Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VITRUM

VITRER 1 (°fcc o; ou éca.oç) 2. Verre, émail. A. GÉNÉRALITÉS. 1. L'étymologie des mots vitrum et üaao; est très obscure Il est peu probable que vitrum dérive de videre4 ; il paraît également difficile de le rat tacher au grec iilwp 5. VIT 9 3~ VIT Pour le mot th).oç, plusieurs étymologies ont été proposées. La plus vraisemblable est celle que rapporte Froehner' : l'b de iJ oç serait un ancien digamma et iiaaos viendrait de «),ç, sel; il est remarquable en effet que le sel gemme, que les anciens connaissaient fort bien 2, ressemble beaucoup à du verre. Le mot üa))os apparaît pour la première fois chez IIérodote. Une expression plus ancienne, XtOos zuii, pierre coulée', paraît avoir désigné, chez les Grecs, la pâte de verre colorée qui imitait les pierres précieuses 4 et que les anciens ont prise pour un corps différent du verre transparent et incolore. Le mot émail vient du bas-latin smaltum, qui peut être rapproché de l'allemand schmel.ren, fondre (ancien haut-allemand malt jan) Les identifications de l'electrum avec le verre ou l'émail ne méritent guère d'être retenues [ELECTRUM]. Il. Le verre est un corps formé d'un sable siliceux et d'un alcali (soude ou potasse) [NITRUM]. Fondues à une haute température, ces matières produisent une masse liquide, qui, en refroidissant, passe à l'état pâteux, puis à l'état solide. La soude s'extrayait autrefois des cendres des végétaux qui croissent au bord de la mer. Aussi s'en servait-on de préférence dans les fabriques du littoral de la Méditerranée. Par contre, les officines continentales, établies dans les pays boisés, employaient la potasse que l'on obtenait en lessivant des cendres de boise. L'émail n'est pas autre chose que du verre fondu à la surface d'une autre matière. Il ne faut pas le confondre avec la pâte de verre que les anciens taillaient comme les gemmes, et qu'ils incrustaient dans la pierre ou le métal. Dans l'émaillage, la substance vitreuse est soudée par le feu ; dans l'incrustation, elle est travaillée à froid, puis fixée par sertissage ou à l'aide de rivets. III. En principe, le verre est un corps transparent. Toutefois sa transparence peut être altérée, et même détruite, par certaines substances étrangères qui se trouvent fortuitement dans les sables, ou qu'on y a volontairement introduites. Aussi existe-t-il, à côté du verre transparent, du verre translucide qui laisse passer la lumière, mais à travers lequel il est impossible de distinguer nettement les objets, et du verre opaque. Pour faciliter l'étude de la verrerie antique, il faut distinguer : 1° Les substances vitreuses dans lesquelles la diaphanéité joue un rôle minime ou nul, et qui n'ont été façonnées qu'en vue des colorations données par la combinaison des sables avec les oxydes métalliques. Plus fréquemment translucides que transparentes, souvent même entièrement opaques, elles imitent les pierres précieuses et les camées, l'écaille, l'ivoire, l'ambre. Nous leur réserverons le terme de pdte vitreuse. 2' Les verres créés par des ouvriers qui se sont attachés avant tout à la transparence de la matière et qui ont considéré cette transpar ence comme la qualité essentielle du verre. Les premières sont d'origine plus ancienne que les seconds. Les verriers ne semblent guère s'être préoccupés de faire valoir la transparence du verre avant la découverte du procédé du soufflage. IV. Les sables employés à la fabrication du verre contiennent tous, en plus ou moins grande quantité, des oxydes métalliques qui produisent des colorations plus ou moins intenses. Varier ces oxydes pour obtenir des tons différents, en augmenter le pouvoir colorant, c'était chose relativement aisée. Aussi, dès l'époque la plus reculée, les anciens étaient-ils passés maîtres dans l'art de colorer les pâtes vitreuses et les émaux. Mais pour agir en sens inverse, pour créer du verre incolore il fallait déployer plus d'ingéniosité et trouver le moyen d'éliminer les oxydes ou d'en paralyser les effets colo On rencontre déjà, dès le xvle siècle av. .l.-C., quelques exemples de pâte de verre incolore 8. Toutefois, avant la connaissance du procédé du soufflage, cette pâte est restée à l'état de rareté. Pour l'obtenir, il fallait se procurer des matières premières sans oxydes métalliques, du quartz en poudre et de la potasse exempte de fer. Le désir de décolorer la matière vitreuse est lié à celui de la rendre transparente ; il ne pouvait devenir impérieux que lorsqu'on fut capable de souffler du verre très mince. Sous l'Empire romain, surtout après la mort de Commode, le verre dépourvu de toute teinte, et par conséquent d'une parfaite transparence, se vulgarise, sans doute parce qu'on a trouvé un procédé facile et économique pour neutraliser les propriétés colorantes des oxydes métalliques, surtout des oxydes de fer. Peutêtre employait-on à cet effet le bioxyde de manganèse, colorant complémentaire appelé, dans l'industrie moderne, le savon des verriers. Il est moins probable que les industriels de l'antiquité aient fait usage du minium ; il est possible qu'ils n'aient utilisé les oxydes de plomb que dans la coloration des pâtes vitreuses et des émaux. V. On a trouvé en maintes localités des restes d'officines antiques de verrerie, notamment à Tell et Amarna (Égypte), à Tyr (Phénicie), à Lyon (Rhône), à SainteMenehould (Marne) dans la forêt de Mervent (Vendée) ", dans le Poitou 12, aux environs de Namur (Belgique), dans les monts de l'Eifel et sur les bords de la Nahe, à Worms, à Trèves, à Cologne et jusqu'en Angleterre à Wilderspool ". A Tell et Amarna, M. Flinders Petrie a découvert les restes de trois ou quatre fabriques remontant à laxvIIiedynastie, au temps d'AménophisIV. Dans ces décombres se trouvaient des creusets, des morceaux de quartz, des débris de verroteries et d'émaux de toutes les sortes ". Dans les monts de l'Eifel, les fouilles exécutées par les soins du musée de Trèves ont mis au jour du verre à vitre, des baguettes de verre rouge et vert, des débris de vases remontant les uns au début de l'époque impériale romaine, les autres au in5 et au iv' siècle de notre ère''. Les trouvailles des bords de la Nahe, exposées au musée de Wiesbaden, con VIT 936 VIT tiennent des débris de gobeleterie usuelle des me et ive siècles et des morceaux de fritte verdâtre'. A Wilderspool près Warrington, les fouilles Thomas May ont révélé des fours bien conservés qui datent de l'époque impériale romaine. On y a trouvé du cuivre, du plomb, de la chaux, du verre coloré et incolore, du verre gravé et taillé ainsi qu'une monnaie de Trajan 2. VI. Malgré leur long séjour dans le sol, les pâtes vitreuses ont, pour la plupart, conservé leur aspect primitif ; certains de leurs tons seulement ont perdu leur éclat. Par contre, les verres transparents incolores ou peu colorés se sont presque tous profondément transformés. Ils sont décomposés et s'effleurissent en lamelles minces. Les tins, comme plongés dans une buée, ressemblent à notre verre dépoli. Les autres, iridescents, se sont colorés de toute la gamme du prisme. L'oeil est charmé par la variété de leurs tons sonores ou assourdis, de leurs couleurs caressantes ou rudes, par les accords des ors, des violets, des rouges, des bleus, des jaunes, des verts qui se pénètrent ou s'entrechoquent à leur surface. Ce somptueux vêtement fait des plus humbles verres soufflés des joyaux inestimables, très recherchés des artistes et des collectionneurs 3. B. APERÇU HISTORIQUE. I. Nous ne savons rien de précis sur la découverte du verre. Tout le monde connaît le passage dans lequel Pline raconte que des marchands de nitre, ayant relâché sur la côte de Phénicie, préparaient leur repas, dispersés sur le rivage; ne trouvant pas de pierres pour exhausser leurs marmites, ils employèrent à cet effet des pains de nitre de leur cargaison : ce nitre étant soumis à l'action du feu avec le sable répandu sur le sol, ils virent couler des ruisseaux transparents d'une liqueur inconnue. C'est l'origine' du verre'. Puisqu'une température de 1000 à 1200 degrés centigrades est nécessaire pour vitrifier une masse composée de sable et de nitre, cette histoire doit être classée au nombre des légendes sans valeur scientifique. Il est possible que les pâtes vitreuses aient été découvertes par les fondeurs de minerais de cuivre ; le cortex de ces minerais produit en effet, sous l'influence de la chaleur, des scories, des laitiers qui sorft de véritables verres fusibles, peu diaphanes il est vrai, mais souvent colorés par des oxydes métalliques. Ces colorations ne pouvaient manquer d'attirer l'attention des hommes primitifs sur le nouveau corps, dans lequel ils ne virent tout d'abord qu'une matière brillante aux tons vifs et variés. D'autre part il se peut que la découverte des matières vitreuses soit due à la vitrification accidentelle de certaines terres pendant la cuisson, vitrification provenant du contact de la silice des poteries avec les cendres alcalines du foyer. C'est ce qui expliquerait pourquoi l'émail a été connu avant le verre. Quoi qu'il en soit, une sorte de pâte d'émail sur quartz et sur argile, pâte qui n'était pas chauffée assez longtemps pour pénétrer la masse, était connue des Égyptiens de l'époque préhistorique. Les émaux polychromes apparaissent déjà aux temps les plus reculés de la civilisation, comme le prouve un fragment de vase portant le nom de Aha, un des premiers rois d'Égypte'. De petites faïences en forme de 8 avec incrustation de pâte noire, qui remontent également à l'époque archaïque, ont été recueillies à Abydos'. On trouve d'autre part, au début de la iiie dynastie, des tuiles émaillées qui ont été employées dans la construction de la pyramide de Saqqarah et sur lesquelles on remarque les noms et les titres du roi Zeser'. De l'époque des pyramides, on possède une plaquette d'émail au nom du roi Pepy e. Les émaux sont alors bleu verdâtre. A partir de la vie dynastie apparaît le bleu foncé'. Sous la xue dynastie l'émail est tantôt vert grisâtre, tantôt d'un beau bleu clair, et orné de dessins et d'inscriptions en noir [nusivunl omis, p. 2090 sq.]. Pour rencontrer une véritable pâte vitreuse distincte de l'émail, c'est-à-dire une substance qui se suffise à elle-même sans avoir besoin d'un fond de pierre ou d'argile, il faut arriver, suivant M. Flinders Petrie, aux environs de l'an 1600 av. J.-C. i0. Peut-être est-il possible de reculer un peu cette date ou tout au moins de prendre en bloc toute la première moitié du second millénaire av. J.-C., puisque, d'après M. Reinecke 11, des perles globulaires en pâte vitreuse proprement dite ont été recueillies dans des sépultures de l'âge du bronze II, période qui correspond aux tombes à fosses de Mycènes. A partir de cette époque, le verre, qui n'est encore que la pâte vitreuse, et l'émail constituent des matières dont les qualités expressives seront mises en oeuvre, dans une intention distincte, par des artistes différents et dont il faut examiner séparément le processus historique. II. Une des plus anciennes pièces en pâte vitreuse bien datées est un oeil de verre bleu imitant la turquoise et portant le nom d'Aménophis lem 12. Mais au temps de ce pharaon la matière vitreuse n'est employée que dans la confection des perles, des appliques et des verroteries d'incrustation. C'est seulement à partir de Thoutmès III (entre 1500 et 1150) qu'on trouve, en Égypte, les premiers vases en pâte de verre (fig. 7521, 7522). Ces récipients, montés à la main, sont les prototypes de toute une série de balsamaires polychromes qui ont été fabriqués de la même façon jusqu'à la fin de la République romaine et qui se sont répandus, grâce au commerce phénicien, en Orient, en Grèce et dans tout le bassin occidental de la Méditerranée (fig. 7520)13. Ils ont pénétré jusqu'en Espagne, au castelluin d'Emporium et à Rhoda dans la Tarraconaise". Dans l'île de Rhodes 1', en Italie'', à Carthage 17, ils sont associés, dans les mobiliers funéraires, à des objets du vue et du vie siècle av. J.-C. Au nord des Alpes, ils n'apparaissent que sporadiquement dans la seconde période hallstattienne 18. A côté de ces petits vases, un nombre considérable de menus objets en pâte de verre circulaient dans le monde méditerranéen depuis l'époque mycénienne(fig. 7523). Ce sont des perles de couleurs variées, qu'on retrouve jusque VIT 937 VIT chez les peuplades de l'ouest et du nord de l'Europe; de petites plaquettes estampées qui, pendant la période mycénienne, ornaient le costumè féminin, les meubles et les édifices; des amulettes en forme de masque humain, des ornements de bijoux', des bracelets ; des yeux pour les statues de pierre ou 'de bronze 2. Si les prototypes de ces verroteries sont incontestablement égyptiens, il est néanmoins probable que beaucoup d'entre elles se faisaient à une époque déjà ancienne dans des ateliers établis dans les îles, en Étrurie, dans l'Italie septentrionale et même en Suisse 3. A l'époque hellénistique, le travail de la pâte vitreuse était en pleine activité en Syrie « Tyr et Sidon) et surtout à Alexandrie, la luxueuse cité qui passait alors à bon droit pour le plus grand foyer artistique, industriel et commercial du monde, lorsqu'une découverte capitale, celle du soufflage du verre, vint transformer l'industrie verrière. Cette découverte due, semble-t-il, aux artisans de la côte de Syrie, mais sur laquelle nous ne possédons malheureusement aucun ;renseignement historique, a pu donner naissance àlalégende qui attribuait l'invention du verre aux Phéniciens 5. Nous avons écrit ailleurs qu'elle remontait à l'époque de Jules César 6 ; mais, si soutenable que paraisse cette opinion, qui est aussi celle de Kisa7, de Robert Schmidt 8, de Flinders Petrie et d'autres 10, il est préférable, dans l'état actuel de la science, de laisser une marge un peu plus grande et de placer l'époque de cette invention entre la fin de la période des Diadoques et l'établissement de l'empire à Rome, sans préciser davantage. Quoi qu'il en soit, on ne trouve pas de verre soufflé dans les mobiliers funéraires antérieurs au fer siècle av. J.-C. f i. Les témoignages matériels paraissent donner tort à ceux qui pensaient voir des souffleurs de verre dans les fresques de Beni-Ilassan exécutées sous la XII' dynastie égyptienne, c'est-à-dire vers 1800 ou 2000 av. J.-C., pour ne prendre que la chronologie la plus courte12. Un archéologue anglais, M. Griffith, s'est attaché à montrer que la scène figurée dans les hypogées de l'Égypte n'a rien à voir avec l'industrie du verre, mais appartient à une série de tableaux qui figurent diverses étapes du travail des métaux 13. Les ouvriers représentés par les contemporains d'Ousirtasen Ier activent un feu de forge à l'aide de longs tubes métalliques dont l'extrémité est pourvue d'une chape protectrice en argile réfractaire. C'est cette chape qui a été prise à tort pour une paraison de verrier. Après l'invention du soufflage, l'industrie verrière se modifie et se dédouble. Si, d'une part, elle continue à fournir à sa riche clientèle une foule de bijoux, d'objets lX. de luxe et de balsamaires précieux, elle se fait, d'autre part, plus humble et plus pratique en permettant aux acheteurs de condition modeste de se procurer à bon compte des récipients de verre soufflé, qui coûtent moins cher que les vases de métal et qui, par suite de leur transparence, peuvent être employés dans maints cas où les poteries ne sauraient servir. Des établissements fixés à Alexandrie et sur la côte de Syrie sortent dès lors deux variétés de produits vitreux si bien différenciés que les anciens ne les croyaient pas façonnés dans la même matière 14 : 1n Les vases et objets de pâte de verre translucide ou opaque, plus ou moins épaisse, qui se rapportent aux anciennes techniques, continuent les vieilles traditions et, grâce non seulement au soufflage, mais aussi à l'introduction de nouveaux procédés, comprennent des variétés plus nombreuses. A cette série appartiennent les verres à deux couches et les verres-mosaïques auxquels il faut rattacher les murrhins dont on a ignoré si longtemps la composition i5 [siuuuu NA VASA]. 20 Les verres transparents et minces, soufflés soit à la volée, soit dans des moules. Ces derniers sont des produits nouveaux qui comprennent d'abord les récipients de toutes formes constituant la gobeleterie commune ; puis des articles plus riches, des verres dont les parois moulées sont ornées des mêmes reliefs que les vases d'or et d'argent ciselés et qui ont été signés d'industriels grecs, Ennion, Artas, Eirenaios, Meges, qui travaillaient dans les fabriques d'Orient vers la fin de la République ou au début de l'Empire. Joints aux autres produits vitreux, ces diverses sortes de récipients portaient au loin la renommée d'Alexandrie et alimentaient les régions les plus diverses : Grèce, Sicile, Italie, 'Gaule, Espagne, Extrême-Orient. A Rome, les plaques de verre dont Scaurus fit recouvrir les murs du théâtre qu'il édifiait en 58 av. J.-C. venaient d'Alexandrie. Les campagnes de Sylla contre Mithridate avaient largement ouvert les marchés romains aux produits orientaux. En Gaule, on a recueilli des flacons à reliefs sidoniens jusque sur les bords du Rhin 17. Du côté de l'est, il semble qu'Alexandrie ait expédié des verreries jusqu'en Chine. On lit dans les Annales des Han (206 av. J.-C. à 220 ap. J.-C.) que le verre coloré et diapré provenait de l'empire romain que les Chinois nommaient Ta-Ts'in 18. Sous le HautEmpire la paix romaine favorisa, dans toutes les directions, l'échange des produits et des idées. Les ateliers d'Alexandrie ne tardèrent pas à avoir, dans un grand nombre de régions, des succursales qui fonctionnèrent ensuite pour leur propre compte. Dès l'époque de Néron, 118 VIT 938 VIT on façonnait maints articles de verre soufflé en Grèce, à Rhodes, en Italie', en Espagne et en Gaule 2. Dans la Grèce continentale, on a trouvé des verres de couleur, verres-mosaïques et millefiori (fig. 7525), ainsi qu'un grand nombre de bouteilles et de flacons appartenant à la gobeleterie usuelle. Mais, bien que ces produits affectent pour la plupart des formes grecques, ils ne sont pas originaires de fabriques indigènes. Par contre, dans les îles, Lesbos et surtout Rhodes semblent avoir été, sous l'Empire romain, des centres particulièrement florissants d'industrie verrière. Athénée, qui vécut au début du nie siècle, parle, dans ses 11Etr.V060gItaTC , des récipients de verre bleu et des gobelets de verre pourpre de Lesbos et vante les établissements de Rhodes 3. En Italie, des officines célèbres au temps de Pline étaient établies sur divers points. Il y en avait en Campanie' et dans la région avoisinant Turin. A Rome, la première verrerie locale dont il soit fait mention est celle de la porte Capène, installée sous Tibère Avant la fin des Antonins, la capitale de l'empire comptait plusieurs officines, où travaillaient des artisans dont nous avons conservé les noms : Asinius Philippus, C. Salvius Gratus, C. Leuponius Borvonicus, A. Volumnius Januarius, Amaranthus, L. .tEmilius Blastus 6. En Gaule, des verreries furent créées dès le le' siècle de notre ère dans la Narbonnaise et dans la vallée du Rhône. Nous connaissons par:une stèle funéraire, découverte en 1757 et conservée au musée de Lyon, le nom d'un des premiers maîtres verriers installés dans cette ville, Julius Alexander '. Les Romains du Haut-Empire achetaient très cher la verrerie de luxe. Pline raconte que, du temps de Néron, deux petites coupes atteignirent le prix de 6000 sesterces'. Combien pouvaient; se vendre ces merveilles d'art, ces vases ciselés comme de précieux camées? H fallait être un Néron ou un Pétrone pour s'offrir une pièce comme le Vase Portland (fig. 7526) ou le Vetro Blu (fig. 7527). En dehors de la fabrication des vases, les matières vitreuses étaient employées, à cette époque, à la confection de menus objets de toilette et de pions pour les jeux [LATRVNcuLl]. On les utilisait aussi en bijouterie pour faire ce que nous appelons du similis, en optique (lentilles grossissantes), en vitrerie pour garnir des châssis de fenêtres [nonlus, FEiNESTRA]. Après la mort de Commode, les modes orientales sont plus que jamais en faveur dans tout l'empire. Des impératrices comme Julia Domna, des empereurs comme Héliogabale vivent à l'orientale et favorisent à Rome le despotisme et les religions des Orientaux 12. Des marchands juifs venus de Syrie propagent le culte du dieu hébreu Jahveh et fondent de petites communautés chrétiennes jusqu'en Gaule. Ils instaurent dans les vallées de la Moselle et du Rhin et dans la Belgica de grands établissements de verrerie et favorisent, dans ces régions, le développement d'ateliers restés jusque-là peu importants. A Cologne, à Trèves, à Boulogne-sur-Mer, à Vermand, des verriers habiles et consciencieux travaillent avec activité. Leurs créations attestent un' tour de main original et, si elles manquent parfois de simplicité, la grâce et l'harmonie des proportions ne leur font jamais défaut. Nous constatons alors une orientation nouvelle de l'art du verrier. Le travail des pâtes vitreuses est peu à peu délaissé au profit de la fabrication du verre transparent qui arrive, au Ille siècle de notre ère, à son plus haut degré de perfection. Les verriers tirent de la gravure, de la peinture et de la dorure des effets que leurs prédécesseurs n'avaient pas encore obtenus de ces divers procédés de décoration. Ils approvisionnent les marchés d'une foule de récipients en forme de caricatures, d'animaux, de fruits et d'ustensiles (fig. 7538). Ils jouent avec leur métier, s'affirment dans des œuvres qui font, aujourd'hui encore, l'admiration des professionnels. Leur virtuosité ne connaît plus de bornes lorsqu'ils entourent une bouteille ou un canthare de fils de verre qui se poursuivent, se rejoignent, se croisent ou s'enchevêtrent, lorsqu'ils font surgir à la surface d'une coupe une multitude de cabochons qui sont comme autant de gemmes précieuses et de reliefs de bijouterie. Sous le Bas-Empire, les officines établies en Orient, en Italie et dans la Gaule du Sud, perdent peu à peu leur ancien prestige et tombent en décadence. Mais, par contre, celles de la Belgique et de la Germanie sont en pleine activité. Aussi le ive siècle, surtout dans sa première moitié, est-il encore une assez belle époque pour la production verrière. Les corporations de verriers, bien organisées, recoivent des privilèges. Constantin, par un édit du 2 août 337, supprime l'impôt dont deux de ses prédécesseurs, Alexandre Sévère et Aurélien, avaient frappé la verrerie et assimile les souffleurs (vitrearii) " et les graveurs de verre (diatretarii) 12 aux orfèvres et aux artisans de haut rang. Mais bientôt, de toutes parts, la décadence s'accentue. Les ouvriers n'ont plus à leur disposition que des pâtes de mauvaise qualité pleines de nuages, de bulles d'air et de filaments que les techniciens nomment filandres. Ils ne se soucient plus de faire des ouvrages pondérés et rationnellement conçus. ils veulent étonner, surprendre. Épris de somptuosité, toujours à la recherche de raffinements ingénieux, ils créent ces diatrètes dont la résille de verre est ajourée comme une fine dentelle (fig. 7544) ; ils soufflent plusieurs bouteilles les unes dans les autres ; ils surchargent leurs oeuvres d'appendices bizarres et compliqués sans raison. A la même époque, l'art chrétien, encore dans l'enfance, crée, dans le domaine de la verrerie, des oeuvres souvent naïves, quelquefois barbares, mais toujours empreintes de sentiment. Ces oeuvres, dues à la main hésitante d'ouvriers malhabiles, mais sincères, ont été recueillies dans les Catacombes de Rome et dans les cimetières, de basse époque, de la Gaule du Nord et de la vallée du Rhin. Ce sont des coupes gravées et dorées, dont les sujets représentent les épisodes les plus connus de l'Ancien et du Nouveau Testament, précieux matériaux pour l'histoire de l'iconographie chrétienne (fig. 7546, 7547). V'IT 39 VIT Aux ve, vie siècles ap. J.-C. la verrerie, comme toutes les autres industries, subit le contre-coup de la désorganisation politique et économique de l'Empire. Est-ce à dire que les procédés de l'antiquité furent alors entièrement perdus? Nous ne le croyons pas. Ces recettes ont été recueillies par les Byzantins et par les Juifs de Palestine, qui les ont conservées pendant le haut Moyen âge. La plupart même des créations des verriers de Venise procèdent de l'art de leurs prédécesseurs, si bien qu'il est possible d'affirmer, avec M. de Bissing ', qu'il n'y a pas de solution de continuité dans l'histoire générale de la verrerie. III. Deux sortes d'émaillages ont été connus des peuples de l'antiquité : l'émaillage sur quartz, argile et fritte sableuse et l'émaillage sur métal. Ce sont des industries distinctes qui n'ont pu être pratiquées par les mêmes ouvriers ; toutes deux paraissent d'origine orientale. 1. La première touche de près à l'industrie des céramistes et des coroplastes. Parmi les objets d'art créés par elle, on peut distinguer trois catégories : a) les figurines, amulettes, perles, et menus objets de parure ; b) les vases ; c) les briques et ornements d'architecture. a. Les Égyptiens ont excellé dans l'émaillage des grains de colliers, des amulettes de tous genres et de ces oushabtis qui se rencontrent en si grand nombre dans les tombeaux. En pays grecs on n'a pas ignoré cette technique ; nous voyons pendant le minoen-moyen III (1800 à 1600 environ av. J.-C.) les Crétois fabriquer des ex-voto de faïence qui sont au nombre des plus curieuses trouvailles faites à Cnosse par M. Evans [xusivuu opus, p. 2091]. Beaucoup plus tard, au lie et au ler siècle av. J.-C., les coroplastes grecs n'avaient pas perdu la tradition de l'émaillage des figurines, comme le démontre tout un groupe de statuettes découvertes à Smyrne et à Cymé 2. b. Connu' en Égypte depuis les temps préhistoriques, pratiqué à Suse au moins dès l'époque d'Agadé (vers 2600 av. J.-C.), l'émaillage des vases n'a pas cessé, par la suite, d'être employé par les Égyptiens et les Orientaux [nusivun opus, p. 2091]. Aux vue-vie siècles av. J.-C., des balsamaires émaillés, d'un caractère un peu spécial (fig. 7548), se répandirent dans les pays grecs et italiotes 3 ; ces vases sont surtout abondants à Ithodes4. Sont-ils égyptiens, phéniciens, orientaux ? Il est difficile de le dire dans l'état actuel de nos connaissances 5 ; ce qui est certain, c'est qu'ils ne sont pas sortis d'ateliers grecs continentaux. A l'époque de leur plus grande activité, les industriels de Corinthe, d'Athènes, de Thèbes, de Chalcis, se sont cantonnés dans la production des vases peints6. La plupart des vases émaillés qui se sont répandus au vie siècle en pays hellènes sortaient peut-être des ateliers égypto-grecs établis à Naucratis et dans d'autres villes du Delta. Mais la technique de l'émaillage paraît avoir été délaissée dans ces centres après le vie siècle. Elle fut reprise plus tard, au lue siècle, dans les établissements d'Alexandrie, puis, au ter siècle avant notre ère, dans les officines grecques d'Asie Mineure 7. Sous l'Empire romain, les céramiques et les lampes à glaçure plombifère (fig. 7549) n'étaient pas des raretés e. On en a recueilli un grand nombre en Italie et en Gaule. c. Les anciens ont employé l'émail dans la décoration des édifices. Dès le Ive millénaire av. J.-C. les Égyptiens plaçaient des tuiles émaillées de plusieurs couleurs dans le revêtement intérieur des salles 9. Les Chaldéens, les Assyriens, les Perses se sont particulièrement montrés maîtres dans l'art d'émailler les façades extérieures des palais.Les briques émaillées étaient déjà employées au temps de Sillak-in-Sousinak, au me ou au xue siècle av. J.-C. i0; chez les Babyloniens et les Assyriens du vite siècle, elles remplaçaient avantageusement la fresque. Peintes avec des couleurs vitrifiables avant la cuisson, elles concouraient à former des ensembles décoratifs, dont les bleus et les jaunes étincelaient sous le chaud soleil de l'Orient". Au vie siècle, les palais achéménides de Suse, dans la décoration desquels une certaine influence grécoionienne se fait sentir, ont été ornés de la même manière, mais avec plus de perfection encore 12. Dans la frise des lions, dans celle des archers, découvertes par la mission Dieulafoy et reconstituées au Louvre, les personnages et les animaux, au lieu d'avoir été émaillés à plat comme à Khorsabad, se détachent en relief sur le fond 13. L'art d'émailler les briques est demeuré florissant en Asie Mineure jusqu'au siècle dernier. Une technique qui a eu en Orient un si riche développement ne peut manquer d'avoir exercé une certaine influence sur les pays classiques; on a peine toutefois à en citer des exemples. Nous ne savons s'il faut ranger dans les émaux proprement dits, ou dans la série des pâtes vitreuses incrustées, les ornements bleus du temple d'Athéna Polias sur l'Acropole d'Athènes '4. 2. L'émaillage sur métal est une branche de l'art des fondeurs et des orfèvres. Peu ou point cultivé dans les pays italo-grecs, il s'est spécialement développé dans les régions celtiques : on le trouve florissant en Gaule et dans les Iles britanniques, d'abord au temps de l'indépendance, comme en témoigne l'émail rouge dont l'industrie celtique des trois derniers siècles av. J.-C. faisait usage pour la décoration des fibules, des torques et des harnais de chevaux f5, puis sous l'Empire romain, au ne et au me siècle de notre ère (fig. 7550). Vers la fin de la période des Antonins et sous les Sévères, des orfèvres établis dans la Gaule du Nord excellaient dans la fabrication de ces broches aux émaux polychromes, que les fouilles ramènent au jour dans presque toutes les régions que la civilisation romaine a marquées de son empreinte. C. LES MONUMENTS. I. Balsamaires 16 et objets d'ancienne technique. Les vases de pâte vitreuse alité, VIT rieurs à l'invention du verre soufflé ont été modelés à la main sur un corps sablonneux 1. Ils sont enrichis de festons polychromes et accusent le sentiment artistique des artisans qui les ont créés. Les uns imitent les vases d'albâtre et de marbre ; ils sont ornés de zones ambrées, qui s'enlèvent avec douceur sur un fond nacré qu'on devait obtenir avec un oxyde d'étain 2. Les autres, plus nombreux, ont un fond bleu foncé translucide et des ornements jaunes, bruns et bleu pâle. Ces tons se soutiennent en général. dans une harmonie de couleurs assez douce,mais sans fadeur. Le rouge ne se rencontre qu'exceptionnellement. Pour décorer les balsamaires, on déposait des fils de verre de différentes épaisseurs sur la pâte vitreuse encore chaude et on les y faisait pénétrer enroulantlerécipient sur un marbre. Les orne ments en forme d'IJ et de V, de festons, de rubans ondulés, de plumes d'oiseau, de zigzags, ont été faits à 1 aide d'un instrument ressemblant à un peigne. Prenant en main cet instrument, on passait un fil de verre dans chacune de ses dents, puis on lui faisait décrire les ondulations désirées. De cette façon, les fils reproduisaient, les uns au-dessous des autres, le même motif. Au point de vue morphologique, les balsamaires d'ancienne technique sont les produits d'un art secondaire qui s'applique à imiter les formes courantes en usage chez les céramistes et les lapidaires A l'égard de la chronologie, ils se répartissent en deux grandes séries : 1° les balsarnaires égyptiens d'ancien style, aux formes précises copiées sur les vases archaïques de pierre et d'émail, au décor minutieusement exécuté, aux couleurs nettes et franches; 2° les balsamaires alexandrins et méditerranéens, d'époque plus récente, aux formes grecques 4, aux contours moins réguliers, aux harmonies de couleurs plus vives (fig. 7520) '. Les pièces les plus anciennes et les plus remarquables de la première série sont trois vases de la xvme dynastie. Le premier a appartenu à un favori de la reine Kamare, soeur de Thoutmès III; il est orné de motifs qui s'enlèvent en vert clair, bleu et jaune, sur un fond bleu verdâtre; il est conservé au Musée du Caire 6. Le second porte le cartouche de Thoutmès III ; c'est un flacon bleu turquoise incrusté de pâte jaune ; il fait partie des collections du British Museum à Londres (fig. 7521) '. Le troisième, conservé à l'Antiquarium de Munich, est une sorte de verre à pied, en pâte bleu verdâtre, presque opaque, chargée d'ornements bleu foncé et jaunes disposés en festons; au milieu de ces ornements est reproduit le cartouche Ra Men Kheper, le prénom de Thoutmès II1 (fig. 7522) Aux balsamaires d'ancienne technique se rattache le vase de Sargon II trouvé dans les fouilles du palais de Ninive et acquis par le Musée Britannique 9; c'est un flacon bursiforme en pâte translucide de couleur verdâtre; il a, été façonné autour d'un corps sablonneux; il porte 'une inscription gravée au nom de Saryoukin (721 à 704 av. J.-C.) ; M. de Bissing pense qu'il est égyptien et qu'il a été gravé après coup par un artiste assyrien Les vases de formes grecques appartenant à la seconde série sont abondants dans tout le bassin méditerranéen depuis la fin du vine siècle av. J.-C. En Sicile, on les trouve dans les mobiliers funéraires de la Ive période sicule (vue au ve s.) avec des fibules « à sangsue » [FIBÏLA, fig. 2987], à long porte-ardillon, des vases corinthiens et des vases attiques à figures noires". A Corchiano, ils ont été recueillis dans des tombes qui contiennent des miroirs de bronze, des strigiles et des vases grecs du Ive siècle12 Les perles de pâte vitreuse 13 se rencontrent déjà dans le mycénien 1 (2000 à 1500 av. J.-c.) i4, mais c'est surtout à partir de l'époque d'Aménophis Ier (xvre s. av. J.-C.) qu'elles se multiplient dans tout le monde connu des anciens. Elles constituaient des articles d'exportation qui sortaient des officines égyptiennes et que les Phéniciens allaient échanger dans le nord et l'ouest de l'Europe contre de l'étain, de l'ambre et des fourrures". Les barbares étaient séduits par ces verroteries et ils leur prêtaient des vertus magiques ; les peuplades de la Grande-Bretagne les appelaient « oeufs de druides » et « oeufs de serpents » ; les Germains les considéraient comme des porte-bonheur qui assuraient la victoire. Notre figure 7523 1° reproduit les principaux types de perles antérieurs à l'époque romaine. Le type bichrome incrusté de bandes blanches (n° 1) est très répandu entre 1500 et 1000 av. J.-C. Les perles globuleuses en pâte vert clair, ornées d'une zone équatoriale décrivant des zigzags (n° 2), abondent à partir de la fin du vue siècle VIT 941 VIT en Grèce, à Chypre à Rhodes, en Italie et au nord des Alpes. Les perles oculées (n° 3) étaient déjà connues deslgyptiens au second millénaire av. J.-C. i. A l'époque de la Certosa et de La Tène I (vie-ve s.) elles affluent en Égypte, à Chypre, en Phénicie, dans la Russie méridionale, à Athènes, en Italie 2, à Utique, à Carthage, en Sardaigne 3, en France, en Allemagne, dans les Alpes orientales 4. Le type orné de spirales (no 4) apparaît en Égypte dès l'an 1000, se propage de bonne heure en Grèce, mais ne passe au nord des Alpes qu'au me siècle avant notre ère. Les perles décorées d'une feuille d'or, recouverte d'une couche de verre transparent, qui, suivant Tischler, se rencontrent en Égypte au Ive siècle av. J.-C., se sont répandues, à l'époque de La Tène II, sur une zone géographique étendue. Elles ne sont pas rares non plus à l'époque impériale romaine. Aux perles et éléments de colliers en pâte vitreuse se rattachent des pendeloques en forme de masque humain 5 (no 5), qui sont apparentées aux statuettes du dieu Bès et se classent dans la grande famille des â7roT(i67t2i1X [AMULETUM, fig. 3101 5. Le nez, les yeux, la bouche de ces têtes au regard effrayant sont constitués par des fils de pâte blanche incrustés ; d'autres fils, enroulés en spirale, dessinent la barbe et les cheveux. D'après M. de Bissing , les plus anciennes de ces pendeloques sont égyptiennes et datent du Nouvel Empire. Parmi les exemplaires plus récents découverts en Grèce, il se peut qu'il en soit sorti des fabriques rhodiennes, mais la plupart sont originaires de ces établissements alexandrins qui, sous les Ptolémées, cultivaient l'art de la caricature. Les spécimens recueillis à Santa Lucia (Istrie) 7, à Carthage 6, à llanos (Sardaigne) 5, à Saint-Sulpice (Suisse)i0 et à Vitry-lès-Reims (Marne) 11 proviennent de nécropoles de la fin du ive ou du début du me siècle av. J.-C. La pâte vitreuse incrustée de fils colorés a été utilisée dans la fabrication de certaines fibules italiques à ressort unilatéral des vne-vie siècles av. J.-C. [FIBULA] ; elle constitue une espèce d'olive ou de manchon qui forme le corps même du bijou (fig. 752412). II. Verres-mosaïques 13. Au cours de la période ptolémaïque, nous voyons naître des techniques qui permirent de développer toutes les qualités expressives des pâtes vitreuses à décor pénétrant dans la masse. Vers la fin de la République romaine, l'idéal des verriers d'Alexandrie était d'imiter et de surpasser en éclat les gemmes translucides. C'est alors qu'apparurent en Égypte les verres-mosaïques, comprenant les fameux murrhina vasa, que Plinei4 croyait faits d'une humeur qui s'épaississait sous la terre [MURRmNA VASA]. A Rome, ces produits furent d'abord connus par les magnifiques exemplaires que Pompée avait rapportés d'Orient à la suite de ses expéditions contre Mithridate. Un peu plus tard, les officines campaniennes en fabriquèrent probablement sous la direction d'ouvriers alexandrins et en exportèrent sur les marchés de la Gaule et de la Germanie. Ces verres-mosaïques comprennent surtout des vases, mais aussi des plaques décoratives de meubles 15 et des perles de colliers 16. Les vases ne sont pas très variés dans leur forme ; c'est la phiale unie ou ornée de côtes qui domine. Tous les grands musées d'Europe et d'Amérique possèdent quelques beaux spécimens de verres mosaïques (fig. 7525) f7. Très recherchés aujourd'hui des collectionneurs, ces produits avaient déjà dans l'antiquité une valeur considérable 16. Leur fabrication nécessitait des opérations successives qu'il convient d'examiner séparément. On prenait des fils de verre différents de calibre et de couleur, les uns opaques, les autres transparents; on les groupait d'une certaine manière (les combinaisons varient à l'infini), puis on les faisait adhérer les uns aux autres par la fusion. Une fois refroidis, ces fils ne formaient plus qu'une seule baguette qui présentait, en section, un dessin plus ou moins compliqué. En découpant dans cette baguette des tranches minces, le verrier obtenait des plaquettes offrant toutes le même décor 19. Ces plaquettes étaient ensuite utilisées de diverses façons: 1° L'ouvrier les disposait dans un moule les unes à côté des autres, puis les portait à une haute température de façon à les faire prendre en une seule masse 20. 2° Après les avoir placées dans le moule, il les unissait à l'aide d'une bulle de verre incolore, soufflée par l'intérieur. 3° D. les disposait dans un certain ordre sur un plateau métallique chauffé, puis il les ramassait autour de l'ex VIT 912 trémité de sa canne de façon qu'elles y constituassent un cylindre. Réchauffé à nouveau, ce cylindre pouvait être soufflé dans la forme désirée. La dorure entrait assez souvent dans la décoration des verres-mosaïques. Une coupe du Musée de Philadelphie, trouvée à Chiusi', se compose de deux couches de plaquettes vitreuses, entre lesquelles a été placée une mince couche de dorure. De ce fait, les verroteries colorées et translucides qui composent ce précieux monument attei gnent à une tonalité qu'il serait impossible d'obtenir par d'autres moyens. III. Verres à deux couches 2. En créant les verres à couches superposées, les anciens ont amené à la suprême perfection le travail des pâtes vitreuses. Ces monuments, camées, intailles, statuettes, vases, ressemblaient à s'y tromper aux plus riches joyaux de pierres fines. Ils se composent de deux couches de verre de couleurs différentes appliquées l'une sur l'autre. La couche superficielle, qui est opaque, a été sculptée et affouillée jusqu'à la rencontre de la couche sous-jacente qui sert de fond à des reliefs d'une ténuité souvent prodigieuse. Il faut citer parmi les ouvrages issus de cette technique: 1. Le Vase Portland, au Musée Britannique 3. Trouvée au xvle siècle dans un sarcophage, aux environs de Rome, cette admirable pièce ans l'ornement de la galerie des princes Barberini ; puis elle fut adjugée en vente à Gavin Hamilton nt transmise à la duchesse de Portland ; elle passa plus tard au Bristish Museum, où elle se trouve aujourd'hui (fig. 7526) Le Vase Portland est en verre bleu, recouvert d'une couche de pâte vitreuse blanche opaque. On n'est pas d'accord sur la signification des sujets qui y ont été ciselés ; peut-être la scène principale se rapporte-t-elle à_ la légende de Thétis et de Pélée ; la seule figure indiscutable est celle d'Attis, sculptée sur le fond du vase 6. 2. Le Vase de la vendange ou Vetro Blu, au Musée de Naples 7. C'est une amphore haute de 30 centimètres, découverte en 1837 dans une tombe de Pompéi, où elle avait été déposée en qualité d'urne cinéraire. Autour de sa panse bleue se déroule, en relief d'un blanc nacré, une scène de vendange, exécutée avec beaucoup de talent (fig. 7527) 8. Malgré ses dimensions réduites, cette scène a toute la largeur de style des grands bas-reliefs. Ces enfants qui cueillent des grappes de raisin et les foulent en cadence au son de la syrinx et du double chalumeau, cette frise d'arbres, de chèvres et de moutons, ces guirlandes de feuilles et de fruits, tout cela est comme l'illustration des Bucoliques de Virgile et caractérise admirablement la tendance à traiter des sujets idylliques qui prévalait à l'époque d'Auguste. 3. Le Vase d'Auldjo, au British Museum. C'est une belle cenochoé ornée de ceps de vigne et de grappes de raisin, trouvée à Pompéi en 1834, dans la «maison de Goethe » 4. Le Balsamaire de Torrita, au Musée de Florence. Recueilli en 1870 à Torrita, dans le val de Chiana, ce petit vase à base pointue porte, en faible relief, une scène en l'honneur de Priape 10 5. L'Œnochoe' de Besançon, au Musée de cette ville". Le décor de cette pièce représente une cérémonie priapique, analogue à celle du vase de Torrita. Ces divers ouvrages paraissent être de création alexandrine et sont vraisemblablement contempo rains des camées et des gemmes gravés du Haut-Empire. IV. Gobeleterie usuelle de verre soufflé 12. Le soufflage des récipients vitreux, soit « à la volée », soit dans des moules, a permis aux verriers de l'époque impériale romaine de réaliser les diverses opérations de gobeleterie. Cette gobeleterie présente dans toute l'étendue de l'Empire les mêmes caractères. Au 1 C et au ne siècle de notre ère, le verre est bleu verdâtre ; les formes des récipients sont lourdes et peu variées ; les anses trapues, coudées à angle droit, sont vigoureuses, mais sans élégance. Un modèle de bouteille carrée ou hexagonale, soufflée dans un moule en bois, est répété à satiété depuis Alexandrie jusqu'aux régions les plus éloignées de l'Occident (fig. 7528)13. Au me-ive siècle, la verrerie usuelle est plus artistique : le moule est abandonné ; les récipients sont souffi ès à lavolée et conservent l'aspect léger et délicat de la bulle primitive ; leurs anses décrivent des ondulations capricieuses et sont VIT 943 VIT accompagnées de menus ornements qui accrochent, la lumière dans une symphonie de taches brillantes et de reflets. Le verre est toutefois de moins bonne qualité que sous le haut-Empire ; absorbé dans la recherche de l'élégance, l'ouvrier s'attache de moins en moins à la pureté de la matière première. Les formes des récipients de verre soufflé, en usage chez les Romains, sont trop variées pour qu'il soit possible de les énumérer dans un court travail de Fig. 7330. Flacons synthèse. Du reste, la plupart d'entre elles n'offrent pas un intérêt morphologique particulier; car, ici comme ailleurs, l'art du verrier se montre un art subalterne, qui se borne à copier les vases d'argile et de métal [v. VASA, p. 663 et nos Tables]. Les urnes [oLLA] sont des vases funéraires que l'on trouve souvent remplis de cendres et enfermés dans un coffre de plomb ou de pierre. Elles varient beaucoup dans leur forme. Les types les plus répandus sont des copies du DoLIUM, de terre cuite (fig. 7529)'. Rares en Grèce, en Orient et en Égypte, ils sont très communs en Italie, à Carthage, en Espagne, en Gaule et en Grande-Bretagne. Les flacons caractérisés par un col démesurémentlong font partie des vases à parfum [Un GUENTUIII, p. 592], en faveur au III° s. [AMPULLA, fig. 290]. Quelques-uns, dont la panse carrée a des parois très épaisses, sont estampillés à l'image du dieu Mercure ; ce sont de véritables flacons à tricherie, qu'employaient alors les droguistes (fig. 7530) 2. Les balsamaires doubles, enrichis d'une grande anse surélevée (fig. 753t)', constituent une spécialité syrienne, qui ne s'est pas propagée dansles provinces occidentales de l'Empire. L'ampulla olearia [AnIPUlLA, fig. 292], qu'on suspendait à sa ceinture avec des brosses et des strigiles lorsqu'on allait au bain, est une copie, en verre soufflé, de l'ancien ARYDALL OS de pâte vitreuse monté à la main; sa panse sphérique est parfois divi soufflé. Les lagènes [LAGENA] sont parmi les ustensiles de table les plus attrayants (fig. 7532) ; on les rencontre tant dans les nécropoles orientales que dans les cimetières rhénans et gallo-romains des me et Ive siècles. Les grandes aiguières, ancêtres des belles buires du Moyen âge et de la Renaissance, demeurent pour les professionnels un sujet d'admiration et d'étude. Un groupe des plus homogènes est constitué par les tasses, les plats et les bols façonnés à l'imitation de la vaisselle romaine de terre rouge. Toutes les formes signalées par M. Dragendorff5 ont tenté le verrier romain (fig. 7533)6. Plus riche est la série des récipients à large ouverture, imitant des pièces d'orfèvrerie comme celles qu'ont fait connaître les trouvailles d e Fig. 7533. Boscoreale et de Berthouville. Il faut ranger parmi les créations les plus élégantes de toute la verrerie antique les canthares [cAiNTIIARUS], qui rappellent, jusque dans les détails les plus infimes de leur structure, l'admirable vase d'argent d'Alésia et les ciboires rhénans du Ive siècle (fig. 7534) [t:IDORIuM] 7. V. Verres plastiques°. Le terme de « verrerie plastique» s'applique aux vases de verre soufflés en forme de figurines, d'animaux, de fruits et d'ustensiles divers. Ces monuments ne témoignent pas d'une grande richesse d'imagination de la part du verrier ; car eux aussi ne sont que des reproductions serviles d'une vaisselle d'argile et de métal dont les prototypes grecs remontent à une époque lointaine [vAsA, p. 656]. Ils ont été soufflés, pour la plupart, dans un moule à deux valves. Peu répandus sous le Haut-Empire, ils se sont multipliés à partir des Sévères et particulièrement sous l'empereur Tacite, qui les trouvait à son goût. Les représentations, très variées, relèvent de la tradition hellénistique. Les flacons figurant une tête humaine abondent dans nos musées. La collection Dutuit, au Palais des BeauxArts de la ville de Paris, conserve un verre à boire, en forme de tête de nègre, qui vient de Phénicie et qui porte l'inscription TPY4 flNOC; c'est une ceu vre du verrierTryphon.Une très belle tête de femme, en verre de deux couleurs, les chairs roses elles cheveux noirs, datant de l'époque d'Auguste, montre à quel degré de perfection était parvenu ce genre de travail9 (fig. 7535). Deux grosses bouteilles du me ou du Iv° siècle, découvertes, l'une à Boulogne-sur-Mer 10, l'autre à Cologne 1, portent la double représentation d'un enfant joufflu, aux yeux à fleur de tète (fig. 289). D'autres flacons, trouvés dans le nord des Gaules (fig. 7536) et dans la vallée du Rhin, appartiennent au groupe des caricatures et des charges populaires dont l'art alexandrin était si friande. A ce groupe se rattachent des balsamaires de basse époque,recueilli s dans la Belgique et le pays rhénan, qui figurent un singe assis, pressant sur sapoi t une flûte de Pan (fig. 7538) Les vases de verre en forme de grappe de contrées septentrionales, était commun, VIT -914iVIT tique. raisin (fig. 291, 7538) et de coquille Saint-Jacques (fig. 7537), d'outre et de tonneau cerclé (fig. 7538), sont des créations plus heureuses et mieux équilibrées Le vase conchiforme, réalisé par les Grecs de l'époque classique, se retrouve beaucoup plus tard parmi les produits vénitiens du xvi' siècle de notre ère. L'outre de verre n'est qu'une ré plique des vases d'argile et de métal dont la forme était inspirée par l'outre de cuir qui servait à renfermer le vin dans les régions méditerranéennes [ASIéOS] ; on ne la ren contre pas au nord des Alpes. Le barillet gym' est la copie du tonneau de bois, dont l'usage, peut-être localisé, à l'origine, dans les sous l'Empire, à tout l'Occident [cuPA] 5. Pour compléter ce petit tableau de la verrerie plastique des Romains, il convient de signaler les récipients en forme de corne à boire 6, de panier de patère à manche (fig. 7538) 8, de marteau 9 et de casque de gladiateur fantaisies qui répondaient au caprice d'esprits blasés, toujours en quête d'oeuvres sans pareilles. VI. Verres à pièces de hautrelief rapportées".-Les verriers de la basse époque impériale nous ont laissé quelques ouvrag e s procédant d'une conception des reliefs zoomorphiques analogue à celle que Bernard Palissy aura plus tard. D'une originalité séduisante, le décor de ces pièces consiste en poissons et en coquil nages travaillés à part et soudés ensuite sur la surface externe du vase. Nous ne connaissons, traités dans cette technique, que trois oeuvres de l'art chrétien primitif, trouvées la première à Rome, dans la catacombe de Calliste (fig. 7539)12, la seconde dans un cimetière de Trèves 13, la troisième à Cologne 1". Ce sont des récipients caliciformes qui présentent, sur un fond de verre incolore, trois rangs d'animaux marins, dont le modelé minutieux est d'un réalisme saisissant. VII. Verres à bas-reliefsmoulés. Les plus anciens verres à bas-reliefs moulés datent de la Fig. 7539. Verre à reliefs fin de la République et du début rapportés. de l'Empire. Ce sont des copies plus ou moins fidèles des vases alexandrins en métal ciselé et repoussé. Les plus élégants d'entre eux, fabriqués à Sidon, sont estampillés de noms de fabricants. Un de ces artisans, Ennion, mérite d'être signalé en particulier ; il est l'auteur d'une belle amphore du Musée de Pétrograd (Saint-Pétersbourg) 1s couverte de godrons, de palmettes, d'imbrications et de feuilles (fig. 7540) 16, et d'un flacon hexagonal du Musée de New-York, dont les faces sont délicatement ornées de guirlandes auxquelles sont suspendus une flûte de Pan, une grappe de raisin et des vases 17. Sa maî trise s'affirme également dans Fig. 7540. Amphore signée deux canthares trouvés près de d'Ennion. Venise et décorés d'après les meilleurs modèles d'orfèvrerie 16. A côté de ces produits soignés, les manufactures sidoniennes livraient à l'exportation de petits flacons prismatiques ornés, sur leurs côtés, de masques de Méduse, d'oiseaux, de fruits, de symboles bachiques et de torches croisées. Ces balsamaires, souvent colorés en bleu, en vert-émeraude ou en rouge, ont pénétré de bonne heure en Italie et dans la Gaule méridionale. Quelques exemplaires ont même été recueillis dans la vallée du Rhin. Un groupe plus récent de verreries à bas-reliefs moulés est constitué par les bols à courses de chars et à combats de gladia teurs19 (fig. 7541)". Moins soignés que les produits d'Ennion, ces vases sont peut-êtresortis d'ateliers gaulois ; on n'en a trouvé jusqu'ici qu'en France, en Belgique, en pays rhénan, en Suisse et en Angleterre. Des noms de personnages célèbres de l'arène 21 sont disposés dans une zone VIT -9fi.ôVI1' étroite, ménagée à la partie supérieure de ces récipients. La verrerie à décor moulé de la dernière phase de l'époque romaine, très connue parles abondantes trouvailles de Palestine et de Gaule, accuse une grande négligence. Les flacons du Ive et du ve siècles sont en verre de mauvaise qualité; leur ornementation floue et mal venue consiste en combinaisons géométriques, ou en motifs religieux, tels que la porte du Temple, le Chandelier à sept branches et le monogramme du Christ. VIII. Produits ornés à chaud de fils de verre et de cabochons'. Le procédé de décoration qui consiste à étirer des fils de verre plus ou moins gros et à les appliquer à chaud sur le pourtour des récipients a eu son plein épanouissement dans les ateliers de la Gaule du nord après la mort de Commode. Au me siècle, les motifs en fil de verre sont le plus souvent empruntés au règne végétal ; au Ive siècle, ils représentent des serpents qui semblent ramper sur les parois des vases2. Deux vases àapplications de fils de verre sont particulièrement célèbres. L'un, connu sous le nom de « oenochoé de Cortil-lioirmont» 3, est conservé à Bruxelles au musée du Cinquantenaire (fig. 7542)4; l'autre, trouvé dans une sépulture du cimetière romain de Cologne et déposé au musée decette ville, est une bouteille à deux anses dont la panse, aplatie, est ornée de grandes palmes et de guirlandes polychromes'. Tous deux sont de l'époque des empereurs syriens. Les verriers du ule, du Ive et du v' siècles aimaient à couvrir de cabochons multicolores les coupes, les bols et les ciboires de verre. Ces guttules, appliquées à chaud, sont colorées en bleu saphir, en brun, en violet, en jaune-topaze, en vert-émeraude, en rouge de pourpre et imitent les pierreries que les orfèvres incrustaient dans la vaisselle d'or De belles verreries à cabochons proviennent des nécropoles à inhumations du nord des Gaules' (fi g. 7543)8. IX. Diatrètes 9. On entend par diatrètes des récipients vitreux travaillés au tour de telle façon que les dessins qu'ils portent soient non seulement en relief, mais complètement détachés du corps du vase. Les diatrètes étaient des pièces de grand luxe. Les rares IX. exemplaires qui sont parvenus jusqu'à nous témoignent de l'habileté prodigieuse des anciens dans ce genre de travail (fig. 75''i4)1°. Les spécimens trouvés à Strasbourg", à Cologne''-, à Ilohen-Sülzen i3, paraissent de fabrication rhénane et remontent à la fin du nie siècle ou au début du Ive. La situle de Saint-Marc à Venise", la coupe de la Collection Cagnola à Milan 1J et le verre -~ dit « de Lycurgue », dela Collection Lionel de Rothschild à Londres f 6, appartiennent, par leur technique, au même groupe, mais sont plus intéressants encore que les diatrètes rhénans, parce qu'ils présentent des sujets historiés à la place du réseau. Ils doivent être d'une époque un peu plus ancienne et paraissent d'origine méridionale. X. Verres peints". Pour peindre sur verre, les anciens se servaient soit de couleurs terreuses qu'ils recouvraient d'un vernis, soit de couleurs d'émail qu'ils brûlaient à la surface du verre par un nouvel échauffement. Malgré le vernis protecteur, les couleurs terreuses s'altéraient facilement. Il nous est resté très peu de monuments peints par ce procédé. Quand on a cité le vase des pygmées et des grues au Louvre (fig. 7545), les bols d'Alger et de Khamissa19, décorés l'un de gladiateurs, l'autre d'oiseaux voltigeant dans un épais feuillage, le verre du musée de Turin 20 orné de perdrix et de fruits, une bouteille du musée de Bonn 21 sur laquelle est peint un quadrige, une coupe du musée de Cologne où l'on distin gue de femme dans le genre des portraits du Fayoum, deux vases trouvés à Fraillicourt (Ardennes) 22 et un très beau bol orné d'une gazelle, d'oiseaux et de guirlandes, découvert à Olbia en 1913 23, on en a dressé la liste à peu près complète2t. Les verreries peintes à l'aide de couleurs d'émail se sont mieux conservées". Les plus curieuses ont été retrouvées dans des fouilles danoises 2e. Ce sont des bols 119 l'une de ces verreries, fournit une indication suffisante pour dater ces vases qui, dans leur forme, ne diffèrent pas de ceux de l'époque impériale romaine 2. XI. Verres gravés «fig. 4852, 4915). La gravure sur verre était déjà connue des Égyptiens au temps de la xvine dynastie 4, mais, jus VIT 946 VIT qui paraissent originaires de la vallée du Rhin et dont les formules décoratives, combats d'animaux et de bestiaires, gladiateurs s'abritant derrière leur bouclier, appartiennent au cycle ordinaire des sujets grécoromains du Ille siècle de notre ère. La chronologie des verres peints est difficile à établir. On pensait autrefois que les plus anciens de ces monuments n'étaient guère antérieurs au siècle des Antonins ; mais des fouilles récentes, faites en Russie méridionale, ont modifié sur ce point la manière de voir de certains archéologues. Les fouilles de Eertch ont mis au jour des verres peints d'une éblouissante richesse de décor, qui seraient du milieu du ter siècle av. J.-C.'. Nous nous demandons toutefois si la bractéate reproduisant une monnaie de Mithridate Eupator, recueillie avec qu'à l'époque romaine, elle ne se distingue pas de la gravure en pierres fines. Pour trouver des verres gravés proprement dits, qui ne cherchent pas spécialement à pasticher les gemmes, et sur lesquels se développent des sujets importants, il faut arriver au lue siècle de notre ère'. Les plus simples sont ornés de cercles, de motifs géométriques, de feuillages, d'inscriptions. D'autres portent des courses de chars 6, des scènes de chasse', des vues de villes 8, même des parcs à huîtres (fig. 3194, 7559, 7560). Les plus dignes d'attention sont ceux qui racontent les vieux mythes de la Grèce et les légendes orientales propagées en Occident parles premiers chrétiens. Sur une coupe du musée de Berlin dite « coupe de l'Anthropogonie », Prométhée est occupé à modeler une figure humaine en présence d'Épiméthée et d'Atlas (fig. 5805) y. Sur un vase découvert à Reims i0, Atalante combat contre IIippomène. Sur un bol du musée de Cologne, IIypermnestre refuse de tuer son mari, Lyncée, l'un des cinquante fils d'Aegyptus ". Sur une phiale trouvée à Cobern-sur-Moselle 12, Poseidon est entouré de poissons et de fauves à queue de dauphin (fig. 7546)13. Sur un fragment de vase de la collection Pierpont-Morgan, Héraklès terrasse l'Hydre de Lerne" Il n'y a pas lieu de faire une place à part aux verres gravés des chrétiens, car, au point de vue du travail, ils ne diffèrent pas des précédents. Le plus célèbre d'entre eux est la « coupe de Podgoritza », au musée de l'Ermitage, à Pétrograd'6. C'est une oeuvre très barbare, mais précieuse par la richesse de son iconographie; on y reconnaît Jonas et le monstre, Adam et lave, le Christ ressuscitant Lazare, Moïse frappant le rocher, Daniel et les lions, les trois jeunes Hébreux dans la fournaise, Suzanne et les vieillards ; ces sujets rayonnent autour d'une scène centrale qui représente le sacrifice d'Isaac. Les inscriptions qui accompagnent ces grossières images sont les termes mêmes des plus anciennes liturgies funéraires. La coupe d'Ilomblières au Louvre i6, avec ses sujetsbibliques et son monogramme (fig. 7547)17, celle du musée de Saint-Quentin, trouvée dans la célèbre nécropole de Vermand et sur laquelle est gravée la résurrection de Lazare 18, celle enfin du cimetière du Vieil-Acre à Boulogne-sur-Mer, conservée dans la Collection Bedon ", résument, elles aussi, de la façon la plus instructive, l'imagerie populaire des chrétiens du Ive et du ve siècle. XII. Verres dorés. On a vu que la dorure des pâtes vitreuses était connue des Égyptiens au Ive siècle av. J.-C. et que l'or entrait parfois dans la fabrication des verres-mosaïques de l'époque alexandrine. Plus tard, à partir du lue siècle de notre ère, une des richesses les plus singulières. de l'art archaïque chrétien consiste en médaillons et en fonds de coupes qui retiennent entre deux lamelles de verre incolore une feuille d'or travaillée à froid. Les compositions découpées ou dessinées à la pointe que montrent ces petits monuments forment, avec les peintures des catacombes et les coupes gravées, le Corpus des images familières aux premiers chrétiens'. Elles représentent Jésus paraissant entre Pierre et Paul, le Bon Pasteur, la Guérison du paralytique, la Multiplication des pains, la gracieuse figure d'Agnès. Quelques-unes témoignent d'un réel sentiment de la beauté ; c'est à ce titre que méritent d'être connus le portrait du pape Calliste à la Bibliothèque nationale de Paris 2 et le médaillon de Brescia 3 (ve siècle)'. La plupart des verres à fond d'or ont été recueillis dans les catacombes de Rome. Le musée chrétien du Vatican en possède une riche série Il arrive parfois de rencontrer des verres qui ne sont pas seulement dorés, mais en rnême temps gravés et peints avec des couleurs d'émail. Le plateau de verre orné d'un plan de ville, signalé plus haut 6, les coupes dites de Sainte-Ursule et de Saint-Séverin, découvertes à Cologne et achetées toutes deux par le British Museum', sont les exemples les plus typiques de cette triple technique. XIII. Miroirs. De petits miroirs de verre doublé de métal ont été recueillis dans tout l'empire romain. Ils se composent d'une mince capsule de verre recouverte d'une couche de plomb fondu. Cette capsule, qui mesure cinq à six centimètres de diamètre, a été découpée dans un ballon soufflé; aussi présente-t-elle une légère convexité; elle est enchâssée dans une monture circulaire en métal, en plâtre ou en bois '[SPECULUI]. De dimensions trop minimes pour avoir été d'une réelle utilité, ces curieux objets ne se sont jamais substitués aux miroirs métalliques; on devait les considérer comme des miroirs de poche, des amulettes et des jouets d'enfant. Nous en connaissons près de cent cinquante exemplaires, dont M. L. Michon a dressé la liste'. Ils ne diffèrent les uns des autres que par la matière, la forme et le décor de la monture. Ils s'étendent sur une aire géographique des plus vastes : on en a recueilli en Égypte, à Antinoë «fig. 6538), à Saqqarah" et à Gizeh" ; en Asie Mineure, à Trébizonde et à Smyrne15; en Russie méridionale, à Olbia 13 ; en Thrace, dans les ruines d'un sanctuaire consacré aux Nymphes14; en Rhétie'5, en Pannonie16, en Germanie" et en Gaulet8. La détermination de la date qu'il convient d'assigner aux miroirs de verre présente quelque difficulté. Un passage de Pline l9 laisserait supposer que ces monuments, d'invention sidonienne, étaient déjà connus au Iea siècle de notre ère; mais ce texte, obscur et discutable, n'est encore confirmé par aucune trouvaille. Nous con statons au contraire que les miroirs d'Antinoë sont fie l'époque byzantine, que le spécimen de Cologne a ét' trouvé avec des monnaies de la fin du nie siècle, que les exemplaires thraces d'Orochak étaient accompagnés de monnaies des Sévères et que ceux de Reims appartenaient à des mobiliers funéraires du Ive siècle. Tout porte donc à croire que les miroirs de verre, inconnus ou à peu près jilsqu'à la fin de la période antonine, ne se 'sont multipliés dans l'Empire qu'à partir du début du nie siècle ap. J.-C. à vitre ne paraît pas avoir été connu avant l'époque impériale romaine; il n'a pas été signalé par les écrivains antérieurs au nie siècle de notre ère 21 ; mais des fragments découverts à Herculanum et à Pompéi prouvent que l'usage s'en était généralisé avant la fin du ler siècle ap. J.-C. Plus éloquents que les textes, les témoignages matériels sont aujourd'hui très nombreux : ils consistent en éclats épars dans les ruines des maisons, en vitres encore en place dans leurs châssis de bronze ou de bois 22. Des carreaux fixés dans le mur fermaient des lucarnes dans la maison du Faune et dans celle de Caecilius Jucundus, à Pompéi23. Des vitres de '.27 centimètres sur 33 et de 60 centimètres sur 30 sont conservées aux musées de Naples et de Londres ; mais la plupart des débris que nous possédons ne dépassent guère 10 à 15 centimètres. Pompéi et Ierculanum ne sont pas les seules localités qui en aient livré : on en a recueilli en Italie, à Puteoli (Pouzzoles), à Rome, à Velleia (Émilie) ; en France, au Vieil-Évreux24, à Alésia", à Carnac (Morbihan) ; en Suisse, dans les fouilles de Colombier 26 et à Vindonissa; en Allemagne, dans les ruines des villas romaines des bords de la Moselle 27, à Bonn, à Coblence, à Wiesbaden, au camp de Neuss et dans les décombres des officines de la région de l'Eifel u ; en Angleterre, à Wilderspool 29. Il est à remarquer qu'on peut facilement distinguer deux séries dans ces documents. Ceux de la haute époque impériale ont de 3 à 6 millimètres d'épaisseur ; ils sont en verre bleuâtre, verdâtre ou d'une teinte tirant sur le brun. Ceux du me et du ive siècle se rapprochent davantage de nos vitres ; ils sont en verre plus limpide avec une légère coloration vert d'eau très pâle 30. Les uns et les autres paraissent avoir été fabriqués par un procédé de coulage très primitif. La ruasse vitreuse était sans doute versée sur une plaque, puis tirée de tous côtés à l'aide de pinces qui ont laissé leur empreinte sur maints débris. Le verre à vitre des anciens n'est pas uni sur ses deux faces; l'une des deux est plus ou moins rugueuse ; on pense qu'elle a VIT 948 VIT été dépolio par la couche de sable qu'il fallait étaler sur la plaque avant de procéder au coulage. Notons en terminant que les Romains n'ont connu, semble-t-il, ni le procédé qui consiste à amener une paraison à l'état de disque (verre en couronne du moyen âge), ni celui du manchon coupé sur le côté, puis étalé sur une surface plane (verre en cylindre des temps modernes). XV. Émaux sur argile et fritte sableuse. L Faïences crétoises'. La fabrique de faïence établie à Cnosse au second millénaire av. J.-C. nous a laissé des pièces remarquables qui dénotent, par la technique, une influence égyptienne, mais conservent, au point de vue du style, une originalité surprenante [nlusivual opus, p. 2091]. La plus curieuse de ces faïences est une déesse vêtue d'une jupe-cloche recouverte d'une sorte de tablier et d'un corsage très serré à la taille et largement échancré, de façon à mettre la poitrine complètement à nu (fig. 6398) 2 ; elle est coiffée d'une haute tiare de forme orientale. Trois serpents l'enlacent ; la tête de l'un d'eux surmonte la coiffure, à la manière des uraeus égyptiens. La poitrine, les bras et la figure de la statuette sont en émail blanc crémeux; les détails du costume, les riches broderies du tablier et du corsage, ainsi que les serpents, sont en émail brun. Fig. 7548. -faïence Une seconde déesse provenant de la gréco-orientale. même trouvaille est vêtue d'une jupe à six volants et tient un serpent dans la main droite; la tête et l'avant-bras gauche manquent'. Non moins curieux sont des ex-voto dits « robes d'offrande » 6, qui nous font connaître les diverses pièces du costume féminin de l'époque; oh est frappé de l'analogie de ce costume avec les toilettes modernes. De la fabrique minoenne de Cnosse sortaient aussi des faïences, qui attestent à quel degré de perfection les Crétois étaient alors parvenus dans l'art de représenter les animaux. Ce sont de petits monuments en forme de poissons volants de coquillages, et surtout une belle plaque qui nous montre, en vert pâle rehaussé de sépia, une chèvre sauvage accompagnée de ses deux faons'. Une oeuvre de cette valeur est un exemple frappant de ce goût du mouvement et des attitudes pittoresques qui caractérise les artistes préhelléniques'. 2. Faïences de Rhodes (fig. 7548) 8. Les faïences du vue et du vie siècle, que l'on désigne par le terme général de « faïences de Rhodes », parce qu'elles abondent dans la nécropole de Camiros, mais dont maints exemplaires ont été recueillis en Grèce et en Italie, comprennent des statuettes, des vases à décor incisé et des flacons ayant un caractère sculptural. Parmi les statuettes, les unes sont de type égyptien pur; les autres sont des imitations, quelquefois assez lointaines, des figurines de la vallée du Nil9 Les vases présentent plus d'intérêt. Ce sont des alabastres et des aryballes recouverts d'une mince couche d'émail bleu verdâtre, sur laquelle des dessins, tracés à la pointe, ont été repassés en teinte brune 10. Les sujets, distribués en zones, ont un caractère oriental très marqué. Les uns sont des motifs pris à l'Égypte : cartouche de pharaon ', divinité accroupie étendant les bras et déployant ses ailes, tête de Iion coiffée du disque et interprétant les images de la déesse Sekhet. Les autres consistent en animaux (,lions, taureaux, antilopes) passant ou accroupis et entremêlés d'arbres. Ils appartiennent à la même tradition que le décor des coupes de bronze de Nimroud". Les flacons ayant un caractère sculptural représentent, tantôt des personnages entiers avec le goulot du récipient sur la tête, tantôt des bustes coupés à la taille, tantôt des tètes isolées 13. Le plus curieux de la série offre l'aspect d'une tête de guerrier coiffée d'un casque grec"; il est en fritte sableuse recouverte d'ùn émail bleu, en partie disparu. Les prunelles et les sourcils de l'hoplite, ainsi que les ornements du casque, étaient rehaussés de touches noires et jaunes dont la trace subsiste en maints endroits. Ce qui augmente la valeur archéologique de ce précieux aryballe, c'est qu'il porte le cartouche du roi Ouhabra, l'Apriès des Grecs, qui régna en Égypte de 599 à 569 av. J.-C. (fig. 3400). D'autre part, le Musée Britannique conserve un flacon de Camiros, modelé en forme de dauphin, recouvert d'émail bleu et portant autour de l'orifice l'inscription : « T1YOEfEMI, j'appartiens à Pythès » 15. A côté de ces pièces hors de pair, Rhodes nous a livré un grand nombre de vases-statuettes émaillés, dont le Louvre possède une série importante. Les flacons en forme de femme agenouillée, serrant dans ses bras un gros vase surmonté d'une grenouille ne sont pas les moins pittoresques de ces créations, qui fournissent à l'histoire de la plastique chez les anciens des matériaux aussi précieux qu'abondants. 3. Produits émaillés de la période hellénistique et de l'époque impériale romaine.Les établissements égyptogrecs d'Alexandrie, les fabriques gréco-orientales d'Asie Mineure, les ateliers gaulois de l'Allier ont livré, aussi bien pendant la période hellénistique que sous l'Empire romain, des vases et des statuettes recouverts d'un émail plombifère dont le ton est tantôt jaune ou brunâtre, tantôt vert-malachite (fig. 7549) Nous signalerons, parmi les pièces les plus remarquables de cette riche série, l'oenochoé découverte à Benghazi et connue sous le nom de « vase de la reine Bérdnice " », un vase du VIT 0M) VIT Musée Britannique ayant la forme d'un canard que chevauche un petit Éros ailé, qu'on suppose originaire d'Alexandrie des figurines trouvées à Smyrne et à Cymè 2, de beaux askos à décor en relief découverts à Benghazi , à Théra , à Pompéi , des canthares modelés à l'imitation des pièces d'orfèvrerie du trésor de Boscoreale , des flacons en forme de porc et de bateau , des lampes dont le spécimen le plus curieux provient des environs de Cologne et présente l'aspect d'un casque de gladiateur 8 Un beau fragment à glaçure jaunâtre, originaire de la fabrique gauloise de Saint-Rémy-enltollat (Allier), est orné d'un sujet mythologique : le combat de Thésée et d'Hippolyte '. Les importants ouvrages, issus de l'industrie de l'émail et appliqués aux mosaïques de la période romaine et chrétienne, ont été étudiés en détail à l'article Muslvusi opus, p. 2121, p. 212 et suiv. XVI. Émaux sur métal". Nous laissons de côté les émaux celtiques et britanniques antérieurs à l'époque romaine, qui n'entrent pas dans le cadre de notre étude, et nous arrivons à ces bijoux émaillés qui, aux 11° et nI1 siècles de notre ère, furent à la mode • dans toute l'étendue de l'empire (fig. 7550) Les plus intéressants d'entre eux, trouvés aux environs de Namur, paraissent être sortis de la Villa d'Anthée, qu'on peut considérer, jusqu'à nouvel ordre, comme le plus important centre de diffusion de ces menus objets. Ce sont principalement des fibules, des broches, dont l'ardillon fonctionne à l'aide d'une charnière et dont le corps affecte les formes les plus diverses : motifs géométriques, disques, losanges, croissants, animaux réels et fantastiques, objets fabriqués, bouteilles, couteaux, semelles de sandale, etc. Leur décor nous montre que les industriels de l'époque romaine ont connu plusieurs procédés d'émaillage sur métaux u. Le champlevé, dans lequel la surface métallique a été travaillée eu creux pour recevoir, dans ses cavités, l'émail avant cuisson b. Un procédé consistant à creuser dans un premier émail des alvéoles, où l'on coulait un autre émail de ton différent; c. L'émaillage en mosaïque, dans lequel on utilisait, après les avoir coupées en tranches, ces baguettes polychromes que nous avons signalées plus haut è, propos de la fabrication des verres-mosaïques. Peut-être les industriels du nord des Gaules faisaient-ils venir ces baguettes toutes préparées, soit d'Alexandrie, soit de quelque autre grand centre méditerranéen d'industrie verrière. L'influence orientale a marqué de son empreinte un autre groupe de monuments dont l'origine reste encore obscure ; ce sont de très beaux objets de bronze décorés, par les procédés ci-dessus décrits, de bandes d'ornements et de C affrontés, constituant un motif préféré qui revient avec insistance sur la plupart d'entre eux. Le plus anciennement connu parmi ces monuments est un vase sans anse découvert à la Guierche, près de Limoges, et daté de la seconde moitié du 111e siècle de notre ère par les monnaies qu'il renfermait lt• Des pièces du même genre ont été re'cueillies depuis à Ambleteuse (vase du British Museum), dans la source de Pyrmont (patère du musée de Sigmaringen), à Piguente en Istrie (mors de cheval du musée de Vienne), en Allemagne et en Danemark. Ces monuments remarquables, dont quelques-uns appartiennent peut-être déjà à la période mérovingienne 13, sont les premiers jalons d'un art qui s'épanouira dans la France médiévale; ce sont les ancêtres des émaux précieux, custodes, reliquaires et châsses, qui feront au XIII0 siècle la gloire des ateliers de VITTA (roc, rpiElos, zT(J4J.X, TICV (x). Le mot vitta, que les Latins rapprochaient du verbe vincire j, parait avoir désigné primitivement toute espèce de bandeau ou de bandelette servant de lient. Le ruban ou lemnisque [LEMNISCUS] qui s'enroule autour d'une couronne ou d'une guirlande [coRoNA, SERTA], pour en maintenir les tiges, et dont pendent les extrémités, est une variété de la vitta . Pline, parlant des courroies qui servaient au maniement des pressoirs à levier [PRELUM, 'roncuLARj, les qualifie de vitlae loreae'. Isidore de Séville fait mention de vittae serrant la poitrine [FASCIA PECTORALISJ. Aussi n'est-il pas toujours facile d'apprécier les nuances qui distinguent le mot villa de ses synonymes, FASCIA, TAENIA 6. Toutefois, 'VIT 90 dans les textes, il est plus spécialement question de la vitta comme élément de la coiffure féminine ou comme insigne sacré. 1. Vitta crinalis°. -On désigne ainsi toute bande d'étoffe, généralement de laine, destinée à serrer et assujettir la chevelure des femmes. En Grèce, cet accessoire ne paraît pas avoir eu d'autre valeur que celui d'un objet de toilette (fig. 4258, 5098, 5099). De tradition très ancienne à home, la vitta crinalis y constituait un privilège des jeunes filles, des matrones et des Vestales' ; on la considérait par suite comme un insigne de chasteté et de pudicité'. Le Sénat en avait réglementé l'usage à; elle était interdite aux courtisanes d'une façon plus générale, elle semble avoir distingué l'ingénue de l'affranchie 6. Mais elle diffère chez la jeune fille et chez la femme mariée, parce que l'une et l'autre ne portent pas la même coiffure [COMA]. Jusqu'à leur mariage, les jeunes Romaines se contentaient de nouer en chignon leurs cheveux ramenés en arrière et de maintenir ce chignon au moyen d'une épingle [Acvs] ou d'une simple vitta . Les matrones divisaient leurs cheveux en six tresses ou nattes (sex crines), qui s'enroulaient au sommet de la tête . Sous la forme primitive du TUTULUS, qui resta la coiffure rituelle de la flaminique [FLAMEN, fig. 3106], ou sous ses aspects plus récents, cet arrangement exigeait l'emploi de plusieurs vittae9. Prendre la nouvelle ban,delette était une expression usuelle pour désigner le mariage '°, et ce changement de coiffure, comme le changement de costume, faisait partie des cérémonies nuptiales ' [MATRTMONIUM et fig. 4871]. Le type des vittae crinales s'est modifié au cours des siècles. A l'origine, ce sont des bandeaux assez larges pour envelopper (a'elare) de leurs enroulements toute la masse du tutulus ; c'est pourquoi un auteur ancien a pu comparer et peut-être confondre la inc, qui est un véritable voile, avec la vitta rouge qui ceint la tête de la flaminique '. Ce mode archaïque de coiffure devait présenter beaucoup d'analogie avec celui des femmes VIT étrusques, tel qu'on le voit sur certaines peintures funéraires (fig. 3105)15 et sur une statuette en bronze 15; il dérive probablement d'une tradition importée d'Étrurie. Plus tard, les bandeaux se rétrécissent ; ils deviennent de simples rubans, savamment enlacés avec les tresses pour les maintenir en place et les relier entre elles le, Au temps des Sévères, les six tresses des Vestales ne sont plus que des postiches qui s'étagent audessus du front, sous le bord antérieur du voile (suffibuluên), et où s'entortillent des rubans rouges et noirs [VESTALIS et fig. 7417, 7418] 17, Quant aux autres Romaines, sous l'Empire, elles ne portaient guère cette coiffure surannée que le jour de leurs noces 18. Mais les vittae continuent à jouer un rôle plus ou moins important dans les coiffures, parfois si compliquées, qui se succèdent àl'époque impériale. Certains agencements, au iv0 siècle, supposent tout un réseau de rubans (fig. 1870). II. Vitta sacra La bandelette a été très anciennement un insigne de consécration. On la rencontre déjà, nouée autour de la double hache, à l'époque minoenne °° En grec, le mot correspond à vitia ; r'po, ts-udciuov sont des variantes analogues. La bandelette ainsi désignée avait une destination religieuse 21 : les inventaires de Délos 21 mentionnent des 'cŒtv(cct d'or et d'argent, qui sont déposées dans le temple comme ex-voto précieux; elles remplacent les vulgaires bandelettes de laine qui étaient en usage. Mais la laine reste la matière essentielle dont ces accessoires sont faits; car la laine conserve un caractère sacré en raison de son antiquité primitive, comme don aux dieux et comme prémices d'un des plus anciens travaux de l'homme Les exemples de bandelettes sacrées dans l'art grec la bandelette tient une place beaucoup plus considérable encore dans la vie religieuse des Grecs que dans la religion romaine, où elle est généralement remplacée par la couronne2t. Non seulement elle intervient sur VIT 951 VIT tout dans les sacrifices, comme un élément indispensable; mais l'on ne saurait oublier que la bandelette des vainqueurs (fig. 1074, 6979, 7451) précisait le caractère religieux de la récompense ; elle consacrait le vainqueur à la divinité dont il était l'élu [VICTORIA]. Cet insigne de victoire se portait sur la tête ou s'attachait aux bras et aux jambes (fig. 482, 4335 et. 7551)2. Quand le vainqueur reçoit une couronne, le bandeau s'enroule autour d'elle, en forme de lemnisque (fig. 1531) ; quand il reçoit la palme, qui est d'importation tardive, on y attache tout d'abord une longue taenia . Même pour des exploits de guerre or' donnait la bandelette en récompense '. Dans la vie civile, on l'octroyait également pour des services rendus à des concitoyens2. Chez les Romains, la bandelette de laine conserve son pouvoir religieux et prophylactique. Comme en Grèce, elle représente le symbole matériel et visible du lien religieux qui met sous la dépendance de la divinité l'être ou la chose consacrée Au même titre que le voile liturgique [VELAMEN], elle isole et met à part ce qui est consacré aux dieux; elle sépare le sacré du profane : Claudien oppose les viltati aux profani 8 Par la simple barrière de liens de laine, surtout si cette laine est teinte cmi couleur rouge, on rend infranchissable un enclos ou un temple; et personne, sauf les prêtres, n'y peut plus pénétrer9. Un exemple frappant du rôle de la bandelette est celui que rapporte Tacite, à propos de la reconstruction du temple Capitolin, sous Vespasien : tout l'espace consacré au nouveau temple est environné de vittae et de couronnes; la première pierre des fondations, qui fait l'objet d'un rite religieux, est entourée de viltue 10 La bandelette est donc, par excellence, un insigne sacerdotal ". En Grèce, les prêtres la comptent au nombre de leurs attributs essentiels. Pour le personnel sacerdotal du culte d'1leusis, un des derniers termes NIA, p. 575]. Quand la Pythie de Delphe s'apprêtait à rendre les oracles d'Apollon, elle tenait dans ses mains une bandelette levée vers le dieu, pour exprimer qu'elle était sa « possédée n (fig. 7070). '3. Le port de la bandelette semble être commun ô tous ceux qui cherchent ou subissent l'enthousiasme divin C'est pourquoi Homère nous montre entre les mains de Chrysès, prêtre d'Apollon, un sceptre garni de sTéti.p:XTCL 15, et pourquoi les poètes latins attribuent la villa comme insigne à la prophétesse Cassandre 16, C'est également pourquoi nous retrouvons la bandelethi parmi les insignes des bacchants et des bacchantes", tenue à la main ou nouée, soit autour du front, soit autour d'un bras ou d'une jambe, soit autour du buste '°, Soit à la haste du thyrse (fig. 684, 703, 2267, 2425, 3824, 6136, et les figures de l'article ThyRsEs) A Rome aussi, n vitlae sacerdotis sunt s, dit Servius 20 La vitta consiste généralement en un bandeau de laine ceignant la tête du prêtre et dont les extrémités retombent sur les joues ou derrière les oreilles jusque sur les épaules Tantôt elle s'emploie seule ; tantôt elle se combine avec l'in fula, dont elle enveloppe ou dont elle serre à intervalles réguliers les bourrelets de laine blanche ou écarlate, mais dont elle dégage les extrémités pendantes [INFULA] ° ; tantôt elle s'associe à la couronne, soit qu'on la dispose à plat pour fixer cette couronne sur la tête (fig. 1982), soit qu'elle s'enroule comme un lien autour des tiges [conoNA et fig. 1531, 6380] Le stroppus, en grec VIT -052VIT pdtov, joue le même rôle 1 A home, les Arvales portent pendant les cérémonies du culte une couronfle d'épis liés par une vitta blanche (fig. 1985)2 ; les Quindécemvirs, quand ils accomplissent leurs fonctions religieuses, ont une couronne de laurier d'où s'échappent les deux bouts d'une longue bandelette (fig. 6009 . Ce qui frappe Denys d'Halicarnasse comme insignes distinctifs du flamme, ce sont le bonnet et les bandelettes [FLAMEN]; quand le flamme ne se coiffait pas du bonnet à apex, il ne pouvait sortir que la tête voilée de rittae (x'rx) c; d'autre part, le fil de laine dont s'enveloppe l'apex n'est qu'une forme atténuée et un vestige rituel de la vitta. Le clergé des cultes importés d'Orient, prêtres et prêtresses de la Grande Mère des Dieux, prêtres de Bellone, porte sous le voile liturgique les infulae vittatae qui descendent très bas sur la poitrine (fig. 1986 = 4059, 3482)5. De longues et larges bandes, posées sur les épaules et formant écharpe autour du buste, prototype de l'étole, paraissent correspondre à la même idée rituelle; sur des statues de prêtresses d'Jsis, cette bande est décorée d'emblèmes et d'attributs divins (fig. 4105) G. On voit souvent aussi des bandelettes croisées sur la poitrine; dans certaines régions de la Gaule, elles semblent être un insigne de pèlerins païens . Aussi bien la vitta n'est-elle pas réservée aux prêtres; elle joue un rôle dans les cérémonies d'initiation aux mystères; et l'initié conserve toute sa vie, comme une amulette, celle qu'il portait au jour de sa consécration . Un rite cathartique de certains mystères, d'après Photius, consistait à nouer des bandelettes de laine autour de la main droite et du pied °. Dans les mystères phrygiens, lorsqu'on célèbre un taurobole privé ou public, une bandelette ceint la tête du myste ou du prêtre qui reçoit le baptême de sang10. La viitta joue également un rôle dans les rites gréco-romains de supplication le suppliant tend à la divinité dont il implore la protection soit une vitta, soit un rameau garni de vittae h1• Enfin lorsque les habitants de Fidènes marchent contre les Romains en brandissant des torches et des vittae de diverses couleurs, n furiali more n, ce n'est pas seulement pour produire un effet de terreur; ils accomplissent un acte religieux de DEvOTIO 12 De tout ce qui précède on peut déduire que la bandelette, dont on voit ceindre la tête de tant d'éphèbes ou même d'enfants, dans toutes sortes de scènes de la vie familière, n'a pas seulement une valeur d'ornement, un caractère de fête; elle a surtout une destination religieuse et prophylactique a3 L'insigne de consécration aux dieux orne aussi les images des dieux 15• En Grèce, la bandelette n'est pas seulement un des principaux attributs de Nikè (fig. 697), qui la remet aux vainqueurs (fig.1074, 4329, 6979, 7451), ou qui la consacre aux dieux nicèphores '. La plupart des divinités grecques portent le crrp.ic ; il n'y a, ce semble, d'exception que pour les dieux des Enferst1. Nous le voyons plus particulièrement sur le front ou entre les mains d'Aphrodite '7 et d'Éros (fig. 2186, 5800, 7555) 10, d'Apollon 19,d'Athénat0, de Dionysos (fig. 7552)21, d'Héradès (fig. 1983, 7556) 92, de Poseidon 23, de Zeus Apollon le noue à sa lyre 25, Athèna à son bouclier (fig. 5058) ou à sa lance Hermès à son caducée (fig. 4938) 27, et les divinités de l'Abondance, ainsi que les souverains déifiés, à leur CORNUCOPIA (fig. 1961). Un relief nous montre une jeune Athénienne ceignant d'un bandeau la tête d'un Hermès Dans la religion gréco-romaine il est question de vitlae décorant les statues cultuelles de Cérès29. On avait coutume d'en parer la Mère des Dieux, Cybèle Les textes en signalent VIT -_-9;3VIT aussi sur le Palladium, conservé dans le sanctuaire de Vesta [VESTA, p. 752, fig. 74141 1• Beaucoup d'idoles archaïques, en effet, telles que l'Athéna de Pergame (fig. 50)8), 1'Artémis d'lpltèsc (fig. 2388 et 7553)2,l'Iléra de Samos (fig. 4166) , le Zeus Labrandeus de Mylasac ont conservé à travers les siècles leurs bandelettes traditionnelles; celles-ci sont en général tenues dans les mains et tombent rigides, de chaque côté de la statue, jusqu'à terre. De même persistait la coutume primitive d'orner de bandelettes les pierres sacrées, bétyles [BAETYLIA], piliers, colonnes et les arbres sacrés (fig. 443, 446, 448, 1891, 6601)6, où résidait la divinité. De nombreux monuments témoignent de cette survivance d'une tradition préhistorique. L'OMPHALOS de Delphes apparaît recouvert tout entier d'un réseau de ces bandelettes, ' vB)(.LiVo (fig. 5401 sq.) . Une monnaie d'Ambracie représente le bétyle d'Apollon Agyieus avec une bandelette posée sur sa pointe et retombant des deux côtés, comme un voile (fig. 500 = 6587)5. L'Artémis Lochia, sous sa forme de pilier conique, porte une bandelette en écharpe (fig. 501) . Souvent la vitta sert en même temps à maintenir une guirlande, une palme une panoplie d'attributs divins : tels un pedum et des tintes sur une colonne consacrée à la Mère des Dieux , un bois de cerf sur un pilier conique d'Artémis (fig. 499) la lance, le carquois et l'arc d'krtémis 16, ou bien le thyrse et le tambourin de Dionysos sur des arbres (fig. 446) l4 Les vittae sont tantôt nouées au tronc de l'arbre (fig. 1809) °' tantôt suspendues aux branches (fi. 448, 6601)16. Mais Ix. il faut distinguer ici les bandelettes de consécration, avec le caractère très précis que nous leur avons reconnu, et les bandelettes simplement votives ", que multipliait suries arbres sacrés la piété populaire. Quant aux vittae de couleur pourpre dont les dendrophores entouraient le pin sacré d'Attis, pour la fête phrygienne de l'Arbor intrat [CYIIELE, DENDR0Pn0R1A], nous les retrou verons à propos des bandelettes funéraires. Le rite de consécration qui consiste dans l'imposition de la bandelette, vit ta deûm°1, s'applique aux animaux destinés au sacrifice et, d'une façon générale, à tous les objets et monuments destinés fig. 1000]. La vitta, simple ou combinée avec l'infula, orne la tête des victimes tique nous montre deux femmes occupées à parer de bandelettes sacrées les cornes de deux taureaux (fig. 2428) 20, Sur les bas-reliefs historiques de Rome qui représentent des scènes de sacrifice21, sur les autels tauroboliques où figurent le taureau et le bélier immolés aux dieux phrygiens [TAUROBOLIUM] 55, les victimes portent cet insigne (fig. 444, 4060, 4281-82, 4298, 6006-07, 7093). On le laissait suspendu aux bucrânes dédiés dans les temples (fig. 417 = 5907, 48, 420, 1899, 2606, 5634, 6381) 53. Seule ou combinée avec la guirlande, la vitta décore les autels 120 VIT -9MVIT [ARA]'. Elle se noue comme une écharpe ou se croise diagonalement autour de l'autel circulaire (fig. 7443)2; on l'accroche aux angles de l'autel rectangulaire pour en festonner les côtés' ; ou bien on se contente de la poser sur la face supérieure en laissant pendre les extrémités (fig. 6977)1.. Sur des vases peints , sur des reliefs archaïsants (fig. 1900) 6, sur des monnaies (fig. 378) , sur une fresque campanienne , le trépied delphique est paré de longues bandelettes, suspendues aux anses. Le même insigne reparaît en Grèce sur les trépieds choragiques °, à Rome sur le trépied quindécernviral (fig. 2592)1v. Nous le voyons également figuré sur des tables d'offrande (fig. 446), dans les anses ou autour du col des vases liturgiques (fig. 3335)11, autour de (lambeaux (fig. 2913, 2915)82, de candélabres, de brûleparfums (fig. 7554) , autour de livres sacrés (fig. 446, 1899) Enfin la bandelette intervient dans la consécration des temples, ainsi que nous l'avons vu pour le temple de Jupiter Capitolin à Rome a, et dans la décoration des édifices sacrés, aux jours de fête (fig. 6402). Elle développe ses festons sur les murailles (fig. 7443), sur les portiques ", où le plus souvent elle s'associe à la guir lande ; elle ceint les colonnes de la façade 17 ou s'accroche aux piliers des portes". On y suspend des attributs divins, des ex-voto 19, des couronnes, autour desquelles s'enroulent d'autres vittae (fig. 6380, couronne votive). Même aux clefs des temples on nouait de longues bandelettes de laine (fig. 5989, 5990, 63486350), non seulement en signe de consécration, mais aussi par mesure prophylactique. Les mêmes considérations expliquent le rôle important de la vitta dans les cérémonies magiques 2o Aux vittae sacrae il faut joindre les bandelettes nuptiales et les bandelettes funéraires. C'est sans doute à quelque cérémonie nuptiale que fait allusion une peinture de vase grec, où l'on voit Éros posant une ban delette sur le bras d'une femme voiIée(fig. 7555) La coiffure originale et archaïque de vittae, que portait la femme romaine, le jour de son mariage, correspondait-elle à un rite religieux ? C'est vraisemblable 2. Aux torches nuptiales en bois d'aubépine la mère de l'épousée attachait des bande lettes Au moment où le cortège arrivait à la maison conjugale et avant d'en franchir le seuil, l'épousée encadrait elle-même la porte de rubans de laine 34; en Grèce aussi, la maison de l'époux se parait de rubans et de couronnes Ce rite avait pour but de la mettre sous la protection divine et d'en écarter les mauvais démons 21 C'est une idée magique de même ordre qui détermine, à l'origine, le rite des bandelettes funéraires ('ruv(8 2, VIT VIT vittae ferales 1). La tradition qui consistait à envelopper de bandelettes le cadavre survit dans certaines cérémonies des cultes orientaux les dendrophores de Cybèle et d'Attis, après avoir coupé le pin sacré et avant l'exposition qui précède la mise au tombeau de l'arbredieu, l'entourent de bandelettes de laine pourpre2. En Grèce, on dépose des bandelettes rouges sur le lit du mort, pendant l'exposition 3; on en suspend aux vases qui doivent servir à la cérémonie funèbre et suivre le défunt dans la tombe (fig. 3335)'; on en dépose sur la tombe même et on en ceint la stèle funéraire [FUNEJS, SEPULcnun]. Nombreux sont les vases peints qui représentent l'offrande de la taenia à la stèle (fig. 1123, 11478, 3333, 6322) ou à l'hérôon (fig. 6327) 6, A ces bandes de laine qui servaient au culte des morts, et que renouvelait la piété des vivants, on substituait parfois leur figuration plastique ' ou colorée8; sur une stèle peinte d'Athènes, dont une loutrophore constitue le motif central, sont reproduites quatre larges bandes en rouleaux, sorte de réserve toujours prête en l'honneur du défunt'. Nous retrouvons la bandelette en Étrurie, dans les fresques des tombeaux 10, A. Rome, elle est généralement remplacée par la guirlande et la couronne; cependant elle n'a pas cessé d'être un attribut funéraire. C'est à ce titre qu'elle subsiste entre les mains de la Victoire, quand l'image de cette déesse décore les chambres sépulcrales (fig. 4436) ". La vitta jetée sans art sur la chevelure éparse est une manifestation de grand deuil chez les femmes , qui en font ensuite l'offrande au mort". Dans le relief du tombeau des Haterii, où la morte est figurée sur son lit de parade (fig. 3360), un personnage apporte une guirlande terminée par de longues vittae ; au pied du lit, une villa s'enroule autour d'une torchère ". Un relief funéraire, de l'époque romaine, nous montre le mort tenant des deux mains une large bandelette ; la présence d'Hermès psychopompe semble bien prouver qu'il s'agit d'un insigne de consécration aux dieux infernaux Les bandelettes que l'on croisait parfois sur la poitrine des enfants défunts, dans certaines régions de la Gaule romaine, paraissent avoir également une destination religieuse Enfin le culte des Mânes explique la persistance de la bandelette rituelle sur les monuments funéraires. Virgile dépeint l'autel des Dieux Mânes tout endeuillé de bandelettes d'un bleu violacé, à l'ombre des noirs cyprès Guirlandes et vittae, si souvent associées dans les reliefs des cippes et des sarcophages (fig. 6342, 6381) iS, ne sont pas de simples motifs d'ornementation; en se substituant à un décor périssable de rubans de laine, enguirlandés de fleurs naturelles, elles perpétuaient le souvenir d'un rite funéraire. Jusque dans les catacombes chrétiennes les bandelettes ont continué à jouer leur rôle de symbole mortuaire Comme nous l'avons dit, les traditions religieuses exigent que la t;v(z ou vitta sacrée soit en laine (vitta lanea)20. Sous son aspect le plus fréquent, c'est une longue et étroite bande d'étoffe, généralement unie, quelquefois agrémentée de dessins qui reproduisent surtout des mouchetures, des rayures, des grecques, des rinceaux (fig. 443, 834, 2186, 5941, 5990, 6728, 7070)". Les extrémités tombent droites ou bien s'élargissent et s'arrondissent en forme de palettes (fig. 443, 834, 1123, 6140, 6350, 6380, 6381, 6923, 7557); chaque bout se termine, soit par un rang de franges (fig. 2186, 5941) 22, soit par une longue mèche ou cordelette (fig. 6350, 6385, 6929) , désignée en latin sous le nom de taenia ou plus souvent par deux mèches (fig. 443, 834, 1074, 5941, 6140, 6322, 6923) ou par VIT -95GVIT trois (fig. 182, 1123, 1335, 1478, 482, 4298, 7070) 5, auxquelles sont parfois suspendus des pompons, des houppes ou des glands (fig. 182, 834, 1335, 7554)2. Il n'est pas rare que la bandelette forme une série de noeuds (fig. 6925). Quand elle enveloppe les fils de laine de l'infula, des cordonnets ou rubans l'enserrent de leurs noeuds à intervalles réguliers, la divisant ainsi en bourrelets plus ou moins fuselés (fig. 2915, 4938, 6348, 6750, 7556) 3; sur certains monuments, elle prend l'apparence d'un chapelet (fig. 303, 372, 378. 2913, 4166, 4298, 5058, 5997, 6349)'. A l'origine du noeud rituel, dont ces bandelettes nous offrent un caractéristique exemple,nous retrouvons encore la magie [No temps et partout les noeuds ont passé pour avoir une vertu magique ; dans le monde grec, cette croyance se manifeste dès l'époque de la civilisation minoenne6. La disposition des bandelettes en torsade (vitta torta, tortilis) correspond sans doute à une idée de même ordre t; nous voyons précisément ce type de vitta sur un autel, dans une scène de sacrifice magique ou orgiaque (fig. 6977). Quant âux couleurs rituelles de la bandelette, en Grèce, en Étrurie et à Rome, ce sont par excellence le blanc9, cher aux Olympiens t0, et le rouge-pourpre, plus spécialement réservé au culte des morts et des divinités infernales". Parce que la couleur de la pourpre est celle du sang, principe de vie, elle eut très anciennement un caractère funéraire". Sur les vases peints, les bandelettes destinées au mort et à la stèle sont presque toujours rouges, souvent d'un pourpre violacé 13 quelquefois elles sont noires ; on en voit également de rouges qui se terminent par des effilés ou des cordonnets noirs u Dans les fresques étrusques de Corneto, qui représentent des danses et des jeux funèbres, rouges sont les bandelettes suspendues aux arbres 16. Les vittae caeruleae, dont parlent les poètes latins à propos de sacriFig. 7557. Porteur de banfices et de tombeaux , doivent delettes. être interprétées comme des bandelettes violacées, par conséquent comme des variantes de la villa purpurea tS• Consacrée aux dieux infernaux, la bandelette pourpre convient aux cérémonies magiques 1. La même raison explique son rôle dans les mystères Aussi bien, la pourpre bénéficie-t-elle des vertus purificatrices du sang, dont elle est le sym VIT -957vIV bolet; de même, dans certains rites de purification (xiOxéot), on employait des laines couleur de feu . Aux bandelettes uniformément blanches ou rouges il faut ajouter les combinaisons et alternances des deux couleurs surtout dans les vittac en torsade' ou quand la villa s'unit à l'infula ; ce sont en général des noeuds rouges qui serrent la bandelette blanche pour former les bourrelets que nous avons signalés'. En outre, les peintures de Pompéi nous montrent des bandelettes bleues , jaunes et vertes • Deux statuettes en marbre, dont l'une fut découverte au Pirée (fig. 7557) et dont l'autre appartient au musée de Nevers, représentent un enfant aux épaules surchargées de bandelettes9. S'agit-il d'un adolescent à qui l'on confiait le soin d'apporter et de garder, pendant les concours éphébiques, la collection des bandelettes destinées aux vainqueurs"? Serait-ce un petit marchand ambulant? La bandelette jouait un rôle si considérable dans la vie privée et publique des Grecs qu'elle donnait lieu à un commerce spécial. Dans la comédie attique du ve siècle et dans Démosthène il est question de femmes exerçant cette profession ". Vitta navalis. On désignait en grec sous le nom de ;v(cc;, en latin sous le nom de cittae, les banderoles ou flammes dont s'ornaient les navires : je flamme de la stylis, sorte de pavillon arboré au sommet d'une hampe [STYLIS, NÂVIS, fig. 5272, 5273] ; 2° banderoles hissées le long du mât et servant â indiquer la direction du vent sans doute aussi à faire des signaux (fig. 5290, 5293, 5294) ; 3° pavois de fête. Pour honorer Platon qui venait à Syracuse, Denys le tyran envoie à sa rencontre un vaisseau pavoisé (vittata navis 13). Une peinture de vase grec (fig. 7558) 16 et une mosaïque de Palestrina" peuvent donner une idée de ce décor. Mais quand les Carthaginois expédient une ambassade à Scipion qui fait voile vers Carthage, en 552 = 202, c'est à la façon d'un suppliant que leur navire est paré d'in fulae 16, VITULA, VITULATIO. Vitula qui, dans la langue commune, désigne une génisse, a eu par lui-même et par ses dérivés vitulari et vitulatio, dans le vieux culte romain, une signification religieuse. Macrobe, sur la foi d'un témoignage ancien, nous apprend que Vitula est une divinité qui préside à la joiet; et les poètes de la première période, Naevius, Ennius, Plaute, font de vitulan et de vitulatio des synonymes de laetari avec une nuance de sens religieux; Varron l'explique par le grec °. A. l'origine, en Ombrie, où cette coutume rccelvistv paraît avoir pris naissance, la vitulatio consistait à chasser devant soi un troupeau de veaux qui symbolisait une armée ennemie, à l'immoler ensuite soit comme une promesse, soit comme une célébration de victoire . C'est ainsi que Vitula personnifiée devint elle-même une divinité de la Victoire [vIcToRIA] ; par corruption elle se changea plus tard en Vitellia ou Vitelia, flous l'influence de la gens de ce nom, dont Suétone rattache les origines à Faunus et à Vitellia, divinités sabines transplantées à Home . La plus ancienne célébration de la vitulatio est à chercher dans la fête Poplifugia ou des Nones Caprotines, en l'honneur de Junon fjuxo, p. 685; POPLIFUGIA, p. 579].