Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VERU

VERU, VERUTUM, VERICULUiM. Ces termes désignent proprement ce qui pointe ou perce', mais ils sont pris dans deux acceptions différentes : l'une se rapporte à l'instrument dit en grec (3PE),dç, l'autre à l'arme appelée 1. Vert, avec ses diminutifs veruina et veruculum un de ces instruments désigne une broche de cuisine, et on trouve ces termes employés dans cette acception depuis Varron jusqu'à Claudien 2. Les Grecs employaient dans ce sens ê E),dç 33 et .1E),(tszoq 4, dès le temps de l'Iliade''. On y trouve aussi mentionnés des 7vE[lG77(Xle0),7. tenus par les jeunes gens qui assistent le sacrificateur e on sait par ailleurs que les Éoliens faisaient cuire les viandes sur cinq broches, alors que le reste des Grecs n'en employait que trois [nAl1PAGO]'. A en croire un poète comique athénien de la fin du ne s., une batterie de cuisine complète comportait alors douze broches L'usage des broches à rôtir est également attesté pour les Étrusques a et pour les Gaulois En dehors de quelques représentations dans les monuments figurés, on peut reconnaître ces broches dans de longues tiges de fer, dont une extrémité s'élargit ou en anneau ou en tête plate traversée d'un oeillet pour les suspendre ; de cette tete la broche va en s'amincissant pour se terminer en pointe ; parfois, au premier quart se trouve une ailette, qui devait servir à arrêter les viandes cmbro chées, pour les empêcher de glisser jusque sur la main qui tenait la broche. Ces broches ont généralement entre 1 m. 10 et 1 m. 20 de long ; on en trouve dont la longueur est de moitié moindre (fig. 7406) ". D'après une hypothèse très ingénieuse de M. Déchelette'2, ces obéloi et obéliskoi pourraient donner une idée de ceux qui servaient de monnaie en Grèce avant la frappe par Phidon des premières pièces d'argent. On a précisément retrouvé, à l'IIéraion d'Argos, un lot de broches de fer, toutes semblables à celles qu'on vient de décrire, et qui sont sans doute celles que Phidon avait consacrées après les avoir retirées de la circulation 73. On savait que, sous les noms d'obéloi, obéliskoi, les Spartiates avaient continué longtemps à se servir de barres de fer d'un poids d'une miner` (mine euboique, /132 grammes; ancienne mine attique, 599 grammes). Or, on a trouvé des broches du type décrit, réunies en faisceau de 6 à 8 broches et pesant de 420 à 480 grammes, dans des tombes étrusques des unie et vue s., dans des tombes des Gaulois d'Italie dulve, enfin dans des tombes gauloises des 1ve et me (TALEAI 1". Le type le plus fréquent parait être celui que constituent 6 broches assemblées par une poignée, généralement ornée d'un des symboles religieux qui sont liés au culte du foyer; on peut en conclure que, si la drachme est subdivisée en 6 oboles, c'est que 6 obéloi formaient une drachme' : on sait que Fou/ur, signifie étymologiquement ce qu'on peut saisir d'une V b VER 740 VER poignée ()?);i. Dans un exemplaire trouvé à Rouen, Ies 6 broches, mobiles autour d'une cheville à tètes de cy gne, ont des poids gradués de 420 à 7180 grammes ; l'ensemble correspondait donc à 3 kil. 270 environ, soit cinq mines éginétiques ou dix livres étrusco-romaines (fig. 7407) '. On est amené par là à supposer que, lorsque, au vine s., Achéens et Doriens ont colonisé la Grande Grèce, ils y ont apporté leur système pondéral et monétaire, donll'unité était un obélos, le principal sous-multiple un obé liskos ou hémi-obolos,' les multiples le tridbolon, le pentpdbolon ou l'hexd belon [cf. ()Bonus]. Des colonies de Grande Grèce, ce système aurait passé aux Étrusques, puis en Ibérie, en Gaule et, peut-être même, en Grande Bretagne 2. II. Le verutunt est une arme de jet italiote, que les anciens ont convenu, nous ne savons pourquoi, de considérer comme identique à celle que les Grecs appelaient auredov. L'équivalence des deux termes est établie par des gloses 3 et par certains textes historiques'. Le saunion est qualifié par les lexicographes de « javelot barbare », et Strabon en parle comme d'un javelot des casa1 g. 710 Faisceau fiers perses' et des Brahmanes de l'Inde'. Mais il y a lieu de croire que l'arme était bien connue en Grèce dès la fin du `e s., d'abord à raison de l'emploi qu'en fait Cratinus ', puis parce qu'on voit les Dix-Mille se servir comme saunia, en les munissant d'un anunentum, des flèches de plus de deux coudées que leur lancent les Cardouques8. Les écrivains grecs parlent aussi des saunia des Celtibères 9, et ils avaient imaginé de dériver de ce terme le nom des Samnites ou des Sabelliens 1°. 11 est certain que ces peuples ont connu une arme semblable à celle que les Grecs nommaient saunion. 'Virgile parle des Volsci veruti " et du veru Sabellum 12; on voit en 336 un verutunt entre les mains d un Lucanien f3; dans l'organisation Servienne, l'infanterie légère portait un verutunt et une haste", et elle en fait encore usage à La Trébie" ; au Ive s. ap. J.-C. le verutum reparaît avec le spiculunt dans les légions i6. Toutefois les Romains de l'Empire paraissent avoir donné ce nom de préférence à. des armes celtiques. César parle des verttta des Nervicns" et Silius de ceux des .Arbaci, peuplade celtibère 18 ; Diodore des saunia des mercenaires espagnols de Carthage 19, de ceux des Lusitaniens et des Gaulois. Pour ceux des Lusitaniens, il les dit « tout en fer et pourvus d'un croc » 20 ; ce tout en fer permet de retrouver la même arme dans la soliferrea qu'on donne aux Celtibères avec la falarica 21 ; pour les saunia des Gaulois, on apprend « qu'ils ont des pointes plus longues que leurs épées, bien que leurs épées ne soient pas moins grandes que les saunia des autres nations ; de ces saunia, les uns ont des pointes forgées toutes droites, les autres ont un tranchant entièrement recourbé, de façon non seulement à percer en frappant, mais encore à déchirer les chairs et, une fois arrachés, à laisser des plaies béantes » 23. Ce sont peut-être encore les Celtibères qui, assiégés, accablent les assiégeants de roues dont les moyeux étaient munis de veruta longs de deux pieds 23 Pour être efficaces, il faut que ces veruta aient appartenu à la catégorie des saunia recourbés. Les autres textes qui peuvent nous donner une idée de cette arme sont la définition de Festus, veruta pila dicuntur quod veluti verua habent praefixa'3t les épithètes de tenue23, de breve et d'an gustum 2° qui lui sont appliquées, et deux gloses, dontl'une parle d'un telum cunatum, in quo ferrum solidum est atque produclum 27, et une autre d'angulatunt et in extimo lenualuni... in formant subulae 28. Ces indications autorisent à distinguer deux espèces de javelots parmi ceux qu'on qualifiait de veruta ou de saunia : Io Le premier type doit consister en fortes lames courbes, longues de 0 m. 60 à 0 rn. 70, tranchantes à la face incurvée ; elles devaient ressembler à ces sabres ou cimeterres que les anciens nommaient copis, harpé ou sica ; emmanchées sur des hampes, de pareilles lames VER 74.4 VES devaient prendre l'aspect des fauchards ou hallebardes ; la rhomphaea paraît avoir été apparentée à cette forme de verutum et on en trouve des variétés, à la fin de l'âge du bronze ou au début de l'âge du fer, en Scandinavie, en Hongrie, en Italie, en Gaule et en Espagne'. 2a L'autre type doit être formé d'une longue broche ou tige de fer ; cette tige va en s'amincissant vers la pointe qui est à crocs ou à barbes. Ce type est mieux connu et c'est par lui que le verutumsaunion s'apparente au gaesum et au 'Muni, à la falarica et à la siffla, toutes armes de jet auxquelles on trouve appliquées de même les deux épithètes caractéristiques « tout en fer » et « à pointe barbelée » 2. Des armes qui répondent complètement à cette définition ont été recueillies dans des tombes de la région ibérique, qu'on peut dater du Ve au ne s. av. J.-C. L'exemplaire le plus parfait est celui qu'on a trouvé replié autour d'une urne au cimetière d'Avezac-Prat : c'est une tige de fer longue de 1 m. 82; au milieu un renflement forme la poignée par laquelle on brandissait l'arme, la tige est hexagonale antérieurement, quadrangulaire postérieurement; elle se termine par une pointe Fig.7409.longue de 0 m.09 sur 0 m. 0-2, à la base barbelée; Javelot à 0 m. 025 au-dessous de cette base, se déta client deux autres barbelures (fig. 7408). Des javelots semblables, longs de 1 m. 92 et de 2 m. 03, ont été trouvés à Almedinilla ; d'autres javelots, dont la tige et la pointe, un peu plus fortes, sont à section ovale ou quadrangulaire, ont été trouvés à Osuna; mais, comme le plus long (0 m. fié) est brisé, on ne peut savoir s'il était tout en fer Si l'on admet que le verutum n'était pas nécessairement tout en fer, mais qu'il l'était seulement en majeure partie, on pourrait songer à appliquer ce nom à un fer de 1 rn. 20 comme celui de Vulci (fig. 7109p, le plus grand exemplaire d'une série de fers de javelot, qui mesurent de 0 m. 80 à 0 m. 40 et comportent une pointe allongée sur une tige mince à douille ; mais ces javelots, qu'on rencontre en grand nombre dans les nécropoles étrusques, gauloises, illyriennes et ibériques de l'âge du fer, ne présentent jamais cette pointe en broche ou à barbe lares qui aurait caractérisé le verutum G. III. La question du verulum est compliquée en apparence par celle du cestrum id est vericulum, que Pline mentionne comme l'instrument par excellence de la peinture à l'encaustique'. Si l'on se bornait à voir dans le cestrum une petite 'truelle en forme de feuille tan_ céolée celle de la bétoine, appelée xr.arpov en grecs, comme on l'a indiqué à l'art. ccs'rIIJM, il serait incompréhensible que ce nom de « petite broche e ou de « petit poinçon » ait été appliqué par les Romains à cet instrument; de plus, comme il servait également à enluminer l'ivoire s, il faut qu'il ait pu inciser une matière aussi résistante. On est donc amené à supposer que, si une des extrémités de l'instrument avait l'aspect d'une truelle allongée et dentelée d'où le nom de cestrum 10, l'autre avait l'apparence d'une broche allongée et un peu arrondie au bout, d'où le nom de vericulum" fig. 5651 de PJC1'uRAJ. D'ailleurs, les observations faites sur les portraits du Fayoum paraissent indiquer que l'extrémité pointue servait aussi bien que l'extrémité spatuliforrne "dans la peinture à l'encaustique, l'une pouvant malaxer, étendre et égaliser les couleurs, l'autre indiquer les traits isolés et les touches fixes [PICTURA, p. 164). A. Bclxncn. VESIC,l (Pt)acy). Vessie. Avec la vessie de différents animaux, surtout avec celle du porc, les anciens fabriquaient les objets suivants, désignés, pour cette raison, par le mot vesica : 1o Bourse en forme de petit sac' [iAnsulluiIl. 20 Lanterne 2. La vessie tendue sur les châssis avait, comme la corne, l'avantage d'être transparente et de protéger la lumière [LANTERNA]. 30 Bonnet qui servait à contenir la chevelure des femmes 3. Il devait ressembler beaucoup au IoÉIoRIPuALOs eau RÉTICULUM, avec cette différence que c'était un véritable sac formé d'une vessie ; on peut en conclure que c'était moins un ornement qu'une protection, comme le bonnet de caoutchouc ou de taffetas gommé dont les femmes se couvrent au bain pour éviter de mouiller leurs cheveux '' '. Quoiqu'il n'en soit pas question avant l'Empire, il est possible que, longtemps avant, le Qxxr.os VES 742 VES des femmes grecques fùt quelquefois fait d'une vessie VESPILLO. [Fini s, p. 1398; LIBITINA .