'est que l'llrsus Arumidicus a fui peu à peu devant l'homme et qu'il s'est retiré de plus en plus dans les altitudes boisées, particulièrement au Maroc, où on le rencontre encore aujourd'hui ". Quand les Romains furent entrés en relations avec l'Égypte, ils en firent venir pour leurs venationes l'hippopotame, le rhinocéros, le crocodile; la haute Égypte et l'Éthiopie leur envoyèrent la girafe et diverses espèces de singes ; l'Inde leur fournit des tigres. Mais on ne se fit pas faute de mettre aussi à contribution les provinces européennes : on demanda des ours à la Dalmatie et à l'Espagne, des élans et des loups à la Gaule; l'Italie avait encore dans ses montagnes assez de gibier pour n'avoir pas besoin d'emprunter au dehors les espèces plus communes : le cerf, le chevreuil, le sanglier, le lièvre, et enfin les taureaux, qu'elle nourrissait dans ses pâturages, pouvaient encore lui procurer des spectacles fort appréciés, comme le prouvent les monuments 18. Capture et transport des animaux. La passion des Romains pour les venationes de l'amphithéâtre, qui s'est soutenue pendant sept siècles environ, avait donné naissance à un trafic très important; il n'était point de magistrats, depuis les premiers de l'État jusqu'à ceux des petites villes, qui ne pussent avoir besoin de se procurer vivants des animaux sauvages en vue des jeux auxquels ils présidaient; souvent il était de leur intérêt de les avoir vile et en grand nombre. Pour satisfaire à leurs demandes on avait organisé des battues 89 YEN 706 VEN régulières et un commerce s'était créé, qui entretenait de tous côtés des agents chargés de centraliser la marchandise dans des parcs spéciaux [vrvanium] r. Les gouverneurs des provinces lointaines étaient souvent pris pour intermédiaires, par leurs amis de Rome, dans ces sortes de négociations et ils leur prêtaient leurs bons offices d'autant plus volontiers qu'eux-mêmes pouvaient éprouver bientôt après les mêmes besoins, quand ils poursuivraient ailleurs leur carrière : ainsi, en Pan fit av. J.-C., par plusieurs lettres écrites du mois de juillet au mois de septembre, Caelius, candidat à l'édilité, presse Cicéron, gouverneur de la Cilicie, de lui chercher des panthères pour les jeux qu'il doit donner l'année suivante 2; un certain Patiscus, particulièrement au fait de ce commerce', en avait récemment envoyé dix d'Asie Mineure à leur ami Curion, qui les avait jointes à dix autres venues d'Afrique. Caelius ajoutait que Cicéron pourrait toujours en trouver non loin de sa province, en Pamphylie et dans la campagne de Cibyra (Phrygie), où elles abondaient. Au mois d'avril de l'an M, Cicéron répond de Laodicée que les panthères en effet sont rares en Cilicie pour le moment, mais il s'occupe activement de l'affaire avec l'aide de Patiscus'. Dans l'intervalle Curion avait fait cadeau de ses vingt panthères à Caelius, dont l'impatience se trouvait ainsi un peu calmée, mais qui n'en stimulait pas moins le zèle de son correspondant. En l'an 401 de notre ère, Symmaque, étant préteur, éprouvait encore les mêmes angoisses dans des circonstances analogues ; il demandait instamment qu'on voulût bien lui envoyer d'Orient des gazelles et des antilopes ; sinon ses jeux auraient été fort compromis'. Pour capturer les animaux vivants, on les attirait dans des pièges à l'aide d'un appât, ou bien on les faisait tomber dans des fosses (foveae), recouvertes de branchages; on se rendait maître de certaines espèces avec le filet ou le lasso (laqueus) 6; tous les moyens étaient bons [VExATIO, p. 688], pourvu que la bête ne fût pas endommagée. On l'enfermait ensuite dans une cage construite en madriers solides 7 et on l'expédiait à destination, non sans acquitter à la frontière de l'Empire un droit de douane de 2 1/2 p. 100 qui frappait cette marchandise a ; cependant les personnages de rang sénatorial pouvaient la faire passer en franchise [PonToluusl] ; le port et l'entretien étaient encore pour eux une charge assez onéreuse °. Caelius a bien soin d'avertir Cicéron qu'il n'aura pas à s'occuper personnellement de ces détails, quand il expédiera les panthères demandées ; car justement Cicéron a auprès de lui, en Cilicie, des gens de Caelius, qui mettront le convoi en route, et celui ci offre même d'en fournir d'autres, s'ils ne sont pas en nombre suffisant1''. Le transport par terre s'effectuait sur de lourds chariots traînés par des boeufs": mais la plupart du temps il fallait y ajouter un trajet sur la mer ou sur les fleuves 12. Pasitèle, sculpteur grec contemporain de Cicéron, s'étant un jour embarqué sur un des navires destinés à cet usage, étudiait d'après nature un lion d'Afrique, quand une panthère, échappée d'une cage voisine, se jeta sur lui et faillit le dévorer 13. Au cours de ces longs voyages, à supposer que la cargaison ne fit pas naufrage ou qu'elle n'arrivât pas trop tard, on devait encore compter avec les maladies, qui souvent la décimaient ou la rendaient inutilisable '4. Le service impérial. Ce fut pour les empereurs une nécessité absolue de prévenir de tels dangers dans la préparation des spectacles qu'ils offraient à la foule, eux ou leur famille ; il fallait qu'ils eussent sans cesse à leur disposition, dans la capitale, un nombre d'animaux et un personnel suffisants pour répondre sans délai à toutes les exigences. De là le service impérial des venationes. L'armée en était un des rouages essentiels. Une inscription récemment découverte à Cologne nous apprend que les soldats de la légion I Minervia, commandés par un centurion, avaient capturé en six mois, sans doute les mois d'hiver, une cinquantaine d'ours 75; ainsi s'explique le titre d'ursarius legionis porté par un soldat de la légion XXX dans la même contrée, à Vetera (Xanten) 16 : les ursarii de Cologne étaient les pourvoyeurs de la ménagerie (vivarium), dépendance de l'amphithéâtre voisin''. Par des battues régulièrement organisées, ils débarrassaient les cultivateurs des hôtes malfaisants qui s'abritaient dans les forêts de la Germanie Inférieure; c'était pour eux un service commandé, aussi utile aux populations voisines que la construction des ponts ou des roules. Les hommes de troupe qu'on y employait étaient dispensés des exercices ordinaires du soldat ; les venatores comptaient parmi les Immunes de la légion 16. Une partie des animaux capturés étaient abattus dans l'amphithéâtre le plus proche; il n'est pas douteux en effet que l'on donnait aux soldats des spectacles de chasses dans les camps ou auprès des camps, autant pour les distraire que pour entretenir en eux les vertus guerrières ; il est même assez probable qu'ils y jouaient parfois un rôle actif 1° ; de là vient que certains amphithéâtres, comme ceux de Lambèse ou de Carnuntum, sont beaucoup plus rapprochés du camp que de la ville 20. Cependant d'autres animaux devaient être envoyés plus loin, et même jusqu'à Rome, par les procurateurs de chacune des grandes circonscriptions régionales instituées pour alimenter les munera impériaux [GLADIATOR, p.1580]; nous voyons, dans la capitale même, des soldats de la garde, venatores immunes, en rapport avec une ménagerie, consacrer un autel à YEN 707 YEN Diane pour le salut de l'empereur Gordien III et de sa femme '. Les villes par où passaient les convois d'animaux étaient tenues de pourvoir à leur entretien pendant toute la durée de leur séjour. Il s'ensuivait des abus révoltants; ainsi en l'an 417 un convoi, formé par le duc du limes de l'Euphrate, resta trois ou quatre mois en subsistance à Iliéropolis (Syrie) aux frais des notables [xuxus, p. 20151. Sur une protestation transmise par le gouverneur de la province, les empereurs rappelèrent à tous les ducs des frontières que, sous peine d'amende, ces convois ne pouvaient séjourner dans chaque ville que sept ou huit jours au plus, comme le permettaient les constitutions antérieures, et qu'en aucun cas les villes n'avaient à fournir des cages pour les animaux 2. Une fois parvenus à destination, ces animaux étaient enfermés dans une ménagerie fviVA1HUMI; à Rome la ménagerie impériale était située, suivant l'hypothèse la plus vraisemblable, dans la partie est de la ville, en dedans et le long de l'enceinte, près de la porte Prénestine Elle était sous la garde d'un custos, peut-être de plusieurs, et il semble que les soldats des cohortes prétoriennes, casernées dans ce quartier, contribuaient à sa surveillance. Les venalores, au contraire, avaient leur caserne et leur terrain d'exercices dans le Ludus Matutinus, ainsi nominé parce qu'ils ne prenaient jamais part qu'aux représentations du matin 5; on s'accorde à en fixer l'emplacement près du Colisée, du côté du sudest, à quelques pas du Ludus Magnus [GLADIATOR, p. 1579] ; ses ruines doivent se trouver, sous terre, à l'ouest de la rue Saint-Jean-de-Latran, entre le Colisée, l'église des Saints-Jean-et-Paul et celle de Saint-Clément 2; peut-être est-il figuré sur un morceau du plan des Sévères 7. De là, les venatores et les cages qu'on avait amenées du vivarium prenaient le chemin de l'amphithéâtre, par le passage souterrain dont il a été question plus _haut. Il y eut un Ludus Matutinus à Itome dès les premiers empereurs S ; mais il paraît probable que ce fut Domitien qui assigna sa place à l'édifice définitif et qui en régla l'organisation spéciale, quand on mit la dernière main au Colisée 9. La direction de l'établissement appartenait à un procurator impérial, de rang équestre, mais cependant inférieur en dignité à celui du Ludus Magnus; il avait sous ses ordres, pour l'aider dans sa tâche administrative, tout un personnel d'employés aux écritures [ COMMENTARIENSIS], affranchis impériaux, et aussi des médecins chargés de veiller sur la santé des venatores avant le combat, et de guérir ensuite de leurs blessures ceux qui n'avaient pas succombé 10. Il faut sans doute rattacher au même service certains agents subalternes auxquels on confiait les approvisionnements, l'entretien des animaux, etc., par exemple l'adjutor ad feras", le praeposilus llerbariarum 12 Le procurateur du Ludus se tenait lui-même en rapport avec le curator munerum ac venalionum, àqui incombait la préparation du spectacle [GLADIATOI1, p. 1568] 13 Par certains renseignements qui nous sont parvenus sur l'état des ménageries impériales fvIVARIUM]'4, nous pouvons deviner les résultats de cette organisation puissante, dont les ramifications s'étendaient même au delà des limites de l'Empire : les animaux nécessaires aux spectacles se firent de plus en plus rares sur le marché, au grand détriment des particuliers et des magistrats, qui, à Rome ou en province, avaient des jeux à donner en leur propre nom, surtout quand les empereurs, pressés par les mêmes besoins, en furent venus à se réserver le monopole des éléphants et des lions f3. Mais on eut alors une ressource, ce fut d'acheter, dans le a troupeau de César », avec sa permission, les pièces dont on avait besoins"; et il arrivait quelquefois que la permission était accordée avec empressement, parce que le fisc, dans certaines années, ne suffisait pas à nourrir un aussi grand nombre de bêtes voraces ''. L'empereur en faisait même volontiers cadeau à ses amis : en 273, Aurélien distribua ainsi à des particuliers, « ne /iscum annonis gravaret », celles qui avaient fait l'ornement de son triomphe sur Zénobie, vingt éléphants et deux cents autres bêtes de toute espèce, venues d Afrique et de Palestine 12. Outre le Colisée, Rome possédait encore un autre amphithéâtre, de dimensions beaucoup plus réduites, l' Amplritltealrum castrense; il est situé au sud-est du premier, près de l'église de Sainte-Croix-de-Jérusalem12. Son nom, transmis par une tradition digne de foi, a porté à croire qu'il avait pu servir aux divertissements des soldats de la garnison de Rome, casernés à peu de distance, dans les Castra praetoria. On a supposé aussi qu'il avait pu servir de piste d'entrainement aux venatores avant les grandes représentations du Colisée" ; mais il semble que le Ludus Matutinus devait suffire. Suivant une autre opinion plus vraisemblable, ce monument aurait été l'amphithéâtre « de la cour » 21, un amphithéâtre réservé, où étaient seuls admis, avec la famille impériale, les courtisans (amici principis), les officiers, les affranchis et les esclaves du souverain, bref tout ce personnel, encore très nombreux, dont se composait sa « maison » sur le Palatin ou qui était affecté à l'administration centrale22. Les exécutions. Une des principales sources de l'émotion dramatique que les spectateurs venaient chercher dans l'amphithéâtre, c'étaient les supplices qui se mêlaient souvent aux venationes. L'idée de faire périr des condamnés sous la dent des bêtes féroces semble avoir été empruntée par les Romains aux Carthaginois; pendant la guerre des mercenaires (241 av. J.-C.), Hamilcar s'était débarrassé ainsi de tous ceux qui étaient VENfi 708 YEN tombés vivants entre ses mains Paul Émile, après Pydna (108), Scipion Émilien, son fils, après la ruine de Carthage (1M6), imitèrent cet exemple barbare : ils jetèrent aux bêtes les soldats auxiliaires qui pendant la lutte avaient déserté la cause romaine et que l'on avait repris 2. Depuis, la chose passa en coutume; on sait par un grand nombre de textes profanes, aussi bien que par l'histoire de l'Église, combien de victimes trouvèrent la mort dans les venationes. Toutefois il est essentiel de les distinguer d'abord des venatores ; si méprisable qu'il soit, le VENATOR a des vêtements, des armes, comme le gladiateur, et, comme lui, il a appris par un long exercice à s'en servir avec dextérité pour l'attaque et la défense ; il peut sortirvivan t de l'amphithéâtre [GLADIATOR, p. 1573]. Au contraire le supplicié est un criminel (noxius) condamné à mort, ordinairement pour des crimes de droit commun, et ne peut en aucun cas être soustrait à l'arrêt de la justice; aussi est-il amené nu, les mains liées derrière le dos; les venatores sont pour lui des bourreaux, qui peuvent le frapper, le garrotter, et qui doivent même veiller à l'exécution de la sentence I1 faut noter aussi que ce supplice n'est pas le but unique de la venatio ; le condamné n'y figure que comme un appât offert à des bêtes affamées; le véritable intérêt est, pour les amateurs, dans les assauts qui se livrent autour de lui; il peut y avoir des venu armes sans supplices Un bas-relief, provenant de Smyrne (fig. 7377) nous fait assister aux préparatifs de l'exécution; dans chacun des registres supérieurs nous voyons un groupe de condamnés que réunit une chaîne fixée à leur cou; l'extrémité est. tenue par le gardien ou le bestiaire qui les conduit dans l'arène ; ils y seront la proie d'un des animaux représentés dans le registre inférieur On connaît aujourd'hui toute une série de monuments où apparaît, comme dans la fig. 2083, un personnage nu, debout sur un échafaud (catasta), adossé au poteau d'infamie (stipes) ; un lion s'élance sur lui pour le mettre en pièces. Un écriteau (titulus'l, fixé au poteau, indiquait très brièvement le motif de la condamnation Comme l'agonie de ces misérables n'offrait pas par elle-même un spectacle assez émouvant, on imagina de leur faire jouer un rôle dans un drame, dont leur mort formait le dénouement: sans parler ici de nombreuses pantomimes, où ils devaient subir à la fin le supplice du feu [TORMENTUiij 8, on vit, par exemple, un Orphée charmer des animaux de tout genre dans l'arène, jusqu'au moment où il devenait la proie d'un ours 9. Au besoin on arrangeait la fable pour amener ces péripéties tragiques, comme le jour où Dédale était déchiré par un lion 10. Une autre fois on reprenait un mime célèbre où il y avait un rôle de brigand, et on livrait à un ours le condamné qui le jouait. « Le sang, dit un témoin, ruisselait sur les lambeaux de ses membres palpitants et dans tout son corps il n'y avait plus rien qui ressemblât à un corps » f1. Un bas-relief de terre cuite trouvé en Afrique(fig. 7378)12 confirme de la façon la plus saisissante ce que nous apprennent les textes ; nous voyons là une femme nue, les mains liées derrière le dos, à cheval sur un taureau; un lion ou une panthère lui saute à la gorge, tandis qu'un venator accroupi et protégé par son bouclier, guette le moment favorable pour frapper la bête féroce. On peut se demander si cette scène d'amphithéâtre n'aurait pas été inspirée par la légende de Dircé [A:nlhluoN, fig. 268], plus ou moins travestie et chargée d'incidents nouveaux. On sait en effet que des martyres chrétiennes furent contraintes de jouer ce rôle à leur dernière heure, pendant la persécution de l'an 64, sous Néron13. Extension et suppression. La coutume des venationes s'est étendue aussi loin que l'Empire romain; joints aux combats de gladiateurs, ces spectacles ont attiré la foule partout oit Te nes d'amphithéâtres 14, et même ailleurs, comme l'attestent les auteurs, les inscriptions et les monuments figurés 1h; Athènes elle-même les a connus 16. Ils ont eu un succès d'autant plus vif qu'ils ne pouvaient pas soulever tout à fait les mêmes objections que les combats de gladiateurs ; l'homme n'y jouait pas sa vie contre un autre homme ; les philosophes, puis les chrétiens, ont pu les juger avec moins de sévérité. Cicéron, après avoir assisté aux chasses magnifiques donnéespar Pompée (hG av. J.-C.) parle, il est 709 YEN vrai, avec dédain du plaisir que la multitude y trouve; il le considère comme indigne d'un homme bien élevé, homo politus, parce qu'il est absurde et grossier de mettre aux prises des êtres qui ne sont pas d'égale force, ou de détruire sans profit un bel animal'; mais la morale n'a rien à voir dans cette appréciation. Aussi la plupart de ceux qui protestaient contre les combats de gladiateurs ont fait le silence sur les venationes; il est même fort possible qu'ils y aient vu un dérivatif utile à des instincts de férocité qu'ils désespéraient de faire disparaître d'un coup. Tandis que les combats de gladiateurs sont supprimés partout dès les premières années du ve siècle [GLADIAToR, p. 1509], les venationes subsistent encore à Constantinople au milieu du vre3. Cependant il faut remarquer que mémo là on s'était efforcé de plus en plus de réduire autant que possible l'effusion du sang et de développer dans le spectacle, comme nous le voyons sur les diptyques, la part des tours d'adresse. Les empereurs byzantins défendirent de donner des venationes le dimanche et interdirent aux ecclésiastiques d'y assister 3. On les considérait donc, malgré tout, avec certains Pères de l'Église, comme une tradition du passé, difficile à déraciner, mais funeste aussi, à sa manière, et démoralisante, parce qu'elle entretenait dans la foule le mépris de la vie humaine, l'habiCude de la brutalité, l'indifférence à la souffrance d'autrui et une curiosité malsaine. Les arguments d'un saint Jean Chrysostome sur ce sujet 4 n'ont pas cessé d'être vrais ; ils s'appliquent exactement, aujourd'hui même, aux courses de taureaux, dernier reste de ces jeux barbares dans l'Europe civilisée. VEN L'art. Les chasses de l'amphithéâtre, comme les combats de gladiateurs i CLADIATOR, p. 1390], avaient fourni aux artistes anciens des motifs innombrables. Nous en pouvons juger par un exemple : l'empereur Gordien I an 238 ap. J.-C.), ayant donné à [tome, quand il était édile, des jeux splendides, avait voulu en conserver le souvenir; il avait fait peindre des scènes de ses venationes sur les murs' de l'ancienne maison de Pompée, devenue la propriété de sa famille Un auteur, qui les vit encore en place au siècle suivant, énumère ainsi les animaux qu'on y avait représentés 6 Cerfs à ramure (cervi palrnati), mêlés à des cerfs de Bretagne 200 Chevaux sauvages 30 Taureaux de Chypre (Cypriact) 8 400 Autruches maures, passées au vermillon (animait) 300 Onagres 30 Sangliers 150 Soit au total 1320 animaux. Quelques modestes peintures de Pompéi, des mosaïques parfois assez grossières sont aujourd'hui, parmi les restes de l'antiquité romaine, ce qui se rapproche le plus de ces fastueuses compositions; mais on ne compte pas les petits objets de l'art industriel, surtout les poteries, dont la décoration a été inspirée par les cirasses de l'amphi théâtre 1D. Groirers LAFAYE. Médaillons de vases en terre cuite. hafaye, Mélanges de Rome, NATIO [p. 680], il a été question de ceux qui poursuivaient le gibier à travers la campagne, soit par plaisir, soit pour vendre leurs captures. Le même nom s'appliquait aussi à l'homme armé qui luttait contre les bêtes sauvages dans les jeux publics de l'époque romaine [cf. VENATro, p.700] '. Il était assimilé en tout et pour tout au gladiateur; la même flétrissure s'attachait à la condition de l'un et de l'autre; comme le gladiateur, le venator était en général un forçat ou un esclave 2, ce qui n'empêchait pas du reste qu'il y eût parmi les gens qui faisaient ce métier, comme dans la gladiature même, des affranchis et des engagés volontaires (auctorati) [CLADIAT01I, p. 157e]' ; on cite des empereurs qui non seulement rivalisèrent d'adresse avec eux, mais encore s'associèrent publiquement à leurs exercices'. Toutefois, malgré le rapport étroit qui les unit, le venator n'est pas un gladiateur et n'en porte pas le nom, parce que son arme la plus ordinaire n'est pas le glaive (gladius) et qu'il n'en connaît pas l'escrime ; à Rome les venatores de l'empereur n'habitent pas la même caserne (ludus) que ses gladiateurs, évidemment parce qu'ils reçoivent une instruction toute différente [VENATTD, p. 707]. Dans les troupes privées, par exemple dans celles des grands-prêtres provinciaux, les venatores et les gladiatores sont revus, après leur mort, dans le même tombeau ; mais l'épitaphe les distingue soigneusement les uns des autres'. Bref les deux professions voisinent sans cesse, mais ne se mêlent pas. Il est beaucoup plus délicat de distinguer le venator du bestiarius. Nous voyons par le témoignage des auteurs que celui-ci était l'objet d'un mépris général ; l'opinion publique le plaçait au dernier degré de l'échelle sociale, au-dessous même du gladiateurs. On en a conclu que le venator était d'un rang plus relevé ; le bestiarius aurait été un condamné, le venator un salarié ou un volontaire' ; mais rien ne justifie cette hypothèses. On a pensé aussi que le bestiarius n'était pas armé, comme le venator, qu'il était jeté nu et sans défense dans l'arène 9 ; c'est le confondre avec le condamné à mort ; en réalité le bestiarius peut avoir subi une condamnation infamante, mais c'est un combattant; il ne vient pas directement de la prison pour être mis à mort ; il a passé par le ludus et on lui a appris à manier des armes pour défendre sa vie 10. Enfin, suivant une autre opinion, le bestiarius aurait été moins armé que le venator" ; simple conjecture, qui aurait besoin d'être appuyée par des textes. Tout ce qu'on peut retenir jusqu'ici comme probable, c'est que venator, bien que présentant exactement le même sens que bestia rius f2, était plus général i3 et moins dégradant'. D'ordinaire les chasseurs de l'amphithéâtre sont vêtus et armés légèrement ; ceux qu'on voit sur la mosaïque Borghèse (fig. 7373, 7374) portent une courte tunique à manches, ornée de bandes et d'empiècements ; leurs jambes sont serrées dans des courroies ; ils n'ont aucune arme défensive, ni casque, ni bouclier, pas même le brassard (manica), dont se couvraient quelquefois leurs pareils" ; seulement leur poitrine et leurs épaules paraissent protégées par des plaques de cuir ou de métal. Ils foncent sur la bête avec un épieu [vENAliuLusli, tenu fortement à deux mains ; cette arme, qui ne dépasse pas la hauteur d'un homme, est traversée, au-dessous du fer, par une barre horizontale, recourbée en dedans, qui l'empêche de sortir de la blessure du côté oit elle est entrée. C'est ainsi que combattent, en général les bestiaires, si ce n'est que l'épieu, quand ils ont affaire à un taureau (fig. 737e, 7375); est remplacé par la lance, mieux proportionnée à sa taille et à ses moyens de défense. On tonnait cependant des bestiaires dont l'armure, beaucoup plus pesante, offre de grandes analogies avec celle des gladiateurs; ainsi ceux du bas-relief Torlonia (fig. 7371) portent, avec l'épée, un casque et un bouclier richement décorés ; on les prendrait pour des Samnites ; l'un d'eux, tombé à terre, est revêtu d'une cotte de mailles, serrant étroitement les bras et les cuisses, comme celle dont se couvraient les CATAPIIRACrI chez les Perses et chez d'autres nations orientales. Il est possible que ce basrelief, où l'on aperçoit dans le fond le théà,tre de Marcellus 16, rappelle les jeux donnés par Auguste quand il inaugura l'édifice (an Il av. J.-C.) 17 ; à cette occasion, des modifications exceptionnelles, pour des raisons qui nous échappent, auraient pu être apportées à l'appareil ordinaire du spectacle; mais il y a d'autres exemples de. l'armure pesante chez les bestiaires". On a supposé qu'elle était réservée soit à des gladiateurs détachés pour prendre part à la venalio, soit à une catégorie de bestiaires désignée par un nom particulier; jusqu'ici les preuves de cette conjecture font défaut 19, Ce qui parait probable, c'est que les Romains se sont sans cesse efforcés de rajeunir ces divertissements cruels, de sorte que certaines fantaisies, qui ont laissé leurs traces sur les monuments, ont pu ne pas avoir de suite. QueIquefois, surtout dans les premiers temps, on fit combattre les bêtes fauves par des hommes venus des pays mêmes où elles avaient été prises, parce qu'ils s'y , entendaient mieux que d'autres : le roi Bocchus envoya à Sylla des Numides avec les lions qu'ils devaient tuer, YEN 711 YEN la première fois qu'on osa présenter au public ces animaux sans chaînes'. En 6t av. J.-C., des Éthiopiens furent opposés à des ours d'Afrique 2 ; depuis on vit plusieurs fois, à Rome, des Thessaliens, des Maures ou des Parthes donner publiquement, dans les venationes, des exemples de leurs talents spéciaux Aux combats de taureaux étaient affectés les taurocentae, les taurarii, et probablement aussi les successores ; leur rôle semble avoir consisté à détourner la bête, comme le font les toréadors, quand l'un d'entre eux est trop menacé'. Enfin l'amphithéâtre avait ses picadors dans des cavaliers qui poursuivaient les gros animaux la lance à la main 5. A côté de ces gens armés les monuments nous en montrent d'autres, dépourvus d'armes (fig. 7374, 7370). Quel est le nom qui convient à ceux-là ? Quelle était leur condition ? On ne s'accorde pas sur cette question ; le plus sûr est de s'en tenir aux distinctions très solides que Mommsen a établies à propos des gladiateurs [GLADIATon, p. 15721'. On ne saurait douter que les hommes exposés sans armes à la dent des bêtes féroces soient en danger de mort, et de fait, dans la mosaïque Borghèse, nous en voyons au moins une demi-douzaine étendus à terre en monceau (fig. 7374) 7 ; il est assez naturel de penser que ces misérables étaient des malfaiteurs condamnés par les tribunaux ; mais d'autre part on ne peut pas non plus les assimiler complètement à ceux qui étaient attachés à un poteau dans l'amphithéâtre, les mains derrière le dos (fig. 2083, 7378). Ceux-ci ne doivent sous aucun prétexte échapper à la mort' ; les premiers courent un risque énorme, mais ce n'est qu'un risque, et ils ont, malgré tout, des moyens de protéger leur vie : il faut bien songer en effet qu'ils ont auprès d'eux, dans l'arène, toute une troupe de combattants armés et expérimentés, dont leur salut dépend en grande partie. Leur rôle nous semble, en définitive, avoir été celui de comparses chargés d'animer le spectacle par leurs évolutions et qui pouvaient se dérober à force d'agilité, de souplesse ou de ruse, jusqu'au moment décisif oit intervenait pour les secourir l'épieu du bestiaire 9. Ils portent tous, dans la mosaïque Borghèse, comme les combattants, une tunique à manches, ornée de bandes verticales [cLAVUS], qui s'arrête au-dessus des genoux : c'est sans doute une livrée, commune à toute la troupe et fournie par l'organisateur du spectacle ; on sait avec quelle prodigalité les Romains multipliaient dans leurs munera les costumes brillants et coûteux. Quoique l'équipement des bestiaires prêtât moins à la décoration que celui des gladiateurs, il pouvait être encore fort riche ; les bestiaires de Jules César parurent au milieu de l'arène avec des armes d'argent, exemple qui fut bientôt suivi jusque dans les municipes 1e. Dans le personnel des venationes les magistri semblent avoir occupé un rang plus relevé, que ce mot s'applique à des dompteurs chargés d'apprivoiser certains animaux", ou à des instructeurs chargés de former leurs camarades et de dresser les chiens de chasse t2. Beaucoup de troupes eurent des virtuoses célèbres, favoris de la foule; Martial a porté aux nues les exploits de son contemporain Carpophorus ; dans une seule représentation il avait expédié un ours, un lion et un léopard ; dans une autre un auroch, un bison et un lion ; dans une troisième vingt animaux féroces de divers genres ". Un programme de Pompéi annonce, pour attirer les curieux, qu'ils verrontprochainement combattre hélix'". Deux bestiaires sont désignés par leurs noms sur la mosaïque Borghèse, Militio et Sabatius'5 (fig. 7373, 7374), évidemment deux sujets de choix". Les gouverneurs avaient l'ordre de signaler à l'empereur ceux qui s'étaient distingués dans les provinces par leur force et leur adresse et qui leur paraissaient « dignes d'être présentés au peuple romain » ; l'empereur délivrait ensuite, s'ils appartenaient à la catégorie des condamnés, le laissez-passer sans lequel ils ne pouvaient être transférés hors de leur province 17. On pense bien que ceux qui avaient attiré sur leur personne l'attention publique par des succès exceptionnels en concevaient beaucoup d'orgueil ; a ils font parade, dit Tertullien, des morsures qu'il ont reçues et de leurs cicatrices, comme s'ils en étaient plus beaux'8 ». Sous Titus, des femmes mêmes, « qui n'étaient pas, il est vrai, d'un rang distingué », prirent part à un égorgement de neuf mille animaux19. Les chasseurs et tout le personnel d'un mémo amphithéâtre formaient, en certains endroits, des associations ; c'est ainsi qu'une inscription mentionne à Die (Drôme) un « collegium venatorum qui ministerio arenario fungunt 20 » Il faut en distinguer les commercants et leurs agents qui, sous le même nom de venatores, recherchaient et centralisaient les animaux sauvages pour les vendre aux organisateurs de spectacles; ceux-là appartenaient évidemment à une autre catégorie sociale ; nous en voyons parmi eux qui arrivent aux honneurs municipaux ; il est possible qu'ils aient formé aussi des associations [vENATIO, p. 697191. Tous ceux qui jouaient un rôle quelconque dans les venationes de l'amphithéâtre avaient un culte particulier pour Diane, patronne de leur art, et pour Silvain, dieu VENDITIO BONORUM.[Cet articlecomplèteooNOHUM EMPTIO]. Dans le droit romain, pendant très longtemps, les seules voies d'exécution autorisées contre le débiteur récalcitrant étaient, sous l'empire du premier sys_ tème de procédure, les voies de contrainte contre la per YEN 712 YEN sonne par le moyen de la manus injectio judicati [MANUS INJECTto]. Mais la rigueur excessive de la contrainte personnelle devait amener, dans la procédure formulaire, un adoucissement sensible de la condition faite aux judicati contre lesquels elle était pratiquée. Le principal de ces adoucissements, celui qui a prévalu dans les législations modernes, est l'introduction des voies de contrainte sur les biens. La première en date est la venditio bonorum, à côté de laquelle vinrent figurer plus tard la bonorunz distractio et le PIGNUS EX CAUSA JUIICATI CAPTUM. La bonorum venditio est la vente en bloc du patrimoine d'un débiteur faite par l'un de ses créanciers, tant en son propre nom qu'en celui des autres. Elle a été introduite [à l'imitation des ventes de l'État romain] [BONOnun SECTIO] par un préteur nommé P. Rutilius vers les premières années du vie siècle de Rome. Elle s'applique tantôt aux biens d'un vivant, tantôt à ceux d'un mort. Lorsque le débiteur, étant actionné en justice, se dérobait à la poursuite sans laisser de représentant, ou bien s'il avait fait abandon de ses biens à ses créanciers, comme l'y autorisait une loi Julia [RONORun cESSloj, ou bien encore s'il ne payait pas sa dette après y avoir été condamné par sentence du juge, ou après l'avoir reconnue en justice (confessio in jure), la venditio bonorum pouvait avoir lieu. Il en était de même après sa mort lorsqu'il ne laissait d'héritier d'aucune sorte, ni civil ni prétorien. La vente, qui constituait ici un mode de transmission per universitatem, portait, non sur un bien isolé du débiteur, mais sur le patrimoine tout entier qui était attribué à celui qui offrait le dividende le plus élevé (bonorum emptor°). 1° Tout d'abord la procédure commence par la demande au préteur de l'envoi en possession des biens du débiteur insolvable, missio IN POSSESSIONEM (Pei servandae causa), qui constitue une simple mesure conservatoire attribuant, non pas seulement au créancier qui l'a demandée, mais à tous les créanciers, la détention des biens 3. Elle est rendue publique par des affiches [enoscalPTIONES] et dure 30 ou 13 jours'. pendant lesquels, sur l'avis des créanciers, le préteur nomme un ou plusieurs curateurs pour l'administration des biens. [Le rôle de curator est principalement de veiller à la conservation du patrimoine. Il peut aussi intenter, s'il y a lieu, l'action Paulienne accordée par l'Édit du préteur pour faire prononcer la révocation des actes de l'insolvable passés en fraude de ses créanciers et obtenir ainsi la rentrée dans la masse des biens frauduleusement sortis du patrimoine 5. Quant au decoctor ou defraudator, il n'est pas encore dessaisi de ses droits à ce moment ; mais à raison de la suspicion qui pèse sur lui après l'envoi en possession et de l'affichage, il ne pourra plus être traduit en justice par ses créanciers que s'il fournit satisdatio, c'est-à-dire une promesse par stipulation avec cautions si. 2° Les délais de la missio in possessionem expirés, un second décret du préteur autorise les créanciers à se réunir et à choisir l'un d'eux comme magister pour procéder à la vente des biens. Ce magister précise les conditions de la vente, dresse la liste des biens, des créances et des dettes, et fixe la mise à prix. C'est en quelque sorte le cahier des charges de la vente fi-EX VENDITIONIS]. 3° Enfin la vente rendue publique par de nouvelles affiches est accomplie [probablement dans le délai de 10 ou de 3 jours après le second décret']. Alors celui qui offre le plus fort dividendeaux créanciers, c'està-dire le prix d'achat le plus élevé, est déclaré adjudicataire, bonorum emptor, par l'addictio du magistrat. L'adjudicataire devient débiteur envers les créanciers, qui peuvent poursuivre le recouvrement die leurs créances par l'intermédiaire du magister dont nous avons parlé, et aucune préférence n'est accordée si ce n'est au profit de ceux qui ont un privilegium ou une hypothèque sur une chose faisant partie de la masse. [Ledecoctor reste tenu personnellement pour le surplus des créances et pourrait subir une nouvelle bonorum venditio sur les biens qu'il acquerrait par la suite 3]. Le bonorum emptor, adjudicataire du patrimoine, est un acquéreur à titre universel. Toutefois il ne devient pas propriétaire ex jure Quiritium des choses corporelles ; il les a simplement in bonis, en ayant pris possession au moyen d'un interdit que le préteur lui donne à cet effet et nommé interdictum possessorium Quant aux créances et aux dettes, des actions utiles sont accordées au bonorum emptor ou contre lui, car il n'est pas successeur selon le droit civil. [En cas de faillite d'un vivant], le bonorum emptor est admis à exercer les droits du failli et le nom de celui-ci figure dans l'intentio de la formule, tandis que le sien figure dans la condemnatio ; dans l'hypothèse où le failli était débiteur, l'action est dirigée contre le bonorum emptor avec la même transposition de nom. [Les formules transformées sont les formulae Rutilianae 10. En cas de faillite d'un mort, les actions du failli ou celles qui auraient été dirigées contre lui sont exercées par le bonorum emptor ou contre lui, avec des formules d'un autre genre, les formules comportant la fiction que le bonorum elnptor est l'héritier du failli. Ces formules sont dites formulue Servianae ". A l'exercice des actions intentées au nom du failli se rattache la théorie de la deductio du bonorumemptor 12 [DEDucTlo, p. 47], variété de compensation en vertu de laquelle le juge, saisi de la poursuite qu'intente le bonorum emptor contre un débiteur du failli, est invité par la condemnatio de la formule à opérer au profit du défendeur la déduction des dettes réciproques du failli envers lui, et doit par conséquent le condamner seulement à la difl'érence13. La deductio porte sur toute V EN 713 -N7 LN espèce de dettes, méme si elles sont d'autre nature que la créance réclamée' ; elle porte sur les dettes du failli, échues ou non 2 ; elle n'expose aucunement le bonorum emptor au risque de se voir débouter pour plus petitio']. A l'époque de Justinien, la bonorum venditio per universitatem n'existait plus et était remplacée par des ventes en détail. Celles-ci présentaient un triple avantage : d'abord la bonorum venditio entraînait pour le débiteur dépouillé de ses biens la note d'infamie4, évitée par les ventes en détail ; d'autre part les ventes en détail permettaient au débiteur d'échapper aux spéculations qui pouvaient se pratiquer sur son patrimoine et d'éviter les ententes frauduleuses entre les créanciers; enfin les opérations préliminaires de la lionorum venditio supposaient des délais fâcheux pour la réalisation du gage. Aussi la bonorum venditio disparut-elle lorsque la procédure extraordinaire eut remplacé l'ancien système des VENEPICIUl1, l'I NL 1IJ17. Les principaux poisons ou produits considérés comme tels par les anciens' ont été : parmi les végétaux la ciguë [I6ôNEION], la jusquiame l'ellébore noir (i)i) opo;, helleborum), le colchique champignons et particulièrement le bolet, l'agaric (a'.yu goras), puis la coriandre (xdptov, coriandruml4, la nielle (1-.a) vrtav, melanspermlllll), le psyllium (-4i )),lov), le gui (i;(x, viscunt), les sucs de pavot, en particulier de pavot cornu (mxu)vtrv, Ineconillrn), de thapsia (Ox''.(x, thapelaterium), l'if (au.i)x;, taxas), l'éphémère de Médée, sans doute un iris (i.i eecov, epltemeron), un chardon dit le u.xntxdv que Pline identifie avec la morelle, le ci,ptxdv ou %a,txxdv (pharicon), poison inconnu. Dans le règne animal : le lait caillé, le miel d'lléraclée', la cantharide, IX, le bupreste (r o'l p-rlcTtç, buprestis), la salamandre, la chenille du pin (7rttUOxztAa7), pytiocampa), le crapaud („ptvo;), la grenouille et en particulier la rainette (rubela), la sangsue (l3ii),ax), le lièvre de mer (arcyWg, lepus), le sang de taureau 6, le venin de nombreux serpents, vipère ordinaire, vipère céraste', dipsade d'Afrique 8, aspic du scorpion, de la tarentule, de l'araignée phalange, du poisson (lit pastinaca ou thrygon (pastenague) 10, le sang de l'anguille, de la murène. Dans le règne minéral : girus), la céruse (1i; e]9tov, cerussa), le soufre, le mercure (èlpxpyupo;, Ilydrargirus) ", le plomb, les eaux de plusieurs fontaines de Galatie, de Thessalie, de Béotie, des Styx d'Arcadie et de Macédoine 12. Dans les légendes mythologiques le sang des serpents de la Gorgone 13, de l'hydre de Lerne, le fiel de la Méduse passent pour des poisons et imprègnent, ainsi que d'autres substances inconnues, la tunique de Nessus et d'autres habits du même genreD'après PlinePythagore et Démocrite auraient écrit les premiers sur les plantes La connaissance des poisons fit surtout des progrès après les grandes explorations de l'époque d'Alexandre : Attale III s'occupait des plantes médicinales et vénéneuses 'f; on sait quelle expérience Mithridate avait acquise en cette matière 17 ; Pline cite également plusieurs médecins grecs et un affranchi de Pompée, Pompeius Lenaeusi8 On étudia les effets des poisons 19, les doses qui faisaient des extraits des plantes tanlôt des remèdes, tantôt des poisons, les antidotes naturels 90, ou artificiels, tels que le mithridation, les thériaques 21. Les pays qui passaient pour produire le plus de poisons étaient: l'Orient et l'Asie en général 22, l'Inde, l'Assyrie, la Médie, la Perse, la Judée", l'Égypte 2L, l'Éthiopie, l'Arabie, la Colchide, l'Étrurie, le Latium, la Laconie, l'Arcadie, et surtout la Thessalie22. Le poison était souvent préparé par des femmes, telles que Canidia, Locusta, Martina au début du let siècle ap. J.-C. 26, et souvent aussi donné avec la VEN 7111 VEN complicité d'esclaves, d'eunuques' et de médecins2 GRÈCE. Le mot ?xpuxxov a désigné d'abord les plantes merveilleuses, les remèdes qu'elles fournissent 3, ainsi que les philtres, les breuvages magiques qui inspirent l'amour, troublent l'esprit, métamorphosent les corps puis, par extension, les poisons ° et les drogues abortives 6. C'est généralement une épithète, ô) Optov, 137O,7;ptov, 8ceActlt.ov, xxx6v, qui donne le sens de poison Il y a eu en effet, depuis les origines jusqu'à la fin, un lien étroit entre les opérations de la magie, de la sorcellerie et l'empoisonnement, fpape.axe%x [111AG-1A, p. 11-95-15011 8. Le préparateur, le marchand de remèdes, de couleurs l'empoisonneur se dit rcep xEtiç, cfiapp.xxaurrlç (au fémi aussi uapp.axç ". L'épopée homérique connaît déjà l'empoisonnement des armes et le meurtre par le poison l2 A l'époque classique et surtout à la fin de l'histoire grecque, l'empoisonnement parait avoir été relativement fréquent, pour le meurtre 13 et le suicide quoique dans la tragédie les femmes se suicident surtout par la pendaison 19, Les Athéniens attribuèrent la peste de 430 à l'empoisonnement des puits par les Lacédémoniens 16. La peine de l'empoisonnement est en général la mort", à Delphes par la précipitation du haut d'un rocher 18, quelquefois l'exil a°. A Athènes l'empoisonnement suivi de mort et volontaire est poursuivi par la ypxu r uapp...xoly (plus tard tpapuxxe(xç), qui va, comme le meurtre ordinaire, devant l'Aréopage [ARÉOPAGOS, PHONOS] 26 ; la peine est la mort 21 ; l'Aréopage peut acquitter l'accusé quand l'intention criminelle n'est pas prouvée 22. L'empoisonnement volontaire, non suivi de mort, est probablement assimilé au Tpat(a,x ix 7•.p0vo(xç et puni de l'exil perpétuel et de la confiscation des biens23. L'avortement, quoique mal vu par l'opinion publique 2s, n'est pas puni par la Rouf. Le mot venenum (de venus, venustum) a également les trois acceptions de remède, de poison, et de drogue magique ou abortive" ; c'est une épithète, bonum, malum, qui détermine le sens exact 27. Veneficium désigne à la fois l'empoisonnement et les pratiques de sorcellerie ; veneficus, le fabricant de drogues et l'empoisonneur, et a souvent pour synonyme maleTeus 98 ; jusqu'à la fin le droit pénal établit un lien étroit entre le vene/icium et le maleficium2' ; ce sont les mêmes individus qui préparent généralement les poisons et les sortilèges ; entre le veneficium et le maleficium il n'y a eu qu'une différence de degré et d'intention 30 [SIAGIA, p. 11495-1b00]. Le premier crime d'empoisonnement connu est de 361 av. J.-C. ; on aurait alors attribué au poison une énorme mortalité, résultat probable d'une épidémie, d'une peste, et on aurait condamné à mort 170 matrones 3', En 186, dans t'affaire des Bacchanales, qui amena près de 2000 condamnations à Rome et clans l'Italie, les empoisonnements figurent parmi les crimes reprochés aux initiés 32. En 18~) les ravages de la peste amènent encore des enquêtes extraordinaires à Rome et dans l'Italie sur de prétendus empoisonnements, dont celui d'un consul par sa femme : 3 000 personnes auraient été condamnées en Italie 33. On cite d'autres cas en 151.34 Aussi, d'après Polybe3°, les empoisonnements figurent parmi les crimes graves que le sénat fait poursuivre en Italie. Ils paraissent se multiplier aux deux derniers siècles de la République. « II n'y a pas une adultère, disait Caton, qui ne soit une empoisonneuse 36. » Dans Plaute le mot veneficus ou vene/ica, généralement du reste traduit du grec, est une insulte courante 37. Cicéron VEN -7111VENt mentionne des vene/Ici parmi les partisans de Catilina' ; Ses plaidoyers renferment plusieurs affaires d'cmpoisonnement2. Ce crime parait avoir été encore plus fréquent à Rome, aux deux premiers siècles de l'Empire, dans toutes les classes de la société, surtout pour procurer des héritages, supprimer des maris, quoiqu'il faille faire la part des exagérations de Juvénal et de Tacite3. On connaît le rôle du poison à la cour impériale, les empoisonnements de Drusus 4, de Claude, de Britannicus', le procès de Pison accusé d'avoir tué Germanicus par des maléfices et du poison les meurtres commis ou tentés de la même façon par Néron, Agrippine ', Caligula, Domitien, Commode, Caracalla, Elagabal 8, C'est la crainte du poison qui a fait créer au palais impérial, comme chez les rois de Perse, pour goûter avant l'empereur les plats et les boissons, les praegustatores, esclaves et affranchis groupés en un collège, avec un procurator praegustatorums. L'empoisonnement est fréquemment mis en cause dans les Controverses de Sénèque et de Quintilien10. Un chef des Chattes offrit d'empoisonner Arminius si on lui envoyait du poison de Rome". Sous le BasEmpire hirrnicus Maternus énumère parmi les métiers ceux des male/ici et des venenarii 12. On ignore la disposition de la loi des Douze Tables sur l'empoisonnement 13. Puis pendant longtemps la poursuite de ce crime est une mesure d'ordre public j4, confiée spécialement à des magistrats supérieurs [duDICIA PUDLICA, p. 653, col. B]. Enfin en 81 la loi de Sylla, lex Cornelia de sicariis et verse/icis, distingue le meurtre" ordinaire et l'empoisonnement par le venenum maluln [Lm, p. 11110-11111[ ; elle frappe non seulement l'empoisonneur, mais ceux qui ont préparé, vendu, détenu, acheté, pour causer la mort d'autrui, des substances vénéneuses. Après Sylla ces procès vont devant la quaestio spéciale vene/icis16. La loi Cornelia a été appliquée ensuite par sénatus-consulte à la mise en vente, même sans intention coupable, de substances vénéneuses 14, de remèdes contre la stérilité, quand ils ont amené la mort 13, de philtres d'amour13. La peine est, sous la République, l'interdiction de l'eau et du feu ; sous l'Empire la mort pour les 7lonestiores, la crucifixion ou l'exposition aux bêles pour les 7tumiliores20; sous le Bas-Empire les empoisonneurs sont généralement exclus, comme les meurtriers, des amnisties et de l'appel". On a aussi appliqué la loi Cornelia à l'avortement volontaire [Al11GERE PARTUM] et à la castration [CASTRATIO, p. 959]. A toutes les époques, à Rorne, le poison a aussi servi au suicide 22; très souvent, sous l'Empire, au suicide de prisonniers et d'accusés i3. L'emploi de la ciguë comme mode d'exécution a été exposé à l'article IÔNEION.