Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VESTA

LESTA (`E.aria). Il n'est point d'argument plus décisif en faveur de la communauté de race et d'origine des nationalités grecques et italiques que la tradition religieuse. Et parmi les faits innombrables qu'elle nous offre, le plus frappant est celui d'une divinité primordiale en qui se personnifient le feu et le foyer, instruments et symboles de la vie groupée et sédentaire, succédant à l'état nomade et dispersé. Cette divinité, sous des noms manifestement apparentés, est Hestia chez les Grecs, Vesta chez les Latins'. Cependant Ilestia divinité est encore inconnue de la poésie homérique ; même le nom commun de i:ezix désignant le foyer est absent de l'Iliade2, et si fa-r, r, (dorien) apparaît dans les derniers chants de l'Odyssée, c'est chaque fois à l'occasion de la même formule de serment, oit sont pris à témoins et Zeus, le plus éminent des dieux, et la table hospitalière as ec le foyer d'Ulysse. Dans les deux poèmes, il est vrai, nous rencontrons les adjectifs âv:ettoc désignant l'homme sans feu ni lieu, et son contraire iiyr€tris, au sens d'un voyageur qui a retrouvé son foyer. Le premier prend une signification particulièrement expressive en ce qu'il conclut une imprécation solennelle : Qu'il soit sans parenté, sans droits, sans foyer, l'homme qui, etc. En dégageant de cette formule le sens de :ct(x, on peut dire qu'il désigne le feu en tant qu'il sert à la préparation de la nourriture et aussi parce qu'il est essentiel au sacrifice L'imprécation homérique trouve son pendant dans la coutume, légale chez les Romains, de l'aquae et ignis interdiclio ~. Cependant, chose digne de remarque, de ces divers emplois de ict(x et de ses composés on peut déduire que le poète ne connaît pas de divinité portant ce nom ; ou que, si la divinité existe, elle n'a pas été jugée digne de figurer dans l'épopée héroïque, parce qu'elle restait encore confinée dans le cercle de la religion populaire Cependant 'Ect(x personnifiée apparaît dans la Théogonie d'Ilésiode, en tête de l'énumération des enfants de Kronos et de Rhéa ; c'est-à-dire qu'elle est apparentée avec Zeus et Véra'. Son rôle ne se précise que plus tard, dans les Hymnes homériques et chez Pindare. L'Hymne à Aphrodite reste dans la tradition hésiodique' ; Hestia est une fille de Kronos, vénérable, demandée en mariage à Zeus par Poseidon et Apollon. Cet honneur, elle le refuse avec énergie, en jurant le grand serment de rester vierge toujours. Zeus, pour la dédommager, lui accorde de posséder un trône, c'est-à-dire un autel, au centre de chaque maison, pour y recevoir les prémices des offrandes et d'ètre, chez les mortels, vénérée comme la plus ancienne et la plus éminente des divinités. Dans l'Hymne, plus récent encore, à Ilestia et à hermès, elle est l'objet de la première et de la dernière libation de vin doux, coutume qui semble s'être prolongée à travers les siècles : le stoïcien Cornutus la signale, en invoquant le témoignage de Cicéron, chez lequel elle peut fort bien n'avoir été qu'un souvenir littéraire 3. Ce que, pour le culte d'IIestia, nous possédons de plus précis, aux beaux temps de la religion hellénique, nous est fourni par Pindare 9. Celui-ci nous apprend que dans file de Ténédos la déesse jouit d'un culte public, le premier dont il soit fait mention. Et ce culte la prépose, non pas seulement à la vie familiale, mais aux destinées mêmes de l'État, puisque les Prytanes l'honorent, la première de toutes les divinités, par des libations et des sacrifices, avec accompagnement de lyres et de chants. Suivant le mot du poète, elle a reçu en partage les Prytanées ; et Sophocle ajoute que les libations vont à son adresse les premières, telle la proue du navire qui fend les flotsi0. Dès lors Hestia nous apparaît comme représentant le service impersonnel de l'autel c'est-à-dire qu'elle a moins les allures d'une déesse, créée par l'imagination pieuse des foules, que d'une figure symbolique, issue de la science des prètres philosophes 1i Cependant elle n'en est pas moins sur la même ligne que les divinités les plus poétiques ; elle les égale par sa fonction, qui est de briller sur tous les autels, ou privés ou publics, dans la flamme du sacrifice ; elle a sa place dans le groupe des douze grands dieux ; mais c'est à peine si elle est connue comme la protectrice ou d'une nationalité ou d'un culte 12. Ainsi que le fait remarquer Platon, elle siège sur un trône dans l'Olympe ; mais, tandis que les autres dieux vont çà et là, par le vaste Univers, se mêler au mouvement des hommes et des choses, elle ne quitte pas sa place dans l'aether13. Si le sens artiste des Grecs l'apparie à Hermès, c'est pour tirer de leur groupement un effet de contraste. Hermès signifie la circulation intense de la vie par les routes et les sentiers ; il est le génie actif qui pourvoit à tous les besoins, à toutes les exigences de l'existence; Hestia VAS 743 VES est la compagne immuable, où s'incarne la fixité des maisons, dans lesquelles se fondent et prospèrent les familles autour du foyer 1. Si l'on veut remonter jusqu'aux origines de cette conception religieuse dans la race indo-germanique, on peut dire que IIestia estl'Agni des Védas, transformé par l'imagination des Grecs, qui en ont fait la figure la plus intime et la moins active de leur culte, tout en lui maintenant la physionomie de ses lointaines origines'. Hestia est issue de l'idée que le feu, sous les espèces de la flamme qui monte vers le ciel, porte au séjour des divinités, et particulièrement de Zeus, l'offrande consacrée ; elle est la déesse du feu en tant qu'il est l'élément constitutif du sacrifice 3. Mais elle est aussi le génie du foyer en soi, centre immuable dont elle représente la fixité, sans que d'ailleurs l'action de la déesse soit limitée à la préparation matérielle de la nourriture, c'est-àdire de la vie. Ainsi que l'a dit Preuner, partout où IIestia-Vesta est invoquée, elle l'est à la fois comme la flamme permanente qui symbolise un principe divin et comme la déesse du feu domestique qui constitue l'unité de la famille' . Si IIestia est un génie du feu en soi, au même titre que Héphaistos-Vulcanus et Prométhée, elle l'est avec cette différence que le premier en personnifie les effets ou utiles ou destructeurs dans la vie cosmique; le second l'ingéniosité, poussée jusqu'à l'impiété, qui en détourne les usages pour le progrès de la civilisation humaine ; Hestia représente la flamme, instrument du sacrifice et condition primordiale de l'habitation'. C'est à travers ces idées essentiellement helléniques qu'Ilérodote apprécie la religion des Scythes, voisins des Grecs et issus de la même souche, lorsqu'il constate que les seuls dieux de leur pays sont Zeus et IIestia et qu'il fait de cette dernière une reine du pays, devenue sa principale divinité, nommée même avant Zeus et Gaea'. Au temps d'IIérodote, les Scythes juraient par les divi tés protectrices des tentes royales (riaatar,txt iaetat), et un folkloriste historien nous apprend qu'aujourd'hui encore les Mongols vénèrent, dans chaque famille, la divinité qu'ils localisent au foyer de chaque campement'. On chercherait vainement, à aucune époque, une définition aussi précise du rôle d'Ilestia dans la famille grecque. Non seulement chez Homère, où sa divinité se devine sans même prendre les apparences de la personnalité, les mots cria ou i67(-t( demeurent vagues etn'impliquent pas, quoique vénérables par leur emploi qui suggère une idée religieuse, une fonction cultuelle; mais même plus tard, malgré les tendances bien connues des Grecs à individualiser les influences morales ou les forces cosmiques, on ne saurait dire que l'esprit qui agit dans la flamme du foyer soit devenu un génie divin 8. IIestia n'a été l'objet d'aucun mythe, en dehors de celui qui en fait la vierge par excellence. Elle n'a reçu aucune de ces épithètes caractéristiques où s'évoque l'action des autres dieux. Quand IIestia est en société avec les personnalités divines, ce qui arrive rarement, elle n'est reconnaissable qu'à son nom. Nous avons dit à quel titre elle s'oppose à Hermès, en se groupant avec lui; des raisons de similitude, d'ailleurs indécise, larapprochent de Gaea et d'Héphaistos0 : de la première, parce que l'idée du foyer complète celle du séjour immuable; du second, parce que le même élément leur est commun. Elle est aussi, à l'occasion, groupée avec Artémis et Athéna, vierges comme elle ; avec Poseidon et Amphitrite, parce que l'agitation continue des flots suggère l'idée de la terre immuable, qui horde leur domaine et brise leur effort. Enfin IIestia est mise en rapport avec Apollon, à la faveur de la divination 10. Le culte du feu dans Lelnnos, où Zeus a précipité son fils IIéphaistos, peut servir à nous expliquer comment, dans les maisons de la Grèce antique, s'organisa le culte d'Ilestia. Chaque année les feux y étaient éteints, jusqu'à ce que de Délos, centre privilégié de la religion d'Apollon, un vaisseau envoyé exprès apportât la flamme nouvelle, prise sur l'autel du dieu 1l. De même on trouve Hestia assise, dans l'attitude et sous les traits de la muter familias, soit sur un petit autel (3e1i.(7roç), soit sur un ompltalos : celui-ci ne serait alors u qu'une variante de l'autel domestique où brille le feu sacré, qu'un autre symbole de la divinité que représente et personnifie cet autel, c'est-à-dire d'Hestia 12 11, Malgré le penchant bien connu des Grecs à personnifier les forces naturelles, on ne saurait dire que l'esprit agissant dans la flamme ait été dès l'abord une divinité réelle de la famille13. De longs siècles ont dû s'écouler avant que se dressât sur le foyer, transformé en autel, une idole représentant la flamme vivifiante et conservatrice 16. Longtemps aussi VES -niVES le même foyer devait servir aux sacrifices et à la préparation des repas. Zeus y avait sa place en qualité d'iscTlaJZoÇ ou d'_-artor, à côté d'Hestia elle-même. Le maître de la maison faztG-zip auv chez les Doriens et les Éoliens) remplissait les fonctions sacerdotales. De plus on accédait à l'habitation la plus anciennement connue des Grecs par un espace à ciel ouvert, où se dressait un autel en l'honneur de Zeus Ipxeto;, gardien de l'enclos ; de là on pénétrait dans le vestibule, où était le foyer qui menait à l'habitation proprement dite. C'est ce vestibule qui était le sanctuaire d'Hestia, lorsque sa religion est arrivée à son plein développement 1. C'est alors qu'elle eut son siège et dans les demeures illustres des dieux et dans les maisons les plus modestes des hommes. A elle s'adresse la première comme la dernière libation accompagnant le sacrifice. C'est sous l'influence de cette religion que la fable attribue à la déesse la construction même des maisons. Chez Sophocle, Chrysothémis jure sur le foyer paternel : la tombe qu'OEdipe errant troue aux portes d'Athènes est appelée son foyer souterrain, et Delphes, chez le même poète, est appelé le foyer des oracles 2. L'idée même du foyer se diversifie et s'étend à toute résidence qui, oeuvre de l'homme, est le centre d'un groupement ou familial ou politique. Les colonies se détachent de la mère patrie en emportant le feu allumé sur son autel' ; l'IIestia de la colonie est la filiale de celle de la métropole. I1 arrive même que, dans un centre colonisé, le mélange de plusieurs EaTfxt venues de villes diverses grandit l'importance de leur Mlle ainsi fondée t. Aussi Hestia divinité devient-elle fondatrice de cités ; Aegées est le foyer de la monarchie macédonienne, Halicarnasse celui de la Carie, Séleucie celui de la (4 nastie des Séleucides. Certaines cités aspirant au titre de capitales sont dénommées 'IcTlatx ou EaTtxtx ; Naukralis d'lsg3Pte célèbre la fête de l'llestia acurxyirr;, en souvenir de ses origines grecques Durant la plus ancienne période du syncecislne, les quartiers encore indépendants d'une même ville avaient chacun leur foyer ou leur Pr} tanée. Thésée fait l'unité d'Athènes en réunissant en une seule toutes les prytanies de l'Attique ; de même Numa celle de Rome, en centralisant les 30 curies dans la Regia, sanctuaire de Vesta. Les Tégéates revendiquent pour leur ville le titre de foyer commun (xoty 'EarO des Arcadiens 6. Une commune ou une communauté bien ordonnée est une famille; toute famille a sa raison d'être dans son foyer. L'État dans son ensemble a un foyer propre, centre et synthèse de tous les foyers particuliers Cette xotyll EaTtct a son siège au Prytanée, édifice où réside le premier magistrat et où il faut chercher le centre à la fois religieux et politique de la cité. Hestia est reine au Prytanée : son titre le plus éminent est d'être IleuTxveïa ou 11puTavèTt,. Là le soin des sacrifices offerts au nom de la collectivité est dévolu, non à des prêtres proprement dits, mais à des Archontes, Rois ou Prytanes, qui tenaient leur dignité des fonctions qu'ils remplissaient auprès du foyer commun B. Hestia au temple d'Apollon à Delphes était, pour toutes les nationalités helléniques, comme le foyer commun de la Grèce, de même que romp/laids en était le centre topographique. Après la bataille de Platées, l'oracle ayant prescrit d'éteindre tous les feux que les barbares avaient souillés, on les ralluma en recourant au foyer de Delphes, que la guerre avait épargné 9. Source de toute vie religieuse, le foyer sacré est en même temps une suggestion d'humanité. L'exilé, le suppliant, dans l'atmosphère du foyer, a droit à la pitié, à la clémence 1Ô. Rien de plus caractéristique à cet égard que le passage où Thucydide raconte l'arrivée de Thémistocle chez Admète, roi des Molosses. Il est accueilli par la reine, qui lui conseille d'attendre Admète E7tl'r-l;v ÉcTixv, et lui met dans les bras un de ses enfants : n Ce n'est pas seulement parce qu'elle est le centre de la famille qu'llestia a ce caractère saint et tutélaire, mais parce que le foyer est voué aux dieux en prenant la forme de l'autel, et que la flamme est celle même du sacrifice 11. » Ainsi il devient un lieu d'asile. La littérature dramatique exploite fréquemment cette croyance, soit qu'elle montre OE1dipe accueilli à Colone par Thésée, ou Amphitryon sollicitant lieus, comme dans l'Hercule furieux d'Euripide. L'autel où brille la divinité d'Ilestia est appelé t,.Es(lu.;vx),os par Eschyle, foyer de Zeus par Euripide ; il se confondra plus Lard avec celui des dieux domestiques, tout en gardant le nom de iaria, par lequel il fait un appel indirect à la divinité vénérable de la famille 92. Partout d'ailleurs, dans ces textes, le sens de Ecr(x oscille entre le nom propre et le nom commun, entre la divinité personnifiée et le foyer qu'elle personnifie. Ce foyer n'est pas seulement l'abri de ses possesseurs et l'image matérielle de leurs droits IX. VES 745 VES comme de leurs devoirs de famille ; il est aussi un refuge pour quiconque vient s'y asseoir, en se réclamant des droits de l'humanité'. Dans tous les sacrifices on avait coutume de commencer et de terminer par l'offrande à Hestia. La formule rituelle : am' `Eei(«s «pzacOat se rattache à l'antique tradition qui accorde à Hestia, pour avoir contribué à la défaite des Titans, et le droit à la virginité perpétuelle et les prémices de tous les sacrifices Autre privilège qui se résume également dans la formule rituelle : 'Ecz(qi. Ouaty; elle s'appliquait à ceux qui se cachaient pour agir et qui, n'écoutant que leur égoïsme, prenaient dans un festin la part des autres 3. Preuner explique l'usage dont le proverbe est issu, par ce fait qu'en sacrifiant à Hestia on ne sortait pas de la maison, et que, dans les offrandes présentées sur le foyer par le chef de la famille, il n'y avait point de part pour les étrangers. Tous ces sacrifices commençaient par des libations, qui elles-mêmes primaient toutes les autres. Platon en donne cette explication toute philosophique : « Sacrifier à Hestia la première est légitime pour ceux qui ont appelé Ilestia l'Universalité des existences 4. » On peut en rapprocher la métaphore, déjà citée, de Sophocle : Hestia est la proue de la libation : 7:pwpa )iot6-i,s. A Athènes en particulier, toute cérémonie religieuse commentait par l'offrande à Hestia; nous en trouvons la caricature chez Aristophane, lorsque le prêtre. de la ville des Oiseaux met en demeure les fondateurs d'offrir un sacrifice à Hestia-Oiseau et au Milan-Zeus, maître du foyer °. C'est encore une parodie de la pratique : âu' 'Ec1;(xs p/eclat, que la scène de la comédie des Guêpes, où l'esclave chargé d'installer l'appareil de la justice apporte, en guise de barre, l'auge dans laquelle on donnait à manger aux porcs ; il était d'ailleurs de règle qu'on sacrifiât des porcs à Hestia 5. Comme divinité de la famille, Ilestia avait son rôle dans la cérémonie des ABII'HIDROnIIA (I, p. 238) : c'était la fête de la purification de la mère après les couches, et aussi des sages-femmes et de l'enfant, par le feu du foyer. Un commentateur dit que la fête tirait son nom de la course autour de ce foyer, dont la divinité était xouoo.p?os. C'est l'unique texte où ce vocable, fréquent pour Déméter, Gaea et d'autres, est donné à IIestia, 7. A Rome, où la fête grecque des Amphidromies avait son pendant dans les pratiques du dies lustricus, appelé encore nominalia, parce que les enfants y recevaient leur nom, Vesta n'y a aucune parts. A Athènes les Périslies, auxquelles présidait le Péristiarque .7t?) Tr; 'E-lus (IV, p. 397), étaient une fête de lustration, qui avait pour objet de purifier les lieux habituels des réunions populaires, notamment les théâtres ; on y sacrifiait des porcs, qui étaient jetés dans la mer °. On a essayé de démontrer, sur la foi d'un texte du rhéteur Ménandre, qu'Hestia avait un rôle dans la célébration du mariage en Grèce ; ce texte la met en compagnie d'l ros et des dieux de la génération (ysvsOiact) 10. Ce qui n'est pas douteux, c'est que les torches nuptiales étaient allumées au foyer de la famille et que le simulacre du rapt, après lequel la jeune fille était conduite dans la demeure de son époux, avait également le foyer pour théâtre. Cependant la divinité chaste par excellence n'intervenait pas autrement dans la cérémonie; il existe même des vers caractéristiques d'Hésiode, où la pudeur d'Hestia est abritée contre les démonstrations de la chambre nuptiale 1l. D'autre part, H. Weil a découvert une formule de serment -r.-ô; tif; 'Ecr(zg formule placée dans la bouche d'une femme, qui affirme sa résolution de demeurer fidèle à son mari, tombé dans le malheur ". Ce serment se rencontre surtout chez les comiques et dans la bouche de gens de basse condition ; il est tout différent de la prière d'Alceste, chez Euripide, alors que, debout devant le foyer, elle supplie la déesse, en qui s'incarne la perpétuité de la race, de donner longue vie et bonheur aux enfants qu'elle laissera après elle 13 L'importance morale et sociale de la religion d'IIestia est cause que la déesse, si nous mettons à part les rares parodies sans conséquence des comiques, s'offre à nous avec le caractère d'une pureté grave, exempte de toute grossièreté anthropomorphique et sensuelle 1«. Vierge volontaire de par les plus anciennes traditions, elle est prédestinée à se transformer sous l'influence de la philosophie, particulièrement chez les Pythagoriciens, en la personnification de la mesure dans la nature, à être considérée comme la mère des dieux, à s'identifier avec leur demeure céleste et avec l'autel qui en est la représentation parmi les hommes 1J. Et ces doctrines ont leur écho, discret dans le drame de Sophocle, plus VES -746 -VES accentué dans celui d'Euripide. Le premier l'identifie avec la Terre Mère ; le second fait de cette identification comme un dogme philosophique' : « Terre Mère, c'est toi que les sages d'entre les mortels invoquent sous le nom d'Hestia, dont le siège est situé dans l'iEther. » L'homme sage la met au premier rang des divinités, elle à qui s'adressent les prémices de la prière et de l'offrande : on sacrifie à Hestia avant tout, et après elle à Zeus Olympien. Mais cette sainteté, comme Wei') cker en fait la remarque, n'est pas abstraite; elle a seulement dépouillé le caractère familial et bourgeois 2. De là les inscriptionsoù survivent les textes des serments et des traités qui commencent par invoquer Hestia. Zeus et les autres divinités prennent rang après elle. Un archonte éponyme est commémoré pour avoir pris soin des sacrifices annuels en l'honneur d'Hestia Prytaneia et des autres dieux 3. Cependant les fêtes en son honneur sont rares par toute la Grèce et elle n'y possède guère de sanctuaires fameux; on n'a encore signalé qu'un petit nombre de vases peints où elle figure fig. 7410) °. Des temples lui ont été élevés à Olympie, à Hermione, celui-ci avec cette particularité qu'elle n'y a pas d'image, mais seulement un autel où brûle le feu sacré. Un temple au Pirée est simplement probable. Elle n'est l'objet d'aucun culte public, en dehors de celui qui lui est rendu dans les Prytanées, culte en quelque sorte intime et sans manifestations. La fête de la naissance d'llestia à Naucratis, colonie grecque, dans la haute-Égypte, fait seule exception s. Après la conquête romaine, il arrive que le culte de la Vesta des vainqueurs réagit sur celui d'llestia dans les milieux helléniques. Sous l'Empire, l'institution d'un collège d'llestiades à Athènes et à Delphes, collège formé de veuves qui veillent à l'entretien du feu sacré, gagne en faveur sous l'influence puissante du collège des Vestales de Rome 6. A. Sparte on rencontre alors une `EaT(Œ 7cd),ewç qui rappelle la Vesta de la Regia, intimement associée aux origines de Rome 7. On peut considérer comme des' imitations du même ordre l'usage de réserver aux prêtresses d'Hestia, dans les théâtres de Dionysos à Athènes et dans celui de Mitylène, des sièges marqués de leur nom 8. VESTA CnEZ LES LATINS. Les linguistes sont à peu près d'accord pour faire dériver les deux noms, latin et grec, qui désignent la divinité du foyer, d'une souche commune. Cependant à Rome, du temps de Varron, Vesta n'était considérée que comme une importation dcl'Hestiahellénique, au nom légèrement modifié'. La science moderne a plus justement ramené les deux divinités à une même origine lointaine, antérieure aux migrations qui ont conduit en Grèce et en Italie les peuples de l'Orient indo-germanique 10. C'est au radical sanscrit vas qu'on demande encore généralement le sens primordial de la divinité qui préside au foyer de la famille. Pour les uns ce radical aurait, donné ETxvxt, gr,EOat, sedere, ainsi que les substantifs a-ru et olxoc ; pour d'autres (et c'est l'interprétation communément adoptée à l'heure actuelle) vas mènerait à l'idée de briller ou de brdler1a, Ce qui fait l'intérêt des deux étymologies, c'est que, chez les Latins, elles correspondent à une double façon d'envisager l'idée de la divinité Vesta. Pour les uns elle est la personnification de la Terre; pour les autres, celle du Feu. Ovide adopte les deux interprétations, sur la foi des sources érudites qu'il a consultées pour la composition des Fastes, particulièrement de Varron : Vesta cade/il quae Terra... et à quelques vers d'intervalle : nec tu aliud Vestam quam vivam intellege hammam". Elle est la Terre en tant qu'elle fournit à la maison, abri de la famille, son fondement et sa raison d'être; e.t, dans le culte même, ce n'est pas le feu qui est l'objet capital, mais l'abri qui VES permet sa conservation Ainsi Vesta se confond avec Tellus Mater, l'une et l'autre avec la Grande Mère des Dieux. Une tradition fait de remis, divinité des pâturages par lesquels s'est opérée la transition de la vie sauvage à la civilisation, une incarnation soit de Vesta, soit de Magna Mater 2. Preuner en a tiré cette définition, où se résume la nature totale d'Ilestia-Vesta : une divinité non du feu en soi, mais du feu déterminé par les conditions de la vie sédentaire et de la religion'. Cette divinité, transplantée dans l'Italie centrale, s'y présente à nous, sous ses traits exclusivement latins, avec un relief plus accusé et avec un caractère plus imposant qu'en Grèce. 'foutes les traditions concordent à nous la montrer en pleine faveur dès les temps les plus reculés de la royauté'. Les uns attribuent l'institution de son culte à Romulus, qui l'aurait importée d'Albe-la-Longue; les autres lui donnent une origine sabellique et en rapportent l'organisation à Numa : elle semble, en effet, avoir été partie intégrante de la religion organisée, d'après la légende, par ce roi, en qui s'incarne la piété des premiers àges. Fait remarquable, si ce culte a été le patrimoine commun des nationalités de l'Italie centrale, il n'en existe point de traces anciennes en dehors du Latium'. L'institut des Vestales [vrnco vnsTALIs], qui fut, après le collège des Pontifes, l'organe le plus éminent, le plus populaire et le plus efficace de la piété romaine, en est la preuve par excellence. A [home seulement, Vesta est une divinité d'ordre politique et national; la faveur dont elle jouit à l'abri de la maison des Vestales, sous le regard et l'autorité du Roi, plus Lard du Grand Pontife, explique qu'elle prend aussi la première place, avec les Pénates et les Lares, au foyer de la famille 6. Si, dans chaque maison, le foyer qui sert et à la préparation de la nourriture et à l'oblation des sacrifices est le centre d'oit l'action divine se répand sur la famille entière, le feu qui brûle dans l'atrium de Vesta est l'âme de la ville entière'. Il y prend même une telle importance que, partout ailleurs dans le 717 VUS Latiurn, il n'est plus, aux temps historiques, que le souvenir vague d'une religion tombée en désuétude. C'est le cas pour Albe, Lavinium, Tibur et Préneste, d'où Vesta peut être venue à Rome, où elle entra ensuite dans l'ombre que projetait sur elles le développement politique et religieux de la grande ville 8. L'affirmation de Preller que chaque ville du Latium avait sa Vesta et ses Pénates est tout au rnoins probable ; mais plus établie est l'opinion que la Vesta de Lavinium fut la plus ancienne de l'Italie, ainsi que le Palladium qui, à Rome, devait être inséparable de son culte [IIuNERvA, fig. 5076] s. Nous avons montré ailleurs [PENATES, p. 376 sq.] que Vesta, dans le temple de la Regia,devint le symbole collectif de leur puissance tutélaire et qu'en elle s'incarnait la puissance céleste qui veillait sur les destinées de Biome et de son empire' 6. La religion de Vesta n'est si vénérable dans chaque foyer particulier que parce qu'elle y reçoit le rayonnement de l'Atrium commun de la cité. Lors de la fondation de l'empire, la Vesta Publica populi Romani Quiritium, dont le culte était commis aux Vestales sous la surveillance du Grand Pontife, trouva comme une succursale dans la maison même de l'Empereur sur le Palatin; elle y devint l'objet d'une sorte de religion dynastique, parallèlement avec la religion nationale dont le siège était à la Regia ". C'était comme un retour aux temps oit le Roi était préposé à la religion du foyer public, oit les ministres de Vesta, Flamine et Vestales, l'assistaient polir la célébration du culte, tandis que dans chaque demeure particulière le père de famille, entouré de ses enfants, accomplissait les rites domestiques, dont le premier était. l'entretien du feu sacré [CASIILLI, 1, 2, p. 858112. A Rome plus encore qu'en Grèce, et cela de toute antiquité, Vesta était considérée comme une divinité de premier rang et classée parmi les douze grands dieux. Tout d'abord elle fut honorée en compagnie de JANUs PATER (IIl, p. 610 sq.) ". Le prêtre attitré do ce dernier était le rex sacrorum, qui, chaque année, à jour fixe, recevait la visite des Vestales lesquelles l'in VES 7~8 VES terpellaient : Vigilasne, rex ? Vigila Une règle du cérémonial était d'invoquer Janus le premier et de conclure l'invocation par Vesta. La religion de Vesta est encore en rapport, comme en Grèce et polir les mêmes raisons, avec celles de Mercure et de Vulcain 2. A l'origine, Vesta n'a dù connaître ni temples, ni images ; chaque champ ensemencé, chaque feu allumé représentait le lieu où l'on vénérait Tellus et Vesta 3. Lorsqu'on érigea un sanctuaire à celle-ci, il dut être forcément couvert, puisque l'entretien du feu était impossible en plein air. On construisit donc une hutte en chaume, plus tard un édifice en pierre, qui n'eut ni la même forme, ni les mêmes dimensions que l'habitation proprement dite La forme ronde à toiture conique, percée d'un trou où passait la fumée, rappelle celle des huttes primiti' es dont les monnaies de la République nous ont conservé l'image fig. 7 '113f b: et même on s'abstint placer une image Cultuelle, parce que ce sanctuaire était moins la demeure de la divinité que l'abri de son symbole, la flamme sacrée6. 11 semble bien, comme l'a fait observer Ilelbig, que de bonne heure, en Grèce et à Rome, la di' irrité même de Vesta ait été ainsi déterminée par des notions de cosmogonie naïve, dont la terre ronde et le feu intérieur constituaient les éléments principauxs(on les trouve dans la philosophie de Pythagore) '/ Le feu permanent s'incarne dans Vesta, qui, pour cette raison, est identifiée avec la terre, et l'être de la divinité se réfléchit dans son temple et dans le foyer. La Terre est ronde, rond aussi le temple de Vesta et la coupole défend la flamme contre la pluie. Cette coupole, d'airain aux temps civilisés, fut d'abord de chaume ; les murs mêmes n'étaient qu'un assemblage de roseaux; particularités qui se retrouvent dans les maisons primitives du Latium a. L'autel ne s'y distinguait pas du foyer ; il semait aussi bien aux usages domestiques qu'à la célébration du culte. Mais le raffinement du sens religieux, marchant de pair avec le progrès du bien-être, eut pour effet de séparer de la cuisine le foyer de Vesta [cULINA], de même que le penus, armoire aux provisions, devint un local spécial, à la porte duquel veillaient les Pénates, placés sur l'autel de Vesta. C'est la disposition que Virgile a en vue lorsque, dans 1'Énéide, il décrit et l'atrium de Priam à Troie et la maison du roi Latinus à Laurente9. Les fouilles de Pompéi nous ont apporté des preuves multiples d'une installation où le respect des divinités domestiques se concilie avec les besoins matériels de la famille. La chapelle où on lui rend hommage est située d'ordinaire dans le jardin du péristyle ; plus rarement elle est constituée par une niche pratiquée dans le mur, en retrait sur le foyer qui servait à cuire les aliments10. Si la confusion originelle des deux systèmes se manifeste dans les installations d'un temps rapproché, elle ressort aussi des pratiques de certains cultes anciens où Vesta intervenait : ainsi de celui qui a pour objet Jupiter Dapalis, inséparable de la déesse du foyer et dont les origines se perdent dans une haute antiquité Vesta est, chez les Romains de vieille roche, la divinité préposée à la préparation du repas de famille". Ovide, sans oublier d'ailleurs le proverbe grec : Cu?' âozea1t, après avoir déclaré : praefamur Vestam, quae iota prima tenet, nous apprend que la coutume existait aux vieux temps, pour prendre les repas en famille, de s'asseoir sur de longs bancs devant le foyer, avec cette conviction que les dieux y prési=daient. Un commentateur de Virgile, qui, pour l'expli cation des mêmes faits, s'était inspiré d'exégèses plus variées, raconte que, le repas terminé et la table desservie, les convives faisaient silence, tandis que les restes étaient portés au foyer et livrés au feu : un jeune enfant proclamait les dieux propices et leur rendait grâcesl3. Ailleurs nous trouvons des traces d'hommages rendus à Vesta au début du repas, sous la forme d'une offrande qui rappelle la première libation chez les Grecs. Chez Virgile, cette libation préalable est adressée, il est vrai, à l'Océan, mais par une nymphe des eaux, accomplissant habituel le rite au fond de ses humides retraites 14. Tous ces témoignages, les uns poétiques, déformant la simplicité des anciens usages, les autres fidèles à la tradition, précisent le rôle de Vesta dans la religion domestique et son caractère primordial de divinité du feu''. C'est là l'aspect de Vesta que l'on peut appeler phy 1 VES 749 VuS sique. Le trait dominant de son être moral est la maternité, non qu'avec elle il puisse être question de maternité féconde, puisque à home, aussi bien qu'en Grèce, Vesta est vierge, astreinte à une perpétuelle chasteté. Si elle est de préférence appelée mère, dans les Actes des Frères Arvales, sur les monnaies et dans le formulaire des prières, c'est qu'il n'y a pas de titre qui implique une plus grande somme de vénération; c'est qu'aussi, par le don du feu et par sa conservation, elle est la nourricière par excellence, le principe de la vie active et florissante ; de là sa confusion avec Tellus Mater, confusion dont les traces sont fréquentes dès la fin de la République, de plus en plus marquées sous l'Empire. Il existe des représentations où elle est couronnée de tours ; son nom de Mater revient souvent sur les piédestaux conservés dans la maison des Vestales Mais ce qui, mieux encore que cette maternité idéale (elle est d'ailleurs commune à beaucoup d'autres divinités), la distingue parmi les grandes figures féminines du panthéon romain, c'est la pureté, tant matérielle que morale, de sa nature personnelle Les ministres qui président à son culte, Vestales, Grand Pontife, Flamine de Jupiter, dans les détails du rituel, des cérémonies et des pratiques qui s'inspirent de son être et de sa légende, procèdent à leurs fonctions avec la gravité simple et la dignité chaste qui rappellent la vieille famille romaine, tout en présageant, sans traces de religiosité mystique, l'ascétisme des monastères chrétiens. Les ustensiles qui servent au culte sont d'argile vulgaire, l'eau destinée aux ablutions est puisée à une source courante, sans passer jamais par des canalisations artificielles3. Et surtout la virginité imposée aux Vestales [vfuco VESTALISj, tandis qu'à l'entour d'elles les lois, les mœurs et la religion commune invitent à l'union des sexes, cette idée que Vesta l'immaculée ne peut être servie et représentée que par des vierges immaculées comme elle 4, mettent la religion de cette• divinité dans une atmosphère spéciale, que rien n'altère, pendant que tout le reste se corrompt, et cela jusqu'à l'extrême déclin du paganisme. Autre marque de cette préoccupation d'une pureté absolue : quand le feu sacré venait à s'éteindre dans le sanctuaire de Vesta, on le reconstituait, non par les procédés vulgaires, mais en frottant des bois empruntés à un arbre felix, c'est-à-dire portant des fruits et par làmême d'heureux augure. Cet usage nous ramène aux temps les plus reculés de la race indo-germanique, où la flamme du sacrifice en l'honneur d'Agni était obtenue par le même moyen 5. Toutes ces coutumes se perpétuent à Rome, dans le sanctuaire de Vesta, échappant seules aux influences étrangères, même quand débordent les extravagances religieuses importées d'Orient. Caton l'Ancien, vers le milieu du 11e siècle avant notre ères, recommande à la fermière, à la maîtresse de la maison, de garder propre son foyer, d'en faire le tour chaque soir avant de se coucher et d'y apporter une couronne de fleurs chaque mois, aux Calendes, aux Ides, aux Nones, ainsi qu'aux jours de fête. Les mêmes pratiques se continuent sous l'Empire, dans les mêmes formes naïves et rustiques. Un commentateur, au me siècle de notre ère, peut écrire : « Vesta signifie religion, parce qu'il n'y a pas de sacrifice sans feu et c'est pour cela qu'elle et Janus sont invoqués dans tous les sacrifices 7. » De tous les crimes que l'anarchie peut commettre contre la sécurité de Rome, celui qui a commandé à Cicéron consul ses mesures les plus rigoureuses, c'est l'atteinte à la sainteté de Vesta et des Vestales, à la perpétuité de la flamme dont celles-ci ont la garde 8. Le calendrier de Cumes, pour commémorer le jour où l'empereur Auguste reçut le titre de Grand Pontife, mentionne une supplicatio en l'honneur de Vesta et des Pénates publics 9. Le même empereur fonda sur le Palatin, à proximité de sa propre résidence, un sanctuaire nouveau de Vesta, dont la dédicace était célébrée le 28 avril 10. Il est probable que l'image dé Vesta assise, tenant le Palladium sur sa main étendue, comme nous la montre un grand bronze de Sabine, femme d'Hadrien, est celle-là même qui avait été placée dans ce temple (fig. 741/i)". Lorsque sous l'empereur Aurélien furent institués les pontifes du Soleil [sol., p.'138/1, on maintint le prestige des ancienspontifes en les appelant : ponti fices Vestae Seule, la Vesta abstraite et idéale, vénérée avec les Lares et les Pénates dans les maisons particulières, s'est effacée devant les gardiens masculins du foyer et du penus et se confond avec eux dans les préoccupations pieuses de chaque famille13. Quant au culte de Vesta, il se maintint en face de la religion chrétienne jusqu'en 363, époque où Gratien supprima les allocations faites par l'Eitat aux Vestales. VES 750 VES Le temple toutefois resta ouvert jusqu'en 394, année où la défaite de l'empereur païen Eugène par Théodose Ier le fit fermer, puis confisquer par le domaine, ainsi que la maison des Vestales. C'est alors que le feu entretenu depuis plus de mille ans par la piété vigilante des Vestales et des Pontifes s'éteignit sans retour'. Pour l'ensemble des monuments consacrés au culte de Vesta sur le forum de Rome, tels qu'ils ont été mis au jour par les fouilles commencées en 1871 et continuées jusqu'en 1883, nous renvoyons à l'article FoRum, Il, 1'288; cf. TROUS, p. 272. Pour Vesta dans ses rapports avec le culte des LARES, cf. III, p. 941, sq. 949; portance religieuse d'Ilestia-Vesta dans les cultes grécoitaliques par la place que tient cette divinité dans les manifestations de l'art, on serait autorisé à la reléguer au dernier rang, non pas seulement des douze grands dieux, mais même du plus grand nombre des divinités secondaires 2. Or la rareté de ses représentations plastiques s'explique, non par l'indifférence des croyants, mais par le caractère éminemment philosophique et abstrait de sa physionomie. Comme elle n'a été embellie par aucune légende ni mèlée à aucune aventure, elle ne donnait pour ainsi dire aucune prise à l'imagination artistique. C'est pour cette raison que l'histoire ne cite qu'un tout petit nombre d'oeuvres qui l'ont illustrée et que celles-là meme qui sont arrivées jusqu'à nous seraient difficilement reconnaissables par elles-mêmes. Tel est le cas de IIestia qui figure avec Amphitrite sur le vase de Sosias fig. 7410 ; la tete est voilée et la main droite tient une patère, tandis qu'Amphitrite porte un sceptre et que sa tète est coiffée d'un diadème : seuls les noms les distinguent toutes deux 3. Il devait en être de même de la statue sculptée par l'Argien Glaukos (ve siècle), qui mettait IIestia en rapport avec Amphitrite et Poseidon, à Olympie'. Cette association de la divinité du foyer avec les personnifications de lamer agitée a juste la valeur d'une naive antithèse. Une idée analogue explique la présence simultanée d'IIestia et des Ilorae sur le vase de Sosias fig. 3876) et sur le vase François, où elle est représentée en compagnie de Déméter et de Chariclo, épouse du centaure Chiron 6. Une oeuvre plus explicite et encore son interprétation est-elle rendue difficile par un texte corrompu de Pline l'Ancien devait être la statue, restée célèbre, du sculpteur Scopas Ive siècle , originaire de Paros 6. Elle représentait la déesse assise entre deux lampes. Tibère l'avait emportée de Paros à Rome et installée au temple de la Concorde. Du temple cité par Pline elle avait été transportée dans les jardins de Servilius; mais sa célébrité semble antérieure au rapt par Tibère si, comme le voulait la tradition, Virgile s'en est inspiré, quand il écrivait les vers où nous voyons Énée ranimant le foyer de la vénérable Vesta'. En ce qui concerne l'usage de placer une statue de divinité sur un autel entre deux candélabres, on peut citer celle de Hermès Agoraios sur une place publique de Pharées, en Achaïe; elle avait pour piédestal un foyer en pierre (izrr(2.), encadré par deux lampes en airain, dont la flamme était entretenue avec soin'. Il est probable que Hestia avait une place sur la frise du Parthénon ; on l'a identifiée aussi avec l'une ou avec l'autre des figures qui décoraient le fronton Est ; d'autres l'ont reconnue, sur un bas-relief athénien, dans une divinité placée auprès de Poseidon 9. Cependant la tradition de ces statues remontait plus haut; Pindare en nomme une qui ornait le Prytanée de Ténédos ; Pausanias en a vu une semblable dans celui d'Athènes, où elle avait pour pendant Eiréné [PAxj 1e. Sur le piédestal de Zeus Olympien, Phi7411. Vesta dias sculpta, entre autres figures, celle d'Ilestia en compagnie d'Hermès 11. L'Hestia de caractère archaïque qui, sur l'autel des douze grands dieux de la villa Borghèse, est associée à ce dieu, s'inspira sans doute de celle de Phidias ; la déesse, de la main droite, soulève son voile ; la gauche s'appuie sur un sceptre C'est sa ressemblance avec la Vesta de la villa Borghèse qui a fait considérer comme représentant la même divinité, et d'origine hellénique, la statue d'allure imposante, d'expression grave et religieuse, qui aujourd'hui, à Rome, est connue sous le nom de Vesta Giustiniani (fig. 7411) 12. Celte identification n'est pas certaine; et l'opinion qu'il faut voir là une Proserpine ou une Vestale est au moins aussi plausible. Le Musée Torlonia nous en offre une tout à fait semblable, que l'on catalogue tantôt sous le nom de Muse, tantôt sous celui de Vesta; l'absence de voile doit faire écarter cette dernière identification 14 Nous retrouvons Hestia en compagnie d'Hermès sur un bas-relief qui représente les dieux escortant Iléphaistos à sa rentrée dans l'Olympe ; le bas-relief, imitation d'oeuvres purement helléniques, provient d'un PUTEAL trouvé au Capitole. La déesse est précédée par Iléphaistos, Poseidon et Hermès. Parmi les divinités féminines, elle est la seule qui porte le sceptre et elle partage cet honneur avec Zeus. L'attribut rappelle sa qualité de 7cpuiavï'ctç. 11 est juste d'ajouter que la figure n'est pas voilée et qu'à ce titre elle a été VES 751 VES identifiée avec Thémis 1. Sur le bas-relief emprunté à un 7isptcr4tfov de Corinthe, qui représente le cortège des douze grands dieux, on est en droit de nommer Hestia la figure qui marche derrière Héraklès ; la tète manque, mais l'ample draperie jetée sur la tunique remonte en forme de voile 2. Enfin on peut citer le basrelief originaire d'Albe qui représente le cortège des dieux: la femme qui marche devant Zeus et tient un sceptre est Hestia et non Rhéa, comme on interprète d'ordinaire 3. A Rome, les représentations de Vesta sont, peudantlongtemps,beaucoup plus rares que celles des autres divinités de premier rang. C'est ce qui explique qu'Ovide aitditt : « Dans mon ignorance, j'ai cru qu'il existait des images de Vesta; je me' suis bien vite convaincu qu'il n'en existe aucune sous la coupole de sa rotonde. Dans ce temple on cache le feu, qui ne s'éteint jamais ; mais Vesta n'a pas plus d'image que le feu lui-même. » Ceci n'est exact que de l'Aedes Vestae, proche de la maison des Vestales 3. Sous la République, la figure de Vesta sur les monnaies est à peine caractérisée et rare. Jordan conjecture que son image fut empruntée à des modèles grecs ° relativement tard, après la bataille de Trasimène, pour le lectisterniuni célébré en l'honneur des douze grands dieux, et après consultation des livres Sibyllins. Quant à l'opinion d'Ovide, elle s'explique, si l'on songe que les Romains,. pendant près de deux siècles, pratiquèrent un culte sans images, les dieux les plus éminents n'étant représentés que par des symboles'; le culte de Vesta, placé sous la surveillance du Grand Pontife et des Vestales, devait, moins que tout autre, déroger à la plus antique tradition 8. On admet cependant que la Vesta, tantôt debout, tantôt assise, qui figure sur les monnaies, reproduit une statue élevée, non pas à l'intérieur du temple en rotonde, mais sur l'autel d'une édicule qui s'élevait tout proche, à l'entrée même de la maison des Vestales 9. L'édicule est représentée sur un médaillon à l'effigie de Lucilla, soeur de Commode; on voit les Vestales qui, groupées autour d'un autel qu'abrite un toit conique, font des libations en l'honneur de la déesse (fig. 741`.).)10. On a même supposé que la figure de femme assise, drapée, les pieds appuyés sur un suppedaneum, qu'on a retrouvée dans la maison des Vestales, pourrait être un débris de l'antique idole 11 Les monnaies de la République portent au revers l'image du vieux temple de Vesta, sous la forme d'une hutte conique ; au droit, une de ces monnaies porte la tête de la Liberté, l'autre celle de Vesta coiffée du sufbulum (fig. 7413). Le temple et l'effigie rappellent un procès intenté aux Vestales, en 113 av. J.-C., par C. Cassius, dans l'intérêt dela démocratie 12. Il tendait à consacrer le droit souverain du peuple, soit d'absoudre, soit de condamner, s'il croyait le jugement mal rendu [vlllco VLSTALIS]. Pour la caractéristique de Vesta, ces monnaies sont de peu de valeur ; seule la coiffure offre quelque intérêt, parce qu'elle se rapproche de celle des Vestales, dont il sera question plus loin [vlllco VESTALIS]. A partir duve siècle de Rome, la pénétration mutuelle des deux religions, grecque et romaine, eut pour effet de mettre en commun, non pas seulement dans la légende et dans le culte, mais surtout dans la représentation plastique, les traits qui distinguaient Ilest.ia et Vesta de part et d'autre. I1 se produisit même un phénomène assez rare dans l'histoire des deux religions: c'est que celle de la Vesta romaine réagit sur celle d'Hestia dans les pays grecs. Porphyre, le néo-platonicien célèbre, qui, au 111e siècle, enseigna à Rome et en Sicile, dit d'Hestia qu'elle est le principe conducteur de la puissance terrestre et il ajoute « que sa statue virginale, sous les traits d'une femme aux fortes mamelles, se dresse devant le feu qui brûle au foyer 13 ». Pareille coutume, et sous cette forme, est alors chose toute romaine; elle évoque le culte qui, dans chaque maison de Rome, associe Vesta aux Lares 1 `. En Grèce, elle continue, il est vrai, à présider dans les Prytanées d'un grand nombre de cités; ruais elle est de moins en moins l'objet d'un culte domestique'°. A Rome, dans le même temps, elle est, au sanctuaire du Forum, entourée d'une telle vénération en tant que divinité nationale, elle tient une si grande place dans la religion domestique avec les Pénates et les Lares, et surtout elle prend du fait de ses ministres féminins dans la maison des Vestales, vierges et peu s'en faut recluses, une signification de si attrayant mystère, que devant l'opinion du monde civilisé elle éclipse l'Hestia grecque, demeurée abstraite et par là même indifférente à la piété des foules. Rare sur les monnaies de la République, l'image de Vesta, des Vestales et des épisodes de leur culte se multiplie à partir du règne de Caligula. La déesse y figure tantôt assise, tantôt debout, toujours voilée, sévèrement drapée, avec les attributs de la patère, du flambeau, du sceptre, du sufbuluin et aussi du Palladium: fatale pignus inaperii. Ces attributs, les monétaires les empruntent pour la plupart à la statuaire grecque 1 Un grand bronze à l'effigie de Sabine, femme d'Hadrien', nous montre la déesse assise, voilée, le sceptre dans le pli du bras gauche ; la main droite tendue tient le Palladium fig. 7414 . Un denier d'argent, à l'effigie de Cornelia Supera, femme d'Aemilianus, nous offre Vesta debout, vêtue et drapée en Vestale ; la main gauche tient le sceptre, la droite une patère 2. Au revers d'un moyen bronze à l'effigie de Faustine Jeune, la déesse est voilée et drapée de même, tenant le Palladium d'une main et de l'autre la coupe aux libations 3 ; très semblable est celui qui porte au revers la tête de Julia Mammaea, avec Vesta au droit 4. I1 faut faire une place spéciale à une monnaie d'or du cabinet de France, qui nous montre les Vestales groupées autour de l'autel (fig. 7412) 5. Lorsque Pompéi reçut une colonie romaine, ceux qui là composaient apportèrent avec eux le culte de Vesta et des Lares. L'art campanien s'empara d'autant plus volontiers de ce culte qu'il prêtait au pittoresque: comme gardienne du feu qui brûlait sur le foyer, Vesta était devenue celle du pistrinum et la patronne des boulangers, dont l'âne était l'indispensable auxiliaire; cet animal se trouva ainsi consacré à Vesta; il prenait place dans ses fêtes [A51NCS]. Une peinture connue de Pompéi la représente assise, offrant une libation sur l'autel domestique ; derrière son trône est placé l'âne et les deux Lares encadrent la scène, remplissant le rôle d'échansons (fig. 4351) 6. Des images de ce genre sont assez fréquentes dans les maisons des villes campaniennes; nous en possédons une qui semble une allusion à la tète de Vesta et dont les acteurs sont des Amours (fig. 7416 J.-A. HILO. l'histoire légendaire des Vestales, à Rome, sont confus. On admet généralement, d après le témoignage des annalistes, que le culte de Vesta fut l'oeuvre de Numa ; quant aux ministres féminins du culte, elles semblent antérieures non seulement à ce roi, mais même à Romulus, puisque les deux Vestales les plus anciennement connues sont Rhéa Silvia, mère des Jumeaux [no-mus], et Tarpeia, qui devait livrer le Capitole aux Sabins du roi T. Tatius'. D'autre part, nous devons admettre que le sacerdoce des Vestales ne fut, à Rome, qu'une importation et qu'il existait déjà antérieurement, dans Albela-Longue et à Lavinium, les deux villes saintes du Latium 2. Citons pour mémoire une autre forme de légende, exploitée par Virgile dansl'Éneide, où Vesta et son culte sont rattachés à Troie par Énée, en même temps que les Pénates et le Palladium 3. Pour les historiens latins, l'organisation du culte de Vesta, comme l'enseignaient les annalistes, date, à Rome, de Numa C'est lui, dit Cicéron, qui institua les Saliens et les Vierges Vestales, ainsi que toutes les parties de la religion, suivant un idéal de grande piété 4. » Au début, Rome ne comptant que deux tribus, celles des llamnes et des Titienses, les Vestales furent au nombre de quatre, deux par tribu. Après l'admission des Luceres sous Tarquin l'Ancien, il fut porté à six, chiffre qui resta normal jusqu'à la fin de l'institution sous le Bas-Empire seulement, il fut une période où l'on en compta sept Dans l'esprit du fondateur, les Vestales étaient les ministres exclusifs de la déesse virginale ; il les voulut vénérables par la chasteté et par d'autres pratiques pieuses; enfin il leur assura un revenu sur le trésor public. Leur caractère essentiel était de reproduire la personnalité de Vesta, incarnation de la flamme et, par conséquent, symbole de toute pureté; les Vestales ne sont pas seulement les servantes de la divinité, mais son image vivante et visible devant la vénération publique 6. Une conception de ce genre se rencontre également en Grèce, dans l'histoire des sacerdoces féminins au service des divinités xouporpd,pot et des cultes à caractère mystique ou prophétique Pour choisir les Vestales, les autorités religieuses de [tome prenaient les précautions les plus rigoureuses. Elles devaient être patrimae matrirnaeque, c'est-à-dire issues de parents encore vivants et d'un mariage par confarreatio, forme réservée à la caste des patriciens 3. En tout état de cause, on tenait compte de tous les antécédents pour choisir la plus honorable ; ainsi on préférait la jeune fille dont le père n'avait jamais divorcé et en était resté à un unique mariage 3. L'âge minimum des candidates était six ans et l'âge maximum dix ans. Elles devaient être saines de corps et sans tare physique d'aucune sorte 1e. Étaient écartées celles dont le père avait été in mancipio, môme si, de son vivant, elles avaient été sous la puissance de l'aïeul; à plus forte raison celles dont les parents (l'un ou l'autre) avaient été en condition servile ou avaient exercé un métier sordide". Cependant, quoique Aulu-Gelle affirme le contraire, le temps vint où l'on en admit qui appartenaient à la classe des affranchis '2; antérieurement à l'Empire, les Vestales n'étaient prises que dans les familles patriciennes. En ce qui concerne plus tard l'accession des filles plébéiennes, le catalogue dressé par Jordan et ses judicieuses déductions prouvent qu'elles finirent par occuper le plus grand nombre des places 1. Le recrutement était régi par une loi Papia de Vestalium lectione, dont la date est inconnue 2. Cette loi disposait que le Grand Pontife, en cas de vacance, choisissait, d'accord sans doute-avec les parents, vingt petites filles, et cela de son autorité privée; puis, in concione, il était procédé à un tirage au sort. Sur celle dont le nom sortait le Pontife jetait son dévolu ; le mot rituel pour cette opération décisive était capere. Fabius Pictor, soit l'annaliste, soit l'auteur d'un livre sur le droit pontifical, nous a légué la formule en vertu de laquelle était ainsi prise l'élue du sort : Sacerdotem Vestalem, quae sacra faciat, quae jussiet sacerdotem Vestalem facere pro populo Romano Quiritibus, uti quae lege optima fuit, ita te, Amata, capio. Tout n'est pas clair pour nous dans ce texte, et les juristes en particulier dissertent tant sur le sens particulier de Amata que sur la signification des mots quae lege optima fuit'. Nous nous en tenons à l'interprétation de Preuner, qui voit dans Amata, nom de l'épouse du roi Latinus, donné à la petite fille au moment de la captio, une sorte de terme de tendresse ; la nouvelle Vestale devient, pour la déesse à laquelle elle s'est vouée corps et âme, un sujet de dilection égale `. Pour le surplus, il faut traduire : comme tu as été trouvée parfaite suivant la loi, je te prends (pour Vestale) 5. La vierge ainsi prise par la main du Grand Pontife, qui l'enlève à la puissance paternelle pour la mettre sous la sienne propre, dans le service de Vesta, est emmenée comme le serait quelque prisonnière de guerre Ô. Mais avant de devenir Vestale, elle aura à subir, sous la direction du Grand Pontife, qui hérite à son égard de tous les droits du père naturel, et par le soin des Vestales en titre, une éducation toute spéciale, qui la façonnera à ses obligations nouvelles. En droit et en fait, le Grand Pontife remplit d'ailleurs, dans la maison des Vestales, les devoirs du père de famille, non pas seulement à l'égard des jeunes novices, mais auprès des Vestales en titre ; il y dispose d'une autorité en quelque sorte absolue 7. Il y maintient la discipline morale et l'ordre matériel ; il ale droit de châtier (dont nous parlerons plus loin) et même il lui arrive d'intervenir, dans des cas spéciaux, pour empêcher que l'initiative des Vestales n'empiète sur. les règlements religieux et sur les lois Le Grand Pontife IX. est donc le père idéal dans la maison des Vestales, considérée comme le centre de la religion de l'État; les Vestales sont les camillae qui l'assistent, de même qu'au foyer de la famille antique les enfants assistaient le père dans la célébration du culte privé 3. des Vestales, le plus rigoureux est celui-là même qui fait l'originalité de leur sacerdoce, le devoir de chasteté absolue qu'elles ont à pratiquer, du jour où le Grand Pontife a prononcé la formule d'admission, jusqu'à celui où elles pouvaient légalement quitter le service de Vesta. Les Grecs avaient entrevu, et cela d'assez bonne heure, comme une des conditions de la vie sacerdotale, le renoncement aux plaisirs de l'amour 10 [LUSTRATIO, p. 1419]. Mais chez eux, là même où les exigences théoriques passèrent dans la pratique, on se contenta souvent de simulacres ; par exemple, dans le culte de Hestia et pour la garde de son foyer dans les Prytanées, on les voit s'ingénier en vue de concilier le service de la déesse chaste par excellence avec les penchants de la nature humaine. La continence totale leur avait paru excessive pour des jeunes filles dans l'épanouissement de leur nature; on respecta donc le principe de la chasteté cultuelle en confiant la religion de certaines divinités à des femmes âgées. La Pythie de Delphes était une femme sur le retour, mais elle officiait en toilette de vierge 11. La prêtresse d'Artémis, à Orchomène, ayant été séduite parce qu'elle était jeune, on établit qu'à l'avenir le service du temple serait attribué à une femme qui aurait au préalable suftisamrnent vécu dans la société des hommes ; ou bien on confiait le culte à un couple qui avait accepté d'observer la chasteté pour le restant de sa vie. A Rome seulement, ceux qui remirent à des femmes le culte de Vesta et l'entretien de la flamme sacrée furent amenés par une logique intraitable à leur imposer les devoirs d'une chasteté complète. On voulut que la Vestale pût jurer, en toute occasion, comme le fit l'une d'entre elles, qu'elle avait gardé son due pure et son corps sans tacite :'u7rly xalapv xxi r xx 7Xvw 12. Envisagée à ce point de vue, l'institution des Vestales est, de tous les organes de la vie religieuse, celui qui imprime à l'ensemble de la religion romaine une marque de piété idéale. L'exigence était fondée sur un principe très simple : à une déesse de nature chaste et pure, représentant l'éclat de la flamme sans tache et la pureté de l'eau limpide ' 3, VES 751 VES il fallait des ministres de qualités identiques. La rigueur des pontifes à l'égard des Vestales allait même bien au delà de l'abstention charnelle. Tite-Live raconte le cas de la Vestale Postumia, accusée d'avoir violé son voeu, quoiqu'elle fût restée vierge, uniquement parce qu'elle s'était permis des artifices de toilette et des manières plus libres qu'il ne convenait à une Vestale. D'abord ajournée par le collège des pontifes, ensuite acquittée, elle fut mise en demeure de régler sa parure suivant la sainteté de son état, sans aucun raffinement de coquetterie'. Il y a là une conception de la chasteté qui dépasse de beaucoup celle des foules ; elle a frappé les philosophes païens des derniers temps du paganisme et elle parait avoir eu son influence sur le développement de l'ascétisme et du monachisme chrétiens. A Rome, dans le collège des Vestales, elle eut son application complète et parfaite jusqu'à la proscription totale de la religion traditionnelle. Nous avons dit qu'au début la loi pourvoyait à cette chasteté en choisissant les futures Vestales parmi les petites filles d'un âge tendre, entre 6 et 10 ans, jamais au delà. Elle reste obligatoire pendant toute la période de la fonction sacrée, c'est-à-dire pendant trois décades, ce qui fixe le terme de la libération vers quarante ans; les Vestales peuvent alors rentrer dans la vie commune et se marier I.n réalité, de ce droit elles paraissent avoir très rarement usé, tant elles trouvaient de satisfaction dans les honneurs et les privilèges dont elles jouissaient, tant le titre de Vestale donnait de prestige devant l'opinion. A celte raison le plus récent historien de la chasteté cultuelle en a ajouté une autre: c'est que, passé quarante ans, la femme romaine est généralement fanée Quoi qu'il en soit, on trouve des Vestales de l'âge le plus avancé, comme cette Occia dont parle Tacite, qui mourut après cinquante-sept ans de sacerdoce 5. Son remplacement donna même lieu à une compétition entre deux familles des plus illustres, celles des Fonteius Agrippa et des Domitius Pollio; Tibère consola la candidate évincée en lui constituant une dot. Une inscription mentionne une Vestale morte après soixante-quatre ans de présence au temple Lorsque les Apologètes, pour les besoins de leur polémique, s'attachèrent à déprécier de préférence ce qui, dans les institutions païennes, était le plus recommandable, ils ne se firent pas faute, afin de mieux exalter la chasteté des vierges chrétiennes, de rabaisser celle des Vestales. Prudence plaisante, de fa/_'on assez lourde, sur la revanche qu'il est permis à ces dernières de prendre après la quarantaine'. Les mêmes polémiques se prolongèrent quelque temps encore après le triomphe du christia nisme, généralement sans bonne foi : on en trouve des traces dans les inscriptions 8. Que l'observation de ce voeu de chasteté ait été chose sérieuse, ce n'est pas seulement la loi qui le prouve, en édictant contre les Vestales qui l'oublieraient les plus terribles châtiments ; c'est surtout l'opinion publique qui était pour elle impitoyable. Cette rigueur procédait d'une croyance très vive à une sorte d'influence mystérieuse de la pureté des vierges saintes (iepai .TapOivot) sur le bien-être de l'État tout entier, et aussi à une action délétère, aux plus graves dangers pour lui, si les Vestales venaient à oublier le premier de leurs devoirs 9. Des motifs de nature plus subtile encore, et cependant accessibles à l'âme populaire, attachaient un prix éminent à la pratique de cette chasteté chez les servantes de Vesta : « Que des vierges président à son culte,... afin que les femmes en général comprennent que le tempérament féminin est à la hauteur de la chasteté absolue S0. » Il ne faut donc pas s'étonner si les inscriptions, découvertes dans les ruines de la maison des Vestales, s'accordent à vanter par-dessus tout, avec la piété, l'observation rigoureuse du devoir de chasteté. Les épithètes données par les dédicants à celles qu'ils voulaient honorer sont, avec sanctissima, religiosissima, piissima, benignissima, celle de castissima ; on les exalte ob meritum castitatis; parce qu'elles furent purissimae castissimaeque ; parce qu'elles furent des modèles pudicitiae, castitatis 1l. Cependant, si attentifs que fussent les pontifes dans le choix des Vestales, il était inévitable qu'il se produisît des infractions au devoir de chasteté. La vieille légende même qui fit de Rhéa Silvia une Vestale, ce qui ne l'empêcha pas d'être mère par les oeuvres de Mars, met la violation du voeu de chasteté au début même de l'histoire des Vestales 12. Il est vrai qu'Ovide, en racontant l'aventure, montre la statue de Vesta qui se voile la face avec ses mains et la flamme de l'autel rentrant dans la cendre pour ne pas être souillée i3. L'histoire nous offre donc un certain nombre de cas où des Vestales, ayant oublié leur devoir, eurent à subir le châtiment édicté par la loi. En récapitulant, on en trouve de douze à vingt, suivant les statisticiens, à répartir sur dix siècles entiers. Au point de vue juridique, la faute était la plus grave variété de L'lNCESTUS 14, parce qu'elle se compliquait d'impiété et que par là même elle devait attirer tous les malheurs sur le corps social tout entier. Le tribunal qui jugeait était le collège des pontifes''. A l'origine la Vestale condamnée était par eux frappée de verges, jusqu'à ce que mort s'ensuivit te ; à partir de Tarquin l'Ancien, ce supplice barbare et brutal fut rem VES 755 VES placé par un plus affreux encore. La coupable était, aussitôt condamnée, traînée sur une claie, jusqu'au Campus Sceleratus, devant la Porta Coltina ; d'abord flagellée, pour que le rite primitif restât en vigueur, elle était ensuite descendue dans un caveau, que l'on murait, et abandonnée à la mort lente, avec un peu de nourriture et une lampe ; son complice était, dans le même temps, frappé de verges sur le Forum Boarium, jusqu'à ce qu'il expirât'. Une affaire qui eut un grand retentissement fut celle dans laquelle, en 113 av. J.-C., furent impliquées trois Vestales, issues des plus nobles familles, à la requête du Grand Pontife L. Metellus, avec intervention d'un tribun du peuple. Le tribunal spécialement constitué fut présidé par L. Cassius Longinus, préteur connu pour sa sévérité. Sur les trois inculpées une seulement fut condamnée d'abord ; mais le préteur obtint la revision et fit condamner encore les deux autres. Un denier de la gens Cassia commémore cette répression : il représente, au droit, la tête voilée de Vesta; le revers porte l'image du temple de la déesse ; par devant est placée une chaise curule; à droite figure un bulletin de vote, à gauche l'urne des suffrages [VESTA] (fig. 7413) 2. Il y eut naturellement des procès qui se terminèrent par des acquittements ; ainsi celui de la Vestale Fabia, demisoeur de Terentia, la femme de Cicéron ; Catilina était accusé comme complice ; la politique eut sa part dans l'accusation et, l'ayant provoquée, fut sans doute cause de l'acquittement 3. Antérieurement avait eu lieu le procès de la Vestale Postumia, qui s'en tira avec une réprimande 4. Enfin l'on cite des cas légendaires, où la divinité elle-même se chargea, par un miracle, de faire innocenter des accusées ; tel est celui de Tuccia, qui se justifia devant ses juges en rapportant dans le crible d'airain l'eau qu'elle avait puisée, sous leurs yeux, dans le Tibre 6. Le fait a été commémoré par une pierre gravée, aujourd'hui perdue, mais dont Montfaucon nous a conservé un croquis 6. Sur le fait lui-même les témoignages sont contradictoires ; il en est qui parlent de la condamnation de Tuccia Une faute grave encore, mais de moins tragique conséquence, était, pour les Vestales, de laisser éteindre le feu sacré sur l'autel de la Regia 6 Les coupables qui, pendant leur temps de service, avaient ainsi manqué de vigilance étaient frappées de verges par ordre du Grand Pontife. Le feu était ensuite rallumé, non pas à une flamme quelconque, mais suivant le procédé rituel qui est déjà en usage aux origines de la race indo-germanique 9. Par un mouvement intense de rotation une tarière de bois dur tournait dans une planche en bois tendre jusqu'à ce que l'étincelle jaillît; on empruntait à un arbre felix, c'est-à-dire ayant donné des fruits, le bois qui fournissait le feu. Une 'Vestale l'emportait dans le crible d'airain, celui-là même qui avait servi à Tuccia pour prouver son innocence. On cite le cas d'une Vestale Aemilia qui, abandonnant la garde du foyer à une des jeunes Vestales en apprentissage, fut cause qu'il s'éteignit. La coupable échappa à la fustigation en déchirant sa robe, dont un pan, jeté sur la cendre, en fit sortir une flamme nouvelle 10. Plutarque cite un autre procédé pour obtenir le même résultat sans user d'un feu profane: il consistait à recueillir les rayons du soleil dans un vase d'argile ~'. Une légende intéressante est celle que nous a conservée un commentateur de l'Énéide : deux Vestales, qui gardaient le feu sacré au temple de Lavinium, le laissèrent s'éteindre en s'endormant; l'une fut frappée de la foudre, l'autre survécut, parce qu'elle était un modèle de chasteté 12. Au plus fort de la seconde guerre punique, tandis que les esprits, surexcités par des désastres répétés, s'abandonnaient à toutes les variétés du fanatisme superstitieux, la flamme de Vesta s'éteignit sur l'autel de la Regia; la terreur de la foule fut telle que le Grand Pontife Lucilius dut cruellement fustiger la vierge fautive, ce qui prouve qu'en temps normal on usait d'indulgence '3. Ces deux grands devoirs, l'un de chasteté, l'autre de vigilance, se compliquaient d'autres obligations qui, pour être moins rigoureuses, n'en constituaient pas moins pour les Vestales un véritable servage sacré. A partir du jour où une petite fille avait été choisie par le Grand Pontife, elle quittait sa famille et recevait comme résidence obligatoire l'Atrium de Vesta, devenu la maison des Vestales. Elle y était aussi recluse, en principe, que devaient l'être les vierges chrétiennes dans les couvents. Le seul adoucissement qui paraît avoir tempéré cette réclusion, et cela assez tard, fut, en cas de maladie grave ou épidémique, de permettre le transfert de la Vestale dans sa famille jusqu'à guérison 1'1. Dans l'Atrium les Vestales étaient placées sous l'autorité discrétionnaire du Grand Pontife 15. Jordan, qui, mieux que personne, a étudié à fond, non seulement les ruines de la maison et du temple de Vesta, mais l'histoire de l'institut des Vestales et celle de leur ministère religieux, a conclu, peu s'en faut, sur ce dernier point, que, pour l'exercer dans sa plénitude, elles avaient dû être en quelque sorte cloîtrées16. Comme il y a des Frères Arvales, le savant archéologue s'étonne de ne rencontrer nulle part le titre de, Soeurs Ves VES 756 VES tales. Il est certain que leur maison était inaccessible du dehors et que les ruines mêmes permettent d'y distinguer deux parties séparées par un mur en briques, qui isolait leur demeure propre des quartiers limitrophes, tant du côté de la Voie Sacrée que de celui du temple des Dioscures. Nous savons que la porte qui mène au temple et celle qui accède à l'Atrium ne s'ouvraient qu'un jour par an, pour la fête des Vestalia' ; mais il est d'autre part établi que les Vestales sortaient en groupe pour participer à de fréquentes cérémonies religieuses, en compagnie des pontifes et des flamines 2. Leur claustration n'est donc que relative; si aucune personne profane n'est admise à entrer chez elles, il n'est pas exact de dire qu'il leur fut interdit de sortir. Le même savant a fait remarquer que la maison des Vestales devait être des moins propices à la santé de ses habitants; qu'elle était sûrement sombre, humide et froide, très peu favorisée par les rayons du soleil et bâtie en terrain marécageux. Avant l'avènement de l'Empire, elle fut brûlée trois fois, en 210, 146 et 36 av. J.-C. '; après ce dernier incendie elle fut reconstruite luxueusement par Domitius Calvinus, mais de ses bâtiments mêmes il ne reste que les fondations. L'édifice qui a été exhumé à partir de 1883 date du règne d'Hadrien Sa disposition comporte un atrium, un tablinum et des cellae. De chaque côté du tablinum s'ouvrent trois petites chambres, cubicula, qui étaient celles des Vestales. Une grande pièce centrale servait de coenaculum; la cuisine y était contiguë. Les cellae avaient des destinations diverses l'une servait de pistrinum, l'autre de penaria. En résumé, devant nos exigences modernes, il est certain que la place, si nous tenons compte des jeunes novices, était plutôt mesurée et le service de l'autel, pénible, puisqu'il ne s'interrompait ni nuit ni jour En principe, les Vestales étaient chargées d'entretenir la flamme du foyer, qui représentait Vesta, protectrice de home, de prier pour le bien de l'État, dont cette flamme était le symbole, et d'offrir des sacrifices à certaines fêtes déterminées e. Elles avaient à prendre soin du penus de Vesta [LARES], OÙ étaient conservés la saumure rituelle (muries) 7, la mole salsa, dont la préparation leur incombait, la cendre obtenue par la combustion des veaux mort-nés à la fête des FoIDICIDIA et le sang du cheval d'Octobre [OCTOBER EQUUS], qui entrait dans la préparation des februa castes distribués à la fête des PAUMA 8. De plus, sous l'Empire surtout, s'était accréditée l'opinion que dans l'Atrium de Vesta se trouvait le Palla dium, gage de la pérennité de l'Empire [MINERVA, fig. 6076], et les images des Pénates, soit emportées de Troie par Énée, soit venues du sanctuaire de Lavinium 9. Jordan, avec raison, ne croit pas à l'existence de tous ces objets sacrés avant le temps de l'empereur Commode. On racontait bien qu'ils étaient sous la garde des Vestales ; mais jamais personne ne les avait aperçus. La légende voulait que le Grand Pontife Metellus, pour les avoir contemplés, fût devenu aveugle 10 ; il y a des monnaies de la période impériale qui représentent Vesta debout ou assise, étendant la main droite, sur laquelle était placée Minerve casquée et armée (fig. 7414). Sous Commode, sous Élagabale, couraient dés histoires auxquelles le Palladium de Vesta était mêlé 11 ; mais il avait disparu pour tout le monde au temps de Procope et nul ne savait ce qu'il était devenu12. Ce qui est historiquement mieux garanti, c'est l'existence, si déplacé que paraisse un tel symbole en pareil lieu, d'un FASCINUM, sans doute comme préservatif contre le mauvais oeil 73. Quant à une image de la déesse Vesta, il n'en a existé ni dans le temple, ni dans l'Atrium, ni dans le penus de ce dernier : Ovide, qui le constate, déclare au surplus qu'il ne lui a pas été permis de s'en assurer par ses propres yeux. Plus tard, les monnaies de Titus, particulièrement celle à l'effigie de Julia Domna, nous donnent cette image; si elle a existé, ce n'est pas dans le sanctuaire même, mais dans une édicule qui s'élevait à l'angle de la maison de Vesta, du côté de la Voie Sacrée Dans son ensemble, le culte dont les Vestales avaient la charge avait conservé, mieux que tout autre, son caractère de naïve simplicité. Point de sacrifices sanglants ; comme éléments de toute cérémonie, la flamme du foyer, l'eau vive puisée à une source naturelle ; à Lavinium, c'était le Numicius, à Rome la fontaine des Camènes, dans la vallée d'Égérie 15. La vaisselle du temple et de l'Atrium est en argile façonnée à la main, sans passer par le tour du potier. La forme même du vase qui servait à puiser l'eau était rituelle; largement ouvert à l'orifice, il allait se rétrécissant vers le bas, pour qu'il fût impossible de le poser sur le sol : si le fait arrivait, c'était une souillure [FUTILE]. Dans le récit des cérémonies expiatoires précédant la reconstruction du temple du Capitole, Tacite montre au premier rang les Vestales, en compagnie d'enfants des deux sexes qui puisent l'eau purificatrice e fontibus amnibusquei0. Les Vestales tenaient une place considérable dans le calendrier religieux de Rome ; à part les mois de janvier VES 757 VES et de novembre (ce dernier est le moins chargé de cérémonies), il n'y en a pas un seul où elles ne figurent plusieurs fois pour des manifestations publiques de piété. En février, elles ont leur rôle dans les PARENTALIA, qui s'ouvrent par la Parentatio Virginis Vestalis, acte sur la nature duquel nous ne sommes pas renseignés. Le ter mars, elles parent le temple de Vesta avec du laurier vert et renouvellent la flamme du foyer' ; à partir du règne d'Auguste, le 6 mars, elles commémorent par un sacrifice l'accession de l'empereur au Grand Pontificat 2. En avril, elles participent à la célébration des depuis Auguste encore s'y joint la commémoration de la dédicace du temple que celui-ci avait élevé à Vesta sur le Palatin [VESTA] 4. Le 7 et le 14, elles préparent la mola salsa; c'était là d'ailleurs une de leurs occupa tions les plus importantes, puisqu'elle se renouvelait trois fois l'an, aux LUPERCALIA, aux Vestalia et aux Ides de septembre 5. La mola salsa ou casta était une préparation rituelle consistant en grains de céréales torréfiés et broyés à la meule, qui avaient leur emploi dans tous les sacrifices. Dans la période qui sépare les Nones des Ides de mai, les trois Vestales les plus âgées disposaient, dans des corbeilles semblables à celles qu'on employait pour la moisson, des épis d'épeautre ; puis elles les faisaient griller, pour les broyer et les passer à la meule ; finalement on y ajoutait du sel cristallisé (durum) et du sel en dissolution (coctum), qui devenait la saumure sacrée (muries), usitée, comme la mola elle-même, dans les sacrifices Le ter mai amène pour les Vestales la fête de BOxA DEA, dans le temple que la Vestale Claudia avait élevé à ses frais (date inconnue) et que restaura Livie Le 15 mai, le collège tout entier prenait avec les pontifes la première place dans la procession des AROEI 8. La grande fête de Vesta, les Vestalia, tombait le 7 juin et durait trois jours ; même il semble qu'on ne doive la considérer comme terminée que le 15 seulement, où les calendriers mentionnent par o. ST. D. F. (quando stercus delatum t'as) le nettoyage du temple, succédant à un grand mouvement de foule 9. La fête débute dans le calendrier par la formule : VESTA APERIT. Inaccessible aux hommes en toute circonstance, abordable aux seules Vestales en tout temps, le sanctuaire de Vesta s'ouvrait, du 7 au 9 juin et peut-être jusqu'au 15, à toutes les mères de famille ; elles s'y rendaient pieds nus et cheveux épars, afin d'implorer la divinité pour le bien de leur ménage, comme elles allaient, en temps de sécheresse [SIANALls LAP1sj, prier Jupiter pour faire tomber la pluie 19 Cependant ce ne sont pas les femmes en général, ruais seulement les Vestales, qui sont les ministres de la fête ; celles-là se bornent à y assister et, à cause des Vestales, les hommes en sont exclus 17. Il était d'usage que les femmes envoyassent au temple des plats avec des mets variés ; quant aux Vestales, elles offraient la mola salsa 12 Le 9 juin, la fête prenait un caractère populaire ; elle devenait, loin du temple, celle des meuniers et des boulangers (deux professions qui se confondaient en une seule) 13. Ils ornaient de guirlandes les ànes, auxiliaires de leur travail (fig. 7415), et suspendaient à leur cou ou une miche ou tout un collier de miches enfilées à un cordon. Les meules, elles aussi, étaient ornées de fleurs, oit dominaient les violettes. Une fresque de Pompéi, aujourd'hui presque effacée, dont les personnages sont des Amours, nous les montre suspendant des guirlandes au cou des ânes (fig. 7416) 14. Sous cette forme la fête n'est pas antérieure à l'an 174 av. J.-C., date à laquelle la corporation des boulangers reçut une existence légale. Wissowa met avec raison les Vestalia au nombre des fêtes que célébraient les sodalitates, ce qui les assimile aux cosmPITALIA et aux TERMINALIA, lesquels devinrent par la suite des fêtes des curies''. Le jour du nettoyage est néfaste : la Flaminica de Jupiter s'abstient de peigner sa chevelure et de couper ses ongles, comme \TES 758 VES en temps de deuil, et les mariages sont supendus t. La série des fêtes où les Vestales jouent un rôle important reprend en juillet et en août avec les coaSUALIA ; elles y figurent aux côtés du Grand Pontife 2. Le 13 septembre elles préparent pour la troisième fois la mata salsa'. En octobre, elles recueillent le sang du cheval immolé en l'honneur de Mars et prennent part aux EQUIRIA En décembre enfin, elles officient dans la demeure d'un des consuls, en compagnie de femmes d'illustre maison, pour la fête nocturne de BoxA DEA, fête d'où les hommes étaient exclus sous peine de mort. On connaît l'histoire de Clodius, se glissant à l'occasion de celte fête dans la maison de César, dont il courtisait la femme '. Non moins célèbre est la scène qui se passa dans la maison de Cicéron consul, pendant la nuit du 3 au 4décembre, en l'an 63 av. J.-C., nuit où il se décida pour les mesures de rigueur contre Catilina et ses complices. De l'autel domestique, sur lequel les Vestales offraient des libations, jaillit une flamme qui fut interprétée sur-le-champ comme présageant une grande gloire au consul sauveur de la patrie « Ce sacrifice, dit celui-ci plus tard, s'accomplit par les mains des vierges Vestales, dans la maison dont le maître détient l'imperium, avec un appareil extraordinaire, en l'honneur de la déesse dont les hommes ne doivent même pas prononcer le nom '. » Un des problèmes les plus délicats, et pour la solution duquel les documents précis nous font défaut, est celui de l'éducation professionnelle des Vestales jeunes dans l'Atrium de Vesta. Recrutées dès l'âge le plus tendre, elles ne font d'abord que s'initier à leurs fonctions et à l'esprit de l'institution jusqu'à la vingtième année. Un texte de Denys d'Halicarnasse, confirmé par Sénèque et par Plutarque 8, nous apprend que la période totale de la vie active d'une Vestale en titre est de trente années au minimum, dont dix consacrées à sa formation personnelle, dix à la pratique de ses attributions, dix autres à l'éducation des jeunes Vestales. Certaines monnaies du nie siècle, qui représentent des Vestales de tailles différentes, semblent rappeler cette division réglée sur l'âge D'autre part, on trouve chez les auteurs des mentions formelles de vierges récemment choisies, qui commencent à s'instruire (discipulae) 10 sous la direction de la Grande Vestale. Jordan remarque qu'une telle organisation devait, dans la pratique, causer des embarras multiples. Cependant les textes sont trop précis et les auteurs de qui ils nous viennent ont trop d'autorité pour qu'on puisse mettre en doute leur témoignage. Les Vestales étant au nombre de six, qui devait être soigneusement tenu au complet, la plus âgée por tait le titre de Maxima et même il est certain que ce titre honorifique était conféré aux trois plus anciennes, sans doute à cause des distinctions qu'il comportait. Par exemple, les inscriptions et les statues, dont il sera question plus loin, ont toutes été décernées à des Vestales ayant obtenu le titre de Maxima. Nous renvoyons au livre de Jordan pour d'autres problèmes que soulèvent l'organisation intérieure de l'éducation des Vestales et les rapports des jeunes novices avec les anciennes ". Cette existence des Vestales leur assurait devant l'opinion un prestige dépassant de beaucoup celui qui entourait, à part les pontifes, les autres représentants de l'action religieuse dans Rome et dans l'Empire. La légende et l'histoire s'accordent pour en témoigner, depuis les origines jusqu'à la chute de la religion païenne. I.e plus éloquent des interprètes de ces sentiments de vénération est Cicéron ; dans son plaidoyer pour Fonteius, il fait intervenir la soeur de son client, laquelle fut Vestale 12. « Elle tend vers vous ses mains suppliantes, celles-là même qu'elle a appris à lever vers les dieux immortels. Prenez garde de répudier ses supplications; il y aurait danger, il y aurait insolence à repousser celle sans les prières de qui Rome ne saurait subsister. » Quand une Vestale, par hasard, rencontrait un condamné à mort qu'on menait au supplice, la grâce était de droit. Pline l'Ancien mentionne la croyance, ayant cours parmi le peuple, que la prière seule des Vestales suffisait à retenir dans Rome les esclaves qui avaient projeté de fuir. On racontait que César, dans sa prime jeunesse, ne dut son salut, devant les soupçons de Sylla, qu'à l'intervention des Vestales. Pour traiter avec plus de chances avec son compétiteur et assurer la paix, Vitellius proposa de joindre à ses envoyés les vierges Vestales. Un exemple de cette croyance à leur influence morale est l'anecdote légendaire sur Claudia Quinta, Vestale qui réussit seule à remorquer d'Ostie à Rome le navire échoué sur le sable et portant l'image de la Magna Mater venue de Phrygie (fig. 2243) 13 De cette vénération découlent des privilèges qui mettent la Vestale sur le même rang, au point de vue juridique, que les pontifes et les flamines'". Pour qu'elle remplisse sa fonction sacrée, elle ne saurait rester soumise à la puissance paternelle ; elle échappe à l'autorité de ses tuteurs, toute autorité extérieure au temple étant jugée inconciliable avec la notion du sacerdoce de celle en qui réside la divinité, et qui est comme la statue vivante de Vesta15. La Vestale sort donc de la puissance paternelle sans subir la capitis deminutia 75. Elle ne de Vestale. Fig. 7417. Coiffure des Vestales. VES 739 VES porte pas le deuil des morts qui lui sont apparentés et, ainsi qu'au flamine, il lui est défendu de toucher un cadavre. De même le corps d'une Vestale défunte n'est pas une souillure, mais une relique sainte, en qui continue de résider la divinité ; on l'enterre dans l'enceinte même du pomoerium, comme les corps des empereurs divinisés '. La défense édictée par les législateurs des XII Tables d'inhumer ou d'incinérer les corps dans l'intérieur de la ville était levée, sans restriction, pour les Vestales 2. De son vivant, en justice, elle est admise à témoigner sans prêter serment; elle dispose de sa fortune et peut tester sans restriction d'aucune sorte 3. IV. COSTUME, COIFFURE, REPRÉSENTATIONS. La condition sociale, la vie, les fonctions religieuses classaient à part les Vestales, non pas seulement dans la société romaine, mais même dans le groupement des ministres du culte; il était donc tout naturel qu'un habillement spécial les désignât à la vénération des foules. Ce costume, aux temps où les monuments artistiques, statues, bas-reliefs, monnaies, nous en ont conservé les détails , est un compromis fort heureux entre la toilette de la femme patricienne et le vêtement qui suggère l'idée d'une fonction religieuse. D'abord, il les désigne nettement comme femmes a ; il est en somme le même que celui des fiancées, c'est-à-dire celui des femmes de l'ancien temps, dont il perpétue la tradition. La STOLA(t. IV, 2, p. 1521) est celle des matrones, ainsi que la PALLA (ibid. 1,p. 292, fig. 5481), l'une et l'autre en laine blanche, peut-être bordées de pourpre. La partie originale est constituée par la coiffure, par l'arrangement des cheveux et l'emploi d'une sorte de voile appelé SUFFIRULUM (t. IV, 2, p. 1561), que Festus définit 6 : a un vêtement blanc, bordé, quadrangulaire, plus long que large, que les Vestales mettent sur leur tête lorsqu'elles sacrifient et qu'elles attachent sur la poitrine avec une agrafe (Tbula) ». Parmi les statues exhumées dans les ruines de l'Atrium', une seule nous donne la représentation exacte de ce voile'. La plupart d'ailleurs (six sur dix) sont sans tête et les autres portent à même le suf/ibulum sur la chevelure, attaché par des fibules invisibles. Celui qui distingue la statue la plus ancienne parait avoir passé de mode et avoir été remplacé par un autre plus commode, sinon plus décoratif'. 1 LuseuaTie, t. III, 2, p. f41; Aulu-Gell. X, 15, 24 2 Serv. ad Aen. XI, 206; il est srai que, sous l'Empire, les Vestales n'usaient pas toujours de cc droit. V. Mommsen, Corp. roser. lat. I, p. 186. Cf. Premier, Hestia-Vesta, était conféré ; Plut. Numa, 10 ; Dio Cass. LV1, 10. V. d'autres textes relatifs aux privilèges des Vestales : Ctc. Rep. III, 10 ; Aulu-tell. X, 15, 31; 1, 12, 9; Senec. formulées par Gilbert, op. 1. II, p. 112 sq. note 3. 4 Les représentations que fournit la numismatique ne suffisent pas à nous donner une idée sûre et complète du costume ; il n'y a d'exception que pour le médaillon de Julia Domna, celui de Bellicia Ilodesta et le buste de Neratia (pierre gravée, Musée Carpegna). Cf. Visconti, Mus. Pio-Clem. t. 111, pl. A.; Jodan, p. 43 sq.; Lanciani, Nolizie p. 55: elles sont en réalité les seules prêtresses qui figurent dans l'organisme public de la religion de Rome ; elles y jouent le rôle des déléguées par l'État s Fest. 348 a; Pauly, 1. c. p. 340. Cf. Jordan, ibid. p. 54. Sur le détail des bandeaux, v. le même, p. 47. 7 Elles sont au nombre de dix; ibid. tab. VIII et IX. 8 Jordan, ibid. tab. 1X, fig. 10 ; reproduite de profil chez Thédenat, Le Sous cc voile, couronnant le front, apparaît la chevelure partagée en six tresses ou bandeaux, comme celle des fiancées. On en trouvera le détail à l'article INFULA, p. 515, fig. 4056 et 4057. Outre les têtes des trois statues 10, un médaillon à l'effigie de I3ellicia :Ilodesta, v(irgo) V(estalis), coiffée du CAPITAL (t. I, 2, p. 897, fig. 1144), achève de nous initier aux détails de la coiffure ". Les six bandeaux parallèles (par fois quatre seulement sont visibles) s'étagent sur le front sous le suf/ibulum et leurs extrémités se réunissent sur l'occiput où ce voile les recouvre. Varron parle de cette coiffure comme d'un emblème de virginité [coomA, 1, 2, p. 1367). Le plus souvent une tresse passe sous le premier bandeau, celui qui en diadème coiffe le front, cc qui démontre que les Vestales ne se faisaient pas couper ras la chevelure, quoiqu'on le soutienne parfois, à tort (fig. 7117)12. Au temps de Plaute, les six ban deaux étaient le privilège k-_ ,_.,.(j ----sic =., des matrones dès le jour du mariage ; pour se coiffer elles employaient la IIAS'rA CAELIRARIS (t. III, 2, p. 1655) ". Un bas-relief provenant d'un autel de Sorrente représente probablement cinq Vestales (une mutilation de la pierre a supprimé la sixième) ainsi drapées et voilées". Les statues conservées dans la maison de Vesta sont de grandeur naturelle ou s'en approchent; les plus récentes sont postérieures à IIadrien, peut-être même du me et du Ive siècle; celles qui sont sans tête ont également perdu les mains et même les bras. Des autres, l'une tient dans la main gauche une touffe de pavots ; la droite réunit sur la poitrine les plis du voile tombant Celle que nous reproduisons (fig. 7418) n'a plus de bras; la tête en est singulièrement expressive ; le suf/ibulum couvre directement la chevelure et ne dépasse pas les épaules (fig. 4056)16; il ne faut pas le confondre avec le voile formé par le pan dû manteau ramené sur la tête14 (fig. 7418); cette Forum Romain, p. 327, fig. 57. Il y a des traces d'oxydation sur la poitrine, laissées sans doute par un collier en métal. C. \Vuscher-lieeelu, Die Kopftracht talschrift, 1902, p. 343 sq. 9 Des allusions à ce voile sont probables chez Prop. V, 1 t, 54 carbasus alba ; Val. Max. 1, 2. 7 ; Dion. Halle 68. Le costume plus récent nous est donné par les autres statues; la plus complète, reproduite par Thédenat, fig. 56, p. 325 ( = notre fig. 7418), porte chez Jordan le es 2, tab. VIII. f0 Jordan, tab. VIII, 1, 2 et 3. 11 Ifuorarotti, Jledagl, senis crinibus nubentes ornantur. V. chez Jordan, Lab. X, fig. 11, la coiffure eue par derrière = (notre fig. 7417, d'après Daumetster, Ante/se Denlcnz. fig. 2171). 12 V. Jordan, Op. 1. p. 48 : Il est superflu do constater que nos statues fournissent la preuve, sans réplique, que les Vestales n'ont pas tondu ras leur chevelure naturelle. Cf. Lanciani, Notisie d. seaz'i, 1883, 403. 14 Gerhard, Antike T3ildwerke, tab. 24 (ou des matrones romaines 7); S. Reinach, Répert. de reliefs, III, p. 421, C-D. 13 Jordan, Op. 1. Lab. VIII, fig. 36. VES 760 VES oeuvre d'art peut dater du 1" siècle de notre ère'. Avec les statues, mais sans qu'on ait réussi à les répartir sûrement entre elles, on a exhumé des piédestaux munis d'inscriptions, dont nous avons parlé plus haute. Les plus récentes sont les plus prolixes, caractère qui leur est commun avec les inscriptions triomphales des nie et ive siècles 3. Les plus anciennes donnent le moins de biographie possible, se bornant à mentionner la charge des Vestales et le trait caractéristique de leur gestion. Les dédicants sont ou des collèges sacerdotaux ou des prêtres isolés, des parents, des affranchis, des subordonnés, ceux-ci en témoignage de gratitude 4. Dans le nombre on remarque deux fectores attachés à la maison des Vestales; ces tores avaient pour métier de confectionner les gâteaux sacrés et de modeler des exvoto qu'il était d'usage de suspendre dans les temples 5. Outre la reconnaissance qui a dicté la plupart des hommages, il faut y noter une admiration expressive qu'on devine sincère. Remarque qui a son intérêt : aucune des statues dont la tête subsiste ne donne l'impression d'une femme ou vieille ou sur le retour. Toutes sont dans la force de l'âge, remarquables par la beauté plutôt que par la grâce s. Une statue d'homme a été trouvée dans la maison des Vestales ; Lanciani a émis l'hypothèse, très plausible, qu'elle représente un de leurs protecteurs, contemporain de Symmaque '. L'une des inscriptions, datée du 9 juin de l'an 364 après J.-C., offre une particularité curieuse : le nom de la Vestale glorifiée, pour sa science et pour sa vertu, par les pontifes et le promagister, a été martelé ; c'est-à-dire que, postérieurement à l'hommage, l'intéressée s'en était rendue indigne. On a supposé qu'elle avait manqué à sonvmu de chasteté ou qu'elle s'était faite chrétienne; l'histoire de ce temps mentionne les deux cas et les deux hypothèses sont également plausibles 3. Terminons en observant que sur dix-sept inscriptions mises au jour, une même Vestale, de la fin du Ive siècle, Flavia Publicia, en a inspiré six pour sa seule part; elles émanent de personnalités très diverses; dans le nombre [figurent deux centurions qui témoignent de leur gratitude : ob ea2imiam erga se benevolentiam 9. les organismes cultuels de Rome, celui qui avait pour siège la maison des Vestales s'est défendu le plus longtemps et le plus complètement contre tonte altération et toute innovation; il s'est imposé par son prestige moral et religieux à la vénération des foules et à la sollicitude des gouvernants. Pendant dix siècles entiers, il a rendu à l'État romain le service que ses fondateurs semblent avoir prévu et voulu dès l'origine : il a confié à un petit groupe de vierges, pures et saintes, l'autel d'où montait, vers la divinité chaste par excellence, la flamme en qui vivait l'âme de la cité d'abord et finalement celle de la civilisation romaine dans le monde entier. Le respect que cette institution suscitait devait triompher même, pendant quelque temps, de l'hostilité de principe que le paganisme inspirait aux empereurs chrétiens. Constantin respecta les privilèges de la maison des Vestales et la religion du temple de Vesta 10. Gratien, qui avait dépouillé la dignité de Grand Pontife et confisqué les biens de tous les temples, porta atteinte le premier à l'institution des Vestales ". Dans le même temps Minucius Felix, ne pouvant attaquer son esprit même, s'attacha à dénigrer ses ministresf2. Sous Eugène, le Sénat s'intéressa encore à leur cause, que défendit Symmaque et qui, un instant, sembla pouvoir triompher, ce qui provoqua la protestation de saint Ambroise. C'est sous Théodose seulement que le collège des Vestales fut définitivement dissous; un historien parle de la dernière, survivant seule et âgée, au désastre de sa maison, qui fut celui du paganisme romain13. J. A. Hien.