Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VITIUM

VITIUM. Le mot vitium désigne toute irrégularité commise dans l'accomplissement des solennités d'un acte religieux, juridique, ou de procédure. On considère aussi comme vicié l'acte juridique qui ne réunit pas, lors de sa formation, les conditions de fond requises pour sa validité. La loi Cornelia de falsis qualifie vitium et punit comme un crime l'alliage d'un métal moins précieux à un lingot d'or fin, destiné à servir d'instrument d'échange [LEx, p. 1138, n. 25]. On qualifie également vitium certaines fautes commises dans l'exécution d'une obligation. Des mesures spéciales ont été prises par les Édiles pour prémunir les acheteurs contre les vices rédhibitoires; par le Préteur pour protéger les propriétaires voisins d'une maison qui menace ruine. On a étendu l'emploi du mot vitium à certaines défectuosités de la possession prévues par l'Édit prétorien (violence, clandestinité, précarité) ou par la loi (furtivité, violence, mauvaise foi) et qui entrai 117 VIT 930 VIT nent le refus d'un interdit ou l'exclusion de l'usucapion. Mais les Romains ne font pas usage du mot vitium pour désigner ce qu'on appelle aujourd'hui les vices du consentement'. L'Édit du Préteur et la jurisprudence n'en ont pas moins tenu compte du dol, de la violence, de l'erreur, qui, suivant les cas, donnent lieu à une action ou à une exception, Qu qui parfois entraînent la nullité d'un contrat [OBLIGATIO, p. 139]. Ce n'est pas ici le lieu d'exposer la théorie romaine de la nullité des actes juridiques ; elle dépasserait la portée du mot vitium. On se bornera à réunir et à classer les principaux cas où un acte est considéré comme vicié, et à indiquer l'influence exercée par le vitium sur le sort de l'acte. On laissera de côté les vices relatifs aux auspices, à l'élection des magistrats, à la confection des lois ; la question a été traitée aux articles AUGUR (p. 557), AUSPICIUM (p. 584), LUX (p. 1125). 1. VICES DE FORME. 1. Actes legitimi. De très bonne heure, l'observation scrupuleuse des rites consacrés par la loi ou par la coutume des ancêtres, ou établis par la jurisprudence pontificale, a été rigoureusement exigée pour les actes qualifiés (ictus legitimi' [sus, p. 740]. Tels sont la mancipation, l'acceptilation, l'adition d'hérédité par voie de cretio, le legs d'option d'un esclave, la nomination d'un tuteur. Cette règle a été maintenue sous l'Empire, bien que le formalisme soit en décadence 3. Au début dtf me siècle, Papinien affirme que les actes legitimi sont entièrement nuls (in totem vitiantur), lorsqu'ils sont affectés d'une modalité telle que le terme ou la condition4. Mais il ajoute que la règle ne s'applique pas aux modalités tacites; c'est une atténuation apportée à la règle antique. L'acceptilation d'une dette conditionnelle est subordonnée àla même condition que l'obligation à éteindre ; elle est valable parce que la modalité n'est pas comprise expressément dans la formule de l'acceptilation. De même est valable la mancipation faite pour constituer une dot, bien qu'elle soit soumise à la condition tacite que le mariage aura lieus. C'est l'application de l'adage : Expressa nocent, non expressa 2. Adoption. L'adoption irrégulière en la forme peut être confirmée par un rescrit de l'empereur 7. 3. Tutelle. La présence d'un tuteur à l'acte accompli par le pupille est nécessaire pour la validité de l'auctoritas 8. Mais, au me siècle de notre ère, lorsque, suivant l'usage emprunté aux Grecs, l'acte est rédigé par écrit, il suffit qu'il mentionne l'auctoritas du tuteur'. 4. Testament. Toute disposition testamentaire, pour être efficace, doit être exempte de vice dès sa formation (ab initio)10. On n'a pas à rechercher si le vice a disparu à la mort du testateur". Quod ab initio vitiosum est, dit le jurisconsulte Paul, non potest tracte temporis convalescere f2. Mais cette règle a reçu diverses atténuations. Tout héritier doit avoir vocation à la totalité de la succession : l'institution, limitée à une chose déterminée (ex re certa), est vicieuse. Pour concilier la règle avec la faveur due aux testaments, la jurisprudence a eu recours à un expédient : la mention de la res certa est réputée non écrite 13. De même est vicieuse l'institution d'héritier faite sous un terme suspensif ou extinctif, à cause de la règle qui ne permet pas de mourir â la fois testat et intestat ; ici encore la modalité est réputée non écrite; l'institution est valable, vitio temporis sublato' Le père, qui a institué pour unique héritier son fils impubère, ne peut lui nommer un substitué pupillaire par un codicille ; la substitution comme l'institution doit se faire par testament. Si donc l'enfant meurt étant encore impubère, la succession n'est pas déférée au substitué. Mais, par une interprétation bienveillante, on admet que, si la mère recueille ab intestat l'hérédité de son fils, elle sera obligée envers le substitué comme si elle avait été grevée d'un fidéicommis'. Un testament, pour être valable, doit être fait par 'un citoyen romain sui juris. Si cependant le testateur a acquis la cité romaine ou est devenu sui juris au jour du décès, et que le testament soit revêtu du sceau de sept témoins, la nullité initiale sera couverte: le Préteur donnera à l'héritier, institué par une personne incapable lors de la confection du testament, la bonorum possessio secunduln tabulas 16. L'omission d'un fils est un vice du testament : le fils doit être institué ou exhérédé nominativement. Mais si, au lieu de réclamer à ses frères sa part héréditaire, le fils omis s'abstient, le testament nul devient valable ex post facto 17. De même, suivant les Proculiens, lorsque le fils omis meurt avant son père ". Dans l'un et l'autre cas, la nullité initiale est couverte, parce que la personne, dans l'intérêt de laquelle elle a été édictée, est décédée ou renonce à faire valoir son droit. Dans d'autres cas la règle a été rigoureusement maintenue. L'exhérédation d'un fils est vicieuse, lorsque le testateur ne l'a pas répétée autant de fois qu'il a établi de degrés de successibles (institués et substitués)19. Le père,qui fait une substutition pupillaire, doit d'abord instituer son fils impubère, puis désigner le substitué. Il ne peut pas changer cet ordre (ordinem scripturae convertere) ; c'est un vice que rien ne peut effacer. Le père n'a pas le droit de faire le testament de son fils avant d'avoir fait le sien 20. Les Sabiniens refusaient pareillement de valider la nomination de tuteur écrite avant l'institution d'héritier ; mais les Proculiens admirent qu'on pouvait ici changer l'ordo scripturae, parce que cette clause ne fait aucun tort à l'héritier 21 Le vice de forme de certaines dispositions testamentaires peut être effacé par un rescrit de l'empereur : par exemple la nomination d'un tuteur ou curateur dans un codicille non confirmé, ou par une formule impropre. Si, au lieu de s'exprimer à l'impératif et d'employer le terme technique de tuteur ou curateur, le testateur a dit : « je te demande de prendre soin de ses biens" », la disposition doit être confirmée. Le vice résultant d'un fait qui entraîne l'infirmation d'un testament 23 est susceptible d'être effacé dans certains cas [TESTAMENTUM, p. 143, n. 16]. VIT -J31 VIT En matière de legs, un sénatus-consulte du règne de Néron' a écarté la nullité résultant d'un verborum vitium 2. Désormais l'emploi d'une formule impropre en raison de l'objet légué n'empêche pas le legs de valoir : on traite ce legs comme s'il avait été fait per damnationern 3. Certains jurisconsultes ont même validé, en vertu du sénatus-consulte Néronien, un legs per praeceptionem fait à une personne autre qu'un héritier; ils estimaient, contrairement à la doctrine Sabinienne, qu'il y avait ici, non pas un vitium personne, mais un verborum vitium 4. Cette opinion a prévalu ' [LEGATUM, p. 1041]. 5. Stipulation, acceptilation. Le formalisme a été ici de plus en plus atténué. Pour la stipulation, on admet sous l'Empire de très nombreux équivalents aux termes primitivement consacrés. Seule, la forme de la sponsio est restée propre aux citoyens romains 6 employée par un pérégrin, elle ne crée pas d'obligation. Quant à l'acceptilation, lorsqu'elle est nulle en raison de sa forme, elle vaut tout au moins comme simple 6. Actions de la loi. L'emploi des paroles rituelles a été ici de tout temps rigoureusement exigé: ces paroles étaient immuables comme la loi ; le moindre verborum vitium entraînait la perte du procès. Gains, en cite un exemple frappant : un plaideur, dont les vignes avaient été coupées, exerça une action de la loi de vitibus succisis ; il perdit son procès parce qu'il aurait dû employer le mot arbor, seul consacré par la disposition des Douze Tables de arboribus succisis 8. Gaius attribue cette rigueur excessive à la jurisprudence pontificale [LEGIs 7. Procédure formulaire.Cette procédure est moins périlleuse que celle des actions de la loi. Il y a cependant certains cas où un verborum vitium entraîne la perte du procès, par exemple lorsque le vice existe dans l'intentio de la formule. Le plaideur qui, ayant stipulé de la pourpre en général, demande de la pourpre de Tyr, même celle qui est le meilleur marché, perd son procès pour cause de plus petitio : il enlève au débiteur la faculté de choisir 10. Mais cette règle ne s'applique qu'aux formules in jus à intentio certa L'erreur commise dans la demonstratio oblige seulement à recommencer le procès; le droit reste intact. Falsa demonstratione, dit Gaius, rem non perimi 12. Plus grave est l'erreur commise dans le montant de la condenlnatio : si le chiffre indiqué est trop fort, le juge ne peut le réduire; mais le Préteur accorde au défendeur l'in integrum restitutio; s'il est trop faible, le demandeur n'obtient que la somme fixée; il perd son droit pour l'excédent, sans pouvoir espérer une in integrum restitutio, à moins qu'il ne soit mineur de vingtcinq ansi3 On considère également comme un vitium la faute commise par un plaideur dans l'exercice d'une action en justice '¢ ou dans la défense à une action'", lorsqu'elle entraîne la perte du procès (vitio suo causa cadere). Le créancier d'une rente viagère doit, lorsqu'il réclame en justice une annuité, faire insérer une praescriptio dans la formule pour se réserver le droit d'exiger les annuités subséquentes. L'omission de cette clause entraîne la perte du droit d'action pour l'avenir '6. De même celui qui réclame la mancipation d'un fonds doit avoir soin de se réserver par une praescriptio le droit de demander plus tard la traditionl' [PRAESCRIPTIO]. Le défendeur qui omet de faire insérer dans la formule une exception péremptoire peut demander au Préteur l'in integrum restitutio13 8. Procédure extraordinaire. Il n'y a plus ici de formules ni de solennités à accomplir; il ne devrait plus exister de vice de forme. Cependant la règle sur les effets de la plus petitio a été conservée en Occident; elle aété écartée en Orient par Justinien. Mais le demandeur qui enlève au défendeur la faculté de choisir l'objet dû paie le triple du dommage causé au défen deur 19. II. VICES DE FOND. Un acte juridique est entaché d'un vice de fond lorsqu'il ne réunit pas les conditions requises pour sa validité, ou lorsqu'il est contraire à la loi, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Les Romains emploient rarement le mot vitium pour désigner cette sorte de vice. Voici les principaux cas où ils en ont fait usage. 1. iih riage. Le mariage Contracté entre un citoyen romain et une pérégrine, ou réciproquement, est atteint d'un vice qui le rend nul au regard de la loi romaine. Mais si les parties ont commis une erreur sur leur nationalité, le vitium matrimonii est effacé grâce à un sénatus-consulte mentionné par Gaius 20 ; les enfants nés de ce mariage sont en général sous la puissance de leur père 21 [CONNUmI JUS, p. 1446]. A l'inverse, un mariage régulièrement contracté n'est pas vicié par la survenance d'un fait postérieur 22. 2. Tutelle. Le père ne peut nomrner un tuteur testamentaire à son fils, lorsque l'enfant n'est pas sous sa puissance. La mère ne peut pas valablement nommer un tuteur testamentaire à son enfant. Mais, dans l'un et l'autre cas, la nomination peut être confirmée par le magistrat 23 Le pupille ne peut ni aliéner, ni s'obliger, ni faire une adition d'hérédité sans l'auctoritas de son tuteur 24. Lorsqu'un tuteur testamentaire invoque le jus liberorum pour s'excuser de la tutelle [LIBERORUM JUS, p. 1196] et ajoute qu'il a été nommé vitiose parce que le pupille a un tuteur légitime, son oncle paternel, le décret du magistrat, qui écarte sa demande en déclarant qu'il n'a pas besoin de se faire excuser, contient un vitium pronuntiationis : il n'a pas statué sur l'excuse fondée sur le nombre des enfants. Par suite, le tuteur, n'ayant pas été excusé, reste tuteur 25 3. Acquisition de la propriété. La donation d'une res mancipi entre époux, réalisée par voie de tradition, devient valable ex post facto, si le mariage est dissous avant l'achèvement de l'usucapion ; le vice de l'acte est effacé (vitium amotum). A l'inverse, la tradition d'une 932 v1T res mancipi à titre de donation, faite entre personnes étrangères l'une à l'autre, reste valable si le donateur épouse ensuite la donatrice avant l'achèvement de l'usucapion : l'acte a été, lors de sa formation, pur de tout vice (sine vitio) i. L'acheteur, qui s'est mis de lui-même en possession de la chose vendue, n'en devient pas propriétaire, parce qu'il n'y a pas eu tradition ; mais si la prise de possession a eu lieu sine vitio, l'acheteur pourra écarter l'action en revendication exercée par le vendeur, au moyen de l'exception rei venditae et traditae 2. Pour usucaper, le possesseur doit être de bonne foi à l'initium de la possession qu'il invoque ; si, après avoir possédé la chose, sa possession a été interrompue, et qu'il ait plus tard recouvré la possession de cette chose, l'initium se place au moment de la seconde prise de possession '. La possession se transmet avec ses vices aux ayants cause à titre universel ou particulier. A une possession vicieuse on ne peut rien ajouter. A une possession exempte de vices on ne peut joindre une possession vicieuse 4. Si un esclave acquiert pour son pécule une possession vicieuse, le vice se transmet à la possession du maître Parmi les causes qui empêchent l'usucapion de s'accomplir figure le vitium rei', du moins tant qu'il n'est pas purgé' : tel est le cas d'une chose volée 8, d'un immeuble dont on s'est emparé par violence, d'une chose qui ne peut être aliénée (res fisci), des épaves d'un naufrage e [NAUFRAGIUnM, p. 9]. Mais le possesseur de bonne foi peut acquérir les fruits de la chose, bien qu'il ne puisse l'usucaper '° [USUCAPIO, p. 607]. 4. Stipulation. L'une des conditions de validité est la concordance entre la demande et la réponse. Si le débiteur ajoute ou retranche quelque chose, le contrat est vicié, à moins que le stipulant n'accepte la modification séance tenante". La stipulation pour autrui est nulle 12. Un affranchi, par exemple, ne peut stipuler pour son patron, dont il gère les biens, le remboursement d'un capital qu'il a prêté. Mais si, dans la stipulation d'intérêts consécutive au prêt [nIUTUUn, p. 2132], il a omis d'ajouter le nom de son patron, la stipulation est censée faite à son profit personnel, et par suite elle est valable i3 ; l'omission de l'adjectio nominis couvre la nullité, bien que la stipulation d'intérêts ne puisse profiter à un autre qu'à celui qui a stipulé le capital. Les stipulations prétoriennes sont non avenues lorsqu'elles sont entachées d'un vice " [STIPULATIO, p. 1520]. 5. Gage. Le gage, constitué par une personne qui n'est ni le propriétaire de la chose, ni son mandataire ou son gérant d'affaires S5, est vicié dans sa formation 16 11 en est de même du gage constitué par un propriétaire qui n'est pas capable d'aliéner f7. Si l'on a engagé la chose d'autrui sous la condition que la chose deviendra la propriété du constituant, ou si le propriétaire devient l'héritier du constituant, le gage vicié dans son origine ne devient pas valable aprés coup, mais on donne au créancier une action pigneraticia utile1° [HYPOTHECA, p. 361]. 6. Testament. Gaius signale comme un vitium personae l'absence de testamenti factio chez le légataire. Ce vice ne peut être couvert par application du sénatusconsulte Néronien 19. L'institution d'héritier est viciée lorsque le testateur, au lieu de désigner lui-même l'héritier, confie le choix à un tiers20. rédhibitoires les vices qui rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel elle est destinée21, et que l'acheteur n'a pas connus22. L'Édit des Édiles rend le vendeur responsable de ces vices, lorsqu'il ne les a pas déclarés, dans les ventes d'esclaves faites sur les marchés23. Un second édit a établi une règle analogue pour la vente des bêtes de somme (chevaux, ânes, mulets)24; on l'a étendue aux animaux de trait (boeufs) et à toute espèce de bétail (pecus) 23. Dès le temps de Labéon 26 la jurisprudence a généralisé l'application de ces édits : dans toutes les ventes de meubles ou d'immeubles le vendeur doit garantir l'acheteur contre les vices rédhibitoires. L'obligation est sanctionnée soit par une action en résolution du contrat, soit par une action en diminu La notion des vices rédhibitoires a été précisée par la jurisprudence dans les commentaires sur l'Édit des Édiles de mancipiis. En principe il s'agit de vices qui ne sont ni apparents 27, ni insignifiants 28. Bien que la maladie puisse être un vice rédhibitoire, l'Édit la distingue du vice proprement dit 29. Ce sont, d'après Ulpien, deux choses très différentes : le bégaiement est un vice, ce n'est pas une maladie 30. Il n'est pas nécessaire que la maladie soit chronique ; il suffit qu'elle soit grave 31 En général, on ne considère comme vices rédhibitoires que les vitia corporis 32. Les vitia animi ne donnent lieu à rédhibition que si le vendeur s'est obligé à les garantir 33, ou lorsqu'ils sont la conséquence d'un vitium corporis 34. Mais l'acheteur peut demander des dommages-intérêts en exerçant l'action empti u, Tel est le cas où l'esclave est irascible, mélancolique, timide outre mesure, menteur, processif, ivrogne, joueur, idiot"; de même s'il a coutume de se démener autour des lieux consacrés (circa fana bacchari) et de donner des réponses comme un fou 37 [FANCM, p. 975]. Deux cas sont exceptés : le vitium animi est traité comme le vitium corporis lorsque l'esclave est fugitif ou vagabond". Le premier vice s'apprécie d'après l'in VIT 933 -VIT tentïon qu'avait l'esclave lorsqu'il a quitté son maître (ex a fJ'ectu animi)' : il est parti sans esprit de retour 2. Peu importe qu'il change d'avis et réintègre la maison, si, lors de son départ, il a eu la volonté de se soustraire à l'autorité dominicale. N'est pas fugitif celui qui se sauve pour échapper à l'ennemi, à un brigand, à un incendie, à l'écroulement d'une maison 3 ; ni même celui qui a commencé à courir, mais qui, poursuivi par son maître, ne peut manquer d'être arrêté'. A l'inverse un esclave peut être fugitif, tout en étant dans la même maison que son maître. Un jurisconsulte du temps de Vespasien, Caelius Sabinus, qui fut consul en 69, en cite un exemple : l'esclave d'un affranchi qui occupe dans la maison de son patron un appartement isolé, dont toutes les pièces sont sous la même clef (conclave), s'est caché pendant une nuit hors de l'appartement de son maître, mais dans la même maison; c'est un fugitif. II en serait autrement, si le maître habitait un logement (cella) ayant une entrée commune avec d'autres logements (cui commune et promiscuum plurium cellarum iter est) : la volonté de fuir ne serait pas ici manifeste L'esclave vagabond (erro) est celui qui est sans cesse dehors, qui passe son temps à s'amuser et rentre tard à la maison G. L'Édit des Édiles considère comme rédhibitoire un vice d'une nature différente : lorsqu'un esclave est soumis à une action noxale en raison d'un délit privé' [NORA, p. 112]. Les règles qui précèdent sur les maladies et les vices des esclaves sont à peu près les mêmes pour les animaux 8. Mais un animal ne peut être fugitif ou vagabond dans le sens qui vient d'être déterminé pour les esclaves'. Le vitiurn animi s'applique ici aux chevaux peureux, à ceux qui lancent des ruades f0 ; aux boeufs qui donnent des coups de cornes" Quant aux immeubles, on cite comme exemple les fonds de terre qui dégagent des miasmes (fundus pestilens)12. Les règles sur la garantie contre les vices rédhibitoires ne s'appliquent pas au contrat de louage de choses 13. Mais celui qui, par exemple, loue des tonneaux qui laissent fuir le vin est responsable du dommage causé; il n'est pas admis à s'excuser en alléguant son ignorance ". Dans ce contrat, les risques sont à la charge de l'entrepreneur si la chose périt par un vice de construction (vitio operis) ; à la charge du conductor si elle périt par un défaut du terrain (vitio soli)" [LOCATIO, p. 1292]. aedes. La loi romaine s'est préoccupée de bonne heure de protéger les voisins de maisons qui menacent ruine. En principe, le propriétaire de la maison qui s'écroule n'est pas responsable du dommage causé ; il n'est pas même obligé d'enlever les matériaux projetés sur le fonds voisin ; il lui suffit d'en faire l'abandon "Al était donc urgent de prendre des mesures d'avance, puisqu'après la réalisation du dommage on était sans recours. Les Douze Tables accordent aux voisins une action pour les prémunir contre le dommage futur 17. Cette action, qui a survécu à la suppression des actions de la loi, fut peu usitée sous l'Empire. Per-. sonne ne veut l'employer, dit un jurisconsulte du ne siècle ; on préfère la stipulation de damno infecto créée par l'Édit prétorien : c'est une voie de droit plus commode à exercer '$ et plus efficace". Le magistrat considère comme étant en faute le propriétaire qui laisse sa maison en mauvais état ; il l'oblige à promettre d'avance à son voisin de réparer le dommage qui pourra se produire dans un certain délai 20, pourvu qu'il ait été possible de le prévoir et de l'empêcher. Sont exclus les cas de force majeure : tempête, inondation, tremblement de terre 21. A défaut de cette promesse, le voisin est autorisé à demander l'envoi en possession de la maison et à y faire les réparations nécessaires [missi() Le Préteur n'exige du propriétaire de la maison qu'une simple promesse (nuda repromissio). Seuls les titulaires d'un droit réel sur la maison doivent fournir une satisdation 22 [sATISDATIO], sauf lorsqu'ils promettent simplement en leur propre nom et non pour le compte du propriétaire 23. La promesse de damno infecto présente une particularité remarquable : elle oblige non seulement les héritiers du propriétaire, mais aussi ses ayants cause à titre singulier24 ; ils sont tenus propter rem. Si la maison est vendue, c'est l'acheteur qui est désormais responsable V5. Les règles de l'Édit sur la matière ont été indiquées à l'article DAMNUM INFECTUnl. On se bornera à signaler ici l'extension donnée à l'Édit par la jurisprudence, ainsi que les restrictions apportées à son application. a. Lorsque le voisin n'a pas eu le temps de s'adresser au Préteur, ou n'a pu le faire parce qu'il était absent pour le service de l'État, on lui permet d'exiger, après la chute de la maison, la promesse qu'il aurait dû demander avant. Si, dit Julien, l'Édit force le propriétaire à fournir la cautio damni infecti lorsque le mal n'est pas encore fait, à plus forte raison doit-on l'imposer lorsque le dommage existe 2s Lorsque le propriétaire de la maison qui s'est écroulée offre d'enlever les décombres, on ne doit l'autoriser que s'il promet d'enlever tous les matériaux, même ceux qui ne peuvent servir, et s'il s'engage à réparer le dommage passé et futur. En cas d'abstention du propriétaire, le Préteur donne au voisin un interdit (de ruderibus tollendis) pour le forcer à déblayer le terrain, ou à délaisser la maison 27. Le propriétaire d'une maison en bon état est parfois tenu de fournir la cautio da2nni infecti. Lorsque sa Vit -931Vit maison est située entre celle qui menace ruine et la mienne, je puis craindre que la chute de l'une n'entraîne la chute de l'autre et que je ne sois atteint par contrecoup. Le dommage, il est vrai, ne vient pas d'un vice de la maison qui est en bon état, mais le propriétaire de cette maison aurait dû faire le nécessaire pour se garantir contre le dommage ; s'il ne l'a pas fait, il n'a qu'à s'en prendre à lui-même'. La promesse damni infecti peut être exigée par toute personne qui court un risque si la maison s'écroule, par exemple un locataire Réciproquement, si la maison est grevée d'un droit réel (usufruit, gage, superficie), le titulaire du droit réel peut, comme le propriétaire, contracter l'engagement de damno infecto pour ernpêcher l'envoi en possession. Cet engagement doit être garanti par des cautions (satisdation) Le superficiaire doit promettre de soli et aedificii vitio ; à défaut, le propriétaire du sol contractera l'engagement ; sinon le voisin menacé sera envoyé en possession'. De même en cas d'usufruit : l'usufruitier ou le nu propriétaire doit garantir contre le vice du sol et de la maison. Si c'est le nu propriétaire, et que l'usufruitier ne le garantisse pas à son tour contre le vitium aedium, le nu propriétaire lui défendra d'user de son droit. Réciproquement, l'usufruitier qui garantit le voisin contre le vice du sol peut se faire transférer le droit du nu propriétaire'. A défaut de promesse de l'usufruitier ou du nu propriétaire, le voisin obtiendra l'envoi en possession et empêchera l'usufruitier d'user de son droit 6. Quant au créancier gagiste, il doit aussi garantir le dommage futur, pour sauvegarder son droit 7 ; sinon il ne pourra pas l'opposer au voisin envoyé en possession et autorisé à usucaper 3. b. Si une maison comprend plusieurs corps de bâtiment séparés et que l'un d'eux menace ruine, le voisin ne peut se faire envoyer en possession que de la partie de maison qui est en mauvais état. Il en est de même pour une insula adjacente à un hôtel particulier (domus) 9. Si au contraire la maison, bien que divisée en plusieurs parties, forme une construction unique, l'envoi en possession comprendra la maison tout entière 10. L'Édit ne s'applique pas lorsque celui qui est menacé de subir un dommage a un recours contre le propriétaire, en vertu d'un contrat ou d'un rapport de droit analogue 11. Si la promesse de damno infecto a été faite en raison d'un four contigu à la maison voisine, le propriétaire de cette maison ne peut s'en prévaloir lorsque le dommage résulte d'une faute imputable aux furnarii ; mais il a l'action de la loi Aquilia12 [LEX, p. 1130]. 2. Vitium operis. La cautio damni infecti peut être exigée de celui qui exécute des travaux dans ma propriété en vertu d'un droit de servitude, par exemple en construisant un aqueduc. Mais ici la simple promesse suffit"; le constructeur l e répond pas du vitium soli, car le terrain est au stipulant f4. De même le copropriétaire d'un mur mitoyen, qui veut bâtir sur ce mur, doit promettre de réparer le dommage susceptible de se produire au cours des travaux 15. Celui qui élève une construction sur un lieu public dont l'usage est commun à tous n'est tenu de la cautio damni infecti que pour un vice de construction, et non pour un vitium loci dont personne ici n'est responsable 1G. Si la construction a été élevée par l'État, on n'a que la ressource de se plaindre à l'empereur ou au gouverneur de la province 17. La promesse de vitio operis ne produit son effet que si l'opus est l'oeuvre du promettant ou d'une personne qu'il avait le droit d'empêcher de construire 1s. 3. Vitium arboris, loci. L'obligation de promettre de damno infecto a été étendue au cas où un arbre menace de tomber par vétusté 1°, et aussi au cas où l'on craint un éboulement de terrain 20. C'est un naturale vitium 21. qualifie parfois vitium la faute (culpa) commise par un débiteur tenu d'une obligation contractuelle 27 ou quasicontractuelle23, par un scribe dans l'exercice de ses fonctions' ; de même l'acte dolosif commis par un héritier au préjudice des légataires 25 lence, la clandestinité, la précarité 26. L'influence qu'ils exercent sur les effets de la possession ont été indi qués aux mots INTERD1CTUM (p. b63), PossESSio. Il suffira de noter ici que la possession, acquise d'une manière vicieuse à l'égard de l'adversaire, ne peut être invoquée dans les interdits conservatoires (utipossidetis, utrubi) 27. Vis-à-vis de toute autre personne, les vices de la posses sion sont indifférents 28. La clause quod nec vi nec clam nec precario ab adversario alter ab altero possidetis figurait dans la formule de l'interdit au temps de Térence 29. Pour les interdits récupératoires, l'interdit de vi cottidiana pouvait seul,à l'époque classique, être paralysé par l'exception vitiosae possessionis 30. Cette exception n'était pas opposable à l'interdit de vi armata31.~Justinien a supprimé cette différence entre les deux interdits de vi. Désormais, de quelque manière qu'ait eu lieu l'expulsion, on ne peut reprocher au demandeur les vices de sa possession 32. ÉDOUARD CUQ.