Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VIATOR

VIATOR. 1. Appariteur. Les magistrats romains et plus tard aussi l'empereur ont eu à leur service divers appariteurs, parmi lesquels les licteurs, les hérauts et les viatores' [APPARITORES]. Chacun de ces corps, appelé à l'origine collegium, avec un magister', comprend trois décuries 3, dont la première, la decuria consularis, est réservée aux consuls, aux préteurs, à l'empereur, et sans doute aussi, le cas échéant, aux dictateurs", et possède peut-être quelques hommes montés Les tresviri capitales et les quatuorviri viarum curantdaman ont des viateurs communs 6. Ceux des questeurs du trésor, au nombre de huit depuis la loi de Sylla de 817, forment une décurie'. Les édiles curules en ont eu à l'origine; ceux de la plèbe, depuis une loi Papiria de date inconnues. Les viateurs des tribuns de la plèbe forment une décurie'°. On en trouve aussi auprès des augures, des septemviri epulones, des sodales Augustales, des quindecimviri sacris faciundis ". Ce sont surtout des affranchis, soit de particuliers, soit de l'empereur, ou des gens de condition inférieure 12; quelquesuns cependant sont arrivés au titre et à des fonctions de chevalier 13. Lpaphroditus, célèbre affranchi de Néron, qui aida son maître à se donner la mort, s'intitule Caesarum viator14. Ils ont des fonctions analogues à celles des licteurs' 6 ; les magistrats supérieurs les chargent en particulier d'aller convoquer les sénateurs à la campagne", de faire des citations judiciaires, d'amener les récalcitrants, d'exécuter des saisies, des arrestations, de leur fournir des renseignements, quelquefois même de servir d'arbitres". Auprès des questeurs du trésor ils sont messagers, caissiers, avec l'aide de subalternes, de tabularii 13; on a déjà signalé [snccus, p. 933] les fonctions de garçon de caisse ou de recette, qui sont symbolisées dans certains reliefs funéraires par une bourse portant le titre de l'employé (fig. 740 = 5988). Auprès l1. des édiles et surtout des tribuns de la plèbe, qui n'ont pas de licteurs, ils exécutent les citations et aussi la coercitions. En dehors de Rome il y a des viateurs auprès des gouverneurs de province20, dans l'office desquels ils ont pu se maintenir très tard comme porteurs de citations21. Dans le régime municipal, on trouve à Narbonne une décurie de licteurs et de viateurs, probablement réunis 22 , à Ostie des décuries de scribes, copistes, licteurs, viateurs, hérauts23 ; dans la loi de la colonie Julia Genetiva, en Espagne, deux viateurs pour chaque duumvir avec quatre cents sesterces de traitement 21. Sous le Bas-Empire on trouve encore trois viateurs dans l'office du préfet de Rome25. II. Voyageur. Dans le monde grec, à toutes les époques, les voya ges ont eu lieu le plus souvent par mer [NAvis]. Sur terre on voyage à cheval ou à mulet, en portant avec soi ou en faisant porter ses bagages par des esclaves, âro),ouOot, qui suivent à pied, quelquefois montés 2G. La voiture, généralement à deux roues, rarement à quatre, est peu employée, sauf par les femmes' et la réception des voyageurs sont assurées par les institutions de l'hospitalité publique et privée [ROsrITIUXI] et de la proxénie [PROxENIA]. Les auberges où on donne le logement et la nourriture, nombreuses dans les ports, tenues par les xâ7rrr),ot, ont déjà la mauvaise réputation qu'elles garderont à l'époque romaine 28 [CAUPONA, MERCATOR, p. 1733]. Les voyageurs sont avant tout des marchands, des députés chargés de missions politiques, des pèlerins qui vont aux fêtes religieuses, aux jeux, mais il y a eu aussi de bonne heure des curieux, des touristes, tels que Pythagore, Solon, Hérodote, Hécatée de Milet. C'est surtout après les conquêtes d'Alexandre et l'extension de la domination romaine dans tout le bassin de la Méditerranée que se sont multipliés les voyages, en même temps que les relations commerciales, grâce aux progrès de la paix, de la sécurité sur terre et sur mer '9, de la création d'un réseau de routes, plus tard de la poste officielle [cursus PuBLICUS, via]. Les voyageurs utilisent selon leur qualité soit la poste [CURSUS PUBLICUS], 103 VIA -818 VIA soit l'hospitalité publique ou privée 1 [uosprnun, nosrl qu'on trouve maintenant partout, même dans les pays les plus sauvages2 [GAUPONA, TABERNA]. Le droit romain a établi la responsabilité des aubergistes pour les dommages subis par leurs clients pendant leur séjour3. Les riches logent quelquefois sous des tentes' ou achètent dans les provinces de petites maisons qui les reçoivent Les pauvres vont à pied, s'appuyant sur leur bâton, couverts du manteau à capuchon [CUCULLUS], se désaltérant aux puits qu'ils rencontrent en route (fig. 7441) 6. Les conditions des voyages par mer ont été exposées aux articles rement à pied, sauf pour les petites distances, souvent à cheval où à mulet, avec des bagages [STABULUM], ou en litière [LECTICA], mais généralement en voiture [ARCERA, ralement un ou plusieurs esclaves 9; les riches, surtout sous l'Empire, ont des équipages richement harnachés, de nombreuses voitures, avec toutes sortes de commodités, où on peut lire, écrire, dormir [DORMITOnlUM]; toute une escorte avec de la vaisselle, du mobiliert0 ; des coureurs, souvent des Africains, des nègres revêtus de costumes spéciaux 11 [cunSOnES] et qui, au service de l'Empereur, constituent un collegium12. On trouve partout des mule tiers [MOLLO], des loueurs de voitures [CISIARU, RHEDA], de bêtes de trait, jumentarii, groupés en corporations f 3. La rapidité des voyages par terre est naturellement très variable. Ce sont les courriers à cheval qui vont le plus vite, faisant environ de 40 à 50 milles par jourli; les voitures vont plus lentement; on met huit à neuf jours pour aller de Brindes à Rome 15, six de Modène à Rome 16 ; césar est allé de Rome au Rhône en huit jours, à Oblllco de Bétique en vingt-sept jours 17. Pour les délais judiciaires on compte vingt milles par jour". De nombreuses causes ont multiplié les voyages. Citons d'abord la centralisation administrative qui amène les députés, les solliciteurs de toutes sortes auprès du Sénat, auprès de l'empereur, à Rome ou dans les lieux qu'il visite, dans les capitales des provinces [LEGATIO], aux sièges des CONVENTUS, qui envoie les procurateurs et les autres fonctionnaires dans toutes les parties du monde romain [PROCURATOR] 19 ; les rapports entre les associations [THIASOI], en particulier entre les communautés juives et chrétiennes; le transport des marchandises par les marchands qui souvent vont les chercher, les amènent eux-mêmes20 [MERCATOR] ; l'envoi des lettres, de plus en plus nombreuses, généralement au moyen des TABELLARII21 ; les rapports entre les colonies d'étrangers, de marchands, surtout orientaux, syriens, juifs, établies dans presque toutes les grandes villes de commerce [JUDAEI, MERCATOR, p. 1738]'"; les tournées des artistes 23, surtout des comédiens [DIONYSIACI ARTIFICES] les études des savants de toute sorte, philosophes, archéologues, naturalistes, médecins, qui entreprennent fréquemment des voyages scientifiques, tels que Posidonius, Mégasthène, Diodore de Sicile, Strabon, Pausanias, Dioscoride, Apulée, Galien, Artémidore 24; l'enseignement des professeurs, des rhéteurs et des sophistes, qui vont souvent de ville en ville, circulatores, 27Eptolau2a( [EDUCATIO] 26; la réputation des grands centres d'instruction, tels qu'Athènes, Rhodes, Mytilène, Pergame, Alexandrie, Rome, Marseille, Bordeaux, Autun, Trèves, Cartilage 26, Antioche 27, Smyrne 28, Milan 29, Tarse 3° [EDFCATIO, pp. 487, 490]; l'attrait des grandes fêtes religieuses, des mystères [MYSTERIA, p. 2137] ; des jeux de Rome, d'Olympie 31 et d'autres grandes villes qui attirent les pèlerins et les curieux. Les médecins recommandent aux malades les voyages, les changements de climat32, le séjour dans les forêts 1 VIA 819 VIA de pins, au bord de la mer, dans les montagnes, dans les pays chauds, Égypte, Afrique', l'emploi des eaux miné rales [AQUAE, DALNEUM, FoNS]. Les habitants des grandes villes, en particulier les Romains des hautes classes, qui ont toujours eu le goût de la vie rurale, vont de plus en plus passer l'été 2 et même la plus grande partie de l'année dans leurs villas, à la campagne, sur les bords de la mer, sur les côtes du Latium, de la Campanie, de l'l trurie [LATIFUNDIA, pp. 956, 957, 962; VILLA] 3. Les touristes vont dans les stations à la mode, selon les saisons, en été par exemple, à Préneste, Tibur, Tusculum, Aricia, dans les chaînes de l'Algides, des monts Albains; au printemps et en hiver à Velia, Salerne, Tarente 6 et surtout au golfe de Baïes6. Le goût des spectacles naturels, la curiosité pour tous les monuments et les souvenirs de l'antiquité, pour les objets d'art, pour les raretés scientifiques, archéologiques, se sont développés dans toutes les classes de la société'. Les touristes, au service desquels abondent les guides, les exégètes, les périégètes [EXEGETAE, p. 885], pour qui ont été rédigés des itinéraires, des guides [GEOGRAPIIIIA, p. 1526] ", sortent rarement des frontières de l'Empire visitent Rome, l'Italie, la Grèce, les côtes de l'Asie Mineure, en particulier Smyrne, Pergame, Éphèse, Ilion 10; parmi les îles Délos, Chies, Chypre, Samos, Lesbos, Rhodes"; la Sicile12, la Gaule, l'Espagne73, l'Égypte depuis Alexandrie jusqu'àSyène's, notamment Memphis, les pyramides, les ruines de Thèbes, le colosse de Memnon, le lac de Moeris, les premières cataractes 15. Sous l'Empire, le type du voyageur passionné est l'empereur Hadrien; il consacra plusieurs années, entre 121 et 134, à visiter la Gaule, la Bretagne, l'Espagne, la Maurétanie, la Grèce, la Sicile, l'Asie Mineure, la Syrie, l'Arabie, l'Égypte ; l'impératrice Sabine l'accompagna dans beaucoup de ses tournées. Dans sa villa de Tibur il fit reproduire, à grands frais, les monuments et les sites qui lui avaient paru les plus dignes d'admiration : le Poecile d'Athènes, un stade et plusieurs théâtres, la vallée de Tempé avec ses ombrages, la villa égyptienne de Canope avec son sanctuaire de Sérapis et son canal couvert de gondoles [VILLA]. Rome lui en voulait de prolonger si longtemps ses absences 16A l'exemple de l'empereur, les riches citoyens parcouraient le vaste domaine des possessions romaines ; ils gravent souvent sur les monuments des inscriptions en souvenir de leur passage et particulièrement les prières qu'ils y ont adressées aux divinités''. Ils admirent entre autres monuments les sept merveilles du monde, classées probablement à Alexandrie au me siècle"; les pyramides d'Égypte, la statue de Zeus Olympien de Phidias, le colosse de Rhodes 19, le temple d'Artérnis à Éphèse, le Mausolée d'Halicarnasse, les jardins de Sémiramis et les murs de Babylone, le phare d'Alexandrie et le temple de Jérusalem. Ils visitent les temples, les parcs qui en dépendent, les véritables musées d'objets d'art, de tableaux, de curiosités scientifiques, de souvenirs divins et historiques qu'ils renferment [DONARIA] 2'; les lieux et les objets historiques ou prétendus tels, par exemple le bâcher d'Hercule sur l'Oeta 21, les tombeaux d'Achille et de Patrocle à Ilion 22, de Pompée à Péluse, d'Ajax à Troie, de Codros sur l'Ilissos, d'Épaminondas à Mantinée, de Pindare à Thèbes, de Démosthène à Calaurie 23, d'Alexandre à Alexandrie 24, la maison de Pythagore à Métaponte 25 celle où était mort Alexandre à Babylone 26, le camp d'1née à Laurentum, les souvenirs de Scipion à Liternum, de Tibère à Caprée, la maison d'Horace à Tibur2'. Les touristes sont également attirés par les beaux paysages of" ils voient l'empreinte et la présence de la divinité", par les sources [FONS, NYMPHAE], par les grottes 29, les forêts, les arbres vieux ou gigantesques, surtout les platanes 30, par la vallée de Tempé, par Charybde et Scylla3t, par les phénomènes naturels, tels que VIC 820 -VIC le flux et le reflux de l'Océan l'Averne, les exhalaisons du gouffre d'Hiérapolis'. Quoique les anciens aient éprouvé une sorte de répugnance à l'égard des hautes montagnes et n'en aient guère vu que les difficultés et les dangers3, les touristes gravissent cependant quelques sommets, le Tmolos de Sardes, l'Argée de Cappadoce, le Casios et surtout l'Etna'. Cu. LÉclnvAlx.